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DSCN2995FORGEUR Joseph (1802-1872)

 

 

 

 

 

 

 

FORGEUR Joseph, né en 1802 à Liège, décédé en 1872 à Liége

Age en 1830 : 28 ans

Congressiste (1830-1831, Huy)

 

Biographies par HEPTIA (1930) et CAULIER-MATHY (1990)

Interventions au cours de la session 1830-1831 (Congrès national)

 

 

BIOGRAPHIE

 

(Extrait de P. HEPTIA, Joseph Forgeur, dans Les gens de robe liégeois et la révolution belge de 1830, Liège, Thone, 1930, pp. 214-228)

Joseph Forgeur. Avocat près la Cour d'Appel de Liège. Secrétaire du Congrès National

Le Barreau liégeois s'honore, à juste titre, de la contri­bution large et précieuse, qu'apportèrent ses membres, à la constitution de l'indépendance de notre patrie. En évoquant les grandes figures qui firent la Révolution et auxquelles on doit aujourd'hui de pouvoir clôturer le premier siècle de liberté par un bilan aussi remarquable, on pense tout naturellement à celle de Joseph Forgeur.

Avocat à vingt-deux ans, il fut présenté au serment par celui qui devait rester son maître: le grand avocat fran­çais, réfugié chez nous, Me Teste.

Joseph Forgeur appartenait à cette jeunesse audacieuse, enthousiaste et fougueuse, follement éprise de liberté, et si bien faite pour les événements qui allaient se dérouler. Préparé par son âge, ses sentiments et ses études, ainsi qu'il le disait lui-même, au grand rôle qu'il sera appelé à jouer, il y consacrera toute sa vie et fera, tant au Bar­reau qu'en politique, une carrière brillante et féconde.

A vingt-cinq ans, on l'aperçoit parmi les éléments les plus avancés de notre Cité, aux côtés des Rogier, Lebeau, Devaux et tant d'autres, participant aux campagnes de (page 215) presse contre les abus et les vexations du régime orangiste, collaborant au Mathieu Laensbergh et au Courrier de la Meuse, dont il fut le défenseur, ce qui en 1829 pro­voqua sa suspension.          .

Il se distingue, dans ce procès célèbre, en se faisant le champion de la liberté de la presse. Il y avait vingt-sept ans.

Son énergie le promut aux fonctions de commandant en second, puis de secrétaire de la garde urbaine, et lui valut de traiter plus tard en cette qualité de la reddition de la citadelle de Liège.

Son talent oratoire et les nombreuses marques de patrio­tisme, dont il avait fait preuve, le firent élire membre du Congrès national, par le district de Huy, le 10 no­vembre 1830. L'Assemblée lui assigna le poste de secrétaire.

Retracer ici l'importante participation de Forgeur dans l'œuvre magistrale de l'affranchissement de la Belgique, est chose peu aisée, tant il est de toutes les discussions, tant il est auteur de nombreux projets, et, pour n'en citer qu'un, le contre-projet de Constitution qu'il présenta avec Fleussu, Liedts et Barbanson.

Sa personnalité est marquante et réalise un type dont nous trouvons dépeints, dans les journaux de l'époque, le physique et le moral en termes expressifs.

Le voici d'après les esquisses du Congrès, brossées par le Méphistophélès:

« M. Forgeur n'a pas trente ans, sa tête est blonde et frisée ; il a de grands yeux d'un bleu foncé, pleins d'expression et de vivacité ; quand il parle, un sourire rail­leur et dédaigneux est continuellement sur sa bouche ; sa tête se balance régulièrement sur ses épaules, ses gestes ont quelque chose d'impérieux et de tranchant.

« Le Secrétaire Vagabond » du Congrès est le moins propre avec M. de Brouckère à rester en place, courant à droite, à gauche, s'asseyant, se levant, montant, descen­dant, se tourmentant sur son banc ; on dirait en vérité, qu'il essaye de personnifier le mouvement perpétuel. »

Il avait, en effet, l'habitude de se promener dans la salle au cours des séances, ayant, disait-il, des inquiétudes dans les jambes ; il se faisait alors interpeller par le « Malin Bonhomme», M. Surlet de Chockier, son Pré­sident, qui lui criait: « Remontez au bureau, M. For­geur, que diable, on dirait que nous avons la peste ici. »

« Ce qui distingue le talent de 1'honorable député de Huy, rapportait-on de lui, c'est un accent de conviction, une chaleur de paroles, vraie, réelle, entraînante. Il n'a pas l'élégante et classique pureté de M. Van de Weyer, l'accent âpre et mordant, l'élévation d'idées de M. Lebeau, mais c'est peut-être mieux encore : il s'empare de votre esprit, il vous émeut, il vous entraîne, c'est là le grand art qu'on cherche vainement. Etudes et soins ne peuvent les acquérir, c'est la nature qui les donne. M. Forgeur est orateur, et son mérite est d'autant plus grand qu'il lui manque une qualité physique tout à fait essentielle; au lieu de la voix suave de M. Van de Weyer, au lieu de l'organe rude et pénétrant de M. Lebeau, l'honorable député n'a qu'un maigre filet de voix; son ton de faus­set devient aigre et criard lorsqu'il s'échauffe, et c'est presque un prodige pour lui de se faire écouter avec plaisir. »

Moins profond, moins nerveux que M. Lebeau, il est moins que lui dominé par les systèmes, il a sur M. de Ger­lache, l'immense avantage d'un homme de tribune sur un homme de cabinet.

