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Congrès
national de Belgique
Séance du
mardi 5 juillet 1831
Sommaire
1) Communications des pièces
adressées au congrès (notamment pétitions relatives aux préliminaires de paix (P. Claes, Lebeau, d’Elhoungne, A. Gendebien, de Rouillé)
2) Préliminaires de paix
(les dix-huit articles) (Lebeau, de Schiervel, de Woelmont, Rosseeuw, de Foere, Davignon, de Rodes, A. Gendebien)
(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles,
Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 3)
(page 450)
(Présidence de M. Raikem, premier, vice-président)
La séance est ouverte à midi. (P. V.)
M. Liedts, secrétaire,
donne lecture du procès-verbal ; il est adopté. (P. V.)
COMMUNICATION DE PIECES ADRESSEES AU CONGRES
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, présente
l'analyse des pétitions suivantes :
Des habitants de Louvain demandent le rejet des propositions
de la conférence de Londres.
Plusieurs habitants de Liége font la même demande. (M..B., 7
juill., et P. V.)
- Ces pièces sont renvoyées à la
commission des pétitions. (P. V.)
M. Claes (de Louvain) – Hier il avait été décidé
qu'il serait fait un rapport sur les pétitions relatives aux préliminaires. Je
voudrais savoir si la commission est, prête à faire son rapport, car enfin il
faut bien que ce rapport soit fait avant la décision. (M. B., 7 juill.)
M. le président – Le
procès-verbal ne porte pas que cette décision ait été prise. (J. B., 7
juill.)
M. Lebeau, ministre des affaires
étrangères – Messieurs, je dois réclamer dans l'intérêt du droit de
pétition, le rapport de celles qui ont été présentées sur l'objet en
discussion. Hier cela avait été décidé : cette décision était tout à fait
rationnelle ; et dans cette circonstance, elle sera un hommage solennel rendu
au droit de pétition. Je demande donc, non pas qu'on prenne une décision à cet
égard, mais que l'on exécute celle qui a été prise hier. (M. B., 7 juill.)
M. d’Elhoungne, tout en
appuyant M. Lebeau dans ce sens qu'il désire le rapport demandé, fait remarquer
que l'assemblée n'avait pas pris hier la décision dont on parle, et que la
seule condition mise aux voix était celle de savoir si la proposition de M. de
Nef serait adoptée. (M. B., 7 juill.)
M.
Alexandre Gendebien – La demande d'un rapport
fut faite, par l'honorable M. Claes en termes généraux, et elle fut adoptée
sans réclamation ; j'insiste donc pour que le rapport soit fait. (M. B., 7 juill.)
M. de Rouillé – Effectivement,
je crois qu'une décision a été prise, mais la commission
des pétitions nommée tout récemment n'est pas encore constituée ; je sais que
j'en fais partie, mais je ne connais pas ceux qui en font partie avec
moi : leurs noms n'ont été ni proclamés, ni affichés dans la salle des
conférences. (M. B., 7 juill.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire – Je vais
chercher la liste. (M. B., 7 juill.)
M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Un honorable
collègue m'a signalé plusieurs fautes d'impression qui se trouvent dans les
exemplaires des préliminaires qui ont été distribués. Ainsi, dans le dernier
alinéa de l'article 8, il faut lire l’article 5 au lieu de 3. Dans l'article 18
il faut lire au lieu de : les articles réciproquement adoptés ; ces
articles, etc. (M. B., 7 juill.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit la
liste des membres de la commission des pétitions. Au nom de M. Claes (de Louvain), qui en fait partie, éclate une hilarité générale. (M. B., 7
juill.)
M. Claes (de Louvain), riant lui-même – Je l'ignorais.
Nous nous réunirons, et le rapport sera fait demain. (M. B., 7 juill.)
M.
de Robaulx, questeur – Par suite d'une résolution
que j'ai provoquée, le bureau a décidé que les cartes distribuées pour les
tribunes réservées seraient sans valeur pour demain, et
remplacées par d'autres de couleur bleue. Celles que j'ai dû accorder à des
administrations seront revêtues d'une nouvelle marque. Messieurs les députés
sont priés de mettre leurs noms sur les cartes qu'ils distribuent. (M. B., 7
juill.)
(page
451) L’ordre du jour est la suite de la discussion sur les propositions de la
conférence de Londres, sur la question préalable demandée par M. de Robaulx, et
sur les propositions de MM. le baron Beyts et Van de Weyer. (P.V)
M. le président – M. Lebeau a la parole. (Profond silence) (M.B., 7 juill.)
M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Messieurs, dans une discussion si
grave et si solennelle, j'ai besoin de vaincre une grande répugnance pour
n'entrer en matière qu'après avoir dit quelques mots qui me sont personnels.
Lorsque j'ai été interpellé par un membre de cette assemblée d'exprimer mon
opinion sur l'existence du ministère, dans son rapport avec la combinaison dont
il est l'auteur, j'ai dit que je connaissais mes devoirs, que je saurais les
remplir, et que je ne resterais pas au ministère après le rejet de la
combinaison. Si je n'ai pas alors expliqué toute ma pensée, c'est parce qu'à
une question de vie publique, se trouvait liée une question de vie privée.
Quant à la première, j'ai dit que je me retirerais, et je me suis arrêté là.
Mais il me semble qu'aujourd'hui j'ai besoin d'aller plus loin. On a cru
que, si la combinaison réussissait, je devais, par un argument a contrario, rester
nécessairement ministre. C'est une erreur. Messieurs, je suis convaincu que je
peux, comme ministre et comme député, soutenir les propositions de la
conférence ; mais je n'en suis pas moins en droit, après trois mois de travaux
et après avoir vu des hommes honorables dans les rangs desquels je me fais
honneur d'avoir combattu, parmi lesquels je comptais des amis ; je suis en
droit, dis-je, de gémir en pensant que ces hommes ont pu croire que je faisais
de l'affaire du pays l'affaire d'un homme. Je suis donc décidé, qu'il y ait
acceptation ou non des préliminaires, à quitter le ministère. Je suis en droit,
après avoir pendant trois mois compromis ma sûreté personnelle, après avoir vu
la santé des miens altérée par ce qui m'était personnel ; je suis en droit
d'aspirer au repos. Je me retirerai donc ; mais ce n'est point par faiblesse.
L'homme qui n'a tremblé ni devant les menaces de pillage, ni devant les menaces
anonymes qu'on lui a plusieurs fois adressées, n'est pas un lâche. Je
soutiendrai la combinaison jusqu'au bout, parce que j'y attache le bonheur de
mon pays, mais j'ai le droit, quelle qu'en soit l'issue, de songer enfin à moi,
et de conserver sur les bancs de député la place qui peut flatter le plus
l'ambition d'un homme d'honneur. (Assentiment.)
Messieurs,
au milieu de quelques expressions peu parlementaires, j'ai entendu prononcer le
mot de lâcheté. Voici comment je définis ce mot, comme député. La lâcheté,
comme député, consiste à n'oser dire tout ce qu'on veut, à dire ce qu'on ne
veut pas. La lâcheté, comme député, consiste à chercher ailleurs que dans sa
conscience les motifs de son vote ; la lâcheté, pour un député, est enfin de se
taire, de ne pas exprimer hautement son opinion sur une combinaison, quand on
la croit nécessaire au pays ; et si on n'a pas le courage de dire, quand en
vient l'occasion, tout ce qu'on croit favorable à l'intérêt de ses commettants
on doit refuser leur mandat.
Messieurs,
des hommes qui s'étaient trompés en fait et en droit, n'ont pas hésité à
rétracter ce qu'ils avaient avancé d'erroné. Je ferai comme eux. Dans une des
dernières séances, j'ai dit que l'acceptation des préliminaires pourrait amener
une modification à
Messieurs,
comme ministre, si j'avais à proposer des changements à
Messieurs,
mon honorable ami et collègue M. Devaux vous a très bien prouvé que les
propositions diffèrent essentiellement des protocoles. Je n'hésite pas à le
dire devant la nation, il n'y a plus de protocoles. Lorsque vous avez protesté
contre le protocole du 20 janvier, vous avez protesté, non pas précisément,
contre le fond même, mais contre le droit d'intervention que s'arrogeaient les
puissances. Vous n'avez pas protesté contre un mot inoffensif par lui-même, car
comme l'a très bien dit M. Charles de Brouckere, protocole veut dire
procès-verbal, et ce n'est pas contre le mot que vous avez protesté. Eh bien
pour tout homme de bonne foi, je le dis en face de l'Europe, il n'y a plus de
protocoles, il n'y a que des propositions de conférence, soumises à la
délibération de l'assemblée. M. Devaux vous a prouvé qu'il y a une différence
entre les propositions et les protocoles, quant au Luxembourg et quant à la
dette ; non que pour moi les protocoles eussent contenu, quant à la dette,
autre chose que des propositions ; mais telle n'était pas l'opinion de
plusieurs honorables membres, et entre autres de M. Forgeur. Il nous disait, il
y a quelque temps : « Vous aurez le Luxembourg de moins, et la dette de plus. »
Eh bien je lui demande : d'après les termes des préliminaires, tiendra-t-il
encore le même langage ? Peut-il penser qu'il reste encore le moindre doute à
l'égard de la dette ?
