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DSCN8338ROUPPE Nicolas (1769-1838)

 

 

 

 

 

 

 

ROUPPE Nicolas, Jean, né en 1769 à Rotterdam, décédé en 1838 à Bruxelles

Age en 1830 : 61 ans

Congressiste (1830-1831, Bruxelles)

Libérale. Elu par l’arrondissement de Bruxelles de 1831 à 1836

 

Biographies (par V. FRIS (1908) et A. DU BOIS (1898))

Interventions sessions : 1830-1831 (Congrès national), 1831-1832, 1832-1833, 1833, 1833-1834, 1834-1835, 1835-1836, 1836-1837

 

BIOGRAPHIES

 

(Extrait de V. FRIS, Biographie nationale de Belgique, t. XX, 1908-1910, col. 229-235)

ROUPPE (Nicolas-Jean), magistrat, homme politique, né à Rotterdam, le 17 avril 1769, mort à Bruxelles, le 3 août 1838. Tout jeune encore, Rouppe entra au séminaire, devint sous-diacre, mais quitta la cléricature sans doute sous l'influence du mouvement philosophique qui fut l'avant-coureur de la Révolution française.

Il vint s'établir à Bruxelles, se rallia dès la fin de l'année 1794 aux vainqueurs de Fleurus et fut nommé par la Convention commissaire municipal à Louvain ; c'est en cette qualité qu'il présida la Fête de la République organisée à Bruxelles en commémoration de la mort de Louis XVI (21 janvier 1795). Sous le Directoire, Rouppe fut créé commissaire du pouvoir exécutif à Bruxelles, et y reçut Bénézech, ministre de l'intérieur en tournée d'inspection (28 janvier 1797). Ce fut lui aussi qui installa, le 4 mai suivant, le nouveau conseil municipal. Rouppe se montra l'adversaire déclaré du commissaire central de la Dyle, Mallarmé ; quand celui-ci tomba en disgrâce (14 février 1791), quelques mois avant le coup d'Etat parlementaire du 30 prairial contre les triumvirs du Directoire (Mer­lin, Treilhard, Lareveillère), ce fut Rouppe qui' le remplaça. Le nouveau commissaire dut prendre bientôt des mesures contre les réfractaires. Le 21 juillet 1799, le commissaire Rouppe poursuivit le chef des partisans Jacquemin, dit Charles de Loupoigne, dans la forêt de Soignes ; mais il tomba de cheval et dut être transporté chez lui. Le 30, Jacquemin fut tué ; sa tête fut portée chez Rouppe, où le lendemain eut lieu la reconnaissance officielle.

Au 18 brumaire, la place de commissaire fut supprimée et Rouppe resta sans fonctions. Voulant lui témoigner leur gratitude pour sa bonne gestion, ses concitoyens lui décernèrent une médaille d'or qui portait cette inscription: « En exécutant les lois, il fut juste et bon. » Rouppe fut peu a près relégué dans le poste de conseiller de préfecture de la Dyle. Mais Bonaparte ayant nommé maire de Bruxelles un certain Arcomati, celui-ci dut démissionner au bout de quelques mois pour motifs de santé et il fut remplacé vers le mois de juillet 1800 par Rouppe. Homme de bien, aussi énergique qu'intègre, Rouppe rendit, en qualité de maire, de grands services à ses concitoyens. Profondément imbu des principes de la Révolution, il eut pourtant le tort de prendre à la lettre leur pompeuse célébration dans les grandiloquents discours que le Consulat avait remis à la mode ; il eut bientôt l'occasion de s'apercevoir de l'abîme qui séparait la pratique des théories.

En effet, en l'an X, Fouché, ministre de la police générale, avait ordonné l'incarcération au fort de Ham de plusieurs habitants notables de Bruxelles, prévenus de contrebande. Rouppe demanda la liberté des innocents et protesta, en vertu de l'article 83 de la Constitution de l'an VIII, auprès du Tribunat contre cette mesure illégale (16 décembre 1801). Cette réclamation énergique était une première imprudence ; il en commit une seconde en imprimant et distribuant sa protestation, qui contenait en particulier cette phrase typique : « Le peuple français célébrera-t-il le 14 juillet pendant qu'on rétablit la Bastille au fort de Ham ? Il fut révoqué par le ministre Chaptal le 23 janvier 1802 ; Maret, secrétaire du premier Consul, fit même savoir au ministre que si Bonaparte n'avait pas plus tôt pris des mesures contre Rouppe, c'est qu'il était absent à ce moment. Aussi l'humiliation et la punition de l'honnête administrateur ne tardèrent-elles pas. Appelé à Paris, Rouppe fut arrêté et transféré au Temple sous la prévention de manœuvres contre le gouvernement. Après de sévères admonestations de Chaptal, le prévenu fut rendu à la liberté.

A son retour, ses concitoyens voulant lui donner un gage d'estime, l'élurent juge de paix. Fouché s'opposa à l'installation de Rouppe, l'exila à trente lieues de Bruxelles et le plaça sous la surveillance de la police. Grâce à de nombreux protecteurs, Rouppe sut échapper à toutes ces vexations. Le prince de Ligne, commandant les troupes de Bruxelles, le prit comme adjudant ; c'est dans cette condition que Rouppe l'accompagna au-­devant du cortège consulaire et assista à la réception de Napoléon à Bruxelles, le 21juillet 1803. Sous l'empire, Rouppe exerça quelques fonctions secondaires, mais en 1807 il parvint à se faire nommer inspecteur général de la prison de Vilvorde. Il réorganisa cette institution et en fit un modèle d'établissement pénitentiaire, aussi bien au point de vue disciplinaire, qu'hygiénique. Grâce à ses soins, la mortalité considérable qui y sévissait à cette époque fut réduite des neuf dixièmes. En 1809, il alla offrir à Utrecht, au roi Louis-Napoléon de Hollande, son livre intitulé: Tableau statistique de la maison de détention et de refuge de Vilvorde.

A la chute de l'empire, Rouppe fut destitué. Sous le régime hollandais, il ne remplit pas de charges publiques. Bien au contraire ; lié avec Louis de Potter et les chefs du parti libéral, il se joignit aux manifestations de l'opposition, qui devaient aboutir à la révolution belge de 1830.

Le 28 août 1830, il assista à la réunion des notables qui s'installèrent à l'hôtel de ville sous la présidence du baron de Sécus, et fut chargé de rédiger, avec.

Félix de Mérode, S. Van.de Weyer, Joseph d'Hooghvorst et Gendebien, une adresse au roi Guillaume empreinte d'une grande franchise.

