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Congrès
national de Belgique
Séance du
vendredi 8 juillet 1831
Sommaire
1) Communications des pièces
adressées au congrès
2) Préliminaires de paix (Van Snick, H. de Brouckere, F. de Mérode, Lebeau, H. de Brouckere, Ch. de Brouckere, Lebeau, Duval de Beaulieu, de Foere, Forgeur, Jacobs, Destriveaux, Destouvelles, d’Oreye)
3) Vérification des pouvoirs
d’un membre (élections contestées de de Sauvage) (de Robiano, Beyts, Forgeur, Raikem, de Robaulx, Forgeur, Le Grelle, A. Gendebien)
(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles,
Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 3)
(page 517)
(Présidence de M. Raikem, premier, vice-président)
La
séance est ouverte à onze heures. (P. V.)
Un des secrétaires donne lecture du procès-verbal ; il
est adopté. (P. V.)
COMMUNICATION DE PIECES ADRESSEES AU CONGRES
M. Liedts, secrétaire, présente l'analyse des pétitions
suivantes :
MM. Clercquefosse
et Delwarte, à Tournay, protestent contre les propositions de la conférence de
Londres.
M.
Benoït Leman, intéressé dans les extractions de charbons du Hainaut, demande le
retrait du décret du congrès du 29 juin dernier.
M.
Dewitte, saunier à Waereghem, présente des observations concernant la loi sur
le sel. (M. B., 10 juill., et P. V.)
- Ces
pièces sont renvoyées à la commission des pétitions. (P. V.)
M.
Deshayes, receveur de l'enregistrement et es domaines à Ospen , demande des
lettres de naturalisation. (P. V.)
L'ordre
du jour est la suite de la discussion sur les préliminaires de la conférence de
Londres, sur la question préalable demandée par M. de Robaulx sur les
propositions de MM. le baron Beyts et Van de Weyer. (P. V.)
M. Van Snick – Messieurs, je
ne me suis pas dissimulé les attaques et les sarcasmes momentanés auxquels
m'exposait l'initiative que j'ai cru devoir (page 518) prendre dans la
séance du 1er de ce mois ; mais je l'ai déjà dit : ni la crainte des attaques,
ni la crainte des sarcasmes ne pouvaient m'arrêter ; ma conviction avait parlé,
toutes les considérations s'étaient tues à sa voix... Dès lors, je me fusse
imputé à crime à moi-même mon silence et mon inaction, « Quoi ! me serais-je
dit éternellement, une mesure te paraissait la seule propre à sauver ta patrie,
à épargner le sang humain prêt à couler par torrent ; la crainte de la perte
éventuelle d'une popularité toujours éphémère dans les révolutions est venue
glacer ton courage ! Il fallait quitter l'enceinte législative, et céder ta
place à un autre député qui, peut-être, eût eu le patriotisme et la force d'âme
qui t'ont manqué ! » et le remords eût pour jamais partout accompagné mes
pas...
Il
n'en pouvait être ainsi, et vous tous, messieurs, m'avez trop bien connu pour
me croire capable de cette lâcheté.
Cependant,
cette proposition n'a pas tardé à rallier une foule d'orateurs d'un savoir et
d'un patriotisme incontestés ; ainsi, à l'assentiment de ma conscience, s'est
jointe l'approbation d'hommes dont le caractère et le civisme ont dans tous les
temps commandé le respect.
Je
dois m'arrêter ici un instant.
Il m'a
été dit que l'honorable M. Charles de Brouckere avait, dans son exorde, laissé
tomber de la tribune quelques paroles qui m'auraient été bien amères si elles
avaient frappé mon oreille.
(J'étais
à travailler dans la salle voisine pendant son début.)
J'ai
eu beaucoup de peine à croire à la vérité du récit qui m'a été fait ; je ne
pensais pas qu'il pût être question des individus, au milieu des graves
questions de choses qui nous occupent.
Il est
permis à M. de Brouckere d'ignorer quels ont été ma conduite et mon langage, avant
comme au moment où éclata notre insurrection ; il n'était, à l'une ni à l'autre
de ces époques, aux lieux où je vivais.
Mais,
comme je lui rends la justice de croire que partout où il s'est trouvé,
l'honorable membre a contribué autant qu'il a été en lui au triomphe de notre
révolution, il me doit la même justice.
Ceux
de mes concitoyens au milieu desquels j'ai passé les mois de septembre et
d'octobre diront si j'y ai droit.
L'honorable
M. de Brouckere a fait allusion au changement d'opinion qui s'est opéré en moi,
lors de nos discussions sur la forme du gouvernement à donner à
« Je
suis de cet avis, quant à présent, » disait le sage abbé de Saint-Pierre
: c'est l'expression de ma pensée, dans toutes mes déterminations, dans toutes
mes assertions : dans toute discussion, c’est à rechercher la vérité que je
m'applique, et non à sauver à tort ou à raison mon amour-propre.
Plusieurs
honorables membres, dans cette enceinte, ont parlé et voté contre des
propositions qu'eux-mêmes avaient présentées à votre sanction. Ils ont donné
des motifs de ce changement, et personne de nous n'a songé à suspecter la
sincérité de la conviction qui leur faisait repousser leur propre projet de
loi.
On m'a
fait observer que, si je voulais en prendre le soin, je pourrais prouver à
notre honorable collègue qu'il a aussi ses moments d'hésitation : que son
opinion du soir n'a pas toujours été son opinion du malin ; mais, messieurs, je
n'ai ni le droit, ni la volonté de blâmer dans qui que ce soit une pareille
disposition d'esprit. Selon moi, qui nescit dubitare, nescit judicare.
Je
respecte toutes les consciences ; c'est notre sanctuaire à tous : personne n'a
le droit d'y pénétrer, et jusqu'à preuve évidente du contraire, je donne
à toutes les convictions d'honorables et sincères motifs ; mais ce devoir que
je m'impose m'attribue le droit d'exiger de mes semblables une juste
réciprocité.
Vous
voudrez bien, messieurs, me pardonner cette digression : ce n'est pas moi qui
l'ai provoquée.
Je
reviens à l'ordre du jour.
Nous
voulons vendre nos frères, nous crie-t-on : eh ! messieurs, il n'y a que
quelques jours, quand nous proposions des arrangements pécuniaires, on nous
reprochait de vouloir acheter des hommes ! Etrange, mais bien fâcheux abus
des mots, où s'empreint tout entier le langage de la passion ; et ici je me
hâte de le dire, cette passion a sa source dans les mouvements les plus nobles
et les plus généreux du cœur humain ; mais, messieurs, est-ce à la lueur
toujours trompeuse des passions que doivent marcher des législateurs ? est-il
moyen plus sûr de s'égarer dans sa route ? et s'il fût jamais assemblée que le
seul flambeau de la raison dût éclairer, n'est-ce pas celle où s'agitent les
plus vastes intérêts qui aient jamais été remis entre des mains mortelles ?
Jamais
nous n'avons voulu ni vendre ni acheter nos frères ; nous voulons ce qu'ont
voulu tous les peuples, depuis qu'il en existe, lorsqu'ils ont cru que leur
intérêt bien entendu leur commandait de mettre fin à la guerre... c'est-à-dire des
concessions réciproques...
Qu'on
nous montre une transaction entre les individus, un traité entre les peuples où
chacun (page 519) n'ait fait la part du sacrifice que réclamait le besoin
du repos. C'est là la règle qui nous est tracée par les nations les plus
puissantes : Napoléon lui-même, le roi des rois, ce Jupiter tonnant de
l’histoire, malgré ses hautes et superbes protestations de 1814, ne
consentit-il-pas en 1815, pour cette paix après laquelle soupirait alors toute
Vous
abdiquez, nous dit-on, tout honneur national. L'accusation est grave : mais qui
de nous, dans cette enceinte, est autorisé à croire que nous soyons moins que
lui les gardiens assidus et incorruptibles de ce précieux dépôt ?
Messieurs,
le mot honneur est comme les mots vertu et religion : les hommes
y attachent des idées différentes : l'honneur du fils de Philippe n'est point
l'honneur du juste Aristide ; la vertu du vainqueur de Pharsale n'est pas la
vertu de l'inflexible Caton ; la religion des auteurs de
Je
n'hésite pas à le dire : si j'avais de l'honneur l’idée que quelques personnes,
avec beaucoup de bonne foi sans doute, paraissent s'en faire, je me
considérerais comme un être antisocial, comme un homme dangereux, et dont la
présence dans la société ne serait propre qu'à y porter à toute occasion le
trouble et le désordre.
La
question que nous avons à résoudre doit-elle bien être de savoir si tel ou tel
point de l'Europe nous convient où ne nous convient pas, si la possession de
telle ville ou de tel village rendra nos manufactures plus prospères et notre
commerce plus florissant ? Non, messieurs, la question doit être de savoir si
nous avons le droit d'exiger, par la force, que
La
question de justice doit être la première ; la question d'utilité ne
vient qu'après celle-là, ou plutôt elle lui est tout à fait subordonnée ; car
ce qui est injuste n'est jamais utile ; ce n'est qu'une utilité apparente, qui
ne tarde pas à devenir une cause de regrets et de malheurs.
Messieurs,
que diriez-vous si on venait vous apprendre que le conseil du roi de Prusse
s'est assemblé hier : que sans s'inquiéter du juste ni de l'injuste, on y a
discuté la question de savoir si l'incorporation de la province de Liége dans
la monarchie prussienne ne serait pas de nature à augmenter, d'une manière
durable, la prospérité de
Ce qui
serait injuste pour
J'ai
dit, il y a huit jours, comment j'entends le libéralisme ; j'ai dit aujourd'hui
comment j'entends l'honneur national : il me suffit. Je ne m'appliquerai point
à répondre à tant et tant d'autres objections ; d'honorables membres ont rempli
cette tâche mieux que je ne pourrais le faire.
Seulement,
avant de finir, je cède au désir de vous communiquer encore une réflexion sur
une des assertions de l'honorable M. Charles de Brouckere : « que ceux qui
adopteront les préliminaires contribueront, malgré eux sans doute, à l'anéantissement
de toutes les libertés en Europe. »
Je ne
saurais, par mon silence, paraître avouer la vérité de cette allégation ; j'en
appelle à toute l'histoire : la paix seule dans tous les temps a servi la cause
de la civilisation ; c'est pendant son règne que les lumières se répandent de
proche en proche, et que des sommités sociales elles descendent et viennent
éclairer les plus humbles toits. Depuis César jusqu'à Bonaparte, la conquête (page
520) n'a amené que le despotisme, le mépris et l'oubli des droits de
l'homme.
Je ne
partage point non plus l'opinion de l'honorable M. Van de Weyer, quand il nous
dit que les armées françaises ont laissé sur leur passage le germe de ces
libertés que nous voyons partout éclore ; pendant le règne de la
victoire, il n'était plus question en France ni des idées philosophiques,
ni des idées libérales, et je suis autorisé à penser que les armées françaises
s'en montraient bien moins soucieuses encore que
N'avons-nous
pas dit et répété mille fois nous-mêmes dans cette enceinte qu'un siècle de
civilisation nous séparait de 1815 ?
Quelle
serait donc aujourd'hui cette Europe, si le bruit et le fracas des armes
n'avaient pendant vingt ans étouffé la voix de la philosophie et du libéralisme
? Il est permis de penser, par ce qui s'est passé depuis quinze ans, que le
même flambeau qui luit aujourd'hui sur
Ainsi,
messieurs, en votant pour la paix au dedans, je préviens le surcroît des impôts
sous lesquels la nation paraît déjà succomber, et dont elle demande à grands
cris la diminution. J'épargne aux pères et aux mères de famille les larmes que
va leur faire répandre la mort anticipée de leurs enfants ; j'épargne, dès à
présent, à tous les craintes et les angoisses auxquelles les livre la
perspective de la possibilité d'une invasion au dehors. Je conserve à la nation
belge cette réputation de probité et de bonne foi dont nos aïeux se sont
toujours montrés si fiers. Je diminue les probabilités d'une guerre générale
qui remet en question toutes les conquêtes intellectuelles ; et, comme je l'ai
dit lors du développement de ma proposition, je sers mon pays et le genre humain
tout entier. J'ai dit.
J'avais
préparé quelques mots sur l'amendement de l'honorable M. Van de Weyer ; mais
comme lui-même en a reconnu l'inutilité, j'ai cru devoir les retrancher de mon
discours. (M. B., 10 juill.)
M. Henri de Brouckere – Messieurs, après les nombreux et
éloquents orateurs que vous avez entendus, il paraîtra peut-être téméraire à
quelques-uns d'entre vous que j'ose encore élever ma faible voix dans cette
discussion. Mais la cause que je défends est à mes yeux une cause si juste, une
cause si sacrée, qu'il importe qu'aucun des moyens qui doivent assurer son
triomphe ne soit négligé ; cette cause, on ne saurait assez le répéter, c'est
celle de l'honneur et de la dignité nationale. Telle est mon intime conviction,
et par là même je réponds au futile reproche de m'être renfermé dans une sphère
trop étroite, d'avoir parlé comme député du Limbourg, et non comme député de
Je
réclame donc, messieurs, pour quelques moments encore votre indulgence et votre
attention ; je prends l'engagement d'être court.
Nos
adversaires n'ont en aucune manière réfuté, malgré quelques faibles tentatives
faites par eux, l'assertion avancée par mes honorables amis et par moi, que les
dix-huit articles qu'on vous présente sont la répétition du protocole du 20
janvier. Dans leur impuissance, c'est à la question de formes qu'ils se sont
pour ainsi dire cramponnés. On ne nous impose plus rien, s'écrient-ils, on
nous propose. Il existe quelque différence dans les formes, j'en conviens ;
au lieu de nous dire : Nous vous imposons telles et telles conditions, obéissez
; on nous dit : Nous vous les proposons, ces conditions ; acceptez-les, ou
rejetez-les, mais point de raisonnements ; oui ou non. C'est peut-être un peu
moins dur, quoique derrière notre rejet, l’on nous laisse toujours entrevoir
les menaçants protocoles. Mais, messieurs, ce n'est point à la forme que je
m'attache, moi, et j’aime à croire qu'il n'en sera pas ici comme au palais, où,
par une fatale nécessité, il est vrai que souvent la forme emporte le fond.
