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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 14 juin
1842
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre,
notamment pétition demandant la construction d’une route dans la province de
Namur (de Garcia)
2) Rapport sur des pétitions,
notamment pétition de l’association linière (Rodenbach)
3) Projet de loi relatif aux
chemins vicinaux
4) Projet
de loi relatif au fractionnement des communes en plusieurs collèges électoraux
et à la périodicité des élections communales. Fractionnement des communes en
plusieurs collèges électoraux (Osy, Devaux,
Dubus (aîné), Brabant, Verhaegen, Devaux, de Theux, Devaux, Dumortier, Devaux, Dumortier, Dubus (aîné)).
Proposition de passer immédiatement au second vote (Devaux,
Dubus (aîné), Dumortier, de Mérode, de Brouckere, Dumortier, (+état des négociations commerciales avec la
France) Nothomb, de Brouckere,
Devaux, de Theux, Dubus (aîné), Dumortier)
5) Fixation de l’ordre du jour
(Moniteur
belge n°166, du 15 juin 1842)
(Présidence de M. Fallon)
M. Scheyven fait l'appel nominal à midi et quart.
M. Kervyn donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction
en est adoptée.
M. Scheyven présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Les sieurs Delmotte et Moes,
à Jette-St.-Pierre, appellent l'attention de la chambre sur l’ordre que le
receveur des contributions de cette commune aurait reçu du gouvernement de ne
point leur délivrer les pièces qui devaient servir pour établir leurs droits
électoraux. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
______________________
« Le sieur Jean-Auguste-Chrétien-Frédéric
Keyser, marchand chapelier et fabricant de tabac, à Namur, demande la
naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
______________________
« Des habitants de la
province de Namur réclament l'intervention de la chambre pour que le
gouvernement fasse achever la construction de la route de Ligny à Denée par Fosse, si le concessionnaire de cette route ne
peut être forcé à terminer les travaux. »
M. de Garcia. - Messieurs, la concession de la route dont il s'agit a été accordée à
des conditions qui n'ont pas été remplies. Déjà les habitants de la contrée que
cette route doit traverser, ont adressé à la chambre une pétition dans laquelle
ils demandent que le gouvernement oblige les concessionnaires à remplir leurs
obligations ; cette pétition est du 5 février 1840 ; j'avais demandé alors un
prompt rapport, la chambre avait adopté ma proposition, et cependant, aucun
rapport n'a été fait jusqu'ici. L'absence de cette route laisse une partie de
la province de Namur sans aucune espèce de communication, car on sait très bien
que les routes commencées, au lieu de servir à la circulation, y nuisent. Je
demande donc que la commission des pétitions soit invitée à faire un prompt
rapport, non seulement sur la requête dont on vient de vous présenter
l'analyse, mais aussi sur celle qui nous a été adressée le 5 février 1840.
- La proposition de M. de Garcia, est mise aux voix
et adoptée.
______________________
« Les élèves en médecine de l'université de
Gand présentent des observations concernant le projet de loi sur l’enseignement
supérieur. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du
projet.
______________________
Par dépêche en date du 13 juin, M. le ministre de la guerre (M. de Liem) transmet à la chambre les explications qu'elle a demandées sur la pétition
de la dame veuve Verbeek.
- Ces explications seront imprimées et distribuées,
conformément à une décision antérieure de la chambre.
RAPPORTS DE PETITIONS
M. Zoude, au nom de la commission d'industrie, dépose le rapport sur la pétition de
la société des manufactures des glaces d'Ognies, qui
a été renvoyée à cette commission. Les conclusions de la commission tendent à
la prohibition des glaces étrangères et à la faculté donnée au gouvernement
d'adopter telles mesures en réciprocité qu'il croira convenables, dans le cas
où
- La chambre ordonne l'impression et la distribution
de ce rapport.
_____________________
M. Desmet, au nom de la même commission, dépose son rapport sur une pétition du
comité directeur de l'association linière. La commission propose de renvoyer la
pétition au gouvernement, avec invitation expresse de présenter dans un bref
délai un projet de loi tendant à modifier le tarif, de manière à assurer le
marché intérieur à divers produits nationaux qu’elle indique. Pour le cas où la
chambre serait dans l’impossibilité de voter un semblable projet avant de se
séparer, la commission espère que le gouvernement n'oubliera pas que la loi de
1822 lui donne le pouvoir de prendre telles mesures que les circonstances
peuvent rendre nécessaires.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution
du rapport.
M. Rodenbach. - J'appuie les conclusions de la commission tendant à ce que, pendant
l'absence des chambres, le gouvernement prenne des mesures contre
___________________
M. Desmet, au nom de la même commission, fait ensuite rapport sur la pétition de la
chambre de commerce de Verviers, qui demande qu’il soit établi sur les tissus
de laine un droit uniforme de 250 fr. La commission appuie la demande de la
chambre de commerce de Verviers et propose le renvoi de la pétition aux
ministres de l’intérieur et des finances.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution
du rapport.
PROJET DE LOI RELATIF AUX CHEMINS VICINAUX
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, l'art. 39 de la loi
du 10 avril 1841, sur les chemins vicinaux, porte :
« Les députations permanentes des conseils
provinciaux feront immédiatement la révision des règlements existants, en se
conformant aux dispositions de la présente loi.
« Ces règlements ne seront que provisoires ;
ils seront révisés par les conseils provinciaux au plus tard, dans la deuxième
session ordinaire, après la promulgation de la présente loi.
« Les règlements de la députation et ceux du
conseil ne seront exécutoires qu'après avoir été approuvés par le Roi. »
Les règlements
provisoires, adoptés par les députations permanentes, en exécution de la
disposition citée plus haut, ont été approuvés par le Roi, dans l'ordre suivant
:
Limbourg, 15 août
1841 ;
Namur, 16
septembre 1841 ;
Luxembourg, 8
novembre 1841 ;
Flandre orientale, 9 décembre 1841 ;
Hainaut, 30
décembre 1841 ;
Brabant, 31
décembre 1841 ;
Liége, 7
février 1842 ;
Flandre occidentale, 8 mars 1842 ;
Anvers, 20
avril 1842.
Aux termes du 2ème § de l'article précité, tous les
conseils provinciaux devraient procéder dans leur session prochaine à la
révision de ces règlements provisoires.
Le règlement le plus ancien ne datant pas d'un an,
on peut supposer que l'expérience est encore insuffisante, au moins dans
quelques provinces.
Les députations permanentes ont été consultées sur
la question de savoir s'il serait possible et utile que le conseil provincial
s'occupât dans la session prochaine de la révision des règlements provisoires.
Les avis n’ont point été unanimes.
La députation permanente de la province d’Anvers
s’est prononcée pour un ajournement, déclarant que la révision ne pourra se
faire utilement qu’après que l’expérience aura permis d’apprécier les
dispositions du règlement provisoire.
La députation permanente du Brabant émet le même
avis.
La députation permanente de
Les députations permanentes des provinces de
Hainaut, de Liége et de Limbourg demandent un ajournement par le motif déjà
indiqué ci-dessus, au sujet de la province d'Anvers.
Les députations permanentes des provinces de
Luxembourg et de Namur pensent qu'un ajournement n'est pas nécessaire et
qu'elles pourront, sans inconvénient, se conformer aux prescriptions de l'art.
39 de la loi du 10 avril 1841.
Dam cet état de choses, le gouvernement croit qu'il
est convenable d'admettre la révision des règlements comme éventuelle, mais de
n'en point faire une obligation absolue pour les conseils provinciaux, comme le
porte le § 2 de l'art. 59 de la loi vicinale.
Le projet de loi qui accompagne le présent rapport,
tend à proroger d'une année la révision qui devait avoir lieu en 1842, mais en
rendant cette prorogation facultative.
« LÉOPOLD, Roi des Belges,
« A tous présents et à venir, salut.
« Nous avons arrêté et arrêtons :
« Notre ministre de l'intérieur présentera, en
notre nom, aux chambres législatives le projet de loi dont la teneur suit :
« Article unique. La révision par les conseils
provinciaux des règlements provisoires sur les chemins vicinaux, arrêtés par
les députations permanentes, en vertu de l'art. 39 de la loi du 10 avril 1841,
pourra être ajournée à la session ordinaire de 1843.
« Mandons, etc.
« LÉOPOLD.
« Par le Roi :
« Le ministre de l'intérieur,
« NOTHOMB. »
- La chambre ordonne l'impression de ce projet et le
renvoie à l'examen d'une commission qui sera nommée par le bureau et dans
laquelle devront se trouver les membres qui ont fait partie de la section
centrale du projet de loi sur les chemins vicinaux.
PROJET DE LOI RELATIF AU FRACTIONNEMENT DES COMMUNES EN PLUSIEURS COLLEGES
ELECTORAUX ET A
Discussion des articles
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion des articles du projet de loi
présenté par M. de Theux, relativement au fractionnement des communes et à la
durée du mandat des membres des administrations communales.
La première partie du projet tel que la section
centrale en a proposé l'adoption, est ainsi conçue :
« Dans les communes de trois mille habitants et
au-dessus, les élections se font par sections ; la répartition des conseillers
à élire est faite d'après la population.
« Le nombre et les limites des sections seront
fixés par arrêté royal, sur l'avis préalable du conseil communal et de la
députation permanente du conseil provincial ; le nombre de sections ne pourra
être inférieur à quatre.
« Les sections sont divisées en deux séries ;
un tirage au sort détermine laquelle des deux séries est appelée à procéder au
prochain renouvellement.
« La première répartition du nombre de
conseillers entre les sections est faite par le Roi. La révision aura lieu de
la manière prescrite par l'art. 19 de la loi communale et aux mêmes époques.
« Les dispositions qui précèdent pourront être
étendues à des communes d'une population inférieure sur la demande des
députations permanentes des conseils provinciaux, les conseils communaux
préalablement entendus. »
Un premier amendement avait été proposé par M. de
Theux, tendant à remplacer le chiffre de 3000 habitants par celui de 4000 ;
mais MM. Rodenbach et de Mérode ont proposé ensuite le chiffre de 12,000
habitants ; M. de Theux s’est rallié à cet amendement.
M. de Theux a proposé aussi de supprimer le § 3 de
la disposition et de le remplacer par les deux paragraphes suivants, qui
seraient placés à la fin de l'article.
« Lorsqu'une ou plusieurs sections auront à
élire un nombre impair de conseillers, il sera fait, à l'époque fixée par le
Roi, un tirage au sort pour déterminer le nombre de conseillers à élire par
chacune de ces sections, au premier renouvellement par moitié.
« Lorsqu'une place de conseiller assignée au
deuxième renouvellement par moitié deviendra vacante avant ce renouvellement,
il y sera pourvu par la section la moins représentée au conseil, eu égard à la
demeure des conseillers appartenant à la même série ; dans le cas où plusieurs
sections auraient le même titre pour procéder à cette élection, la priorité
sera déterminée par un tirage au sort. »
M. le ministre de l'intérieur a proposé de dire que
le nombre des sections ne pourrait être supérieur à huit.
MM. Rodenbach et de Mérode ont
proposé la même disposition quant au maximum, mais ils ont propose de
réduire le minimum à trois sections.
M. Osy. - Je prends la parole pour motiver mon vote sur le projet de l'honorable
M. de Theux et l'amendement de M. de Mérode, car il serait inutile d'entrer
dans de grandes considérations, les opinions devant être formés après ces longs
débats ; mais dans une discussion qui a pris une tournure si politique et si
acerbe contre une partie du pays, je ne puis rester silencieux, et je veux
dire, par quelques mots, pourquoi je me détache de mes amis politiques.
Je suis loin d'être persuadé que notre loi
fondamentale et nos lois organiques soient parfaites. Au contraire, j'ai blâmé
beaucoup de dispositions, mais enfin, après un bouleversement comme celui de
1830, nous devions être heureux d'être sorti du chaos et d'avoir l'espoir
d'avoir quelque tranquillité, et en revenant dans cette chambre, j'étais bien
décidé, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire au commencement de la session,
de ne prendre couleur dans aucun parti politique, et de joindre mes faibles
efforts à tâcher de rendre quelque prospérité à notre beau et riche pays, car
nous devons tous convenir que la révolution de
Nous devrions au moins, pendant bien des années
encore, nous contenter de notre édifice actuel pour les intérêts moraux et n'y
toucher qu'à la dernière extrémité et quand nous serions bien convaincus des défauts
des lois que nous nous sommes données, car si nous faisons des changements,
comme on nous le propose maintenant, je ne sais véritablement pas où notre
réforme s'arrêtera et si avant peu tout ne sera pas de nouveau remis en
question, et si un parti vainqueur ne voudra pas dominer le pays, et je
prévois, de la manière que nous marchons, que l'année prochaine le succès
enhardira encore, et qu'avant peu nous verrons le pays tranché en deux partis
politiques ; et ainsi, au lieu de dire, comme en 1830 : Nous ne pouvons vivre
avec nos frères les Hollandais, qui cependant nous avaient amenés à un si haut
degré de prospérité, nous aurons dans le pays une lutte bien plus violente,
entre les partis qu'on appelle déjà maintenant les catholiques et les libéraux,
et je vous prédis que leur séparation sera pour le pays beaucoup plus funeste
qu'on ne pense. Depuis douze ans on avait été habitué à se faire des
concessions réciproques, ce que notre loi fondamentale et nos lois organiques
prouvent à l'évidence, mais maintenant je vois clairement que l'un parti veut
opprimer l'autre, et pour moi je n'y donnerai jamais la main, de quelque parti
que vienne l'attaque ; je veux conserver ce que nous avons, à tâcher de voir le
pays tranquille et toutes les classes et partis en bonne harmonie, et je me
détache de celui qui veut tous les changements dont la nécessité n'est
nullement démontrée, et quoique certainement mes efforts soient très
impuissants, j'aurai au moins la consolation de pouvoir me dire que je
n'ai pas, par mes paroles et votes, contribué à démolir ; car n'oublions jamais
qu'il est beaucoup plus facile de démolir que d'édifier.
L'expérience m'avait démontré que, pour la
considération du gouvernement, il fallait faire un léger changement à la
nomination des bourgmestres, et je trouvais que la manière dont le gouvernement
le demandait, n'était pas assez et surtout pas assez honorable pour la couronne
; aussi ai-je voté purement et simplement pour cette nomination, et refusé mon
vote à la proposition de M. Mercier, qui n'était que la proposition
ministérielle.
Mais aujourd'hui le succès enhardit et on nous
propose de changer la loi électorale communale, et quoique je fusse bien décidé
à ne pas me joindre à la proposition de l'honorable M. de Theux, par la raison
que je veux de la stabilité et non le renversement de ce que nous avons crée
depuis six ans, si laborieusement, et sans approfondir si effectivement il y
avait quelque chose à faire, parce que je suis persuadé qu'il peut y avoir
quelque bien, je vois un mal beaucoup plus grand : tout bouleverser, car vous
allez rallumer les passions politiques, et je vous prédis, que si vos lois
passent, vous obtiendra un résultat contraire à ce que vous attendez, car dans
les masses aussi on s'éveille ; jusqu'à présent, dans les élections, on se
faisait des concessions pour obtenir un résultat passable et vous voyez que
même dans les élections pour les chambres, on vous a envoyé du même
arrondissement des hommes entièrement d'opinion différente ; voyez seulement
l'arrondissement qui m'a envoyé ici ; mais lorsque les électeurs verront où on
veut aller, on ne sera plus si tolérant, et on se dira : Plus de concessions,
serrons nos rangs, comptons-nous, et triomphons ou mourons ; et alors une seule
opinion dominera, voudra profiter de sa victoire, tant dans les communes, dans
les provinces et ici dans nos chambres, la guerre sera déclarée, et une fois un
parti dominant et victorieux, aucune puissance ne pourra arrêter le mal. Vous
aurez de nouveaux bouleversements à attendre.
Toul ceci m'effraie, et je suis décidé de me
détacher du parti réactionnaire et tâcher, s'il est possible en me jetant dans
la balance contraire, de retenir et ne pas voir tout notre édifice dans un
précipice.