On
vous a parlé d'un point sur lequel il y a encore une importance différente : Il
y avait dans les protocoles intervention même pour les échanges. Eh bien pour
les échanges, la conférence s'est encore effacée complètement. Souvenez-vous de
ce que disait M. de Brouckere : ce qui l'effrayait le plus, c'était de
soumettre les échanges à l'arbitrage de la conférence. Il ajoutait : « On veut
arriver à la contigüité des territoires, et dès qu'on y sera parvenu on
établira une ligne de Venloo jusqu'à Maestricht, qui étouffera votre commerce
en vous fermant toute communication avec l'Allemagne ». Ce point a complètement
disparu, et, même, si nous voulions maintenir le statu quo, la
communication avec l'Allemagne est possible. Examinez la carte, et voyez si
vous n'avez pas de moyens de communications ailleurs que par Venloo ? Non,
Messieurs, que dans mon opinion nous soyons jamais obligés d'abandonner Venloo
car j'espère bien que cette ville nous restera par les négociations. Maintenant
que cet argument a été repoussé, force a bien été de tenir un autre langage, et
M. de Brouckere a eu recours à des sarcasmes contre le projet d'une route en
fer. Mais au lieu de sarcasmes, je voudrais bien qu'il fut venir nous dire
comment il ne serait pas possible de faire chez nous avec succès ce qu'on a
fait en Angleterre, alors que je puis, par un rapport dû à des personnes de
l'art, qui ont examiné les choses avec maturité, qui en ont calculé les moyens
et les dépenses, prouver qu'un chemin de fer est praticable, et qu'il serait
même préférable à un canal. En hiver un canal est souvent impraticable, une
route ne l'est presque jamais. Je n'en dirai davantage sur ce point et l'on me
pardonnera bien, dans une question si grave, de ne pas opposer d'autres raisons
à des épigrammes.
Mais
si vous acceptez, vous, congrès national, qui avez protesté énergiquement
contre les prétentions de la conférence, vous allez renier tous vos actes !
Vous allez renier tous vos actes ! Je dirai qu'une assemblée souveraine n'est
pas plus infaillible qu'un homme, et si vous vous êtes trompés vous ne devez
pas soutenir votre erreur. Mais je peux prouver, pièces en mains, que vous ne
reniez aucun de vos actes. Dans la protestation contre le protocole du 20
janvier, avons-nous proclamé le principe d'insurrection comme le fondement de
nos droits ? Non, nous avons dit que nous réclamions la possession de la rive
gauche de l'Escaut, le grand duché du Luxembourg, le Limbourg non point par
un système de conquête et d'agrandissement, mais en vertu du droit
de postliminie ou par suite de cessions. Le droit d'insurrection
n'a été invoqué que d'une manière secondaire ; voyez votre protestation du 1er
février : jamais vous n'avez pris pour base de vos droits le principe
d'insurrection. Mais il est prouvé que vous n'avez la rive gauche de l'Escaut,
ni par droit d'insurrection, car ses habitants ne se sont pas insurgés avec
vous ; ni par droit de postliminie, ni par droit de cession ; car on a
beau dire que ce pays a été donné à
« Il
n'abdiquera dans aucun cas, en faveur des cabinets étrangers, l'exercice de la
souveraineté que la nation belge lui a confiée ; il ne se soumettra jamais à
une décision qui détruirait l'intégrité du territoire et mutilerait la
représentation nationale ; il réclamera toujours de la part des puissances
étrangères la maintien du principe de la non-intervention. »
Il
ne se soumettra jamais à une décision. Comment faut-il entendre cette phrase ? Cela veut dire que le
congrès ne se soumettra jamais à une décision quelconque d'un pouvoir étranger.
Mais a-t-on voulu dire qu'on ne se soumettrait pas à la décision rendue par
l'autorité légale et compétente ? Non, et je le dirai sans hésiter, parce que
je le crois vrai ; je le dirai sans pallier les mots : Le congrès national
aurait le droit de mutiler la représentation nationale. Et comment soutenir le
contraire ? Et quoi ! si par suite de circonstances que je ne prévois pas, vous
jugiez à propos de faire à une puissance voisine la cession d'un district vous
n'en auriez pas le droit parce que ce serait mutiler la représentation
nationale ? Mais auriez-vous par là déshonoré la nation ? Non sans doute, car
vous n'auriez fait qu'user d'un droit que vous vous êtes réservé dans la
constitution. Je le dis comme vous : Non, le congrès ne se soumettra pas à la
décision d'un pouvoir étranger ; mais la nation se soumettra aux décrets rendus
par la représentation ; il n'y a que des factieux qui pourraient tenir un autre
langage.
(L’orateur, qui avait cru entendre un sifflet
partir de la tribune publique, s’interrompt et prie M. le président de réprimer cet acte
outrageant pour le congrès.) (M. B., 7 juill.)
M. le président – Je n’ai rien entendu. Je crois que
vous vous trompez. Si j’avais entendu le moindre bruit, je l’aurais réprimé à
l’instant. (M. B., 7 juill.)
M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Messieurs, de ce que nous sommes sans
droit sur les territoires contestés, s'ensuit-il que nous soyons sans devoirs
envers les habitants de ces territoires ? Non, Messieurs, et c'est ici que je
m'associe au langage généreux des honorables députés du Limbourg. Les paroles
si nobles et si éloquentes de MM. Jaminé et de Brouckere ont retenti dans mon
âme aussi fort que dans celle de qui que ce soit ; mais, je le dis à regret, ce
n'est point par le sentiment que l'on doit juger les questions qui nous
occupent. Et supposez que le gouvernement provisoire, cédant a un entraînement
bien pardonnable dans l'enthousiasme du succès, eût accepté les offres des
députés du Brabant septentrional ; supposez que le Brabant septentrional,
cédant aux excitations du gouvernement provisoire, se fût soulevé et se fût
associé à notre cause, pensez-vous que nous aurions quelques droits sur cette
province ? Pas un seul, mais nous aurions des devoirs, et ces devoirs les voici
: il faudrait, dans les négociations, offrir tous les sacrifices possibles pour
garder ces territoires, mais aller jusqu'à la guerre, c'est à quoi je ne
consentirais jamais. Donner aux habitants de ces territoires l'indigénat, leur
donner les moyens de changer, non pas de patrie comme on l'a dit, mais de
résidence : voilà quels seraient les devoirs que nous aurions à remplir. Rester
en deçà, ce serait manquer à l'honneur. Les députés du Limbourg insistent
cependant ; mais s'ils défendent le Limbourg avec zèle, ils paraissent
méconnaître pour cette province tout ce qu'ils doivent au reste du pays. Il ne
faut pas l'oublier cependant, comme l'a très bien dit (page 453) M. Jottrand dans l'avant-dernière séance, nous ne sommes
pas députés d'une seule province, mais de
Messieurs,
on a généralement pensé que l'acceptation des préliminaires entraînerait pour
conséquence, d'après l'article
Enfin,
messieurs, et en résultat extrême, afin de me placer momentanément sur le
terrain de l'opposition, si nous étions condamnés à perdre quelques parcelles
de notre territoire, nous offririons aux habitants qui voudraient venir parmi nous
des indemnités et l'indigénat, et sous ce rapport je suis étonné de l'accueil
qui a été fait à la proposition de l'honorable M. de Sécus. Messieurs, je suis
député de Huy. Huy est ma ville natale, je reparaîtrai bientôt sans doute
devant les électeurs qui m'ont envoyé au congrès. Eh bien, si Huy se trouvait
dans la position de Venloo, s'il fallait que Huy fût sacrifié, je n'hésiterais
pas à dire : « Que
La
patrie des Venloonais n'est pas toute dans Venloo. Quand ils ont fait la
révolution, ils l'ont faite dans le but de régénérer
Vous
compromettez, nous dit-on, en les rejetant sous le joug, les populations de ces
territoires ; vous les exposerez aux réactions et aux vengeances. Messieurs,
outre que je vois dans tous les pays les opinions politiques se fractionner de
manière à ce que jamais tous les habitants ne soient compromis, je vois encore
cette classe pauvre, de laquelle j'espère que nous pourrons bientôt améliorer
le sort ; je vois, dis-je, cette classe pauvre, qui par l'ignorance où on
l'a laissée végéter échappe toujours aux réactions politiques. S'il est
quelques sommités compromises, et si quelques lieues leur suffisent pour
trouver une patrie, croyez vous quelles ne s'empresseront pas de les faire ?
Pensez-vous que les hommes qui redouteraient de retomber sous la main du roi
Guillaume, s'écrient : Périsse plutôt
Ce qui
m'étonne, messieurs, quand les députés du Limbourg ont dit des choses si
touchantes sur l'abandon de Venloo, c'est qu'ils n'aient pas dit un mot de
Maestricht ; cependant la ville de Maestricht souffre depuis longtemps tous les
maux d'une oppression dont peut-être un jour il nous sera permis de tirer
vengeance. Eh bien, messieurs, il dépend de nous de délivrer ses habitants,
d'obtenir le libre passage et la libre navigation de
Si
vous repoussez les propositions, vous n'aurez pas Venloo. En effet, les
propositions écartées, vous retomberez dans les termes de l'armistice signé par
nous et par
J'arrive
à la question du Luxembourg, et je rappellerai ici l'éloquente péroraison d'un
de nos collègues de Liège. Il me souvient que dans la discussion sur l'élection
du prince de Saxe-Cobourg, l'honorable M. Forgeur, nous disait : Vous n'aurez
pas le Luxembourg et vous aurez la dette. L'honorable orateur a mal prophétisé
pour la dette : ce n'est pas un moyen d'accréditer l'autre partie de sa
prophétie. Et moi ; je dis aujourd'hui : vous aurez le Luxembourg et vous
n'aurez pas la dette. Vous voulez faire la guerre ?