Lorsque la discussion devient confuse et les idées im­précises, M. Forgeur intervient, coupant court le débat, ramenant l'assemblée à la question, l'empêchant de s'écar­ter du sujet, résumant .l'argumentation avec clarté, rédi­geant immédiatement les conclusions à déduire, et dans les rapports officiels, on peut lire à la suite de maintes interventions: « Ces conclusions sont adoptées. »

Il a le génie de l'improvisation et se distingue notam­ment dans la discussion sur le choix du chef de l'Etat. Considérant comme seule possible la protection de la France, il défendit la candidature du duc de Nemours avec son admirable logique et cette puissante sagacité qui lui faisait sentir en un instant tous les côtés faibles de l'argumentation de ses adversaires. Ainsi a-t-il éclipsé en un seul jour, les deux plus grandes réputations de Liège: MM. de Gerlache et Lebeau.

M. de Gerlache, dans un discours écrit, où toutes les ressources de l'esprit avaient été épuisées, soutenait le duc de Leuchtenberg; M. Forgeur se leva pour la réplique, et les raisonnements de M. de Gerlache si bien combinés, ses plaintes si adroites, son avenir si chargé de nuages, tout cela fut mis à néant. M. Lebeau, à son tour, prit la parole et se montra supérieur; M. Forgeur se leva une seconde fois et il en fut de l'improvisation de M. Lebeau comme du discours écrit de M. de Gerlache. Le duc de Nemours fut élu par 97 voix contre 74 pour le duc de Leuchtenberg et 21 pour l'archiduc Charles d'Autriche. Et le journal auquel ce fait est emprunté, d'ajouter: « C'est là un bel épisode dans la vie de M. Forgeur, je doute qu'il y pense jamais sans le sentiment d'un noble orgueil et d'une haute confiance en lui-même. »

Il fut particulièrement brillant dans les discussions du contre-projet de Constitution. Citons, entre autres, son intervention dans la question très importante de l'admis­sion des étrangers aux emplois publics (Art. 6) et son discours remarquable sur les dispositions relatives à l'in­dépendance du clergé, où il obtint un très vif succès dans la discussion sur l'article 12 du projet de constitution ainsi conçu : « Toute intervention de la loi ou du magis­trat dans les affaires d'un culte quelconque est interdite. »

M. Defacqz présentait un amendement demandant la suppression de cet article présentant de graves dangers à propos du mariage purement religieux. De nombreux abus avaient surgi à la suite d'un arrêté du 16 octobre 1830, du gouvernement provisoire faisant disparaître toute en­trave à l'exercice du culte. Plusieurs mariages avaient été célébrés religieusement avant de l'être devant l'officier de l'état-civil par ignorance des époux.

L'opinion contraire estimait qu'en favorisant le mariage civil, on favorisait les alliances purement civiles, ce qui était scandaleux; que le concubinage résultant pour la loi civile, d'une union purement religieuse, était moins à craindre que le divorce civil entraînant la bigamie aux yeux de la loi religieuse.

Me Forgeur prit la parole, pour mettre les choses au point, en partant du principe qu'exiger le mariage civil avant le mariage religieux, n'est nullement une atteinte à la liberté des cultes... « On veut la liberté des cultes, disait-il, que deviendrait cette liberté, s'il vous était permis de vous immiscer dans les affaires de la religion ? Mais Messieurs, que feriez-vous en défendant au prêtre de célébrer le mariage religieux avant le mariage civil ? Serait-ce vous immiscer dans les affaires de la religion ? Serait-ce dire que l'Etat peut obliger un prêtre ou lui défendre de célébrer un mariage ? En aucune façon ; l'Etat ne dit pas au prêtre : Vous serez forcé de départir la béné­diction nuptiale ou de la refuser quand je vous le pres­crirai ; mais il dit : au nom, et dans l'intérêt de tous, je veux que le mariage soit d'abord contracté civilement ; vous prêtres, vous marierez, si vous le trouvez bon, les individus que j'aurai déclarés aptes au mariage, vous pouvez refuser de les marier si tel est votre bon plaisir : je n'ai, ni le droit, ni la volonté de vous y contraindre. Voilà ce que vous dites, Messieurs, et ainsi vous opérez sur la société tout entière, vous agissez dans l'intérêt des masses. »

Cette preuve de bon sens et de conciliation recueillit l'approbation de toute l'Assemblée.

La question si délicate de l'indemnité parlementaire ou du traitement, encore si discutée actuellement, fut égale­ment l'objet des débats aux séances du Congrès.

Me Forgeur partisan de l'indemnité émettait cette thèse: « Si vous refusez un traitement raisonnable, vous n'aurez que l'aristocratie. Me de Celles nous a dit que ce n'était pas à craindre;  que les jeunes qui n'auront pas 10.000 livres de rentes viendront à la tribune pour se faire un nom ; que c'était le meilleur moyen de se faire connaître et d'acquérir de la fortune et des places. Mais c'est précisément ce que nous voulons empêcher. Nous ne voulons pas que les jeunes soient dirigés vers la tri­bune par des idées d'ambition ; nous ne voulons pas que leurs votes puissent être payés par des places ou par de l'argent ; nous ne voulons pas en un mot qu'un pouvoir de corruption nous les enlève, mais qu'ils restent dans une honorable indépendance, à l'abri du besoin, et dans les rangs populaires. Messieurs, la question que vous allez décider est de la plus haute importance dans un gouver­nement représentatif. C'est une question d'existence et de vitalité pour le pays. La classe moyenne peut seule le représenter convenablement, sans cela, adieu la liberté, adieu les intérêts de ce bon peuple que je défends. » L'in­demnité de 200 florins par mois fut votée. C'est encore au milieu de la plus profonde émotion et dans un silence recueilli, qu'il persuada l'assemblée de voter pour la mo­narchie constitutionnelle représentative, sous un chef hé­réditaire.

Esquissant un tableau clair et précis de ce qui devait être plus tard la forme du gouvernement, M. de Robaulx, chaud partisan de la forme républicaine, élective et non héréditaire, voulait faire décider cette grave question par un referendum, et interpellait les progressistes monarchistes en ces termes: ... « Cette jeunesse nouvelle, ardente, audacieuse, même quand il s'agit du bien de la patrie, est animée d'un désir d'ordre et de réparation ; elle porte le cachet du siècle qui l'a vue naître : c'est vous dire assez qu'elle n'est pas imbue de ces idées gothiques qui ont enfanté des droits de naissance et d'aînesse dans le gou­vernement.

