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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 11 juin 1834
Sommaire
1) Pièce adressée à la chambre
2) Proposition de loi relative à des encouragements à accorder à la marine marchande belge (de Robaulx, de Foere)
3) Projet de loi ayant pour objet de proroger la loi relative aux péages (Rogier, de Robaulx, Rogier, Legrelle, de Robaulx, de Theux, de Robaulx)
4) Projet de loi d’organisation provinciale. Second vote des articles. Formation, publication et révision des listes électorales (Dubus, de Theux, Legrelle, H. Dellafaille, Dubus, de Robaulx, Dubus, de Robaulx, Lardinois, Dubus, Jullien, Gendebien, A. Rodenbach, Dubus, Fallon, Fleussu, de Theux, Gendebien, de Robaulx), indemnités et frais de route des conseillers provinciaux (Verdussen), compétences du conseil provincial en matière de personnel (Verdussen, de Theux, Legrelle, H. Dellafaille), dépôt des comptes provinciaux (de Robaulx), dépenses à porter au budget des provinces, notamment des tribunaux et des prisons (Lebeau, Dubus, Lebeau), des traitements des membres de la députation permanente (Legrelle, de Robaulx, Jullien, de Theux), compétences du conseil provincial (de Robaulx, H. Dellafaille, Rogier, de Theux, d’Huart, H. Dellafaille, Jullien, Rogier), approbation par le Roi du budget provincial (notamment droit de refuser certaines dépenses ou d’y inscrire une dépense obligatoire) et compétence attribuée à la députation en l’absence du conseil provincial (Dubus, de Theux, Fallon, de Theux, Fallon, de Theux, Dubus, Fallon, de Theux), nullité des actes pris en séance illégale du conseil et mesures pénales à l’encontre des conseillers présents à cette même séance (+question politique) (Dubus, de Theux, Fallon, Gendebien, de Theux, Lebeau, Gendebien, Fallon, Rogier, de Theux, Pollénus, Gendebien, Lebeau, Jullien, Lebeau, Jullien, Fallon, Ernst, Lebeau, Dubus, Lebeau, Ernst, de Theux)
(Moniteur belge n°163, du 12 juin 1834)
(Présidence de M.
Raikem.)
La séance est ouverte à
midi et demi.
M. Liedts fait l’appel nominal.
M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la
rédaction en est adoptée.
M. Liedts fait connaître en ces termes l’objet d’une
pièce adressée à la chambre.
PIECE ADRESSEE A
« Le sieur N.
Gislain demande le congé de son beau-fils Collart, fourrier au 2ème régiment
d’infanterie, dont le terme d’engagement est expiré. »
- Renvoyée à la
commission des pétitions.
M. le président. -
M. de Foere, qui a déposé une proposition sur le bureau, demande à en exposer
les motifs aujourd’hui.
M.
de Robaulx. - Si la proposition intéresse le commerce, cela
suffit pour qu’elle soit prise en considération, Il faut que les développements
soient imprimés et distribués ; puis on la renverra devant les sections.
M. le président. -
Il faut au moins que M. de Foere rappelle sommairement l’objet de sa
proposition.
M. de Foere. -
Messieurs, afin de ne pas prendre inutilement le temps de la chambre, je
n’entrerai pas dans tous les développements de ma proposition ; mais attendu
qu’il s’agit de la prise en considération, il convient que j’en présente
quelques-uns. Je me bornerai à l’exposé des motifs sur lesquels mon projet de
loi est fondé.
Il résulte de notre
système vicieux de navigation et de commerce que les besoins de la consommation
intérieure, tant en denrées coloniales qu’en matières premières, nous sont
fournis par la navigation et par le commerce étrangers. Les conséquences
évidentes de ce pernicieux système sont :
1° Que nous employons
les capitaux, les matières nécessaires à la construction navale, les ouvriers
et les matelots de l’étranger :
2° Qu’une partie de nos
capitaux, de nos bois, de nos fers, de nos houilles, de nos produits agricoles
est pour nous une valeur inerte ;
3° Qu’une grande partie
de notre population n’est pas utilisée dans la construction des navires et dans
la navigation ;
4° Que nous ne créons
pas pour notre industrie des moyens d’exporter ses produits qui excèdent la
consommation intérieure, d’où il résulte une autre réduction dans l’emploi de
nos capitaux et de nos matières premières, dans le travail du pays
5° Qu’au lieu de
conserver à l’industrie nationale les marchés du pays, nous les ouvrons, à
qualités et à prix égaux, à l’industrie étrangère, faits démontrés par
plusieurs mémoires, rapports et pétitions publiés par le commerce et
l’industrie du pays ;
6° Qu’à défaut de telle
protection dont jouit la marine de toute autre nation maritime, notre marine
marchande tombe dans une ruine progressive, attendu qu’elle est obligée de
lutter, à moyens trop inégaux, contre la protection et contre la richesse de la
marine étrangère ;
7° Que notre route en
fer, pour laquelle nous ferons des dépenses considérables, et pour laquelle
nous chargerons la dette nationale, sera, sous le rapport du commerce
extérieur, presque exclusivement exploitée par le commerce étranger ; que
8° Que jamais
La suite de mes
développements tend à justifier ces assertions ; mais je me bornerai à la
lecture de cette partie de mon exposé, attendu que la chambre semble disposée à
en ordonner l’impression.
M.
de Robaulx. - Le mémoire tout entier sera imprimé.
M. le président
consulte la chambre sur la prise en considération.
- La prise en
considération est adoptée, et la proposition est renvoyée dans les sections.
L’impression demandée
est ordonnée.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) demande la parole pour une
communication du gouvernement.
Il présente un projet de
loi ayant pour objet de proroger la loi du 19 juillet 1832, relative aux
péages, qui n’est exécutoire que jusqu’au 1er juillet prochain,
- La chambre donne acte
à M. le ministre de la présentation du projet de loi dont il vient de donner
lecture. Ce projet et les motifs qui l’accompagnent seront imprimés et distribués.
M. le
président. - La chambre entend-elle renvoyer ce projet dans les
sections ou à une commission ?
M.
de Robaulx. - Je crois qu’il y a une commission nommée pour
examiner tout ce qui est relatif aux péages et aux travaux publics. Si cette
commission existe toujours, ce serait à elle que le projet devrait être
renvoyé. On ne peut pas renvoyer ainsi indéfiniment une loi qu’on a reconnu la
nécessité de soumettre à un nouvel examen.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Peu importe qu’on renvoie le
projet à une commission spéciale ou à la commission précédemment nommée pour
examiner la législation relative aux travaux publics ; mais j’appellerai l’attention
de la commission qui sera chargée de l’examen de ce projet sur la nécessité où
elle sera de faire son rapport le plus promptement possible, attendu que la loi
n’a force obligatoire que jusqu’au 1er juillet prochain. Je ne pense pas que la
prorogation que je demande donne lieu à de longues contestations. L’année
dernière la loi a été prorogée purement et simplement sur la proposition d’une
commission dont M. de Puydt était rapporteur. Je crois qu’il en sera de même
cette fois.
M.
le président. - M. de Robaulx propose de renvoyer le projet de
loi présenté par M. le ministre de l’intérieur, à la commission chargée
d’examiner la législation sur les travaux publics.
M.
Legrelle. - Ce projet n’a rien de commun avec les travaux
publics dont la législation est soumise à l’examen d’une commission. Il ne faut
pas que cette commission lie son rapport sur la loi qui vient d’être présentée
avec les autres objets qui lui sont soumis ; sans cela nous passerons le terme
du premier juillet sans avoir rien fait.
M.
de Robaulx. - La commission ne sera pas obligée de lier le
projet que je propose de lui renvoyer avec les autres questions soumises à son
examen. Je demande de lui renvoyer ce projet parce qu’elle sera plus à même de
l’examiner.
M.
de Theux. - Je pense qu’il faut nommer une commission spéciale,
d’autant plus que le président et le vice-président de cette commission étant
presque constamment absents, elle ne pourrait pas s’occuper de l’objet de sa
mission.
M. le président. -
La commission chargée d’examiner la législation relative aux travaux publics
est composée de MM. de Muelenaere, de Puydt, de Theux, d’Huart, Desmaisières,
Fallon, Dubus et Teichmann.
M.
de Robaulx. - La commission est composée de sept membres ; il en
reste assez pour examiner le projet dont il s’agit.
- La chambre consultée
renvoie le projet présente par M. le ministre à la commission chargée
d’examiner la législation relative aux travaux publics.
Second vote des
articles
Titre
II. - Des électeurs et des listes électorales
Article 5 (nouveau)
M. Dubus. - Je
demande la parole. Je désire soumettre à la chambre quelques dispositions qu’il
me paraît utile d’ajouter à la loi provinciale, en conséquence de l’art. 5 de
cette loi, tel que nous l’avons voté. D’après cet article 5 on reconnaît comme
électeurs ceux qui réunissent les conditions prescrites par la loi électorale
pour la formation des chambres ; il dispose, en second lieu, que les listes
électorales formées en exécution de cette loi serviront pour l’élection des
conseils provinciaux ; enfin il étend le droit électoral à des individus qui ne
peuvent pas être électeurs pour la formation des chambres, mais qui seront
compris dans des listes supplémentaires pour la formation desquelles on se
réfère encore à la loi électorale.
Il m’a semblé qu’au
moment où la formation des listes acquiert autant d’intérêt, il était important
de combler une lacune que présente, quant à la formation des listes, la loi
électorale. Il m’a semblé aussi qu’il était extrêmement facile de combler cette
lacune. La liste électorale est formée par l’administrations communale. C’est
dans un certain délai à dater de la publication de cette liste, que les
réclamations doivent être adressées à l’administration communale. La liste est
révisée chaque année, toujours avec la même publication ; mais la condition de
tous ceux qui sont compris dans cette liste ne paraît pas la même.
Lors de la première
formation de la liste et conséquemment de la première publication, tous ceux
qui croient avoir le droit de figurer sur la liste ne manquent pas d’aller si
leurs noms y sont portés. Il en est de même, lors de la révision annuelle, pour
ceux qui n’étaient pas portés sur la liste précédente et qui depuis ont
justifié de leurs titres pour y être compris. Ceux-là vont vérifier si leurs
noms se trouvent sur la liste. Mais comme l’article 6 de la loi électorale
porte que la liste est permanente, ceux qui étaient portés sur la première
liste, dans la confiance que, connaissant toujours les conditions électorales,
ils sont toujours inscrits sur la liste, ne vont pas voir s’il n’y a pas eu
omission de leurs noms dans la nouvelle publication. Il peut donc arriver (et
je puis dire qu’il est souvent arrivé) que des électeurs ayant conservé toutes
les conditions requises par la loi perdent leur droit d’électeur.
Pour parer à cet
inconvénient, il me semble utile de prescrire que lorsqu’en révisant la liste
les administrations communales retrancheront un nom porté sur la liste
précédente, elles devront donner un avertissement à l’individu dont le nom est
retranché. Ces noms retranchés sont ordinairement en très petit nombre, et il
ne pourra pas résulter un grand travail de cette mesure, et au moyen de cet
avertissement, les individus omis sur la liste pourront réclamer, s’ils ont conservé
le droit d’être électeur.
Ce n’est pas tout. Après
la publication, les administrations communales arrêtent définitivement la
liste, et faisant droit aux diverses réclamations, elles ajoutent certains noms
et en retranchent certains autres.
Ceux dont les noms sont
ainsi retranchés, ne reçoivent aucun avertissement. La loi ne prescrit pas de
leur en donner. Cependant, ils n’ont aucun moyen de connaître qu’on a ainsi
rayé leurs noms et de faire leurs réclamations s’il y a lieu ; il faut que
prévoyant la possibilité d’une pareille radiation, et cette prévoyance n’est
pas ordinaire à ceux qui n’ont aucun doute sur la légitimité de leur droit, ils
s’adressent d’eux-mêmes à l’administration communale et viennent demander si
leur nom a été maintenu, si aucune réclamation n’a été faite, par suite de
laquelle leur nom aurait été retranché.