Mais
pourquoi le voulez-vous ? Pour conquérir le Luxembourg, mais vous l'avez, moins
la forteresse, que vous ne devez pas occuper. S'il y a quelqu'un de mal placé
dans le Luxembourg, certes ce n'est pas
Mais,
a-t-on dit, il pourra le céder ; même sans nous consulter. Le céder ? mais il
dépasserait ses pouvoirs par une telle cession : n'accepte-t-il pas la
constitution ? Ne jure-t-il pas de l'observer sans restriction ? L'article 1er
de
Je
vous le demande en effet : le prince voudrait-il nous apporter en dot la perte
du Luxembourg ? voudrait-il venir se placer ici sur un volcan ? Mais on vous
représente le prince comme dépourvu d'ambition, comme aussi sage que prudent :
vous savez qu'il a refusé le trône des Hellènes précisément parce qu'on voulait
démembrer le royaume, et vous pouvez croire qu'il pourrait seulement venir dans
sa pensée de céder le Luxembourg au roi de Hollande ! mais songez donc que
trois des cinq puissances signataires des préliminaires font partie de la
confédération germanique. Ce sont
Mais
dit-on, le roi Guillaume n’acceptera pas. D'après le caractère bien connu de ce
prince et ses antécédents depuis quinze ans, j'avoue que je suis assez de cette
opinion. Oui, je crois qu'il n'acceptera pas et qu'il ne voudra jamais céder le
Luxembourg. Mais alors il faut qu'il fasse la guerre ; or qu'il y vienne, les
Etats-généraux ne lui donneront pas une obole pour conquérir le Luxembourg. La
confédération germanique le soutiendra encore moins : et à cet égard je vous
citerai ce que disait avec ingénuité un journal allemand a ce sujet : Nous,
faire la guerre pour conquérir le Luxembourg au profit du roi Guillaume
! mais mieux vaudrait le lui acheter pour le donner à
Mais
pourquoi le prince n'a-t-il pas accepté la couronne purement et simplement ? Je
vous le dirai, messieurs, et vous verrez combien est honorable et généreuse la
pensée du prince, il a dit : « Si j'arrive en Belgique sans que les bases du
territoire soient posées, ne pourriez-vous pas dire un jour : Il est venu
prendre possession du trône, il a jeté son sceptre dans la balance des
négociations ; sans lui elles nous eussent été plus favorables. Aujourd'hui, au
contraire, vous êtes libres ; négociez, pesez mûrement vos droits, délibérez ;
je vous aiderai. Je lie ma cause à celle de tous mes concitoyens, et si, malgré
tous mes efforts, vous êtes obligés de céder quelques parcelles de votre
territoire, on ne pourra pas du moins en accuser votre roi. » Voilà, messieurs,
les sentiments honorables qui guident le prince. Je le déclare, depuis trois
mois que je suis au ministère, il ne s’est pas passé un seul jour que je n'aie
écrit à Londres ou à Paris, et quarante-huit heures encore avant le départ de
nos commissaires, j'insistais pour obtenir l'acceptation pure et simple du
prince. Mais il m'a été impossible de l'obtenir, comme il me l'est de ne pas
apprécier les motifs honorables qui l'ont empêché de se rendre à mes vœux.
Nous
avons donc une garantie pour le Luxembourg, dans la parole du prince. N'oubliez
pas que nous n'avons pas affaire à un prince qui mendie par des pétitions
l'honneur d'obtenir une couronne. Le prince a une existence brillante à
Londres. Uni par des liens étroits à la famille régnante, ayant la régence de
J'ai
entendu avec quelque surprise l'opinion de quelques députés du Limbourg, qui
pensent que si les préliminaires sont acceptés, leur devoir est de se retirer.
Ils me permettront de leur dire, et je n'attaque pas ici leurs intentions, que
leur opinion est erronée. On vous a dit que nos actes seraient frappés
d'illégalité par ce seul fait, et frappés d'illégalité dans leur origine et
dans leur essence. (page 458) Mais
si cela était vrai, il serait donc impossible de modifier nos limites et nous
paralyserions ainsi de nos propres mains la prérogative que nous avons
attribuée au pouvoir législatif dans
J'ai
pensé, messieurs, que quand il s'agissait d'une discussion d'où dépendait le
sort du pays, un député ne devait laisser rien en arrière, et je dirai en
conséquence un mot de la neutralité qui a été jusqu'ici mal expliquée, et
quelle est l'idée qui a présidé aux dispositions qui constituent notre
neutralité. Les puissances savent que
M. Van
Meenen, pour vous expliquer ce que c'était que la neutralité, vous a dit ; «
Figurez-vous un homme qui se laisse battre sans pouvoir se défendre. » Ah,
messieurs, si mon pays était condamné à tant d'humiliation, je n'aurais pas
demandé que vous acceptassiez des préliminaires qui vous réserveraient un tel
affront. Non, messieurs, on ne pourra ni nous insulter ni nous battre sans que
nous ayons le droit de nous défendre.
Nous
avons le droit de repousser l'agression, nous n'avons pas le .droit de faire
des conquêtes. On insulte notre pavillon, nous avons le droit de forcer nos
ennemis à le respecter. On parle d'inondation des polders que nous n'aurions
pas le droit de réprimer. Les inondations seraient considérées comme une
attaque, nous aurions le droit de la repousser par tous les moyens et d'attaquer
à notre tour, car quand l'attaque vient à la suite de l'agression, tous les
publicistes la considèrent comme un acte de défense.
Je
parlerai maintenant des enclaves dans un tout autre ordre d'idées. Pourquoi
nous donne-t-on des enclaves ? pourquoi nous donne-t-on des territoires qui ne
sont pas à nous ? On nous donné Marienbourg, Philippeville, les cantons enfin :
on ne nous donne pas seulement ce qui formait les Pays-Bas autrichiens, car on
pouvait nous dire : Vous n'aurez pas la principauté de Liège, et Liège arborera
le drapeau de son évêque ? Pourquoi nous fait-on tous ces avantages ? parce que
l'Angleterre veut que
Je
dois le dire, ce n'est pas par pure affection pour
Il est
des choses que je ne peux pas dire ici, mais le prince de Saxe-Cobourg professe
une haute estime pour
On
vous a parlé, messieurs, d'un peuple, qui a fait aussi sa révolution, et qui la
sanctionne tous les jours par des combats qui font l'admiration du monde
entier. Voyez ce qu'on pense en Allemagne de ce peuple héroïque. Entendez les
comitats de Hongrie dire à leur souverain : Relevez-vous d'une apathie
déshonorante, sauvez les Polonais qui nous ont autrefois sauvés de l'invasion
des barbares. Voilà ce qu'on dit en Allemagne. Et nous, messieurs, qui pouvons
tout pour
On a
parlé aussi des intérêts matériels ; je vous demande pardon, messieurs, de
l'inconvenance de cette transition ; vous qui invoquez les intérêts matériels,
oubliez-vous que, de l'adhésion aux préliminaires, résulte de la part des
puissances la consécration du décret d'exclusion des Nassau, et qu'elle les met
dans l'impossibilité de vous ruiner par le fardeau de la dette hollandaise ? Eh
quoi ! par votre signature vous vous débarrassez d'une dette annuelle de 25
millions de francs ; et vous parlez d'intérêts matériels ! et vous arrêtez
notre main quand elle est prête à recevoir du roi de Hollande la quittance de
la dette ! Vous pouvez être délivrés de la dette et avoir la paix, la
paix, messieurs, qui vous permettra de dégrever bientôt le budget de la guerre
de vingt-cinq millions de francs, ce budget devant lequel vous reculerez
d'épouvante : voilà des intérêts matériels ; vous allégez le peuple, dont je
crois très bien défendre ici les intérêts, vous allégez ses charges de 50 pour
cent.
Un
souverain, dit-on, nous apporte-t-il à la main un traité de commerce ? Si je ne
m'abuse, un prince n'obtiendra de traité de commerce que s'il est reconnu ;
rejetez les préliminaires et cherchez ensuite un roi parmi les princes de
l'Europe ; pas un seul ne sera reconnu ; nos envoyés pour obtenir des traités
de commerce ne seront même pas reçus par les cinq puissances. Pour réussir en
pareille matière, il faut un prince ami et allié des princes voisins. Voilà ce
qui vous vaudra des traités de commerce.
