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Note
d’intention
Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du jeudi 26 septembre 1833
Sommaire
1) Proposition
de loi relative aux travaux urgents à faire aux rives de
3) Projet de loi portant le budget du département des finances
pour l’exercice 1833. Motion relative à l’ordre du jour (Jullien,
A. Rodenbach, Dumortier, Legrelle, Jullien, Duvivier, de Brouckere, Dumortier, Jullien, Pollénus), économies à opérer sur les crédits inscrits au
budget (Duvivier), société générale et caissier de
l’Etat (+contrôle par la cour des comptes) (Jadot, Legrelle, Jullien, Coghen, Dumortier, Jullien)
(Moniteur belge n°271, du 28 septembre 1833)
(Présidence de M. Raikem)
La séance est ouverte à 10
heures et demie.
M. Liedts, l’un des secrétaires, donne lecture du procès-verbal.
La rédaction en est adoptée.
Deux propositions sont
renvoyées à la commission d’industrie, et l’autre à la commission des
pétitions.
M. le président. - Voici quelle était la rédaction
proposée par la section centrale :
« Art. 7 Travaux urgents
aux rives de
Mais cette rédaction devra
être modifiée.
M. de Theux. - Je crois, en commençant, devoir
déclarer à l’assemblée qu’en présentant mon amendement, je n’ai eu nullement en
vue de soutenir un intérêt de localité. Aussi ma proposition ne concerne-t-elle
nullement l’arrondissement qui m’a député parmi vous, messieurs, mais un autre
arrondissement de la province. Je n’ai été déterminé que par la certitude de
1’urgence des travaux. On a semblé faire un reproche à l’administration
provinciale des fautes préexistantes, à l’époque de la révolution. Vous
remarquerez que si cette administration avait eu la disposition des revenus de
Je dois
prévenir ici une objection : on me dirait peut-être : Pourquoi les riverains
n’ont-ils pas fait la dépense qui était à leur charge ? Messieurs, l’arrêté de
M.
Dewitte. - Messieurs,
les motifs que I’honorable M. Dubus a développés dans son rapport m’ont paru
suffisants pour établir la nécessité et l’urgence des travaux pour lesquels un
crédit est demandé par l’honorable M. de Theux et j’estime par conséquent qu’il
y a lieu à l’allouer.
Car de deux choses l’une : ou
l’Etat est tenu de les faire, ou non.
Au premier cas, tout en
remplissant un devoir il aura à s’applaudir d’avoir prévenu des désastres dont
les suites sont incalculables.
Dans le cas contraire, il
exercera son recours contre les propriétaires riverains, ou contre la province,
enfin contre ceux qui de droit y sont tenus ; par cette voix il recouvrera
l’avance qu’il sera faite. Il y a donc, je le répète, nécessité et urgence de
faire exécuter de suite les travaux dont s’agit ; et ainsi je voterai pour
l’adoption de la proposition.
M. Milcamps. - A titre d’avance je donnerai mon
assentiment à la proposition, car il me paraît hors de doute que l’entretien
des rives des fleuves et des rivières navigables ou flottables incombe aux
propriétaires riverains.
Les terrains, atterrissements
et graviers produits par les fleuves ou par les rivières navigables ou
flottables, sont de deux espèces et susceptibles de deux sortes de propriétés :
l’une publique, l’autre privée.
La première, sur les terrains,
atterrissements et graviers qui naissent dans leur lit et qui sont attribués à
l’Etat. (Art. 560 du code civil.)
La seconde sont ceux qui se
forment successivement et imperceptiblement sur leurs rives, et qui sont dévolus
aux propriétaires riverains. (Art. 556.)
Du principe que les terrains
qui forment les rives des fleuves sont des propriétés particulières, que les
alluvions des fleuves appartenaient aux riverains, que chaque riverain a
intérêt de préserver sa propriété, il suit qu’ils sont tenus aux réparations
des rives.
L’Etat ne
doit réparer et entretenir que les lits des fleuves, par cette raison que les
atterrissements qui se forment dans le lit des fleuves ou des rivières
navigables ou flottables sont des propriétés publiques.
La province ne peut être tenue
aux réparations des rives que par suite des dispositions législatives ou de
règlements d’administration générale.
Ainsi, si l’Etat, maître du
fleuve, accorde à une province de percevoir des droits de barrière, de pont,
d’écluse, etc., d’établir un droit de navigation à la charge de certaines
dépenses d’entretien, la province en est tenue.
Telle paraît être la position
de la province du Limbourg.
M. de Theux. - Lorsque cette proposition a été faite
incidemment par M. de Theux, tout le monde en a compris la difficulté, et il me
semble que depuis deux jours la question n’a pas changé de face. Il s’agit
toujours de savoir à qui incombent les frais de séparation des rires de
M. Teichmann, commissaire du Roi. - Messieurs, l’urgence d’exécuter des
travaux sur les rives de
Quant à la question de savoir
à qui incombe l’obligation de supporter les frais de ces travaux, il est à
remarquer que cette obligation pour la province naît de celle qu’elle a de
conserver et d’entretenir la navigation, et pour les riverains, de celle qu’ils
ont de garantir leurs propriétés. Dans la province du Limbourg il n’y a pas de
travaux qui assurent la navigation ; il n’existe pas d’écluses, de barrage et
de déversoir ; il n’y a que les rives dans certaines parties pour favoriser le
halage, et d’après les règlements existants sur la matière les riverains sont
tenus de laisser un certain espace à cet effet. Il n’y aurait pas justice à
obliger la province d’entretenir les rives de
M. Legrelle. - J’ai voté également dans la section centrale pour l’allocation de la
somme de 73,000 francs, mais seulement à titre d’avance. J’y ai été déterminé
par la considération de l’urgence des travaux dont il s’agit, urgence reconnue
par M. le ministre de l’intérieur et l’ingénieur de la province.
Toutefois
je ne puis admettre que la province ne soit tenue qu’à l’exécution d’une partie
des travaux. L’arrêté de 1819, qui a abandonné aux provinces les produits de la
navigation des fleuves et rivières, a mis à leur charge tous les frais
d’entretien et de réparation. Voici ce que porte l’art. 3 :
« A partir du premier janvier
prochain, tous les frais qu’entraîneront les ouvrages dont la direction est
confiée par la présente aux états des provinces, seront à la charge desdits
états, lesquels devront aviser aux moyens de pourvoir à cette dépense,
etc. »
L’allocation de 73,000 fr.
n’est, je le répète, qu’une avance et devra être recouvrée soit sur les
propriétaires riverains, soit sur la province, ou sur les riverains et la
province en même temps. Du reste, on m’a assuré que l’urgence est telle que si
les travaux ne sont pas exécutés avant l’hiver, des villages seront inondés, et
que le gouvernement perdrait plus qu’il ne donnera par suite de la diminution
des contributions foncières.
M.
Dubus, rapporteur. - Messieurs, les explications qui viennent d’être données par M. le
commissaire du Roi ont répondu aux objections émises par un des honorables
préopinants. Je prends la parole pour répéter à la chambre qu’il ne s’agit ici
que d’un vote d’urgence, que d’une avance à faire, et sauf recouvrement contre
les propriétaires riverains dont elle a pour but de conserver les propriétés,
et contre la province comme gérant la navigation de
Maintenant
qu’on fait de la proposition une loi séparée, il faut changer entièrement la
rédaction.
Voici celle que je propose ;
« Il est alloué au
département de l’intérieur un crédit extraordinaire de 73,000 fr. pour travaux
urgents aux rives de
« Cette allocation
formera l’art. 7 du chapitre VIII du budget du département de l’intérieur pour
l’exercice 1833. »
M. Jullien. - Les explications très positives et
très pertinentes dans lesquelles est entré M. le commissaire du Roi, expert en
cette matière me déterminent à voter pour la proposition, mais je voudrais
qu’on y insérât les mots : à titre d’avance.