Car, aux termes de la
loi électorale, tout individu jouissant des droits civils et politiques peut
réclamer contre une inscription indûment faite ; et si l’administration à qui
la réclamation est adressée retranche le nom, si elle trouve fondés les motifs
donnés par le réclamant, il importe que l’électeur dont le nom se trouve ainsi
rayé à son insu, soit mis à même, par un avertissement, de combattre ces motifs
afin de conserver son droit ; et tel est aussi l’objet de l’une des
dispositions que je propose.
Si on arrêtait la liste,
l’administration communale a pu retrancher des noms, elle a pu aussi en
ajouter.
Cependant, aucune
disposition de la loi ne prescrit de publier une liste supplémentaire. C’est là
une lacune très grave, car elle peut faciliter l’introduction de faux électeurs
sur la liste. Il faut que ceux qui y sont portés postérieurement à la
publication subissent comme les premiers le contrôle du public ; il faut qu’une
liste supplémentaire soit affichée afin que toute personne qui voudrait
réclamer contre une inscription indue puisse le faire. Il y a autant de raison
de publier la liste supplémentaire que la première liste. C’est pour ces
différents motifs, pour combler les lacunes que je viens d’indiquer, que je
proposerai les dispositions suivantes :
« 1. Lorsqu’en
exécution de l’article 7 de la loi électorale du 3 mars 1831, les
administrations communales, en procédant à la révision de la liste électorale,
rayeront ou omettront les noms d’électeurs portés sur la liste de l’année
précédente, elles seront tenues d’en avertir ces électeurs, par écrits et à
domicile, au plus tard dans les 48 heures de l’affixion de la liste.
« 2. Le même
avertissement sera donné, dans les 48 heures de la date de la clôture
définitive de la liste, aux personnes portées sur la liste affichée et dont les
noms seront rayés par les administrations communales lors de cette clôture
définitive.
« 3. Ces notifications
seront faites sans frais par un agent de la police communale.
« 4. Les noms des
électeurs qui auront été admis par les administrations communales, lors de la
clôture définitive de la liste, sans avoir été portés sur la liste affichée,
seront publiés par nouvelles affiches, dans le même délai de 48 heures, à dater
de cette clôture.
« L’affiche
rappellera que les réclamations, s’il y a lieu, peuvent être formées auprès de
la députation du conseil provincial, en se conformant à l’article 12 de la loi
du 3 mars 1831. »
Au moyen de ces
dispositions, il y aura certitude que tous les véritables électeurs auront pu
se faire porter sur les listes, et en même temps que tous les citoyens
jouissant de leurs droits civils et politiques auront pu s’opposer à ce qu’on
fît figurer sur les listes des personnes n’ayant pas le droit de voter.
Il
me paraît important, je le répète, de combler ces lacunes au moment où la
formation des listes requiert plus d’importance en ce qu’elles doivent servir à
la formation des conseils.
M. le président
donne lecture de l’amendement présenté par M. Dubus.
M. Dubus. - Je
demanderai à la chambre la permission d’ajouter une considération que j’ai
omise. Pour m’assurer que la proposition que j’avais l’intention de présenter
était en harmonie avec la loi provinciale, j’en ai conféré avec l’honorable
rapporteur de la section centrale qui a partagé mes vues à cet égard.
M. de Theux, rapporteur. - Les dispositions que vient de
vous soumettre notre honorable collègue sont d’une grande importance. Elles
tendent à garantir l’exercice du droit électoral à ceux qui en jouissent, et à
prévenir l’introduction de faux électeurs. La loi électorale établit la
permanence des listes électorales. Il faut que cette permanence ait quelque
sanction, et c’est cette sanction que l’honorable M. Dubus veut lui donner.
Lorsqu’une administration communale, à l’époque de la révision des listes
électorales, c’est-à-dire du 1er au 15 avril, aura rayé le nom d’un électeur
qui s’y trouvait déjà porté, M. Dubus demande que cette administration donne
avis à l’électeur de la déchéance de son droit. Beaucoup d’électeurs ne paient
pas dans la même commune la totalité du cens exigé par la loi. mais
l’administration municipale, qui ne peut réviser la liste électorale que
d’après le seul rôle dont elle puisse avoir connaissance, ne peut y maintenir
les électeurs qui, dans la localité qu’elle administre, ne justifient pas de
leurs droits.
Dans beaucoup de
communes, les administrations ont tellement senti l’inconvénient qu’il y a de
rayer d’office des électeurs qui paient dans d’autres communes le complément du
cens légal et n’ont pas songé à leur en donner connaissance, qu’elles avertissent
officieusement les électeurs qu’elles présument être dans cette position. Ce
que quelques régences font officieusement, l’honorable M. Dubus demande que la
loi en prescrive l’obligation à toutes les administrations municipales. C’est
une grande garantie pour la conservation des droits électoraux. L’on sait que
la plupart des électeurs négligent de remplir la formalité de justifier du
paiement des impositions requises, et que cet oubli involontaire entraîne
nécessairement la radiation des listes électorales.
La
deuxième disposition proposée par l’honorable M. Dubus, laquelle tend à
prévenir l’introduction de faux électeurs, est singulièrement utile. C’est le
complément nécessaire du système de publicité adopté en matière électorale. Si
l’on affiche les listes électorales, c’est pour que les ayants-droit puissent
réclamer contre l’introduction d’individus qu’ils sauraient ne pas payer le
cens. Mais il est possible d’éluder cette publicité en attendant que les listes
soient fermées et affichées pour réclamer de la régence la qualité d’électeur.
Dans ce cas personne n’a
plus le moyen de s’apercevoir de l’irrégularité si elle existe. Ainsi il est
très utile que les nouveaux électeurs admis soient connus du public.
L’honorable M. Dubus et moi, nous avons attentivement examiné la loi électorale
et la loi actuellement en discussion. Je puis certifier à la chambre que
l’article proposé n’offre rien qui soit en opposition avec ces deux lois, mais
qu’au contraire il en soit le complément utile.
M.
Legrelle. - J’ai demandé la parole pour exposer à la chambre
qu’il me semble que l’article proposé ne peut être voté définitivement
aujourd’hui. Le règlement prescrit le deuxième vote de toute proposition. Celle
que vient de présenter l’honorable M. Dubus est susceptible d’observations. Je
demande que, dans le cas où la chambre décide qu’il y a lieu à la voter
définitivement, on en ajourne au moins la discussion jusqu’à demain.
Personnellement, je pense que le règlement ne permet pas de voter
définitivement une proposition nouvelle présentée au deuxième vote.
Chaque fois que l’on
craindrait qu’un article ne pourrait soutenir un profond examen, on attendrait
le deuxième vote pour le glisser ex abrupto dans une loi. Je ne fais pas
allusion à la proposition qui vous est soumise. Je parle en général : tout ce
que je crains c’est que l’on n’établisse un précédent dangereux.
M. H.
Dellafaille. -
Il ne me semble pas qu’il y ait violation du règlement. Les articles présentés
sont la conséquence des amendements introduits à l’article 5 nouveau. Quant à
l’objection faite par l’honorable M. Legrelle que nous ne pouvons voter
définitivement une proposition lancée au milieu de la discussion, avant que la
chambre n’ait pu en apprécier la valeur, je crois que M. Dubus a exprimé
l’intention que sa proposition fût soumise à l’examen de la section centrale.
M.
Dubus. - Je n’ai nullement le dessein d’obtenir l’adoption de
mon amendement par surprise. Si je ne l’ai présenté plus tôt, c’est que l’idée
ne m’en était pas venue, ou plutôt, c’est que le conseil ne m’en avait pas été
donné. Ce n’est qu’hier soir qu’un honorable ami m’a communiqué cette idée.
Je ne demande pas que la
chambre passe immédiatement à la discussion de mes propositions. Rien n’empêche
qu’elles ne soient renvoyées à la section centrale, ou que le développement en
soit différé jusqu’à demain. Dans cet intervalle elles pourront être imprimées
et distribuées aux membres de cette assemblée. (Appuyé.)
M.
de Robaulx. - Je ne puis pas prévoir la décision que prendra la
chambre à l’égard de l’article présenté par l’honorable M. Dubus ; mais je
voudrais soumettre une observation à cet honorable membre. Si j’ai bien compris
le sens de ses paroles, il demande que les administrations municipales
informent les électeurs déchus de leur droit de la radiation de leur nom des
listes électorales. Je voudrais qu’il y eût non seulement information, mais
notification de la décision. On peut rayer un électeur pour divers motifs. Si
un électeur a été rayé pour le cas d’insuffisance du cens payé dans la commune,
il faut qu’il le sache afin de faire connaître qu’il atteint ce cens par les contributions
qu’il paie dans d’autres localités. Je demande donc qu’au mot informer l’on substitue celui de notifier.
M.
Dubus. - Je doute que l’on puisse prescrire aux régences de
faire la notification que propose M. de Robaulx, la loi ne prescrivant pas de
porter une décision formelle qui motive la radiation des listes électorales.
L’administration communale est chargée de réviser la liste locale. Si elle raie
un nom il y a décision implicite. Il arrive rarement qu’elle prenne une
décision formelle. Je crois que l’on atteindrait le but que se propose M. de
Robaulx par l’insertion de ces mots dans l’article 1er : en l’informant des
motifs.
M.
de Robaulx. - Si l’on est d’accord sur ce point, cela me suffit.
Je crois que du moment que les listes sont permanentes, pour en rayer un
individu, il faut qu’il y ait décision. Sans doute, lorsque l’on forme la
liste, l’on ne prend pas de décision formelle. Mais pour la radiation ce cas
est différent. Du reste, je suis pleinement satisfait des explications de M.
Dubus.
M. Lardinois. - Je
ne m’opposerai pas à la proposition de l’honorable M. Dubus, elle me semble
très utile. Mais je ne sais pas si cette proposition ne constitue pas une
violation du règlement. L’article
« Art. 45. Lorsque
des amendements auront été adoptés, ou des articles d’une proposition rejetés,
le vote sur l’ensemble aura lieu dans une autre séance que celle où les
derniers articles de la proposition auront
été votés.
« Il s’écoulera au
moins un jour entre ces deux séances.
« Dans la deuxième
seront soumis à une discussion et à un vote définitif les amendements adoptés,
et les articles rejetés.
« Il en sera de
même des nouveaux amendements qui seraient motivés sur cette adoption ou ce rejet.
Tous amendements étrangers à ces deux points sont interdits. »
Il aurait donc fallu que
le nouvel amendement eût été introduit dans la loi avant le deuxième vote.
Du
reste je reconnais l’utilité de l’amendement de l’honorable M. Dubus ; mais je
craindrais que son adoption n’établît un précédent dangereux, et qu’on ne s’en
autorisât pour revenir par des articles additionnels sur des articles déjà
adoptés et les faire modifier ou rejeter. C’est contre ce danger que je
m’élève. Si la chambre y consent, je demanderai le renvoi de la proposition à
la section centrale. Mais, pour empêcher la violation du règlement, je
demanderai que l’amendement de M. Dubus soit considéré comme une proposition
nouvelle, qu’elle soit discutée et adoptée par la chambre, et 24 heures après
soumise à un deuxième vote. Ainsi la violation du règlement sera sauve comme
aussi l’établissement d’un précédent dangereux.
M. Dubus. - Avant
de déposer ma proposition sur le bureau, j’ai examiné si elle n’offrait rien de
contraire à l’art. 45 du règlement ; et il m’a semblé que non.
Je pourrais faire
observer que la disposition que je présente, et qui a pour but de combler une
lacune qui se trouve dans la loi, n’est en opposition avec aucun article de la loi,
n’amende aucun article ; sous ce rapport elle n’est pas un amendement, et par
conséquent la disposition de l’art. 45 du règlement ne peut l’atteindre.
Mais,
en mettant même cette observation à l’écart, il reste que la proposition que
j’ai présentée est en rapport avec les amendements introduits dans l’art. 5,
parce que plus vous étendez les droits des électeurs, plus il importe de
combler une lacune qui se trouve dans la loi électorale, plus il importe
d’assurer à tous les électeurs leur inscription sur la liste électorale,
d’assurer le retranchement sur cette liste des faux électeurs qui pourraient y
être inscrits.