Cette jeunesse qui a fait partie du siècle qui a combattu, qui compose la masse que l'on a calomniée en la traitant d'ignorante et en la considérant comme ne raisonnant pas, cette jeunesse, dis-je, est prête à démentir cette opinion erronée; elle nous crie qu'il est temps enfin de faire justice de l'hérédité des gouvernements, et de lui donner un chef qui soit digne d'elle, et qu'elle ne conservera que pour autant que les talents et la vertu le soutiennent; voilà où la philosophie du siècle nous a mené. »

Précisant avec une admirable netteté de vue, Me For­geur dans une fougueuse improvisation réhabilita cette jeunesse, en s'écriant: « Par mon âge, par mes senti­ments, par mes études, j'appartiens à cette génération nouvelle dont on vous a parlé; je viens protester en son nom à cette tribune. La République n'a qu'une faible minorité dans la nation, ainsi que dans cette assemblée, cette génération ne regarde pas la progression comme incompatible avec le repos. Elle veut, comme on vous a dit, ce gouvernement qui associe la stabilité et le mou­vement. La monarchie, telle que nous l'entendons est bien préférable à la République, qui ne serait que le régime de quelques turbulentes incapacités. La progres­sion sera continue, mais sans secousse. Nous aurons toutes garanties d'ordre et de liberté. L'hérédité réduira au silence toutes les ambitions, ou les forcera à descendre dans une sphère inférieure.

« Je ne sais si la législation se composera de deux chambres. Quoi qu'il en soit, il y aura une représentation nationale directement élue. Pas de redressement de grief, pas de subside, sera la loi suprême. Le chef de l'Etat n'aura qu'un pouvoir neutre; il rectifiera l'action de tous les pouvoirs, l'exécution sera donc le Ministère; si le Ministère est inhabile, il sera privé des moyens du Gou­vernement; s'il est coupable, il sera puni. Chaque com­mune, chaque province, s'administrera elle-même, par les hommes de son choix.

« Voilà la Monarchie comme nous l'entendons, ou comme l'entendent tous ceux qui ont l'intelligence des temps et à qui 1'histoire et les faits ont appris quelque chose. »

Il eut la plus noble attitude encore le 1er juin 1831, dans la discussion d'un projet de nouveau plan de négociation avec la Conférence de Londres; l'on se disposait à pro­longer les négociations avec Londres, risquant de s'engager dans les voies tortueuses de la diplomatie et de se laisser duper.

Le Gouvernement demandait à être autorisé à entamer de nouvelles négociations sur les questions territoriales, au moyen d'indemnités pécuniaires et à donner un nou­veau délai au Prince pour l'acceptation de la Couronne.

Mes Beyts et Jottrand avaient proposé un amendement, disant que le Congrès n'entendrait pas reconnaître la nécessité d'accepter le Protocole du, 20 janvier 1831, ni les protocoles subséquents, relatifs à la dette; que le chef de l'Etat à élire, aurait à accepter endéans le mois de son élection, et prêterait serment dans la quinzaine, à peine de voir son élection non avenue. Il ne s'agissait pas de passer par les conditions de la Conférence, qui subordonnait la condition d'acceptation du Prince à l'acceptation des Pro­tocoles, relatifs à la dette, car plus tard, on n'aurait plus la faculté de repousser ces Protocoles.

M. Jottrand demandait à ce que l'on réduise encore les délais de négociations. C'est au moment très grave, où le pays attendait depuis plusieurs années dans l'anxiété, qu'on lui donnât un chef et que l'intégrité de son territoire fût sauvegardée, que le Congrès allait s'engager dans de nouvelles voies diplomatiques.

C'est alors que M. Forgeur fit sonner aux oreilles de ses auditeurs ahuris, ce langage fier et cinglant: « Les temps sont bien changés; Messieurs, je me souviens d'avoir assisté à des séances du Congrès où l'on avait ici la conviction que la nation pouvait par elle-même, et sans con­seils du dehors, terminer sa Révolution. Je me souviens alors que les menaces des puissances étaient dédaignées dans cette enceinte dès que l'on répondait aux notes de la Conférence par des protestations énergiques ; je me souviens de l'exclusion des Nassau, prononcée en présence et malgré les menaces des puissances ; je me souviens de l'attitude noble et imposante du Congrès lorsqu'on vint vous menacer de faire envahir le Luxembourg par la Confédération germanique... Où en sommes-nous aujour­d'hui ? Qu'est devenu notre patriotisme?.. mort ou pres­que mort?.. ))

Ici, disent les rapports, éclate une explosion de mur­mures telle qu'il serait impossible d'en donner une idée. L'Assemblée tout entière se lève en criant: « A l'ordre, à l'ordre», tandis que les tribunes applaudissent l'ora­teur, qui poursuit: « Qu'on fixe un délai pour l'accep­tation du prince... présentez-lui la couronne sans condi­tions... Mais la lettre de Lord Ponsonby vous convie à faire le contraire. Fixez donc un délai ; car, lorsque la Conférence saura, qu'après ce délai, la Belgique est prête à prendre des moyens énergiques pour en finir, elle prendra des résolutions favorables. Que si, au contraire, vous ne stipulez pas bien vos conditions, vous périrez, Mes­sieurs, et vous périrez en vous débattant dans le marasme.

Et vous aurez appris, alors, que lorsqu'on vous promet que le rôle de la diplomatie sera court et très court, il est infiniment plus long. » Cette improvisation fut accueillie de bravos et de nombreux applaudissements.