Mais
les enclaves, mais les échanges ! vous les oubliez donc ; ils doivent cependant
nous procurer tout ou presque tout le territoire contesté, qu'il ne s'agirait
donc que d'abandonner provisoirement. Je ne les ai point oubliés, on en a trop
parlé pour cela ; mais ma défiance, à cet égard, s'est encore singulièrement
augmentée depuis le commencement de cette discussion ; car on n'établit en
aucune manière nos droits, ni sur ce (page 521) marquisat de
Berg-op-Zoom, ni sur cette foule d'enclaves que nous devons posséder en
Hollande, et dont M. le ministre des affaires étrangères nous a dit fort
naïvement ne pas même connaître le nom.
En
cela, comme en bien d'autres points, le ministère n'a que des allégations, mais
des preuves, aucune ; et il nous permettra de n'ajouter aucune foi à ses
allégations, ni à ses promesses, lui qui depuis deux mois semble avoir fait
profession de nous tromper.
Mais,
dit-on, si le roi de Hollande refuse tel arrangement que nous désirons, nous
restons en possession de nos enclaves, nous restons chez lui, sur le Rhin, au
cœur de
Ce ne
sera que de loin, et à peu près comme Moïse a vu la terre promise que vous
apercevrez ces enclaves, sur lesquelles nos droits ne sont reconnus ni par
Vous
recourrez aux armes ? Dérision ! amère dérision ! Vous ne pourrez plus
recourir, vous vous serez lié les mains, vous aurez signé votre neutralité ; et
les puissances, juges souverains en cette matière, vous prouveront, en
invoquant l'article 10, qu'il n'y a point d'agression ; qu'ainsi vous n’avez
pas à vous défendre, et qu'il vous est interdit de porter atteinte à la
tranquillité des États voisins, pas plus de
Il
nous restera dans ce cas ce qu'on appelle le secours immense des
négociations. Hélas ! jusqu’ici il ne nous a pas conduits bien loin cet
immense secours. Du reste, négocions, je le veux ; car je ne suis pas de ceux
qui aujourd'hui jettent un imprudent cri de guerre ; négocions donc : mais
comme il n'est pas certain que ces négociations obtiendront un plein succès, ne
commençons point par livrer inconsidérément nos forteresses à l'ennemi que
peut-être bientôt nous aurons à combattre.
C'est
en vain que successivement l'on invoque la justice, et que l'on a recours aux
menaces.
La
justice, c'est de notre côté qu'elle se trouve. Je ne conçois pas cette
obstination à toujours nous parler de 1 790, à vouloir nous faire rétrograder
de quarante ans. A entendre les arguments avancés par les ministres et quelques
membres de cette assemblée, on croirait qu'ils sont des émanations de la
conférence, dont ils prennent la défense avec chaleur. Eh ! messieurs, en 1830
ce n'est pas
Je ne
crains, messieurs, ni les menaces de partage qu'on nous adresse, ni les
reproches qu'on prétend qui pourront nous être faits plus tard, si nous
laissons échapper cette occasion de nous constituer.
Quant
au partage, je n'y crois point, et si les puissances osaient l'effectuer, il
nous faudrait à la vérité momentanément nous soumettre à la force brutale ;
mais notre sommeil ne serait pas long. Et le réveil pourrait être fatal à nos
envahisseurs, parce que toujours l'injustice finit tôt au tard par être vengée.
De
reproches, je ne crains que ceux qui partent je là (en frappant sur sa poitrine) ; et il s'enlèverait de
cruels en moi si la peur ou toute autre considération pouvait me déterminer à
ce que, quoi qu'on en ait dit, je ne puis m'empêcher de regarder comme une
lâcheté. C'est alors que je craindrais le partage : car, je vous le demande,
que répondrions-nous à ces paroles foudroyantes : « Vous avez vous-mêmes
reconnu que le fort pouvait (page 522) disposer du faible, quand son
intérêt le lui commande ; vous avez disposé sans pitié d'une partie de vos
concitoyens qui vous tendaient des mains suppliantes pour invoquer votre
protection et votre justice ; vous avez méprisé leurs prières, vous avez
méconnu leur voix ; taisez-vous ; nous suivons votre exemple, nous agissons
envers vous comme vous l'avait fait envers eux ; subissez la peine du talion
! »
On a
prétendu, messieurs, qu'en rejetant les dix-huit articles, nous offenserions
personnellement le prince Léopold, dont ils étaient l'ouvrage. Il est faux que
ces articles soient son ouvrage ; c'est à sa médiation, je le crois, que nous
devons le changement qui s'est opéré dans les procédés dont la conférence use
envers nous ; mais on ne me persuadera point qu'il approuve encore sa conduite
à notre égard. Je l'avoue, ce serait pour moi une idée bien amère que celle
d'avoir offensé le prince. Ce n'est pas seulement du respect, de l'estime qu'il
m'a inspirés ; pourquoi le cacherais-je ? sa franchise, sa grande bonté, ses
manières affables, quoique pleines de dignité, ont captivé mon affection. Ce
serait peut-être le plus beau jour de ma vie que celui où, aux applaudissements
de tout un peuple, il viendrait dans cette enceinte prêter le serment que la
constitution lui impose.
Mais
si le prince vient parmi nous, je veux qu'il nous retrouve tels qu’il se
plaisait à nous reconnaître, un peuple fier, généreux, libéral, rempli de courage
et de fermeté. Je ne veux pas que lui, qui a l'âme si grande, il puisse se
dire, à part lui : « Cette nation pour qui je professais une estime si
profonde, n'a pas craint de se dégrader ; elle a manqué de noblesse et de
générosité envers une partie de ses meilleurs citoyens : elle les a abandonnés
; elle les a répudiés, trahis à la première invitation. » Telle devrait
cependant être la pensée du prince, messieurs, si nous avions la faiblesse de
fléchir ; car l'honorable M. Devaux l'a reconnu lui-même, et après lui tous les
orateurs qui l'ont servi : « Notre opposition est fondée sur les motifs les
plus nobles et les plus généreux. »
Au
milieu de bien d'autres arguments lancés contre nous, sans trop de réflexion,
et sur lesquels il serait superflu de revenir, il en est un auquel je ne puis
me dispenser de répondre, parce qu'il a été répété par plusieurs orateurs, et
qu'il a pour but de nous mettre en contradiction avec nous-mêmes.
On
prétend que lors de la conclusion de l'armistice, on ne s'est point élevé
contre ses dispositions avec cette chaleur qu'on montre aujourd'hui, quoi qu'il
s'y en trouvât une par suite de laquelle Venloo devait provisoirement être
restituée aux Hollandais. Mais, messieurs, comment aurions-nous pu nous récrier
contre un armistice dont personne ne nous communiquait les conditions ?
Quant à moi, je puis attester qu'il y a bien peu de mois que j'ai acquis la
certitude qu'il était signé, cet armistice, et que j'en ai appris le contenu :
cela est si vrai qu'à la fin de janvier, plus ou moins inquiet des bruits
vagues que j'avais entendu circuler, j'ai, dans cette enceinte, interpellé un
des membres du comité diplomatique au sujet de Venloo, et que ce membre m'a
donné les apaisements les plus complets : et j'en appelle à tous mes amis, qu'ils
disent l'indignation que j'ai toujours éprouvée à la seule idée de rendre aux
Hollandais une partie quelconque du territoire belge. Car je ne suis pas de ces
caméléons, caméléons en sentiments comme en politique, qui trouvent aujourd'hui
avantageux, juste et honorable, ce qu'hier encore ils flétrissaient des
épithètes de lâche, de honteux, d'inhumain et d'infâme.
Messieurs,
le moment est proche où vous aurez à prendre votre résolution. Veuillez
calculer encore les conséquences du vote que vous allez émettre ; on a prétendu
que je les avais exagérées : combien, au contraire, je suis resté au-dessous de
la réalité ! elles peuvent être terribles, ces conséquences. Eh ! que
feriez-vous, dites-moi, si par exemple s'accomplit cette prévision, dont on
vous a déjà parlé : si la ville de Venloo, semblable à un enfant qu'une mère
dénaturée et cruelle abandonne et repousse, se rattachait à vous en dépit de
vous-mêmes, refusait d'ouvrir ses portes aux Hollandais ? Si ceux-ci vous
sommaient de remplir vos engagements, de la lui livrer ? sera-ce de vous que
partira l'ordre de lancer le premier projectile destructeur ? sera-ce vous qui
donnerez le signal de l'incendie ? Venloo détruite, Venloo incendiée par la
main des Belges ! ah ! oui, voilà quelle sera ce qu'on appelle la dernière
phase de notre révolution !
Il me
reste à répondre à M. Lebeau, qui m'a adjuré de déclarer de quelle nature
étaient les instructions qu'il nous transmettait, à mes collègues et à moi,
pendant notre séjour à Londres. Je dis que c'est moi qu'il a adjuré, parce
qu'en effet je suis le seul des commissaires envoyés vers le prince Léopold,
avant son élection, qui appartienne aujourd'hui à l'opposition. J'avoue que
j'avais regardé comme un devoir de ne parler en aucune manière du contenu de
ces instructions, et sans l'espèce de sommation qui m'a été faite, je n'en
aurais pas dit un mot ni pour les approuver ni pour les blâmer. Mais
satisfaisant à cette sommation, je dirai qu'il est vrai qu'à cette époque
toutes les paroles, tous les écrits de M. le ministre respiraient cet amour du
pays, ce zèle sacré pour l’honneur national, qui alors nous animaient tous.
Ceux qui connaissent mon caractère savent bien que je ne me serais pas chargé
d'une mission qui aurait eu pour but de compromettre en rien cet honneur
national que je défends encore aujourd’hui, quand d'autres veulent l'abdiquer.
Mais pour le prouver, messieurs, je vous donnerai lecture d'un passage d'une
des nombreuses lettres que nous écrivait M. le ministre, et qui toutes étaient
conçues dans le même sens ; celle-ci est du 5 mai dernier :
« Si
l'on s'étonnait de notre obstination à ne rien céder du territoire, disait M.
Lebeau, attachez-vous à convaincre qu'il n'y a pas là obstination, mais
nécessité. Pouvons-nous sans lâcheté, sans honte, sans inhumanité, céder
des localités engagées dans la révolution, associées à tous les actes du
congrès et de l'administration ? et remarquez qu'il ne s'agit pas de localités
hollandaises, mais de localités belges, en ce sens, qu'elles faisaient partie
des provinces méridionales, et que si la séparation prononcée par les Etats
Généraux, en septembre 1830, s'était exécutée à l'amiable, elles eussent passé
sous la vice- royauté destinée au prince d'Orange. Nous ne devrions être
réputés usurpateurs ou conquérants que si une partie des provinces
septentrionales s'était unie à la révolution, et que nous voulussions nous en
prévaloir, pour nous l'approprier.
« Ajoutez
que c'est une question d'honneur et d'humanité, comme je viens de le dire ; car
il est telles de ces localités qui nous sont onéreuses... Mais les livrer aux
réactions du roi Guillaume, les repousser violemment, c'est ce à quoi il nous
est impossible de consentir. »
Oui,
messieurs, voilà le langage que tenait M. Lebeau, il y a à peine deux mois,
langage dont le nôtre n'est qu'une pâle et faible copie, langage qui, répété
aujourd'hui par sa voix éloquente, réunirait sans doute toutes les opinions.
Et c'est ce même M. Lebeau qui depuis... Ah ! qu'il se retire comme il nous l'a
annoncé ; qu'il se retire ! la nation qui réprouve sa conduite, qui veut dans
ceux qui la gouvernent autre chose encore que des talents, la nation ne peut
lui conserver plus longtemps sa confiance. Qu'il se retire !... (L'orateur
est interrompu par des exclamations en sens divers.)
Messieurs,
personne n'étouffera ma voix ; c'est la dernière fois qu'elle se fera entendre
dans cette assemblée.
Je
m'étais fait un devoir, une loi, de ne jamais parler de ces instructions, mais
puisque M. Lebeau a eu l'impudeur... (Murmure. D'autre part : Continuez
! continuez !) oui, l'impudeur de m'adjurer, j'ai acquis le droit de me
décharger d'un fardeau qui me pesait.
La
conduite de M. Lebeau, depuis l'arrivée de ces malheureux dix-huit articles,
m'a humilié : je me suis seul compromis d'avoir accepté de lui la mission qui
m'a conduit à Londres, et c'est là ce qui m'a réjoui quand il m'a provoqué à
des explications que je désirais. Vous jugerez maintenant, messieurs, de quel
côté sont la franchise et l'honneur, de quel côté sont la perfidie et la honte
! (On crie de nouveau de tous les côtés : Parlez ! continuez ! )
L'orateur
se reprenant : Qu'il se retire ! Trois cent mille Limbourgeois lui crient d'une
commune voix, et l'âme déchirée d'inquiétudes : Retirez-vous, ministre versatile
et égoïste, qui, pour conserver votre misérable et passager portefeuille, ou
pour sauver un amour-propre exagéré et mal entendu, n'avez pas craint de nous
séparer, de nous sacrifier tous ! Retirez-vous ; à ce prix nous pourrons
peut-être vous pardonner votre injustice. Mais ne pensez pas rentrer un jour
au ministère que vous allez quitter ; c'est à jamais que vous avez perdu notre
confiance !
(L'honorable
membre termine par un tableau touchant de l'anxiété des Limbourgeois sur
l'issue de la discussion des dix-huit articles.) (E. et M. B., 10
juill.)
M. le comte Félix de Mérode – Lorsque j'ai parlé devant vous une
première fois sur la question à l'ordre du jour, je n'avais pas encore pris de
résolution définitive. Maintenant mon opinion est fixée, et les paroles
violentes que vous venez d'entendre contribueraient encore à déterminer mon
vote en faveur des préliminaires de paix soumis à votre délibération : de tous
les motifs qui vous ont été présentés contre leur adoption, un seul a fait
impression sur moi.