Mais dans l'entre-temps l'armée du prince Guillaume d'Orange était arrivée à Anvers. Dans la matinée du 31 août, le comte de Cruquenbourg, aide de camp du prince, vint inviter le commandant de la garde bourgeoise à se rendre sans retard au château de Laeken. J. d'Hooghvorst partit sur-le-champ, accompagné, entre autres, de Rouppe et de Vande Weyer, tous deux membres du conseil attaché à l'état-major de la milice urbaine ; ils devaient exprimer aux princes Guillaume et Frédéric le désir de les voir entrer en ville sous la seule escorte des députés. La délégation fut mal reçue. Les princes se montrèrent irrités à la vue des couleurs brabançonnes. Rouppe leur répondit que c'étaient là non des emblèmes de rébellion, mais des insignes patriotiques ; qu'ils n'avaient pris ces couleurs que comme signe de ralliement et pour éviter qu'on n'arborât partout le drapeau tricolore français.

Les princes prétendirent entrer à Bruxelles à la tête de leurs troupes. Quand les délégués eurent fait afficher cette déclaration, la foule devint menaçante. Une seconde délégation parvint à convaincre Guillaume de renoncer à cette intention ; celui-ci entra donc seul dans la ville, mais y courut de grands dangers. Cependant le 1er septembre 1830, le prince d'Orange nomma une commission consultative, à laquelle le lendemain on adjoignit comme délégués de la milice citoyenne, Rouppe et Vande Weyer ; en cette qualité, l'ex-maire assista au banquet offert par le prince aux délégués. Le 3, la commission consultative se prononça à l'unanimité pour la séparation du Nord et du Midi. Au soir, d'Hooghvorst, Rouppe et Vande Weyer déclarèrent à Guillaume que, sans troupes ni armée, sa personne courait de graves dangers ; de sorte que le prince quitta Bruxelles, après avoir fait signer, à l'hôtel de ville, par Rouppe et ses amis, l'engagement de ne pas souffrir un changement de dynastie durant son absence.

Les patriotes avaient désormais les mains libres. Rouppe assista à toutes les réunions de la garde bourgeoise, qui finit par créer une commission de sûreté publique (9 septembre). Il fut élu en tête de la liste après avoir refusé avec cinq de ses. collègues d'accepter ce poste, « les termes de leur mandat ayant été dénaturés », il finit par se rendre aux vœux de .la réunion, à la suite de quelques modifications aux délibérations du Conseil.

Le nom de Rouppe, non moins que ceux de Gendebien et de Vande Weyer, montraient qu'à l'insurrection allait succéder la révolution. Le 14 septembre, Rouppe invita le procureur général Schuermans à résigner ses fonctions. Le lendemain, le comité convoqua les trente-deux délégués des huit sections de la garde bourgeoise avec quelques notables, et fit rédiger une adresse, rappelant les députés belges qui s'étaient rendus aux Etats généraux. Tout cela n'empêcha pas Rouppe et ses collègues d'être bientôt accusés de tiédeur. La commission fut débordée par le Club de la Réunion Centrale que dirigeait Charles Rogier ; le 19, les volontaires liégeois et la foule envahirent l'hôtel de ville et la commission de sûreté fut dissoute.

Le 23 septembre 1830, au milieu de l'anarchie qui régnait à Bruxelles, le prince Frédéric pénétra dans la capitale ; les chefs de la révolution s'enfuirent. Mais durant les quatre glorieuses journées de septembre, Mellinet, Juan van Halen et Stildorf parviennent à chasser les Hollandais du Parc ; puis Charles Rogier institua un gouvernement provisoire. Le 22 octobre 1830, par 497 voix contre 468 données au marquis de Trazegnies, Rouppe fut nommé bourgmestre de Bruxelles. Le 4 novembre, le district de Bruxelles le nomma membre suppléant du Congrès National ; mais, comme le comte Cornet de Grez n'accepta pas son mandat, il devint effectif. Le 5 novembre, il s'inscrivit en tête de la liste des organisateurs d'une cérémonie en mémoire de Jenneval. A partir du 10, il prit une part active aux travaux du Congrès.

. On a conservé le texte de l'affiche par laquelle le bourgmestre de Bruxelles annonça (4 février 1831) à la population l'élection du duc de Nemours comme roi des Belges sous le nom de Louis Ier. Durant les tribulations de la régence, son attitude énergique sut maintenir l'ordre dans la capitale. Enfin, le 21 juillet 1831, ce fut lui qui complimenta Léopold 1er, lors de son entrée à Bruxelles.

Un arrêté de Rouppe du 30 juillet transforma là place Saint-Michel en place des Martyrs ; mais il n'eut pas le bonheur d'assister à l'inauguration du monument des Martyrs qui eut lieu un mois après sa mort, en septembre 1838.

Lorsque, le 6 août 1831, le bourgmestre apprit l'agression inattendue du roi Guillaume et l'envahissement du pays par les troupes hollandaises, il électrisa la population de Bruxelles par une proclamation vibrante. Puis, afin d'assurer le service des ambulances et des hôpitaux, il adressa un chaleureux appel à la charité publique. Durant les heures angoissantes qui suivirent la déroute de Louvain et précédèrent l'arrivée de l'avant-garde du maréchal Gérard, Rouppe ne perdit pas un moment son sang-froid et maintint Bruxelles dans le devoir.

Aux premières élections législatives, Rouppe fut élu député de Bruxelles au second tour (12 septembre 1831). Il fit partie de l'opposition libérale et refusa de voter le traité des vingt-quatre articles, comme étant un acte imposé au peuple belge.

Le 19 août de l'année suivante, le bourgmestre Rouppe reçut solennellement Louise-Marie d'Orléans qui venait d'épouser notre premier roi. C'était l'époque où une terrible épidémie de choléra avait éclaté à Bruxelles: Rouppe se distingua par son attitude courageuse et prit des mesures radicales pour enrayer le fléau. Le roi Léopold le nomma chevalier de son ordre le 1er janvier 1833.

L'année suivante, le bourgmestre dut réprimer une violente émeute. A l'occasion de la vente du haras du prince d'Orange, à Tervueren, le journal orangiste Le Lynx ouvrit une souscription publique pour racheter les chevaux. Les journaux orangistes, tels le Messager de Gand, tirèrent parti de cet événement pour adopter un langage insultant et provoquant. Aussi le 5 avril 1834, la foule se porta vers les bureaux du Lynx et voulut saccager quelques hôtels appartenant à des membres de la noblesse. Le bourgmestre Rouppe, accouru à cheval, parvint à, apaiser l'effervescence. Mais il fut moins heureux le jour suivant ; il fut menacé lui-même par la populace et ne put empêcher la dévastation presque complète des hôtels du duc d'Ursel et du baron de Béthune. En vain, Rouppe s'était-il multiplié ; les pillages s'étaient commis sur quantité de points à la fois avec une rapidité foudroyante.