Le
commerce est indestructible de sa nature ; il est plein de vie, et, déjà, entre
Liège et
Enfin,
messieurs, on a été jusqu'à dire que, si les préliminaires sont acceptés, le
vénérable régent qui nous gouverne, cet homme respectable dont à l'étranger les
Belges s'honorent d'être les compatriotes, livrerait à l'instant, par sa
retraite, le pays à l'anarchie. Je ne dirai pas que l'assertion est fausse,
mais qu'elle est erronée. Notre vénérable régent restera au pouvoir jusqu'à
l'arrivée d'un prince. Incessamment vous verrez de lui une proclamation qu'il a
crue devoir publier pour démentir les bruits qu'on avait répandus sur sa
retraite en cas d'acceptation. (L’ouvrage d’E. HUYTTENS reprend en note de bas de page cette
proclamation, portée le 5 juillet 1831. Elle n’est pas reprise dans la présente
version numérisée.)
Pour
dernier argument on nous dit : Les masses sont contre vous. Les masses sont
contre nous ! Nous le savons, messieurs, ont a fait des appels aux masses. Oui,
j'en ai la preuve en main ; mais les agitateurs on fait de vains efforts. Les
masses, à ces coupables tentatives, ont opposé leur force d'inertie. Oui, on a
fait des appels aux masses ; nous connaissons les auteurs de ces appels, mais
nous nous tairons puisque leurs tentatives ont été vaines. Les masses sont
contre nous ! Mais un membre du ministère, qui s'est associé à notre
combinaison, a été élu hier député de Liège au congrès national, à une majorité
de deux tiers des voix. Non, messieurs, les masses ne sont pas contre nous,
j'en ai pour garant leur intérêt et leur bon sens. Elles savent que sans notre
combinaison nous aurons en partage la dette, l'ignominie, et l'extinction du
nom belge. Voilà des vérités que savent les masses et qui entrent dans les
chaumières comme dans les châteaux.
Messieurs,
naguère, lorsque nous soutenions la candidature du duc de Leuchtenberg et que
nous combattions celle du duc de Nemours, que nous estimions funeste à
- A
peine l'orateur a-t-il prononcé les derniers mots d’une improvisation qui a
duré deux heures et demie, que des bravos et des applaudissements nombreux et
répétés partent de la tribune et de tous les points de la salle. Un grand
nombre de députés quittent leurs places et vont féliciter l’orateur. On
remarque même parmi eux des membres de l'opposition, entre autres MM. Henri de
Brouckere (page 461) et Camille de Smet. M. Claes (de Louvain) est tellement ému que des larmes coulent de ses
yeux avec abondance. M. Lebeau est en quelque sorte obligé de se dérober aux
embrassements et aux félicitations de ses collègues. Il sort de la salle suivi
par plusieurs députés. Presque tous
les membres ont quitté leurs places. M. le président fait de vains efforts pour
reprendre la séance ; elle est suspendue par ce fait pendant près d'une
demi-heure.) (M. B., 7 juill.)
M. de Schiervel – Habitant du
Limbourg, je dois aux électeurs de l'arrondissement de Ruremonde l'honneur
d'avoir pris place dans cette assemblée ; j'en ai reçu mission de coopérer à
leur bien-être ; je me suis acquitté jusqu’ici consciencieusement de mon mandat
envers eux, comme envers
Il y aurait de ma part, messieurs, dans une pareille conduite la
plus indigne défection ; j'imprimerais sur mon front une tache ineffaçable si,
lorsque après avoir, il y a peu de jours encore, par suite des fonctions
que j'exerce dans l'arrondissement de Ruremonde, pressé les
habitants à s’organiser, à s'armer pour repousser l'agression étrangère et
défendre l'intégrité du territoire belge tel que l'a défini notre loi
fondamentale, si je sanctionnais aujourd'hui par un vote approbatif
un arrangement dont ils seraient d'autant plus victimes, qu'ils ont donné plus
de preuves de leur attachement à la cause belge. Dans d'autres circonstances, messieurs,
ce serait pour moi un devoir bien doux à remplir de
les énumérer, ces preuves ; j'obéis aujourd'hui à celui de les taire, dans
la crainte de nuire à mes concitoyens si je mettais tout leur patriotisme
au grand jour. Non, messieurs, pour aucune considération, je ne me déciderai à immoler un
seul Belge à la vengeance hollandaise. Jugez, messieurs, si, dans ma position, je puis admettre les
propositions qui nous sont soumises. Ni moi non plus, messieurs, je ne
veux pas que mes concitoyens puissent me dire un jour : Vous étiez du
congrès, vous nous avez abandonnés ! (M. B., 7 juill.)
M. le baron de Woelmont – Combien est pénible, messieurs,
la position d'un député jaloux de l'honneur de son pays, et qui ne trouve pour le
tirer de la crise où l'ont placé les événements politiques,
d'autre alternative que de sanctionner les arrangements définitifs posés par
des puissances que nous avons prises comme médiatrices, quelque rudes que
puissent en être les conditions, ou bien, de voir régner l'anarchie la plus
complète dans un État où nous demandons et le calme et la paix !
Telle est, messieurs, la position réelle des députés qui siègent
au congrès ; il ne leur reste plus qu'à choisir.
Non ! me suis-je écrié à la première vue des arrêts de la
conférence, je ne céderai rien de ce que m'a donné la révolution, en secouant
un joug épouvantable. Puis, je me suis demandé : Que deviendra
Messieurs, je suis accablé d'une pareille idée.
Député du Limbourg, je dois à ma province d'employer tous
mes efforts pour son plus grand bonheur ; mais aussi député de tout mon pays,
je dois, si la nécessité m'y force, tenter tout ce qui n'est pas incompatible
avec l'honneur, pour sauver ma patrie de l'anarchie où elle est prête à tomber.
Jamais on n'obtiendrait de moi la moindre concession si, par
une chance quelconque, la guerre générale me faisait entrevoir la possibilité
d'obtenir pour ma province tout ce qu'elle réclame. Messieurs, cette chance
m'est inconnue.
La guerre ne peut que nous être funeste ; n'étant pas en
force pour la faire seuls contre une partie de l'Europe, nous devrons appeler
les Français à notre aide. Leur drapeau, bientôt, au lieu du nôtre, flotterait
sur nos tours, et qui peut nous garantir que, dans cette conflagration
universelle, nos trois couleurs ne s'éclipsent pour toujours ?
Quel bouleversement cette guerre ne mettrait-elle pas dans
Et moi aussi, ma famille a des biens dans ces enclaves du
Limbourg qu'on nous conteste ; moi aussi j'ai un frère qui a toutes ses
propriétés dans : ces communes : mais viendrai-je pour cela apitoyer tout un
congrès sur ma misère ? non, messieurs, quand l'État réclame, le propriétaire
se tait ; il paye alors sa dette à la patrie, et cherche en s'oubliant lui-même
à lui procurer le plus de prospérité possible.
Imposons-nous, messieurs, des sacrifices ; abandonnons les
enclaves que nous possédons chez nos ennemis, pour conserver celles qu'ils
réclament de nous, et si les compensations ne pouvaient s'établir en tous
points (ce qui est bien loin de nous être prouvé), que l'État vienne encore
d'une autre manière témoigner combien nous tenons à ne pas abandonner nos
compatriotes.
Une proposition que nous avons présentée vous a fait
connaître, messieurs, ce que l'honneur vous obligerait alors de sanctionner.
Quelque blâme qu'on ait voulu déverser sur cette proposition, messieurs, elle
n'en est pas moins toute patriotique ; jamais elle ne fut faite pour engager,
comme on a voulu le faire croire, à abandonner de nos frères contre une vile
somme d'or ; non, messieurs, les noms seuls des signataires, leurs antécédents,
vous en sont, je pense, une suffisante garantie. Son but est d'offrir une
assurance certaine à tout homme qui a pris part à notre révolution de ne se
voir jamais, malgré lui, remis sous la domination de l'ex-roi Guillaume, s'il
arrivait que par les échanges nous ne pussions pas obtenir l'absolue
intégralité de nos limites ; mais loin de nous d'entendre par là préjuger cette
importante question.
Il n'y a que de la justice, messieurs, et rien de plus, à
offrir une telle garantie et protection à des hommes, qui, dans ce moment
encore, en gardes civiques mobilisées, se mettent sur les rangs pour défendre
la cause générale de
Belges, vos députés doivent-ils livrer aux chances des
combats ces riches moissons qui mûrissent dans vos champs, cette terre fécondée
par vos travaux et vos sueurs ? Je ne le pense pas. Que d'autres que moi osent
assumer une telle responsabilité ; plus tard peut-être ne pourrions-nous plus
former un royaume de Belgique, si nous laissons échapper l'occasion qui nous
est offerte.
En nous constituant, nous rendons, vous le savez, messieurs,
le plus éminent service à l'héroïque nation polonaise. Leurs députés ne cessent de nous
demander de clore notre révolution, en formant un État libre, et dont le droit
d'insurrection soit enfin reconnu, dans l'espérance de faciliter ainsi pour eux
la possibilité d'obtenir par la suite un état semblable.
Quelque peine que j'éprouve à ne pas trouver des
expressions plus formelles en notre faveur, dans les
dix-huit articles qui nous sont présentés par la
conférence, j'ose me confier assez dans l'honneur de notre futur souverain pour croire
que, par son influence ou sa force, il saura dissiper nos craintes à cet
égard.
J'adopterai donc les bases qu'on nous propose ;
agir ainsi, religieusement et d'après ma conscience intime, n'est pas, je
pense, trahir ni mon mandat ni les intérêts de mes commettants, quoi qu’en ait pu
dire un honorable collègue, mais bien offrir tout ce que je puis pour conserver
une indépendance, une nationalité, et obtenir enfin un roi qui soit
vraiment le nôtre.