Mais
les autres m'ont paru des moyens oratoires présentés avec une apparence logique
sous des formes quelquefois séduisantes, mais qui au fond ne pouvaient être mis
en balance avec les raisons puissantes qui doivent nous déterminer à accepter
les propositions de la conférence. D'abord on a cherché à confondre ces
propositions avec les protocoles ; on a prétendu qu'aucune différence ne les
distinguait. Je ne suis pas de ceux qui prétendent que le protocole du 20
janvier nous imposait la dette ; le contraire m'avait été dit à Londres, à
mon premier voyage, et je n'ai jamais cru (page 524) que cette
disposition fût une conséquence inévitable du protocole indiqué ; cependant je
vois sur ce premier objet un changement des plus importants. Sans nous imposer
d'une manière absolue les 16/31 de la dette hollandaise, les protocoles et
leurs annexes les considéraient comme devant être à notre charge. Les
préliminaires de paix déclarent positivement en sens opposé, que nom n'avons à
payer que les dettes contractées par nous-mêmes, c'est-à-dire avant la réunion
à
Je ne
voudrais point être injuste envers
On
nous assure la libre navigation des fleuves et des mers. Où sont les flottes
belges pour que nous puissions nous-mêmes garantir à notre commerce cet
indispensable moyen de communication ? Ce n'est pas sans doute avec les barques
de nos canaux, même avec les canonnières construites à Boom, que nous ferons
respecter le pavillon ronge, jaune et noir. Enfin on nous assure la neutralité,
c'est-à-dire qu'aucune puissance n'aura le droit de nous entraîner dans les
guerres qu'il lui plaira d'entreprendre, et que notre territoire, si souvent
ravagé, ne servira pas de champ de bataille européen ; car ces clauses,
messieurs, bien qu'elles ne soient pas à l'abri des violations, ne sont pas non
plus dénuées d'effet. Un orateur plein de verve mais qui a voulu exciter votre
imagination et votre amour-propre plus qu'il n'a parlé à votre raison, vous a
demandé à propos de cette neutralité quel secours vous prétendiez donner aux
Polonais : il vous a dit spirituellement : « Est-ce la pitié qui vous fera agir
? mais ce sentiment est le partage des femmes ; est-ce les armes à la main que
vous aiderez vos frères ? les armes sont faites pour être maniées par des
hommes, et vous êtes neutres, c'est-à-dire hermaphrodites. »
Messieurs,
je nie d'abord que la pitié ne soit que le sentiment des femmes, à moins que
tous les hommes ne doivent ressembler à l'empereur Nicolas ; ensuite, ceux qui
ont parlé de l'intérêt qu'aurait
Je
sais aussi qu'on a tiré parti de cette neutralité pour inquiéter les
militaires belges ; mais quelles que soient ses garanties morales, il en faut
d'autres encore, et
Je
range encore parmi les arguments sans valeur contre les préliminaires de paix
celui qu'on a tiré de notre mandat : on a dit qu'il se bornait à constater : un
fait, et rien qu'un fait indépendant de notre volonté. Eh ! qui a circonscrit
nos devoirs dans ces limites étroites ? est-ce le gouvernement provisoire
lorsqu'il a convoqué les électeurs ? je ne vois aucun article dans l'arrêté de
convocation qui (page 526) indique cette idée ; sont-ce les électeurs ?
je n'en crois rien ; je le crois si peu que, s'ils étaient réunis pour de
nouveaux choix, je suis persuadé. que la très grande majorité des hommes
envoyés dans celte enceinte pour représenter le pays, seraient choisis parmi
ceux qui partagent l'opinion qu'on ne doit pas l'exposer à tout perdre pour
essayer de tout obtenir ; et à cet égard j'appuierai de nouveau sur l'exemple
des cortès d'Espagne que j'ai rappelé dans mon premier discours. Il a été dit
depuis lors, que l'Espagne avait succombé parce qu'elle n'était pas mûre pour
la liberté. Je sais que, naissante encore, la liberté était faible en ce pays ;
mais enfin ce n'était pas avec des étrangers que le généreux Riego avait
renversé le gouvernement absolu ; et l'armée dite de
Si mes
espérances, conformes à des prévisions
justement motivées, étaient déçues, je tiendrais à honneur, messieurs,
de partager le sort de ceux qui m'ont donné leurs suffrages, après avoir rempli
les obligations de député au congrès belge ; je montrerais que l'égoïsme
n'entre pour rien dans ma détermination actuelle, et bien que mon projet n’ait
jamais été de fixer ma demeure à Maestricht, aucun gouvernement ne pourra
m'empêcher de m’y établir puisque j'y suis né, et j'en prends ici l’engagement.
En attendant, je ne cesserai de représenter le district qui m'a envoyé sur ces
bancs et ne donnerai point ma démission. (M. B., supp., 10 juill.)
M. Lebeau, ministre des affaires
étrangères demande
la parole comme ministre. (Les députés se hâtent de retourner à leurs
place ; il se fait un profond silence.) – Messieurs, si je n'ai pas
pris la parole immédiatement après le discours de l'honorable M. de Brouckere,
c'est que j’ai craint que, placé sous une impression trop récente et que vous
comprendrez tous, j'ai craint, dis-je, que dérogeant aux usages parlementaires,
la place de l'homme ne prît un instant la place du député.
Le
reproche de lâcheté n'a cessé de retentir dans cette enceinte. Je ne sais
pourquoi, messieurs, une partie de cette assemblée croit avoir le privilège de
définir ce mot à son profit. Mais que répondriez-vous si, usant de
représailles, nous vous disions que, par une fièvre d'amour-propre et par
l'obstination du parti pris, vous vous entêtez à soutenir une cause que vous
sentez bien que vous avez perdue ? (M. B., 10 juill.)
M. Henri de Brouckere – Je demande la parole. (M. B., 10
juill.)
M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Je dirai, moi, que lorsque nous
sommes divisés sur d'importantes questions, il n'appartient pas à une partie de
cette assemblée de se faire juge de l'autre. Nos juges sont en dehors de cette
assemblée ; c'est la nation qui prononcera entre nous. Au grand jour des
élections, je compte reparaître devant mes commettants, vous y comparaîtrez
aussi, et nous verrons pour qui elle décidera entre ceux qui, alors que nous
leur avons donné l'exemple de la modération, poursuivent la défense de leur système
en employant tout ce que l'injure et la calomnie peuvent avoir d'acerbe.
Caméléon ! perfide ! lâche ! traître ! parjure ! Sont-ce là des raisons ?
Quoi ! vous avez, dites-vous, le fait et le droit pour vous, et c'est dans le
vocabulaire de l'injure que vous allez puiser vos arguments ! Ah ! je le
répète, la nation jugera entre nous ; elle jugera sur le combat, elle a déjà
jugé sur .les armes.
Depuis
deux mois le ministère trahit, dites-vous ? et il y a deux mois vous avez reçu
du ministère une mission importante, et il ne craignait pas de vous faire le
confident de ses pensées ; elles étaient pures et patriotiques, et il n'a pas
craint de vous faire un appel pour vous adjurer de dire s'il avait quelque
chose à désavouer. Qu'avez-vous répondu en lisant mes instructions,
instructions dont je m'honore, et, quoi que vous en disiez, conduite que mes
discours n'ont pas désavouée ? Ce que je disais alors était un plaidoyer que
j'envoyais à la conférence, et qui devait s'embellir par la bouche de M. de Brouckere.
Alors, messieurs, pour obtenir tout ce que nous voulions, il fallait forcer,
exagérer nos prétentions ; aussi ce ne peut être que par la plus inconcevable
contradiction que l'on s'est servi de cette pièce pour me mettre en
contradiction avec moi-même.
J'ai
dit que cette question était pour nous une question d'humanité, et je n'ai pas,
quoi qu'on en dise, déserté cette sainte cause, Je n'attache pas la question
d'honneur à quelques murailles et à une citadelle. J'ai prouvé que nous
pourrions sans inhumanité abandonner tout cela, mais jamais je n'ai dit que je
consentirais à abandonner les habitants : c'est en cela que consiste la
question d'humanité. L'ai-je soutenue ? vous pouvez le dire. (page 528)
Je ne crains pas, messieurs, d'en appeler à vos consciences. Mon langage
s'applique au Limbourg comme au Luxembourg. J'ai même dit au prince que la
cession du plus petit territoire, du moindre village dans l'une ou l'autre
province, l'exposerait à perdre toute sa popularité. Quel est entre nous celui
qui entend le mieux les intérêts de la nation, de vous qui pour un point
voulez compromettre toute
Vous
dites que pour avoir les enclaves, il faut les prendre. C'est une naïveté
incontestable : M. de
Depuis
trois mois que je suis au ministère, j'ai été abreuvé de toute sorte de dégoûts
; depuis trois mois je suis devenu le point de mire des factieux du dedans et
du dehors, et j'ai la douleur de voir un honorable collègue partager leurs
torts à mon égard. Vous dites que je me débats par ambition, et pour m'attacher
à un misérable portefeuille ! Après avoir déposé mon portefeuille chez M. le régent,
pensez-vous que, jouant la comédie, je conserverais l'arrière-pensée de le
reprendre sous le roi ? Ah ! messieurs, supposez-moi de l'ambition, mais
supposez-moi du bon sens. Vous qui prétendez parler au nom de la nation, qui
vous en a donné le droit ? Où est la nation qui ratifie ce langage violent et
désordonné ? A mon tour, ne serais-je pas plus fondé à vous dire que, malgré
vos intentions, que je veux croire pures, vous avez, pour des hommes
honorables, cet insigne malheur qu'une faction a placé son triomphe dans le
succès de votre cause ? (Très vive sensation.) (M. B., 10 juill.)
M. Henri de Brouckere – Messieurs, lorsqu'il y a six jours je
pris la parole dans cette discussion importante, je crois qu'il ne sortit de ma
bouche que dès paroles de modération. En cela je ne fis que suivre la ligne que
je me suis toujours tracée ; il n'est personne de vous, je pense, qui refuse de
me rendre la justice qui m'est due à cet égard. Mais depuis ce temps-là je
reçois journellement des lettres du malheureux pays que vous allez abandonner ;
mes commettants me supplient d'employer toute l'énergie dont je suis capable
pour sauver leur province du malheur qui la menace. Oui, messieurs, j'ai mis de
l'énergie dans mon langage, et si j'avais à recommencer, je le déclare,
dussé-je de nouveau exciter vos murmures, dussé-je perdre l'estime de M.
Lebeau, laquelle je ne fais aucun cas... (Violents murmures. Interruption.)
(C., 10 juill.)
M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Je n'ai pas dit un mot qui autorise
ce langage. (C., 10 juill.)
M. Henri de Brouckere – Oui, messieurs, dussé-je perdre
l'estime de M. Lebeau, dont je ne fais aucun cas, je ne changerais pas un mot à
ce que j'ai dit, et je ne craindrais pas le blâme de l'assemblée ni de la
nation ; je parle au nom de 70,000 âmes que vous pouvez sauver encore ; jamais
mon langage ne peut être trop énergique pour atteindre ce but. On dit que mes
expressions ont été inconvenantes. Mes paroles sont écrites à dessein, je les
livrerai à l'impression, vous n'y trouverez ni les mots de parjure, ni
de calomnie ; vous y trouverez les mots de lâcheté, et je l'y ai
mis à dessein. Mais, dit-on vous qui déclamez si fort contre le ministre, vous
avez naguère accepté de lui une mission importante ? Oui, messieurs, mais
quelle mission ? Je garde les lettres de M. Lebeau, qui ne cessait de répéter
que nous ne pouvions sacrifier un seul village, et aujourd'hui c'est lui qui
nous propose cet abandon.
On
parle de factieux du dedans et du dehors. Des factieux du dedans ! Je ne sais
si c'est à moi... (C., 10 juill.)
M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Je déclare que ce mot ne s'adresse
pas à vous. (C., 10 juill.)
M. Henri de Brouckere – Je ne sais si c'est à moi que
l'épithète de factieux s'adresse. Si c'était à moi, je dépouillerais à l'instant
ma qualité de député, pour reprendre la qualité d'homme. (Violents murmures.
Interruption.) (C., 10 juill.)
Plusieurs voix – Bien ! bien ! Parlez ! parlez !
(C., 10 juill.)
M. Henri de Brouckere – Interrompez-moi, messieurs… (C., 10
juill.)
M. Lardinois – On vous interrompt pour vous
applaudir. (Agitation.) (C., 10 juill.)
M. Henri de Brouckere – Interrompez-moi, vous ne m'empêcherez
pas d'aller jusqu'au bout. Oui, si le langage du ministre s'adresse à moi, je
dépouille ma qualité de député et je saurai, dans l'occasion, reprendre ma
qualité d'homme. Je suis le cri de ma conscience, et dans tout ce que j'ai dit
il n'y a rien d'exagéré. (Agitation prolongée.) (C., 10 juill.)
(page 529) M.
Charles de Brouckere – Messieurs, la gravité de l'objet en discussion, ma position
spéciale, et le singulier abus que l'on a fait de mon nom dans le cours des
débats, m'autorisent à monter une seconde fois à cette tribune. Je m'attacherai
à nos adversaires les plus redoutables, pour ne pas abuser de votre temps. Je
n'imiterai pas ceux que je combats, je ne vous dirai rien qui me soit
personnel.
Le
courage est un devoir sans mérite dès qu'on s’en targue ; la plainte est une
faiblesse.
Celui
qui nous a entretenus de ses déboires aurait dû comprendre que quand un député
du Limbourg, assis sur le même banc que moi, parlait de clientèle, c'était un
exemple entre un millier qu’il choisissait. Celui qui nous a reprochés de
parler aux passions aurait dû tenir le langage de la froide raison, et
s'attacher à réfuter nos erreurs. Sa tâche eût été plus grave mais plus aride,
plus belle mais moins brillante.
Je
croyais avoir établi que les propositions étaient de véritables protocoles, que
leur adoption entraînait une cession de territoire ; que vous n'aviez pas le
droit de céder une partie de
Est-ce
sérieusement qu'on combat avec de telles armes ? N'avons-nous pas discuté
sur les protocoles et dans des comités secrets, et en commissions et en séances
publiques ? N'avions-nous pas le droit d’accepter les actes de la conférence
comme celui de les retourner ? L'acceptation eût été une lâcheté, vous a dit
avec raison un ministre, c'était reconnaître le droit d'intervention. Les
choses n'ont pas changé.