Cette même année, le bourgmestre reçut solennellement à Bruxelles les membrés exilés de l'ancien gouvernement provisoire de Pologne, parmi lesquels Joachim Lelewel.

Rouppe s'occupa activement de la fondation de l'université libre de Bruxelles ; le 29 novembre, il prononça un discours à la séance d'installation de cet établissement, et ce fut son ami Baron, professeur de belles-lettres, qui lui répondit au nom du corps académique. En .1835, Rouppe fut décoré. de la Croix de fer. L'année suivante, il se retira de la Chambre pour se consacrer tant entier à ses fonctions de bourgmestre.

Presque septuagénaire, Rouppe avait trop présumé de ses forces. L'excès de travail ruina sa santé. Lorsqu'il mourut, il laissa une mémoire universellement honorée, grâce à son désintéressement, son intégrité, son dévouement à la chose publique et ses grandes qualités administratives. On a pu dire de lui qu'il n'eut pas d'ennemis.

Ses funérailles, célébrées le 7 août 1838, eurent le caractère d'un deuil public. L'échevin Van Volxem, au nom du collège, le professeur Baron, au. nom de l'université, prononcèrent l'éloge. funèbre du défunt.

En vue de perpétuer sa mémoire, la ville de Bruxelles créa, le 17 septembre 1840, une place publique à laquelle elle donna son nom, à l'extrémité sud de la rue du Midi. Une souscription nationale procura les fonds nécessaires pour y élever en 1846 une fontaine de bronze dont les plans furent mis au concours. Poelaert obtint la préférence du jury ; le monument fut élevé en 1848. L'inscription placée sur la face antérieure porte ces mots:

V. Fris

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(Extrait de A. DU BOIS, Les bourgmestres de Bruxelles, dans Revue de Belgique, t. XVI, 1896, pp. 365-384)

L'histoire nous apprend que de tout temps les Belges ont été jaloux de leurs privilèges et qu'ils ont souvent versé le plus pur de leur sang pour la défense de leurs libertés. Lorsque nos ancêtres érigeaient ces magnifiques hôtels de ville qui constituent tant d'admirables chefs-­d'œuvre d'architecture dont nous sommes fiers à bon droit, l'on eût dit qu'ils élevaient autant de temples à cet esprit d'indépendance pour lequel ils professaient un véri­table culte. Dans ces palais communaux, ils installaient une délégation chargée de veiller soigneusement à la sauvegarde de leurs franchises. A la tête de ce conseil investi de la confiance des citoyens et dépositaire du pouvoir communal, si important en Belgique, se trouve le collège des bourgmestre et échevins.

Il nous a paru qu'une étude sur la carrière administra­tive des divers bourgmestres de Bruxelles depuis 1830 jusqu'à nos jours offrirait un intérêt spécial. Esquisser les phases de la gestion des premiers magistrats de la capitale, c'est, en effet, faire en quelque sorte un tableau de l'existence de la bourgeoisie bruxelloise.

Il va de soi que nous n'avons mis en lumière que des faits saillants et caractéristiques de nature à faire appré­cier l'importance du mandat de bourgmestre, tout en signalant, en passant, les incidents les plus curieux qui se produisirent dans le cycle de la vie communale durant cette longue période.

Le premier des bourgmestres de Bruxelles, depuis la création de la Belgique indépendante, fut Nicolas-Jean Rouppe, appelé par ses concitoyens aux fonctions de premier magistrat de la capitale, le 22 octobre 1830.

Rouppe était un caractère. Louis Hymans, dans Bruxelles à travers les âges, nous donne de curieux détails sur son passé. Rouppe, né à Rotterdam, le 17 avril 1767, bachelier en théologie en 1794, renonça à la prêtrise lors de la seconde entrée des Français dans le pays. Nommé d'abord secrétaire de la nouvelle municipalité de la ville de Louvain, il devint plus tard commissaire du Directoire exécutif près l'administration centrale du département de la Dyle. Il sut mettre tant de justice et de bonté dans l'application des lois, qu'à la suite de la suppression de son emploi, un grand nombre d'habitants de Bruxelles, jaloux de reconnaître les services inappréciables qu'il avait rendus à beaucoup de familles pendant la tourmente révolutionnaire et au péril de sa vie, résolurent de lui décerner une médaille d'or qui portait pour effigie: la Reconnaissance tenant d'une main une branche de fèves et caressant de l'autre une cigogne, emblème de la grati­tude. Cette médaille lui fut remise le 21 prairial an VIII.

Ses bons et loyaux services furent aussi reconnus par le gouvernement, car nous le retrouvons parmi les membres du conseil de préfecture.

Peu après, nommé maire de Bruxelles, Rouppe eut à lutter de nouveau contre les actes du plus odieux despo­tisme.

Un ordre du ministre de la police générale, Fouché, de sinistre mémoire, adressé au préfet de la Dyle, en date du 8 brumaire an X, lui enjoignit de faire arrêter et conduire au château de Ham les citoyens Goffin et Aerts, tous, deux négociants à Bruxelles, sous la prévention d'introduction et d'exportation de marchandises pro­hibées.

Goffin ne put d'abord être arrêté, son nom ayant été mal écrit. Mais Aerts fut incarcéré le 11. Ses papiers furent saisis au même instant et visités le 12. L'examen qu'on en fit ne fournit aucun indice contre lui et cepen­dant sa translation au château de Ham fut ordonnée par un arrêté du préfet du 18 du même mois.

Comme, néanmoins, ni cet acte ni l'ordre du ministre ne furent motivés sur aucune loi et que Aerts s'était adressé à Rouppe pour se plaindre de cette arrestation arbitraire, celui-ci n'hésita pas à ordonner sa mise en liberté.

Aerts et Goffin n'en ayant pas moins été conduits au fort de Ham, Rouppe, persistant à défendre les intérêts de ses administrés, osa dénoncer cet acte au Tribunat dans un mémoire qui est un véritable monument de sagesse courageuse.