- Après avoir entendu une
deuxième lecture de la rédaction de la section centrale. M. Jullien n’insiste
pas sur sa proposition.
M. Desmet. - Je demanderai à M. le commissaire du
Roi, si la province du Limbourg n’a pas de règlement de police pour la
conservation en bon état d’entretien des chemins de halage et des bords des
fleuves et rivières. Dans les provinces de Flandre nous avons de tels
règlements ; ceux de 1740, 1744 obligent les propriétaires riverains à
entretenir en bon état les chemins de halage et les bords des rivières, et
quand les propriétaires sont trouvés en défaut, ils sont, en vertu desdits
règlements frappés de fortes amendes, et les réparations sont faites d’office
et à leurs frais. La direction des ponts et chaussées veille scrupuleusement à
cette police, et ses agents ont grand soin de verbaliser contre les délinquants
et de faire faire les réparations à leurs frais. C’est à cette utile
surveillance que nous devons que les chemins de halage et les rives de
l’Escaut, de
M. de Theux. - Je répondrai à l’honorable préopinant que dans
la province de Limbourg l’entretien des chemins de halage et les ouvrages
concernant la navigation de
M. le président. - Nous allons passer à l’appel nominal
sur l’article unique du projet de loi.
M.
A. Rodenbach. - Je demanderai s’il est bien constitutionnel de voter un article
additionnel à un budget qui a été voté ; il me semble que cela n’est pas très
régulier.
M. Brabant. - Je ferai observer à l’honorable membre qu’un article de la constitution
prescrit de comprendre toutes les dépenses de l’Etat dans les budgets ; ainsi,
par la marche que l’on propose de suivre, on se conforme à cet article. Quand
il s’agit de dépenses pour des exercices écoulés, elles s’inscrivent par
transferts dans les budgets. Aujourd’hui nous votons une dépense qui, si elle
eût été adoptée hier, aura-il été comprise dans le budget de l’intérieur ; je
ne vois pas pourquoi elle n’y serait pas comprise maintenant.
M. A. Rodenbach. - Est-ce que dans six mois nous pourrions
encore comprendre des articles dans le budget ? Six mois ou un jour c’est la
même chose. Je soulève une question ; je ne veux pas la décider.
M. Desmet. - C’est un post-scriptum au budget.
M. Schaetzen. - Quand la proposition a été faite, on discutait
le budget de l’intérieur ; cette proposition a été ajournée avec la réserve
qu’elle ferait partie du budget de l’intérieur.
M. Dubus, rapporteur. - Il n’y a pas d’inconvénient à voter
l’article tel que je l’ai soumis aujourd’hui : on craint que cela ne soit pas
constitutionnel ; cependant nous prenons le parti qui semble le plus conforme à
la constitution, laquelle prescrit de comprendre toutes les dépenses au budget.
Je ne comprends pas comment la constitution serait intéressée dans la marche
que nous suivons, sinon sous le rapport du respect que nous portons à ses
dispositions.
M. Dumortier. - Il ne s’agit pas ici d’une question de
fait, mais d’une question de principe. Quand nous serons à la fin du budget des
finances, je serai obligé de présenter des articles qui comprendront tous les
budgets : il faut que toutes les dépenses trouvent place dans les budgets, sans
quoi on ne pourrait régulariser les lois des comptes.
- L’appel nominal a lieu ; en
voici le résultat : 54 membres ont répondu à l’appel.
53 membres ont répondu oui.
1 membre (M. Liedts) a répondu
non. En conséquence, le projet est adopté.
Discussion
générale
M. le président. - L’ordre du jour appelle la discussion
générale sur le budget du ministère des finances.
M. Jullien (pour une motion d’ordre). - Je demande
s’il convient d’ouvrir une discussion aussi importante, alors que la chambre
est à peine en nombre suffisant pour délibérer. Plusieurs de nos collègues sont
partis, croyant que la chambre ne reprendrait ses travaux que samedi ou lundi.
Il ne faut pas nous priver volontairement de leurs lumières, et mettre tant de
précipitation, lorsqu’il s’agit d’un sujet comme celui-là. Je demande le renvoi
de la discussion à samedi.
Plusieurs
membres. - A lundi !
M.
A. Rodenbach. - J’appuie l’observation de M. Jullien, et d’autant plus volontiers que beaucoup
de nos collègues ont pu penser qu’il n’y aurait pas de séances pendant les
fêtes.
Il convient d’entendre tous
les avis sur un budget qui renferme plusieurs millions.
M. Dumortier. - Je ne comprends que qu’on vienne nous
demander le renvoi de la discussion à lundi, comme si l’on avait oublié que
nous avons eu, il y a quelques jours, une séance du soir, pour avancer nos
travaux. Allons-nous perdre maintenant plusieurs jours ? Mais, messieurs, voilà
bien des mois que nous sommes réunis, et le jour où nous devons nous réunir
pour une session nouvelle n’est pas très éloigné. Il n’y aura donc aucun
intervalle. Cependant, messieurs, le repos est un besoin pour beaucoup d’entre
nous. Quant à moi, messieurs, je désire vivement m’en retourner ; je ne pourrai
pas le faire si nous perdons un seul jour.
Il me semble que vous pouvez
entendre les observations de MM. les commissaires du Roi. Chacun d’eux aura
sans doute des observations à vous soumettre sur son département ou son
quasi-ministère. (On rit.) Nous
pourrions biens commencer par les entendre, car nous sommes ici pour faire des
lois et non pour assister à des fêtes.
M. Legrelle. - Messieurs, jetez les yeux sur le banc
des ministres, vous y verrez le grand nombre de commissaires du Roi qui nous
sont envoyés ; vous pouvez vous attendre à ce qu’ils soutiendront avec force
l’opinion du ministre. Par conséquent la discussion sera longue et il n’y a pas
de temps à perdre.
Sans doute la dignité
nationale exigerait que nous fussions plus qu’en nombre pour délibérer, mais le
retard que l’on demande n’aura pas l’effet qu’on espère, tandis que si les
membres absents voient les discours de MM. les commissaires du Roi insérer dans
le Moniteur, cela pourra les décider
à assister à nos séances.
M.
Jullien. - Sans doute
nous sommes ici pour faire des lois, mais aussi pour les faire bonnes et avec
maturité, j’ai présenté ma proposition pour que la chambre ne fût pas privée
des lumières des membres absents. Voilà mon seul motif. Si maintenant il est
vrai que MM. les commissaires du Roi aient des observations à nous présenter,
je ne m’oppose pas à ce qu’on les entende, mais je crois que MM. les
commissaires sont disposés à nous répondre et non pas à provoquer la
discussion. S’ils déclarent qu’ils sont prêts à parler, je retire ma
proposition.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Aucun de MM. les commissaires du Roi
n’a le projet de prendre la parole avant que la discussion en ait fait naître
la nécessité ; ils sont ici pour répliquer et non pour attaquer. Quant à moi,
j’ai seulement quelques observations introductives à vous soumettre. (Parlez ! parlez !)
M. de Brouckere. - Oui, messieurs, nous sommes envoyés pour faire
des lois ; mais ce n’est pas en y mettant de la précipitation, comme hier, que
nous en ferons jamais de bonnes ; j’invite ceux qui nous pressent à relire la
loi que nous avons votée dans la dernière séance.
M. Dumortier. - Il ne s’agit pas seulement de se hâter,
mais de bien faire. C’est aussi mon opinion. Pour bien faire, il faut de
l’assiduité, du travail ; or, ce n’est pas en allant aux courses aux concerts,
que l’on prépare les questions : c’est en restant à son poste, et non pas en se
rendant là où le devoir ne nous appelle pas.
M.