Aujourd'hui
comme alors, vous avez le droit de rejet ; mais si vous rejetez, si seulement
vous modifiez les dix-huit articles, les protocoles restent debout, ils
demeurent actes irrévocables pour la conférence. La discussion, aux yeux de
ceux que vous qualifiez de médiateurs, est circonscrite dans le choix des
préliminaires de paix et des vingt-cinq premiers protocoles. Ils vous disent :
Nous avions imposé des conditions dures, humiliantes, sans aucun détour ; nous
consentons à en modifier la forme, à vous les proposer sous une forme moins
sombre ; vous les accepterez, sinon nous vous imposerons les premières, sous
peine de partage et d'invasion. De pareilles menaces ne nous ont pas été
communiquées ouvertement ; on les a fait pressentir en comité général et dans
des réunions particulières. Nous sommes donc placés dans la même position
qu'il y a six mois ; comme alors les menaces ne me font pas changer aujourd'hui
; comme alors, je repousse aujourd'hui toutes conditions que je n'aurai pu
combattre contradictoirement.
Que si
je prouve que c'est une cession de territoire qu'on exige de nous, un ministre
me répond qu'il n'a pas pu s'occuper des enclaves, parce que le congrès ne lui
avait pas donné mission de proposer des échanges, et cependant il assure que
les commissaires à Londres ont fait des ouvertures sur les parties de
territoire de
Un
autre ministre a eu recours aux chiffres pour vous démontrer qu'il y avait
réellement cession de territoire, mais que cette cession était peu importante.
Il suffirait, selon M. Barthélemy, d'abandonner à
J'abandonne
un moment les principes pour m'attacher au fait. Tout est erreur dans les données
de l'honorable membre. La population du Limbourg qu'il faudrait échanger
s'élève à 70,000 âmes environ, au lieu de 56,000 ; le terrain dans le district
de Maestricht que l'on devrait racheter vaut dix, vingt fois celui que l'on
voudrait céder, deux places fortes, deux positions militaires et commerciales,
le cours de
C'est
donc un rêve, une chimère que ce plan d'échange de bonnier contre bonnier, de
maison contre maison, d'homme contre homme ; abstraction des droits, car alors
c'est une monstruosité.
Nos
adversaires, messieurs, transportent la question sur un autre terrain ; ils
écartent le principe révolutionnaire et y substituent des théories sur le
droit primitif et antérieur, sur le divorce, sur la propriété.
(page
530) Un penseur profond, mais ce n'est pas Vauvenargues, a dit quelque
part : Les voyages sont instructifs. Cette pensée lumineuse brille ici de tout
son éclat.
Vous
avez entendu, dans le comité général, les arguments que les commissaires du
gouvernement ont fait valoir pour soutenir nos droits sur le Limbourg et
« En
1813,
Qu'il
me soit permis de rectifier les faits et de suivre un instant ceux qui,
répudiant leur siècle, nous rejettent de cinquante ans en arrière.
Messieurs,
il m'est historiquement démontré que l'empereur Alexandre fit en 1814 un appel
à l'insurrection des peuples agglomérés, confondus successivement dans l'empire
français ; que c'est en vertu de cet appel que
Elle
ne songea pas plus à reprendre ses limités de 1790 que son ancienne forme de
gouvernement. Je ne vous fatiguerai pas de faits à cet égard, la proclamation
du prince d'Orange, sa soi-disant inauguration à la maison de ville
d'Amsterdam, ses premiers actes sont trop connus pour que je veuille m'y
arrêter.
Cependant
les alliés, gagnant du terrain, établirent successivement un gouvernement du
Bas Rhin et de
Il
m'est historiquement démontré qu'une partie des communes des départements de
Un
arrêté du 26 août 1814 substitua le timbre de
Maestricht
ne se rendit qu'après le retour des Bourbons en France... Quelques hommes,
croupissant dans l'oubli, désirant le retour à l'ancien ordre de choses, ayant
tout à y gagner, engagèrent le prince souverain à envoyer des troupes dans le
Limbourg, à investir la place de Maestricht ; l'un d'eux leva même un
bataillon, entièrement composé de Liégeois ; Il n'en fallut pas davantage pour
faire naître des idées d'agrandissement dans l’esprit du prince Guillaume. A
cette époque, il agissait néanmoins comme allié des autres puissances, comme
les Belges eux-mêmes devenus forcément les ennemis de
La
fatalité voulût que Guillaume d'Orange succédât, en qualité de gouverneur au
nom des puissances alliées, aux gouverneurs de toutes les couleurs que
Un
arrêté du 19 octobre 1814 organisa la juridiction et l'étendue des communes de
l'arrondissement d'Eecloo, jusque-là confondues avec d'autres de
Un an
après la révolution,
D’où
donc infère-t-on que
J’ai
entendu dire que le traité de Londres tranchait la question, parce qu'il
accordait un accroissement de territoire à
Quant
à la séparation en provinces méridionales et provinces septentrionales, un orateur
qui a défendu autrefois ce principe l'a renié il y a deux jours, parce que des
traités ne peuvent être basés que sur des actes du dehors, et que la
délimitation des provinces était un acte d'ordre intérieur. Oui, la division en
provinces était un acte de politique intérieure, un fait de ménage, mais basé
sur le contrat de mariage, sur le traité de Londres. Les deux parties du
nouveau royaume devaient jouir des mêmes droits et privilèges ; la constitution
reposait sur ces principes, et pour leur application, elle ne reconnaissait
d'autres parties contractantes que les provinces méridionales et
septentrionales. Par le divorce séparez donc ceux qui ont été unis, rester dans
les termes du contrat.
Les
actes du dehors sont bons à invoquer quand la question s'étend au dehors ;
personne de nous n’élève des prétentions au dehors, personne ne pense à une
rectification de limites avec des voisins ; nous demandons à consommer un
fait intérieur ; et cependant nous pouvons nous étayer au besoin d'un
acte diplomatique, des dix-huit articles de Londres.
C’est
aux traités antérieurs à 1790, a-t-on dit encore, que vous devez vous tenir
pour le territoire, puisque vous voulez la séparation des dettes antérieures à
cette époque. Jamais aucun de mes amis politiques n'a soutenu une pareille
absurdité ; d'abord parce que nous ne demandons que ce qui est juste, ensuite
parce que nous ne voulons pas être dupes.
Au
moment de la réunion,
Nous
avons donc réclamé que chacun payât la dette, et si l'on prouve
qu'antérieurement à 1790, une partie des territoires que nous soutenons nous
appartenir avait profité des emprunts contractés par
Au
surplus, messieurs, dans toutes les lois relatives à la liquidation des
dettes, et particulièrement dans celle du 9 février 1818, on a fait des
distinctions entre les provinces méridionales et septentrionales.
M. le
ministre des affaires étrangères à son tour a cherché à démontrer, par une
question de propriété, que nous devions remonter à 1790. Je n'opposerai pas
citation à citation, d'abord parce que je n'ai jamais lu les lois romaines dans
la langue originale, et puis parce qu'il n'est pas question de choses vénales,
de propriétés purement matérielles.
Jusqu'à
la conclusion du traité de Vienne, rien n'était changé dans les contrats ;
Si
donc tous les traités postérieurs à 1790 sont nuls pour vous, parce que
directement vous n'êtes intervenus dans aucun, comment pouvez-vous laisser
indécise la question du Luxembourg, province cédée, sans votre participation,
au roi Guillaume ? Comment pouvez-vous condescendre, soit à l'abandon, soit à
l'achat d'un pays qui nous appartient en vertu de tous titres que vous reconnaissez
légitimes ? Comment, d'autre part, ne vous conteste-t-on ni la principauté de
Liége, ni les treize cantons, ni les cinq sixièmes du Limbourg ?
Trêve
donc à tous ces systèmes arbitraires dans leur principe comme dans leur
application ; trêve à ces railleries qui mettaient ces nations à la merci de
quelques intrigants et qui ne sont que (page 532) mensonges dans
l'exécution. Je vous y ai suivi malgré moi, pour démontrer qu'en admettant même
le droit des gens à votre manière, vous n'en aviez tiré que de fausses
conséquences.
Messieurs,
je ne m'étais pas appesanti sur le droit d'insurrection, abandonnant cette
tâche à un orateur qui, plusieurs fois, nous en avait entretenus avec chaleur
et conviction ; mais aujourd'hui que cet honorable membre a déserté notre cause
sacrée, j'y reviens avec d'autant plus d'insistance que l'on s'est appuyé de
mon nom pour exemple pour changer de drapeau. J'ai bien voulu vous rendre compte
d'un acte de ma vie privée, j'en ai expliqué les motifs ; non seulement à
chaque aveu de conversion des députés, mais encore des ministres, mon nom a
retenti.
Nous
formions un tout ; nous nous séparons violemment en deux en vertu du droit
d'insurrection ; d'un côté demeurent ceux qui n'ont jamais été désunis, de
l'autre se groupent ceux qui depuis trente-six ans ont vécu sous les mêmes
lois, partagé le même sort. C'est en 1795, et seulement depuis lors, que
Tel
est le principe de nos droits, principe plus solide, sans doute, que celui qui
classerait d'un côté les catholiques et rangerait de l'autre les protestants,
sauf à décider ultérieurement du sort des juifs ; plus rationnel que les
assertions de M. le ministre des affaires étrangères.
Venloo,
vous a-t-il dit, n'a pas fait sa révolution pour elle, mais pour
Je
reviens au droit d'insurrection. Ce droit, la conférence nous l'a reconnu,
s'est écrié hier encore un honorable député de
Prenez-y
garde, messieurs, tout séduisant que paraît ce raisonnement, il est faux. Si le
droit d'insurrection est reconnu, il l'est aussi bien pour le Luxembourg et le
Limbourg que pour le Hainaut et le Brabant ; il ne vous est pas plus loisible
de rendre à
Veuillez
bien ne pas confondre, messieurs, le droit d'insurrection avec la conquête ;
mes adversaires ont évité de faire cette distinction, et pour écarter le
sentiment généreux qui fait palpiter vos âmes à la seule idée de l'abandon
d'une partie de vos frères, ils ont comparé la situation actuelle des
Venloonais à celle où se trouveraient les habitants du Brabant septentrional,
si par suite du rejet vous faisiez la conquête de cette province. Raisonnement
tout aussi faux que le précédent.
Si
vous entrez dans le Brabant septentrional, c'est à titre de conquérants ; vous
pouvez, pour consolider votre existence, rendre ce que vous n'aurez dû (page
533) qu'à la force. Voilà pour le principe ; voici pour les conséquences.
Les
habitants du Brabant septentrional pourraient se retrancher derrière
l'invasion, la force majeure, tandis que les habitants du Limbourg et ceux du
Luxembourg ont eu le tort de s'insurger avec nous, de prendre l'initiative.
Si
demain une insurrection éclatait en France ; si fatiguée de son homogénéité, ou
plutôt si une partie, trouvant ses intérêts compromis par l'autre, se
fractionnait en départements du Nord et du Midi ; si le parti de la légitimité
était repoussé, vaincu par celui de l'insurrection, croyez-vous que des
médiateurs seraient en droit de dire aux vainqueurs : Vous rétrograderez, vous
céderez aux vaincus une partie de votre territoire, de vos frères, de ceux qui
ont concouru à vous donner l'être ? Croyez-vous qu'à l'appui de pareilles
prétentions ils puissent avec justice exhumer quelque traité de partage entre
les fils des rois de la première et seconde race, sous prétexte que depuis
lors il n'y a plus eu de contrats auxquels des fractionnaires de
Je me
trompe,
Et ne
venez pas me dire, à l'appui du système contraire, pour soutenir des
prétentions exagérées, que vous tiendrez
Lors
de notre réunion, la dette hollandaise s'élevait à une rente de 14,333,776
florins ; encore ne fut-elle portée à ce chiffre que par une fausse opération
de liquidation. Depuis lors les dettes de
Vous
avez, messieurs, autant d'intérêt que
Aucun
de tous les arguments ne détruit d'ailleurs que les dix-huit articles nous
imposent une cession de territoire.
Si je
vous démontre que, comme pouvoir législatif, pas plus que comme pouvoir
constituant, vous n'avez le droit de céder une partie de territoire, que vous
faites un abus de la force, M. le ministre des affaires étrangères me répond
qu'il est factieux celui qui ne se soumet pas au pouvoir législatif.
Épargnez-nous
vos épithètes, prouvez-nous que vous êtes dans les termes de l'article 68 de la
constitution , qu'il y a consentement des parties intéressées, ou force
majeure ; prouvez-nous que, comme pouvoir législatif, vous pouvez faire des
cessions sous une régence ; que, comme pouvoir constituant, vous pouvez
démembrer le pays.
Il n'y
a plus de factieux dès que vous vous écartez de la ligne de vos devoirs. Je ne répéterai
pas ce que j'ai déjà dit à cette tribune ; mais, sans m'effrayer du nom de
factieux qui m'a été prodigué ailleurs, je répondrai à mes collègues de
juillet comme à ceux de septembre, que j'ai fait acte de bon citoyen en
agissant comme je l'ai fait, comme je l'ai dit.
Si
surabondamment je démontre que les échanges, les cessions sont contraires aux
intérêts du pays, M. le ministre des affaires étrangères exhume un de mes
discours où il reconnaît que j'ai établi que la possession de la rive droite de
J'ai
rejeté par des sarcasmes les projets de routes en fer, et cependant, dit M. le
ministre, des routes valent mieux que des canaux, parce que ceux-ci ne sont pas
navigables toute l'année. Si, au lieu de lire mes discours dans les journaux,
on s'était donné la peine de me suivre, on aurait entendu que j'ai repoussé
aussi bien les canaux que les routes dont on nous avait fait étalage.
Dans
certaines circonstances les routes ferrées sont préférables à tout autre moyen
de communication, mais leur viabilité non interrompue n'est qu'un élément
accessoire dans la décision qui intervient sur le choix et l'utilité de
travaux aussi importants. Non, messieurs, le ministère n'a ni plans de route ni
plans de canaux susceptibles de nous assurer des communications avec
l'Allemagne, soit que nous ayons le statu quo de 1790, soit que nous
cédions la rive droite de
Nous
sommes neutres, ajoute M. le ministre des affaires étrangères, en vertu d'une
grande pensée politique ;
Nous
devons être forts ; et ici M. le ministre se flatte d'être d'accord avec les
députés qui siégent à l'extrême gauche dans la chambre de France ; oui,
Nous
serons neutres pour comprimer les idées d'agrandissement qui agitent nos
voisins ; force nous sera donc aussi de conserver nos forteresses et une armée.