On objecte à ma
proposition que la chambre est passée au deuxième vote ; mais le règlement ne
dit pas si c’est avant ou après le deuxième vote que vous devez discuter une
disposition additionnelle. Le règlement se tait sur ce point. Il me semble que
l’on ne doit pas ajouter au règlement pour opposer à ma proposition une fin de
non-recevoir qui ne se trouve pas dans le règlement.
M. Jullien. -
L’honorable M. Dubus vient de répondre ce que je me proposais de dire moi-même.
Il ne me paraît pas qu’il y ait violation du règlement à adopter la proposition
de M.
Dubus. D’après l’article du règlement, de nouveaux amendements ne
doivent être adoptés que s’ils sont la conséquence d’amendements déjà votés ou
d’articles rejetés ; or, d’après ce que vient de dire l’honorable préopinant,
évidemment sa proposition est une conséquence des amendements adoptés sur
l’article 5. Sous ce rapport l’utilité de sa proposition a été démontrée tant
par lui que par les autres orateurs qui ont parlé avant moi.
Mais tout se réduit à
savoir si on viole le règlement lorsqu’on suit un autre ordre que celui établi
par l’usage pour la discussion des amendements. Dans l’usage il est vrai de
dire que les amendements sont ordinairement discutés et votés lors du premier
vote de la loi. Mais il n’y a dans le règlement aucune nullité contre un mode
différent.
Il
n’est pas étonnant que dans une loi aussi étendue, dans une loi de 150
articles, on ait omis au premier vote des dispositions essentielles ; est-ce un
motif pour laisser une faculté dans la loi ? Nullement : cela ne porte que sur
l’ordre de la discussion : et le règlement ne s’oppose pas à ce qu’il soit tel
qu’on le propose maintenant. Je crois même qu’il ne serait pas nécessaire de
renvoyer l’amendement à la section centrale ; car nous sommes tous d’accord sur
la nécessité de cet amendement ; il ne présente d’ailleurs aucune difficulté.
Il serait prudent seulement d’en renvoyer la discussion à demain.
M. Gendebien. - Je
regrette de ne pouvoir partager l’opinion de mon honorable ami M.
Jullien. Je suis assez facile sur l’interprétation du règlement,
lorsque cela n’a pas de conséquences pour l’avenir ; mais je craindrais que la
dérogation qu’on propose de faire au règlement n’établit un précédent dont on
pourrait abuser. On pourrait présenter une loi qui toucherait plus ou moins à
nos libertés, qui aurait des résultats plus ou moins fâcheux pour le pays. On
ne manquerait pas de s’autoriser de ce que vous voulez faire aujourd’hui de
réserver pour le deuxième vote les dispositions qui contiendraient tout le
venin, les dispositions où se trouverait tout l’esprit de la loi ; on pourrait
arracher à la chambre une loi fort mauvaise qui n’aurait pris aucun caractère
dans ses premières dispositions.
Je pense donc qu’il
serait préférable de faire à la législature une proposition spéciale dans le
sens de l’amendement de M. Dubus ; car il est très utile et sous ce rapport je
n’ai aucune critique à faire à cette proposition, je n’ai que des éloges à lui
donner. L’art. 5 serait maintenu ; mais on pourrait rejeter les amendements
déjà adoptés, les réunir à la proposition de M. Dubus, et faire du tout une
proposition spéciale que l’on ajouterait par forme de disposition additionnelle
à la loi électorale.
L’art. 5 serait ainsi
conçu :
« Sont électeurs
ceux qui réunissent les conditions prescrites par la loi électorale pour la
formation des chambres.
« Les listes
électorales, formées en exécution de cette loi, serviront pour l’élection des
conseils provinciaux.
« Néanmoins les
individus qui auront obtenu la naturalisation ordinaire pourront réclamer le
droit d’électeur et se faire porter sur une liste supplémentaire, pourvu qu’ils
réunissent les autres qualités requises pour être électeur, et qu’ils fassent
leur réclamations dans le délai fixé par la loi. »
Vous rejetteriez cet
amendement.
Le surplus de cet
article devrait être retranché :
« Les
mères veuves pourront déléguer leurs contributions à celui de leurs fils
qu’elles désigneront, et le fils désigné par sa mère sera porté sur la liste
supplémentaire s’il réunit d’ailleurs les autres conditions-exigées par la loi.
«
La déclaration de la mère sera faite à l’autorité communale ; elle pourra
toujours être révoquée. »
Ces dispositions réunies
à la proposition de M. Dubus seraient ajoutées à la loi électorale. Ainsi vous
sauveriez la violation du règlement. Cela offrirait en outre l’avantage de
mettre de l’unité dans la législation électorale. Je crois que cette manière de
procéder n’aurait aucun inconvénient, et présenterait au contraire de grands
avantages.
M.
A. Rodenbach. - La proposition de l’honorable M. Dubus me paraît
d’une haute importance. Je demande le renvoi à la section centrale sans
préjuger la question de violation du règlement. (Appuyé.)
M. Dubus. -
J’appuie la proposition de l’honorable préopinant. Du reste je ferai observer
que j’ai bien entendu que ma proposition s’appliquât aussi bien aux électeurs
qui nomment les représentants et le sénat qu’à ceux qui élisent les membres du
conseil provincial, puisqu’il n’y a qu’une seule liste, puisque la liste des
électeurs qui nomment les deux chambres devient la liste des électeurs qui
choisiront les conseils provinciaux, et que les nouveaux électeurs dont il est
question dans l’article 5 seront portés sur une liste supplémentaire.
M.
Fallon. - Puisque l’honorable M. Dubus déclare que sa
proposition s’applique aux électeurs qui nomment les membres des deux chambres,
il vaudrait mieux en faire une proposition spéciale que l’on ajouterait, non
pas à la loi provinciale, mais à la loi électorale. Cela irait tout aussi vite
; car la proposition pourrait être prise de suite en considération, et votée
presqu’immédiatement après.
M. Fleussu. - Cela
vaudrait beaucoup mieux.
M.
de Theux. - Si la chambre a l’intention d’ordonner le renvoi à
la section centrale, je ne l’entretiendrai pas plus longtemps de l’objet en
discussion. Mais je ferai remarquer que les propositions faites aujourd’hui
pour la formation des listes électorales des membres des conseils
s’appliqueront de fait aux listes pour la nomination des membres des chambres,
car ce sont les mêmes listes. La section centrale portera son attention sur ce
point.
M.
Gendebien. - Il me semble qu’il y a erreur dans ce que l’on
vient de dire ; la loi électorale sert bien de règle pour les conseils
provinciaux, mais les additions que vous voulez faire à cette loi pour les
conseils ne doivent pas nécessairement s’appliquer à la nomination des membres
des chambres. Pour que les additions que vous proposez à la loi électorale
s’appliquassent à la nomination des membres des chambres, il faudrait le dire
par une disposition expresse.
Les dérogations ne se
présument pas. Les lois ne sont pas tant pas identiquement les mêmes : pour les
conseils on admet les délégations des mères faites aux fils, la petite
naturalisation. Je le répète, une loi me paraît nécessaire ; nous ne perdrons
pas de temps en portant une loi séparée, puisque le sénat n’est pas assemblé.
Je conclus au renvoi à la section centrale.
M.
de Robaulx. - Je me réunis à l’opinion de M.
Gendebien. Lors de la discussion de la loi électorale au congrès,
la même proposition que vient de faire M. Dubus a été présentée : la délégation
des veuves à leurs fils fut rejetée. Aujourd’hui vous corrigez la loi
électorale dans ses rapports avec la formation des conseils provinciaux ; mais
cette amélioration ne s’appliquera pas nécessairement à la nomination des
membres des chambres, et il en résultera un amalgame inextricable.
Un membre. - C’est par liste supplémentaire
que les fils des veuves et que les naturalisés seront électeurs.
M.
de Robaulx. - Le mieux de tout c’est de renvoyer à la section
centrale l’amendement, et d’en faire un projet de loi s’il y a lieu, afin de
compléter la loi électorale.
M. le président. -
On propose le renvoi à la section centrale sans préjuger les questions
soulevées.
- Ce renvoi mis aux voix
est ordonné.
Titre VI. Du conseil
provincial
Chapitre Ier.
Dispositions concernant la réunion des conseils et le mode de ses délibérations
Articles 51 à 59
Les articles 51 et
suivants des résolutions de la chambre jusqu’à l’article 59 inclusivement, sont
de nouveau mis aux voix et adoptés sans discussion. Sur l’article
M. le président. -
« Art. 60. Les conseillers provinciaux ne reçoivent aucun traitement ; ceux qui
sont domiciliés à un demi-myriamètre au moins du lieu de la réunion, recevront
une indemnité de frais de route et de séjour.
« Les frais de route
seront calculés à raison d’un franc et demi par demi-myriamètre sans fractions.
« L’indemnité sera de
cinq francs par chaque jour pour toute la durée de la session ; à cet effet il
sera tenu un registre de présence. »
M. Verdussen. - Le
dernier paragraphe de l’article porte : « A cet effet, il sera tenu un
registre de présence. » Je demanderai si les membres du conseil signeront
ce registre.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - C’est une affaire de règlement. (Oui ! oui !)
- L’article est adopté.
Titre VI. Du conseil provincial
Chapitre II. Des
attributions du conseil
Articles 63 et 64
Les articles 63 et 64
sont également confirmés.
Article 65
M. le président. -
« Art. 65. Le conseil prononce sur toutes les affaires provinciales, nomme
tous les employés provinciaux, à l’exception de ceux dont il attribue la
nomination à la députation. »
M.
Verdussen. - En lisant le dernier paragraphe de l’article je
suis tenté de croire que les employés provinciaux seront nommés par le conseil
; cependant je vois dans l’art. 126 que le gouverneur nomme et révoque les
employés des bureaux. Je crois que, des dispositions que je viens de rappeler,
il pourra exister un conflit entre le conseil et le gouverneur à l’occasion de
la nomination de certains employés.
Je crois que l’art. 65
doit être plus explicatif, et qu’il faut établir une distinction à l’égard des
employés salariés par la province. Cette distinction se trouve dans l’art. 70
et 71.
Je proposerais de
rédiger ainsi le paragraphe : « Il nomme tous les employés provinciaux qui sont
salariés par la province, à l’exception de ceux dont la nomination appartient à
la députation. »
M. de Theux. -
L’objection qu’a faite l’honorable préopinant est prévue par l’art. 126, qui
attribue au gouverneur la nomination des employés des bureaux ; d’après cette
disposition il ne peut y avoir de difficultés ; l’art. 126 parle d’employés de
l’Etat, payés par l’Etat, ce ne sont pas plus des employés provinciaux que le
gouverneur lui-même.
M. Legrelle. - On
pourrait toujours dire, pour que la disposition fût plus précise : « les
employés salariés par les provinces. »
M. H. Dellafaille. - Les provinces se trouvent dans
le cas de salarier, du moins en grande partie, certains employés du
gouvernement, tels par exemple que les ingénieurs.
- L’amendement de M.
Verdussen n’est pas adopté.
Article 66 et 67
Les art. 65 et 67 sont
confirmés.
M. le président. -
« Art. 68. Dans le mois qui suit la clôture de la session, le compte
sommaire par nature de recettes et dépenses, dûment arrêté, est inséré au Mémorial administratif et déposé aux
archives des deux chambres. Il en est de même du budget, dans le mois qui suit
son approbation.
« Les comptes sont
déposés au greffe de la province, à l’inspection du public, pendant un mois, à
partir de l’arrêté de compte. -
« Le public sera informé
de ce dépôt par la voie du Mémorial
administratif et d’un journal de province. »
M.
de Robaulx demande que l’on mette les comptes sommaires au lieu
de le compte sommaire, et des budgets au lieu de du budget.
- L’article est adopté
avec les changements de rédaction proposés par M. de Robaulx.
M. le président. se
dispose à donner lecture de l’art. 69 relatif aux dépenses à porter au budget
des provinces.
M. le ministre
de la justice (M. Lebeau) - Je demanderais que la chambre voulût bien remettre le vote de l’art.
69 à demain. J’ai reçu tout récemment plusieurs réclamations, qui me porteront
à présenter des amendements sur les dispositions de l’article relatives aux
dépenses des tribunaux et des prisons de la province.