Le projet de l'honorable M. de Theux pouvait encore
paraître bon et nécessaire, quoiqu'il fût très défectueux, mais aujourd'hui
qu'il s'est rallié à l'amendement de l'honorable M. de Mérode, je puis
hardiment appeler le projet une loi de haine ou au moins de défiance contre
quelques-unes de nos grandes communes, car la loi va être faite contre vingt
communes de six de nos provinces ; c'est donc une loi exceptionnelle et une
guerre déclarée contre nos grandes villes. Il manque maintenant seulement de
trouver dans la chambre quelqu'un qui soit encore plus hardi que M. le comte de
Mérode et qui vienne nous dire franchement, non, dans ces vingt communes, il y
en a plusieurs qui marchent ; ma convenance et en définitive ma loi n’est faite
que contre telle ou telle ville, et c'est tout ce que nous demandons et je vous
avoue que depuis un mois j'ai vu tant de propositions et principes mis en
avant, que rien ne m'étonnera plus ; mais ce qui m'étonne, c'est de voir six
hommes sur le banc ministériel rester compacts et suivre sans mot dire un chef,
se laisser entraîner et aller partout où on voudra et de n'avoir aucun souci
des conséquences du chemin qu'on nous fait faire ; aussi, il n'a qu'à faire son
testament politique ; lorsqu'on aura obtenu tout ce qu'on désire, on le priera
de faire place, et on croira se mettre dans un lit de roses, mais je crains
bien que les successeurs de nos ministres actuels qui n'ont plus de conviction
politique et qui se laissent entraîner trouveront plus tard qu'ils se sont
trompés et qu'au lieu d'être dans un lit de roses, ils se trouvent dans un lit
d'épines. Si eux seuls en souffraient, nous pourrions nous consoler, mais tout
se fera au détriment du pays, et il n'y aura plus moyen d'arrêter le char de
réaction.
Avec votre système un des deux partis finira par
dominer le pays, et les haines entre elles, comme je vous le disais tout à
l'heure, seront avant peu bien plus fortes que celle des Belges contre les
Hollandais avant 1830 ; et pendant toutes ces luttes, on ne s'occupera pas à
soulager les maux du commerce et de l'industrie qui a tant souffert du
bouleversement politique, ce que personne ne pourra nier.
Je viens donc franchement déclarer que je me détache
d'un parti qui, voulant aller trop loin, nous ramènera à des bouleversements et
qui va scinder le pays dans deux camps ; et au moins, voyant le mal devant moi,
je pourrai me dire qu’en refusant mon vote au projet primitif de M. de Theux,
aux amendements de M. de Mérode et à
tous ceux qu'on pourra encore vous proposer, j'aurai au moins fait tous mes
efforts pour conserver ce que nous avons si laborieusement édifié, et comme
conservateur et ami de la paix et de la tranquillité, je ne donnerai pas la
main à un nouveau bouleversement.
Je n’ai guère d'espoir de faire revenir les opinions
qui doivent être formées maintenant ; mais s'il en était temps encore, je dirai
à mes anciens amis politiques : réfléchissez encore, contentons-nous de ce que
nous avons, et occupons-nous des intérêts matériels tant en souffrance et
n’oublions pas la devise : que le mieux est l’ennemi du bien. Et je vous avoue,
messieurs, que j’ai encore grand espoir que l’autre chambre, voyant où nous
marchons, nous arrêtera et nous donnera une leçon en nous renvoyant par un
rejet la loi actuelle, et je puis heureusement vous dire que bien des
sénateurs, conservateurs comme moi, trouvent que nous
allons trop loin.
M. Devaux. - Messieurs, j'ai déjà eu l'honneur de parler avec quelque étendue de la
disposition qui nous est soumise. Aujourd’hui que la discussion générale est
close, je m'attacherai plus particulièrement aux détails de ce qui vous est
proposé, et à l'amendement principal qui a reçu l'adhésion de l'honorable
auteur de la proposition.
Messieurs, en m'occupant de cet amendement, je
regrette infiniment de devoir commencer par relever une attaque personnelle.
Vous me rendrez, je crois, cette justice, que dans ce débat j'ai cherché à
apporter toute la gravité possible ; j'ai tâché de dire ma pensée tout entière,
mais en la dépouillant de toute forme irritante, de tout ce qui pourrait être
personnellement offensant pour l'un ou l'autre de mes collègues. Vous me
rendrez cette justice, que si j'entre un instant aujourd'hui dans une question
personnelle, c'est que j'y suis forcé par la nécessité de répondre à l'un des
honorables auteurs de l'amendement, dont je vais m'occuper, M. de Mérode.
Cet honorable membre qui, dès le début de la
discussion, a déclaré réduire les personnalités en une espèce de système, a cru
devoir se livrer à des attaques personnelles contre moi ; depuis trois ans,
depuis l'adoption du traité de paix, cela lui est arrivé plusieurs fois, et
jamais je n'ai consenti à lui répondre ; à d'autres époques, il a écrit et
signé dans les journaux des paroles dirigées contre moi, qui, s’il les relisait
de sang-froid, le feraient rougir ; cela date de 1839 ; et M. de Mérode s'est
plaint plusieurs fois de mon silence. J'ai toujours regardé ces inconvenantes
personnalités de l'honorable membre comme des enfantillages. En politique,
j’aime exclusivement les discussions sérieuses avec les hommes que l'on peut
prendre au sérieux, qui se prennent au sérieux eux-mêmes. Dans la vie privée,
au foyer domestique, j'aime beaucoup les enfants, mais à condition qu'ils aient
moins de 50 ans.
L'honorable membre pourra se plaindre que je ne lui
réponds pas encore, car je vais finir en très peu de mots.
Il me reproche des contradictions, des palinodies.
Il y a dix-huit ans que je suis entré dans la
carrière politique ; pendant six ans j'ai été l'adversaire du pouvoir, pendant
onze ans j'ai soutenu le pouvoir, et depuis un an je suis de nouveau dans
l'opposition.
Quand la liberté avait à se plaindre, quand le
pouvoir était fort, j'ai été contre le pouvoir et pour la liberté ; quand la
liberté a triomphé, le pouvoir était menacé, j'ai été pour le pouvoir.
Aujourd’hui que je vois le pouvoir sortir du gouvernement représentatif, que je
le vois lutter contre ses institutions, je suis contre le pouvoir.
Après la révolution, je défendais le pouvoir, il y
avait aussi des personnes qui me reprochaient de n'être plus dans les rangs des
adversaires du pouvoir et d'être en contradiction avec mes antécédents. Je
n'étais plus dans les rangs de ceux qui combattaient le pouvoir, parce que je
pensais qu'ils allaient trop loin. Aujourd'hui l'on me reproche de n'être plus
dans les rangs du pouvoir, je n'y suis plus, parce que le pouvoir va trop loin,
comme vient de le dire un honorable membre qui ne partage pas mes opinions
politiques. Je me suis toujours porté du côté où j'ai cru voir des droits menacés,
que ce fussent ceux du pouvoir, ou ceux du pays, ou ceux d'une opinion. Mais
jamais mes principes n'ont changé, jamais je n'ai pensé qu'il fallût
bouleverser les lois sans motifs, par caprice de pouvoir ou par esprit de
réaction. Je n'ai pas abandonné les opinions que j'ai émises lors de la
première discussion de la loi électorale ; mais les règles qui président
à la première rédaction d'une loi ne sont pas celles qui doivent présider à sa
réforme. J'ai hâte de finir sur cet incident, permettez-moi seulement une
comparaison.
Nous sommes deux associés ; nous possédons en commun
un terrain sur lequel à frais commun nous voulons bâtir une maison pour
l'habiter ensemble.
Je conçois un plan de la maison, mon associé en
conçoit un autre ; je soutiens que le mien est le meilleur, mon associé est
d'un avis contraire ; je rédige par écrit toutes les raisons qui, selon moi,
doivent faire préférer mon plan ; mon associé n'en veut à aucun prix. Pour
éviter une rupture, je cède, je transige, moyennant quelques modifications,
j'accepte le plan de mon associé, la maison se bâtit ; au bout de quelques
années, je trouve la maison assez agréable, elle n'est pas sans inconvénients,
mais je m'y suis fait, et ils sont moindres que je ne l'avais craint. Mon
associé, par malheur, a l'esprit et les goûts plus mobiles. Il découvre un beau
jour que la maison présente de graves inconvénients, et qu'il a eu tort de ne
pas adopter mon plan, il s'est montré cette fois plus épris que moi-même. Je
lui fais observer qu'il est trop tard pour le suivre, que maintenant il
faudrait démolir la maison ; il ouvre son secrétaire et va prendre, pour me
combattre, les raisons que dans le temps j'avais jetées par écrit ; il me
foudroie par cette lecture, et me prouve que je suis l'homme le plus inconséquent
du monde. Qu'ai-je à lui répondre ? Ce que j'ai à répondre à ceux qui me
reprochent aujourd'hui de prétendues contradictions : vous oubliez une seule
chose, c'est que la maison est bâtie.
Messieurs, je commencerai par m'occuper de
l'amendement qui a été présenté par les honorables MM. Rodenbach et de Mérode.
Je suis d’autant plus porté à prendre la parole que l'honorable M. Rodenbach a
dit hier que c'était par suite de raisonnements qu'il avait entendus de ma
bouche, qu'il avait proposé cet amendement ; je voudrais détruire dans son
esprit la liaison qui peut exister entre mes raisonnements et l'amendement
qu'il a présenté.
Je ferai d'abord une remarque sur l'origine de
l'amendement. L'honorable M. de Theux avait proposé par modification à sa
première disposition, de ranger sous le régime de l'amendement toutes les
villes ayant plus de 4000 habitants ; les honorables MM. Rodenbach et de Mérode
n'y rangent plus que les villes d'une population supérieure à 12,000 âmes. Je
fais cette singulière observation que dans le district de Nivelles, il y a des
communes de plus de 4000 âmes, et qu'il n'y en a pas de plus de l2,000 âmes ; le district de Roulers présente le même fait. De
sorte que les honorables membres commencent par exclure leurs arrondissements
de l'application de leur amendement ; ils trouvent que le système de
l'honorable M. de Theux est bon, mais à condition qu'il ne s'appliquera pas à
leur arrondissement. (On rit.)
Permettez-moi, messieurs, de vous remercier de ce cadeau, nous qui appartenons
à des arrondissements où il y a des villes de plus de 12,000 habitants.
Roulers, de même que Nivelles, ne
tomberont plus sous le régime de l’amendement, mais d'autres communes
intéressantes du pays y tomberont. Je crois que ceci n'est pas un argument en
faveur du fractionnement des localités, et si les quartiers suivaient l'exemple
que donnent les arrondissements, il arriverait que les quartiers voteraient les uns aux autres ce qu'ils ne veulent pas pour
eux-mêmes.
L'amendement rend plus clair ce que nous avons
soutenu dans la discussion générale, c'est que ces dispositions sont dirigées
réellement contre les villes, maintenant c'est d'elles seules qu'il s’agit.
Voyons sur quels arguments cet amendent s’appuie. Je
crois que je parviendrai à faire voir à l’honorable M. Rodenbach que c’est à
défaut de renseignements statistiques qu’il a conçu son amendement, et que ne
s'étant pas rendu bien compte de la statistique électorale du pays, il a voulu
remédier à des inconvénients qui n'existent pas en réalité. Je crois que je
pourrais prouver cela à l'honorable membre, et j'espère de sa bonne foi que mes
renseignements auront quelque influence sur son esprit.
Le premier argument que l'on fait valoir en faveur
de l'amendement et en faveur de tout le système, c'est le trop grand nombre
d'électeurs dans les villes. Ainsi l'honorable M. Rodenbach, dans le discours
qu'il a prononcé, a dit qu'il veut bien un peu fractionner les villes où les
électeurs ne sont pas trop nombreux, mais que le fractionnement est
indispensable là où il y a 2 ou 3,000 électeurs.
Eh bien, messieurs, savez-vous combien il y a de
villes en Belgique où il y a 2000 électeurs communaux ?
Une seule, c'est la ville de Bruxelles.
Un membre. - Anvers aussi.
M. Devaux, - D'après les renseignements que j'ai recueillis hier sur Anvers, et qui
viennent d'Anvers, Anvers aujourd’hui n'a pas tout à fait 2000 électeurs
communaux ; au reste, si l'on y tient il y aura en Belgique deux villes qui
comptent au-delà de 2000 électeurs communaux.
Ainsi l'inconvénient auquel on veut parer au moyen
de l'amendement n'existe que dans deux villes.
Voyons maintenant quelles sont les villes auxquelles
s'appliquera l'amendement de MM. Rodenbach et de Mérode. Il y a 20 villes qui
sont dans ce cas, ce sont Anvers, Malines, Bruxelles, Louvain, Bruges, Gand,
Mons, Tournay, Liége, Namur, Lierre, Turnhout, Ostende, Courtrai, Ypres, Alost,
Renaix., St Nicolas, Lokeren et Verviers.
Prenons maintenant la statistique électorale. Par
l'amendement on a en vue de prévenir la cohue. Or, je vous ai déjà dit qu'il
n'y avait tout au plus que deux villes où il y eût 2000 milles électeurs
communaux ; j'ajoute maintenant que dans aucune ville de
De ces 20 villes que j'ai citées, il y en a d'abord
5 qui ont moins de 400 électeurs, Lokeren, Renaix, Lierre ; je n'ai pas le
chiffre exact pour Turnhout et Ostende ; mais je crois, d'après leur population
comparée à celles des autres que ces villes n'ont pas 400 électeurs.
Maintenant dans les 20 villes, combien y en a-t-il
qui aient plus de 600 électeurs ? Je crois que les honorables auteurs de
l'amendement sont d'accord que là où il n'y a que 600 électeurs, et par
conséquent 3 ou 400 votants, il n'y a pas lieu de faire 3 sections, ils ne
trouveront pas d'inconvénient à ce que 600 électeurs soient réunis dans un seul
collège. Messieurs, dans les 20 villes, Il y en à 13 qui n'ont pas 600
électeurs communaux, 4 villes seulement en ont plus de mille.
Je vous demanderai, messieurs, si c'est la peine de
faire une loi, et s'il faut fractionner toutes les communes ayant plus de
12,000 habitants. Je suis persuadé, si les honorables auteurs de l'amendement
avaient connu ces renseignements tirés de l'Almanach royal, ils auraient
renoncé à l'idée de l'amendement.
Messieurs, quand on a dit dans cette discussion
qu'il fallait craindre que le fractionnement des collèges communaux n’amenât le
fractionnement des collèges d'arrondissement pour les chambres, les partisans
de l'amendement se récrient contre cette supposition. Mais si c'est à raison du
grand nombre d’électeurs qu'on fractionne les collèges, il y a bien plus de
raison de fractionner les collèges d'arrondissement pour les élections aux
chambres, que les collèges des villes.
En effet, il n'y a que sept villes qui aient plus de
600 électeurs communaux ; or, il y a 26 collèges d’arrondissement qui ont plus
de 600 électeurs pour les élections aux chambres. Je disais que 4 villes en
Belgique ont plus de mille électeurs communaux ; savez-vous combien il y a de
collèges d'arrondissement qui ont plus de mille électeurs pour les élections
aux chambres ?
Il y en a vingt. Vous savez qu'il y a quarante
collèges électoraux pour les chambres. Je disais tout à l'heure, qu'il y a deux
villes ayant plus de deux mille électeurs. Combien y a-t-il de collèges
électoraux pour les chambres ayant plus de deux mille électeurs ? Il y en a
quatre. Savez-vous quelle est la moyenne des électeurs des collèges pour les
chambres ? La moyenne est de 1,100 Vous voyez que c'est un chiffre bien
supérieur à celui pour lequel vous fractionnez les collèges électoraux des
communes. Je vous demande si on n'a pas raison de craindre que le
fractionnement des collèges électoraux pour la commune n'ait pour résultat de
faciliter celui des collèges électoraux pour les chambres ?