Ne nous comparons pas à
Le
commerce nous dédommagera, sans doute, de ces charges accablantes ! Il me
souvient qu'un partisan du duc de Leuchtenberg étaya son opinion du commerce
lucratif que nous ferions avec le Brésil... On rêve en ce moment un traité avec
l'Angleterre ; un pareil traité donnerait le coup de mort à l'industrie belge.
Me
voici ramené aux intérêts matériels.
M. le
ministre des affaires étrangères a fait valoir une diminution de la dette que
j'ai réduite de moitié ; il vous a annoncé une économie de 25,000,000 de francs.
Est-ce
pour le faire croire, qu'au lieu du budget de 35,000,000 de florins que votre
commission, s'appuyant sur des faits, avait réduit à 30,000,000 de florins, on
vient de nous en retourner un dont le chiffre s'élève de 42 à 43
millions ? Est-ce pour le faire croire qu'on prodigue d'une manière
scandaleuse les grades militaires ?
Messieurs,
le gouvernement provisoire, dans un moment d'absolue nécessité, avait accordé
un grade d'avancement à tous les officiers, et voici qu'après huit mois de
paix, une foule de militaires ont gagné deux grades, plusieurs trois et même
quatre.
Est-ce
pour nous le faire croire, qu'ont lieu toutes ces promotions d'officiers sans
troupes, comme si un changement d'épaulettes changeait l'homme qui les porte ?
Est-ce
pour nous le faire croire, enfin, qu'on nous fait entrevoir la guerre dans le
lointain, qu'on nous parle des ressources que des préliminaires offrent à la
chicane, aux lenteurs diplomatiques ? Aussi longtemps que les négociations ne
seront pas terminées, vous conserverez un pied de guerre ruineux, et lorsque
les ressources du pays seront épuisées, vous courrez aux armes. Belle
perspective pour nos intérêts matériels !
Allons
un peu plus loin, pensons à l'avenir de
Les
colonies,
Il
nous restait
Il
nous reste enfin
Après
il devient superflu de nous parler d'Ostende. Ce port a acquis une importance
momentanée due aux circonstances ; jamais il ne pourra lutter avec celui d'Anvers.
L'équilibre ancien se maintiendra, et, les affaires diminuant, Ostende
rétrogradera comme Anvers. Ca pêche seule lui restera par suite de l'adoption
des préliminaires de paix. Et dans la supposition même que la possession de
l'Escaut par
C'est
par plaisanterie que d'honorables députés ont voulu transformer Ostende en
chantier de marine de guerre, qu'on a parlé de construire des vaisseaux de
ligne à Boom. Tous les forts imaginables ne mettront jamais les chantiers
d'Ostende à l'abri d'un coup de main ; c'est dans des ports intérieurs qu'on
assoit d'aussi vastes établissements. Quant à Boom, aucun vaisseau de guerre ne
pourrait en sortir et arriver armé en pleine mer.
N'ayez
cependant ni craintes ni soucis ; le prince Léopold entend très bien les
questions commerciales, vous a dit un orateur.
Je
regrette, messieurs, de devoir récuser le témoignage de M. Osy ; il n'est pas
juge compétent.
Puis-je,
je vous le demande, avoir foi dans celui qui nous conseille d'affecter une
partie de ce que nous gagnerons au partage de la dette à des primes
d'exportation, et qui trouve un grand avantage à ce que nos florins soient
dépensés dans le pays ! Est-ce donc de quelque argent monnayé que dépend la
prospérité matérielle d'un pays ? Non, c'est dans le travail, dans la
production, dans l'échange de la production, que consiste la richesse.
Puis-je
avoir foi dans celui qui nous engage à perpétuer le million Merlin, à donner
des encouragements pécuniaires à l'industrie ?
Nous
aurons donc le triste privilège de payer autant et plus d'impôts qu'autrefois,
de créer une industrie factice ; et à la moindre secousse, à la première crise
commerciale, nous tomberons pour ne plus nous relever.
Puis-je
avoir foi dans celui qui nous dit que nous pouvons rivaliser avec l'Angleterre,
parce que nous sommes à peu près aussi avancés que nos voisins d'outre-mer dans
la construction des machines ? L'orateur a oublié de vous dire que la matière
première des machines coûtait moins eu Angleterre : le fer ; que l'aliment
continuel des machines était à meilleur marché en Angleterre : le charbon.
Messieurs,
s'il vous reste une ressource, c'est la diminution des impôts, la suppression
des primes et des encouragements, qui doit amener la diminution du prix de la
journée de l'ouvrier ; oui, l'économie la plus sévère, la parcimonie dans les
dépenses de l'État peuvent seules, dans la suite des temps, vous faire espérer
de reprendre quelques forces productives.
Je me
flatte de vous avoir tenu le langage de la froide raison, d'avoir fait
abstraction de tout esprit de localité ; vous me permettrez de prendre un moment
le rôle de député du Limbourg, de réfuter des sophismes échappés à un
honorable membre.
Députés
du Limbourg, ne vous retirez pas, nous a-t-on dit : en fait, les trois
districts du Limbourg nous demeurent. Oui, mais ce ne sont pas les districts
qui nous ont élus. Ne confondez pas, je vous prie, l'échange, la cession d'un
territoire qui vous a appartenu ; avec la reconnaissance du fait que jamais les
communes de la généralité n'ont fait partie de
En
droit vous ne pouvez abdiquer, ajoute-t-on. Non, nous n'abdiquerons pas notre
mandat ; je conserverai du moins celui que j'ai reçu, mais je ne siégerai plus
dans cette enceinte aussi longtemps qu'il ne me sera pas démontré que nous
conserverons l'intégrité du Limbourg.
Ne
nous faites pas un appel à la réconciliation, il ne s'agit plus d'une
différence d'opinion, mais du démembrement du pays. Nous n'avons point de haine
contre les personnes ; nous sommes et nous resterons ennemis politiques.
Ne
nous parlez pas de Huy, patrie que vous avez volontairement abandonnée, ne nous
faites pas des (page 536) offres inacceptables, elles dénoncent plus
d'égoïsme que de générosité.
Messieurs,
il y a de l'honneur, du dévouement à se sacrifier soi-même à l'intérêt de la
masse ; il y a honte, crime pour la plus grande partie de sacrifier à ses
intérêts, d'immoler une fraction du pays. J'ai dit. (I., 10 juill.)
M. Lebeau, ministre des affaires
étrangères – Messieurs, il paraît que plusieurs de nos honorables collègues ont mal
interprété une phrase de ma réponse au discours de M. de Brouckere. Je déclare
que je conçois et que je respecte toutes les opinions, parce que je les crois
consciencieuses, et que je n'ai entendu appliquer le mot de factieux à aucun
des membrés de cette assemblée. Par les factieux du dedans, j'ai entendu parler
d'hommes qui sont hors de cette enceinte. Par les factieux du dehors, j'ai
entendu parler de personnes qui sont au delà de la frontière. Lorsque journellement
je suis en butte aux attaques de journaux français qui trouvent de l'écho dans
certains journaux du pays, il a pu être permis de tenir le langage que j'ai
fait entendre. (M. B., 10 juill.)
M.
le comte Duval de Beaulieu – Messieurs, je crois en ce moment, après huit jours de
discussion sur le même objet, devoir ne pas la prolonger. L'utilité de répondre
à quelques assertions ne me semble pas pouvoir balancer le besoin d'en finir.
L'assemblée est fatiguée ; ce que je puis faire de mieux pour lui être
agréable, c'est de me taire. (Hilarité générale.) Nous venons d'avoir un
exemple de ce que peut produire l'irritation sur une question épuisée, sans
ajouter de changements aux actes. J'ai, l'un des premiers, exprimé
positivement mon opinion. Inscrit pour la réplique, je me tais maintenant ;
mon silence, qui vous sera agréable, pourra être plus utile à la nation, dont
tout bon citoyen ne peut vouloir troubler le calme. (M. B., 10 juill.)
M.
l’abbé de Foere – Messieurs, je ne viens pas usurper sur votre temps par des
répétitions ; seulement j'essayerai de jeter quelques nouvelles lumières sur
la discussion.
C'est
un fait digne de remarque que l'opposition n'entre pas dans le fond de la
question qui nous occupe. Les membres du congrès qui ont pris la parole contre
l'adoption des dix-huit articles accumulent assertions sur assertions,
conséquences sur conséquences, sans même indiquer les principes d'où ils les
tirent, ou, s'ils les mettent en avant, c'est sans les prouver. Ce sont tantôt
des prémisses fausses, tantôt des prémisses contestées, et ils n'en déduisent
pas moins des conclusions certaines. C'est le vice qui domine dans la
plupart des discours parlementaires, par lesquels on parvient plutôt à
entraîner les passions qu'à convaincre la raison.
La
fin, dit-on, doit être digne du principe. Quel est ce principe ? Quelques
discours m'autorisent à croire que c'est le droit d'insurrection. Qu'est-ce que
ce droit d'insurrection ? J'ai attend en vain qu'un membre de l’opposition en
donne une définition claire et précise. Cependant, messieurs, je suis loin de
repousser ce droit d'insurrection. Je vais, au contraire, l'établir comme un
droit incontestable. Ce droit est, en premier lieu celui de défense légitime et
de propre conservation ; en deuxième lieu, le droit de reprendre ce qui nous a
été violemment arraché. Nous avons usé, à l'intérieur, du premier de ces
droits, à juste titre, contre l'oppression obstinée du gouvernement hollandais,
contre son despotisme oppresseur de nos libertés et de nos droits. L'exercice
de ce droit n'a été contesté par aucun membre du congrès ; il serait donc
inutile de le défendre. L'autre est celui que nous avons exercé contre
l'oppression extérieure, contre les violences armées et diplomatiques du
dehors, contre les spoliations exercées sur notre territoire par la première
révolution française, par les traités de Campo-Formio et Lunéville, et, en
dernier lieu, par le congrès de Vienne. Puisque notre droit d'insurrection à
l'intérieur, tel que je l'ai défini, est hors de toute contestation, il
s'ensuit que toute la discussion se réduit à la délimitation du territoire
belge. Cette contestation a pour objet : 1° la rive gauche de l'Escaut, 2° le
Luxembourg, et 3° une partie du Limbourg.
Je ne
répéterai pas, messieurs, les objections qui ont été faites contre les discours
de MM. Beyts et Van Meenen, tendant à établir nos prétentions sur la rive
gauche, prétentions que vient de renouveler l'orateur (M. Charles de Brouckere)
qui descend de la tribune, et pour la rive gauche et pour la partie contestée
du Limbourg. Je me bornerai à rétablir les faits que ces orateurs ont
incomplètement présentés. Ils ont laissé une lacune qui domine toute la
question. L'honorable M. Beyts est entré dans l'histoire des traités relatifs à
la rive gauche ; mais il a passé sous silence le principe général qui, de
notoriété publique, a été posé au congrès de Vienne comme base de ses
négociations. Ce principe était le statu quo d'avant la première
révolution française. Maintenant, que le congrès de Vienne ait fait, ou non, un
traité spécial pour réintégrer
M. Van
Meenen a commis la même erreur. L'honorable membre cite à son appui la
constitution hollandaise de 1814, qui ne comprend pas
Ces
faits, ainsi rétablis, répondent aussi aux observations que vient de faire M.
Charles de Brouckere, sur le territoire contesté du Limbourg.
D'antres
orateurs ont invoqué le principe de la révolution et de la constitution pour la
rive gauche aussi bien que pour d'autres territoires contestés. Admirez,
messieurs, la puissance de leurs raisonnements ! En voici l'analyse :
Tous
les territoires que la constitution du congrès a compris dans les limites de
Les
provinces méridionales ont fait leur révolution contre les provinces
septentrionales ; or, la rive gauche appartenait aux provinces septentrionales
; donc elle a fait sa révolution ; donc elle est nous !
Toutes
les populations de l'ancien royaume qui
ont scellé de leur sang la révolution appartiennent à la nouvelle
Belgique ; mais
M.
Helias d'Huddeghem est le seul qui ait senti qu'il fallait mettre un peu de
logique dans ces argumentations. Il a essayé de prouver que la rive gauche
avait fait sa révolution. Mais par quels moyens ? La ville de l'Écluse, nous
a-t-il dit, a offert un drapeau tricolore aux troupes de la révolution, et le
gouvernement provisoire a organisé, par un arrêté, l'administration civile et
judiciaire pour la ville d'Hulst. Mais nous, députés de Bruges, qui ne sommes
qu'à trois lieues de l'Écluse, nous savons que le drapeau a été offert, au
commencement de la révolution, par crainte d'être envahis par des troupes
indisciplinées et d'être traités en ennemis ; encore l'acte n'a été consommé
que par une poignée d'habitants, et la ville de l'Écluse n'a fait aucune
résistance aux troupes hollandaises qui y sont entrées depuis. L'histoire
vérifiera ces faits, et elle dira encore que la rive gauche a repoussé les
troupes de Pontécoulant et de Grégoire. L'arrêté du gouvernement provisoire
n'est pas un acte de la ville d'Hulst et de ses environs. C'est un fait posé en
dehors de la rive gauche, qui prouve même le contraire, attendu que la ville
d'Hulst ne l'a pas soutenu.
Tous
les orateurs ont envisagé la question du Luxembourg comme une contestation
entre le roi de Hollande et nous. Elle existe bien plus, selon moi, entre le
roi de Hollande et nous d'un côté, et le congrès de Vienne, continué à Londres.
Le roi de Hollande dit à la conférence : « Vous m'avez enlevé mes quatre
principautés en Allemagne, et, pour m'indemniser, vous m'avez donné le Luxembourg.
Si maintenant vous m'enlevez cette province, il est juste que vous me rendiez
mes quatre principautés. » De notre côté, nous disons à
La
révolution et la constitution, dit-on, ont décidé toute la question du
Limbourg. Lorsque nous consultons les plus simples notions de droit, qu'est-ce
qu'une décision dans une question dans laquelle une seule partie litigieuse
décide ? Je vous le demande, messieurs, que devient une semblable solution ?