Rouppe paya cher cette énergique réclamation ; il fut arrêté lui-même et transféré à la prison du Temple, à Paris, sous la prévention de manœuvres contre le gou­vernement. La place de maire ayant été conférée à M. de Mérode, Rouppe fut élu juge de paix par ses conci­toyens, qui ne pouvaient à ce moment lui donner un gage plus éclatant de leur estime. Mais Fouché s'opposa à son installation et l'exila à trente lieues de Bruxelles.

Revenu de cet exil, Rouppe exerça gratuitement sous l'Empire diverses fonctions, entre autres celle d'inspecteur de la prison de Vilvorde, où régnait à cette époque une mortalité considérable qui, par ses soins, fut réduite des neuf dixièmes.

Quoique né à Rotterdam, Rouppe ne remplit aucune fonction publique sous le gouvernement hollandais, mais quand éclata la révolution de 1830, il s'empressa d'offrir à son pays d'adoption le tribut de sa vieille expérience. Il fut un des notables qui se réunirent à l'hôtel de ville le 28 août et qui rédigèrent une adresse au roi Guillaume pour demander le redressement des griefs nationaux. Le 31 août, il fit partie de la députation qui fut envoyée à Vilvorde auprès du prince d'Orange pour l'engager à ne pas employer la force contre la ville de Bruxelles. Le prince ayant remarqué que Rouppe portait à la bouton­nière les couleurs nationales, lui dit: « Connaissez-vous le code pénal ? Savez-vous que vous portez l'emblème de la révolte et que je pourrais vous faire arrêter ? » Rouppe lui répondit : « Nous regrettons de paraître devant votre Altesse Royale d'une manière qui lui, semble si peu respec­tueuse. Telle n'est pas notre intention ; ces couleurs ne sont pas le symbole de la révolte, mais de la nationalité et du patriotisme. »

Tel était l'homme que les Bruxellois nommèrent bourgmestre, le 22 octobre. Un semblable passé était un sûr garant de l'avenir.

Les fonctions de premier magistrat de la capitale n'étaient pas à cette époque aussi absorbantes qu'elles le sont devenues par la suite. Bruxelles était encore une ville peu importante, en somme. Un simple détail que nous fournit « La Régence » elle-même, comme on appelait alors l'autorité communale, suffit pour nous édifier à cet égard. On annonce, en effet, comme un événement l'éta­blissement d'une septième boîte aux lettres au domicile du sieur Denis, rue des Sablons, où la levée des lettres se ferait deux fois par jour, à 5 heures du matin et à 2 heures de l'après-midi.

Le bourgmestre de Bruxelles accomplissait donc assez facilement son rôle au début du règne de Léopold 1er, en gérant les affaires communales en bon père de famille et en prenant part aux cérémonies publiques ou aux fêtes officielles. Nous le voyons tantôt au théâtre assister à une représentation où se trouvait Sa Majesté. Voulez-vous une esquisse d'une semblable soirée ? La salle était magni­fiquement éclairée « en bougies ». On y donnait un opéra de Rossini, suivi de la Naissance de Vénus, vieux pasticcio mythologique « qui, dit le reporter de l'époque, avec ses décors fanés, ses dieux aériens soutenus par de gros câbles, ses danses continuelles, a paru fatiguer la grande majorité du public ». Puis nous retrouvons Rouppe à la Grande-Harmonie, où, en compagnie de M. Crabbe, président de la société, il reçut le Roi, venu là pour entendre une audition musicale remarquable à laquelle prit part M. Matthau, qui y exécuta une fantaisie sur un nouvel instrument dont il était l'inventeur : la guimbarde. Enfin, le bourgmestre ne néglige pas de protéger les arts et acquiert maints tableaux aux expositions qu'on organise par intervalles.

En 1832, éclata l'épidémie cholérique durant laquelle Rouppe paya courageusement de sa personne et donna à tous l'exemple du dévouement et de l'abnégation. Il avait pris du reste toutes les mesures contre l' épidémie et institué des commissions sanitaires pour en assurer l'exécution.

C'est au mois d'août 1832 que le roi Léopold Ier épousa, à Compiègne, làaprincesse Louise-Marie- Thérèse-Char­lotte-Isabelle d'Orléans. Cette union accomplie, les souve­rains prirent le chemin de la Belgique.

Le 17 août, Rouppe faisait afficher dans la capitale une proclamation annonçant aux habitants l'arrivée à Bruxelles de Leurs Majestés. Ce document contient notamment les articles suivants :

« ART. 1er. - Demain, samedi 18, à 8 heures du soir, les cloches de toutes les églises annonceront la solennité du lendemain.

« ART. 2. - Le dimanche 19, jour fixé pour l'entrée solen­nelle de LL. MM. le Roi et la Reine des Belges, les cloches sonneront à six reprises.

« ART. 3. - Les jeux publics, qu'il est d'usage de donner à l'occasion de semblables solennités et qui maintenant ne pourraient l'être sans danger pour la santé de ceux qui s'y livreraient, seront remplacés par une distribution de 8,000 pains et de 8,000 pièces de un demi-franc. Cette dis­tribution aura lieu par l'entremise des maîtres des pauvres le samedi 25 août, jour de la fête de S. M. la Reine.

« La cloche de retraite ne sera pas sonnée. »

L'entrée des souverains eut lieu avec toute la solennité voulue par la porte de Laeken, où, sous une tente, le bourgmestre et les membres de la régence attendaient Leurs Majestés. Le premier magistrat de la capitale leur adressa ce discours :

« Sire,

« Le corps municipal est glorieux de vous offrir en ce beau jour les sincères et respectueuses félicitations de votre bonne et fidèle capitale. Interprètes de la joie publique, nous vous supplions, Sire, d'agréer les vœux que nous formons pour votre bonheur, pour le bonheur de l'illustre princesse qui, associée à votre destinée, parta­gera avec vous notre respect, notre amour et notre recon­naissance.

« Les liens intimes que Votre Majesté vient de contracter avec un grand et puissant prince, Roi comme elle par le vœu national, consolideront le trône constitutionnel, la gloire, les libertés et la prospérité des deux nations qui s'estiment et que tant de sympathies unissent,

« Déjà le commerce, les arts et les sciences reprennent parmi nous leur premier lustre; votre sagesse, votre fer­meté dans les négociations, au besoin votre vaillant courage et le dévouement d'une armée de braves force­ment bientôt notre ennemi à reconnaître les droits qui nous sont garantis par des traités solennels.

« Jouissez, Sire, jouissez longtemps avec votre aimable et auguste compagne du bonheur que vous assurent à la fois sa tendre affection et l'attachement inviolable d'un peuple dont vous êtes le sauveur et le père ; qu'une heu­reuse lignée perpétue votre dynastie pour le bonheur de nos neveux.