Je croyais pouvoir
présenter ces amendements aujourd’hui à l’assemblée, mais le temps m’a manqué ;
je crois être sûr que je pourrai présenter demain les motifs des modifications
qui ont été sollicitées, et qui, d’après un premier examen, m’ont paru fondées.
Si la chambre voulait
voter l’article 69 aujourd’hui, je la prierais d’ajourner du moins le vote des
numéros 2 et 18.
M.
Dubus. - Je ne m’oppose pas au renvoi demandé par le ministre ;
je ferai observer cependant que si les amendements arrivent seulement dans la
séance de demain, cela amènera encore, peut-être, le renvoi du vote de
l’article à la séance suivante. S’il était possible à M. le ministre de
présenter ces amendements avant la fin de la séance, on les ferait imprimer et
distribuer ; nous pourrions ainsi les examiner dans l’intervalle de cette
séance à celle de demain.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - C’est ce que je tâcherai de
faire, et c’est dans ce but que j’ai apporté avec moi la correspondance et les
pièces qui viennent à l’appui des réclamations qui m’ont été faites.
Si j’ai le temps de le faire,
je déposerai sur le bureau, avant la fin de la séance, les amendements dont
j’ai parlé.
- Le vote de l’art. 69
est ajourné.
M. le président. -
« Art. 70. Sont spécialement à charge de l’Etat :
« 1° Les traitements
et frais de route du gouverneur et de la députation du conseil ;
« 2° Le traitement
du greffier provincial ;
« 3° Le traitement
des employés et les frais de bureau du gouvernement provincial ;
« 4° Le loyer et
l’entretien de l’hôtel du gouvernement provincial, l’entretien et le
renouvellement de son mobilier ;
« 5° Les traitements et
abonnements des commissaires d’arrondissement ;
« 6° Les frais
concernant la milice et ceux des commissions médicales ;
« 7° Les frais de
loyer des bureaux de garantie pour les matières d’or et d’argent. »
M. Legrelle. - J’ai
déjà manifesté l’intention que j’avais de revenir au second vote sur une
disposition de cet article adopté pendant mon absence. Vous avez laissé à la
charge de l’Etat la dépense du chef des honoraires payés à la députation
permanente du conseil. Cependant les membres de la députation sont les hommes
de la province, nommés par elle, ne s’occupant que d’elle et dans une position
tout à fait distincte de celle des employés du gouvernement. Je désire voir
rétablir la disposition primitive qui consistait à imposer la province du chef
de cette dépense.
M. le président. -
M. Legrelle propose de supprimer au 1° de l’article, les mots : et de la députation
provinciale. Si cet amendement était adopté, la dépense devrait être reporté à
l’article précédent, dont le vote a été ajourné.
M.
Legrelle. - Je demande à ajouter un mot. Indépendamment de
l’irrégularité, il me semble que pour garantir l’indépendance dont doivent
jouir les membres de la députation, il vaut mieux qu’ils soient payés sur les
fonds de la province. C’est plutôt une régularisation de dépense qu’une
économie que je propose car de toute manière la dépense sera faite, et peu
importe pour les contribuables que les fonds passent ou non par la caisse de la
province. Mais je pense qu’il faut autant que possible diminuer le chiffre du
budget de l’Etat, et comme cette dépense rentre plutôt dans les attributions de
la province que dans celles du trésor public, je propose de la rayer des
dépenses mises à la charge de l’Etat.
M. de Robaulx. - Je
ferai une observation à M. Legrelle, c’est que la recette de l’appointement par
le membre de la députation ne donne pas lieu à affecter son indépendance. Il
est nommé par le conseil provincial. Je ne vois pas, soit qu’il reçoive ses
appointements de l’Etat ou de la province, en quoi il dépendrait du
gouvernement qui ne peut pas refuser le paiement de l’appointement, qui n’a
rien à dire à la députation. C’est ainsi que les indemnités payées aux membres
de la chambre, quoique reçues de l’Etat, n’affectent nullement leur
indépendance.
M. Jullien. - Il en
est de même pour les membres de l’ordre judiciaire.
M. de Theux, rapporteur. - Les appointements des membres de
la députation provinciale étant fixés par la loi, ils sont aussi indépendants
que les membres de l’ordre judiciaire, comme vient de le dire l’honorable
préopinant.
- La proposition de M.
Legrelle est mise aux voix et rejetée.
L’article 70 est
définitivement adopté.
Article 71 à 73
Il en est de même des
articles 71 et 72.
L’article 73 n’a pas
subi d’amendement.
L’article 74 est
maintenu tel qu’il a été amendé.
M.
de Robaulx. - Mais cet article ne parle pas des actions en
justice qui peuvent être formées par les communes. N’entendait-on pas que
c’était aux conseils provinciaux à les autoriser ? Il me semble qu’il y a là
une lacune, j’ai cru devoir la signaler.
M. H. Dellafaille. - Il n’y a pas de lacune. Comme la
loi provinciale fixe le mode à suivre par les provinces pour les actions
qu’elles pourraient former en justice, de même la loi communale déterminera le
mode à suivre par les communes en pareil cas. Il n’est pas nécessaire de nous
livrer maintenant à un examen qui nous mènerait a préjuger une question qui se
présentera lorsque nous nous occuperons de la loi communale.
- L’adoption de l’art.
74 est confirmée.
Articles 75 à 80
L’art.
L’art. 76 est maintenu
tel qu’il a été amendé.
Les art. 77 et 78
n’avaient pas subi d’amendement.
La suppression des art.
75, 77 et 78 du gouvernement est confirmée.
L’art.
L’art. 80 est maintenu
tel qu’il a été amendé.
M. le président. -
La discussion est ouverte sur l’article 81, ainsi conçu :
« II répartit entre les
communes, conformément aux lois, le contingent des contributions directes
assigné à la province ; s’il n’a pu procéder à cette répartition, il en
détermine les bases pour l’exercice suivant. »
« Il prononce sur les
réclamations et demandes en réductions qui lui sont adressées par les communes.
« Lorsque le
conseil n’est pas assemblé, la députation permanente fait la répartition
d’après les bases fixées par le conseil, et prononce sur les réclamations, sauf
recours au conseil.
M. le ministre
de l'intérieur (M. Rogier) - Un honorable membre de cette assemblée avait appelé l’attention de la
section centrale sur l’article 81. Il avait supposé le cas où le conseil
provincial ne répartirait pas entre les communes le contingent des
contributions directes assigné à la province, et il demandé ce qu’il y aurait à
faire pour établir une perception si nécessaire à la marche du gouvernement. Je
demande si la section centrale a eu égard à ces considérations.
M.
de Theux, rapporteur. - Messieurs, la section centrale a trouvé que cette question était
résolue par les textes mêmes de la loi. D’abord l’article 107 autorise la
députation permanente, lorsque le conseil n’est pas assemblé, à se prononcer
sur les matières réservées spécialement à la représentation provinciale, à
l’exception toutefois de celles qui sont énumérées dans le même article. Parmi
ces exceptions n’est pas comprise la répartition du contingent des
contributions entre les communes. Mais en supposant que la députation même se
refusât à opérer cette répartition, qu’arrivera-t-il ? C’est un cas également
résolu par la loi elle-même. La députation permanente est tenue de délibérer
sur la réquisition du gouverneur. Celui-ci l’invitera donc à opérer la
répartition. La députation sera donc obligée de la faire ; car, dans le cas
contraire, ce refus tomberait dans les cas prévus par le code pénal qui inflige
des peines aux fonctionnaires qui refusent d’exécuter les lois. Ainsi il n’y a
pas de lacune dans le projet que nous discutons. Toutes les hypothèses y ont
été prévues.
M. d’Huart. - Je demanderai à faire observer
au rapporteur de la section centrale qu’il se trompe lorsqu’il dit que la
députation pourra faire la répartition du contingent des contributions en
l’absence du conseil provincial. La députation ne pourra le faire qu’en suivant
les bases posées par le conseil. Si le conseil ne les a pas établies, la
députation se trouvera dans l’impossibilité d’agir. Du reste, si on croit que
le texte de la loi présente toutes les garanties que nous sommes en droit
d’exiger, je consentirai volontiers à ne pas donner suite à mon observation. Je
suis loin de vouloir que l’on introduise dans la loi quelque chose qui soit
désagréable aux conseils.
M. H.
Dellafaille. -
D’abord je ferai une observation qui frappera l’assemblée. C’est qu’il est peu
probable que les conseils se refusent à établir les bases de la répartition de
l’impôt. Ce serait supposer l’impossible. La loi en impose l’obligation à ces
assemblées. L’art. 10 que l’on a cité ne concerne que les députations et
autorise ces corps à prendre des décisions en l’absence des conseils, à
l’exception de quelques cas spéciaux énumérés dans l’article. Il n’est pas
probable que les conseils négligent de remplir une de leurs attributions et en
laissent le soin aux députations.
M.
Jullien. - L’on ne peut supposer, messieurs, dans une loi qu’un
corps délibérant, qu’une autorité quelconque se refuse à faire ce que la loi
lui ordonne. C’est comme si l’on supposait qu’un membre de l’ordre judiciaire
pût se refuser à rendre la justice. Or, vous ne pouvez prévoir dans la loi une
éventualité qui ne pourra jamais se présenter. Je pense donc que l’observation
de M. le ministre de l’intérieur n’a aucune portée.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Toute la portée que mon
observation pouvait avoir était de savoir si la section centrale avait examiné
la question. La section centrale a répondu affirmativement. Mon observation
tombe dès lors. Car là s’arrête sa portée.
- L’article 81 est mis
aux voix et adopté.
Article 82 à 86
Les articles suivants
sont successivement mis aux voix et adoptés.
« Art. 82. Le
conseil prononce sur les demandes des conseils communaux, ayant pour objet
l’établissement, la suppression, les changements des foires et marchés dans la province.
« Il veille à ce
qu’il ne soit mis à l’importation, à l’exportation et au transit des denrées et
marchandises, d’autres restrictions que celles établies en vertu des
lois. »
« Art 84. Le
conseil peut charger un ou plusieurs de ses membres de la mission de recueillir
sur les lieux les renseignements dont il a besoin dans le cercle de ses
attributions.
« Il peut
correspondre avec les autorités constituées et les fonctionnaires publics, à
l’effet d’obtenir les mêmes renseignements.
« Si, malgré deux avertissements
consécutifs constatés par la correspondance, des autorités administratives
subordonnées sont en retard de donner les renseignements demandés, le conseil
peut déléguer un de ses membres, aux frais personnels desdites autorités, à
l’effet de prendre les renseignements sur les lieux. »
Les articles 85 et 86
sont mis aux voix et adoptés. En voici la teneur :
« Art.85. Il peut
faire des règlements provinciaux d’administrations intérieure et des
ordonnances de police.
« Ces règlements et
ordonnances ne peuvent porter sur des objets déjà régis par des lois ou par des
règlements d’administration générale.
« Ils sont abrogés
de plein droit si, dans la suite, il est statué sur les mêmes objets par des
lois ou règlements d’administration générale.
« Le conseil peut
établir pour leur exécution des peines qui n’excèdent pas 8 jours
d’emprisonnement et 200 fr. d’amende.
« Ils sont publiés
dans la forme déterminée aux articles 117 et 118 de la présente loi. »
« Art. 86. Sont
soumises à l’approbation du Roi, avant d’être mises à exécution, les
délibérations du conseil sur les objets suivants :
« 1° Le budget des
dépenses de la province, les moyens d’y faire face et les emprunts.
« Néanmoins le
conseil pourra régler, ou charger la députation de régler les conditions de
l’emprunt sans qu’il soit besoin d’une nouvelle approbation à moins que le Roi
ne se la soit expressément réservée.
« 2° La création
d’établissements d’utilité aux frais de la province.