Jullien. - Le
reproche de l’honorable préopinant sent un peu l’école. Il ne s’agit pas de
savoir si nous irons aux courses, mais s’il convient d’entendre ceux de nos
collègues dont on apprécie le travail et les lumières. C’est pour que la
chambre ne soit pas priver de leurs observations, je le répète, que j’ai fait
ma proposition. Il y a aujourd’hui un discours introductif à entendre, je
désire qu’il soit entendu séance tenante.
M. Pollénus. - Si un retard de deux ou trois jours
devait avoir pour résultat de nous faire aider des lumières de quelques membres
aujourd’hui absents, je serais le premier à appuyer la remise de la discussion.
Mais l’expérience des jours derniers nous interdit cet espoir. Nous savons
qu’un grand nombre de membres ont quitté la ville ; nous savons que plusieurs
n’ont pour ainsi dire pas assisté aux débats de cette session ; et maintenant
devons-nous, pour attendre des collègues si peu empressés, nous exposer à
perdre ceux qui ont été jusqu’ici assidus à nos séances ? Je ne le crois pas.
Nous désirons tous en finir ; nous sommes tous d’accord aussi sur ce point
qu’il faut faire les lois les meilleures, ou du moins les moins mauvaises
possible : eh bien, le moyen d’atteindre ce double résultat n’est assurément
pas de perdre plusieurs jours.
M. de Brouckere. - Il me semble que nous sommes tous d’accord pour entendre M. le ministre
des finances. (Oui ! oui !)
M. le ministre des finances
(M. Duvivier)
- Messieurs, je me bornerai à quelques réflexions générales sur le rapport de
la section centrale concernant le budget du ministère des finances, me
réservant de fournir dans la discussion des articles les répliques aux
objections qui y ont été faites.
(Erratum au Moniteur belge n°272, du 29 septembre 1833 :)
« Une même volonté, dit le rapport, a été manifestée de toutes parts,
celle de s’opposer à toute espèce de majoration dont la nécessité ne serait pas
complètement justifiée. »
Il faut conclure de cet
énoncé, rapproché des propositions qui nous sont faites, que le département des
finances a été bien peu heureux dans la justification des motifs qui l’ont
amené à demander quelques majorations ; car aucune n’est admise par la section
centrale.
Il n’en est pas de même des
réductions que le ministre a pu opérer : là, tout est approuvé, et son
administration ne donne lieu à aucune critique.
Cependant, messieurs,
lorsqu’un gouvernement est assez loyal pour s’empresser de faire connaître les
améliorations en moins qu’il a pu introduire dans un service, n’est-ce pas une
présomption favorable que les demande en plus, qu’il vous fait pour un autre
service, ne sont que le résultat d’une nécessité démontrée à ses yeux, et
n’est-ce pas un acte d’administration dont il doit être le meilleur juge ? Si
vous lui refusiez ce qu’il considère comme indispensable, ne serait-ce pas
assumer sur la chambre la responsabilité qui ne doit peser que sur lui ?
Je conçois, messieurs, le
rejet complet du budget. Je conçois encore le rejet de tout un service, de
toute une allocation : de cette manière la chambre refuse sa sanction, sa
coopération à tel ou tel acte administratif, à telle ou telle institution ;
mais je ne pus concevoir la mutilation d’un service qu’on approuve ; je ne puis
concevoir qu’on le reconnaisse nécessaire et qu’on rende son exécution
impossible ou mauvaise.
C’est cependant ce qui doit
résulter des refus faits par la section centrale de certaines majorations.
Chacun de nous sait, messieurs, combien le budget de l’an dernier fut
maltraité. Présenté consciencieusement par mon honorable prédécesseur, ii crut
devoir un instant en abandonner la discussion en présence des réductions qu’on
opérait, parce qu’il était intimement convaincu qu’il ne lui était pas possible
de faire marcher l’administration avec les fonds qu’on lui accordait ; et en
effet, ce ne fut qu’au moyen d’un retard mis à l’organisation de la commission
des monnaies qu’on y est parvenu.
La chambre, toutefois, modifia
au second vote quelques-unes de ses premières rigueurs ; eh bien, messieurs, la
demande que je vous fais pour l’administration centrale n’est pas plus élevée
que celle portée au projet de budget de 1832 ; et malgré le surcroît de
besogne, malgré l’expérience de trois années, malgré les réductions majeures
qui ont été apportées partout où cela a été reconnu praticable, la section
centrale s’oppose aux allocations, et considère le budget adopté l’an dernier
comme un type dont elle ne veut pas s’écarter.
Je ne sais si la chambre en
jugera comme elle ; mais toujours est-il que si la législature se refuse à
voter l’intégralité des dépenses, dont une partie est déjà faite pour les deux
tiers de l’année, et dont le principe a reçu son approbation, elle affranchit
le ministre de la responsabilité morale qui devrait peser sur lui, si
l’exécution administrative laissait quelque chose à désirer.
Le département des finances
coûte près de 11 millions, dit la section centrale, pour opérer 80 millions de
recettes. C’est précisément, messieurs, parce que le ministère des finances ne
coûte pas 11 millions pour percevoir 88 millions et non 80, c’est-à-dire, ne
coûte que 12 p. c. des revenus pour le recevoir et solder les dépenses, qu’il
n’a point à redouter de critiques fondées, ni le résultat d’aucune comparaison
avec l’administration des pays voisins. En France, le taux des frais de
perception est de 14 p. c. des produits, et cependant la ligne de douane coûte
et doit coûter proportionnellement beaucoup plus en Belgique qu’en France,
ainsi que le reconnaît la section centrale elle-même.
Cette section suppose qu’on
amènerait des réductions notables dan nos dépenses publiques, en les basant sur
celles qui se font à l’étranger pour le même objet.
Voici des faits :
En France, les contributions
directes coûtent près de 5 p. c. des produits, 210,000 fr. par département et
57 c. par habitant. En Belgique, elles coûtent aussi près de 5 p. c. des
produits, mais elles ne coûtent que 152,000 fr. par province et 36 c. par
habitant.
En France, les droits
indirects coûtent 23 p. c. des produits, 270.000 fr. par département et 70 c.
par tête. Chez nous les accises coûtent 182,000 fr. par province, 50 c. par
tête et seulement 12 à 13 p. c. des produits.
Quant à notre douane, nous
devons avouer qu’elle coûte à peu près le double p.c. de celle de France, et
qu’elle absorbe plus du tiers des produits ; mais, la section centrale en
convient, le mal tient à la nature des choses : toutefois, comme elle paraît
n’attribuer cette différence qu’à l’étendue ou à la circonférence comparative
des pays, il ne sera pas inutile d’indiquer d’autres causes, qui tendent à
augmenter les dépenses du service de la douane, comparativement aux produits.
La quotité des droits et les
difficultés de surveillance que présentent les localités exercent autant
d’influence sur le tantième des frais de perception que la circonférence ou
l’étendue du pays. Ainsi, continuant la comparaison avec
Quant aux localités,
Il a été démontré l’an dernier
que l’administration de l’enregistrement coûtait également moins chez nous que
chez nos voisins. Cependant, à peu de chose près, c’est la même législation qui
régit cette matière.
Ainsi, en détail comme en
masse, il demeure établi que le ministère des finances coûte
proportionnellement moins qu’en France, malgré les motifs qui pouvaient
justifier un plus haut taux de perception.
Si l’on établissait
rigoureusement le calcul pour parvenir à un résultat exact, il conviendrait de
déduire des 11 millions portés au budget des finances les dépenses relatives à
des services publics qui ne forment pas des branches de revenus, ou qui ne font
que couvrir à peu près leurs frais, ou enfin qui ne sont qu’accidentelles, ou
résultant de notre position politique. Telles sont les dépenses pour le service
du cadastre, les avances à un industriel, les avances au séquestre, le prix
d’achat du canal d’Antoing, les poids et mesures, la garantie des matières d’or
et d’argent, et même le service de la poste et celui de la douane qui ne sont
institués que dans l’intérêt du commerce, de la protection due à l’industrie,
et qui coûtent de 30 à 40 p. c. des recettes qui en résultent.