L'industriel alors pouvant rouvrir ses ateliers et nourrir
ses ouvriers, le laboureur reprendre sa charrue au lieu du fusil de guerre,
et fermer enfin sa bourse où nous puisons depuis longtemps
sans lui procurer une existence plus heureuse, je ne craindrai
pas non plus de les entendre me rappeler que j'ai siégé dans cette enceinte,
car j’y aurai fait mon devoir. (M. B., suppl. 9 juill.)
M. Rosseeuw – Dans une
circonstance aussi solennelle, où il s'agit du sort et de l'avenir
entier de la patrie, c'est plus qu'une convenance, c’est un devoir à
mon avis de faire connaître à la nation les motifs du vote que je vais avoir
l'honneur d'émettre. Un fait mémorable s'est accompli la quinzième année du
règne de Guillaume ; après qu'il eut violé les libertés individuelles et
publiques,
(page 463) Nous
sommes à dix mois de cette époque si grande en
illustration, et jusqu'à ce jour nous sommes encore à nous débattre avec les
négociations, qui, loin d'être à leur fin, se multiplient et se compliquent davantage.
En mon particulier, j'ai examiné avec toute l'attention dont je suis
capable ces pièces trop connues en Belgique sous le nom protocoles, et
d'autres termes préliminaires d'un traité de paix : j'y vois et, lisez-les
attentivement, vous y verrez de même une mutilation de notre représentation, un
morcellement de notre territoire contraire à l'article 1er de notre
constitution : attentat à notre indépendance, atteintes à l'honneur national et aux
prérogatives royales consacrées à l’article 68 de notre loi fondamentale ;
atteintes, messieurs, contre lesquelles nous ne pouvons protester assez hautement,
aujourd'hui surtout q que l’Europe
entière est en travail de son émancipation ; que le principe de
non-intervention, il faut le croire, ne sera plus un leurre, une duperie, mais
une réalité : dans mon âme et conviction, j'y vois une transgression manifeste
des principes d'éternelle justice qui ne permettent pas qu'on s'immisce
injustement dans les affaires d'autrui par des vues intéressées, par
spéculation.
D’ailleurs, à la vue de ces pièces, en présence des procès-verbaux
de la conférence, qu'est-ce donc que le principe de juste et légitime
insurrection, qu'est-ce que le droit de se constituer, si
Nous avons eu le droit de fouler aux pieds les traités, de
nous insurger, de nous constituer, et alors nos frères l'ont eu comme nous ; ou
bien nos frères sont des rebelles que l'on peut replacer sous le joug qu'ils
ont secoué, et alors nous sommes des rebelles aussi bien qu'eux : il n'y a pas
de milieu, les abandonner lâchement c'est prononcer notre condamnation.
J’aurais pris à tâche de démontrer plus particulièrement les griefs
de l'ultimatum dont s'agit. Je l’aurais discuté article par article, mais au
point où se trouve la discussion, je croirais abuser de l’indulgence de
l’assemblée, puisque je ne pourrais que reproduire les argumentations de mes
honorables collègues, qui l'ont si solidement réprouvé et flétri.
Je n’ai plus qu'un mot à dire, c'est que le moyen de nous sauver
aujourd'hui, c'est de sortir du provisoire, ce provisoire qui tend toujours à négocier avec
des parties avec lesquelles nous n'avons rien de commencé ; il faut sortir de
là à tout prix honorable ; la nation est rendue de lassitude, travaillée de
besoin, elle réclame une main forte et énergique qui conduise la révolution à
sa fin : ainsi donc cessez de négocier avec la conférence ; vous ne pouvez y
voir qu'un piège tendu à votre bonne foi, un piège qui doit inévitablement vous
perdre ; notifiez votre dernière volonté à
Souvenez-vous bien que dans une situation aussi critique on
ne s'arrête pas, on avance ou on recule ; vous reculez essentiellement si vous
continuez à ne regarder dans la conférence qu'une médiation officieuse, vous
reculez si vous croyez à sa bonne foi ; par ses temporisations, elle vous
mènera à la guerre civile, à l'extinction de tout esprit de liberté et à leur
conséquence, la restauration. Enfin c'est prendre le change que de croire
qu'alors que la conférence vous propose des préliminaires de paix, elle ne vous
intime pas des ordres, et des ordres dont, sans la fermentation européenne,
elle eût déjà puni la transgression et le mépris.
Après ces considérations vitales pour nous, vous iriez jeter
un voile sur la constitution, vous iriez mendier le sceau de la légitimité à
Les actes de la conférence acceptés deviendront un ferment de
discorde ; on reconnaîtra dans votre adhésion l'énorme préjudice à notre
commerce, nos frontières dégarnies, puisque du côté de l'Escaut une surface
d'une vingtaine de lieues ne serait protégée ni par des rivières, ni par des
forts ; nos ennemis inonderaient les Flandres à discrétion ; que deviendrait
alors le droit de prévention ? Votre adhésion, messieurs, porterait
condamnation des principes de la révolution qui, naguère encore, vous faisaient
à l'unanimité rejeter une garnison étrangère à Maestricht ; on y reconnaîtrait
que vous sacrifiez la révolution de Pologne, en tant qu'elle vous concerne,
puisque vous la condamneriez à se soumettre aux interventions avant-coureurs de
la mort des libertés.
Ainsi donc, je dois à ma conscience de ne pas souffrir la violation
du territoire, dont nous avons (page 464)
juré l'intégrité et qui nous est actuellement garantie par l'article 84 de
notre charte constitutionnelle, notre plus beau monument ; je me dois de ne pas
souffrir le lâche abandon de nos frères, non plus que la révolution belge soit
traînée à la remorque de
Je voterai pour la question préalable et contre les préliminaires.
(C., supp, 9 juill.)
M.
l’abbé de Foere – J'avais demandé la parole pour
motiver mon vote approbatif des dix-huit articles. Mais après le chef-d'œuvre
de raisonnement, d'éloquence et de convenance parlementaire que M. Lebeau vient
de nous exposer, il ne me reste plus rien à dire. (M. B.,
supp. 7 juill.)
M. Davignon
– Je ne suis pas partisan de la guerre : j'en redoute le terrible fléau ;
je consentirai, pour la détourner de mon pays, à tous les sacrifices qui ne
compromettront ni son honneur, ni l'existence matérielle de sa population ;
mais, tout en désirant de l'éviter pour le présent, je dois m'abstenir aussi
d'en poser les éléments pour l'avenir. N'est-il pas temps qu'il prenne pour
nous, pour notre belle patrie, un aspect moins sombre.
Animé de ces sentiments, je donnerai un vote négatif aux
préliminaires que deux de nos collègues ont cru ne pas devoir hésiter de
présenter à l'acceptation du congrès national ; en déclarant cependant que par
là je n'entends pas repousser une nouvelle et dernière négociation qui
amènerait sous un court délai un arrangement moins opposé à nos véritables
intérêts.
Je n'entreprendrai pas d'argumenter sur les questions
lumineusement discutées du Limbourg, du Luxembourg, de la rive gauche de
l'Escaut. Il n'y a rien à ajouter à ce qu'en ont dit plusieurs de nos
honorables collègues. Je craindrais d'affaiblir l'effet produit, non par des
phrases vagues et sonores, mais par la fidèle exposition de faits patents et notoires.
Je me bornerai, messieurs, pour motiver mon vote, à vous
présenter fort succinctement quelques considérations générales puisées dans des
motifs qui me paraissent avoir échappé à l'attention de plusieurs de nos
habiles orateurs, ou qui n'en ont été que bien légèrement effleurés. Et en
effet, messieurs, vous ne pouvez avoir l'intention de mettre tellement en oubli
ce qui touche aux intérêts matériels, que pour faire croire que, satisfaits sur
d'autres points, vous seriez disposés à les laisser au hasard.
Permettez-moi donc, messieurs, d'abandonner la question
politique, pour vous dire quelques mots de nos intérêts commerciaux, en
tant qu’ils sont compromis par les propositions.
Il me paraît, messieurs, que pour nous lier les mains et nous
rendre en tous sens inoffensifs, on voudrait nous placer dans un isolement
complet, dans une espèce d'ilotisme, dont la seule idée fait peine, et que
l'amour-propre de l'homme qui se respecte, et qui tient à l'honneur de son
pays, ne supporte pas.
L'état de resserrement et de perpétuelle neutralité peut être
applicable à un peuple ayant peu de besoins, et dont l'agriculture serait
l'unique ressource ; mais il ne peut jamais convenir à un pays à
la nombreuse population duquel le commerce et l'industrie surtout fournissent
le plus généralement les moyens d'existence. Mieux vaudrait, à mon avis, si
nous étions réduits à cette extrémité, courir la chance, dont je crois le
succès impossible, de l'extinction du nom belge, dont on nous a
gratuitement menacés, que de nous constituer volontairement dans l'état de nullité
qu’on veut nous imposer, et pour cause.