« Madame,

« En unissant votre destinée à celle de notre Roi bien-­aimé, Votre Majesté s'est alliée à un peuple généreux, loyal et brave.

« Les bénédictions universelles des populations qui par­tout se pressent sur votre passage, prouvent à la fois, Madame, que la nation belge est digne de son Roi et qu'elle sait apprécier vos éminentes qualités. Tant de vertus unies à tant de grâce assurent à votre royal époux tous les charmes du bonheur domestique. En embellissant ses jours, Votre Majesté nous aidera à acquitter notre dette. Votre nom se confondra avec le sien dans notre amour et notre reconnaissance.

« Jamais la nation belge n'oubliera, Madame, que c'est à l'imperturbable sang-froid, à l'intrépide courage de son Roi et à la généreuse intervention de votre auguste père qu'elle a dû la conservation de son indépendance et de ses libertés.

« Recevez, Madame, avec bienveillance, nos hommages, nos félicitations et nos vœux. Ils partent du cœur. Ils sont purs, sincères, et, a ce titre, dignes de vous. Vive le Roi ! Vive la Reine! »

La conservation de l'indépendance et de la liberté, à laquelle Rouppe fait allusion à la fin de son discours, semble, comme nous le verrons par la suite de ce travail, devenir le mot d'ordre de tous nos bourgmestres.

Au cours de l'année 1833, un curieux conflit surgit entre la régence et l'autorité militaire. La régence avait, paraît-il, refusé jusqu'alors d'obtempérer aux diverses demandes qui lui avaient été adressées par les auditeurs militaires afin d'obtenir d'elle un local pour la tenue des audiences du conseil de guerre. L'infortuné conseil avait donc été obligé de siéger dans une petite pièce de quinze pieds carrés dépendant du bâtiment de l'ancien hôtel des finances, rue des Sols, pièce occupée par le concierge, qui avait consenti à prêter une table et quelques chaises aux membres du tribunal militaire.

M. Van Uje, major des cuirassiers, président du con­seil de guerre près la troisième division, fatigué de ce que la régence non seulement n'obtempérait pas à sa demande, mais ne répondait pas même aux lettres qu'on lui écrivait à ce sujet, se mit en devoir de faire enfoncer les portes de la pièce où se tenaient les assises, rue des Sols, afin d'y siéger. Déjà douze hommes armés, commandés à cet effet, allaient faire usage de la crosse de leurs fusils, quand intervint M. De Bavay, substitut du procureur général, assisté du greffier.

A la suite de quelques explications, le major et l'audi­teur militaire consentirent encore à aller siéger dans la loge du concierge.

Le procureur général informa du fait le ministre de la justice, afin que celui-ci invitât la régence à parer à cette situation anormale. Il est probable que l'incident se ter­mina à la satisfaction de tous, car nous n'en trouvons plus de traces ultérieurement.

Notons, à titre d'observation curieuse, ce fait que, le 20 avril de la même année, l'on fit un essai d'une voi­ture à vapeur de M. Dietz. Cette épreuve réussit parfaite­ment. Le véhicule gravit le boulevard du Jardin bota­nique et le redescendit jusqu'au pont de Laeken. Il rou­lait avec une agilité qui étonna fort les assistants.

Le 6 août, Rouppe, d'accord avec la régence, régla certaines dispositions relatives aux fêtes données à l'occa­sion du baptême du prince royal de Belgique, à qui la Reine venait de donner le jour. Parmi ces réjouissances, signalons notamment un banquet offert au Parc par le Roi aux sous-officiers et soldats députés des différents corps d'armée. On procéda aussi à une distribution de 15,000 pains de froment pur. Des illuminations et un feu d'arti­fice, selon la tradition, figuraient au programme.

Le 25 septembre, nouvelle fête. Les patriotes offraient, à l'hôtel de ville, un grand banquet, présidé par le bourg­mestre, qui porta un toast à la révolution, au Roi choisi par le peuple, aux souvenirs de septembre et aux martyrs de l'indépendance nationale.

Au .milieu de l'enthousiasme général, Campenhout, l'auteur de la Brabançonne, chanta l'hymne patriotique.

Au début de l'année 1834, la presse mit le public en garde contre certain mouvement provoqué par des souscriptions orangistes pour le rachat des chevaux de Ter­vueren. « Il nous est revenu, dit l'Indépendant, qu'un écrit incendiaire circulait depuis quelques jours, dans lequel on excitait le peuple contre les souscripteurs. Nous devons prémunir les vrais amis de la Belgique, les patriotes sin­cères, contre le piège qu'on leur tend. Peut-être, parmi les souscripteurs, en est-il qui n'attendent que des troubles pour crier à l'anarchie,pour nous montrer encore aux yeux de l'étranger comme un peuple turbulent et naturellement ennemi de l'ordre. »

Ces troubles que l'on redoutait se produisirent les 5 et 6 avril. Lé peuple avait vu, dans les souscriptions oran­gistes, une audacieuse provocation. Au sortir du spec­tacle, un groupe de plusieurs centaines d’individus, après avoir chanté la Brabançonne sur la place de la Monnaie, autour de l'arbre de la liberté, se transporta rue de l'Évêque, vis-à-vis de la maison n° 39, lieu de réunion d'un club d'orangistes purs ; les fenêtres de cette maison furent brisées à coups de pierres. Un autre rassemblement se forma devant la maison où s'imprimait le Lynx, et des dégâts eussent été commis sans la présence du bourg­mestre Rouppe, à la voix duquel la foule se dispersa aux cris de Vive Léopold !

Le bourgmestre dut encore intervenir le lendemain matin, afin de calmer la foule qui commençait à briser les meubles de l'hôtel du duc d'Ursel, rue des Paroissiens. L'hôtel du prince de Ligne, au parc, fut assailli à son tour ; les fenêtres furent brisées et les meubles jetés dans la rue.

L'hôtel du marquis de Trazegnies, au Parc, la maison de M. de Bethune, près du Sablon, la maison du baron de Vinck de West-Wezel, boulevard de l'Observatoire, celles du baron d'Overschie, rue des Fripiers, de Til­mont, carrossier hors la porte de Laeken, de Dewasme Pletinckx, plaine Sainte-Gudule, de Jones, carrossier, de Hoorickx, rue des Sables, furent dévastées.