Si le fractionnement est nécessaire pour les
collèges communaux, à raison de leur nombre ne dira-t-on pas qu'il est plus
indispensable encore pour les collèges des chambres, puisqu'ils sont plus
nombreux ? Comment voulez-vous que nous soyons sans crainte, que nous ne
pensions pas qu'on ait l'intention de conclure un jour de l'un à l'autre.
Pourquoi, messieurs, dans la même ville 600
électeurs nommant les membres du conseil communal devraient-ils être
fractionnés quand dans la même ville 800 électeurs nommant les membres des
chambres ne doivent pas l'être, ne sont pas jugés trop nombreux.
La deuxième raison qu'on a fait valoir est celle-ci
: C'est que les électeurs ne vont pas aux élections dans les grandes villes.
C'est pour cela qu'on propose le fractionnement. Mais voyons le fait en
lui-même. Le gouvernement a fait publier un travail sur les élections
communales de 1836. On distingue les communes de plus de 5 mille habitants des
communes de moins de cinq mille habitants. On y donne la proportion des votants
et le nombre des électeurs communaux. J'ai été curieux de voir la différence de
cette proportion pour les communes de plus de cinq mille habitants et les
communes de moins de 5,000 habitant, en proportion des
électeurs. Or, j'ai trouvé que la proportion est exactement la même ;
c'est-à-dire que dans les villes de plus de 5,000 âmes le nombre des votants
était, je crois, des 3/4 du nombre des électeurs ; je ne suis pas sûr de me
rappeler exactement le chiffre, mais le rapport était absolument le même pour
les grandes communes que pour les petites.
Pour les élections de 1839, je n'ai pas les mêmes
renseignements.
Le rapport au Roi de M. Liedts donne les proportions
seulement par province. J'ai cependant trouvé quelques chiffres. Ils sont
intéressants parce qu'ils concernent de grandes villes.
A Bruxelles, il y a 3,502 électeurs. Il y a eu des
élections communales en 1840 ; le nombre des votants était de 1,334. En 1836,
lorsqu'il s'agissait du renouvellement total, il y en avait 1,498. Or, la
proportion totale pour tout le pays, d'après le rapport de M. Liedts, a été de
56 votants sur 100 électeurs. A Gand, il y a 1,732 électeurs ; combien y a-t il
eu de votants en 1839 ? 1312, et en 1836 où il s'agissait du renouvellement
complet, 1,666. Jugez si les électeurs des grandes villes ne vont pas aux
élections communales. Pour tout le pays, le nombre des électeurs qui vont aux
élections est de 56 pour 100, et à Gand vous en voyez tantôt 1,300, tantôt
1,600 sur 1,700, qui vont aux élections.
A Liége il y a 1433 électeurs : En 1839 combien y
a-t-il eu de votants ? 1092 et en 1836, quand il s'est agi du renouvellement
complet, il y en a eu 1303 ; il n'en manquait que 139. Et on dit que les
électeurs communaux des grandes villes ne vont pas aux élections ! C’est la
deuxième raison sur laquelle s'appuie le système du projet et de l'amendement
proposé.
Messieurs, on a dit que, quand les électeurs votent
en masse, ils sont assujettis à trop d'influences. Mais y a-t-il un fait plus
certain que celui-ci, que c'est dans les petits collèges qu'on peut exercer le
plus d'influence sur les électeurs, qu'ils sont plus exposés aux intrigues, à
dévier de leur conviction. En Angleterre, quelles plaintes n'a-t-on pas faites
contre les petits collèges, contre les bourgs pourris ?
Votre argument tomberait tout entier contre les
collèges électoraux des chambres. Pour les chambres il faudrait aussi
fractionner les collèges pour éviter les influences auxquelles les électeurs
peuvent céder. Chacun de vous n'a qu'à examiner ce qui se passe, les faits
qu'il connaît, et il verra si c'est dans les petits collèges ou dans les grands
que les électeurs sont les plus indépendants des influences qui les assiègent.
Un honorable membre a dit qu'il comprenait qu'il ne
fallait pas arriver à de trop petits fractionnements. J'ai déjà démontré à quel
fractionnement il faudra arriver dans la plupart des communes. Mais il faut
bien songer que les électeurs ne seront pas partagés également entre les
sections. Si la commune a huit cents électeurs et qu'elle soit divisée en huit
sections, il n'y aura pas cent électeurs par sections, telle section n'aura que
25 ou 40 électeurs ; la preuve je l'ai à la main.
Dans la ville d'Anvers, il y a une section qui n'a
que 62 électeurs à côté d'une autre où il y en a cinq à six cents. Le système
de M de Theux rend nécessaires les très petits collèges, même avec l'amendement
de MM. de Mérode et Rodenbach, car il proportionne le nombre des conseillers à
élire par chaque section, au nombre des habitants. N'est-il pas certain que
dans les quartiers de ville où la population pauvre est agglomérée, les électeurs
sont si rares que le collège électoral n'y formera souvent pas la quatrième ou
la cinquième partie de celui des autres sections ? Tout à l'heure je parlerai
de ce qui arrivera dans la ville de Bruxelles.
Un autre argument qu'on a employé dans le commencement
de la discussion, c'était de dire que les électeurs communaux ont trop de
conseillers à nommer à la fois. Messieurs, cet argument a servi en France à
l'adoption de cette disposition. On disait en France que les électeurs auraient
à élire un trop grand nombre de conseillers à la fois. Remarquez que la
législation française est différente de la législation belge. Les conseillers
communaux sont beaucoup plus nombreux en France qu'en Belgique. En France, dans
les communes de douze mille âmes il y a 23 conseillers ; chez nous 13. Dans
cette de trente mille âmes, il y a 36 conseillers en France, 21 chez nous.
En France, à cause du droit de dissolution, on est
quelquefois forcé de réélire tous les conseillers à la fois. Chez nous les
conseillers sont toujours élus par moitié. Ainsi, dans les vingt communes, sur
lesquelles porte l'amendement de MM de Mérode et Rodenbach, il y en a onze où
l'on ne nommera que six ou huit conseillers à la fois, quatre ou l'on en
nommera de huit à dix à la fois, deux où l'on en nommera à la fois de 12 à 14,
trois de quinze à seize. D'ailleurs, quand on nomme ce nombre de conseillers,
la lutte ne porte jamais sur toute la liste ; dans le renouvellement il y a
plus de la moitié des conseillers dont la réélection est certaine. La lutte ne
porte que sur un quart ou au plus la moitié de la liste. Les électeurs n'ont
donc pas à porter leur attention sur toute la liste.
Chez nous le maximum du nombre des
conseillers est de 31. Par conséquent, le maximum des membres à élire
lors du renouvellement par moitié est de 16. Jamais 16 nominations ne seront
réellement remises en question Il n'y aura jamais qu'une parties des 16 noms
sur lesquels portera véritablement la lutte électorale. On a dit que dans les
grandes villes on ne connaissait pas les candidats. Cet argument s'appliquerait
à plus forte raison aux élections pour les chambres. Si on ne connaît pas les
candidats dans les grandes villes, on les connaît bien moins dans les
arrondissements. Mais cela est-il vrai en fait ? Je mets en fait qu'il y a une
seule ville en Belgique, la capitale, où les habitants ne connaissent pas les
personnes qui ont quelque chance d'être appelées au conseil communal, qui ont
quelque aptitude à en être membres. Dans les autres grandes villes, à Gand, à
Liége, à Anvers, à Bruges, chaque électeur est à même de connaître les
personnes aptes à faire partie du conseil communal, ou qui se mettent sur les
rangs. Si on ne les connaît pas par soi-même, il ne faut pas une heure pour
avoir des renseignements en consultant ses amis ou ses parents. Quant à
Bruxelles, il est vrai que tout le monde ne se connaît pas. Mais vous ne
remédierez pas à cela par la division en quartiers, car à Bruxelles, souvent
d'une maison à l'autre on ne se connaît pas ; on s’ignore aussi bien que d'une
rue à l'autre, que d'un quartier à l'autre.
Si j'en juge par la composition du conseil communal
de Bruxelles, si ses membres ne sont pas connus de tous les électeurs,
certainement ils peuvent être connus en moins d'un jour par tous ceux qui
veulent se donner la peine de prendre auprès de personnes qui les environnent
des renseignements sur leur compte. Dans tous les cas, je dis que dans une
commune il sera toujours plus facile d'avoir des renseignements sur les
candidats au conseil communal que dans les campagnes, de connaître les
candidats pour les chambres. L'amendement offre d ailleurs a
peu près tous les mêmes inconvénients que le système primitif de M. de Theux.
C'est d'abord un pouvoir illimité donné au gouvernement de partager les
électeurs en tel nombre de sections qu'il voudra, depuis trois jusqu'à huit ;
de sorte que s'il veut faire de grandes et de petites sections, rien ne l'en
empêchera.
Il pourra découper la ville, comme il l'entendra,
choisir les parties les plus éloignées pour les réunir dans un même collège
électoral, séparer les plus rapprochées ; combiner en un mot comme il
l’entendra les éléments électoraux. Voici la disposition de M. de Theux :
« Dans les communes de 4000 habitants et
au-dessus, les élections se font par sections ; la répartition des conseillers
à élire est faite d'après la population.
« Le nombre et les limites des sections seront
fixés par arrêté royal, sur l’avis préalable (non pas conforme) du
conseil communal et de la députation permanente du conseil provincial ; le
nombre de sections ne pourra être inférieur à quatre.
« La première répartition du nombre de
conseillers entre les sections est faite par le Roi. La révision aura lieu de
la manière prescrite par l'art.19 de la loi communale et aux mêmes
époques. »
Remarquez le pouvoir extraordinaire donné ici au
gouvernement, celui de tracer les limites des circonscriptions électorales,
cela n’existe dans aucune partie de notre système électoral. Pour les élections
aux chambres, c'est la constitution elle-même qui dit que la subdivision des
provinces doit être déterminée par la loi. Pour le conseil provincial, c'est la
loi provinciale elle-même qui, par un tableau qui y est annexé et qui a été
voté par la législature, a déterminé la circonscription électorale. Et cela se
conçoit ; tracer les délimitations électorales, c'est faire en quelque sorte
l'élection. Laissez-moi tracer la limite des circonscriptions électorales, soit
entre les quartiers, s'il s'agit des élections communales, soit dans les cantons,
s'il s'agit des élections provinciales, soit dans les arrondissements, s'il
s'agit des élections des chambres, je dis que c'est presque m'abandonner
l'élection même. La délimitation des arrondissements électoraux est
presque aussi importante que la fixation du cens électoral. Laisser au
gouvernement le droit absolu d'établir la division des collèges électoraux,
c'est à peu près autant que si vous lui laissiez fixer le cens électoral.
On m'a répondu que le gouvernement avait bien reçu
de la loi de 1836 le droit de déclarer quelle était la population des communes
et qu'il n'en a pas abusé. En effet, la loi de 1836 attribue aux communes un
nombre de conseillers proportionné à la population, et elle dit que le
gouvernement publiera le tableau de la population pour appliquer la loi. Quel
est ce pouvoir ? De déclarer ce qui existe ; le gouvernement ne peut changer ce
qui est notoire, mais ici c'est un droit de délimitation qu'il s'agit de donner
au gouvernement. On veut argumenter de ce que le gouvernement déclare la
population des communes pour lui donner le droit de déterminer la
circonscription électorale ; en vertu de ce droit le gouvernement établira de
grandes et de petites sections, amalgamera les électeurs comme il le voudra. Je
demande s'il y a la moindre comparaison à établir.
Ainsi cette faculté, si importante, de tracer des
limites électorales, on la compte pour rien ; et cependant un instant après on
est forcé de convenir que cela est plus important que la loi même. L'honorable
M. de Theux a laissé au gouvernement le droit de faire la première
délimitation, mais il ajoute : « La révision aura lieu de la manière
prescrite par l'art. 19 de la loi communale et aux mêmes époques. »
Or quel est cet article 19, quelles sont ces époques
? Voici l'art. 19. « Art. 19. La première classification des communes,
conformément aux art. 3,4 et 7 de la présente loi,
sera faite par le Roi, d'après les états de population.
« Tous les douze ans, dans la session qui
précédera le renouvellement des conseils communaux, le pouvoir législatif,
d'après les états de population, déterminera les changements à apporter aux
classifications précédentes. »
Ainsi d'abord la délimitation des collèges
électoraux des communes n'était rien, et voici une disposition qui prouve toute
l'importance qu'on y attache. On veut qu'une fois faite, vous vous
engagiez à ne pas y toucher avant 12 ans ! C'est donner à cette mesure une
importance exceptionnelle, c'est y donner une importance presque
constitutionnelle. Je ne sais s'il y a d'autres lois auxquelles vous
vous soyez engagés à ne pas toucher avant douze ans. Cela ressemble beaucoup à
la proposition qui avait été faite de nommer les bourgmestres à vie ; c'est le
même esprit. C'est dire, cette année-ci, il faut donner au gouvernement le
pouvoir de faire le plus possible ; une fois l'année passée, comme on ne sait
pas ce qui peut arriver, immobilité complète. On ne peut dissimuler que de
pareilles dispositions donnent à la loi un caractère de loi de parti. Une
mesure qui est bonne, aujourd'hui qu'on a de l'influence, sera détestable quand
on l'aura perdue.
Remarquez que vous avez toujours le droit de séparer
ou de réunir deux communes, et vous ne pourrez réunir deux quartiers. Cependant
les communes ont une existence ancienne ; les quartiers auront des divisions
qui dateront de 1842, et vous ne pourrez changer cette division d'ici à douze
ans !
Il y a encore une autre contradiction. Le
gouvernement aurait un pouvoir illimité pour les villes, il pourrait les
fractionner en autant de sections qu'il voudrait combiner la matière électorale
comme bon lui semblerait ; mais s'agit-il des campagnes, vous croyez que cela
est moins important ? Non, pour les villes, le pouvoir peut en faire tout ce
qu'on veut ; mais pour les villages, le fractionnement ne peut avoir lieu que
sur la demande de la députation provinciale. Vous conviendrez que la loi a
encore ici le même caractère. N'est-ce pas dire qu'on a intérêt à changer la
majorité dans les villes et à laisser ce qui existe dans les campagnes ?
On nous dit : ne vous inquiétez pas, ce sont les
anciennes sections telles qu'elles existent depuis des siècles qui seront
conservées. Quand j'ai demandé où cela était écrit, personne n'a pu le dire. Il
ne s'agit pas dans la disposition des anciennes sections, le gouvernement
pourra faire ce qu'il jugera convenable. Il n'est dit nulle part qu'il doit
avoir égard aux anciennes divisions. Remarquez qu'il faut bien croire qu’on n'a
pas même voulu des anciens quartiers, car on a eu soin d'effacer de la loi
française la disposition qui pouvait laisser croire qu’il s'en agissait. La loi
française porte, art. 44, § 3 : «La division en sections se fera par quartiers
voisins et de manière à répartir également le nombre des votants, autant que
faire se pourra, entre les sections. » On a retranché cela ; donc on ne
veut pas que le gouvernement mette les voisins ensemble.
On veut qu'il puisse amalgamer ensemble les
électeurs de quartiers éloignés. Si l'on ne veut pas cela, il n'y a aucune
raison pour ne pas adopter la disposition entière de la loi française. En
France la disposition est infiniment moins vague que celle qu'on vous propose.
Je fais une grande différence entre cette disposition et celle dont il s'agit
aujourd’hui. Je les trouve mauvaises l'une et l'autre, mais comparez-les, et
vous venez que le pouvoir du gouvernement en ce qui concerne les électeurs est
bien plus limité dans la loi française que dans la proposition de M. de Theux.
La loi française porte :
« Art. 44. Dans les communes qui ont 2,000 âmes
et plus, les électeurs sont divisés en sections.
« Le nombre des sections sera tel que chacune
d'elles ait au plus huit conseillers à nommer dans les communes de 2,500 à
10,000 habitants ; six dans celles de 10,000 à 50,000 ; et quatre dans celles
dont la population excède ce dernier nombre.
« La division en sections se fera par quartiers
voisins et de manière à répartir également le nombre des votants, autant que
faire se pourra, entre les sections. »
Ainsi, messieurs, vous voyez qu'il y a deux
changements, et deux changements très considérables, très importants dans la
proposition de l'honorable M. de Theux.