Est-ce donc bien exister comme nation que de
n'avoir le droit ni de la paix, ni de la guerre, ni des
alliances ? Et si dans cette situation politique, nous ne
pouvons de notre seul mouvement être utiles à personne, si nous ne
pouvons faire un pas sans avoir au préalable consulté des tuteurs,
qui certes ne seront pas désintéressés, sans avoir obtenu leur adhésion à nos
démarches, à quelles faveurs pourrions-nous donc prétendre de la part de ceux
de nos voisins dont, par besoin, par sentiment de conservation, nous devons
convoiter l'alliance ?
On le sait, messieurs, nous produisons beaucoup au delà de
nos besoins ; force est donc d’exporter, et d'exporter beaucoup, si nous ne
voulons voir réduite à la plus profonde misère, ou à l’émigration, une grande
partie de la classe ouvrière, qui déjà est si souffrante. Cependant, les choses
en sont au point maintenant que, de quelque côté que nous nous tournions, nous
trouvons nos produits repoussés, soit par des prohibitions absolues, soit par des
droits qui en sont presque l'équivalent. Et si, pour sortir de cette pénible
position, nous trouvons moyen de faire avec l'un ou l'autre (page 465) Etats qui nous
avoisinent, un traité d'alliance et de commerce, basé sur des
avantages réciproques, et dont seraient exclus ceux qui n'entreraient pas dans ce système, ne
viendrait-on pas en paralyser, en détruire même les effets, sous le prétexte
spécieux que nous aurions fait un acte attentatoire à notre état de
perpétuelle neutralité ?
Si nous nous adressons à
Ce seraient, me direz. vous, des prétentions iniques,
révoltantes ; telles doivent être pourtant, ce me semble, les conséquences
naturelles, les suites projetées peut-être du traité proposé. Que si même on
les ne pousse pas jusque-là, on pourra du moins se servir de l'argument de
cette neutralité pour entraver la marche trop rapide d'un peuple, qui toujours
fit preuve d'une énergie, d’un activité et d'un caractère entreprenant peu
communs.
L’industrie belge, qui jadis avait à peine pris rang, a trop
fait connaître son importance au gré d’un étroit égoïsme ; peut-être
l'exposition de Bruxelles de l'année dernière a-t- elle trop prouvé
d'accroissement et de richesse en produits industriels et manufacturiers. Ceux
qui toujours se décidèrent aux plus grands sacrifices, plutôt que de supporter une
concurrence en fait de commerce ; ceux qui profitant de nos fautes, ont pu
exploite à notre exclusion les marchés où auparavant ils nous rencontrèrent,
n'ont pu méconnaître combien il serait avantageux pour eux si on pouvait prolonger,
si on parvenait à perpétuer notre état actuel de nullité commerciale.
Soyons donc sur nos gardes, soyons défiants, messieurs ; craignons,
en donnant les mains à la funeste combinaison que tendent à établir les
préliminaires, de faire réaliser ce qu'a laissé échapper, m’assure-t-on, un
personnage dont la position élevée en diplomatie ne permet pas de laisser
tomber les expressions : qu'avant six
mois il n'y aurait plus d'industrie en Belgique !
Messieurs, si tel devait être le résultat de la révolution,
j'en appelle à votre patriotisme, et je vous demande ce qu'en
dirait le peuple, qui a cru y trouver son bien-être, et qui l'attend encore
avec un calme et une longanimité exemplaires.
Il est au-dessus de mes forces d'en faire une définition exacte, et je
ne puis concevoir la singulière indépendance d'un petit État forcé à rester
neutre, dont les principales communications par rivières ou canaux seraient au
pouvoir de ceux qui possèdent trop bien la science de traîner les négociations,
qui auraient trop d'intérêt à les éterniser, pour oser risquer d'en faire
dépendre l'issue de leur bonne volonté.
Vous le savez mieux que moi, messieurs, le sort du commerce
de presque toutes nos provinces y est trop directement intéressé : Anvers, les
deux Flandres, le Hainaut même, et plus particulièrement la province de Liége,
ainsi que le Limbourg pour toute sa partie entre Maestricht et Venloo.
Je considère comme superflu, inopportun même, d'entrer dans
de plus amples détails sous ce rapport. Ce serait vous fatiguer inutilement
dans une discussion déjà si prolongée.
J'ai cru, messieurs, devoir vous signaler les dangers, et il
y en a bien d'autres encore, d'être constitués en État perpétuellement neutre.
Voilà comme j'entends cette combinaison toute nouvelle. Si je me trompe, je
suis de bonne foi.
Du reste, messieurs, qu'on ne se fasse pas illusion, c'est
beaucoup sans doute que la diminution de la dette ; je m'en réjouis, je m'en
félicite pour le pays en général ; mais quelque grand que soit cet avantage,
qui déjà était conquis, il ne peut faire sur le commerce et l'industrie l'effet
qu'un honorable préopinant veut lui attribuer : il faut autre chose que je
signalerai en temps ; il faut surtout que d'autres causes ne viennent pas
paralyser leurs opérations. L'histoire de notre existence dans un temps peu
éloigné de nous en fait foi.
La générosité doit être le plus loyal apanage de ceux qui
sont fort puissants ; ils ne peuvent craindre qu'on la qualifie d'acte de
faiblesse. Or, si, comme il a été dit dans plus d'une circonstance par de
puissants médiateurs,
Nous voulons être libres de nos actions, nous ne réclamons
que les limites fixées par les derniers traités pour les deux grandes divisions
du ci-devant royaume des Pays-Bas, dont la séparation est un fait consommé.
C'est le vrai, le seul moyen peut-être, d'assurer une manière
stable la faveur et l'attachement populaires au prince que le congrès, pour
répondre au vœu des puissances, a appelé au trône de cette même Belgique.
(page 466) Dans
cet état de choses, je ne puis que dire, messieurs : J'ai aidé à faire la
constitution, j'en ai voté l'adoption, j'ai cru faire œuvre durable, et tel
était mon mandat. Je ne peux contribuer, dès les premiers moments de
l'existence de cet édifice fondamental, je ne peux contribuer, dis-je, à en
détacher une seule pierre et à en saper les fondements. J'ai dit. (M. B.,
supp., 7 juill.)
M. Constantin
Rodenbach, M. le baron de Sécus (père) et M. Le Bègue, appelés
successivement, renoncent à la parole. (M. B., supp., 7 juill.)
M. le marquis de Rodes – Messieurs,
je ne m'étais pas fait inscrire sur la liste des orateurs, parce que ce n'est
pas à moi à me lancer dans l'arène ; je viens seulement motiver mon vote, en
loyal député.
Le peuple belge a conquis lui-même ses libertés dans les
journées de septembre, tant à Bruxelles qu'à Walhem, à Berchem, et
successivement dans toutes les villes de
Les mandataires de la nation, réunis en congrès depuis le
mois de novembre, ont quitté leurs foyers, leurs familles, leur existence, pour
travailler ici sans relâche, à faire la constitution, adaptée aux principes de
la révolution.
Le peuple a fait des sacrifices de tout genre, pour aider le
gouvernement à organiser toutes les branches de l'administration publique, et
créer une armée nouvelle. Et quand tout est fait, qu'il n'y a plus qu'à recueillir
les fruits, sous l'égide de la paix, irions-nous, messieurs, risquer de tout
perdre, comme cela eut lieu dans la première révolution brabançonne, par le
refus, fait d'enthousiasme, de la médiation des puissances, et, moins
heureux que nos pères, voir replonger peut-être notre belle patrie dans un
abîme de maux ?
Napoléon, en 1815, refusa l'empire français avec les limites
du Rhin et de
Que Venloo ne soit pas pour nous un autre Hambourg avec ses
conséquences, et rien ne me conste moins que la perte sans retour de Venloo.
Messieurs, les députés de cette héroïque Pologne, à laquelle
nous devons d'exister encore, par la digue qu'elle a opposée au colosse du
Nord, ces députés (et j'insiste tout exprès là-dessus) ont fait imprimer, même
dans nos journaux, sans crainte d'être désavoués, que
Député de
Appelé par les suffrages d'une ville éminemment
industrielle, c'est nommer la ville de Gand, je dois dire que le commerce et
l'industrie y perdent immensément depuis la révolution belge ; ils ne peuvent
se relever que par la paix. Une guerre nouvelle les achèverait, les
engloutirait.
Et du peuple, messieurs, dont on parle si souvent, et
auquel, avec raison, on prend tant d’intérêt, qu'en dirai-je ? Il faut pour
lui surtout la paix et la tranquillité. Et de suite, après l’acceptation de
notre souverain, tous les travaux publics en stagnation reprendraient, tant dans nos villes que nos
campagnes, sur toutes les routes et canaux. Le crédit et la confiance, rendus à
l’industrie, feraient mouvoir des milliers de bras ; l’aisance
renaîtrait et ferait place à une profonde misère. Ce
que je dis, messieurs, du peuple belge en général, s'adresse particulièrement
au peuple de Bruxelles, où la paix ramènerait de suite ces nombreux étrangers
qui se plaisent dans cette magnifique résidence.