« 3° Les
acquisitions, échanges, aliénations et transactions. Sont exceptés ceux de ces
actes relatifs à des biens meubles où immeubles dont la valeur n’excède pas
10,000 francs ;
« 4° La
construction des routes, canaux et d’autres ouvrages publics, en tout ou en
partie aux frais de la province, dont la dépense totale excède 50,000 francs ;
« 5°
L’établissement, la suppression, les changements de foires et marchés ;
« 6° Les règlements
provinciaux d’administration intérieure et les ordonnances de police. »
Titre VI. Du conseil provincial
Chapitre III. De
l’approbation et de l’intervention du Roi, relativement aux actes du conseil
Article 87
M. le président. -
La discussion est ouverte sur l’art 87, ainsi conçu :
« Les délibérations
dont il s’agit à l’article précédent seront approuvées, s’il y a lieu, telles
qu’elles auront été votées par le conseil et sans modification, sans préjudice
aux dispositions de l’art. 97.
« Néanmoins le Roi
peut refuser son approbation à un ou à plusieurs articles du budget ; et
l’approuver pour le surplus.
« De même, si le
conseil ne porte point au budget, en tout ou en partie, les allocations
nécessaires pour le paiement des dépenses obligatoires que les lois mettent à
charge de la province, le gouvernement y portera ces allocations dans la
proportion des besoins ; si, dans ce cas, les fonds provinciaux sont
insuffisants, il y sera pourvu par une loi. »
M. Dubus. - Je ne
comprends pas trop la relation qui existe entre l’art. 87 et l’art. 97, auquel
il renvoie.
M. de Theux, rapporteur. - C’est une faute d’impression,
c’est 107 qu’il faut lire.
M. Dubus. - Je
ferai une observation sur les mots sans préjudice aux dispositions de l’art.
107 ;
L’art. 107 porte :
« Lorsque le conseil ne sera pas assemblé, la députation pourra prononcer
sur les affaires qui sont spécialement réservées au conseil, dans tous les cas
où elles ne sont point susceptibles de remise et à la charge de lui en donner connaissance à la première
réunion. »
Les dispositions de cet
article sont relatives aux délibérations approuvées avec modifications. En
combinant l’article 107 et l’article en discussion, il résulte que lorsqu’un
conseil provincial aura pris une décision, le Roi, de concert avec la
députation permanente, pourra la mutiler et l’imposer aux provinces après cette
mutilation. Je vois donc un grand danger dans l’insertion des mots que je
combats. Je crois que ces mots, sur lesquels aucune observation n’a été faite
lors du premier vote, ont passé inaperçus. Tel n’était pas, cependant, le sens
de la proposition faite par notre honorable collègue le député de Namur. Ces
mots ont été ajoutés par la section centrale. Je prie la chambre de vouloir se
rappeler les motifs que nous ont exposés l’honorable M. Fallon à l’appui de son
amendement, et qui en ont détermine l’accueil. Il a signalé un abus qui
existait sous le gouvernement précédent. Des mots que la section centrale a
ajoutés à son amendement, il résulterait un abus bien plus grave que la chambre
appréciera dans l’instant.
Qu’arrivait-il sous le
gouvernement précédent ? Le pouvoir central approuvait en partie une résolution
votée par les états provinciaux. Il en adoptait certaines dispositions, mais
introduisaient dans les autres des changements qui la mutilaient complètement.
C’est ainsi que l’on donnait au règlement une autre portée qui en changeait
totalement le but. Ce qu’il y avait d’inconvenant selon l’honorable auteur de
la disposition, c’était que le gouvernement du Roi pût même provisoirement
imposer un règlement à la représentation provinciale. Mais au moins avait-elle
le pouvoir de l’annuler plus tard. Aujourd’hui l’abus sera bien plus grave. Il
lui sera imposé à toujours, parce que l’article 107 déléguant à la députation,
dans certains cas, le pouvoir du conseil, il arrivera qu’un corps autre que le
conseil pourra, de concert avec le gouvernement, défaire ce que le conseil aura
fait.
Ainsi un règlement, que
le gouvernement aurait modifié dans un sens essentiellement contraire à celui
qu’aura adopté le conseil, pourra lui être imposé définitivement, par cela seul
que la députation y aurait consenti. Mais, me dira-t-on, elle ne consentira à
prendre sur elle d’adopter un règlement ainsi mutilé que pour autant qu’elle
jugera que l’affaire ne souffre pas de remise. A cela je répondrai que l’on
pourra toujours dire, dès qu’il sera question d’une délibération prise par le
conseil, que le conseil aura jugé qu’il y avait nécessité de la prendre et l’on
se prévaudra de ce motif pour avancer que l’affaire ne peut plus longtemps être
retardée, qu’il y a urgence de mettre à exécution le règlement tout mutilé
qu’il est : Il en arrivera que le conseil aura abdiqué malgré lui son pouvoir,
et notez bien que la députation n’est pas seulement investie du pouvoir du
conseil, elle est également investie, si la disposition n’est pas modifiée,
d’un pouvoir plus grand, du pouvoir de réformer les actes du conseil. C’est ce
qui faussera tout le système de la représentation provinciale.
Veuillez, messieurs,
vous rappeler la réponse que fit un député de Namur à M. le ministre de la
justice, lors de la présentation de cet article. M. le ministre s’est beaucoup
récrié contre la supposition que le pouvoir central pût se permettre autre
chose qu’une simple sanction ou un refus de sanction. Il se défendait de la
possibilité du cas où le gouvernement approuverait une partie d’une
délibération. Ce ne serait plus l’œuvre du conseil, disait-il lui-même ;
cependant, si la rédaction de la section centrale était admise, voici ce qui
pourrait arriver : il suffira de déterminer la majorité de la députation à
consentir, sous prétexte d’utilité ou d’urgence, aux changements introduits par
le gouvernement, pour que l’on impose aux provinces ce que le conseil n’aura
plus le pouvoir d’annuler. Au moins, sous le gouvernement précédent, lorsque le
pouvoir central modifiait une délibération des états provinciaux, ceux-ci
pouvaient l’annuler dans la session suivante.
Pareille faculté ne
resterait pas au conseil, parce que son arrêté d’annulation serait soumis à
l’approbation royale et que le gouvernement refuserait de la donner. Ainsi le
règlement demeurerait en vigueur et serait mis immédiatement à exécution.
Il
y a d’autant plus nécessité de revenir sur la rédaction de l’article 87,
qu’elle est le résultat d’une erreur de la section centrale, et qu’il arrivera
souvent que la députation sera composée de membres choisis parmi les
conseillers du chef-lieu et de l’arrondissement, d’ou il pourra résulter qu’un
règlement, soit approuvé par la majorité du conseil, soit modifié par le
consentement de la députation dans l’intérêt de la majorité, pourra être
différent et cela au préjudice de la province tout entière.
J’attendrai les
observations que l’on croira devoir faire. Jusqu’à ce qu’elles changent ma
conviction je réclamerai la suppression des mots : « sans préjudice
aux dispositions de l’art 107. »
M. de Theux, rapporteur. - Ce n’est pas par erreur que la
section centrale a adopté la rédaction que l’honorable M. Dubus combat. Elle en
a signalé les motifs dans son rapport. L’article 87 ne donne aucune extension à
l’article 107, mais s’y réfère simplement.
Si l’on trouve que
l’article 107 donne trop de latitude aux députations, c’est lorsque la chambre
procédera au second vote sur cet article que l’on pourra présenter un
amendement qui la restreigne. L’article
Remarquez
que les termes de cet article sont très significatifs. Il faut que les affaires
ne soient pas susceptibles de remise pour que la députation permanente remplace
l’action du conseil. Du reste il n’a donné lieu à aucune observation de la part
des sections. Il faut remarquer que les exceptions que porte cet article
renferment la députation dans une limite très étroite. En outre, ce corps
reçoit son mandat du conseil même et n’a pas intérêt à lui déplaire dans
l’espace assez court que durent ses fonctions. L’art. 107, loin d’étendre ses
attributions, les restreint au contraire, si on les compare à celles dont
jouissait la députation des états provinciaux en vertu de l’article 28 de l’ancien
règlement Les affaires dont elle pouvait connaître étaient la construction des
routes, la surveillance des établissements publics, la répartition de l’impôt,
la création des taxes municipales, etc. L’on voit donc que cet article 28 avait
une portée bien plus vaste que l’article 107 actuel.
Dans tous les cas, comme
je viens de le faire observer à la chambre, c’est à l’article 107 qu’il y
aurait lieu de présenter un amendement, si l’on trouve que les dispositions en
sont trop étendues.
M.
Fallon. - Les mots qui font l’objet de la discussion ne se
trouvaient pas insérés dans mon amendement. Ils y ont été ajoutés depuis. Je ne
les avais pas remarqués d’abord et n’en avais pas saisi toute la portée. Mais
les observations de M. Dubus m’ont convaincu de la nécessité ou de les
retrancher ou de modifier les dispositions de l’article 107, en insérant parmi
les exceptions qui s’y trouvent, l’impossibilité de modifier le règlement. D’un
autre côté je ne sais pourquoi l’on ne soumet pas les décisions de la
députation, quand elle remplace le conseil, aux mêmes règles que le conseil
lui-même : cela me paraîtrait nécessaire, pour que la loi fût conséquente avec
elle-même. Il faudrait donc supprimer les mots sur lesquels l’honorable M. Dubus
a appelé l’attention de la chambre. Sinon, il y aurait contradiction dans la
loi.
M. de Theux, rapporteur.
- L’honorable préopinant est dans l’erreur. Il est certain que le Roi ne pourra
apporter de modifications aux délibérations de la députation. Jamais le pouvoir
central ne pourra le faire dans le cas de l’article 87. Aux termes de l’article
107, auquel l’article 87 se réfère, la députation pourra s’occuper de quelques
dispositions énumérées dans l’article précédent, mais pour cause d’urgence
seulement. La députation délibère alors, mais le pouvoir royal ne peut apporter
de modifications à ses délibérations ni à celles du conseil. Mais si, après une
décision prise par celui-ci, la députation juge qu’il y a urgence de la
modifier, elle le peut en demandant l’approbation royale.
M.
Fallon. - Ce sont donc les mots « sans préjudice aux
dispositions de l’article 107, » qui donnent une idée fausse de
l’intention de la loi. Ces mots supposent une exception. Ce n’est pas une
exception que vous voulez établir. Vous voulez rendre applicables à l’article
107 les principes de l’article 87.
M. de Theux, rapporteur. - Il faudrait mettre alors :
« sans préjudice des cas où la députation, conformément à l’article 107,
se trouverait autorisée à introduire ces modifications. »
M.
Gendebien. - C’est la même chose.
M. de Theux, rapporteur. - L’article est véritablement
clair, puisqu’on se réfère à l’article 107.
M. Fallon. - Les
observations faites par M. de Theux étant comprises, il faut les rendre dans la
loi, ct pour cela il faut dire : « La disposition qui précède est
applicable aux cas prévus par l’art. 107. »
M. Dubus. - Je ne
vois pas que les observations que j’ai faites tombent. Il me paraît, à moi, que
la portée des deux articles combinés serait celle-ci : Lorsque le conseil aura
voté une ordonnance provinciale, que le gouvernement, de concert avec la
députation, y aura apporté une modification, ce règlement modifié sera imposé à
la province malgré le conseil.
L’honorable
député de Namur, lorsqu’il a proposé son amendement, a voulu qu’on n’imposât
pas même provisoirement un règlement à la province, autre que celui que le
conseil aura voté ; et que si le conseil désavoue l’acte de la députation, cet
acte devînt nul. Dans les termes actuels de l’article, cela serait impossible
si le Roi a donné son assentiment à l’acte de la députation ; car le Roi ne
donnera pas ensuite son adhésion à la décision qui annulerait un acte qu’il
aurait approuvé.
Nous ne devons pas voter
l’article 87 avant d’avoir vote l’article 107.
M.
Fallon. - Je proposerai d’ajouter à l’article 107 : « et
les règlements provinciaux d’administration intérieure et les ordonnances de
police. »
Alors les articles 87 et
107 concorderaient.
M. de Theux, rapporteur. - Si l’on propose des changements
à la rédaction, je demanderai l’ajournement du vote. Mais, d’après les
observations de l’honorable préopinant, je ne verrais pas de difficultés à ce
que dans les cas prévus par l’art. 107, les actes de la députation qui auraient
reçu l’adhésion royale pussent être rapportés. Nous voulons combler une lacune
qui, dans les cas d’urgence, aurait lieu en l’absence du conseil. Ainsi,
lorsqu’une ordonnance de police a été rendue d’urgence par la députation, on
peut dire que le conseil peut la rapporter ; l’approbation du Roi n’a pour but
que de donner un caractère de légalité à l’ordonnance de la députation ; mais
cela n’empêche pas que le conseil puisse l’annuler.