On s’est souvent plaint, dit
le rapport, de la complication du ministère des
finances qui forme six petits ministères en un seul.
Le ministère des finances se
compose en effet de six branches très distinctes, et l’importance de chacune de
ces branches exige à sa tête un employé d’un rang supérieur.
En France, au lieu de six
branches de service, il y en a 14, ayant chacune à leur tête un haut fonctionnaire
sous le titre de directeur, dont le traitement est double de celui des
administrateurs qui gèrent ici diverses branches réunies ; cependant l’on y
considère l’administration financière comme extrêmement simplifiée.
Sous le régime hollandais, les
administrations des recettes formaient réellement un ministère, et le
secrétariat et la trésorerie un autre.
En Belgique, tout est réuni en
un seul faisceau ; le secrétariat s’occupe des affaires générales qui ne
dépendent d’aucune administration, mais qui se rattachent à toutes, et dont la
solution appartient au ministre sans intermédiaire.
Comparer cela à un bureau
d’expédition, c’est, en vérité, n’avoir aucune idée du travail qui incombe au
secrétariat des finances, de même que vouloir que ce ministère soit organisé
comme celui de l’intérieur, c’est méconnaître les différences notables qui
existent entre ces deux départements, dont l’un a du travail pour 7,000 agents,
tandis que l’autre n’en occupe pas 1,300.
L’organisation dont on se
plaint aujourd’hui a été faite d’ailleurs par un ministre (M. Ch. de Brouckere)
dont on ne peut méconnaître ni les vastes connaissances, ni les intentions
d’économie ; et l’arrêté du régent, du 18 mars 1831, qui consacre cette organisation, fut l’objet
des éloges lorsqu’il fut publié.
Quant au rétablissement des
directeurs, il est une conséquence de la responsabilité des ministres dans le
cercle de leurs attributions.
Il y eût eu anomalie choquante
d’exiger que le ministre des finances fût responsable des actes de ses agents,
alors qu’ils étaient placés sous l’autorité d’un fonctionnaire du ministère de
l’intérieur, que le ministre des finances ne pouvait ni placer, ni révoquer.
Je me réserve d’ailleurs de
prouver, à l’article relatif aux directeurs, que la dépense est aujourd’hui
moins forte que lorsque les administrations des finances étaient placées sous
l’autorité des gouverneurs.
Ces administrations ne furent
d’ailleurs placées sous cette autorité que dans des intentions absolutistes du
roi Guillaume, et l’arrêté qui portait cette perturbation dans la hiérarchie
administrative fut pris à l’insu du ministre Appelius,
sur la proposition secrète d’une commission privée qui secondait les vues
despotiques du roi déchu.
Ce n’est certes pas vers un
tel régime que veut nous ramener la chambre.
Je terminerai ces observations
générales en vous faisant remarquer, messieurs, qu’il n’est pas possible
d’adopter la classification proposée par la section centrale. Outre que cette
classification n’est pas régulièrement faite, elle est en contradiction
manifeste avec le désir exprimé par la section centrale elle-même, qui dit,
page 4 du rapport : « Qu’il serait convenable de stipuler que les
indications données jusqu’à ce jour à la cour des comptes, sur les demandes de
paiements faites par les divers ministères, et tendantes à indiquer les titres,
chapitres et articles des dépenses ne pourront pas être changées. »
En effet,
messieurs, les dépenses, quoique faites sur un crédit global, ont été imputées
dans les écritures sur les articles portés au projet de budget pour 1833,
conformément à celui adopté par la législature pour 1832.
Vous ne changerez pas,
messieurs, après neuf mois d’exécution, la
classification qui a été faite par la chambre elle-même l’an dernier ;
ce serait apporter le désordre dans les écritures déjà passées, et forcer à
renouveler, sans utilité aucune, tout le travail de comptabilité des trois
quarts de l’année.
Puisque la section centrale
semble désirer que certains articles soient divisés, on aura égard à son vœu
pour le budget de 1834 ; mais, pour celui de l’exercice actuel, la chose est à
peu près impraticable et tout à fait inutile ; elle donnerait lieu à un travail
tellement considérable, qu’il serait impossible de l’exécuter avec le personnel
qui existe actuellement à l’administration centrale du ministère.
M. Jadot. - Messieurs, la section centrale, ayant dû s’expliquer sur le crédit
demandé pour solder la remise du caissier-général de l’Etat pour l’exercice
« Voilà, messieurs, les
raisons que la banque fait valoir à l’appui de son refus de liquider avec le
gouvernement belge. Cette question mérite un examen sérieux : elle est de
nature à soulever de grand débats ; elle doit être résolue d’une manière
quelconque, car une grande responsabilité pèse et sur le gouvernement, et sur
la chambre, et sur la banque. » Et plus loin : « Le système de
comptabilité que la cour des comptes trouve vicieux n’est pas en harmonie avec
les dispositions de l’art. 116 de la constitution ; ce système réclame un
examen approfondi. »
Je me suis donc livré à
l’examen des questions que cette divergence d’opinion fait naître. J’ai
consulté les documents cités dans le rapport de la commission des finances, et
je vais avoir l’honneur de communiquer à l’assemblée les observations qui en
sont le résultat.
J’aime à croire qu’elles
lèveront tous les doutes sur le parti qu’il conviendrait que le gouvernement
prît dans l’intérêt qui me les dictées : l’intérêt du pays.
Je dirai d’abord quelles sont
les sommes appartenant an trésor dont la banque est dépositaire, et dont le
gouvernement aurait droit de disposer.
§ 1er. Solde en caisse des receveurs des diverses administrations.
Le solde en caisse des
receveurs des diverses administrations, au 30 septembre 1830, qui était de
1,775,176 fl. 34 c., et que votre commission spéciale des finances propose de
fixer à 1,318,369 fl. 94 c., tel qu’il résulte du compte présenté par la
trésorerie, a été diminué de 224,679 fl. 70 c., montant des traitements dont
les quittances devraient être régularisées et qui l’on été depuis. Cette
déduction n’est susceptible d’aucune observation ; mais il n’en est pas de même
de celle de 339,780 fl. 75 c., montant des récépissés de versements effectués dans
les caisses du gouvernement précédent.
Je vous prie, messieurs, de
remarquer que cette seconde déduction comprend les recettes faites pour le
compte du gouvernement provisoire dans les derniers jours de septembre, la
banque prétendant qu’à raison de ce qu’elles ont été faites avant le 1er
octobre, elles doivent appartenir au solde au 30 septembre, à partager entre
les deux gouvernements.
Ainsi, suivant le caissier
général de l’Etat, le gouvernement de Guillaume subsistait encore à Bruxelles
le 30 septembre, et c’était pour son compte que ce jour même elle encaissait
les revenus publics qu’on lui versait au nom du gouvernement provisoire.
On peut remarquer en effet que
ce n’est pas le caissier général qui a pourvu aux premiers besoins de la
révolution ; en septembre, et tandis qu’il avait en caisse ce qui y avait été
versé depuis la révolution, c’est à la caisse des dons patriotiques qu’on a dû
recourir pour y faire face.
Il importe peu à la banque que
le gouvernement se soit constitué dès le 24 septembre ; elle a soutenu et
soutient encore aujourd’hui, avec infiniment de succès, que la gestion du
caissier-général de l’Etat sous le nouvel ordre de choses n’a commencé que le
1er octobre 1830, et qu’elle ne doit au gouvernement actuel aucun compte de ce
qu’elle avait en caisse au 30 septembre, ni même des 281,300 fl. provenant
d’anciennes espèces appartenant au gouvernement, déposées à la monnaie pour
être fondues, qui l’ont été depuis la révolution, et dont on a consenti que la
remise fut faire à la banque dans les derniers jours de décembre 1830.