L'autorité prit des mesures pour réprimer ces scènes de sauvagerie ; la force armée intervint. Le Roi sortit à cheval, le 6, vers 11 heures du matin, accompagné du général Hurel et d'un nombreux état-major. Il parcourut la rue Ducale et fut acclamé par le peuple, qui faisait retentir l'air des cris de: Vive le Roi! A bas les orangistes!

Rogier, ministre de l'intérieur, parcourut la ville à cheval pour haranguer le peuple, pour blâmer les actes de brigandage, et il faillit être victime de son dévoue­ment; tandis qu'il haranguait la populace sur la plaine Sainte-Gudule, il reçut sur la tête et sur les épaules un grand coup d'un bâton armé d'un crochet au moyen duquel on voulait le faire tomber de cheval. Quelques personnes qui se trouvaient là le défendirent et le préser­vèrent du danger.

Rouppe fit alors afficher la proclamation suivante:

« Habitants de Bruxelles !

« Pendant la nuit, des excès graves se sont commis.

« Des désordres nouveaux se commettent en ce moment.

« Nos ennemis ont jeté parmi nous un brandon de discorde.

« L'indifférence publique seule aurait fait justice de cette bravade imprudente et puérile de quelques hommes égarés.

« Mais des fauteurs de désordre et d'anarchie y ont trouvé une occasion de dévastation et de pillage.

« Tout ce qu'il y a de personnes honorables dans la ville déplore et blâme leurs actes de vandalisme.

« L'autorité municipale a pris toutes les mesures pour s'opposer à leurs desseins et prévenir de nouveaux désastres. »

« Les bons citoyens qui ne sont point appelés à faire le service de la garde civique sont invités à rester dans leurs demeures pour laisser une action plus libre à la force publique ; laquelle, vu l'extrême gravité des circon­stances, est autorisée, par arrêté du conseil des ministres, à agir immédiatement, même sans le concours de l'auto­rité municipale.

« A l'hôtel de ville, le 6 avril 1834.

« Le bourgmestre, ROUPPE. »

Le calme se rétablit, grâce à la vigilance de l'autorité.

Le nombre des arrestations opérées durant ces troubles s'éleva à 114.

Une nouvelle proclamation du bourgmestre, peu de jours après, mit le public en garde contre de nouveaux désordres. En voici le texte :

« Concitoyens,

« Des écrits manuscrits viennent encore d'être répan­dus et affichés, de sourdes rumeurs pourraient faire craindre de nouveaux désordres. La capitale n'a que trop à gémir sur les désastres dont elle a été le théâtre.

« Le bourgmestre, usant de la prérogative que la loi lui confère, a requis M. le général commandant en chef de la garde civique de Bruxelles, de tenir les quatre légions de cette garde disponibles.

« Au premier appel, rendez-vous immédiatement à vos points respectifs de réunion, afin d'exécuter les ordres qui vous seront donnés pour faire respecter partout les per­sonnes et les propriétés.

« Votre empressement prouvera combien vous avez à cœur de garder le dépôt confié à votre zèle, à votre cou­rage et à votre loyauté.

« La garde civique et la troupe de ligne peuvent seules être admises à se présenter en armes dans les rues et places publiques ; toute personne armée qui n'en fait point partie sera immédiatement désarmée et arrêtée.

« Habitants de la cité qui désirez jouir du repos et du bonheur que les scènes calamiteuses de ces derniers jours ont troublés, hâtez-vous de vous retirer, au premier moment de trouble, des lieux où se commettraient des désordres pour laisser à la force publique ses moyens d'agir plus efficacement et sans ménagement aucun pour qui que ce soit.

« Les bons citoyens qui ne se conformeront point à cette exhortation paternelle auront à s'imputer les mal­heurs qui seraient la suite de leur imprudence.

« Fait en séance du collège à l'hôtel de ville, le 12 avril 1834. »

Les troubles ne se reproduisirent plus. Tous les inculpés à raison des pillages furent renvoyés devant la cour d’assises du Hainaut, qui prononça sur leur sort au mois d'avril suivant. Tous les accusés furent acquittés et mis en liberté.

Le 20 novembre 1834, Rouppe procède à l'installation de l’université libre de Belgique, dans la salle gothique de l'hôtel de ville de Bruxelles. Le conseil d'administra­tion était composé de Henri de Brouckere, du colonel de Puydt, Verhaegen aîné, Blargnies, Barbanson, Delvaux de Saive, Dr Laisné, Vautier, Van der Elst fils et Baron, secrétaire, ayant à sa tête Rouppe, président de droit du conseil, et Van Volxem, échevin ; viennent ensuite les professeurs ordinaires, extraordinaires, honoraires et agrégés des diverses facultés.

Rouppe, dans son discours d'inauguration, s'attacha surtout à bien caractériser l'origine de l'Université.

De simples citoyens de Bruxelles, dit-il notamment, sans autre but que de concourir au progrès des lettres et des sciences, sans autre désir que d'être utiles à la jeu­nesse studieuse, se réunissent, s'imposent des sacrifices, en imposent à leurs amis, et tous ensemble fondent au sein d'une population nombreuse, intelligente et active, un établissement où ils appellent, pour les seconder, des personnes zélées et dévouées comme eux au plus grand bien-être de la génération qui s'élève. Telle est, messieurs, l'origine de l'Université libre qui s'ouvre en ce moment sous nos yeux et sous nos auspices.

En 1835, la presse relate que les dommages causés par les pillages et les dévastations sont connus et estimés à plusieurs millions de francs dont le remboursement est demandé à la ville, tandis que son état financier ne permet pas de dédommager les réclamants. La régence préten­dait d'ailleurs qu'il n'avait pas été en son pouvoir d'empê­cher les désordres dont la capitale avait été le théâtre, que c'était au gouvernement à le faire. Mais le gouverne­ment ne l'entendait point ainsi.

Le 10 avril 1835, Rouppe fait placarder sur les murs de la ville la proclamation suivante, qui annonçait la nais­sance de notre souverain actuel.

     « Concitoyens,

« Les vœux du Roi, ceux de la nation sont heureusement accomplis:

« S. M. la Reine est accouchée d'un prince, hier 9 avril, à 10 heures et quart du soir, au palais de Bruxelles.

« L'auguste mère et le prince nouveau-né se portent on ne peut mieux.

« Le jour du baptême sera annoncé ultérieurement.