- Le vote sur l’art. 87
est ajourné après le vote définitif sur l’article 107.
Articles 88 et 89
Les art. 88 et 89 sont
définitivement adoptes sans discussion.
M. le président. -
« Art. 90. Tout acte du conseil délibéré dans une réunion illégale, est
nul de plein droit.
« Le gouverneur
prend les mesures nécessaires pour que l’assemblée se sépare immédiatement ; il
rédige procès-verbal et le transmet au procureur-général du ressort, pour
l’exécution des lois et l’application, s’il y a lieu, des peines déterminées
par 258 du code pénal. En cas de condamnation, les membres condamnés sont
exclus du conseil et inéligibles aux conseils provinciaux pendant les quatre
années qui suivront la condamnation. »
M.
Dubus. - Ici un amendement de l’honorable député de Namur a été
admis ; mais je croyais qu’il s’arrêtait aux mots : « pour l’exécution des
lois. » Et, en effet, la disposition qui suit me paraît superflue : « pour
l’exécution des lois et l’application de l’article ou de la loi » est un
pléonasme. On rappelle l’article 258 du code pénal comme tout autre article
quand on demande l’application des lois ; c’est là qu’il fallait s’arrêter.
M.
de Theux, rapporteur. - C’est sur une observation que j’ai faite que l’honorable député de
Namur a consenti à l’insertion de la mention de l’article 258. En France, on a
rappelé le même article pour lever tout doute sur son application dans le cas
dont il s’agit.
On
pourrait mettre dans la rédaction : « pour l’application de l’article 258,
» et supprimer : « pour l’application des lois. »
M. Fallon. - Dans
mon amendement je disais : « pour l’application des lois, » et la pensée
me paraissait complète. Je ne me suis pas, il est vrai, opposé à la mention de
l’article 258.
M.
Gendebien. - M. le rapporteur nous dit que le rappel de
l’article 258 est conforme à la loi française. En France, dit-il, on a reconnu
l’utilité de ce rappel ; mais je ne reconnais pas cette utilité, et l’honorable
rapporteur devrait bien nous faire connaître les motifs qui ont fait
reconnaître cette utilité. Quand on renvoie un procès-verbal au procureur du
roi, c’est évidemment pour qu’il provoque l’application des lois contre les
faits signalés, et l’application de l’article 258 comme de tout autre article.
Il y a donc tout au moins pléonasme.
M.
de Theux, rapporteur. - Je n’ai pas trouvé dans la loi départementale en France les motifs
d’utilité de l’application de l’article 258 du code pénal ; mais les motifs me
paraissent assez saillants ; il suffit, en effet, pour s’en convaincre, de lire
l’article 258. On peut concevoir quelques doutes à l’égard des membres qui
siégeraient illégalement dans le conseil, c’est pour éviter ce doute qu’on a
voulu rendre l’article 258 spécialement applicable au cas où un conseiller
siégerait illégalement.
L’article 258 du code
pénal porte : « Quiconque, sans titre, se sera immiscé dans les fonctions
publiques civiles ou militaires on aura fait les actes d’une de ces fonctions,
sera puni d’emprisonnement de 2 à 5 ans. » Cet article doit être appliqué
; car, à bon droit, on ne peut considérer comme ayant un titre légal les conseillers
qui feraient partie d’un conseil sans y être autorisés par la loi.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Lorsqu’on a discuté, à la chambre
des députés, la disposition sur laquelle l’attention de la chambre est appelée,
on a combattu l’utilité de cette disposition, précisément par les arguments
qu’a fait valoir un honorable préopinant. On a dit que la question était
tellement claire, que c’était un pléonasme législatif que de faire un appel
explicite a l’article 258 du code pénal.
On a opposé à cette
objection plusieurs réponses ; on a fait observer qu’il ne pouvait être dans
l’esprit des rédacteurs du code pénal d’avoir voulu appliquer les dispositions
de l’art. 258 à des corps délibérants, à une classe de fonctionnaires publics,
qui n’existait point à l’époque de la promulgation du code ; car alors les
fonctionnaires de cette nature, étaient les délégués du pouvoir exécutif. Il
est évident que la disposition de l’art. 258 pouvait recevoir plus facilement
son application ; il ne pouvait guère y avoir de doute sur le caractère public
des membres qui entraient dans le conseil, puisque d’après la loi, je crois, de
nivôse an VIII, ces membres étaient nommés par le gouvernement lui-même.
On a dit qu’il pouvait
exister quelques doutes dans les expressions du code appliquées à un corps
électif qui siégerait hors de la session légale. L’article 258 porte :
« Quiconque sans
titre se sera immiscé dans les fonctions publiques, civiles ou militaires, ou
aura fait les actes d’une de ces fonctions, sera puni d’emprisonnement de 2 à 5
ans, sans préjudice des peines de faux si l’acte porte le caractère de
crime. »
Eh bien, dans le sens
usuel de ces expressions, il s’agit d’un véritable intrus qui ne tient son
mandat ni du peuple ni du gouvernement. Telle serait, par exemple, la position
de celui qui recevrait un testament, en prenant la fausse qualité de notaire.
Mais le membre du conseil siégeant hors de la session légale, en prenant
l’expression dans le sens grammatical, est-il sans titre ? non, car il a reçu
un mandat, ses pouvoirs ont été vérifiés, il a prêté son serment, et il a
exercé des fonctions antérieurement. Si on interprète l’article 258 d’après son
sens grammatical, on peut douter qu’il soit applicable à l’égard du conseiller
provincial qui exerce ses fonctions lors de la réunion légale : or, la loi
pénale est, comme on sait, de rigoureuse interprétation.
Voilà
quelles ont été les considérations que l’on a fait valoir dans la chambre des
députés, et qui ont fait adopter la disposition qui est reproduite dans
l’article en discussion.
Nous ne voulons pas de
pléonasme législatif mais puisqu’il s’agit d’un point sur lequel la chambre
française a reconnu qu’il y avait doute, il y a lieu de citer formellement
l’article 258, et de trancher ce doute comme elle l’a voulu faire elle-même.
Au reste, en tenant à ce
que l’on invoque l’article 258, nous croyons qu’on peut supprimer ces mots «
pour l’exécution des lois. »
M.
Gendebien. - Le doute que l’on veut éviter existe dans l’article
en discussion.
L’honorable rapporteur,
et après lui M. le ministre de la justice, vous ont dit que c’est parce qu’on
pouvait douter si l’article 258 était applicable à des conseillers provinciaux
qu’on a voulu l’insérer dans la loi. Veuillez remarquer, messieurs, que
l’article ne s’exprime pas de manière à lever ce doute. L’article dit :
« pour l’exécution des lois et l’application, s’il y a lieu, des peines
déterminées par l’art. 258 du code pénal. » Ainsi les observations que l’on a
faites subsistent, les mots s’il y a lieu
ne font pas disparaître le doute qui existe. Vous voyez qu’il n’y a pas lieu à
admettre tout ce que fait la législature française, et qu’il faut aussi compter
un peu sur le bon sens des Belges. Pour moi, je crois que, quel que soit ce qui
a été décidé en France, il y a en Belgique des hommes qui peuvent trouver qu’il
y a mieux à faire.
Maintenant si vous
voulez que l’article 258 soit applicable, il faut le dire franchement ; moi, je
crois qu’il ne doit pas être applicable. Il me paraît indécent de menacer les
conseillers provinciaux ; c’est pourquoi je ne propose pas.
M.
Fallon. - L’honorable rapporteur vous a dit que la disposition
de l’article était la même que celle qui se trouve dans la loi française ;
ainsi les motifs s’il y a lieu se
trouvent aussi dans cette loi. S’il en était ainsi, je ne conçois plus
l’argumentation de M. le ministre de la justice ; la majorité de la chambre des
députés n’a donc point été d’avis que l’article 258 était applicable dans toute
circonstance, puisqu’elle s’est servie de ces expressions s’il y a lieu, en laissant ainsi la faculté d’appliquer l’article
dans certains cas.
La question n’est pas
décidée, la chambre des députes a laissé exister le doute.
M. le ministre
de l'intérieur (M. Rogier) - On n’a pas voulu que le procureur général eût la main forcée ; on
doit présumer qu’il exercera la poursuite avec intelligence. Parmi les membres
faisant partie d’une réunion illégale, il peut s’en trouver qui aient été
trompés, qui aient reçu une lettre de convocation du conseil. Il n’y a pas
lieu, dans cette circonstance, de requérir devant la cour d’assises
l’application de l’art. 258. Voilà dans quel sens l’expression s’il y a lieu a été introduite dans la
loi, et il en sera toujours ainsi pour les cas où il s’agira de savoir si le
ministère public fera usage de son droit.
La question de savoir si
l’art. 258 devait être inséré dans la loi n’a pas fait le moindre doute ; nous
disons que cet article est applicable ici. Quant à ces mots : s’il y a lieu, c’est dire qu’alors même
que le fait matériel existerait, il faudrait encore voir si son auteur n’a
point cédé à un piège, et s’il a eu l’intention formelle de violer la loi.
M. de Theux, rapporteur. - Je crois remarquer que la
rédaction que nous avons proposée est non seulement consacrée par un article de
la loi française, mais par deux. Elle a été encore employée pour l’application
d’une disposition de l’art. 125 du code pénal. Quant à l’explication des mots s’il y a lieu, je pense que celle qui a
été donnée par le ministre de la justice est la vraie. Il serait absurde de
supposer que la chambre des députés, ou le pouvoir législatif en France, eût
mis en doute lui-même l’existence d’une loi, l’applicabilité d’une disposition
de loi à laquelle il renvoyait. On ne peut pas supposer une telle absurdité.
Il est donc évident que,
dans l’intention du pouvoir législatif en France, l’article 258 du code pénal
doit être appliqué à ce cas, et que les mots s’il y a lieu ne tombent que sur le cas où le conseiller serait
reconnu coupable. Du reste, je n’insiste nullement sur le maintien des mots s’il y a lieu. Je consens au
retranchement. Déjà ce retranchement a été indiqué par un honorable collègue
qui désire qu’il n’y ait pas de loi sans sanction. Vous défendez au conseil de
s’assembler extra-légalement.
Vous voulez sans doute
donner une sanction réelle à cette défense, alors il faut rendre applicable une
disposition pénale.
Je
le répète, cette disposition est importante, et la discussion qui vient d’avoir
lieu le prouve. Il ne faut pas qu’il reste de doute dans le pays sur
l’applicabilité de l’article du code pénal, dans le cas où un conseil prorogerait
sa session au-delà du terme fixé par la loi ou s’assemblerait extra-légalement.
J’espère que ce cas ne
se présentera pas, mais il peut arriver qu’un conseil se constitue en état
d’hostilité vis-à-vis du pouvoir central ; dès lors il faut qu’il y ait une
peine prévue par les lois. S’il pouvait y avoir là une injure pour les conseils
provinciaux, les dispositions du code pénal en seraient également une pour tous
les fonctionnaires auxquels elles sont applicables. C’est une simple mesure
d’ordre. Je ne conçois pas les motifs sur lesquels on se fonde pour s’opposer à
l’adoption d’une disposition dont le but est si évidemment utile.
M. Pollénus. -
L’article en discussion me paraît présenter d’autres difficultés que celle qui
est relative aux dispositions pénales qu’il rappelle.
Le projet commence par
autoriser le gouverneur à prendre les mesures nécessaires à l’effet d’effectuer
la séparation d’une assemblée illégale ; ce n’est qu’ensuite qu’il doit s’agir
de l’intervention de la justice régulière d’après cet article.
Mais la légalité d’une
réunion peut présenter de doutes, elle peut former une question, qui pourrait
fort bien être déférée aux tribunaux appelés à des poursuites ; l’article
semble ainsi autoriser des moyens qui pourraient peut-être ne pas être sans
danger, et cela avant la décision définitive de la question de légalité.