Pouvez-vous nier qu'il existe une contestation de territoire dans le Limbourg,
entre
« Mais,
dites-vous, les élections, les mandats, la vérification des pouvoirs, la
constitution sont intervenus. » Oui, messieurs, ces actes sont intervenus. Mais
quelle est, en point de droit, la valeur de simples faits qui ne sont pas la
conséquence logique, l'application immédiate de droits non contestés ? Le
raisonnement de l'opposition équivaut à celui-ci : J'ai pris un bien ; cet
acte n'établissait pas mes droits ; mais, durant la contestation, je l'ai
exploité : donc il m'appartient ! Voyez à quelles conséquences absurdes vous
mène votre prétendue décision !
On
vous a opposé l'odieux droit de conquête que l'Europe entière repousse avec une
juste indignation. Comment répondez-vous ? Par des récriminations ! M. Charles
de Brouckere doit cependant savoir que des récriminations ne sont pas des
raisons. Elles prouveraient, tout au plus, si elles étaient fondées, que les
torts sont de part et d'autre. Mais alors que l'honorable membre serait
convenu de es propres injustices, il nous resterait encore à examiner le fond
des récriminations qu'il dirige contre nous.« Vos échanges d'âmes, dit-il, ne
sont-ils pas aussi immoraux ? » Les échanges ne répugnent à la justice
politique qu'alors qu'ils sont faits contre le gré des populations ; mais
vous-mêmes vous assurez que cette partie du Limbourg veut être belge, et que
les populations de nos enclaves ne voudront pas le devenir. Que devient alors
votre récrimination dans votre propre bouche, alors surtout que nous-mêmes nous
répudions les échanges d'âmes, s’ils devaient s'opérer contre leur gré ?
« Si
cette partie contestée du Limbourg ne nous appartenait pas, dites-vous encore,
les élections, les mandats, la constitution du congrès et ses décisions
seraient viciés. » Mais, selon vous, le Limbourg tout entier nous appartient ;
je prends acte de votre propre assertion, et je dis : Si elle est vraie, cette
population a agi, au moins, par présomption légitime, et nous avons reconnu ses
actes par le même principe. Dès lors, vous détruisez votre propre objection et
même elle retombe sur vous de tout son poids ; car, quand on est en possession
d'un titre, alors même qu'il est contesté, le droit d'agir par présomption
légitime n'est contesté par personne, et il est universellement pratiqué dans
les relations privées comme dans les relations générales. Les transactions
conclues avec un tiers, en vertu de la présomption légitime, n'ont jamais été
annulées alors que les titres n'ont pas été aliénés. La contestation entre les
parties litigantes est restée intacte. Telle est la position de cette partie du
Limbourg à l'égard de
« Mais
Venloo a répondu aux proclamations du gouvernement provisoire. » Ce même
gouvernement, en signant l'armistice, a rendu cette ville à
Remarquez,
messieurs, que la question de Venloo a été débattue sans que l'opposition se
soit donné la peine de vérifier un fait qui constitue la base de ses
raisonnements. En admettant gratuitement le droit d'insurrection dans toute la
(page 539) latitude que lui a donnée mon honorable ami M. Fleussu, il
resterait toujours à prouver que la majorité des habitants de Venloo veut être
belge. Il est vrai que M. Charles de Brouckere a produit des lettres pour
établir l'affirmative ; mais un autre membre en invoque une pour prouver la
nécessité. On assure même que les trois cinquièmes des habitants de Venloo
veulent appartenir à
Lors
de nos délibérations sur l'indépendance du pays, vous avez entendu plusieurs
orateurs. Cependant leurs discours n'étaient applicables qu'à l'ancienne
Belgique, et aucune objection n'a été élevée. Vous avez particulièrement
applaudi au discours de M. Le Hon, qui a examiné la question dans ses rapports
historiques et diplomatiques. Les conclusions de l'orateur n'étaient
applicables qu'à l'ancien territoire belge. Vous n’éleviez pas alors vos
prétentions actuelles. M. Charles de Brouckere prononça aussi un discours. Il
examina la question de notre indépendance, limitée à l'ancien territoire du
pays, dans ses rapports commerciaux et industriels. Il s'efforça alors de
nous prouver que cette Belgique recélait dans son sein d'immenses ressources de
prospérité agricole, commerciale et industrielle. L’orateur vient de quitter la
tribune, et, vous l’avez entendu, messieurs, il s'est efforcé d'établir le
contraire. Si M. de Brouckere se plaît à se réfuter lui-même, ce n'est pas une
raison pour nous de croire que son dernier discours détruit le premier. Je
dirai seulement qu'il y a lieu à révision.
Et
pourquoi cette prospérité commerciale et industrielle serait-elle maintenant détruite
? Charles de Brouckere découvre une cause principale dans notre neutralité, et,
pour vous en convaincre, il vous a communiqué ses prédictions. Moi, pour vous
convaincre du contraire, je vous citerai des faits irrécusables, puisés dans
notre histoire. Vous avez entendu hier, messieurs, le discours de l'honorable
M. Serruys, député d'Ostende, discours fort de raisons et de faits, allégués
contre les erreurs de M. Claes, député d'Anvers. M. Serruys vous a démontré
l'immense prospérité du port d'Ostende, dans lequel, durant une partie du
dernier siècle, souvent plus de douze cents bâtiments de commerce entrèrent par
an. De quelle époque date cette activité du port d'Ostende et de Nieuport ? à
quelle cause est-elle due ? M, Serruys ne l'a pas dit ; je suppléerai à son
silence. Elle date de 1756, lorsque le souverain de
Un
honorable membre vient de nous dire encore que
Notre
prospérité industrielle est dans notre travail et dans notre économie, dit
encore M. de Brouckere. L'orateur a raison. Mais je ne sache pas que la
neutralité et les autres propositions de la conférence nous interdisent ou nous
empêchent de travailler et d'apporter la plus sévère économie dans les dépenses
de l'État.
Le
même député repousse encore la neutralité, parce qu'il la considère comme
illusoire à l'égard de
(page
540) On repousse encore la neutralité comme un acte d'intervention. Je le
concevrais, si les charges de la neutralité pesaient exclusivement sur nous.
Mais la conférence propose un traité de neutralité dans lequel les
charges et les bénéfices sont communs, un traité par lequel les parties contractantes
se constituent respectivement responsables. Dès lors, je ne puis y découvrir un
acte d'intervention.
« La
conférence, dites-vous encore, n'a rien de commun avec
« La
constitution est changée, objecte encore M. de Brouckere, si les dix-huit
articles sont adoptés. » En admettant ce changement par cette adoption, il ne
s'ensuit pas qu'il serait fait illégalement. Qui jamais a contesté au même
pouvoir qui a porté une loi, le droit de la changer et même de la rapporter
tout entière ? « Mais, poursuit-il, le changement de la constitution sous une
régence est inconstitutionnelle. » Le principe sur lequel cette assertion
repose est erroné. La régence de la constitution est un gouvernement qui
s'établit durant la vacance du trône. La régence actuelle est une institution
en dehors de la constitution, une régence exceptionnelle, une régence extraordinaire.
Vous vous souvenez tous, messieurs, qu'avant l'institution d'un chef provisoire
de l'État, une discussion s'est établie dans les sections sur la question de
savoir si ce chef de l'État serait revêtu du titre de lieutenant général, ou
de celui de régent. La dernière opinion a prévalu, parce que le titre
de régent se rapprochait plus que tout autre de l'esprit de la
constitution. L'assertion de M. de Brouckere conduirait d'ailleurs à
l'absurde. Elle impliquerait que
J'ai
entendu encore retentir dans cette enceinte le mot d'honneur. Messieurs,
l'honneur, pour moi, c'est la justice. Je n'en connais pas
d'autre. L'honneur, pour moi, consiste à concilier les intérêts de mon
pays avec le bon droit.
Messieurs,
j'ai tâché d'éviter les répétitions et le langage des passions. J'ai cherché à
éclairer l'assemblée par quelques nouvelles observations, et à lui parler le
langage de la raison. Mon but n'est pas d'entraîner les passions ; mais de convaincre
une opposition probe et loyale. J'aurais pu chercher à balancer les partis par
les partis, à perdre les uns par les autres, à nous faire désespérer de
nous-mêmes, et enfin, fatigués, épuisés par nos propres résistances, à nous
faire tendre des bras de pitié aux ennemis de notre indépendance. Mais je crois
avoir consciencieusement rempli mon mandat, Je voterai pour les dix-huit
articles qui nous sont proposés. (M. B.,. supp., 11 juill.)
M. le président – La parole est à M. Forgeur. (Profond
silence.) (M. B., 10 juill.)
M. Forgeur – Messieurs, lorsque je suis entré
dans, cette enceinte pour assister à la discussion solennelle qui doit décider,
selon moi, de l'avenir du pays, je ne m'attendais pas, je l'avoue, à voir se
manifester parmi des Belges cette divergence d'opinions. Je n'ai conçu cette
divergence que lorsque le ministère, se dessinant, n'a pas craint d'assumer sur
sa tête l'immense responsabilité de l'acceptation des dix-huit articles de la
conférence. J'étais tellement convaincu que consentira l'adoption de ces
articles, c'était renier la révolution, j'étais tellement convaincu que
c'était compromettre l'existence de
Pour
moi, messieurs, quelle que soit votre décision, à mon avis le mal est fait. Le
ministère a compromis pour jamais l'avenir du pays, et la majorité qui se
dessine me semble s'engager dans cette fausse route. Je l'avouerai, pour ne
vous parler que le langage de la froide raison, je dois imposer silence aux
émotions nombreuses qui m'ont agité pendant cette discussion. Toutefois,
messieurs, ne vous attendez pas que je me livre, en développant les motifs de
mon opinion, à des injures, des violences, des sarcasmes qui seraient indignes
de vous et indignes de mon caractère. Cependant, lorsque j'ai entendu le
ministère nous dire que la forme des propositions de la conférence .n'était
plus insultante pour le pays ; lorsque je l'ai entendu nous dire que la
conférence, par cela seul qu'elle nous soumet des propositions sur lesquelles
nous pouvons délibérer, avait perdu ce ton de hauteur, ce ton impérieux par
lequel elle avait débuté, je me suis involontairement souvenu de ce brigand
espagnol qui, l'escopette sur l'épaule, demandait la charité aux passants. (Sourire.)
Du reste, j'abandonne la forme, mais je remarque que tandis que nous nous
épuisons en discussions, toute discussion nous est interdite, car nous ne
pouvons faire ni modifications ni amendements aux propositions de la
conférence. Je vous dirai les motifs qui me déterminent à voter pour le rejet,
et après tout ce qui a été dit, plagiaire volontaire des principaux arguments
qui ont été proposés, je vous dirai ce que contiennent en réalité les
propositions de la conférence.
Pour
apprécier, relativement au Luxembourg, le sens dans lequel doit être entendu
l'article 3 des préliminaires, il faut en bonne logique se référer aux
antécédents relatifs à cette province. Quiconque refuserait de tenir compte de
ces antécédents, interpréterait mal, à mon sens, celui de l'article 3. Or, ces
antécédents sont : 1 ° le protocole du 20 janvier, qui déclare le Luxembourg
détaché de
Parlerai-je
du Limbourg, question d'honneur, car nous ne pouvons, sans nous déshonorer,
briser le lien qui nous unit à nos frères du Limbourg, et question d'existence
pour le pays, car le pays ne peut vivre sans commerce, et le Limbourg perdu,
plus de commerce avec l'Allemagne ? Alors donc que cette question est tout à la
fois une question d'honneur et d'existence pour le pays, vous parlerai-je de
l'article 4 des propositions ? Ici, messieurs, je vous parlerai de faits
historiques d'une autorité irrécusable ; je vous reporterai dans cette société
politique de 1790, qu'il est essentiel de connaître pour juger la question avec
connaissance de cause. Maestricht était, avant 1790, une ville qui avait son
droit municipal particulier ; elle était possédée indivisément par les
Provinces-Unies et par le prince-évêque de Liége. Remarquez que je ne parle
que de la possession civile, car la possession militaire appartenait aux Provinces-Unies
: elles l'ont exercée exclusivement de 1664 jusqu'en 1790. En 1790, Maestricht
avait donc son droit municipal qui lui était propre. Les citoyens dé Maestricht
avaient-ils des députés aux États-Généraux des Provinces- Unies ? Non. (page
542) Avait-elle des députés aux États de Liége ? Pas davantage. Cette
ville s'administrait par elle-même. En 1814, il y eut prise de possession au
nom des Provinces-Unies, et ces mêmes puissances qui composent aujourd'hui la
conférence de Londres, et qui révoquent en doute nos droits sur Maestricht,
prirent incontinent possession, pour conserver les droits de Liége. La
conférence a senti que Maestricht était un point important, mais en même temps
elle a senti l'impossibilité de reconstruire la société de 1790 ; elle a senti
qu'il serait absurde de soumettre Maestricht à une administration mi-belge,
mi-hollandaise, et, en définitive, c'est pour
Quant
à la rive gauche de l'Escaut, sa possession est une question d'existence pour
nous, quoi qu'en aient dit les députés d'Anvers, dont je respecte l'opinion
consciencieuse, et qui, sans doute, ne se précipitent pas et ne veulent pas
précipiter le pays dans une position insoutenable, par lassitude d'un
provisoire qui les ruine ; sans la rive gauche de l'Escaut, il nous est
impossible d'exister. Quant aux droits, je les abandonnerai pour ce qu'ils
valent ; et à ceux qui disent que le territoire ne peut nous appartenir parce
que les habitants ne se sont pas associés à notre révolution, je répondrai que
Venloo s'est révoltée comme nous, et que cependant ils veulent l'abandonner. (Sensation.)