« Son Altesse Royale recevra les noms de Léopold-Louis- Philippe-Marie-Victor. »

Le 5 mai fut une date mémorable pour Bruxelles et la Belgique. On inaugurait le chemin de fer, fête à laquelle le bourgmestre de la capitale prit nécessairement part. On sait combien l'invention nouvelle, dont Rogier s'était fait le champion, avait rencontré d'adversaires et les raisons saugrenues qu'on avait fait valoir pour combattre l'établissement de « la route de fer ». Or, ne se trouva-t-il pas que, trois jours après l'inauguration, le bruit se répandait dans la capitale qu'un accident grave était déjà arrivé au nouveau mode de locomotion ? Heureusement, il s'agissait de peu de chose. Voici comment est relaté cet incident, le premier à signaler dans les annales du railway national : A 9 heures précises, la locomotive la Flèche est partie pour Malines, remorquant huit ou neuf wagons ou voitures remplis de monde. En 29 minutes, ce convoi est arrivé à Malines, mais, le conducteur n'ayant pas eu la précaution de ralentir suffisam­ment la marche de la locomotive a son arrivée, elle a renversé et brisé en éclats la palissade et le bureau pro­visoire du receveur et est allée se jeter dans le canal de Louvain. Fort heureusement, elle s'est arrêtée presque en touchant l'eau, en sorte que les personnes qui la montaient ont été seules mouillées jusqu'à la ceinture. Tous les autres voyageurs en ont été quittes pour la peur.

En juin 1836, les conséquences pécuniaires des pillages reviennent sur le tapis . Nous voyons le conseil de régence de la ville adresser à la Chambre des représentants une pétition où il demande que les indemnités à payer du chef des pertes essuyées par la révolution et les pillages soient mises à la charge de l'État.

La question de savoir s'il serait avantageux à la ville de demander l'adjonction des faubourgs prend naissance au conseil communal, en juillet, et y est l'objet d'un long débat. Des conclusions favorables furent adoptées.

Le 31 août, la régence de Bruxelles, nouvellement élue, est installée. Le bourgmestre Rouppe préside à cette cérémonie et y prononce une éloquente allocution ; on y relève notamment les passages suivants :

« Occupant pour la troisième fois ce fauteuil municipal, je me félicite d'avoir pour collaborateurs des hommes choisis parmi les plus honorables de la capitale, envi­ronnés de l'estime publique.

« (…) Je crois remplir vos intentions, messieurs, comme je cède à l'impulsion de mon cœur en exprimant ici, tant comme votre organe qu'en mon nom particulier, notre ferme résolution de procurer à la capitale et par tous les moyens qui dépendront de nous la plus grande somme de splen­deur et de prospérité, de conserver intactes et de défendre au besoin nos libertés politiques et les immu­nités communales sans porter ni souffrir qu'il soit porté atteinte aux prérogatives constitutionnelles de la cou­ronne ou à l’autorité légale du gouvernement. »

On le voit, le même souci des immunités communales préoccupe toujours le premier magistrat de la capitale.

Le 12 avril 1837, la régence de Bruxelles, au nombre de 22 de ses membres, se rendit à l'audience du Roi en 18 voitures. Le bourgmestre présenta à Sa Majesté la pétition tendant à ce que le gouvernement supportât au moins une partie des indemnités dues aux victimes des pillages, indemnités que les ressources de la ville ne lui permettaient pas de supporter exclusivement. Le Roi, après avoir lu attentivement la requête, promit à la régence de la soumettre au conseil des ministres.

Au début de l'année 1838, l'on mit en discussion au conseil communal la question de l'emplacement de la station du Midi dite des Bogards. Des difficultés nom­breuses s'étaient élevées à cause des prix réclamés par les propriétaires pour la cession des terrains où la gare devait être installée. La ville amena le gouvernement à supporter une partie des sacrifices. En conséquence, un traité fut passé entre M. Vifquain, délégué du gouverne­ment, et les trois commissaires de la ville, MM. Wyns, Annemans et Van Volxem. D'après la convention inter­venue, le gouvernement ferait l'avance de tous les frais et la ville rembourserait sa part à une époque que l'état désastreux de ses finances ne permettait pas de déterminer.

La station des Bogards devait être établie sur un terrain appartenant aux hospices et d'autres terrains voi­sins et avoir une superficie de 4 hectares et demi avec une longueur de 540 mètres.

Vis-à-vis de la voie ferrée, en prolongement de celle-ci, serait percée une rue de 20 mètres de largeur aboutissant à celle des Bogards.

En mai, les membres de l'administration communale de Bruxelles résignaient leurs fonctions. Tous, bourgmestre, échevins et conseillers, donnaient leurs démissions. Ils y étaient déterminés, disait la presse, par le refus qu'on leur opposait d'adopter les projets qu'ils avaient conçus en vue de rétablir l'ordre dans les finances de la ville et d'assurer la marche régulière des affaires. Le 16 mai, le Roi acceptait la démission du conseil.

Cette démission collective souleva une vive polémique dans les journaux.

Dans un mémoire très étendu, le conseil communal motivait sa résolution par l'intention que le gouvernement avait manifestée d'imposer à Bruxelles seule l'énorme charge des indemnités réclamées par les victimes des commotions politiques dont cette ville et ses environs avaient été le théâtre.

Il exposait que, dans le courant de décembre 1837, après de multiples démarches, requête et supplique au Roi, le ministre de l'intérieur avait invité le bourgmestre à se rendre auprès de lui et lui avait proposé, comme un moyen de concilier tous les intérêts et de procurer à la ville les deniers indispensables à la continuation de son service, la cession par la commune à l'État, à des condi­tions dont les avantages auraient compensé d'autres sacri­fices, des collections scientifiques et des édifices qui les renfermaient.

Cette proposition fit sur le conseil, à qui le bourgmestre l'avait communiquée, une. pénible impression. Elle fut néanmoins admise en principe, à condition toutefois que ces collections resteraient toujours à Bruxelles.

Mais les pourparlers avec le gouvernement qui sui­virent cette décision n'aboutissant qu'à des réponses éva­sives du ministère, le conseil résolut de démissionner, ainsi qu'il l'avait fait pressentir déjà, du reste, dans sa supplique remise au Roi. dans l'un des premiers mois de 1837.

Le mémoire du conseil se termine ainsi :

« Habitants de Bruxelles !

« Que penseriez-vous de l'administration qui, avec la conscience de l'iniquité, vous eût chargés sans défense de ses résultats?

« Auriez-vous assez de mépris pour les administrateurs de votre choix qui, n'usant de votre mandat que pour trahir vos intérêts, eussent lâchement accepté la mission de consommer l'injustice contre ceux qu'ils devaient protéger ?