Et le 1er juillet, M. Charles de Brouckère ouvrait la discussion sur le traité des XVIII articles rappelant que le 2 juin le Congrès avait autorisé le Gouvernement à ouvrir des négociations sur les questions territoriales, au moyen d'indemnités pécuniaires, et de faire des pro­positions dans ce sens. En effet le résultat de ces négocia­tions devait être soumis à l'appréciation et à la ratifi­cation du Congrès et dans tous les cas, rapport avait dû être fait au 30 juin, statuant définitivement sur le point de savoir si les négociations seraient rompues ou conti­nuées. Par décret du 4 juin, en élisant le prince de Saxe-­Cobourg, le Congrès avait mis pour condition expresse, de son élection, l'obligation de maintenir l'indépendance et l'intégrité du territoire. Il ne devait prendre possession du pouvoir qu'après avoir juré d'observer la constitution, et partant, son article premier qui fixait les limites du territoire. « Le Ministre devait faire rapport le 30 juin, disait M. de Brouckère, et le 28 il est monté à la tribune sans faire rapport sur les XVIII articles;  si le Ministre ne prend pas de conclusions, je considère ce refus comme une défection complète du ministère. Si au contraire il a envie de faire adopter les XVIII articles, il dira qu'il a trahi le pays, car il considère l'acceptation des protocoles comme une trahison. » Cette discussion sur les XVIII arti­cles dura plus de huit jours.

Lorsqu'il s'agit de répondre au protocole du 20 jan­vier 1830, soumis par les plénipotentiaires des cinq grandes puissances à Londres, le Gouvernement provisoire remit une note diplomatique, d'un langage ferme et digne, faisant valoir qu'il était impossible de constituer un état indépendant, sans la garantie immédiate de la liberté de l'Escaut, de la possession de la rive gauche de ce fleuve, de la province de Limbourg en entier, et du grand-duché de Luxembourg, sauf les relations avec la confédération germanique. Me Forgeur appuya cette ré­ponse d'un vigoureux élan patriotique, et de fierté, et se distingua par un remarquable discours en disant : «  ... que vouloir nous contester une partie du Limbourg, et le grand-duché de Luxembourg, était des prétentions qui n'avaient ni base ni fondement, méritant d'être flétries par le ridicule... Ne nous inquiétons pas des prétentions de la Hollande, et soyons certains que tant que la Bel­gique tiendra le langage digne et ferme de la note du Comité diplomatique, ces prétentions s'évanouiront.

« J'émets le vœu de voir apporter dans nos discussions, cette dignité et cette observation des convenances qui siéent à une assemblée qui sait se respecter et se rendre respectable... »

Déjà en séance du 31 mars 1831, il présentait un pro­jet de décret ainsi conçu :

« Au nom du peuple belge,

« Le Congrès National considérant que l'article pre­mier de la Constitution déclare que les provinces de Limbourg et de Luxembourg font partie intégrante du terri­toire de la Belgique; que ces provinces sont encore occu­pées en partie par l'ennemi ; que si la voie des négocia­tions a été impuissante, il faut recourir à d'autres mesures pour faire reconnaître les droits incontestables du peuple belge aux parties de son territoire.

« DÉCRÈTE:

« Le Régent fera notifier au roi de Hollande que si, dans le délai d'un mois, il n'a pas renoncé à ses préten­tions sur la rive gauche de l'Escaut, le Limbourg et le grand-duché de Luxembourg, il y sera contraint par la force des armes.»

L'avenir devait donner raison à cet homme clairvoyant et pourtant si jeune encore, qui s'était rassis au milieu des applaudissements de l'assemblée. Celle-ci néanmoins, devait par 126 voix contre 70, adopter les XVIII articles formant les préliminaires du traité de paix entre la Belgique et la Hollande. Mais lorsqu'il s'agira pour ces mêmes puissances, qui dictèrent ce traité à la. Belgique, de se coaliser pour défendre l'équilibre européen, menacé par les empires centraux, elles seront trop heureuses de trouver nos provinces et notre armée pour les aider. Cependant au jour de la rançon de la victoire, gagnée quatre-vingt-quatre ans plus tard, et dont nous étions les principaux artisans, il ne nous a même pas été permis de faire valoir nos droits sur cette rive gauche de l'Escaut, dont déjà en 1830 on disait: « ... que sa possession était une question d'existence pour nous... »

Une fois la tâche du Congrès terminée, M. Forgeur abandonna la politique et n'y rentra que le 12 mai 1851, élu sénateur de Liège.

Cette grande et noble figure dont on a pu dire à sa mort qu'il fut l'orgueil de la cité liégeoise et de la patrie belge, mérite que son souvenir soit conservé par les géné­rations futures.

Elles trouveront à suivre de tels exemples, des ensei­gnements de véritable patriotisme, de profond désintéressement dans le service de la cause publique, et de sens politique d'une rare perspicacité.

L'œuvre de tels hommes, compte aujourd'hui cent ans, montrant au monde entier, naguère sceptique, la haute valeur de ses artisans. Fasse le ciel toutefois, que les géné­rations montantes, se montrent à la hauteur de leur mis­sion, incomparablement plus facile, et conserve intact le chef-d'œuvre admirable de notre constitution sur laquelle repose l'édifice grandiose de notre patrie une et indivi­sible.

Paul HEPTIA.

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(Extrait de : N. CAULIER-MATHY, Nouvelle biographie nationale, t. II, 1990, pp. 152-155)

FORGEUR, Joseph, baron, avocat, homme po­litique, né à Liège le 31 juillet 1802, y décédé le 17 février 1872.

Il était le deuxième des sept enfants et le fils aîné de Jean-Pierre-Nicolas (Liège, 5 décembre 1766 - 21 décembre 1855) et de Marie-Catherine Humblet (9 septembre 1782 - 6 septembre 1866).