Je ne dirai plus qu'un mot de ces grandes phrases sonores
répétées si souvent à cette tribune, (page
467) et qui s'adressent à l'imagination, aux passions. Souvenez-vous,
messieurs, qu'il ya à peine deux ans, qu'un souverain, dans son propre pays, a
voulu flétrir l'opposition constitutionnelle qui voulait les
libertés du peuple. Guillaume Ier, à Liége, la nomma infâme. Qu'en
est-il résulté ? Beaucoup de mes honorables collègues, qui faisaient, comme
moi, partie de cette opposition, et dont plusieurs ont, dans ce moment, une
opinion diamétralement opposée à la mienne, se glorifièrent du titre
d'infâme, comme, dans le XVIe siècle, les confédérés se glorifièrent du
titre de gueux, épithète dont on les avait gratifiés devant
Marguerite de Parme. Le temps, messieurs, fait justice de ces
déclamations, que je ne redoute nullement.
Le peuple belge veut se consolider, il désire voir arriver au
plus vite le nouveau souverain qu’il a élu par l'organe de ses mandataires.
J'ai entendu dire hier, dans cette enceinte, que
Si les Français sont maîtres chez eux, il faut que les
Polonais et les Belges le soient chez eux. Le peuple français a choisi son
souverain, les Polonais éliront le leur, et nous, nous avons élu le
nôtre. Il foulerait aux pieds ses principes de liberté et son
indépendance, s'il attentait à la liberté et à l'indépendance des autres
peuples. Mais les nouvelles chambres ! dit-on. Et si elles sont composées,
comme il le paraît fondé, de propriétaires et surtout d'industriels, je le
demande, peuvent-elles vouloir la guerre, qui serait la ruine de la propriété
matérielle de
Je conclus. J'adopte les préliminaires de paix, parce que je
ne veux ni restauration, ni réunion, ni anarchie ; parce que je vote ainsi
l'indépendance, la nationalité belge, et sa place dans la grande famille
européenne avec l'assentiment de toute l'Europe. Je suis Belge, je veux rester
Belge. (M. B., et J. F., supp., 9 juill.)
M.
Alexandre Gendebien – Je ne vous rappellerai pas,
messieurs, par quelles manœuvres on a amené, il y a cinq
semaines, la majorité du congrès à proposer et à consommer l'élection
du prince de Saxe-Cobourg : on vous a trompé alors ; on veut encore vous
tromper aujourd'hui.
Je vous disais, il y a cinq semaines, que la seule question à discuter
était de savoir si vous acceptiez ou si vous rejetiez les
protocoles. La marche et l'esprit de la conférence, ses actes et ses
communications officielles et officieuses, tout devait être, pour les moins
clairvoyants, une démonstration complète de la nécessité de s'expliquer
nettement et avec fermeté, sans tergiversations, ni perdre de temps sur
l'acceptation ou le rejet des protocoles.
Je vous disais, il y a cinq semaines, qu'à l'expiration du
nouveau délai réclamé par le ministère des affaires étrangères, nous n'en
serions pas plus avancés ; qu'il faudrait alors en revenir à la question :
Subirez-vous, ou ne subirez-vous pas les protocoles.
Eh bien, messieurs, ma prédiction ne s'est malheureusement
que trop réalisée ; il suffit, pour s'en convaincre, de lire les dix-huit
articles proposés à votre sanction, même seulement les deux premiers.
Les articles sont évidemment inacceptables ; je pense même
que le congrès ne peut entrer en délibération sur leur acceptation sans
violer ouvertement la constitution, sans se mettre en contradiction avec
lui-même, sans méconnaître ses actes les plus solennels, les plus honorables.
L'article 1er de la constitution n'est pas seulement
constitutif de notre contrat d'union et d'association, mais il est encore
déclaratif d'un fait préexistant au congrès, d'un fait qui n'est pas son
ouvrage et qu'il n'est pas en son pouvoir de détruire, d'un fait qu'il ne peut
modifier sans renier la révolution, dont il a reçu son mandat, sans renier,
sans détruire la révolution, dont il n'est que la conséquence.
Les provinces méridionales se sont levées en masse, et, par
un mouvement unanime et spontané, elles ont acquis et proclamé leur
indépendance, combattant toutes ensemble et l'une pour l'autre ; il s'est
établi, entre elles, une confraternité, une solidarité que vous n'aviez pas
reçu mandat de détruire, mais que vous avez été au contraire appelés à
constater et à cimenter par un contrat d'union désormais indissoluble. Tout
puissants pour établir les règles, les droits et devoirs de l'association, vous
êtes impuissants pour la détruire. Le mandataire ne peut jamais modifier son
mandat, il doit s'y conformer ou y renoncer. Si vous croyez que le salut du
peuple que vous représentez exige une modification de votre mandat,
adressez-vous à lui, demandez-lui de nouveaux pouvoirs ; mais aussi longtemps
que vous n'aurez pas reçu ces nouveaux pouvoirs, vous devez vous abstenir ;
tout ce que vous feriez serait frappé de nullité radicale.
L'article 80 de la constitution n'est que la (page 468) conséquence, le corollaire de
l'article 1er : Le roi ne pourra, dit cet article, prendre possession du trône
qu'après avoir juré de maintenir l'indépendance nationale et l'intégrité du
territoire. C'est une garantie que vous avez jugé nécessaire d'établir pour
mieux assurer l'exécution du pacte d'association consacré par l'article 1er de
la constitution. Vous violez cet article 80, en adoptant les dix-huit articles
du nouveau protocole présenté sous la forme de préliminaires de paix ; vous
violez votre droit d'élection, où vous avez formellement reproduit l'obligation
imposée au roi futur par l'article 80 de la constitution ; vous violez votre
décret du 3 juin, par lequel vous avez pris l'engagement constitutionnel et
solennel de ne jamais souffrir garnison étrangère à Maestricht. Vous déchirez
honteusement votre protestation du 1er février contre le protocole du 20
janvier ; vous déchirez la plus belle page de votre histoire parlementaire. Ah
! messieurs, songez que vous faites de l'histoire, dans ce moment solennel ;
réfléchissez-y bien, car vous ne pourrez échapper à la flétrissure d'un
jugement que vos contemporains et la postérité porteront avec d'autant plus de
sévérité qu'il sera plus facile de le motiver.
En effet, messieurs, il suffira de comparer le protocole
flétrissant du 20 janvier aux dix-huit articles du dernier protocole, pour se
convaincre qu'il n'y a aucun changement. Tous les journaux, et plus
particulièrement l'Émancipation, ont fait cette comparaison ; je
m'abstiendrai donc de ce travail. Les deux premiers articles suffisent pour le
démontrer, puisqu'ils nous imposent arbitrairement, pour règle de notre
séparation, le traité de 1790, comme le faisait le protocole du 20 janvier. Ils
nous imposent ce traité pour tout ce qu'il a de favorable à notre ennemi, et
ils y dérogent pour le Luxembourg, qui devrait nous appartenir au même titre.
De quel droit, messieurs,
Vous avez, dit-on, le droit de délibérer sur ces dix-huit
articles, ils ne vous sont donc pas imposés.
Mais cette délibération n'est qu'un leurre, elle n'est que
nominale, puisque vous êtes officiellement avertis que vous ne pouvez les
modifier ; vous devez les adopter dans leur ensemble ou les rejeter. Un seul
article rejeté ou modifié fait considérer, de plein droit, la proposition tout entière comme non
avenue, et vous retombez alors dans le protocole du 20 janvier, dont les dix-huit
articles ne sont qu'une copie presque littérale en tous points.
Si vous adoptez les dix-huit articles, ils deviennent de
plein droit traité définitif ; et qu'on ne dise pas qu'ils ne sont que des préliminaires
qui n'engagent à rien définitivement, car l'article 18 exprime
nettement qu'il suffit d'une adoption réciproque pour qu'ils soient convertis en traite définitif.
Rapprochant cette disposition du protocole de la même date (26 juin), vous serez
convaincus
qu'il
s'agit aujourd'hui d'adopter ou de rejeter un traité qui vous liera
irrévocablement.
Vous ne pouvez adopter ce traité sans violer à la fois les
articles 1er et 80 de la constitution, puisqu'en y souscrivant vous
reconnaissez que le Luxembourg, la rive gauche de l'Escaut, une grande
partie de la province du Limbourg, Maestricht et Venloo, ne vous ont jamais
appartenu
et n'ont jamais cessé d'appartenir au roi Guillaume, au tyran que
ces braves et généreuses populations nous ont si puissamment aidés à chasser de notre
territoire. Songez bien, messieurs, qu'en signant ce
traité déshonorant qu'on veut vous imposer sans admettre aucune
modification, vous proclamez rebelle au roi Guillaume, une
population de quatre à cinq cent mille âmes, et vous les livrez par
le même acte à sa vengeance... Livrerez-vous de sang-froid à des bourreaux
inexorables,
des
Belges, des frères qui ont combattu pour vous, qui vous ont donné un mandat,
non pour les assassiner, mais pour les défendre ? Ah ! messieurs, songez que
la révolution s'est faite sans crimes, qu'elle est pure jusqu'à ce jour ;
gardez-vous de la terminer par un fratricide !
Abandonner Venloo ! que je consente à une pareille
lâcheté ! non, messieurs, plutôt mourir aujourd'hui pour eux, que de
déshonorer mon pays et flétrir la révolution, en violant la
constitution dans ce qu'elle a de plus sacré, en déchirant
vos décrets, qui sont nos plus beaux titres à la reconnaissance de la nation et
à l'admiration des peuples.