On verra plus loin les motifs
qu’elle a mis successivement en avant pour faire prévaloir cette étrange
prétention.
§ 2. Encaisse au 30 septembre 1830 du caissier-général.
Il est à remarquer que la situation
du caissier-général au 30 septembre 1830, telle qu’elle est rapportée au compte
du trésor, n’est que la copie de celle adressée au ministre des finances par le
gouverneur de la banque, en exécution d’un article de la convention du 3
octobre 1823, qui lui prescrit d’en former une semblable chaque quinzaine ; ce
compte est donc celui que la banque elle-même a présenté à cette époque, c’est
ce qu’il ne faut pas perdre de vue.
La situation que l’on trouve
dans le compte rendu à la banque par son gouverneur, et que la commission a
comparée au soi-disant compte du trésor, est celle du solde au 30 décembre
suivant, c’est-à-dire trois mois plus tard ; et c’est encore la banque qui l’a
présentée.
Voici la comparaison de ces
deux situations :
(A) Situation au 30 septembre
1830 :
Solde en caisse : 10,526,501
fl. 21 c.
A déduire, solde chez ses
agents en Hollande : 2,348,446 fl.
Reste, 1° Dispositions
courantes : 6,386,506 fr. 50 c.
Reste, 2° En numéraire :
1,789,548 fl. 71 c.
Reste, total : 7,176,055 fr.
21 c.
(B) Situation au 30 décembre
1830 :
Solde en caisse : 9,115,348
fl. 71 c.
A déduire, solde chez ses
agents en Hollande : 2,970,353 fl. 40 c.
Reste, 1° Dispositions
courantes : -
Reste, 2° En numéraire : fl.
6,144,995 fl. 31 c.
Reste, total : 6,144,995 fl.
31 c.
Différence en plus au 30
septembre 1830 (-) et au 30 décembre 1830 (+)
Solde en caisse : (-)
1,411,152 fl. 50 c.
A déduire, solde chez ses
agents en Hollande : (+) 621,906 fl. 60 c.
Reste, 1° Dispositions
courantes : (-) 6,386,506 fr. 50
Reste, 2° En numéraire : (+)
4,355,446 fl. 60 c.
Il résulte de la comparaison
de ces deux situations que l’encaisse au 30 décembre 1830 était inférieur à
celui du 30 septembre précédent, de 1,411,152 fl. 50 c.
Cette différence provient sans
doute des assignations acquittées dans l’intervalle, mais il est de fait que la
banque n’a jamais voulu renvoyer ces assignations acquittées à la trésorerie,
bien qu’elle l’ait toujours fait pour les autres.
Quant à l’augmentation de
621,906 fl. qu’a subie le solde en caisse au 30 septembre 1830, des agents de
la banque en Hollande, il m’est impossible d’en deviner le motif.
Suivant la première situation,
celle du 30 septembre, c’était pour acquitter les dispositions faites par le
gouvernement des Pays-Bas que la banque avait distraite de son solde et mis en
réserve la somme de 6,386,506 fl. 50 c. C’est là du moins le motif qu’elle
faisait valoir alors pour conserver cette somme, bien qu’il fût incontestable
que les assignations qui n’étaient pas acquittées ne pouvaient plus l’être ; en
effet c’eût été trahir le pays que d’acquitter après la révolution des mandats
délivrés par le gouvernement que la révolution avait renversé, du moins avant
qu’ils fussent réordonnancés ou revêtus d’une formalité quelconque ; car on eût
risqué de mettre ainsi les ressources du pays à la disposition de ses ennemis.
Il convenait aux intérêts de
la banque que ce prétexte de dispositions à acquitter, qu’elle avait mis en
avant dans les premiers moments de la révolution, fût provisoirement trouvés
bon, et ses intérêts prévalurent. Plus tard, et lorsqu’elle se fut bien
convaincue qu’elle pouvait tout oser, elle en fit valoir d’autres, ainsi que
nous le verrons ci-après.
Dans la deuxième situation,
celle au 30 décembre 1830, qui se trouve au compte rendu le 1er avril 1833, il
n’est plus question de dispositions courantes : le solde en caisse de 6,144,990
fr. 31 c., bien qu’il comprenne les sommes reçues en septembre par les préposés
du gouvernement provisoire et versées pour son comptes ; les 281,300 fl. versés
par la monnaie en décembre 1830, et d’autres sommes appartenant aux provinces,
ou à des tiers, et qui sont conséquemment étrangères au trésor public, la
banque entend les conserver pour se couvrir des avances qu’elle dit avoir
faites au gouvernement des Pays-Bas aux termes d’un contrat du 26 octobre 1827,
par lequel elle se serait engagée à lui prêter dix millions à l’intérêt de 5 p.
c.
Je ferai remarquer d’abord que
la stipulation d’un intérêt prouve qu’il s’agit dans ce contrat, qui du reste
est inconnu au ministère des finances et que la banque refuse de produire,
qu’il s’agit, dis-je, d’un traité que la banque a fait en sa qualité de société
générale, d’un traité nécessairement étranger au caissier-général, dont les
fonctions se bornent à encaisser les revenus de l’Etat ; qui ne peut acquitter
de pièces de dépenses que celles délivrées par le ministre des finances, dans
les formes voulues pour leur régularité ; qui ne peut traiter avec personne, et
avec lequel il est ridicule de supposer que l’Etat lui-même a traité pour en
recevoir, moyennant un sacrifice de 5 p. c. des sommes qui lui appartiennent et
dont il peut disposer intégralement et sans traité.
Ainsi la banque,
caissier-général, n’a pu s’obliger envers la banque, société générale ; ni celle-ci
traiter valablement avec lui.
D’un autre côté, la banque
sait aussi bien que personne que le gouvernement des Pays-Bas n’a pu contracter
d’emprunt sans y avoir été autorisé par une loi.
Aussi tout porte à croire que
les avances qu’elle réclame ont été faites à des sociétés ou entreprises dans
lesquelles le roi Guillaume, sa famille ou ses ministres étaient actionnaires
dans leurs intérêts privés ; toutefois elle n’en persiste pas moins à soutenir
que c’est au gouvernement des Pays-Bas qu’elle-a prêté jusqu’en 1828 des sommes
qui, avec les intérêts échus au 31 décembre 1832, s’élèvent à 7,141,075 fl. 51
c.
Enfin, dans votre séance du
1er décembre 1832, on vous a donné un aperçu de notre situation financière.
L’on n’y a pas fait figurer ce que doit la banque au pays ; on s’est borné à
dire : « Il y aura encore un solde de la banque qui sera dû par elle lors
de la liquidation de la caisse de l’ancien gouvernement, » et l’on termine
par ces mots : « Messieurs, vous devez être tranquilles sur notre question
financière, et je suis heureux de pouvoir vous l’assurer. »
Vous le voyez, messieurs,
nonobstant les dispositions courantes qui devaient absorber le solde en caisse,
nonobstant les avances de la banque qui devaient l’excéder, on en promet une
part au pays ; mais il n’en jouira qu’après la liquidation. Voilà l’essentiel
pour la banque, bien entendu ; en attendant, le pays emprunte, et la banque
prêtera au pays.
Ce rapport fut accueilli, et
l’on en demanda l’impression.
A la vérité quelques-uns des
honorables membres qui siègent encore aujourd’hui dans cette enceinte,
déclarèrent que les renseignements qu’il contenait n’étaient pas satisfaisants
: il n’en fut pas moins approuvé par la majorité de la chambre, et cette
approbation, qui s’étendait naturellement à la mention relative au débet du
caissier-général, a été dans l’opinion de l’orateur, un bill d’indemnité qui
légalise la négligence passée, et autorise celle à venir. C’était là,
vraisemblablement, le principal but qu’on s’était proposé de ce rapport.
Je doute toutefois, messieurs,
que l’on puisse prétendre que ce qui s’est passé à la chambre dans cette
circonstance est un témoignage de son consentement à ce que la demande du
compte du caissier-général soit différée jusqu’à la liquidation d’Utrecht.