En France, il faut d'abord des quartiers voisins, le
gouvernement ne peut pas réunir des parties éloignées d'une ville. En second
lieu, et c'est ce qui est plus important encore, en France il faut que les
quartiers soient combinés de telle manière qu'il y ait un nombre égal
d'électeurs dans chaque section ; vous comprenez quelle différence il y a entre
ce système et celui en vertu duquel on pourrait donner certaines proportions
arbitraires aux quartiers. L'honorable M. de Theux veut l'égalité des collèges
électoraux ; d'après lui les conseillers ne sont pas répartis entre les
sections selon le nombre des électeurs, mais ils le sont selon la population ;
c'est-à-dire qu'il crée des échevins privilégiés. Les quartiers les plus
populeux, ce sont les quartiers pauvres et ceux qui ont le moins d'électeurs,
ce sont ceux-là auxquels l'honorable M. de Theux donne le plus de conseillers.
Moins un quartier aura d'électeurs, en quelque sorte, et plus il aura de
conseillers à élire.
Il y aura tel quartier qui ne fournit pas 40
électeurs et qui nommera plus de conseillers que tel autre quartier qui fournit
3 ou 4 cents électeurs, C'est là la création de bourgs-pourris dans la commune.
Si les villes doivent être fractionnées el si elles
doivent répartir le nombre de leurs conseillers d'après la population, il faut
changer le cens électoral dans les villes ; il faut établir un cens inégal dans
les différents quartiers. Le cens égal, avec des députations réparties d'après
la population, est une anomalie dans votre système électoral. Si vous voulez
que les quartiers élisent d'après leur population, il faut, pour être
conséquent avec notre système électoral, proportionner le nombre des électeurs
à la population. Il faut, par conséquent, établir le cens inégal d'après la
richesse des quartiers ou, comme en France, prendre les plus imposés dans une
proportion déterminée de la population.
Comme j'aime à raisonner sur des faits, je vais vous
donner une idée de ce qui arriverait par l'application de la loi que nous
discutons.
Dans la ville de Bruxelles (je suppose qu'on ne
change rien aux quartiers, qu'on adopte les anciens quartiers comme ils
existent), dans la ville de Bruxelles, il y a huit quartiers ; puisqu'on permet
qu'il y ait huit sections comme maximum ce sera nécessairement dans la
ville de Bruxelles qu'il y aura huit sections. La deuxième section est une des
parties les plus pauvres de la ville ; c'est celle comprise entre la rue Haute
et
Ainsi, messieurs, suivant qu'on demeurera à
Bruxelles dans un quartier ou dans un autre, suivant même qu'on habitera un
côté de la rue ou l'autre, on aura une valeur électorale trois ou quatre fois
plus grande. Un électeur du Parc ou de la rue de
Je me hâte de dire, messieurs, que ces inégalités,
qui se manifestent à Bruxelles, seront des moindres, et qu'il y aura
nécessairement des villes où il y aura une bien plus grande disproportion. Il y
aura probablement des villes où un quartier aura 3 ou 400 électeurs et
l'autre 30 ou 40, et ce dernier pourra nommer autant, peut-être plus de
conseillers que l'autre. Je demande ce que deviendra la position d'un
conseiller qui appartiendra à un de ces bourgs pourris où une vingtaine
d'électeurs font la majorité ? Mais il sera dans une dépendance continuelle à
l'égard des électeurs. Ainsi, s'il a bâti une maison, et s'il prend un maçon
étranger à son quartier, tous les maçons de ce quartier voteront contre lui et
le feront sortir du conseil. Force lui sera de prendre son plafonneur, son
marbrier, son menuisier, dans son quartier : qu'il se garde bien d'avoir un
tailleur d'un autre côté de la ville ; s'il a besoin de bière, qu'il ait bien
soin d'en prendre au brasseur de son quartier ; sans cela pas de réélection.
Savez-vous quel sera l'homme tout-puissant dans ce quartier ? Ce sera celui qui
emploiera une dizaine de métiers, un entrepreneur en bâtiments, par exemple,
qui emploie des plafonneurs, des marbriers, des serruriers, il disposera dans
son quartier des voix nécessaires, ce sera l'homme nécessaire ; s’il ne veut
pas être conseiller il en fera.
Dans ces quartiers-là, messieurs, il n'y a plus même
secret du vote ; on se connaîtra ; on se comptera dans un aussi petit cercle.
On a dit qu'il existe des communes où il n'y a que
25 électeurs. Oui certainement, cela arrive pour ces communes. Mais ces
communes d'abord sont des communes très malheureusement situées quant à
l'administration ; ce sont des communes pauvres et qui offrent de grands
obstacles à une bonne administration, mais qu'il ne faut pas prendre pour
modèle. On a dit de tout temps que la position administrative dans laquelle se
trouvent ces communes est une position très fâcheuse. Faut-il créer ces
inconvénients ailleurs ? Ne savons-nous pas que c'est dans les petites
localités qu'il existe le plus de divisions, non pas seulement de divisions
politiques, mais de divisions qui prennent leur source dans des intérêts
beaucoup plus insignifiants, dans de très petites passions. Ce qui existe sous
ce rapport dans ces petites localités on veut l'importer dans les grandes
communes qui en étaient exemptes.
Messieurs, on nous a dit : ce que vous critiquez
dans les communes, existe pour les chambres. Pour les chambres, les électeurs
ne sont pas réunis à Bruxelles ; il faut les fractionner. Oui, il le fait,
précisément, cela est nécessaire ; il serait impossible d'en agir autrement. Si
on faisait faire toutes les élections â Bruxelles, les électeurs bruxellois
connaîtraient-ils les candidats que présenteraient les électeurs de Bruges ?
Pour la province c'est la même raison. Si tous les
électeurs de ma province se réunissaient pour nommer les conseillers
provinciaux, je n'aurais pas d'opinion à émettre sur des candidats que je ne
connais pas, sur des personnes d'Ypres ou de Courtray qui me sont inconnues ;
mais je peux émettre une opinion sur les candidats de la ville que j habite,
parce qu'ils me sont connus.
Pour les chambres, pour les conseils provinciaux, il
y a donc nécessité de fractionner, parce qu'on ne connaît pas les personnes
d'un arrondissement à l’autre, d'une province à l'autre. Mais dans les villes,
en Belgique, tout le monde se connaît, tous ceux qui ont des chances d'être
portés au conseil communal, sont connus.
On vous a parlé, messieurs, de l'Angleterre et on
vous a dit que sir Robert Peel avait approuvé la disposition que nous
discutons, ainsi que M. Stanley et lord John Russel. J'ai fait à cet égard une
prière à laquelle on n'a pas répondu, j'ai demandé le texte de la loi dans
laquelle se trouve la disposition ; on s'est refusé à me le communiquer.
Cela me fait soupçonner que ceux qui ont cité cette
loi ne la connaissent pas très bien eux-mêmes ; je crois qu'ils ne connaissent
pas la législation communale anglaise, tout entière telle qu'elle existe. Et ce
n'est pas étonnant. Il y a extrêmement peu d'Anglais, je ne sais même s'il y en
a qui puissent vous dire quelle est dans son ensemble la législation communale
anglaise. Cette législation, c'est une grande bigarrure ; et sous plusieurs
rapports c'est encore le moyen âge. Savez-vous qu'il y a des communes où il n'y
a pas d'administration communale, pas ce qu'on appelle en Angleterre une
corporation municipale, où il n'y a pas de lord maire ? Vous croyez qu'il y a
un lord maire à Londres ? Il y a un lord maire pour la partie de Londres qu'on
appelle
Le maire n'est en général qu'un magistrat annuel ;
ordinairement au bout de l'année il se retire et est remplacé par un des aiderman ses collègues. Mais il y a une si grande
différence dans les usages des diverses villes, qu'il est presque impossible de
donner une idée exacte de l'administration communale anglaise.
Or, voici ce que le ministère whig, dans sa réforme,
a voulu faire. Il n'a pas voulu faire un code communal tout entier comme nous
en avons fait un, mais il a voulu réformer quelques-uns des abus les plus criants
qui se présentaient dans certaines villes. Bien que ce fût un ministère whig,
il a eu peur d'aller trop loin ; il a compris qu’il existait des usages
séculaires et des corporations aux droits desquelles il était extrêmement
difficile de toucher.
Il y avait dans la chambre des communes un parti qui
voulait aller au-delà, qui voulait faire quelque chose de semblable à ce qui
existe ici et ailleurs.
Messieurs, qu'est-il arrivé ? c'est
que le ministère de lord John Russell a été naturellement appuyé contre ce
parti par sir Robert Peel et lord Stanley qui sont les grands conservateurs de
l'Angleterre, non pas des conservateurs qui veulent tout bouleverser, mais qui
veulent des modifications modérées qui soient de nature à concilier les
diverses opinions, alors que des modifications sont réellement nécessaires.
L’esprit de la réforme communale anglaise, d'après
les renseignements qu'on m'a donnés, n'est pas du tout de fractionner davantage
les communes et leur administration ; au contraire, l'esprit de cette réforme
est de fondre davantage les communes, de les rapprocher davantage de l'unité,
de resserrer les liens qui unissent les diverses parties de la commune, mais on
n'a pas voulu aller au-delà du possible, c'est l'esprit de plusieurs autres
lois du ministère whig, entr'autres de la loi sur les pauvres.
On veut, messieurs, d'une part, que chaque quartier
d'une commune ait ses représentants spéciaux au conseil, et d'un autre côté on
propose de porter à 8 ou 9 ans la durée du mandat des conseillers ; mais ne
voit-on pas ce qui va arriver ?
Au bout de 8 ou 9 ans, une partie des conseillers
auront changé de domicile ; ainsi moi, par exemple, depuis que je suis membre
du conseil communal de Bruges, j'ai changé de quartier : l'ancien bourgmestre
de la même ville a habité deux quartiers différents pendant qu'il était
bourgmestre, et lorsqu'il est mort, il allait, je crois, en habiter un
troisième ; nous n'avons plus l'immobilité des anciens temps, lorsqu'une
famille habitait souvent pendant plusieurs siècles une même maison. Il arrivera
donc très souvent qu'avant l'expiration de leur mandat de huit ans les
conseillers ne seront plus du quartier qu'ils sont chargés de représenter ; et
qu'élus par un intérêt, pour me servir des paroles de M. le ministre de
l'intérieur, ils seront devenus les représentants de l'intérêt rival ou opposé.
On a aussi perdu de vue, messieurs, qu'il est bien
des dispositions de la loi communale qui devraient être modifiées pour être en
harmonie avec la disposition proposée. J'appelle d'abord votre attention sur
l'art. 7, qui porte que, pour être électeur, il faut avoir son domicile dans la
commune, au moins depuis le 1er janvier. Je demande maintenant si, pour être
électeur d'un quartier, il faudra aussi avoir son domicile dans ce quartier depuis
le 1er janvier, ou seulement depuis le jour où l’on fait les listes ? C'est là
une question que la loi doit décider. Ensuite comment constaterez-vous que tel
électeur a réellement son domicile dans tel quartier ? Je conçois que l'on
puisse aisément constater dans quelle commune un individu a
son domicile, mais pour les quartiers, la fraude me paraît plus facile.
Lorsqu'un négociant demeurera dans une rue et qu'il aura ses magasins dans une
autre, pourra-t-il choisir celui des deux quartiers auquel il voudra appartenir
? Beaucoup de personnes voudront être domiciliées dans un quartier où il n'y
aura que 30 ou 40 électeurs, alors qu'il y en aura 2 ou 300 dans les autres
quartiers. Il y aura bien des tentatives de fraude, soit de la part des
électeurs, soit d'autre part.
Ensuite, messieurs, l'article 51 porte : les membres
du conseil ne peuvent être parents ou alliés jusqu'au troisième degré
inclusivement. Si des parents ou alliés à ce degré sont élus au même tour de
scrutin, celui qui a obtenu le plus de voix est le seul admis ; en cas de
parité de suffrages, le plus âgé est préféré. Qu'arrivera-t-il si deux proches
parents sont élus en même temps par deux collèges de quartier ? On ne pourra
pas dire qu'ils ont été élus au même tour de scrutin et que celui qui a obtenu
le plus de suffrages doit l'emporter ; on ne pourra pas non plus s'en rapporter
à l'âge, car il n'y aura pas parité de suffrages. Il faut donc une disposition
nouvelle dans la loi pour dire lequel des deux sera exclu du conseil. Vous
voyez combien le projet de loi est incomplet.
Il y a encore d'autres dispositions à changer dans
la loi ; je ne les citerai pas toutes. L'article 14 règle la publication des
listes électorales ; aujourd'hui il ne suffira plus de publier les listes
électorales par communes, il faudra les publier par quartier et il faudra en
faire l'obligation dans la loi ; car l'électeur doit aussi avoir la faculté de
réclamer s'il est porté dans un quartier, alors qu'il habite dans un autre ; il
faut donc encore compléter la loi sous ce rapport.
On vous a déjà dit ce qu'il y aura de bigarrures
pendant 3 ans, dans la composition du conseil jusqu'à ce que le conseil entier
ait été renouvelé. Il y aura des conseillers nommés par les quartiers qui
siégeront à côté d'une autre moitié nommée par la commune ; je crois que
pendant trois ans les premières auront plus d'une fois à souffrir de leur
position.
C'est là ce qui va exister jusqu'en 1845. Mais on
n'a pas prévu un autre inconvénient. Cette année, toutes les sections feront
des élections, dit M. de Theux ; une section qui doit élire quatre conseillers
renfermera, je suppose, les quatre hommes les plus recommandables du conseil ;
cette section désire que ces hommes continuent à faire partie du conseil, mais
aucun d'eux ne sort cette année, il faudra donc bien qu’elle en choisisse deux
autres, et au prochain renouvellement, lorsque les quatre conseillers qu'elle
aurait voulu maintenir sortiront, elle devra forcément en écarter deux, parce
qu'elle n'a que deux nominations à faire à chaque élection. Ainsi, voilà un
quartier qui se trouve dans la nécessité d'écarter du conseil deux hommes qu'on
préfère à tous les autres.
Il y a encore un article de la loi qui ne sera pas
en harmonie avec la disposition proposée, c'est celui qui établit la permanence
des listes. Vous êtes obligés cette année de faire de nouvelles listes ; vous
êtes obligés de faire des listes par quartiers. Maintenant il faut dire si,
quand on fera les listes par quartiers, on prendra seulement les électeurs qui
figurent sur les listes générales, faites le 1er avril, ou bien si l'on
admettra tous les électeurs qui feront valoir leurs droits au moment où
l'on fera les listes nouvelles.
Je demanderai (et c'est encore là une disposition à
insérer dans la loi) quand sera publiée cette liste par quartier. La ferez-vous
publier cette année quelques jours seulement avant les élections, ou bien
fixerez-vous un délai entre la publication de la liste et les élections ? Il
est incontestable que les électeurs doivent être informés à temps, non
seulement du nombre de conseillers qu'ils ont à élire, mais encore du nombre
d'électeurs qu'il y a dans leur section. Il faut même qu'ils puissent réclamer
contre les erreurs. Il est donc encore indispensable que la loi fixe une époque
pour la publication des nouvelles listes, et qu'elle laisse la faculté de
réclamer contre les erreurs.