Songez donc, messieurs, que les braves habitants de Venloo
nous ont ouvert leurs portes, qu'ils ont répondu à l'appel du gouvernement provisoire,
qu'ils défendent une position militaire importante pour nous et menaçante
pour nos ennemis.
C'est moi, messieurs, qui me suis mis en rapport avec
eux ; c'est moi qui leur ai donne des instructions pour combiner les moyens de les
(page 469) délivrer d'un joug
ignoble et en faire des défenseurs de plus pour mon pays : et je consentirais
aujourd’hui à payer leur dévouement, leur confiance dans la loyauté belge, par
la plus infâme des trahisons ? Ah ! messieurs, plutôt me laisser arracher
la vie que de consentir à un lâche fratricide !
Céder Venloo, messieurs ! Ah ! souvenez-vous du concert
unanime de réprobation et d'exécration qui a retenti en Angleterre et dans
toute l'Europe, contre le gouvernement anglais qui a eu la lâcheté d’abandonner
Parga. Abandonner Venloo ! ce conseil est digne du cabinet anglais ; il espère,
en nous associant à sa perfidie, nous rendre solidaires du même crime
politique, afin d'alléger le fardeau de réprobation qui pèse sur lui pour le
lâche abandon de Parga.
Mais, vous ont dit MM. Lebeau et Devaux, l'évacuation de
Venloo n'est pas une nécessité et ne sera pas immédiate, les enclaves que nous
possédons en Hollande suffiront pour faire un échange.
Où est la preuve que nous possédons des enclaves dans le
royaume de Hollande ? depuis huit jours nous la demandons en vain ; le
ministère reste muet, et un des commissaires s'est borné à faire une simple
énonciation, et encore d'une manière dubitative pour la partie la plus
considérable.
Si nous parvenons à établir des preuves, croyez-vous que
Eh bien, messieurs, à moins que vous ne signiez ces
préliminaires avec l'arrière- pensée de ne pas les exécuter. à moins que vous
ne dérogiez à la loyauté, à la bonne foi belges, ce que je ne souffrirai
jamais, il faudra bien évacuer Venloo aussitôt que
Abandonner Venloo ! non, messieurs, jamais ! le souvenir de
Parga m'est un sûr garant que vous n'y consentirez pas plus que moi.
Les questions d'Etat ne doivent pas être traitées avec
enthousiasme ; mais avec calme, vous ont dit les ministres Lebeau, Devaux et
plusieurs orateurs. L'enthousiasme commence les révolutions, l'homme d'État les
achève.
Oui, messieurs, il faut du calme pour clore une révolution ;
mais si ce calme doit aller jusqu'aux froids calculs de l'égoïsme, si ce calme
pouvait aller jusqu'à conseiller le perfide abandon de nos frères, un
fratricide ! oh ! messieurs, plutôt mille fois l'enthousiasme d'une conscience
alarmée, d'un cœur ulcéré, d'un esprit irrité ! Pour moi, messieurs, qui n'ai
pas la prétention d'être un homme d'État, j'aime mieux, dans cette grave
circonstance, ne consulter que mon cœur et ma conscience ; je serai plus sûr de
remplir mon mandat que je tiens du peuple, car jamais il ne consentirait, s'il
était consulté, au plus lâche des fratricides.
Dans une question toute d'honneur et de conscience, on a trop
prodigué les prétentions à la qualité d'homme d'État. Ah ! messieurs, cette
discussion m'a convaincu qu'ils sont rares partout. La première qualité de
l'homme d'État, surtout en révolution, c'est cette fermeté de caractère, de
volonté et de persévérance, cette énergie toujours croissante avec les
événements : elles seules peuvent engendrer le calme ; sans elles, le calme
n'est plus que timidité, faiblesse, et souvent lâcheté.
Ah ! si vous voulez vous montrer hommes d'Etat, cessez
d'intimider le peuple par de paniques terreurs ; craignez qu'un jour il ne
réponde mal à l'appel que vous ferez à son énergie que vous aurez imprudemment
énervée.
Les ministres nous demandent ce que nous ferons après avoir
rejeté les dix-huit articles
; ils nous demandent quel est notre système, et il nous reprochent de n'en
présenter aucun, si ce n'est la guerre.
Est-ce bien à nous, messieurs, à proposer un système ?
sommes-nous dans la position d'improviser un système à la première
interpellation des (page 470) ministres,
nous qui ignorons les actes et les relations de la diplomatie ? Vous le savez,
messieurs, depuis trois mois, on fait de la diplomatie en Belgique comme on
conspire ailleurs. Les ministres, qui étaient si exigeants envers le comité
diplomatique alors qu'ils n'étaient que députés, les ministres qui prétendaient
avoir connaissance immédiate, même des correspondances purement
confidentielles, les ministres qui prétendaient alors que la diplomatie belge
devait marcher à découvert, alors même que les négociations n'étaient que
commencées, ne nous ont rien communiqué depuis trois mois et se sont refusés à
nous faire un rapport sur notre situation diplomatique, malgré les vives
interpellations de tous ceux à qui ils demandent aujourd'hui un système
complet.
Déjà notre honorable collègue M. Van Meenen vous a proposé
une marche toute naturelle ; et pour moi, messieurs, je ne vois aucun
inconvénient à laisser les choses dans l'état où elles sont, à négocier
directement avec le roi de Hollande, mais à la condition de faire tous les
préparatifs pour soutenir par les armes nos négociations et pour conquérir
enfin, par une voie honorable, ce que vous n'obtiendrez pas par les voies
honteuses et dégradantes qu'on vous propose.
D'ailleurs, pourquoi ne nommerions-nous pas pour un terme de
cinq ou dix ans, et même à vie, notre honorable concitoyen M. de Surlet régent
de
La guerre, vous dit-on, c'est la destruction d'Anvers, de
.Maestricht, le ravage de nos champs. Les mêmes hommes qui nous reprochent de
parler à vos cœurs plutôt qu'à votre raison, s'efforcent d'effrayer votre
imagination par un tableau hideux et sanglant des malheurs de la guerre.
Les réclamations des députés de Maestricht et d'Anvers vous
ont-elles arrêtés lorsque vous avez prononcé l'exclusion des Nassau ? Ayez le
courage de notifier, ainsi que je l'ai déjà demandé plusieurs fois, de notifier
à Chassé qu'à la première bombe lancée sur Anvers, contre le droit de la
guerre, vous prenez, au nom de la nation, l'engagement
d'user de représailles sur nos ennemis : ils sont plus vulnérables que
nous. Annoncez à la garnison de la citadelle d'Anvers que si elle agit
contre les lois de la guerre, elle sera passée au fil de l'épée ;
certes, messieurs, ce serait agir contre toutes les lois de la guerre, de
tirer sur Anvers, à moins que d'Anvers même on tirât sur la citadelle. Il y
a dans la garnison de la citadelle des hommes d'honneur qui ne souffriront
pas d'aussi barbares infractions au droit de la nation. Ils ne
consentiront pas à s'ensevelir sous des ruines, ou à périr honteusement,
pour expier un crime affreux dont ils repousseront avec énergie la
complicité.
Mais qui, dans cette enceinte, a fait entendre les premiers
cris de guerre, il y a plus de trois mois. Ce sont ces mêmes ministres qui,
oubliant aujourd'hui qu'ils sont les ministres d'un peuple brave et belliqueux,
viennent vous proposer un indigne traité, et pour alternative des terreurs
paniques et de lâches appréhensions capables d'énerver le courage de tout autre
peuple que celui que nous avons l'honneur de représenter. L'armée,
pas plus que les hommes de septembre, ne redoute la guerre ;tous la désirent et la demandent comme le seul
moyen de terminer honorablement notre glorieuse révolution ; et
vous le savez si bien, vous ministres aujourd'hui tout pacifiques, que pour donner
quelque popularité à votre ministère, vous avez, dès votre début,
provoqué des applaudissements populaires par des cris de guerre. Vous
souvenez-vous avec quel enthousiasme la nation a répondu à votre appel ?
C'est alors qu'en hommes d'État vous deviez mesurer la portée de vos provocations
à la guerre, alors que nous n'étions pas organisés comme nous avons pu le faire
depuis trois mois et demi. Sommes-nous donc dégénérés depuis trois
mois,
avons-nous perdu des batailles ? Non, messieurs, nous avons achevé notre
organisation ; notre armée, notre garde civique et nos nombreux volontaires
sont pleins de confiance et d'ardeur.
Quel est donc le motif de ce changement de langage ?
Ah ! messieurs, on ne voulait que gagner du temps pour
réaliser enfin une de ces nombreuses combinaisons auxquelles on a
successivement cherché à attacher son nom et son existence ; on croit avoir
réussi par de timides négociations ; on veut aujourd'hui consommer l'œuvre quand
même ; une des conditions du chef-d'œuvre ministériel, c'est la neutralité
: partant, plus de cris de guerre, plus de combats ; mais des tableaux
effrayants de (page 471) massacres
et de dévastations, des paroles timides sur les résultats douteux de la guerre.
J’avais raison de dire, il y a cinq semaines, qu’on vous trompait ;
on vous trompe encore aujourd’hui.
- L’heure avancée
force l’orateur à interrompre son discours. A la demande de l'assemblée, il
remet la continuation de son improvisation à la séance suivante. (M. B., supp., 7 et 9 juill.)
La séance est levée à cinq heures. (P. V.)