« Nous l'avons déclaré ! nous ne consentirons jamais à nous rendre les instruments d'une mesure si odieuse. Fiers de votre mandat, nous l'avons conservé sans tache, comme nous l'avons rempli sans crainte.

« Nous vous remettons, pur de toute atteinte, le dépôt sacré que nous tenons de votre confiance, heureux si d'autres après nous peuvent, sans vous trahir et vous perdre, échapper au sacrifice que l'on veut nous imposer.

« Bruxelles, ce 23 mai 1838.

« Rouppe, De Munck, Van Volxem, Marcq, Verhulst­, Vanhoegaerden, Annemans, Schumacher, comte Coghen, Gendebien, Fierlants, Van Gaver, Engler, Mettenius, Barbanson, Glibert, Defacqz, Mastraeten, Michiels, Froidmont; Doucet, comte Meeus, chevalier Wyns, Heyvaert, Dansaert, Vanderelst, Bourgeois, baron Van­derlinden d'Hoogvorst, Le Page, Thienpont. »

Les élections qui eurent lieu, fin mai, eurent pour résultat la réélection à une immense majorité de l'admi­nistration démissionnaire et la nomination de MM. Ans­pach et Stevens pour remplir deux places vacantes.

Rouppe ne devait pas survivre longtemps à sa réélec­tion. Il mourut, en effet, le 3 août suivant.

On n'est pas peu surpris de constater que, dans la séance du conseil communal du 6 août, le décès du pre­mier magistrat de la capitale est annoncé d'une façon assez peu solennelle. Les seuls documents que nous pos­sédions à cet égard relatent le fait ainsi :

« L'échevin-président prenant la parole dit : Vous n'ignorez pas, messieurs, la perte cruelle que nous avons faite dans la personne de notre vénérable bourgmestre; nous en sommes tous profondément affligés ; demain nous aurons à nous réunir pour lui rendre les derniers hon­neurs. »

Après ces paroles, le collège décide que le conseil échevinal désignera celui de ses membres qui devra parler        sur la tombe de Rouppe.

Cela fait, le conseil aborde son ordre du jour.

Le 7 août eurent lieu, en grande pompe, les obsèques du bourgmestre.. Une foule considérable y assistait. La cérémonie religieuse fut célébrée à l'église du Béguinage et l'inhumation. fut opérée à Laeken. C'est M. le conseiller Van Volxem qui prononça le discours funèbre. On y relève notamment les passages suivants, qui indiquent les projets de la ville en vue de commémorer le sou­venir du défunt:

« Bruxelles ne sera point ingrate envers celui qui a voulu mourir pour elle sur sa chaise curule comme un guerrier meurt pour son pays sur le champ de bataille.

« Les yeux de notre premier magistrat se ferment à peine et déjà Bruxelles applaudit à l'idée qu'une médaille perpétue ses traits, qu"un monument consacre le souvenir de ses bienfaits et témoigne de notre gratitude pour sa mémoire. »

Des discours furent encore prononcés par M. Baron, au nom de l'Université libre, M. Dufresne, avocat, et un professeur de l'académie des beaux-arts, par M. Lelewel, au nom des réfugiés polonais, par M. T'Kint-T'Kint, au nom de la Société de philanthropie, par M. Crabbe, au nom de la Grande-Harmonie. L'enterrement dura de 3 heures de l'après-midi à 7 heures du soir.

Les employés de l'octroi de service à la porte de Laeken évaluèrent à plus de 36,000 le nombre des per­sonnes qui rentrèrent en ville après la cérémonie.

Des drapeaux tricolores, voilés de crêpe, furent arborés sur les tours de Sainte-Gudule et de l'hôtel de ville ; enfin, le deuil fut si général, qu'il n'y eut pas de cote officielle à la Bourse, les agents de change ayant voulu rendre un hommage à celui qui fut « la probité personnifiée », selon les paroles du comte Coghen.

Un comité pour l'érection d'une statue à Rouppe fut organisé. Il était composé de MM. le comte Coghen, con­seiller communal, Demunck, Van Volxem, échevins, le comte d'Aerschot, grand maréchal du palais, le baron de Stassart, gouverneur de la province de Brabant, Gendebien, Doucet et Defacqz, conseillers communaux, le général Buzen, gouverneur militaire, le baron Vander­linden d'Hoogvorst, général en chef de la garde civique, Lauwers, curé de l'église du Finistère, Moreau, chef de division à l'hôtel de ville.

Albert DU BOIS

 

INTERVENTIONS AU COURS DE LA SESSION 1830-1831 (Congrès national)

 

(00) Vérification de ses pouvoirs comme membre du Congrès (14/02/1831)

(00) Intervention en tant que bourgmestre de Bruxelles : discours de bienvenue du roi Léopold (21/07/1831)

Aucune intervention.

 

INTERVENTIONS AU COURS DE LA SESSION 1831-1832

 

(00) Vérification de ses pouvoirs comme membre de la chambre. Election non contestée (09/09/1831)

(01) Situation diplomatique générale (traité des 24 articles) (29/10/1831)

(02) Crédits provisoires pour 1831. Observatoire de Bruxelles (18/11/1831), subsides accordés aux villes pour amortir les effets des événements révolutionnaires (19/11/1831)

 

INTERVENTIONS AU COURS DE LA SESSION 1831-1832

 

(00) Démission d’office (Ordre de Léopold) (18/12/1832). Election non contestée (18/01/1833)

 

INTERVENTIONS AU COURS DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE 1833

 

(00) Vérification de ses pouvoirs comme membre de la chambre (10/06/1833)

(01) Rôle de l’Etat dans l’instruction publique (notamment dans l’enseignement moyen) (20/09/1833)

 

INTERVENTIONS AU COURS DE LA SESSION 1833-1834

 

(01) Fonds de secours en faveur des réfugiés politiques (notamment les officiers étrangers au service de l’armée) (21/12/1833)

(02) Sûreté de l’Etat et compagnie de sûreté de Bruxelles (24/12/1833)

(03) Frais d’entretien des enfants trouvés et abandonnés (07/03/1834)

(04) Troubles de Bruxelles des 5 et 6 avril 1834 par suite des provocations orangistes (28/04/1834)

 

INTERVENTIONS AU COURS DE LA SESSION 1834-1835

 

Aucune intervention.

 

INTERVENTIONS AU COURS DE LA SESSION 1835-1836

 

Aucune intervention.

 

INTERVENTIONS AU COURS DE LA SESSION 1836-1837

 

(00) Démission en tant que membre de la chambre (12/11/1836)

Aucune intervention.