Il y a plus, messieurs, je doute beaucoup que vous
ne dussiez changer l’époque des élections, car je crois qu'avec la loi nouvelle
il sera impossible de faire cette année les élections à l'époque voulue. En
effet, il faut d'abord que le gouvernement prenne l'avis des conseils communaux
et des députations permanentes sur la division des quartiers. Vous sentez bien
que les conseils communaux ne seront pas tous très grands partisans du
fractionnement et que cela donnera lieu à des discussions ; vous devez donc
accorder au moins une quinzaine de jours aux conseils communaux pour donner
leurs avis ; je suppose que la loi soit promulguée au commencement de juillet,
nous voilà donc au 15 ou au 20 juillet ; la députation permanente doit avoir le
temps de donner son opinion sur les avis des conseils communaux et nous
arrivons ainsi à la fin de juillet ; le gouvernement doit ensuite examiner tous
ces avis et arrêter la délimitation des sections de chaque commune ; eh bien
pour cela je mets encore 15 jours ; ce n'est pas beaucoup ; nous voilà au 15
août. Or il faut un délai de 3 mois, si je ne me trompe pour les réclamations
qui peuvent être faites contre les listes électorales ; d'après la loi il faut
2 mois et demi, pour arriver à la cour de cassation et s'il y a cassation il
faut 3 mois et demi. Or, comme il s'agira de conférer un mandat de huit ans, il
faut bien que tout électeur ait le temps de faire valoir ses droits avant les
élections, il faut donc bien laisser le temps à la décision d'arriver. On ne
peut pas décider après les élections faites par un droit qu'il n'exercera plus
que dans huit ans. Il sera donc bien difficile que les élections puissent avoir
lieu à l'époque ordinaire qui est le mois d'octobre.
Messieurs, on n'a rien répondu aux calculs que je
vous ai soumis pour prouver que dans le système proposé la minorité électorale
de la commune pourra l'emporter sur la majorité. Dans ces calculs, j'étais
resté en deçà de la vérité, parce que j'ai supposé des quartiers égaux quant au
nombre d'électeurs et que j'ai supposé que les quartiers élisaient un même
nombre de conseillers ; cependant je suis arrivé à faire voir que la minorité
des électeurs pourrait nommer la majorité des conseillers, mais je n'ai pas été
assez loin ; la minorité qui pourra nommer la majorité des conseillers est
beaucoup plus petite que je ne l'ai dit, et je vais le prouver.
Je suppose 1,200 électeurs
et 8 sections ; je suppose 4 sections de 100 et 4 sections de 200 électeurs,
élisant chacune le même nombre de conseillers ; pour avoir la majorité, il
suffit de l'avoir dans les 4 sections de 100 et dans une section de 200
électeurs ; la majorité dans 4 sections de 100 est de quatre fois 51, ou 204 ;
la majorité dans une section de 200 est 101, ce qui fait 303 voix.
Grâce à l'inégalité des collèges quant aux
électeurs, une minorité de 303 voix pourra, dans une commune où il y aura 1,200
électeurs, décider de la composition de la majorité du
conseil.
Dans une commune où il y aura 2,400 électeurs et 8
sections, je suppose 3 sections de 1.00 électeurs chacune ; 2 sections de 300
et 3 sections de 500. Pour avoir la majorité, il suffit d'obtenir 51 suffrages
dans les trois sections de 100 électeurs, et 151 dans chacune des deux sections
de 300, 3 sections ensemble 453 suffrages. Ainsi, dans une commune où il y a
2,400 électeurs, la majorité dépend réellement de 453 voix, ce qui ne fait pas
le 5ème des électeurs.
Maintenant, je suppose une commune plus petite, je
suppose 400 électeurs et 4 sections seulement. Vous pouvez avoir dans deux
sections 40 électeurs, dans une autre 120, et dans la 4ème 200. Pour
avoir la majorité des suffrages, il suffira ici de réunir 21 voix dans chacune
des sections de 40, et 61 dans celle de 120, ensemble 103, le quart des
électeurs.
Mais ces calculs ont le tort de ne pas aller assez
loin, car l'honorable M. de Theux n'établit pas seulement l'inégalité des
collèges, quant au nombre des électeurs, mais il établit une seconde inégalité
greffée sur la première. Ces collèges nommeront d'autant plus de conseillers
que la population du quartier sera plus grande, c'est-à-dire que le quartier
sera plus pauvre, et auront moins d'électeurs.
Voici ce qui pourra arriver dans une ville où il y a
700 électeurs. .Je la suppose divisée en 5 sections : deux sections pauvres
peuvent avoir plus de population que les trois autres ; elles nommeront par
conséquent la majorité des conseillers. Il n'y aura peut être que 50 électeurs
dans chacune des deux premières sections, tandis qu'il y en aura 200 dans
chacune des 3 autres. Ainsi, on aura la majorité dans le conseil, si on
l'emporte dans les deux sections de 50 électeurs. Or, pour avoir cette majorité
il ne faut que 26 voix dans chacune, ensemble 52 voix, Ainsi dans une ville où
il y aura 700 électeurs, 52 voix, c'est-à-dire la quatorzième partie du corps
électoral, décideront de la composition de la majorité du conseil.
D'après ce système, ce n'est pas seulement la minorité
des électeurs qui triomphe de la majorité, mais la minorité des sections
l'emporte également ; deux sections pauvres triomphent de trois sections qui
ont beaucoup plus d'électeurs.
A Bruxelles (j'ai fait ces calculs d'après les
renseignements qui m’ont été fournis par un membre de l'administration
communale), à Bruxelles, voici comment se partagent les sections :
La 1° section à 297 électeurs sur 16,000 habitants.
La 2° section à 237 électeurs sur 18,500 habitants.
La 3° section à 337 électeurs sur 18,736 habitants.
La 4° section à 318 électeurs sur 11,982 habitants.
La 5° section à 516 électeurs sur 10,957 habitants.
La 6° section à 299 électeurs sur 15,000 habitants.
La 7° section à 490 électeurs sur 10,300 habitants.
La 8° section à 562 électeurs sur 12,392 habitants.
(Total des électeurs : 3,052 ; total des habitants :
113,767)
Il arrive que les quatre sections qui ont le moins
d'électeurs font la majorité. Il y a à Bruxelles 3,052
électeurs ; les 4 sections de Bruxelles les plus pauvres et qui ont ensemble
1,147 électeurs sur 3,052, nommeront la majorité du conseil, et les quatre
autres sections qui ont 1,905 électeurs, ne peuvent élire que la minorité.
Ainsi, messieurs, dans les quatre sections pauvres
de Bruxelles, il est certain que 574 électeurs qui forment la majorité de ces
quatre sections, nommeront la majorité du conseil communal de la capitale où il
y a 3052 électeurs. C'est une minorité qui ne fait guère plus que la sixième
partie du corps électoral.
On va me dire, comme on l'a déjà fait, que s'il y a
une opinion qui a 574 voix dans les quartiers pauvres, elle aura encore
quelques voix dans les autres quartiers. Cela est possible, et même probable ;
mais peu importe qu'elle en ait ou qu'elle n'en ait pas, qu'elle en ait
beaucoup ou peu ; le fait est que la majorité sera déterminée par 574 électeurs
formant la majorité dans les quatre sections pauvres. Les autres sections
feront ce qu'elles voudront, elles ne parviendront pas à changer cette
majorité.
Messieurs, je crois que quand une loi électorale
donne de pareils résultats, il devient inutile de pousser la discussion plus
loin, on peut la vouloir ou ne la pas vouloir, mais il me semble que si on
passe sur d'aussi énormes inconvénients la discussion est oiseuse, car
certainement il y a plus de raison pour rejeter une loi électorale, quelle
qu'elle soit, si l'on consent que la majorité puisse être dominée, par une
minorité, formée d'un cinquième, comme dans l'exemple que j'ai cité, ou d'un
quatorzième dans la supposition que j'ai faite et qui peut aussi se réaliser.
Messieurs, dans ce moment, le pouvoir, dans aucun
pays de l'Europe, n'ose faire la guerre au principe électif ; depuis bien des
années, dans plusieurs pays, les lois nouvelles ont cherché au contraire à
l'étendre.
Quant à moi, je crois que c'est là calomnier la
nation, qu'il n'y a pas de nécessite pour le moment de changer la loi
électorale de la commune, et de donner au gouvernement le droit de pétrir la
matière électorale des communes selon son bon plaisir.
Si, messieurs, une loi qui doit avoir pour résultat
de mettre une minorité d'un quart, d'un sixième, d'un quatorzième au-dessus de
la majorité ; si une pareille loi devait être adoptée, n'aura-t-on pas raison
de dire que cette loi a été faite dans un esprit hostile aux villes, hostile au
principe électif, et que dès lors, il y a lieu de redouter
qu'une autre loi électorale, celle qui règle la composition des chambres, ne
soit bientôt atteinte des mêmes coups ?
(Moniteur
belge n°167, du 16 juin 1842) M. Dubus (aîné). – Messieurs, l'article maintenant en discussion est celui qui a fait le
véritable objet de la discussion générale ; c'est cet article qui a été attaqué
et défendu dans les séances précédentes. J'ai écouté avec attention cette
discussion, l'attaque a été des plus violentes.
Cette proposition, vous a-t on dit, c'est la guerre
aux villes, c'est un mouvement en arriéré, c’est une mesure réactionnaire,
c'est une monstruosité, c'est une absurdité, c'est un mensonge.
Messieurs, je crois qu'on a épuisé le vocabulaire,
pour qualifier cette proposition. J’avoue qu’elle ne m’avait semblé mériter
aucune de ces qualifications, lorsque je l’avais examinée, ; et quand j’ai
écouté les raisons qu’on a produites pour justifier toutes ces attaques, je
n’ai trouvé au fond de ces raisons autre chose qu’une attaque dirigée contre la
constitution et contre notre loi électorale actuelle.
Il y a une chose qu’on n’a pas dite : on n’a pas dit
que la mesure proposé était sans exemple dans les pays civilisés ; on ne l’a
pas dit, précisément parce que l’honorable auteur de la proposition avait cité
l’exemple de
Ainsi, messieurs, la mesure existe ailleurs ; ainsi
dans les pays les plus constitutionnels et les plus civilisés, on a fait la guerre aux villes, on a
adopté ce système monstrueux, ce
système réactionnaire, on a fait ce
pas rétrograde.
Il faut convenir que ces exemples doivent faire
éprouver quelqu’embarras aux honorables membres qui
ont poussé l’exagération de l’attaque jusqu’à ses dernières limites contre une
mesure qui a été admise, ailleurs, comme une amélioration du système électoral.
Ce système, messieurs, a d’abord été admis en France
par la loi de mars 1831. Ce système prétendument si illibéral,
on l’a présenté comme le système le plus libéral, parce que c’était celui qui
amenait pour résultat une représentation plus vraie de la commune dans le
conseil, que c’était lui qui amenait une représentation plus conforme aux
intérêts communaux séparés de la question politique, qui ne doit pas prédominer
dans les élections communales. Et cela a été admis ainsi, pour ainsi dire à
l’unanimité. Aucun de ceux qui défendent habituellement les intérêts
démocratiques, je dirai même les plus exagérés, n’a attaqué la mesure sous les
différents points de vue sous lesquels on l’attaque aujourd’hui. Une majorité immense,
la presque unanimité a accueilli la loi avec la disposition dont il s’agit ; et
encore, s’il y a eu une minorité, ce sont d’autres dispositions de la loi qui
ont donné lieu aux principales discussions.
Voilà, messieurs, l’exemple de
J’ai parcouru le chapitre de cet ouvrage où cet
auteur devait juger la mesure dont nous nous occupons maintenant, et je dois
dire que je n’ai pas rencontré la censure dont on parle. Le Moniteur n’a pas reproduit le passage
cité, de sorte que je n’ai pas pu juger s’il était applicable.
M. Dolez. – c’est à la page 165.
M. Dubus (aîné). – Je dirai quel est le système de ce M. Bechart
dont on invoque l’autorité. S’il trouve à dire à la loi française, vous croyez
peut-être que c’est à cause du fractionnement des collèges ? Pas du tout ; il a
critiqué la loi parce qu’elle ne reconnaît pas le vote universel ; il l’a
critiquée encore parce qu’on vote au scrutin secret ; il la critique, parce
qu’on exige un serment des électeurs, afin de s’assurer que les électeurs
viennent prendre part au vote avec des opinions nationales. Je vous citerai un
passage de cet auteur.
« Une réforme électorale, appuyée sur le double
principe de la représentation et du mandat, doit devenir la première assise de
l’édifice municipal, qui est lui-même le fondement de l’édifice social ; or,
nous ne concevons pas de représentation possible sans le vote universel combiné
avec le principe d’association. »
Quant à son principe d'association, il s'en
explique dans un autre endroit ; il regrette la suppression des corps et
métiers.
Voilà le système de ce publiciste dont on a invoqué
l’autorité. Je ne jugerai pas son système, mais je ferai remarquer que s’il se
plaint, c’est parce qu’il veut autre chose que ce qui est, c’est qu’il veut une
révolution ou une contre-révolution en France. Ainsi, quoiqu’on en ait dit, la
disposition de la loi française n’a pas été jugée par le publiciste dont il
s’agit. Il a seulement témoigné qu’il voulait autre chose que ce qu’on a voulu
en France.
En Angleterre, messieurs, où l’on vous dit que le
système communal présente tant de bigarrures, c’est précisément la bigarrure
qu’on a fait cesser par la réforme de 1835. On a établi partout l’élection directe des conseils communaux. Je pense
qu’alors qu’on l’établissait partout, ce n’était pas une bigarrure comme on l’a
dit.
Or, c’est de l’élection des conseillers qu’il est
question dans la mesure proposée par mon honorable ami M. de Theux. Mais en
proposant l’élection directe, le cabinet qui était un cabinet whig a proposé
relativement aux villes de 25 mille habitants et au-dessus, que le collège
électoral fût fractionné en sections qui chacune élirait un certain nombre de
conseillers. Voilà bien, je pense, le système qui est maintenant en discussion,
sauf que, d’après la proposition du cabinet anglais, la disposition n’était
étendue qu’aux villes de 25 mille habitants. Vous croyez peut-être, attendu que
c’était un cabinet whig qui faisait la proposition, et que là où l’on se divise
en partis politiques on doit trouver une mesure mauvaise, dès que c’est le
parti opposé qui la propose, vous croyez peut-être qu’on s’est opposé à la
mesure ? Au contraire, on l’a trouvée bonne parce qu’elle était justifiée par
les motifs mis en avant pour l’appuyer ; mais en se fondant sur les motifs
eux-mêmes, on a fait remarquer qu’il fallait l’étendre à d’autres communes
qu’aux communes de 25 mille habitants. Et je citerai sur ce point, d’après une
traduction qu’un honorable ami a bien voulu faire, les paroles des principaux
orateurs du parlement anglais.
Lord Stanley disait que, d’après le projet, toutes
les villes renfermant moins de 25 mille habitants devraient choisir leur
conseil par une seule élection. Il pensait que l’effet de cette seule disposition
serait de permettre à la simple majorité d’une opinion politique que de nommer
tous les membres du conseil et d’exclure une minorité imposante et probablement
respectable et éclairée. Il priait son noble ami (lord John Russel) de dire si
ses intentions ne seraient pas mieux remplies en étendant la mesure à toutes
les villes considérables et en donnant à chaque section le droit de nommer
comme conseillers ceux dont les opinions coïncident avec les voix de la
majorité de cette section : de cette manière toutes les opinions seraient
convenables représentées. En outre, ajoutait-il, dans les cas de vacature par
décès ou de quelqu’autre manière, l’élection n’aurait
lieu que dans la section ; là se bornerait le mouvement, si mouvement il y a,
et le reste de la ville resterait dans le calme.
Vous voyez, messieurs, qu’on ne s’appuyait pas sur
la circonstance qu’il y avait nécessité de se diviser alors que le nombre des
électeurs est trop considérable. Le véritable motif, le motif principal, le
motif radical de la mesure, est d’obtenir une meilleure représentation de la
commune dans le conseil ; c’est précisément ce point de vue qui a été
complètement laissé à l’écart par les honorables membres qui ont attaqué la
proposition. Voici ce que disait Robert Peel :
« Le noble lord John Russel propose de borner
la division des bourgs à vingt d’entre eux. Je suis très porté à croire que le
principe de cette division peut, avec avantage, être étendu beaucoup plus loin,
et que par là vous pourrez assurer à la propriété et aux différents intérêts
des bourgs une représentation beaucoup plus réelle que si nous faisions de
chaque bourg un seul district sans subdivision. »
Vous voyez que le motif est toujours le même ; c'est
pour obtenir dans le conseil communal une représentation plus vraie de la
commune. Or, vous ne trouvez pas cette vraie représentation de la commune dans
un conseil élu tout d’une pièce par la majorité des électeurs, sans que la
minorité, quelque imposante qu’elle fût, y ait un seul représentant. Il est évident
que votre conseil ne représente qu’une fraction de la commune, mais il ne
représente pas la commune elle-même.