Quelles sont les mesures
nécessaires pour obtenir une séparation violente peut-être que l’on entend
mettre à la disposition du gouvernement ; ces mots mesures nécessaires ne me paraissent pas présenter un sens assez
précis, assez déterminé.
La question si les
réunions dont il s’agit sont illégales, comment la décidera-t-on cette question
? A quelles conditions une réunion sera-t-elle illégale ? N’y a-t-il pas danger
à investir un gouvernement du droit de prononcer sur cette question et
d’employer immédiatement des mesures de force ?
La disposition qui
concerne les moyens de séparation s’appliquait très bien à la première
rédaction qui donnait au gouverneur le droit de prononcer sur la question de
légalité ; aujourd’hui je ne vois pas qu’elle s’applique convenablement à la
rédaction motivée.
Veuillez
vous rappeler que la défense de réunions illégales a déjà une double sanction,
et dans la nullité des actes posés, et dans l’intervention de la justice
répressive.
Je soumets ces
considérations à la chambre et je conviens avec plusieurs honorables
préopinants que la rédaction de cet article, est d’une grande importance pour
l’exercice des prérogatives constitutionnelles garanties aux conseils
provinciaux.
M. Gendebien. -
Messieurs, l’article. 258 du code pénal n’est évidemment pas applicable aux
membres du conseil qui auraient délibéré dans une réunion illégale, car il
suppose quelqu’un qui usurpe un titre pour s’immiscer dans des fonctions
publiques. Les membres du conseil provincial ne perdent pas leur qualité de
conseillers, parce qu’ils auront délibéré dans un autre lieu que celui
ordinaire des séances ; car la loi ne consacre aucun lieu, et on est dans les
termes de la loi, pourvu que la réunion se tienne au chef-lieu ? Le ministre
vous l’a dit, l’interprétation d’une disposition pénale doit être rigoureuse ;
son application ne peut avoir lieu qu’autant qu’elle frappe littéralement le
fait dénoncé. Eh bien, quel serait le cas où il y aurait lieu d’appliquer
l’article 258 ? Celui où un étranger usurperait le titre de membre du conseil,
ou encore celui où un membre du conseil, usurpant les fonctions de président,
ferait des conventions. Mais jamais on ne pourrait dans le sens de l’article
l’appliquer à des actes du conseil, car les conseillers n’auraient pas usurpé
de titre.
Maintenant
si vous voulez comminer des peines pour certaines infractions, il faut
déterminer les infractions et les peines. Sans cela tout sera dans le vague, ou
plutôt il n’y aura pas de sanction pénale. Car l’article 258 ne sera jamais
applicable aux réunions du conseil provincial qui auraient lieu en dehors du
temps fixé par la loi ou dans un autre local que celui où se tiennent
ordinairement les séances, excepté dans le cas où des individus étrangers au
conseil prendraient part à ces réunions ; et ce serait seulement contre ces
individus que l’art. 258 serait applicable.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - On n’a pas insisté sur cette
considération que ce serait faire injure aux membres des conseils provinciaux
que de comminer des peines contre eux dans certains cas déterminés par la loi.
Si on admettait que l’inscription dans la loi d’une mesure pénale est une
injure pour les individus ou pour les corps contre lesquels elle est comminée,
il faudrait dire que le code pénal est une injure pour tout le monde ; qu’il
est une injure pour les magistrats qu’il punit dans les cas de forfaiture ;
qu’il est une injure pour les fonctionnaires de l’ordre administratif, qu’il
punit aussi de peines graves dans certains cas déterminés.
S’il y avait injure,
elle ne serait pas dans la sanction pénale ; elle serait dans la prohibition
elle-même. Car du moment que vous avez prévu tel fait, que vous l’avez flétri
de la qualification d’illégal, vous avez contracté l’obligation, pour rester
logiques, d’appliquer une sanction pénale à cette prohibition. Je n’insisterai
pas sur ce point.
Quelque
confiance que m’aient inspirée les arguments donnés à la chambre des députés,
arguments qui n’ont pas été réfutés à la chambre des pairs et qui tendaient à
établir l’applicabilité de l’art, 258 du code pénal aux cas déterminés dans la
loi départementale, j’avoue que les arguments de l’honorable préopinant
auxquels sa qualité de jurisconsulte donne un nouveau poids peuvent jeter du
doute dans l’esprit des magistrats. C’est pour faire cesser ce doute que je
proposerai la modification suivante comme conséquence de l’amendement adopté :
Au lieu des mots :
« pour l’exécution des lois et, s’il y a lieu, des peines déterminées par
l’article 258 du code pénal, » et après les mots : « au procureur
général du ressort, » je propose de dire : « qui est chargé de
requérir, s’il y a lieu, les peines déterminées par l’article 258 du code
pénal, lequel est déclaré applicable aux faits indiques dans la présente
disposition. » Le reste comme au projet.
M. Jullien. - On demande
où est la sanction de l’article soumis à nos délibérations ; il me semble que
la principale sanction est dans l’article même qui permet au gouverneur de
faire dissoudre les assemblées du conseil provincial illégales. L’assemblée
est-elle illégale en ce sens qu’elle aurait lieu dans un autre lieu que celui
déterminé pour les séances du conseil, ou dans un autre temps que celui que la
loi indique ? Dans ce cas l’article autorise le gouverneur à la faire
dissoudre. Voilà déjà ce droit de dissolution qui est une immense garantie pour
ceux qui ont des inquiétudes et des craintes sur le danger de ces assemblées.
Mais qu’a-t-on dit dans
les chambres françaises sur la question de savoir si l’art. 258 du code pénal
était applicable à l’espèce ? On a reconnu qu’il ne pouvait s’appliquer qu’à
l’usurpation de fonctions ; or, comme ici il n’y a pas usurpation de fonctions,
il est impossible, a-t-on dit, d’appliquer l’article. Cependant il y a eu dans
les chambres des membres qui n’ont pas été de cette opinion et qui ont pensé,
comme M. le ministre de la justice, que la réunion des conseils généraux à une
autre époque que celle fixée par la loi ou hors du lieu ordinaire constituait
une véritable usurpation de fonctions. Qu’ont fait les chambres ? Elles ont
voulu laisser les choses dans le doute. Voilà ce qui explique la rédaction et
les mots s’il y a lieu. Lorsque le
procès-verbal aura été envoyé au procureur-général, il poursuivra s’il y a
lieu. Et si les juges reconnaissent qu’il n’y a pas lieu à appliquer l’article
258 du code pénal, ils ne l’appliqueront pas. Mais sous aucun rapport la loi
française ne décide l’applicabilité de cet article. La pensée de la loi
française a été principalement de donner aux conseils provinciaux un
avertissement salutaire sur le danger des réunions illégales. Il est possible
aussi qu’elle ait voulu l’application de l’art. 258, seulement au cas dont
parlait tout à l’heure l’honorable M. Gendebien, celui où
des individus, étrangers au conseil provincial, feraient partie de ces
réunions. Sous ce rapport, on pourrait reproduire la disposition de la loi
française. Mais le ministre de la justice propose un amendement qui n’est
nullement la disposition de la loi française ; il tend à faire appliquer l’art.
258 aux vrais membres du conseil provincial, dans le cas où le gouverneur
trouverait leurs réunions illégales. Ce
n’est pas ce qu’a voulu la loi française. Elle n’a pas voulu lier le juge, le
contraindre à appliquer l’article 258 ; elle lui a laissé à décider si
l’article était applicable. Elle n’a pas voulu violer sa conscience ; car ce
serait violer sa conscience que de déclarer l’applicabilité de l’article à
l’espèce, si le texte s’oppose à cette interprétation, si, d’après les termes
et l’esprit de la loi, il est impossible d’appliquer l’article.
En résumé, je voterai
pour la suppression de l’article proposé par l’honorable M.
Dubus. Si l’article doit être adopté, je m’opposerais à la
suppression des mots s’il y a lieu ;
et surtout je m’opposerais à l’amendement de M. le ministre de la justice.
M. le ministre
de la justice (M. Lebeau) - Les mots s’il y a lieu se
trouvent dans mon amendement.
Je prierai M. le
président de vouloir bien en donner encore lecture. Car je crois qu’il y a ici
un peu de surprise.
M. le
président. donne lecture de l’amendement de. M. le ministre de
la justice.
M. Jullien. - Il
est évident qu’ici la question est tranchée, qu’on décide expressément l’applicabilité
de l’art. 258, tandis que la loi française disait qu’il ne serait appliqué que
s’il y a lieu. Vous voyez donc, messieurs, que la prétendue modification de M.
le ministre de la justice a pour but de faire au juge une obligation de ce qui
était pour lui une faculté.
M. Fallon. -
Convaincu que l’art. 258 du code pénal n’est pas applicable à l’espèce, je
n’avais pas vu d’importance à laisser subsister la disposition avec les mots s’il y a lieu qui m’ont paru tout sauver.
Mais maintenant que vient un amendement de M. le ministre de la justice qui a
pour but de faire déclarer l’applicabilité de cet art. 258, je pense que
l’article ne doit pas être maintenu et que si on le maintenait, il en
résulterait de grands abus. Voyez comment vous qualifiez d’abord le fait. Vous
dites dans l’art. 90 : « Tout acte du conseil délibéré dans une
réunion illégale est nul de plein droit »
Ainsi, si l’on voulait
annuler les délibérations d’un conseil provincial, on pourrait prétendre que la
plus grande partie de ses membres se sont réunis la veille de la délibération
dans un autre local que celui ordinaire des séances, et que dans la réunion du
lendemain on n’a fait que voter ce qui avait été délibéré et convenu dans la
réunion illégale de la veille. On pourrait dire, par conséquent, que c’est le
cas d’appliquer l’art. 258 du code pénal.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - C’est impossible.
M. Fallon. - La
chambre a souvent donné l’exemple de ces réunions préparatoires, et encore dans
une circonstance récente ; on ne peut trouver mauvais qu’il soit suivi par les
conseils provinciaux.
M. le ministre
de l'intérieur (M. Rogier) - Non assurément.
M. Fallon. - Quoi
qu’il en soit, il pourrait résulter de l’adoption de l’amendement proposé, que
sous le prétexte que les réunions du conseil ne seraient pas légales, on
annulât des délibérations légalement prises, et qu’on poursuivît ceux qui y
auraient concouru.
M. Ernst. - Je
crois qu’il est facile de prouver que l’art. 258 du code pénal n’est aucunement
applicable au cas de la réunion illégale du conseil provincial, et que, à moins
que la loi ne déclare applicables à ce fait les peines comminées par cet
article, que l’article ne peut pas être appliqué ; en effet il est ainsi conçu
:
« Quiconque sans
titre se sera immiscé dans les fonctions publiques, civiles ou militaires, ou
aura fait les actes d’une de ces fonctions,
sera puni d’emprisonnement de 2 à 5 ans, sans préjudice des peines de
faux si l’acte porte le caractère de ce crime. »
Celui qui a telle ou
telle fonction et qui veut la remplir dans un autre lieu que celui désigné, à
une autre époque que celle fixée par la loi, commet un délit ; mais ce délit
est de tout autre nature que celui d’usurpation de fonctions, prévu par l’art.
258. Il est impossible que dans ce cas les juges appliquent cette disposition.
Maintenant la chambre
française, dans le but d’éviter toute difficulté, a voulu donner une sanction
pénale à la réunion illégale, et elle a voulu sans doute que les peines
comminées par l’article 258 fussent applicables à ce délit. Si c’est là ce
qu’elle a voulu, elle a fort mal rendu sa pensée. D’abord l’article est
extrêmement mal rédigé, on doit en convenir ; j’y lis : « Il transmet le
procès-verbal au procureur général du ressort, pour l’exécution des lois et
l’application, s’il y a lieu, des peines déterminées etc. » Or, ce n’est pas le procureur
général qui applique les lois pénales ; il provoque, s’il y a lieu,
l’application de la loi. Je dis s’il y a lieu, parce qu’alors même que le délit
serait constant, il doit toujours être laissé à l’arbitrage du ministre de la
justice et du procureur général de décider s’il est nécessaire de poursuivre,
si l’ordre public ne serait pas troublé par des poursuites dirigées contre un
grand nombre d’individus. C’est à eux qu’il appartient de décider de
l’opportunité des poursuites.