Quant à moi, je maintiens
qu’après comme avant le traité des 24 articles, il y avait lieu d’obliger la
banque de compter avec le gouvernement, ou tout au moins de lui remettre le
montant des versements faits en septembre pour le compte du gouvernement provisoire,
et d’une somme égale à celle remise au roi Guillaume par les agents de la
banque en Hollande.
Non seulement la banque à
gardé le solde du caissier-général au 30 septembre, mais elle prétend encore
que les actions et dividendes appartenant au roi Guillaume dans la société
générale sont insuffisants pour couvrir certaines avances qu’elle lui a faites
ou dont il s’est porté garant, et qui sont probablement les mêmes que celles
dont il a déjà été parlé. Et quant aux redevances annuelles de 500,000 fl., chacune
à payer au roi et au syndicat, elle soutient qu’elles sont dues au roi et au
syndicat existant en 1822, et nous renvoie également pour cet objet à la future
liquidation.
Mais ce n’est pas tout ; non,
messieurs : le solde du caissier-général au 30 septembre, les redevances dues
en vertu de l’article 12 des statuts de la société, les valeurs appartenant au
séquestre, les 281,300 fl. versés par la monnaie en décembre 1830, ne sont pas
les seules sommes que le gouvernement a pu et a dû exiger de la banque.
Il résulte de l’état de
situation du syndicat d’amortissement au 15 janvier 1829, approuvé en assemblée
générale le 13 mars suivant, que la banque de Bruxelles lui doit un solde de
six millions cinq cent mille fl.
Voici le texte même de cet
article : « n°18. Solde à charge de la société générale des Pays-Bas pour
favoriser l’industrie nationale : 6,500,00 fr.
« Ce solde provenant de
fournissements que la société générale a dû faire dans la négociation de 46
millions de rentes remboursables sur les domaines, ouvertes par l’avis du 19
avril
Eh bien, messieurs, ce solde,
exigible à toute heure, on ne l’a pas non plus exigé ; il n’en a même jamais
été question ici ni ailleurs.
C’est ainsi que la banque a
pu, jusqu’à ce jour, utiliser dans ses intérêts particuliers tant d’énormes
capitaux, dont l’Etat avait le plus pressant besoin ; un peu d’énergie eût
suffi pour les faire mettre à sa disposition ; on préféra emprunter.
Il se peut toutefois que la
banque, qui a nécessairement un compte ouvert avec le syndicat, ait à lui faire
des répétitions qui devraient être diminuées des sommes que l’on indique ici
comme devant être mises à la disposition du gouvernement : il eût été facile à
la banque de le prouver par ses registres ; mais vous savez, messieurs, que
jusqu’à ce jour il n’a pas été possible d’en avoir communication. Je laisse à
d’autres le soin d’apprécier les motifs que la banque fait valoir pour s’y
refuser, et ce qu’il convient de faire pour lever les difficultés qu’elle
oppose.
Examinons maintenant le seul
moyen employé par la banque pour retarder sa libération.
Elle prétend donc que les
droits de
Le principe posé et la
conséquence qu’on en tire sont également faux.
Les droits de
La liquidation à en faire
n’aura pour objet que d’établir la proportion pour laquelle chaque gouvernement
y participera ; il n’y a incertitude que quant à la quotité, et nullement quant
au droit de propriété.
Il est à observer que la disposition
du traité qui prescrit la liquidation, ne s’applique pas au caissier-général ;
elle est ainsi conçue :
« Art. 13, § 5. § 5. -
Des commissaires nommés de part et d'autre se réuniront, dans le délai de
quinze jours, en la ville d'Utrecht, afin de procéder à la liquidation du fonds
du syndicat d'amortissement et de
Il a dû résulté d’abord que
l’on considère le syndicat comme ayant été chargé, aussi bien que la banque, du
service du trésor général, et en second lieu que toutes les sommes payées au
trésor commun des deux pays, non seulement celles reçues par le syndicat et le
caissier-général, mais encore celles qui se trouvaient dans toutes les caisses
publiques de
II n’existe donc.pas de motif
pour que la banque seule jouisse du privilège de conserver jusqu’après cette
liquidation des fonds qui ont la même origine et la même destination que ceux
que ses agents des provinces septentrionales ont remis au gouvernement
hollandais ou que celui-ci et le gouvernement belge ont reçus des autres
comptables du royaume des Pays-Bas.
En vérité, on ne sait trop ce
qui doit le plus étonner, de la prétention de la banque ou de la longanimité du
gouvernement qui s’y soumet au préjudice des intérêts du pays.
Je conviens avec la banque que
la liquidation aura lieu entre les deux gouvernements, et non entre le
gouvernement belge et la société générale ; cela est incontestable ; mais il l’est
également qu’elle se fera sans l’intervention d’aucun comptable hollandais ou
belge, sans l’intervention de la banque, malgré l’importance qu’elle se donne ;
chacun rapportera ce qu’il aura perçu, et si définitivement il revient quelque
chose à
La société générale n’a pas
été instituée dans l’intérêt public, aucune idée généreuse n’a participé à sa
création ; elle est une association de spéculateurs dont le principal est
Guillaume de Nassau qui l’a favorisée dans ses seuls intérêts par tous les
moyens dont il pouvait disposer comme roi.
C’est lui qui l’a constamment
surveillée et dirigée, qui exerce encore sur elle en ce moment l’influence que
lui donnent le nombre et l’importance de ses actions sociales non séquestrées,
nonobstant l’arrêté du gouvernement provisoire, de sorte qu’on peut dire qu’il
est encore aujourd’hui notre caissier-général.
Le titre que le roi Guillaume
a donné à cette société est une contre-vérité ; elle n’a jamais été destinée à
favoriser l’industrie nationale. C’est le trésor public qui a donné ou prêté,
avec ou sans intérêt, aux industriels, chaque fois que les chances de réussite
étaient tant soit peu douteuses : dix millions de francs, qui étaient dus au
moment de la révolution, et qui sont en partie irrécouvrables, sont là pour
l’attester.
Nonobstant tout cela, la
banque veut absolument que le public croie qu’elle a rendu des services au pays
; car, ce compte-rendu dont elle se sert pour cela, c’est au pays qu’il a été
spécialement destiné ; ce n’est pas là le bilan présenté à la société.
On lit dans ce compte rendu ;
« On est allé jusqu’à
argumenter des services rendus par la société générale en 1830, à
Que penser d’un pareil langage
lorsqu’il est de notoriété publique que c’est le gouvernement provisoire, ou
son ministre des finances, qui a sauvé la banque en faisant annoncer et publier
partout que les billets de banque dont le public demandait le remboursement
continueraient à être reçus comme numéraire dans les caisses de l’Etat !
Lorsque c’est au privilège,
inconstitutionnel d’ailleurs, dont la banque continue à jouir, de faire
admettre son papier monnaie comme numéraire dans les caisse publiques, qu’elle
doit toute sa prospérité !
Lorsqu’en 1830, époque qu’elle
assigne aux services par elle rendus à
Lorsque les 75,000 fl. qu’en
1831 son agent à Turnhout semble avoir conservés exprès dans sa caisse pour
procurer aux Hollandais l’occasion de s’en emparer, ce qu’ils n’ont pas manqué
de faire, n’ont pas encore été remis à la disposition du gouvernement, qui
supporte ainsi le dommage résultant du fait d’un agent qui n’est pas à sa
nomination et qu’il ne peut révoquer !
Lorsqu’enfin elle n’a rien
fait pour le pays, tandis que, comme on vient de le voir, le pays fait tout
pour elle !
Après avoir fait connaître les
titres de la banque à la protection toute spéciale dont elle est l’objet de la
part du gouvernement, et avant de parler des vices du système de comptabilité
introduit dans ses seuls intérêts, je dirai un mot de l’économie pour l’Etat
qui, suivant elle, résulte de ce système.