A la chambre des lords, lors Brougham a également
présenté la mesure comme le seul moyen d'avoir une représentation sincère de
la commune dans le conseil.
Ainsi, voilà comment cette mesure a été envisagée
dans le parlement anglais, et les membres de ce parlement qui se prononcent
ordinairement pour les mesures les plus libérales, n’y ont pas pris la parole
pour s’opposer au fractionnement des collèges électoraux.
M. Devaux. – C’était une innovation.
M. Dubus (aîné). - Je m'occupe ici du caractère de la disposition. Si elle eût été
absurde, monstrueuse, essentiellement illibérale, le
renversement des principes électoraux eux-mêmes, si cela eût été vrai, les
membres du parlement anglais l’eussent combattue et rejetée, ils n’auraient pas
adopté parce qu’elle était une nouvelle absurdité, une monstruosité, le
renversement des principes électoraux.
Si j’insiste sur ces exemples, c’est pour faire
justice des scandaleuses exagérations que nous avons entendues. (Murmures.)
Je m’aperçois qu’une expression que je viens
d’employer a choqué quelques honorables membres ; je déclare que je la retire.
M. Rogier. - Vous avez été beaucoup plus sévère et plus violent en 1834, 1835 et
1836.
M. Dubus (aîné). – Je ne sache pas qu’en 1834, 1835 et 1836, il ait été question de mesures
semblables. Si l’on en avait proposé, je me serais prononcé pour leur adoption,
et peut-être les eût-on adoptées à l’unanimité. Assurément on n’en aurait pas
fait une question de parti.
Croyez-vous qu’immédiatement après la révolution de
juillet, qui venait de se faire à Paris, on aurait débuté par faire la guerre
aux villes ? Croyez-vous que quand on s’occupait des corporations municipales
en Angleterre, c’est la guerre aux villes que les deux chambres du parlement
déclaraient à l’envi ? est-ce faire la guerre aux
villes que leur assurer la représentation la plus vraie, la plus sincère ?
En France, on est descendu jusqu’au chiffre de 2,500
habitants ; en Angleterre on n’a pas été aussi loin, on s’est arrêté au chiffre
de 9,000 habitants. La mesure a atteinte 89 villes et bourgs. L’Angleterre,
comme on sait, est, ainsi que
J’ai dit tout à l’heure que les attaques dirigées
contre cette proposition me paraissaient, à moi, dirigées contre tout notre
système électoral et contre la constitution même. En effet, le principal motif
mis en avant, la principe monstruosité (car c’est ainsi qu’on l’a appelée), c’est que la
minorité va devenir la majorité ; et pour cela on a présenté deux sortes de
calculs.
D’une part on a supposé quatre sections entre
lesquelles seraient divisés également 100 électeurs ; ce qui ferait 25
électeurs par section. On a supposé que dans trois sections une opinion aurait
13 voix, ce qui ferait 39 voix, et que l’opinion opposée aurait toutes les autres
voix et l’unanimité de la 4ème section. On vous a dit : voilà 39 électeurs qui
font la loi à 61. Mais de pareilles suppositions montrent à quoi l'on est
réduit, quand on veut prouver que la minorité devient majorité ; c'est-à-dire
que si un individu pouvait diviser à son gré les opinions, choisir ensuite les
électeurs et placer dans les diverses sections ceux qui lui conviendraient, il
parviendrait peut-être à un résultat semblable. Mais le hasard, la
division qui se fait par quartiers, d'après le domicile de chacun, n'amènent
pas de tels résultats.
Ce sont des suppositions qui sont plus
qu'improbables ; elles sont impossibles ; vous supposez qu'une opinion aura la
simple majorité d'une voix dans 3 sections, et qu'elle n'aura pas une voix dans
la 4ème section ; car c'est là la base de votre calcul. Mais si l'on voulait
objecter de telles suppositions à la division des électeurs en collèges pour
les élections provinciales, ne pourrait-on pas tout aussi facilement prouver
que la minorité devient majorité ? Ne peut-on pas supposer aussi les électeurs
provinciaux divisés en deux opinions absolues et opposées ; attribuer à l'une
de ces opinions la simple majorité d'une voix dans la moitié plus un des
collèges ; placer tous les autres électeurs sans exception dans l'autre opinion
; et conclure de là que la minorité des électeurs élit la majorité des
conseillers ?
Remarquez que comme on a présenté un système qui
peut avoir ces conséquences comme le renversement des plus simples notions du
droit électoral, vous seriez fatalement amenés, si vous admettiez un pareil
raisonnement, à changer la loi électorale pour la province ; en vain dit-on
que, vu le grand nombre des électeurs, il y a nécessité de diviser les
électeurs provinciaux en sections. Je réponds qu'on ne peut pas opposer la
nécessité à un argument qui consiste à dire que la minorité fait la loi à la
majorité, opprime la majorité. D'ailleurs, cette nécessité de diviser par
cantons électoraux n'est même pas établie. Pour la province, ne sont-ce pas les
mêmes électeurs que pour les chambres, sauf une liste supplémentaire très peu
nombreuse ? Si vous réunissez les électeurs au chef-lieu de 1'arrondissement
pour les élections des membres des chambres, ne pouvez-vous pas réunir tous les
électeurs au chef-lieu de la province pour les élections des membres du conseil
provincial ? Il y aura moins de chance à ce grand danger, que la minorité
opprime la majorité. La portée véritable de l'argument est donc d'arriver à
changer la loi électorale pour les conseils provinciaux.
De même pour les élections pour les chambres, en
faisant une supposition semblable â celle qu'on a faite, on arriverait à
conclure qu’il faut changer cette loi électorale et la constitution, qui dans
un de ses articles a renversé les plus simples notions du droit électoral.
Pour juger de pareilles questions, il faut
abandonner les suppositions extrêmes ; il faut voir ce qui est. On a répondu
d'ailleurs à cette supposition par une autre supposition, on vous a dit : Je
suppose un collège électoral compose de 2,000 électeurs ; 1,001 sont d’une opinion ; 999 sont d'une opinion
opposée ; on me dira que cela est tout à fait improbable, mais l'autre
supposition est plus improbable encore. Ces 1,001 électeurs nommeront tout le
conseil communal ; les 999 ne seront pas représentés par un seul membre du
conseil. Vous dites qu'un tel conseil représente la commune ? Il est évident
que non. Il est évident qu'un pareil conseil ne représente qu'une opinion dans
une commune partagée à peu près également en deux opinions opposées, et qu'il
sera oppresseur de l'autre opinion.
On vous a dit, d'une autre part, que la minorité
l'emportera sur la majorité, parce que la proposition de l'honorable M. de
Theux repartirait le nombre des électeurs d'après la population des différentes
sections. Or, vous dit-on, les sections n'auront pas un nombre d'électeurs
proportionné à leur population. Ainsi telle section aura un moindre nombre
d'électeurs avec une population plus forte que telle autre section qui aura un
plus grand nombre d'électeurs, et cependant elle élira un plus grand nombre de
conseillers. Mais il en est ainsi pour l’élection des membres du conseil
provincial et des membres des chambres. Je ne crois pas que ni les collèges
électoraux pour la province, ni les collèges électoraux pour les chambres aient
tous un nombre d'électeurs proportionné à la population. Je crois même qu'il y
a des différences très grandes. Mais qu'a voulu la constitution ? Elle a voulu que
ce fût la population qui fût représentée, et non les électeurs. Voilà le
principe constitutionnel ! L'art.49 porte :
« Art.49. La loi électorale fixe le nombre des
députés d'après la population.. »
On n'a donc pas fait attention qu'il y a ici
application de ce principe, qui fait tomber toutes les objections, d'ailleurs
appuyées sur de pures suppositions.
La constitution a voulu que ce fût la population qui
fût représentée. Loin d'être illibéral, cela est très
libéral. Je m'étonne même qu'on ait présenté ce système comme illlibéral. Les intérêts à défendre sont ceux de la
population. Une grande population est présumée avoir à défendre de plus grands
intérêts qu'une faible population. Une population pauvre, comme on a supposé
que serait celle de certains quartiers, a, par cela même qu'elle est pauvre,
plus d’intérêts à défendre, en ce qu'elle a plus de besoins intellectuels et
matériels à satisfaire qu'une population qui compte beaucoup de riches et qui a
peu de besoins. Pourquoi donc ne voulez-vous pas que cette population pauvre envoie
au conseil autant de défenseurs de ses intérêts qu’une population riche ?
Ce principe de notre loi fondamentale, que c'est la
population qui est représentée, principe mis en action, dans la loi électorale
et dans la loi provinciale, la proposition de l’honorable M. de Theux ne fait
que le mettre aussi en action pour les élections dans les villes assez
considérables pour qu’on puisse présumer que les différents quartiers ont des
intérêts différents. Dès lors, vous ne devez y voir que l'exécution d un principe
libéral, loin d’y voir le renversement de toute notion du droit électoral.
A propos de cette même proposition, on a rappelé ce
qui s'est passé en France sous la restauration pour la loi électorale pour les
chambres, on vous a cité les paroles d’un membre très distingué de la chambre
des députés de France, M. Royer-Collard, paroles par lesquelles il stigmatisait
le changement introduit alors dans la loi française.
Mais on ne vous a pas dit de quelle mesure il
parlait. On vous a dit que les collèges de département étaient fractionnés en
collèges d'arrondissement. Mais on ne vous a pas dit que le collège de
département était maintenu pour les électeurs payant un cens élevé, et que les
électeurs privilégiés jouissaient du double
vote. On ne vous a pas dit que ce double vote était l’objet des critiques
les plus amères. Si vous pouviez douter que c'est là la mesure qui était
critiquée, je vous demanderais de vous rappeler ce qui a été fait immédiatement
après la révolution de Juillet ! A-t-on rétabli alors les collèges
départementaux ? Pas du tout, ce sont les collèges d'arrondissement qui ont été
reconnus être la meilleure institution et qui ont été maintenus, c'est le
double vote, c'est le collège de département qui a été supprimé.
C'est M. Béranger qui était rapporteur de la
commission lorsqu'après la révolution de juillet on a établi la loi électorale
en France, et il a dit que le système du fractionnement en collèges
d'arrondissement répondait le mieux aux besoins de l'époque.
Une autre objection, messieurs, consiste à dire que
vous allez introduire dans les conseils et dans le collège échevinal l'esprit
de localité, l'esprit de hameau, l'esprit de quartier. On a stigmatisé, autant
qu'on l'a pu, cet esprit-là, de façon à nous faire dire qu'on a à s'occuper
d'autre chose dans les conseils communaux, que d'intérêts communaux, qui, après
tout, sont des intérêts locaux, des intérêts de quartier souvent, voire même de
hameau. On croirait, d'après tout ce qui a été dit, ou plutôt répété contre
l'esprit de clocher à propos des conseils communaux, où il ne s'agit que des
intérêts de la commune, que les membres de ces conseils out à s'occuper des
intérêts provinciaux et même des intérêts généraux du pays.
Comme on vous l'a fait remarquer, messieurs, le
système de la proposition que je défends est en parfaite harmonie, au point de
vue de ces intérêts locaux, avec le système adopté quant aux conseils
provinciaux, avec le système adopté quant aux chambres.
Ici nous avons à nous occuper des intérêts généraux
du pays ; eh bien ! tous les districts du pays sont
représentés. Les conseils provinciaux ont à s'occuper d'intérêts moins
généraux, des intérêts de la province ; tons les cantons y sont représentés, et
dans les grandes villes il y aurait, comme on vous l'a dit, des élections
toutes d'une pièce, il n'y aurait de représentées que les sections ou les
parties de la ville qui auraient le plus grand nombre d'électeurs ! Vous
sentez, messieurs, qu'il y a une disparate complète dans l'ensemble de ces
systèmes. Le système électoral, quant aux villes, n'est aucunement en harmonie
avec le système électoral quant à la province et quant au pays tout entier.
On nous a demandé, à propos de ce projet, si nous
voulions de la réforme électorale ; on a de grandes inquiétudes, à ce qu'il paraît,
à cet égard. Messieurs, il me semble que, quand le mot de réforme électorale a
été prononcé dans cette enceinte, ce n'est pas de notre côté que l'invocation à
cette réforme a été faite. Je prierai les honorables membres de se rappeler de
quel côté on l'a demandée et de quel côté on s'y est opposé. J'ai donc beaucoup
de peine à croire à la sincérité de ces craintes et de ces défiances.
Mais cependant je vous ferai remarquer que, loin que
le système dont il s'agit tende à une réforme électorale, il tend plutôt à en
prévenir une, puisque sa tendance est de mettre le système électoral pour les
grandes villes en harmonie, en parfait accord avec le système électoral pour la
province, et avec le système électoral pour les chambres.
Au reste, messieurs, cette espèce de lieu commun
contre l’esprit de clocher, il y a longtemps qu'il a été produit dans cette
enceinte ; il a même quelquefois servi à deux fins. Car il n'y pas longtemps
que l'on reprochait à un ministre de n'être pas assez animé de l'esprit de clocher,
de n'être pas assez Flamand. Il se préoccupait trop de l'intérêt général, il ne
se préoccupait pas assez, prétendait-on, de l’intérêt de sa province. Je
crois, messieurs, que ce ministre savait qu'il avait été nommé ministre, non
pas pour s'occuper uniquement de l'intérêt de sa province, mais pour s'occuper
des intérêts généraux du pays ; et je pense que, quoiqu'il ne soit pas nommé
par un seul collège électoral composé des électeurs de tout le pays, que
quoiqu'il ne soit nommé que pour le district d'une province, les électeurs qui
l'ont nommé savent très bien aussi que s'il est ministre, ce n'est pas pour
faire les affaires de son district ou de sa province, mais pour faire les
affaires du pays. C'est quelque chose que personne n'ignore.
Et pareillement, messieurs, les conseillers qui
seront élus dans une section, et nommés échevins par le Roi sauront qu'ils sont
nommés pour faire les affaires de la ville, et ceux qui les nommeront sauront
très bien aussi qu'ils ont à faire les affaires de la ville et non
exclusivement celles de leur quartier.
A ce sujet on a parlé d'une difficulté qui résulterait de la proposition faite par l'honorable
M. de Theux ; ce serait de restreindre le
choix du gouvernement, quant à la nomination des échevins. Car, vous
a-t-on dit, le gouvernement devra prendre des échevins dans toutes les sections
différentes ; ainsi son choix sera singulièrement restreint.
Je n'ai pas remarqué que l'honorable M. de Theux ait
inséré dans sa proposition qu'on devrait prendre un échevin dans chaque
section. Le choix du gouvernement sera parfaitement libre. Mais s'il est vrai,
comme on l'a dit, qu'une section a un si grand intérêt à avoir un représentant
dans le collège échevinal, la mesure dans ce cas produira un très bon effet :
c'est que les électeurs de chaque section auront un véritable intérêt, un
intérêt pressant à nommer des hommes capables sur lesquels puisse se porter le
choix du gouvernement.
Ainsi, si la supposition qui fait la base de
l'argument est vraie, il en résultera que, par ce seul motif, vous aurez la
chance, avec la proposition de l'honorable M. de Theux, d'avoir un conseil
communal composé d'hommes d'autant plus capables, parce que chaque section, je
le répète, aura intérêt à comprendre dans les nominations des hommes sur lesquels
puisse se porter le choix du gouvernement, qui est parfaitement le maître de
prendre les échevins où il veut, du moment qu'il trouve des hommes réunissant
les qualités désirables dans ces fonctionnaires.
Mais c'est, me paraît-il, dans le système opposé que
le choix du gouvernement se trouve restreint. Car, enfin, si vous supposez,
comme on l'a fait, des partis, si vous supposez un parti ayant la majorité et
triomphant dans les élections, mais c'est la liste tout entière qui triomphe.
Par conséquent ce seul parti est représenté dans le conseil, et le gouvernement
est astreint à la nécessité de prendre les fonctionnaires qui sont à sa
nomination dans ce parti, quand même il serait hostile au gouvernement.