Les parents de Joseph Forgeur étaient instal­lés dans le quartier commerçant de Liège, au Pont d'Ile, où son père est à la fois perruquier, parfumeur et quincaillier en 1810-1812. Sa mère, issue d'une famille liégeoise qui avait émigré à Paris où l'un de ses oncles s'était installé comme imprimeur, était la nièce du chanoine Jean-Joseph Humblet (1747-1829). Celui-ci avait été, selon ses dires, « attaché à titre d'au­mônier aux deux premières puissances de l'Eu­rope, celle de la Grande-Bretagne et de la France » ; il était d'ailleurs naturalisé Français.

Décoré de l'ordre royal du Lys, pensionné de la liste civile de France en tant qu'ancien cha­noine de Molsheim (Bas-Rhin), Jean-Joseph Humblet était venu finir ses jours dans son pays natal. Acquéreur en 1820 d'une maison proche de l'évêché, il s'était installé au château de Til­leur où il menait un train de vie de bonne bour­geoisie ayant voiture et chevaux. Il fréquentait la société liégeoise, tenant notamment sur les fonts baptismaux le fils de l'agent de change Jean-Michel Frésart.

Le chanoine était certes resté en contact avec la veuve de son frère retirée dans le béguinage d'Hermée mais il semble en relations plus sui­vies avec sa nièce, mère de Joseph Forgeur. Pour ce prêtre qui a vécu la Révolution, le capital intellectuel est le seul à être à la fois inaliénable et valorisable en toutes circonstances. Aussi va-­t-il veiller à l'instruction de ses petits-neveux. Le second fils de Catherine Humblet, Constan­tin-François Forgeur, n'avait que dix-neuf ans lorsque s'éteignit son grand-oncle. Il fera car­rière dans l'armée et sera colonel commandant de la place de Liège (1866). L'aîné était déjà bien installé dans la vie active. Joseph Forgeur, docteur en droit de l'Université de Liège (1824) était inscrit au barreau de sa ville natale et son oncle l'avait introduit dans un groupe de franco­philes qui comptait Jacques-Hyacinthe Fabry, Max Lesoinne, Michel de Sélys et Jean-Baptiste Teste, un avocat français installé à Liège, chez qui Joseph Forgeur effectuera son stage. En compagnie du bâtonnier Joseph Raikem, J.B. Teste sera témoin du mariage de Joseph Forgeur.

Le chanoine Humblet avait également pris ses dispositions pour qu'il jouisse rapidement des as­sises matérielles indispensables à toute position so­ciale. Une clause spéciale de son testament faisait entrer en possession immédiate de l'immeuble lié­geois l'aîné de ses petits-neveux. L'aîné de ses pe­tits-neveux parisiens avait aussi été privilégié, « comme étant le seul à perpétuer le nom de la famille ». Le chanoine Humblet avait partagé ses rentes françaises et anglaises entre ses neveux pari­siens et Catherine Forgeur qui devait les abandon­ner à ses enfants dès leur majorité.

Le décès du chanoine Humblet provoqua un changement dans le statut social des parents de Joseph Forgeur. A partir de cette époque, ils se disent rentiers, quittent le Pont d'Ile pour s'ins­taller d'abord Fond Saint-Servais (1829), puis dans le quartier de l'évêché (1831-1855). Les unions contractées par leurs enfants reflètent cette transformation. Marie-Catherine, leur deuxième fille, épouse en 1831 J.A.N. Simons, alors notaire à la résidence de Chapon-Seraing. L'aînée épouse à trente-cinq ans un bijoutier de Herstal.

Le premier mariage, conclu un an après le décès du chanoine Humblet, avait été celui de Joseph Forgeur qui épousa, le 31 mars 1830, Eugénie Dupont, fille de Quirin-Lambert-Joseph et de Marie-Anne-Françoise-Elisabeth Fabry (1766-1846). .

Eugénie Dupont avait un frère qui fit carrière au Ministère des finances. Elle avait aussi cinq sœurs. Joseph Forgeur eut ainsi comme beau­-frère un professeur d'université, Evrard Dupont, un notaire, J.P. Gilkinet, un avocat, J.G. De­leeuw, un homme d'affaires hutois, Clément Delloye et un banquier liégeois, Gérard- Théo­dore Nagelmackers.

L'épouse de Joseph Forgeur était issue d'une famille fortement politisée. Son grand-père pa­ternel, Quirin-Beaudouin Dupont, avait été commissaire de la Cité en 1746, tandis que son grand-père maternel fut à diverses reprises bourgmestre avant de jouer un rôle important lors de la Révolution liégeoise. Son action avait été continuée par son fils Jacques-Hyacinthe Fa­bry (1758-1851) qui, après avoir siégé au Conseil des Cinq-Cents en 1797, fut chargé de représenter Liège au Corps législatif de 1799 à 1802. Conseiller à la Cour de justice de Liège, il avait renoncé à toute activité politique sous le régime hollandais.

J.H. Fabry, qui avait pour gendre un lieute­nant-colonel d'artillerie, J.F. Renault, était resté en contact avec ses nièces, étant présent comme témoin lors de leur mariage. Aussi, la présence des gendres de Q. Dupont et M.A. Fabry sur la scène politique, dès les prémices de la Révolu­tion de 1830, exprime-t-elle la poursuite d'une tradition politique qui trouve ses origines dans la Révolution liégeoise de 1789.

Commandant en second de la garde urbaine, secrétaire de la commission qui traita de la red­dition de la citadelle de Liège, Joseph Forgeur fut nommé, le 10 septembre 1830, membre d'un comité consultatif.

Les électeurs de l'arrondissement de Huy choisirent pour les représenter au Congrès Na­tional, leur ancien concitoyen, l'avocat Joseph Lebeau établi à Liège et son collègue Joseph Forgeur ainsi que le beau-frère de ce dernier, J.G. Deleeuw. A Liège, leur oncle, J.H. Fabry, et leur beau-frère, G. Th. Nagelmackers, sexagé­naires, seront désignés par les électeurs liégeois comme suppléants au Congrès National.