Si telle a été la pensée
de la chambre française, elle ne disait rien du tout en introduisant dans
l’article les mots s’il y a lieu ; en
disant que l’art. 258 serait appliqué s’il y a lieu puisqu’il est évident que
l’article n’est pas applicable.
Maintenant si nous ne
voulons pas tomber dans la même erreur, nous devons nous faire cette question :
Voulons-nous frapper les réunions illégales des peines comminées par l’article
258 ? Je crois que telle a été la pensée de la chambre. Si telle est sa pensée,
il faut rédiger l’article de manière à ce qu’il ne laisse aucun doute. Il ne
faut pas adopter l’amendement de M. le ministre de la justice ; car je crois
que cet amendement répond fort mal à sa propre pensée.
Cet amendement porte que
l’art. 258 est applicable au fait énoncé dans l’article. Or quel est ce fait ?
C’est la réunion illégale. Or ce n’est pas seulement la réunion illégale, c’est
aussi l’acte qui émane d’elle que vous voulez frapper. Cet acte nous voulons
l’annuler, comme nous voulons punir la réunion illégale. Ce sont deux faits
qu’il faut stipuler.
Il ne suffit pas de
parler de réunion illégale, il faut la qualifier. Car ainsi que l’a fait
observer tout à l’heure un honorable député de Namur, des réunions
préparatoires des conseils provinciaux, faites à l’imitation de celles que la
majorité de la chambre a eues plusieurs fois et récemment encore au sujet d’une
grave question, n’auraient rien d’illégal ; et cependant, avec la rédaction
actuelle de la loi, elles pourraient, peut-être, être ainsi qualifiées. Vous
dites que les réunions illégales sont celles tenues dans un autre lieu que
celui des séances ou hors du temps de la session.
Voulez-vous
rendre la loi applicable à ces cas, il faut vous exprimer à peu près ainsi :
« Tout acte délibéré dans une réunion illégale est illégal et nul de plein
droit.... La réunion qui aura lieu dans un autre temps que celui déterminé pour
les sessions régulières, sera déclarée délit et punissable des peines prévues
par l’art. 258 du code pénal. » Je crois que ceci rend la pensée que l’on
a développée.
Je
terminerai en disant qu’il conviendrait de renvoyer l’article avec l’amendement
du ministre à la section centrale.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je crois aussi qu’il y a lieu de
renvoyer l’article et l’amendement à la section centrale. Je demanderai de plus
que l’honorable orateur veuille bien communiquer sa rédaction à la section
centrale ; je ne tiens pas à la mienne ; je pense que sa proposition améliore
beaucoup la mienne.
M. Dubus. - La
matière qui nous occupe maintenant est des plus graves, et nous devons nous
garder d’improviser aucune disposition sur cet objet. J’appuie la proposition
faite du renvoi de l’article avec les amendements à la section centrale.
Je dirai quelques mots
pour faire remarquer les conséquences et les dangers de la rédaction proposée.
J’avais d’abord cru que
la disposition dont je veux demander la suppression était tout à fait inutile ;
car les mots s’il y a lieu m’avaient
paru laisser un doute sur l’article 258, aussi bien sous le rapport du droit
que sous le rapport du fait. Maintenant on veut leur donner une autre portée,
et l’on dit que le but de la disposition proposée est de rendre l’article 258
applicable en droit dans le cas où le fait serait reconnu constant. C’est là un
tout autre sens. Dans cette circonstance, je demande la suppression de la
disposition elle-même, parce qu’elle me paraît très mauvaise. Selon moi, on
pourrait ajourner une telle disposition ; si elle devient nécessaire, on peut
la renvoyer à sa véritable place, à la révision du code pénal, vu que rien ne
périclite actuellement.
On trouve la même
disposition dans la loi française, nous dit-on, et on l’y trouve avec le sens
que lui attribue le ministre de la justice.
Cela est possible et la raison
est simple. En France, il n’est pas étonnant que le gouvernement ait de la
défiance. Par la loi sur les conseils départementaux, on a organisé, pour la
première fois, une sorte de représentation provinciale ; elle n’y existait pas
précédemment ; en France, en un mot, on a donné au peuple une liberté dont il
n’avait pas encore joui. En la lui donnant, on a craint des dangers ; on a pris
des précautions. Nous sommes dans une position très différente : les conseils
provinciaux ont existé chez nous sous le nom d’états provinciaux pendant 15
années. Est-il arrivé pendant ces 15 années un seul fait qui nécessitât la
disposition que l’on veut insérer dans la loi ?
Le roi Guillaume a
établi les états provinciaux sans les précautions qu’on veut prendre aujourd’hui
; serons-nous plus défiants que lui alors que nous respirons un air de liberté
?
Messieurs, avec
l’article qu’on vous propose nous ferions une injure toute gratuite au peuple
belge : je vous prie d’y réfléchir ; ne faites pas cette injure sans nécessité
à des hommes amis de l’ordre, et avant que l’expérience n’ait justifié vos
appréhensions.
Rien actuellement n’est
en danger. La place de la disposition proposée est dans le code pénal. le ne
vois pas qu’il soit nécessaire de l’insérer dans la loi provinciale. Est-ce que
les conseils provinciaux ne pourraient exister un seul instant sans qu’il y eût
danger de dissolution pour l’Etat ?
Ce
n’est pas seulement contre la disposition qui rappelle l’article 258, que je
m’élève ; je m’élèverai encore contre la dernière disposition de l’article, par
laquelle un membre condamné est inéligible pendant quatre années : ainsi on
ajoute à l’article 258 une autre peine beaucoup plus grave. Il est vrai que
l’article 258 se contente d’un emprisonnement de deux ans à cinq ans !... Outre
cette peine on ajoute : « l’inéligibilité pendent quatre années. »
Et d’abord le mot
inéligibilité est pris dans le sens général et emporterait l’exclusion de la
chambre des représentants et du sénat comme des conseils ; ainsi, vous
excluriez toute l’élite d’une province des assemblées délibérantes.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Si cette élite est factieuse, il
n’y a pas de mal à cette exclusion.
M. Dubus. -
Cependant d’après l’article 463, dans le cas de circonstances atténuantes, les
peines portées par l’article 258 peuvent être réduites à une simple amende.
Néanmoins par votre disposition on serait encore condamné à l’inéligibilité
pendant quatre années.
Souvenez-vous encore que
l’on n’a pas défini dans l’article ce que c’est qu’une réunion illégale ;
souvenez-vous que dans certaines circonstances il peut y avoir doute assez
sérieux pour savoir si la réunion est légale ou illégale : par exemple on
pourrait douter si le jour par où l’on veut commencer la session on par où l’on
veut la terminer est compris dans la limite ou hors de la limite assignée à la
session, cette question a embarrassé de grands jurisconsultes.
Un tribunal qui aurait à
juger sur ce fait pourrait dire que les membres ayant agi de bonne foi, il y a
lieu à appliquer l’art. 463, et ne condamner qu’à l’amende ; cependant, par
votre disposition finale, vous réduiriez toute une province à l’état d’ilotisme
politique pendant quatre années.
Je prie la chambre de bien
voir quelle serait la conséquence d’une pareille disposition, de bien remarquer
quel danger il y aurait à aller emprunter légèrement une disposition aussi
grave à une législation étrangère, qui après tout, est faite pour un autre
peuple gouverné autrement que nous le sommes.
Je puis me prévaloir de
ce qu’a dit M. le ministre de la justice, et faire apercevoir un autre danger
dans les dispositions réunies à l’article.
Ainsi, il est bon que la
chambre réfléchisse sur tout la partie de l’article.
M. le
ministre a dit que le magistrat du parquet examinerait s’il y a lieu, ou s’il
n’y a pas lieu à poursuivre ; il résultera de là que le ministère public
poursuivra ou ne poursuivra pas, selon son bon plaisir ; on fera un choix parmi
les membres qui auront fait partie d’une réunion illégale, on poursuivra ceux
que l’on voudra faire déclarer inéligibles pour un certain nombre d’années, et
on conservera les membres dont on pourra présumer de bonnes dispositions
futures : on sait ce que c’est pour nos ministres que ces bonnes dispositions
futures. L’article que nous discutons deviendra ainsi à la fois un moyen
d’oppression et de corruption.
J’appuie le renvoi de
l’article et des amendements à la section centrale.
M. Ernst. - M. le
ministre de la justice m’engageait à rédiger l’amendement dont j’ai parlé. Je
dirai qu’il me semblerait plus convenable de me rendre dans la section centrale
si elle me faisait l’honneur de m’y appeler. Je m’expliquerais alors sur le
texte de mon amendement et, on pourrait le mettre en rapport avec les autres
amendements qui ont été proposés. (Assentiment.)
Je reviens aux
observations présentées par l’honorable M. Dubus ; bien que je ne sois pas
d’accord avec lui sur tous les points, je me félicite d’avoir été dans cette
discussion souvent d’accord avec un des membres les plus distingués de cette
chambre.
Ainsi que M. Dubus, je
pense qu’il ne faut pas menacer les conseillers provinciaux, et c’est par ce
motif que j’ai été opposé à la dissolution du conseil ; mais lorsqu’un délit
est bien caractérisé, en proposant de le punir, on ne menacerait personne ; or,
en cas de réunion illégale du conseil, le délit est bien caractérisé, et les
conseillers qui en ont fait partie se soit mis, à mon avis, en révolte ouverte
avec le pays. Ce délit me semble extrêmement grave et je crois que la peine que
l’on propose d’appliquer n’est pas trop forte.
L’honorable M. Dubus a
dit : Il est possible que les conseillers provinciaux soient trompés sur le
jour de la réunion : cela pourra arriver pour le premier ou le dernier jour de
la session, ou même encore pour la huitaine à ajouter à la durée ordinaire des
sessions ; mais croyez-vous que le ministère public voudra poursuivre tout un
conseil provincial ? Quand le délit sera constaté, on y pensera à deux fois
avant d’exercer des poursuites, après le fait matériel, on examinera le fait
intentionnel.
M.
Dubus a dit que lorsqu’il y aurait doute, le juge appliquerait le minimum de la
peine ; il n’en sera pas ainsi, et on n’appliquera aucune peine ; le délit
n’est pas seulement dans les réunions, car une réunion chez nous peut être
licite, et louable même ; le délit est dans la réunion illégale, qui aurait un
but criminel.
Quant à la deuxième
partie de l’article, je la trouve aussi très sévère, et à cet égard je suis
d’accord avec l’honorable préopinant ; il peut y avoir une grande différence
entre les membres qui feront partie d’une réunion illégale : les uns peuvent y
être allés dans une intention coupable, et les autres peuvent seulement y avoir
été entraînés. Je crois que les dernières dispositions de l’article devraient
avoir un sens facultatif, et qu’ainsi on pourrait dire « pourront être
exclus, » au lieu de : « seront exclus. »
M. de Theux, rapporteur. - Je ne m’opposerai pas au renvoi
de l’article à la section centrale ; il suffit de prouver qu’il y a doute sur
l’application de la loi, pour qu’il y ait lieu à présenter une autre rédaction
qui ne laisse subsister aucune espèce de doute.
Je dois rappeler,
relativement à la qualification de réunion illégale, que dans une séance
précédente, un membre avait demandé ce qui constituait une réunion illégale. Je
donnai lecture des dispositions de la loi qui déterminent les cas d’illégalité
de la réunion du conseil ; l’honorable membre reconnut si bien alors que la loi
s’expliquait suffisamment à cet égard, qu’il n’insista pas sur ces
observations.
Il est entendu que l’on
ne peut considérer comme réunions illégales les réunions préparatoires que les
membres du conseil croiraient utile de tenir ; les réunions illégales sont les
réunions en dehors de la session légale, dans lesquelles des décisions seraient
prises.
- Le renvoi à la section
centrale est prononcé.
M. le président. -
La section centrale se réunira à 8 heures du soir.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - J’ai rédigé un amendement ; je le
remettrai sur le bureau, si la chambre n’en exige pas la lecture. (Non ! Non !)
- La séance est levée à 4
heures et demie.