Au reste, messieurs, lorsque nous nous sommes occupés
de la loi communale, on ne nous a pas présenté cette loi comme devant amener le
triomphe exclusif d'un parti. Et en effet, les conseils sont nommés pour
représenter et gérer les intérêts communaux, et je ne vois pas ce que la
question de parti politique fait, lorsqu'il s'agit de la représentation, de la
défense des intérêts communaux dans ces conseils. Dès que vous admettez que les
conseils ne sortiront pas de leur sphère d'attributions, la question de parti
s'évanouit tout à fait, et il est fort étrange qu'on la présente comme
dominante.
Lorsque l'on a discuté la loi communale, alors que
l'on proposait différents systèmes pour la nomination des échevins, et que
notamment il était question que les échevins fussent nommés par le conseil dans
son sein, par quels motifs l'honorable ministre de l'intérieur d'alors, M.
Rogier, a-t-il repoussé la proposition ? Parce que les échevins seraient alors
pris exclusivement dans la majorité des conseils et qu'il voulait que la
minorité fût aussi représentée dans le collège échevinal. Et son honorable ami
d'alors, M. Nothomb, prenait la parole après lui, pour insister sur cette idée
et pour faire remarquer de quelle importance il était que la minorité aussi eût
ses représentants. Et maintenant on se récrie contre une mesure qui amènerait
pour conséquence que la minorité de la commune serait représentée dans le
conseil communal, tandis qu'alors on voulait que cette minorité fût représentée
même dans le collège échevinal.
Une autre objection qui a été faite contre la
proposition de l'honorable M. de Theux, s'adresse aux partisans de la
centralisation ; on leur reproche leur inconséquence ; vous divisez les
collèges électoraux, dit-on, vous décentralisez.
Messieurs, je n'ai jamais été partisan d'une
centralisation exagéré ; mais j'avoue que si je l'étais, je ne comprendrais pas
l'objection. Car cela renverse toutes les notions que je m'étais faites au moins de la centralisation administrative.
Je croyais que cette centralisation se trouvait
intéressée, quand il s'agissait de déterminer les attributions des conseils
provinciaux, les attributions des conseils communaux, de déterminer de quelle
manière seraient nommés les gouverneurs, les bourgmestres, les échevins, les
membres de la députation provinciale ; de déterminer enfin dans quel cas les
délibérations des conseils provinciaux seraient soumis à approbation, et quelle
serait l'autorité qui devrait approuver. Je vois la question de centralisation
administrative intéressée dans tous ces cas-là.
Mais lorsqu'il s'agit de la nomination des membres
du conseil, attribuée au peuple par l'élection directe, que pour ces élections
les électeurs d'une commune se forment en un seul collège, ou qu'ils se
fractionnent en trois ou quatre sections, je ne vois pas ce que cela fait à la
question de la centralisation administrative ; je ne le comprends véritablement
pas. Je crois qu'on a jeté en avant, à tout hasard, le mot de centralisation,
mais qu'on ne s'est pas rendu compte de la signification qu'il avait.
Messieurs, il m'est impossible de rencontrer à
l'instant toutes les objections qui ont été faites ; je crois avoir rencontré
les principales. Au surplus, je pense que l'honorable auteur du projet se
propose de prendre la parole, pour rencontrer ultérieurement celles qui ont été
produites dans la présente séance.
Je dirai seulement que j'ai oublié, en débutant, de
rencontrer une fin de non-recevoir qui nous a été opposée par un honorable
député de Bruxelles. Puisque c'était une fin de non-recevoir, j'aurais dû commencer
par là. J'avoue toutefois que j'avais peine à me figurer que ce fût
sérieusement qu'on nous eût présenté ce moyen.
On vous a dit que l'honorable auteur de la
proposition s'est en quelque sorte enferré lui-même, qu'il s'est mis dans une
impasse dont il sera impossible qu'il se tire ; que la chambre s'est liée les
mains par une résolution qu'elle a prise ; mais la démonstration de ces
assertions n'a point été faite. On prétend que par cela seul que la chambre a
modifié un § d'un article d'une loi, que cet amendement a été envoyé par elle
au sénat, elle ne peut plus toucher à un autre § du même article, qui n'est
aucunement affecté d'ailleurs par l'amendement introduit dans le dernier §.
Mais où est la disposition constitutionnelle qui met la chambre dans cette
impossibilité ? On ne l’a pas citée, et je voudrais bien qu'on la citât. On a
argumenté pour cela du mot néanmoins, qui se trouverait dans
l'amendement adopté à l'art. 2, et qui rattacherait nécessairement cet
amendement au premier paragraphe de cet article.
D'abord, je ferai remarquer qu'on s'est trompé en
fait, que le mot néanmoins ne se trouve pas du tout dans la disposition
adoptée par la chambre. Il se trouvait dans le projet du gouvernement sur
lequel la discussion s'est établie, mais là encore, ce mot n'avait pas pour
objet de rattacher la disposition proposée au 1er § de l'article ; elle avait
pour objet de la rattacher au 2ème §, qui est ainsi conçu : Le Roi nomme le
bourgmestre et les échevins dans le sein du conseil ; la disposition qui a
été remplacée par celle qui a été adoptée portait : Néanmoins, il peut
nommer le bourgmestre parmi les électeurs de la commune, etc. Vous voyez
donc bien que le mot néanmoins rattachait uniquement cette dernière
disposition au 2ème et non pas au 1er § de l'article qui porte :
« Les conseillers sont élus directement par
l'assemblée des électeurs de la commune. »
Quant à la disposition qui a été adoptée, elle n'a
d'abord aucun rapport au 1er § de l'article qui concerne les conseillers, on
n'a pas touché à ce § ; mais dans le 2ème paragraphe portant Le Roi nomme le
bourgmestre et les échevins dans le sein du conseil, on a retranche les
mots : Le bourgmestre et de sorte que ce § reste ainsi conçu :
« Le Roi nomme les échevins, etc,» Enfin l'on
a adoptée un 3° § ainsi conçu :
« Il nomme le bourgmestre parmi les
électeurs de la commune âgés de 25 ans accomplis.»
Ainsi l'amendement s'applique uniquement au 2ème §,
où il est exclusivement question de la nomination des échevins, qu'il maintient
telle qu'elle est et à la nomination du bourgmestre, à l'égard de laquelle il
consacre une modification importante. Quant au 1er paragraphe, qui concerne les
conseillers, je le répète, il n’a pas été question de la modifier ; il n'a pas
été mis en délibération.
Cependant on prétend que la chambre ne peut plus
adopter aucun article dont la portée serait de modifier le moins du monde le
sens de ce 1er paragraphe, et pourquoi ? parce que par hasard il forme le 1er
paragraphe de l’art. 2 ; je dis par hasard, parce que s'il formait tout
seul l'art. 2 et que l'on eût fait des deux autres paragraphes l'art. 3, ces
dispositions auraient absolument le même sens que maintenant. Eh bien, parce
que la deuxième de ces dispositions a été modifiée, on ne pourrait plus
modifier la première ! Réellement, ce sont la des assertions tellement étranges
que les appellent la démonstration, et cette démonstration on a oublié de la
faire.
Je dis, messieurs, que de la deuxième disposition
l'on aurait pu faire un article 3 ; en effet, ouvrez la loi française, et vous
verrez qu'elle renferme un article spécialement consacré à ce qui concerne la
nomination des conseillers el un autre article concernant la nomination du
maire. Si vous aviez adopté cette disposition, vous pourriez discuter la
proposition dont nous nous occupons ; mais parce que les deux dispositions se
trouvent réunies en un seul article, nous ne pourrions plus discuter cette
proposition.
Remarquez d'ailleurs, messieurs, que l'on remet en
question ce que la chambre a décidé ; toutes les modifications proposées ont
été renvoyées à la même section centrale qui les a comprises dans un seul et
même rapport, mais qui a proposé d'en faire l'objet d'autant de lois
différentes. Eh bien, la discussion, a précisément eu lieu sur la question de
savoir s'il était permis ou non d'en faire autant de lois différentes, et la
majorité a décidé cette question affirmativement. On remet donc en question ce
qui a été décidé par la chambre.
Mais pour quel motif ne pourriez-vous plus vous
occuper de la proposition qui vous est soumise, alors que le premier projet est
renvoyé au sénat ? Parce que par là vous porteriez atteinte à la prérogative de
l'autre chambre. C'est encore là, messieurs, une assertion tout à fait dénuée
de preuves ; il faudrait établir quelle est la prérogative à laquelle il serait
porté atteinte. L'autre chambre est saisie de la première loi que vous avez
votée ; ou bien il partage notre opinion qu'elle peut fort bien s'occuper de
cette loi, indépendamment des autres propositions dont nous avons encore à nous
occuper, et, dans ce cas, elle s'occupera immédiatement du projet que nous lui
avons déjà renvoyé ; ou bien, elle croira qu'avant d'aborder ce projet, elle
doit attendre que tous les projets lui soient parvenus, et, dans ce cas, elle
attendra qu'elle soit saisie de tous ces projets. Je ne vois donc pas en quoi
il serait porté atteinte à la prérogative du sénat.
Messieurs, en 1835, après un premier vote sur toute
la loi communale, un deuxième vote avait eu lieu sur la partie de la loi qui
concernait l'organisation.
On a proposé alors à la chambre de faire de cette
partie un projet de loi spécial et, d'envoyer ce projet au sénat ; plusieurs
membres, et j'étais du nombre, s'y sont opposés ; nous disions qu'il y avait un
rapport intime entre ce qui concernait les attributions et ce qui était relatif
à l'organisation, surtout au mode de nomination ; qu'un projet qui serait
uniquement relatif à l'organisation serait un projet incomplet, bien plus
qu'envoyer au sénat un semblable projet, ce serait lui envoyer en quelque sorte
une énigme à deviner, car il ne pouvait pas savoir d'avance les dispositions
relatives aux attributions qui seraient définitivement arrêtées par nous.
La majorité décida que cette première partie du
projet serait renvoyée au sénat, mais elle ne porta pas atteinte à la
prérogative de cette assemblée ; le sénat était bien le maître d'attendre, pour
discuter cette première partie, que nous lui eussions renvoyé la deuxième
partie. Le sénat fit un autre usage de sa prérogative ; il discuta le projet,
l'amenda et nous le renvoya. Il ne se trouva aucunement blessé de ce que nous
lui avions envoyé la première partie du projet sans lui envoyer en même temps
l'autre partie.
Vous voyez donc bien, messieurs, que cette prétendue
fin de non-recevoir n'est en aucune manière fondée. Je m'étonne que l'honorable
membre qui l'a proposée se soit fait illusion, au point de croire que c'était
là un obstacle insurmontable, qu'il n'y avait rien à lui répondre, que les
raisons qu'il avait données demeuraient intactes. Il a été plus loin, il a dit
qu'il y avait antinomie véritable entre l'art. 2 tel qu'il se trouve dans la
loi communale, et la proposition de l’honorable M. de Theux ; que cette
antinomie était tellement évidente que les deux dispositions étaient
diamétralement opposées, que de plus il serait honteux d'introduire dans une
même loi deux dispositions aussi en contradiction l'une avec l'autre que
celles-là. Eh bien, messieurs, la loi française, telle qu'elle a été proposée
par la commission, contenait précisément ces deux dispositions si
diamétralement opposées, et personne ne s'est imaginé qu'il y eût antinomie
entre elles. L'honorable membre, qui est un jurisconsulte éclairé doit savoir
ce que c'est qu'une antinomie, il doit savoir aussi de quelle manière on
applique les lois ; or, je pourrais citer, non pas un, mais 20 exemples de
prétendues antinomies semblables que cependant, aucun jurisconsulte n’a
considérées comme telles. On trouve dans une loi des dispositions qui
consacrent un principe en même temps que l'on y en trouve d'autres qui
modifient ce principe dans l'application ; jamais on ne s'est trouvé embarrassé
par là ; on trouve dans les lois des dispositions générales et des dispositions
spéciales concernant des cas particuliers ; jamais cela n'a embarrassé : on applique
les dispositions spéciales aux cas spéciaux ; on applique les règles générales
aux autres cas ; jamais cela n'a fait difficulté, et jamais on n'a appelé cela
des antinomies.
Ainsi, que vous rendiez la première disposition de
l'art. 2 aussi absolue, aussi générale que vous le vouliez, rien n'empêche que
vous introduisiez dons la loi des dispositions spéciales applicables à des cas
spéciaux. Il est donc inconcevable que l'on prétende que la modification qu'il
s'agit d'apporter à l'art. 5 comme tellement opposée à la première disposition
de l'art. 2, que l'on aurait en quelque sorte horreur d'y donner son vote. Mais
toute la chambre française a donné son vote à un projet qui contient la même
antinomie.
Je me bornerai, messieurs, à ces
observations. Je voterai pour le projet.
(Moniteur
belge n°166, du 15 juin 1842) M. Brabant. - J'ai demandé la parole lorsque l'honorable M. Devaux a paru contester
l'autorité de la loi anglaise, qui était invoquée par mes honorables amis MM.
de Theux et Dubus, Cette loi n'est pas si ancienne pour que l'honorable M.
Devaux ne pût la trouver facilement s'il voulait s'en donner la peine.
M. Devaux. - Je l'ai demandée.
M. Brabant. - Si M. Dumortier avait été ici, comme il a le texte, je l'aurais prié de
le communiquer à l'honorable membre.
Du reste, comme l'on a contesté le caractère général
du bill de réforme des corporations municipales, et que les renseignements
invoqués par mes honorables amis étaient fournis par moi, je me regarde comme
responsable de tout ce qui a été avancé par eux, et cette responsabilité ne me
pèsera pas beaucoup.
Le bill de réforme des corporations municipales a
tellement un caractère général, que dans l'art. 1er il abolit toutes les
anciennes chartes en ce qu'elles ont de contraire aux dispositions de ce bill ;
il a tellement un caractère général que l'art. 141 porte
que le roi pourra à l'avenir accorder de nouvelles chartes, mais que les
dispositions de ces chartes devront être conformes aux principes établis par ce
bill.
Messieurs, l'honorable M. Dubus vous a cité
l'opinion de sir Robert Peel et de lord Stanley. J'ai lu avec attention tout ce
qui a été dit par ces hommes éminents dans les deux chambres du parlement
anglais (et j'ai le texte en anglais, je suis prêt à le passer à l’honorable M.
Devaux) ; j'ai extrait textuellement la partie des discours de ces hommes
d’Etat, relative à la mesure qu'il s'agit d'introduire chez nous ; j'ai poussé
ce scrupule jusqu’à indiquer la page et l'alinéa du recueil où j'al pris ces
extraits ; c'est un recueil qui jouit en Angleterre pour les débats du
parlement de la même autorité que le Moniteur pour le compte-rendu de
nos séances ; c'est le recueil parlementaire de Hansart.
Eh bien, lord
John Russel, alors ministre de l’intérieur, proposa à la chambre des communes
le bill de réforme des corporations municipales ; ces corporations sont en
Angleterre ce que serait nos conseils communaux, si la loi communale s'était
bornée à organiser le principe de l'art. 31 de la constitution. Si l'honorable
M. Devaux veut voir quel est le caractère de ces corporations, je l’engagerais
à recourir aux articles 75, 90 et 92.
Je reviens maintenant à la disposition dont il
s’agit.
Lord John Russell proposa donc un bill de réforme
des corporations municipales. Ces corporations étaient en général établies par
des chartes émanées des deux Stuarts, Charles II et Jacques II. Une quantité d’abus s'étaient introduits dans ces
corporations. L'on a fait table rase, et l'on a bâti sur de nouveaux
fondements.