Dans cette assemblée dont il fut l'un des qua­tre premiers secrétaires, Joseph Forgeur prit une part active à l'élaboration des articles 14, 15 et 16 de la Constitution.

Après la dissolution du Congrès National, il disparaît de la scène politique alors que son beau-frère, J. Deleeuw, est élu à la Chambre sur la liste des unionistes liégeois. Une certaine at­tirance pour les projets de réunion à la France, projets échafaudés par son ami J.B. Teste en jan­vier 1831, explique cet éloignement de la vie politique, absence de courte durée puisqu'il est présent au Comité de l'Union libérale en 1833­-1836 et rentre dans la vie politique communale. Après avoir été élu suppléant au Conseil de ré­gence, en 1833, il est élu au Conseil communal en 1836 et y siège jusqu'en 1842. Il retrouvera un nouveau mandat municipal en 1862 alors qu'il représente Liège au Sénat depuis près de dix ans.

Cet éloignement de la vie politique nationale, qui laissait le champ libre à son jeune collègue W. Frère, permettait aussi à Joseph Forgeur de se consacrer exclusivement à ses activités pro­fessionnelles. D'après le nombre impressionnant de plaidoiries publiées, Joseph Forgeur s'avère avoir été un avocat civiliste fort recherché. Ce­pendant, on est dans l'impossibilité d'évaluer ses revenus professionnels. Les archives publi­ques, enregistrement sous seing privé mis à part, ne laissent de traces que d'honoraires qui n'ont pu être acquittés immédiatement. Encore cette mention figure-t-elle au nom du débiteur, ce qui limite les possibilités de recherche. Ainsi, on ignore si la somme de 6.000 francs réclamée par Joseph Forgeur en 1848 à R.A.H. Vandermaesen « tant pour honoraire... que pour déboursés faits pour compte de ce dernier » est exceptionnelle ou tout à fait dans les normes. Dans ce dernier cas, le chiffre de 50.000 francs présenté comme le rendement habituel d'un cabinet d'avocat prospère serait atteint et peut-être même dépas­sé.

Dans le cas présent, l'indice de capitalisation sous forme de biens immeubles semble discuta­ble. Alors que la famille Fabry avait acquis des biens-fonds, Joseph Forgeur et son épouse ne paraissent pas avoir été attirés par cette forme d'investissement, durant les premières années qui suivirent l'Indépendance tout au moins. Ain­si les importants bénéfices retirés de la vente de sa participation dans le charbonnage du Sart-au­-Berleur ne furent pas réinvestis en 1835 dans l'immobilier.

La crise financière de 1839 qui a révélé la fragilité des placements industriels d'une part et la signature, la même année, du traité des XXIV articles qui garantit la survie du jeune Etat pa­raissent avoir modifié la position de Joseph For­geur en la matière. Entre 1839 et 1842, il acquiert trois immeubles dans le quartier Nord de Liège et la propriété des Capucins à Huy. En 1846, il achète le domaine de la Hoegne à Sart­-lez-Spa, et en 1847, un immeuble dans le quar­tier où il est né. A cette fortune foncière vinrent s'ajouter en 1848 les biens délaissés par les époux Dupont-Fabry.

Dès cette époque, Joseph Forgeur aurait pu figurer sur la liste des éligibles de la province de Liège. Il attendit néanmoins 1851, l'année même de son élection pour s'y faire porter.

Son élection au Sénat le 12 mai 1851 marque un tournant dans 1'histoire de la représentation liégeoise dans la Haute assemblée.

Il succède, en effet, au sénateur catholique, le baron Joseph M.L. de Potesta. Un noble catholi­que est ainsi remplacé par un roturier bourgeois, citadin de surcroît alors que de Potesta était avant tout un châtelain, sa maison de la place Saint­-Paul n'étant qu'une résidence hivernale.

Joseph Forgeur entrait au Sénat au moment même où cette assemblée allait marquer, par son opposition à la loi sur les droits de succession en ligne directe, sa composition sociologique spécifique. Joseph Forgeur chercha une issue à ce conflit qui opposait le Gouvernement au Sé­nat mais son amendement transactionnel fut re­poussé et la dissolution du Sénat, le 5 septembre 1851, devait donner lieu à de nouvelles élec­tions.

Réélu, il le fut cette fois de concert avec d'au­tres Liégeois issus comme lui de cette « bour­geoisie intelligente, éclairée, libérale » (Frère-Orban) qui allait représenter l’arrondisse­ment de Liège jusqu'à la fin du régime censi­taire.

Son mandat sénatorial l'amena à redoubler d'activité. Préparant avec un soin extrême ses interventions dans les débats qui furent à la fois très nombreuses, - plus d'une vingtaine par session, - et très remarquées, il n'en réduisit pas pour autant ses activités professionnelles.

Ses qualités d'avocat d'affaires et surtout son mandat sénatorial le firent rechercher en tant que membre des conseils d'administration des socié­tés anonymes. Pour lui, la participation à la vie des affaires n'était pas une nouveauté mais jus­qu'alors, il avait moins recherché les indemnités découlant des fonctions d'administrateur que les bénéfices qu'il pouvait retirer de la vente, au moment opportun, des titres détenus en porte­feuille. C'est pourquoi il avait stipulé que son nom ne devait pas figurer parmi ceux des sociétaires de la société civile du Passage Lemonnier, alors qu'il avait investi dans la construction de ce passage couvert, inauguré en 1839, qui repré­sentait une véritable nouveauté en Belgique.

Cette affaire du Passage avait provoqué un très sérieux différend entre Joseph Forgeur et son beau-frère G. Th. Nagelmackers, aussi pour­rait-on voir dans la constitution de la S.A. Union du Crédit liégeois en 1856, à laquelle Joseph Forgeur participe dès sa création, un concurrent de la Banque Nagelmackers. Il serait cependant erroné de déduire que la participation de la fa­mille Nagelmackers entraînât l'absence de Jo­seph Forgeur. On le trouve, en effet, comme commissaire de la S.A. des Hauts fourneaux de Dolhain aux côtés de trois membres de la fa­ mille Nagelmackers.