Le compte-rendu, après avoir
annoncé que les recettes faites pour l’Etat en 1832 se sont élevées à
51,281,733 fl. 61 1/2 c., et ont donné lieu à une commission de 105,083 fl. 74
c., dit plus loin : « Il n’est pas probable que dans ce système (celui des
receveurs généraux) l’encaissement d’un côté et d’autre, soit le paiement d’une
somme de 51 millions de florins par exemple, et les transports multipliés
d’espèce auxquels cet emploi donnent lieu, puissent s’effectuer au moyen d’une
dépense de 100,000 fl. »
Vous croiriez peut-être,
messieurs, d’après cela que cette recette de 51 millions n’a coûté que 100,000
fl. à l’Etat ; en effet, ce passage est bien propre à le faire croire ; mais
détrompez-vous, messieurs, ce calcul du compte rendu n’est pas plus exact que
bien d’autres.
Vous avez allouer au budget de
1832 une somme de 110,000 fl. pour remise : fl. 110,000.
Incessamment on vous demandera
un supplément de 11,656 fl. 60 c., attendu que les ports de lettres à
rembourser à la banque, aux termes d’un article de la convention du 3 octobre,
s’élèvent à 16,656 fl. 60 c. : fl. 11,620 34 c.
Total : fl. 121,620 34 c.
A ce total, il faut ajouter :
1° les traitements des
administrateurs du trésor créés par suite du système qui a établi le
caissier-général : fl. 33,750
2° le caissier-général et ses
agents ne tenant aucune écriture relative à la comptabilité de l’Etat, il a
fallu créer des employés pour faire celles dont les receveurs-généraux et
particuliers étaient chargés. L’augmentation de dépenses qui en est résulté
peut être portée à moins de 25,000 fl. : fl. 25,000
3° les suppléments de
traitement dus aux anciens receveurs-généraux et particuliers nommés à des
emplois moins rétribués : fl. 25,600
Total double et au-delà du
coût indiqué par le compte-rendu : fl. 205,970 34 c.
Or, avec cette somme on
pourvoira aux besoins d’un service quelconque.
Mais, dira-t-on, la chambre a
refusé d’accorder le crédit de 25,600 fl. demandé pour payer ces traitements
supplémentaires, bien qu’ils soient dus à titre d’indemnité pour une sorte
d’expropriation dans l’intérêt du trésor ; mais cela ne prouve rien ; car si le
traité du 15 novembre s’exécute, et nous y avons consenti, l’acquit de cette
dette n’aura été que différé.
Au reste, je n’entends ni
préconiser, ni faire prévaloir aucun système, je veux seulement démontré que
celui actuel doit être abandonné, non parce qu’il profile à la banque, mais
parce qu’il est vicieux, parce qu’il nuit au pays, parce qu’il tient le
gouvernement dans une dépendance qui le déconsidère, parce qu’enfin il est
absurde de voir le caissier de l’Etat en être en même temps le traitant. Et
qu’on ne vienne pas objecter l’économie qui, du reste, n’existe pas ; il est
des circonstances pour un gouvernement comme pour un particulier, où il n’est
pas permis du marchander.
§ 3. Du caissier-général ; cautionnement, contrôle.
Les vices du système de comptabilité
suivi depuis que la banque est devenue caissier-général de l’Etat, vous ont été
signalés dans un cahier d’observations, rédigé par la cour des comptes.
Je n’ajouterai rien à ce
qu’elle a dit pour démontrer qu’avec ce système il lui est impossible d’exercer
le contrôle dont elle est chargée par la loi qui l’institue, et conséquemment
que la garantie de devait donner ce contrôle au pays n’existe pas. Cela est
évident. Je ferai facilement ressortir quelques-unes des considérations qui
doivent déterminer le gouvernement à en adopter un autre.
De tout temps les
receveurs-généraux et particuliers, le caissier-général du trésor public, les
payeurs divisionnaires, et en général tous les employés chargés du maniement
des deniers publics, ont été assujettis à un
cautionnement en numéraire.
Indépendamment de ce, la loi
du 5 septembre 1807, rendue pour régler le privilège du trésor public et
l’ordre dans lequel il doit s’exercer au vœu de l’art. 2098 du code civil, a
prescrit aux receveurs de l’enregistrement et aux conservateurs des
hypothèques, à peine de destitution et des dommages et intérêts, de requérir ou
de faire au vu des actes de vente, d’acquisition, de partage, d’échange et
autres translatifs de propriété passés par les comptables de l’Etat, une inscription
hypothécaire sur ces propriétés.
Cette loi n’a pas cessé d’être
exécutée dans ce pays, même depuis l’établissement de 1a banque, excepté à
l’égard de celle-ci.
Si on ne lui en a pas fait
l’application, c’est vraisemblablement parce que l’art. 10 de ses statuts,
approuvés le 13 décembre 1822, dit qu’elle aura la plus grande latitude pour
l’aliénation de ses domaines.
Mais un règlement, quoique
revêtu de l’approbation du Roi, n’a pu dispenser les receveurs et conservateurs
de l’obligation que la loi leur impose ; or, quelle que soit la qualification
donnée à la banque, elle n’est que le trésorier-général de l’Etat, et la loi a
dû lui être appliquée. Quant à moi, je crois fermement que le principe que
j’émets ici prévaudra devant les tribunaux le jour où ils seront appelés à
décider cette question.
II est à remarquer d’ailleurs
que la convention du 3 octobre 1823, qui confie à la banque l’emploi de
caissier-général de l’Etat, est postérieure aux statuts et qu’elle ne contient
aucune clause qui déroge à la loi de 1807. Au contraire, l’art. 6 exige de la
banque un cautionnement de dix millions en inscriptions sur le grand livre, et
ce cautionnement avait été fourni ; mais deux arrêtés du roi Guillaume, dont le
dernier est du 25 mai 1826, ont remis ces inscriptions à la disposition de la
banque, et laissent par là le trésor public sans garantie.
Les motifs pour lesquels le
gouvernement précédent a été déterminé à adopter cette mesure sont faciles à
deviner et à justifier.
A cette époque, aucune des
opérations de la société ne pouvait échapper au roi, son principal actionnaire,
à qui d’ailleurs on n’aurait osé contester, ainsi qu’on le fait maintenant, la
surveillance que lui attribuent les statuts.
A cette époque, la société
possédait encore tous ses immeubles tant ceux provenant de la dotation que ceux
qu’elle avait tout récemment acquis du syndicat : car il est à remarquer
qu’avant la révolution, la banque acquérait, et que depuis elle n’a cessé
d’aliéner.
On n’avait pas à craindre
alors des émissions de billets de banque sans la permission que l’art. 5 des
statuts veut qu’on obtienne du roi, ni que ces émissions excédassent le capital
entier et réel de la société.
Enfin à cette époque la
société n’était pas ce qu’elle se dit maintenant, un établissement libre et
indépendant, un Etat dans l’Etat ; elle avait un maître. Dans la personne du
roi, principal actionnaire, lequel se faisait représenter par un gouverneur de
son choix, initié dans le secret de ses vues et de ses intérêts, tenant la main
à l’exécution des statuts pour empêcher la société de se livrer à des
spéculations interdites, et destiné ainsi à la préserver de tout acte propre à
déconsidérer une majesté actionnaire.
Cette dernière considération
était pour le pays une garantie que la banque, disposant du trésor public sans
cautionnement et jouissant entre autres privilèges de celui de fabriquer un
papier monnaie qui a cours légal, et pouvant aussi doubler, tripler, décupler
même à son capital sans nouvelle mise de fonds, n’abuserait pas de ces avantages.