Quant
à Venloo, ne croyez pas que je veuille redire ici ce qui aurait dû retentir si
profondément dans vos âmes. Non, messieurs, mais il me sera permis encore une
observation, et ce sera un appel à votre bonne foi. Si, quand pour la première
fois nous nous sommes réunis dans cette enceinte : si, quand il a été question
de vérifier les pouvoirs des députés de
Maintenant
que je crois avoir fixé le véritable sens de ces préliminaires ; maintenant
que, selon moi, il est impossible que, de bonne foi, on puisse contester les
faits que je viens d'avancer, tout se réduit à une question de nécessité ;
laissons donc là toutes ces arguties qu'on a employées pour prouver que nous
aurons, par les négociations, el Venloo, et Maestricht, et le Luxembourg, et
que nous pouvons nous en reposer sur la parole du prince ; laissons, dis-je,
toutes ces arguties, et demandons-nous s'il y a nécessité pour nous d'adopter
les propositions ; et, si on envisageait la question sous ce rapport, et qu'on
me démontrât la nécessité de souscrire à l'abandon de nos frères, peut-être
alors, si cette nécessité impérieuse m'était bien démontrée, pourrais-je me
décider à un acte au nom duquel mon âme se révolte. Mais, bien loin que nous
soyons réduits à cette dure extrémité, nous avons dans la conférence des
protecteurs qui, je le sais, ont fait considérer les propositions comme
inacceptables et comme devant être rejetées par le congrès belge. J'adjure à ce
propos les députés à Londres, de dire s'il n'est pas vrai qu'avant la signature
des préliminaires par la conférence, le prince se flattait d'obtenir des
conditions meilleures ; je les adjure de dire si, aussitôt que le prince
connut le don funeste qui nous a été apporté ici par M. le ministre des
affaires étrangères, ils (page 543) ne remarquaient pas sur ses traits
l'empreinte d'une profonde tristesse ? C'est que dans la conférence de Londres
nous avions deux protecteurs qui voulaient qu'on nous fît des conditions
raisonnables d'existence : ces protecteurs étaient
Ici je
vous rappellerai ce que vous a dit l'honorable M. Van Meenen dans un discours
si plein de force et de logique, et que l'assemblée a écouté avec une si
religieuse attention. Qu'arrivera-t-il si vous acceptez et que le roi de
Hollande refuse ? Croyez-vous que la conférence de Londres, qui par le traité
d'armistice a le droit indéfini d'intervenir pour son exécution, ne
persévérera pas dans cette voie et ne dira pas : Et après tout, ces Belges
veulent se constituer à tout prix ; ils se constitueront deux mois plus tard
avec des conditions pires ; on se dira que l'on peut bien avoir été injuste envers
Mais,
dit-on, vous voulez donc la guerre, et vous la voulez à tout prix. La guerre ?
mot magique pour les âmes pusillanimes ! Non, je ne veux pas la guerre à tout
prix, mais je la veux quand elle est nécessaire et quand il y va de l'honneur.
Or, je dis que la guerre est nécessaire, inévitable, car ne croyez pas que si
Maintenant
je vous ai dit quelle était mon opinion ; vous aurez remarqué que j'ai évité
dans mes paroles de faire un appel à vos passions, que je n'ai pas évoqué les
discours et les opinions de ces députés qui aujourd'hui... mais alors...
Messieurs, quelle que soit votre décision, je dirai, quoique je sois convaincu
que nous allons souscrire au malheur de notre pays, que ses intérêts matériels
vont être sacrifiés ; quoique, persuadé que ces masses qui étaient heureuses
sous l'ancien gouvernement et que nous avons entraînées dans une révolution de principe,
se souviendront un jour de leur bonheur passé ; je dirai qu'il ne faut pas
croire qu'en rentrant dans ma province, où déjà de sourdes agitations
commencent, et dont je suis l'organe aussi consciencieux que d'autres qui
s'apprêtent à voter autrement que nous, j'apporte de nouveaux ferments de
discorde puisés dans le sein de cette assemblée. Non : je souscrirai à votre
décision quelle qu'elle soit ; non, il ne sera pas dit, si l'on voit périr la
nation belge, que ce sera moi qui aurai contribué à la replonger dans de
nouveaux malheurs. Mais aussi, parce que quelques factieux s'agitent, qu'on ne
calomnie pas ces hommes du tiers état qui pensent qu'ils ont le droit de parler
quand l'intérêt du pays l'exige. (Bravo ! bravo !) (E., 10
juill.)
M. Jacobs prononce un discours en
faveur de l'acceptation des préliminaires. (La clôture ! la
clôture !) (M. B., 10 juill.)
(page 544) M.
Destriveaux déclare qu'il est disposé à parler contre les propositions ; que
cependant si l'assemblée veut clore la discussion, il renoncera à la parole. (Non
! non ! parlez ! parlez !) L'orateur monte à la tribune et
prononce un discours contre les préliminaires ; il déclare que sa conviction
résulte d'un mûr examen des propositions de la conférence.
Il
voit dans les préliminaires de paix un commandement, et non une médiation. Il
y découvre intérêt, partialité de la part de la conférence.
La
déclaration de la neutralité de
On a
dit, ajoute-t-il, qu'il n'existait plus de Sainte-Alliance, je voudrais le
croire. Je pense que l'alliance des cabinets peut durer quelque temps ; mais
qu'elle soit sainte, je ne veux pas accueillir une semblable calomnie des
nations. (On rit.)
L'honorable
membre examine quels sont les signataires des préliminaires. Il y reconnaît
ceux du traité de Vienne, et ne peut leur accorder aucune confiance.
Il
n'examinera pas les questions spéciales, il se borne à demander qui a envoyé
des députés au congrès et pourquoi ils y ont été envoyés.
Il
s'agissait d'écrire une constitution : elle est faite, il faut la maintenir ;
il regarde cette nécessité comme un devoir sacré qu'il ne veut pas violer.
L'orateur
s'attache à démontrer qu'il y a intervention de la part de la conférence dans
les préliminaires qu'elle nous propose.
Il
termine en disant qu'en cas d'acceptation, il fera ce qu'il a longtemps appris
aux autres à faire, il donnera l'exemple de l'obéissance au décret, tout en
déplorant qu'il n'ait pas cru convenable de refuser des conditions qui lui
paraissent, à lui personnellement, déshonorantes. (Marques générales
d'approbation.) (M. B., et C. M., 10 juill.)
M.
Destouvelles – Il se prononce aussi contre les préliminaires. Il considère l'acceptation
comme la perte immédiate du Luxembourg, de Venloo et des pays de généralité.
Pour le recouvrement de ces territoires, on ne lui présente que des espérances
et des éventualités fort incertaines, et pour lesquelles il ne peut consentir à
ce que
L' orateur convient que le prince de
Saxe-Cobourg est décidé à conserver le Luxembourg à
L'honorable
membre termine en disant qu'il regardait comme une indiscrétion ce qui aurait
été dit de la tristesse du prince après la signature des dix-huit articles. Il
n'en aurait rien dit si on n'en avait parlé avant lui. Sans être physionomiste,
il avoue qu'en effet le prince lui avait paru plus préoccupé qu'à l'ordinaire,
lors des dernières visites de la députation. Il n'ose dire cependant que les
préliminaires fussent la cause de cette préoccupation qui pouvait avoir sa
source dans d'autres motifs inconnus et sur lesquels la députation ne devait
pas demander des explications. (M. B., 10 juill.)
M. Doreye – La question agitée depuis
huit jours au sein de cette assemblée est d'un immense intérêt pour la nation,
dans le présent et dans l'avenir. Je résume les principaux motifs de mon vote,
qui sera négatif.
L'acceptation
des préliminaires présente d'incontestables avantages, je ne puis le
dissimuler.
Elle
termine la révolution, elle permet à
Mais à
quel prix, à quelles conditions ? c'est là surtout ce qu'il faut voir.
Ces
faits, et tant d'autres non moins positifs pour être moins éclatants, étaient
l'application a'un système créé pour s'opposer à la libre émancipation des
peuples. Juillet 1830 parut : le système fut ébranlé dans sa base ;
(page
545) La conférence de Londres est un rejeton de
Un
grand pas toutefois a été fait ; je ne veux point le nier : le conseil des
rois, réuni dans la capitale de l'Angleterre et délibérant sur un peuple en
révolution, a reconnu explicitement qu'il ne pouvait point s'occuper de son
régime intérieur. Quels qu'aient été les vrais motifs de cette importante
déclaration, les nations en prendront acte ; elle sera enregistrée dans le code
des franchises européennes.
Mais
je crains, messieurs, qu'on n'ait en même temps cherché et trouvé le moyen de
neutraliser le principe qu'on n'a pu s'empêcher, bien que transitoirement,
d'énoncer. Sous le prétexte qu'un peuple qui prononce son affranchissement politique
ne peut ni faire des conquêtes, ni préjudicier à la sûreté intérieure ou
extérieure des États voisins ; sous ce prétexte, dis-je, on emploiera la force
pour le replacer sous le joug : voyez la malheureuse Italie ! ou bien, si les
circonstances conseillent la précaution et les ménagements, on le précipitera
dans mille embarras, dans d'inextricables difficultés, on l'entraînera dans le
dédale des négociations, on épuisera sa patience, on ramènera enfin à cet état
de lassitude où l'on peut tout offrir parce qu'on a l'espoir de tout faire
accepter ; voyez nous-mêmes !
C'est
ainsi, messieurs, que le principe de non-intervention sera toujours éludé, et
qu'il court risque de rester une chimère.
Qu'est-il
autre chose dans l'application qu'on en fait à
On ne
veut point, dit-t-on, s'immiscer dans son régime intérieur ; et on lui enlève
une partie de sa population ! on lui arrache une partie de son territoire ! on
mutile sa représentation nationale ! Jamais régime intérieur d'un peuple, d'un
peuple constitué depuis dix mois, a-t-il été troublé plus violemment ? On
veut, messieurs, on veut faire jouer aux Belges le rôle de dupes ; et c'est ce
qui les indigne.
Une
chose remarquable, et qui me prouve avec quel empressement la conférence saisit
toute occasion de se mêler de nos affaires, c'est que l'acceptation du prince,
au lieu d'être un objet de négociation entre nous et lui, est d'avance un
instrument de négociation entre la conférence et nous. Elle s'ouvre ainsi,
presque à notre insu, une issue chez nous ; elle se ménage le moyen de s'occuper,
malgré nous, de nos intérêts ; elle nous amène adroitement à la reconnaître
arbitre suprême. C'est un piége, messieurs, il faut vous en défier.
A
force de faire de la diplomatie, la question s'est simplifiée à notre détriment
: car aujourd'hui elle se réduit à savoir si nous nous soumettrons aux
conditions mises par la conférence à l'acceptation du prince de Saxe-Cobourg,
ou si nous les rejetterons. Dans l'affirmative, notre révolution est terminée,
et le principe en est détruit ; car le prince que nous avons élu n'est plus
seulement l'homme de notre choix ; il ne tient plus sa couronne de nos seuls
et libres suffrages ; il la reçoit de nous et de la conférence, qui ne lui
permet d'accepter que sous telles conditions. Je regrette de le dire,
messieurs, ce n'est pas ainsi que j'avais compris mon vote, lorsque le 4 juin
le congrès appela le prince au trône de
Voudrions-nous,
messieurs, cesser d'être ce que nous avons été jusqu'à ce jour ? Quels sont les
motifs qui nous forcent à nous courber ? Où sont les revers qui nous
contraignent à dépouiller le caractère, plein d'énergie et de dignité, que nous
avions déployé à la face de l'Europe ? Je les cherche en vain, et ne puis
m'expliquer les causes d'un tel changement.
Nous
avons protesté contre les exigences de la conférence : nous avons fait une
constitution qui détermine nos limites ; nous avons contesté le principe
d'intervention ; nous avons posé en principe et en fait, qu'un peuple a le
droit de se constituer comme il l'entend, et que les traités n'ont de force
qu'entre les parties contractantes ; nous avons renversé tout le droit public
de
Cette
vérité ; messieurs, qu'on ne peut se cacher à soi-même, on s'efforce de
l'adoucir et de la dissimuler. Les préliminaires vous sont présentés sous la
forme de propositions ! Vous êtes libres de les accepter ou de les refuser ! Singulières
propositions, singulière liberté, que celles qui vous imposent l'acceptation de
tous les articles sous la forme de condition, et vous replacent, en cas de
rejet, sous la menace des protocoles ! Mais si vous êtes les maîtres de
refuser, pourquoi ne refuseriez-vous pas ? Vous en serez quittes, après tout,
pour vous retrouver vis-à-vis des protocoles, qu'on n'a pas osé et qu'on
n'osera pas exécuter, non pas peut-être parce que ce serait une violation de
toute justice et de tout droit, mais parce qu'on craindra le conflit des
intérêts.
Je
crains, messieurs, que les propositions ne masquent les protocoles ; je crains
que la prétendue médiation de la conférence ne soit, ou ne devienne
bientôt, une intervention réelle. Des préliminaires de paix sont des
bases dont on ne peut s'écarter, et les préliminaires proposés par la
conférence nécessitent de nouvelles négociations, qui auront pour objet des
échanges de territoire. Mais ces négociations sont impossibles avec le roi de
Hollande ; les cinq puissances le savent : Or, vous vous rappelez ce qui est
arrivé lors de l'armistice : il fut posé et accepté d'abord sous leur simple
médiation ; bientôt elles changèrent de rôle ; elles déclarèrent que
l'armistice constituait envers elles-mêmes un engagement qu'on ne pouvait plus
rompre : de médiatrices, elles se firent intervenantes, et
cependant l'armistice et la suspension d'armes n'étaient pas même des
propositions formellement acceptées, comme le seront celles dont il s'agit.
Même chose arrivera, messieurs, après l'acceptation des préliminaires, par la
raison toute simple que
Je
repousse donc, messieurs, des propositions qui ne sont à mes yeux qu'une
intervention déguisée ; je les repousse, non seulement au nom et dans l'intérêt
de
Je
puise le second, non pas, je l'avouerai, dans le vice d'inconstitutionnalité
(car je crois que vous avez conservé l'omnipotence d'un pouvoir constituant),
mais dans une règle de justice et de droit social, antérieurs même à votre
existence comme assemblée nationale. L'article 1er de la constitution trace les
limites de
Le
mandat que les Limbourgeois nous ont donné, que vous avez reçu d'eux, est un
autre contrat entre eux et vous ; il leur a imposé ainsi qu'à vous des droits
et des devoirs réciproques : à eux, celui d'être fidèles au pays, aux
institutions qu'ils vous ont appelés à créer ; à vous, celui de les protéger,
de les défendre, de ne pas les abandonner.