Ses relations avec le Pouvoir expliquent cer­tainement sa présence en tant que commissaire dans la société de chemin de fer de Pepinster à Spa constituée en S.A. en 1853. Il occupe la même position dans le conseil d'administration du charbonnage de la Chartreuse-Violette et dans celui de l'éphémère Société métallurgique hollando-belge.

Ses plaidoiries en faveur de la Société de Cor­phalie lui valurent un poste d'administrateur qu'il continua d'occuper après la fusion de cette société, en 1862, avec la S.A Austro-belge. Il fait aussi partie du conseil d'une entreprise concurrente. De 1861 à sa mort, il est, en effet, commissaire de la Vieille-Montagne.

C'est dans les charbonnages et plus particu­lièrement dans celui de Patience et Beaujonc que s'investit Joseph Forgeur, confiance qui semble avoir été partagée par ses héritiers, les­quels détiennent, en 1891, un gros paquet d'ac­tions de cette entreprise à la différence des autres sociétés précédemment citées.

Ses multiples activités ne réduisirent en rien sa sociabilité. Membre de la Société archéologi­que, de la Société libre d'Emulation, il avait également adhéré dès sa création à la Société d'Horticulture et du Casino. Créée en 1837, cette société avait acquis la propriété du Beau Mur sur la commune de Grivegnée. Sur ces terres de la banlieue liégeoise furent édifiés des bâtiments servant de salle de danse, de cabinet de lecture et de salle d'exposition florale. La liste des sociétaires montre que ces « parties de plaisir » étaient recherchées aussi bien par l'aris­tocratie liégeoise que par la bonne bourgeoisie.

Sénateur, Joseph Forgeur continuait à appar­tenir à ce groupe social tout en étant proche de la noblesse qu'il fréquentait dans la Haute as­semblée. Mais il était un citadin, jusqu'en 1857 tout au moins. A cette date, il achète une ferme et ses terres à cinq lieues de Liège. Cette pro­priété d'Embourg, qu'il ne cessera d'agrandir, lui était chère entre toutes, peut-être parce qu'elle préfigurait son anoblissement, distinc­tion qui lui sera conférée dix jours avant son décès. Aussi stipula-t-il dans son deuxième tes­­tament en date du 1er octobre 1870 qu'il voulait y être inhumé « sans bruit ni éclat » avec cette simple mention: « Joseph Forgeur, membre du Congrès National de 1830 ».

Mais ce souhait, exprimé dans un moment de désarroi, alors que la défaite électorale avait écarté les libéraux de la direction de l'Etat, ne fut pas répété dans son troisième et ultime tes­tament. Grand officier de l'Ordre de Léopold, décoré de la Croix de fer, anobli, Joseph Forgeur reçut des funérailles solennelles. Elles furent or­ganisées à l'église Saint-Jean, paroisse dont dé­pendait son hôtel de la rue du Pot d'Or. Durant les derniers mois de la maladie qui devait l'em­porter, Joseph Forgeur, franc-maçon dissident en 1833, s'était en effet réconcilié avec l'Eglise.

Cet homme politique qui se voulait le fils de ses œuvres laissait un testament où les traces d'Ancien Régime étaient visibles. Certes, il po­sait le principe de l'égalité entre ses héritiers mais d'une part, se disait convaincu que l'intérêt de ses enfants était de maintenir le plus long­temps possible l'indivision entre eux et stipulait d'autre part qu'en cas de partage, la part des enfants devait consister principalement en im­meubles. La quotité disponible revenant à son épouse serait constituée principalement par des valeurs au porteur.

Joseph Forgeur estimait implicitement que ses enfants, respectivement .âgés de quarante et un, trente-quatre, trente-deux et vingt-sept ans dont l'un était diplomate en service à Vienne et l'autre docteur en droit, tandis que son gendre Lucien Smits était ingénieur, étaient peu à même de gérer une fortune mobilière.

Les biens immeubles, qu'il délaissa à son dé­cès étaient situés au cœur de la ville, dans les environs de son hôtel de la rue du Pot d'Or. Il avait conservé la propriété d'Embourg et celle de la Hoegne à Sart-lez-Spa. Selon la volonté du défunt, les biens restèrent en indivision jusqu'au décès de la fille aînée de Joseph Forgeur. Le partage intervenu à cette date révèle une fortune évaluée à un million et demi. En trois quarts de siècle, les époux Forgeur-Fabry avaient ainsi multiplié par vingt le capital foncier et mobilier qu'ils avaient reçu de leurs parents. La fortune partagée était composée pour un tiers par des propriétés immobilières. Le reste était constitué par des avances d'hoiries. Elles avaient servi à acheter des biens fonciers situés loin de la ville : la propriété dite de Saint-Lambert à Amay aux portes de Huy. Les fonds publics et emprunts représentant moins de 20 % de la fortune totale et le portefeuille d'actions était composé princi­palement d'actions du charbonnage de Patience et Beaujonc qui représentaient 12 % de la for­tune délaissée par Joseph Forgeur et son épouse et les actions du passage Lemonnier 8,5 %.

La mise en valeur d'un héritage foncier situé dans le quartier des Guillemins, viabilisé dans les années 1860, a contribué à l'enrichissement de la famille. Cette tactique de promotion immo­bilière avait d'abord été réalisée dans le centre de la ville où Joseph Forgeur avait fait édifier de nouveaux immeubles à l'emplacement des an­ciens hôtels. Le prestige d'un mandat sénatorial allié à une remarquable vivacité d'esprit lui avait valu de faire partie des conseils d'adminis­tration de trois grandes entreprises, toutes trois liégeoises, car ce juriste réputé consacra toute sa vie à la région qui l'avait vu naître.