On pouvait croire, sans
craindre de se tromper, que le roi Guillaume, a qui elle les devait et qui s’en
était fait le modérateur dans l’intérêt de la dignité royale, ne le souffrirait
pas. Car un roi, aussi cupide qu’il soit, ne permettra jamais qu’on l’expose au
reproche de s’être placé à la tête d’une société d’industrie, sans y être
déterminé par l’utilité publique, et uniquement pour faire la bourse, tandis
que la banque séparée de son auguste spéculateur ne peut avoir d’autre but que
de s’enrichir, et sans qu’on puisse l’en blâmer toutefois. Car, si lors de
l’institution de la société il y a réellement eu intention de favoriser une
autre industrie que la sienne, ce n’a pu être que de la part du roi et
nullement de la part de ses co-sociétaires ; et si depuis la révolution ils
prétendent former une société libre et indépendante, c’est vous signifier
qu’ils sont dégagés des obligations stipulées par leur fondateur dans l’intérêt
du pays, et que, libres de tout soin étranger et de toute surveillance, ils
peuvent ne s’occuper que de leurs propres intérêts.
La banque a toutefois maintenu
à l’autorité souveraine le droit de nommer le gouverneur, les directeurs, le
trésorier et le secrétaire, que lui donnent les art. 33 et 34 des statuts. Son
indépendance ne va pas encore jusqu’à nommer elle-même à ces fonctions. Cette
autorité qu’elle méconnaît dans tous les autres cas, parce que son intervention
la gênerait, lui est nécessaire dans celui-ci. La nomination des
administrateurs par le souverain est un laissez-passer délivré aux billets de
banque revêtus de leur signature ; mais son intervention se borne là, car
indépendamment du refus qu’on lui fait de liquider avec lui le compte du
syndicat et de la liste civile, on ne lui a pas permis de contrôler ses opérations
à la banque, ni conséquemment d’empêcher ni de suspendre celles qui seraient
contraires aux intérêts du royaume, comme le veut l’art. 61 des statuts, ni de
s’assurer si les billets de banque créés n’excèdent pas le montant réel du
capital, maximum qui leur est assigné, et lorsque dans l’intérêt général il a
voulu faire ces vérifications, la banque s’est révoltée d’une semblable
prétention, a fait de la dignité, l’on s’est abstenu.
Je suis
loin de révoquer en doute les talents et les connaissances qu’on attribue à MM.
les administrateurs de la société générale. On doit toutefois avouer que ce
n’est pas à leur savoir-faire qu’est le succès qu’ils ont obtenu dans leur
opposition aux demandes du gouvernement.
Quoi qu’il en soit, le
caissier-général de l’Etat doit subir la loi commune à tous les comptables de
l’Etat, c’est-à-dire qu’il doit fournir un cautionnement pour sûreté de sa
gestion et de celle de ses agents ; et toutefois cela ne suffirait pas encore.
Il faudrait de plus que des employés à ce proposés par le gouvernement puissent
en tout temps vérifier la situation de ces comptables vis-à-vis du trésor
public, au vu de leurs registres, sans que sous aucun prétexte on pût leur en
refuser la communication ; il faudrait enfin qu’ils fussent tenus de se
conformer aux instructions que le gouvernement trouverait à propos de donner
pour la tenue de ces registres et l’ordre de la comptabilité.
La banque ne souscrira pas
sans doute à ces conditions ; sa liberté, sa dignité en seraient compromises ;
forte du succès qu’elle a déjà obtenu, elle voudra faire la loi et non la
recevoir. Eh bien, dans ce cas le gouvernement, qui a aussi sa dignité et les
intérêts du pays à défendre, n’aura qu’un parti à prendre : il devra rompre
avec une société qui depuis longtemps a rompu avec elle.
M. Legrelle. - Messieurs, la question que l’honorable préopinant a traitée est
extrêmement grave ; les vérités qu’il nous a fait entendre doivent attirer
votre attention. Le nouveau système qu’il propose tendrait à mettre le pays en
dehors de la curatelle de la banque, et à établir le principe de contrôle si
indispensable à l’égard des dépôts de nos finances. Je m’abstiendrai pour le
moment de présenter aucune considération sur cette question ; mais d’après le
discours très remarquable qui vient d’être prononcé, et que la position de
l’honorable préopinant rien plus remarquable encore, il résulterait qu’avec un
peu d’énergie on pourrait faire cesser un état de choses fâcheux pour la nation
; je demanderai alors où nous devons trouver cette énergie, si ce n’est dans le
ministère ? je m’étonne en effet que cette énergie ne soit pas là où elle
devrait être, et que celui qui est un des plus intéressés à faire cesser cette
situation abusive ne s’occupe pas des moyens d’arriver à ce but.
Vous le
savez, 75,000 fl. se trouvaient entre les mains de l’agent financier à
Turnhout, et ils furent livrés aux Hollandais. Eh bien, si les Hollandais
fussent venus jusqu’à Bruxelles, le dépôt de la banque aurait-il été plus sacré
? Et que seraient devenues, dans ce cas, notre indépendance, notre nationalité,
que nous ne pouvions reconquérir sans des sacrifices journaliers ? Messieurs,
il vaut mieux faire quelques dépenses que de continuer un ordre de choses aussi
dangereux que celui qui existe aujourd’hui, et dont le moindre inconvénient est
de nous faire payer l’intérêt de fonds qui nous appartiennent.
Une commission a été nommée
pour examiner, sous ce rapport, notre situation financière ; mais si je suis
bien informé, cette commission, formée dans le premier trimestre de l’année,
n’a encore rien fait ; je doute même qu’elle soit constituée. Je demanderai à
M. le ministre des finances si en effet cette commission est constituée, et
quel est le résultat de ses travaux.
M. Jullien. - La question soulevée par l’honorable
M. Jadot est très importante, et c’est à cause de son importance qu’il faut que
nous soyons en nombre pour en délibérer ; or nous ne sommes que 49.
M. Coghen. - Je demande la parole pour un fait
personnel. Je ne veux pas entreprendre de répondre au discours de M. Jadot,
discours qui renferme beaucoup de vérités ; on sait d’ailleurs que je partage
l’opinion de l’honorable orateur en beaucoup de points. Quoi qu’il en soit, je
ne m’occuperai que d’un seul fait. On vous a parlé de l’agent de Turnhout : le
ministère n’a cessé de réclamer contre cet acte et de réclamer la restitution
de la somme.
M. Legrelle, tirant par induction des conséquences de ce fait, a demandé ce que serait
devenue la nationalité belge si les Hollandais fussent parvenus jusqu’à
Bruxelles : je dois lui répondre sur ce point que le gouvernement avait pris
toutes les précautions nécessaires, et que tous les trésors de l’Etat étaient
déjà loin quand les Hollandais marchaient sur Bruxelles.
M. Dumortier. - La question que l’on vient de poser et de
développer est trop importante pour que nous n’en commencions pas l’examen sur
le champ. Nous ne sommes pas en nombre, dit-on ; soit, nous ne sommes pas en
nombre pour délibérer mais nous sommes toujours en nombre pour discuter. Il
n’est pas un de nous qui n’ait quelque chose à faire connaître sur cet objet ;
mais on veut aller au concert…
M. Jullien. - Vous ne pouvez pas faire que la
chambre soit constituée régulièrement avec 48 membres.
M. le président. - Veut-on qu’il y ait séance demain ? (Oui ! Oui !) Et à quelle heure ?
Plusieurs membres. - A neuf heures.
D’autres membres. - A dix heures.
M. Donny. - Il sera huit heures au moins quand nous recevrons le Moniteur qui contiendra le discours de M. Jadot, et il sera environ
dix heures avant que nous l’ayons lu ; je demande que la séance soit remise à
dix heures. (Oui ! oui !)
M. le président. - Demain séance publique à dix heures
précises.
Il ne faut pas indiquer une
heure pour venir à une autre. Il est bien entendu que nous fixons pour demain
une heure militaire. (Oui ! oui ! oui !)
La séance est levée à une
heure.