Eh
quoi ! si, il y a huit jours, si maintenant encore, les habitants de ces
malheureuses communes trahissaient la fidélité qu'ils vous ont promise, et se rattachaient
à leur ancienne patrie, vous les livreriez à vos tribunaux, ils seraient
condamnes peut-être à subir l'échafaud ! et c'est vous, lorsqu'ils demandent à
ne point s'en séparer, qui les repoussez du sein de la patrie, et les invitez
au parjure ! Cette logique, messieurs, sera désavouée par les esprits droits,
par les âmes généreuses.
La
conférence nous reporte à 1790 pour la séparation des deux territoires : et
pourquoi, je le (page 547) demande, ce saut de quarante années ? Qu'ont
eu de commun avec
La
division du royaume des Pays-Bas en provinces méridionales et septentrionales
depuis 1815 est le seul point de départ admissible ; s'en écarter, c'est abandonner
une règle certaine, le principe de l'insurrection, et de l'insurrection telle
qu’on vient aujourd'hui nous l'expliquer, inoffensive pour les autres peuples
et non conquérante, pour se livrer à tout le vague de l'arbitraire.
Je ne
suis pourtant pas, je le déclare, de ceux professent cet axiome : Périsse
Je
sais, messieurs, que nous avons la ressource des enclaves ; mais je prévois
qu'elle sera stérile. Et qu'offririons-nous, de grâce, à
Que
dire du Luxembourg ? Il suffit de lire les articles 2 et 3 pour être convaincu
que nous abdiquons nos droits sur cette province. L'article 2 compose
Je lis
bien, dans l'article 3, que les cinq puissances emploieront leurs bons offices
pour que le statu quo soit maintenu pendant le cours de la négociation
séparée à ouvrir sur ce point. Mais qu'en résultera-t-il ? que leurs bons
offices nous sont promis, et rien de plus ; et si ces bons offices ;ont refusés
par
Je
crois bien volontiers, messieurs, à la vérité des assurances que l'on nous
donne sur les intentions du prince, à la sincérité de ces intentions. Je
démontre seulement qu'elles seront impuissantes contre une stipulation précise.
(page
548) Parlerai-je de cette neutralité, dont on réserva la honte à
Ainsi
dépossédés de la rive gauche de l'Escaut, les rivières et les canaux servant à
l'exportation de nos marchandises, sont entre les mains des Hollandais, qui
nous feront bien sentir qu'ils en sont les maîtres. Privés de Maestricht et de
Venloo, la libre navigation de
Avec
un territoire réduit à de mesquines proportions, sans débouchés, sans libres
moyens de communication, que deviendront, ainsi étranglés, l'industrie et le
commerce, qui ont été si prospères ? Voilà , messieurs, le résultat des
préliminaires que l'on vous propose. On vous propose de signer à la fois, et
dans un seul acte, l'abandon de la rive gauche de l'Escaut, du Luxembourg (sauf
de chimériques espérances fondées sur de simples paroles) , celui de Venloo,
celui, si ce n'est de la totalité, comme il est à craindre, tout au moins de la
moitié de Maestricht ; plus, votre servage politique. Je ne puis souscrire,
messieurs, à ces dures, à ces humiliantes conditions.
J'ai
entendu présenter les propositions presque comme un sacrifice à l'amour-propre
des puissances, et notre acquiescement comme une affaire de forme, dont nous
saurions bien nous débarrasser.
Qu'on
y prenne garde, messieurs, c'est une grave erreur. Les propositions sont formelles,
et si formelles qu'il est impossible de s'y tromper.
Ne
s'agit-il pas de les accepter dans leur intégralité ? Ces propositions
n'ont-elles pas été soumises à l'acceptation du roi de Hollande comme à la
nôtre ? Et lorsqu'elles seront acceptées de part et d'autre, n'y aura-t-il pas
un contrat synallagmatique, un engagement sacré, non seulement pour nous, mais
encore pour les cinq puissances ? Les rois violeront-ils les engagements qu'ils
auront pris envers un de leurs alliés ? Quelle serait cette manière de
raisonner et de voir ? On contracterait avec l'arrière-pensée de faire autre
chose que ce que l'on promet ; et ce ne serait pas seulement nous qui jouerions
cette comédie, ce seraient
Des
préliminaires de paix, une simple formalité ! Comment ! A-t-on lu l'histoire ?
a-t-on lu quelque traité diplomatique ? quelque recueil de traites ? On
saura que les préliminaires sont la base des traités, qu'il n'y a rien de plus
sacré aux yeux des puissances que les préliminaires d'un traité. Qu'on se hâte,
messieurs, de sortir de cette voie honteuse et lâche qui n'a pas même le,mérite
de sauver l'honnêteté.
Je
souriais, messieurs, à l'indépendance de
« Il a
laissé au congrès des représentants de la nation à adopter les mesures qui
seules peuvent constituer le nouvel État, et par là lui assurer la
reconnaissance des Etats européens.» (Extrait de sa réponse à la députation).
«
Aussitôt que le congrès aura adopté les articles que la conférence de Londres
lui propose, il considérera les difficultés comme levées pour lui, et pourra se
rendre immédiatement en Belgique. » (Extrait de sa réponse au régent).
Il ne
subordonne donc pas d'une manière absolue son acceptation à celle des
préliminaires. Au contraire, il accepte purement l'offre qui lui est faite ;
seulement, il laisse au congrès le soin (page 549) d'adopter les mesures
propres à constituer le nouvel Etat : et en cela il fait, selon moi,
preuve de sagesse. Il pourra se rendre en Belgique immédiatement après
l'acceptation des préliminaires ; mais il ne déclare pas que sans cette
acceptation il ne viendra jamais ; il ne rétracte pas sa propre acceptation.
Et
comment le rejet des préliminaires motiverait-il le refus du prince ? Un rejet
déterminé par de nobles sentiments, par des voies de prudence, sera compris par
lui, que l'on dit sage et généreux ; il a promis d'assurer, autant qu'il
dépendra de son concours, une existence indépendante et heureuse à
Une
autre appréhension d'une nature plus grave encore me paraît avoir fortement agi
sur vous : celle de la guerre générale. Il n'est personne, messieurs, qui la
redoute plus que moi ; je la considère, non seulement comme un terrible fléau
pour l'humanité, mais dans ses rapports généraux avec les peuples, elle ne peut
que faire rétrograder la civilisation et la liberté, ou en arrêter la marche ;
ms ses rapports avec nous, elle nous met dans l’alternative de perdre
l'existence politique ou de subir la restauration. Mais cette crainte
n'a-t-elle pas trop vivement préoccupé les esprits, et a-t-on fait assez
d'attention à l'état actuel des choses ? Je ne le pense pas, et voici pourquoi
: .
La
conférence a voulu fixer notre sort par ses protocoles, mais elle a reculé
devant leur exécution violente. Celte exécution remettrait en question
l'existence de tous les États que le congrès de Vienne a constitués. Aussi les
protocoles n° 24 et 24, qui fixaient au 20 juin l'exécution des protocoles
antérieurs, sont demeurés sans suite, car le rappel de MM. Ponsonby et Belliard
ne signifie rien, puisqu'il aurait dû être immédiatement suivi d’hostilités, et
que notre ambassadeur en France n’a pas même quitté Paris.
Fidèle
à son système, la conférence, au lieu de s’en tenir à ses décisions, a saisi
avec empressement l'occasion que lui présentait l'élection du prince Léopold,
de revenir à meilleure composition. Elle cède sur la dette, et sur d'autres
points sans importance, tenant ferme sur le reste. J'en conclus que les
puissances veulent toujours négocier, au lieu de guerroyer :
elles ont tout à gagner avec la diplomatie ; elles ont beaucoup à perdre avec
la guerre.
Elles
feront tout pour l'éviter ;
Elles
ne veulent pas même qu'elle s'engage entre les deux parties intéressées. Elles
ont fait et continueront à faire leurs efforts pour l'empêcher, et pourquoi ?
Parce qu'elles craignent que la guerre ne devienne européenne ; quand elles
sentiront l'impossibilité de l'empêcher entre
On dit
que dans ce cas nous avons à craindre une réunion. Je ne le crois pas, tant que
la guerre demeurera concentrée entre
La
peur est souvent une mauvaise conseillère, et je crois qu'ici nous ne devons
pas nous en laisser dominer. Il est, selon moi, préférable de refuser :
1 ° On
aura toujours le temps de céder, si les événements nous en font une loi ;
2° Les
événements ne peuvent devenir tels, qu'ils compromettent notre existence, parce
qu'alors ils compromettraient l'existence du gouvernement français aussi bien
que la nôtre.
3° Les
puissances, renonçant à l'espoir de nous imposer ou de nous faire accepter les
protocoles, et ne voulant pas courir les chances d'une guerre européenne, reconnaîtront
que le débat existe entre
C'est
ainsi, messieurs, que j'envisage notre position et conçois le moyen d'en
sortir. Quoique ce système me paraisse préférable à tous les autres, il n'est
pas sans inconvénients, sans dangers ; je suis le premier à le sentir, l'état
de nos affaires est tel, qu'un système qui en est exempt est la pierre
philosophale. Nul dans cette enceinte ne peut prétendre prononcer d'oracle ;
toutes les opinions, sujettes à la faillibilité humaine, sont à nos yeux
loyales. Aussi, messieurs, me suis-je borné à parler à votre froide raison,
croyant qu'en ces graves débats, le devoir interdisait tout appel aux passions.
Aucune personnalité, aucun sarcasme, aucune injure ne me sont échappés ; je
rends justice à toutes les opinions, je la rends au ministère lui-même, que je
crois être entré dans une fausse voie, mais qui, j'en ai la ferme persuasion,
est de bonne foi et veut, en se trompant, le bien du pays ; je puis lui rendre
cet hommage désintéressé, puisque je le fais au moment où il dépose le pouvoir,
qu'on ne me reprochera jamais d'avoir flatté. Plusieurs de mes collègues ont
fait entendre, en terminant, une voix patriotique ; ils ont protesté de leur
soumission à la décision du congrès, quelle qu'elle fût. Ai-je besoin de les
imiter, messieurs, moi qui regarderais comme infidèle à son mandat, et
coupable envers le pays, celui qui, par des moyens illégaux, chercherait à
troubler 1'union qui jusqu'à présent a fait sa force, qui va lui devenir plus
nécessaire que jamais, qui peut encore le sauver ? J'adjure ici les honorables
députés du Limbourg et du Luxembourg de ne point se séparer de nous, de ne pas
fournir à nos ennemis des armes dangereuses. Je n'ajoute rien ; je m'adresse à
des cœurs droits, à des raisons élevées. à des hommes généreux ; ils écouteront
la voix du patriotisme qui leur dit d'attendre, et de ne pas exposer
- Les
cris : La clôture ! se font entendre. Cependant, sur la demande de M. de Robaulx, la suite de la discussion est renvoyée à demain, à dit
heures. (M. B., 10 juill.)
- La
séance est suspendue à quatre heures ; elle est reprise à huit heures du soir.
(P. V.)
L'ordre
du jour est la discussion du rapport de la commission chargée de la
vérification des pouvoirs de M. le chevalier Étienne de Sauvage, député de
Liége. (P. V.)
M. le président lit le rapport de la commission sur
l'élection de M. le chevalier de Sauvage. (J. B., 10 juill.)
M. le comte de Robiano combat l'élection de M. de Sauvage.
(J. B., 10 juill.)
M.
le baron Beyts demande si c'est à domicile et par carte qu'on a convoqué les électeurs,
ou si on l'a frauduleusement négligé ? (J. B., 10 juill.)
M.
Forgeur
croit se rappeler qu'on a distribué des cartes à chaque électeur ; il se
rappelle, de la manière la plus positive, qu'on devait conster de sa qualité
d'électeur pour être admis dans l'enceinte. (J. B., 10 juill.)
M. Raikem se souvient d'avoir reçu une
convocation à domicile ; il a dû exhiber sa lettre de convocation pour être
admis dans l'assemblée électorale. Faut-il un décret du régent, ou une simple
instruction du ministre de l'intérieur. J'adopte, dit-il, l'opinion de la
commission, qui a été d'avis qu'une simple instruction du ministre de
l'intérieur suffisait. S'il fallait un arrêté du régent, cet arrêté devrait-il
être inséré au Bulletin officiel ? Je crois que non. C'est le seul motif
plausible dont on a appuyé la nullité de l'élection. C'est à quoi se résume la
question. (J. B., 10 juill.)
(page 551) M. de Robaulx soutient que ce n'est pas par raison personnelle qu'il
est contre l'élection, mais parce que la solution de la question peut faire
jurisprudence plus tard. Le défaut de convocation, le défaut de publication de
l'acte du gouvernement, sont les raisons qu'il met en avant pour motiver son
opinion. Il soutient que la convocation n'a eu lieu que par un seul journal, ce
n'est pas suffisant ; d'ailleurs, ce n'est que le 24juin pour le 3 juillet que,
dans ce seul journal, on a convoqué les électeurs. Il demande si on peut
considérer comme dûment convoqués les habitants des villages où ce journal ne
va pas. Lorsqu'on veut qu'une élection soit valide, il faut que l'électeur soit
dûment prévenu, n'importe par quel mode. Il faut que le procès-verbal fasse
mention de la convocation. Il se résume en demandant que l'élection soit
annulée. (J. B., 10 juill.)
M.
Forgeur – Ce
n'est pas dans la ville de Liége seule que la convocation devait se faire, c'était
encore dans les villages ; cependant il est constant que les convocations n'ont
été faites que par les journaux, ce qui certes n'est pas suffisant.
L'orateur
soutient qu'il n'y a eu ni convocation à domicile, ni convocation dans les
villages, ni communication aux bourgmestres de ces mêmes villages. Il se résume
en demandant que le congrès décide que de plus amples renseignements soient
pris avant de décider la question. (J. B., 10 juill.)
M.
Le Grelle
et M. Alexandre Gendebien partagent la même opinion. (Aux voix ! aux voix !)
(J. B., 10 juill.)
M. le président donne lecture de la proposition de
M. Forgeur, qui demande que de plus amples renseignements soient pris sur la
manière dont les convocations pour l'élection ont été faites. (P. V.)
-
Cette proposition est mise aux voix et adoptée. (P. V.)
La séance
est levée à neuf heures et demie. (P. V.)