 

INTERVENTIONS AU COURS DE LA SESSION 1830-1831 (Congrès national)

 

(00) Vérification de ses pouvoirs comme membre du Congrès (10/11/1830)

(01) Vérification des pouvoirs d’un membre du congrès. Question de nationalité (11/11/1830)

(02) Formation du bureau définitif (11/11/1830)

(03) Projet d’adresse en réponse au discours du gouvernement provisoire (11/11/1830)

(04) Règlement d’ordre du congrès national (12/11/1830, 13/11/1830, 15/11/1830)

(05) Démission du gouvernement provisoire et proposition de proroger sa mission (12/11/1830)

(06) Inviolabilité des membres du congrès ( (16/11/1830)

(07) Question de la priorité à accorder à la proposition relative à l’exclusion des Nassau et à celle relative à la forme du gouvernement (16/11/1830)

(08) Négociations relatives au statut du Luxembourg (17/11/1830)

(09) Mode de publication des actes du congrès national (18/11/1830, 27/11/1830)

(10) Forme du gouvernement de la Belgique (20/11/1830)

(11) Exclusion des Nassau de tout pouvoir en Belgique (23/11/1830, 24/11/1830)

(12) Propositions tendant à réclamer communication de pièces diplomatiques (24/11/1830)

(13) Présentation d’un projet de constitution et proposition de s’occuper de ce projet (25/11/1830)

(14) Question du sénat (06/12/1830, 11/12/1830, 16/12/1830, 17/12/1830, 18/12/1830, 15/01/1831)

(15) Initiative des lois pour la présentation des projets de décret (13/12/1830, 15/12/1830)

(16) Naturalisation des étrangers (20/12/1830)

(17) Constitution. Egalité des Belges devant la loi et octroi aux seuls Belges des emplois publics (notamment dans les universités) (21/12/1830)

(18) Constitution. Garantie de la liberté individuelle (21/12/1830)

(19) Constitution. Liberté des cultes, de leur exercice public et liberté des opinions (21/12/1830)

(20) Constitution. Indépendance des cultes vis-à-vis des pouvoirs publics, notamment question de l’antériorité du mariage civil sur le mariage religieux (22/12/1830)

(21) Communication diplomatique relative à la reconnaissance par les Puissances de l’indépendance belge (03/01/1831)

(22) Question du choix du chef de l’Etat (Nemours-Leuchtenberg) (05/01/1831, 07/01/1831, 19/01/1831, 28/01/1831, 31/01/1831, 03/02/1831, 04/02/1831)

(23) Constitution. Cens électoral (06/01/1831)

(24) Constitution. Conditions d’éligibilité, notamment d’âge (06/01/1831)

(25) Constitution. Indemnité parlementaire (06/01/1831)

(26) Cour des comptes (06/01/1831)

(27) Pétition relative à la distillation des céréales (07/01/1831)

(28) Budget des dépenses pour le premier semestre de l’année 1831, notamment sénat, budget des affaires étrangères, traitements des membres de l’ordre judiciaire, indemnités pour les dommages dus à la révolution (15/01/1831)

(29)  Proposition tendant à déclarer faux le compte rendu du comité général du 16 janvier, donné par l'Émancipation, et consacré aux protocoles du 9 janvier 1831 (17/01/1831)

(30) Garde civique (17/01/1831)

(31) Responsabilité ministérielle (20/01/1831)

(32) Constitution. Droit de résistance aux actes illégaux des fonctionnaires publics et droit de poursuite (notamment à l’égard des ministres) (21/01/1831)

(33) Constitution. Cour de cassation (21/01/1831)

(34) Constitution. Publicité des audiences des cours et tribunaux (21/01/1831)

(35) Constitution. Nomination des juges et présidents des cours et tribunaux (22/01/1831)

(36) Protestation contre le protocole du 20 janvier 1831 contenant les bases de séparation entre la Belgique et la Hollande (29/01/1831, 31/01/1831)

(37) Constitution. Garde civique (04/02/1831)

(38) Constitution. Révision de la constitution (04/02/1831)

(39) Constitution. Proposition de créer une dixième province (Tournaisis) (04/02/1831, 05/02/1831)

(40) Constitution. Privation des grades dans la force publique (05/02/1831)

(41) Indépendance des cultes vis-à-vis des pouvoirs publics, notamment question de l’antériorité du mariage civil sur le mariage religieux (05/02/1831)

(42) Constitution. Traitements des ministres du culte (05/02/1831)

(43) Démission de plusieurs membres du congrès (30/03/1831)

(44) Programme du deuxième ministère du régent (30/03/1831)

(45) Nomination d’une commission pour constater l’état des finances de l’Etat (30/03/1831)

(46) Situation diplomatique (30/03/1831, 02/04/1831)

(47) Commission d’enquête sur les causes des émeutes de mars 1831 (02/04/1831)

(48) Retenue sur les traitements des fonctionnaires de l’Etat (05/04/1831)

(49) Demande de congé ou absence d’un membre du congrès (07/04/1831, 08/04/1831)

(50) Projet d’emprunt forcé de 12 millions de florins (07/04/1831)

(51) Question du chef de l’Etat (Léopold de Saxe-Cobourg) et propositions annexes (01/06/1831, 02/06/1831, 03/06/1831, 01/07/1831, 02/07/1831, 08/07/1831, 09/07/1831)

(52) Rétablissement du jury (19/07/1831

(53) Délits politiques et de presse (20/07/1831)

(54) Serment à prêter par les fonctionnaires publics (20/07/1831)

(55) Amnistie (20/07/1831)

(56) Proposition tendant à donner à M. le baron Surlet de Chokier, régent de la Belgique, un témoignage de la reconnaissance nationale (20/07/1831)

(57) Dissolution du congrès (20/07/1831)