Lord John Russell proposait de restreindre la
division a 20 villes, et ces villes, d'après les explications qui sont données
par Sir Robert Peel dans un de ses discours, étaient les villes excédant 25,000
habitants. Par la proposition de lord Stanley, la chambre des communes
étendit la mesure aux villes de 12,000 habitants. La chambre des pairs jugea
que la mesure était trop restreinte, et elle l'étendit aux villes de 6,000
âmes. Par suite de cet amendement et d'autres mesures le bill fut renvoyé aux
communes, et, après une conférence entre les deux chambres (suivant les usages
parlementaires de ce pays), on convint que la mesure serait restreinte aux
villes de 12,000 habitants. La loi dans deux tableaux qui y sont annexés,
indique les villes de cette catégorie, le nombre des divisions qui y seront
introduites, ainsi que le nombre de conseillers et d’aldermen qui seront nommés
pour chacune des divisions. Ces villes sont au nombre de 89.
Maintenant, messieurs, si de cette législation
étrangère, qui doit être pour nous une autorité respectable, nous passons à la
nécessité de l'introduire dans notre pays, je demanderai à la chambre la
permission de m'étayer sur une localité qui n'est pas sans importance, c'est la
onzième en importance entre les 20 villes dont l'honorable M. Devaux a donné la
nomenclature.
Messieurs, je n'ai pas besoin de nommer celle ville,
je crois, et vous concevez que j'ai de bonnes raisons pour cela, qu'elle a
toujours été administrée avec justice. Il s'y trouve un quartier très important
qui, pour les élections aux chambres, renferme à lui seul presque le quart des
électeurs ; eh bien, ce quartier n'a pas eu, n'a jamais eu dans le conseil un
seul représentant, et ce conseil se compose de dix-sept membres.
J'ai dit que je ne critiquerais aucun des actes du
conseil communal de cette ville, parce que tous ont eu mon assentiment ; mais
je citerai deux faits importants qui se sont passés sous l'administration
supérieure d'un de nos honorables collègues, qui se les rappellera fort bien.
On établit une route, et pour faire arriver cette
route en ville il y a deux moyens : l'un, c’est de passer par le quartier qui
n'a pas de représentant, l'autre, c'est d'établir un pont et de faire aboutir
la route à une partie de la ville qui est représentée au moins par trois
conseillers ; du pied du pont à la demeure du conseiller le plus éloigné, il
n'y a pas
Un autre fait de même nature a encore eu lieu sous
l'administration supérieure du même honorable membre auquel j'ai fait allusion.
Une route devait arriver en cette ville. Deux
directions étaient à prendre. On pouvait aboutir à deux portes. La ville a
concouru, à condition que la roule aboutît à une porte déterminée ; elle ne
pouvait y aboutir sans causer un certain préjudice aux habitants de l'autre
côté. Je crois que l'administration communale a fait chose fort sage en
accordant le subside qui était demandé par le gouvernement, comme condition de
la direction qui a été adoptée. Je suis d'autant plus éloigné de critiquer la
mission qui a été prise par le conseil communal, que j’ai moi-même sollicité
vivement auprès du ministre dans les attributions duquel étaient alors les
routes pour qu'on adoptât la direction qui a été effectivement arrêtée.
Eh bien, messieurs, le quartier, en faveur duquel la
décision a été prise était représenté par trois membres au conseil, et le
quartier au préjudice duquel la décision a été adoptée, n'avait pas un seul
représentant dans le conseil.
Messieurs, j'ai dit qu'il n'y avait rien d'injuste
dans les faits que j'ai cités ; mais il pouvait au moins y avoir un grand
intérêt pour un autre quartier, à des décisions contraires ; et cependant les
parties dont les intérêts étaient en présence étaient l'une fortement
représentée dans le conseil, tandis que l'autre n'y avait aucun représentant.
Il serait facile, sans sortir de la même localité,
de trouver beaucoup d'autres cas encore où il y a lutte d’intérêts, et où
certainement les intérêts de quelques quartiers eussent été défendus, si ces
quartiers avaient été représentés.
Messieurs, arrivant aux dispositions de détails qui
ont été fortement critiquées par l'honorable M. Devaux, j'ai recherché dans les
lois qui nous régissent si nous n'avions pas déjà les mêmes inconvénients
contre lesquels cependant personne n'a jamais réclamé.
L'honorable M. Devaux conteste la représentation
suivant la population. Il veut que l'élément de la richesse et des lumières y
entre pour beaucoup. Certainement, je ne me suis pas opposé à un semblable
principe ; je crois que c'est là une affaire d'exécution, et que les conseils
communaux qui seront chargés de présenter le travail qui recevra la sanction
royale, auront soin de tenir compte de toutes les circonstances auxquelles il
faut avoir égard pour établir l'équilibre entre les différents intérêts.
Mais avons-nous toujours suivi ce principe ? J'ai la
loi provinciale en main, et je trouve que dans ma province, dans mon
arrondissement, nous, législateurs, qui avons approuvé
le tableau annexé à la loi provinciale, nous nous en sommes complètement
écartés. Dans l'arrondissement de Namur, le canton d'Andenne a trois députés
pour 13,000 habitants, le canton de Huy 3 députés pour 17,000 habitants,
et le canton de Gembloux, également 3 députés pour la même population. Ainsi
ces deux derniers cantons ont la même représentation que le canton d'Andenne,
quoique leur population soit supérieure de 4000 habitants, à celle de ce
dernier canton. Maintenant, sans entrer dans des détails bien étendus sur ce
point, je crois que mes honorables collègues MM, Fallon, de Garcia et Lebeau,
qui connaissent si bien la province de Namur, conviendront que sous le rapport
de la richesse, le canton de Huy et celui de Gembloux l'emportent infiniment
sur le canton d'Andenne ; et il en est de même pour le nombre des électeurs.
Or, ce que nous avons fait pour la province, à
l'égard de la distribution en cantons, je ne crois pas qu'il y ait un si grand
danger à le faire pour le fractionnement des villes en sections ; je
pense que les intérêts communaux seront beaucoup mieux représentés lorsque
l'élu sera plus à portée de l'électeur ; veuillez remarquer que l'élection est
un mandat, et un mandat de confiance. Or, quelle confiance voulez-vous qu'on
ait, lorsque bien souvent on ne connaît pas la personne élue.
Et ici je pourrais invoquer l’autorité d'un homme
qui se connaît très bien en manœuvre électorale, quoiqu'il ne soit plus
éligible maintenant, je veux parler de lord Brougham, qui disait dans cette
discussion qu'il concevait un seul collège électoral lorsqu'il y avait trois ou
quatre personnes à nommer, mais qui ajoutait qu'il n'y avait que des manœuvres
électorales qui pussent amener l'élection de 12 personnes.
Si l'on veut vérifier le passage, il se trouve à la
page 640 du 29ème volume d'Hansart.
Messieurs, on a dit qu'il y avait un caractère
politique dans la mesure. Ce caractère politique est d'ôter à l'administration
de certaines communes les prétentions politiques qu'elles ont. Nous ne faisons
que notre devoir quand nous ramenons dans son lit le torrent débordé.
Tous les pouvoirs émanent de la nation ; c'est la
constitution qui s'exprime ainsi. Dans un autre article, elle déclare
expressément que le Roi n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui confère la
constitution. Supposez que certaines communes se soient écartées de leurs
devoirs, et que la disposition, quelque qu'elle soit, les fasse rentrer, nous
aurons fait en l'adoptant ce à quoi nous oblige la constitution. Nous avons
fait le serment d'observer la constitution ; nous ne l'observerions pas si nous
permettions une usurpation de pouvoir.
Ici je pourrais encore citer les paroles d'un grand
homme d'Etat dont le nom a été plus d'une fois prononcé dans cette discussion,
de celui qui préside en ce moment aux destinées de l'Angleterre.
Plusieurs voix. - La clôture ! La clôture !
- Personne ne demandant plus la parole, la clôture
est prononcée.
Vote
sur l’article premier du projet et sur les amendements
M. le président. - Je crois qu'il faudra, pour tenir compte des
amendements, procéder par division.
Paragraphe premier
Le premier paragraphe avec l'amendement de MM. de
Mérode et Rodenbach auquel M. de Theux s'est rallié, serait ainsi conçu :
« Dans, les communes de 12 mille habitants et
au-dessus les élections se font par section. La répartition des conseillers à
élire se fait d'après la population. »
Plusieurs voix. - L'appel nominal.
Il est procédé à cette opération. En voici le
résultat :
89 membres répondent à l'appel.
49 répondent oui.
40 répondent non.
En conséquence le premier paragraphe est adopté.
Ont répondu oui : MM. Brabant, de
Ont répondu non : MM. Cogels, Coghen, Cools, David,
de Baillet, de Brouckere, Delehaye, Delfosse, de Renesse, Devaux, de Villegas,
d'Hoffschmidt, Doignon, Dolez, Dumont, Duvivier, Fleussu. Jadot, Jonet, Lange,
Lebeau, Liedts. Lys, Maertens, Manilius, Meeus, Mercier, Orts, Osy, Pirmez,
Pirson, Puissant, Raymaeckers, Rogier, Sigart, Trentesaux, Troye, van Cutsem,
Vandenbossche et Verhaegen.
Paragraphe 2
« § 2. Le nombre et les limites des sections seront
fixés par arrêté royal, sur l’avis préalable du conseil communal et de la
députation permanente du conseil provincial. Le nombre de sections ne pourra
être inférieur à quatre. »
MM. Rodenbach et de Mérode proposent par leur
amendement de modifier la fin de ce § et de dire :
« Le nombre de sections ne pourra être
inférieur à trois, ni supérieur à huit. »
M. de Theux. - Je me suis rallié à cet amendement.
- Ce paragraphe ainsi amendé est adopté.
Paragraphe s3 à 6
« § 3. La première répartition du nombre de
conseillers entre les sections est faite par le Roi. La révision aura lieu de
la manière prescrite par l'art. 19 de la loi communale et aux mêmes
époques. » - Adopté.
« § 4. Les dispositions qui précèdent pourront
être étendues à des communes d'une population inférieure, sur la demande des
députations permanentes des conseils provinciaux, les conseils communaux
préalablement entendus. » - Adopté.
« § 5. Lorsqu'une ou plusieurs sections auront
à élire un nombre impair de conseillers,
il sera fait à l'époque fixée par le Roi, un tirage au sort pour déterminer le
nombre de conseillers à élire par chacune de ces sections au premier
renouvellement par moitié. » - Adopté.
« § 6. Lorsqu'une place de conseiller assignée
au deuxième renouvellement par moitié deviendra vacante avant ce
renouvellement, il y sera pourvu par la section la moins représentée au
conseil, eu égard à la demeure des conseillers appartenant à la même série ;
dans le cas où plusieurs sections, auraient le même titre pour procéder à cette
élection, la priorité sera déterminée par un tirage au sort. » - Adopté.
- L'ensemble de l'article est mis aux voix et est
également adopté.
___________________
M. le président. - Nous passons aux modifications de l'article
54, § 4er, le terme de huit ans est substitué
à celui de six.
M. Verhaegen. - Je demande à faire une seule observation. Que devient l'article 22 de
la loi communale d'après lequel les électeurs se réunissent en une seule
assemblée, si leur nombre n'excède pas 400 ?
M. de Theux. - Cette difficulté n'existe réellement pas. Ou dans les diverses sections
il n'y aura plus de 400 électeurs, et alors on se trouvera dans la même
situation où l'on est aujourd'hui, quand il n'y a pas plus de 400 électeurs, ou
il y aura plus de 400, et alors encore on se trouvera dans la même situation où l'on est aujourd'hui quand il a plus de 400 électeurs.
M. Devaux. - Je demande quand sera publiée la liste des électeurs par quartiers. Je
demande si les électeurs ne seront pas mis à même de réclamer, s'ils sont
rangés dans un quartier où ils ne doivent pas être. Je demande si les électeurs
ne pourront pas faire valoir leurs droits dans une circonstance comme celle-là
; car on pourrait frauder la loi électorale en changeant le quartier comme en
changeant le cens.
M. de Theux,
rapporteur. - Cette difficulté n'existe pas ; elle
est résolue par l'art. 22, qui porte :
« La division des électeurs en sections se
fait par le collège des bourgmestre et
échevins, qui en donne connaissance
dans les lettres de convocation.
»
Il y a pour chaque commune une seule liste d'électeurs.
Lorsqu'il y a lieu de procéder par division de
bureaux, cette division se fait par le collège des
bourgmestre et échevins. On suivra la même marche pour la division des
sections ordonnée par la présente loi.
M. Devaux. - Si la loi avait besoin d'être caractérisée, ce qu'on vient de dire la
caractériserait. Comment ! un électeur qui sera dans
un quartier où le collège électoral se compose de quarante voix, où il sera en
quelque sorte la puissance électorale, pourra être placé dans un quartier où il
n'en sera que la 500ème partie, et cela par le collège des bourgmestre et
échevins, deux ou trois jours avant l'élection, et sans avis préalable, sans
aucune possibilité de réclamer contre les erreurs. L'électeur n'en sera pas
informé ; il ne pourra pas réclamer. On dit : cela se fait ainsi aujourd’hui,
quand on classe les électeurs d'un même collège en divers bureaux ; mais cela
a-t-il la même importance ? Qu'on vous dise aujourd'hui : vous déposerez votre
bulletin au bureau de l'hôtel de ville ou au bureau du musée ; les bulletins
n'en ont pas moins la même valeur ; ils sont tous réunis dans un même résultat.
Dans le système actuel au contraire, le bulletin du quartier de la rue Haute
vaudra 4 ; celui du quartier de la rue de
M. Dumortier. - Je demande la parole.
M. Verhaegen. - Cela est voté.
M. Dumortier. - L'objection que l'on fait ne tient pas. C'est ainsi que telle personne
qui, dans un district, vote pour un député, voterait dans un autre district pour
2 députés, dans un autre pour 10 députés. Pareille chose peut arriver pour les
élections communales. Il n'y a là rien que de très simple. Chacun saura à
quelle section il appartient. S'il y a erreur dans la désignation de la
section, l'électeur n'aura le droit de voter que dans la section à laquelle il
appartient réellement, de la même manière qu'un électeur, quand il y a erreur
dans la désignation du bureau, n'a le droit de voter que dans le bureau auquel il appartient réellement.
M. Devaux. - Ce que dit M. Dumortier vient à l'appui de mes observations. M.
Dumortier dit que dans le collège électoral pour la chambre on élit trois
députés, que dans tel autre on en élit quatre. Je lui répondrai que dans les
collèges électoraux pour les chambres, il y a proportion entre le nombre des
électeurs et le nombre des députés.
M. Dumortier.- Non !
M. Devaux. - Il y a proportion. J'en ai le tableau à la main. La constitution veut
que le nombre des députés soit fixé d'après la population. Mais la législature
a établi le cens inégal, pour qu'il y ait proportion entre le nombre des
électeurs et la population C'est ce qu'on a voulu dans la loi électorale, et on
y a généralement réussi. On nomme en général un député par 500 électeurs
Peu importe, dit-on, qu'on soit électeur dans tel
quartier plutôt que dans tel autre, puisque dans tel arrondissement on nomme un
député, que dans tel autre on en nomme cinq.
Je dirai à l'honorable M. Dumortier, qui ne veut pas
donner à l'électeur la garantie qu'il sera placé dans tel quartier plutôt que
dans tel autre : Que diriez-vous, si l'on abandonnait au gouverneur le droit de
diviser les électeurs entre les divers arrondissements de la province, sauf a en prévenir trois jours à l'avance ? Que diriez-vous si le
gouverneur du Hainaut vous mettait parmi les électeurs de Mons, au lieu de vous
mettre parmi les électeurs de Tournay ? Vous ne seriez
sans doute pas bien satisfait qu'on ne vous eût laissé ni le temps, ni les
moyens de faire valoir votre réclamation.
M. Dumortier. - L'honorable membre est obligé de recourir à des absurdités pour
justifier son système. De quel droit me rangerait-on parmi les électeurs de
Mons, moi qui n'ai pas de domicile à Mons. Vous voyez à quoi l'on est obligé de
recourir pour attaquer une loi juste, une loi excellente, une loi qui est le
palladium de la liberté électorale. (Réclamations
dans une partie de l'assemblée.)
Oui, messieurs, j'ai le droit de m'exprimer ainsi ;
car j'ai toujours défendu la liberté. Vous qui m'interrompez, vous ne pouvez en
dire autant. On ne m'a pas vu défendre la cause de la liberté sous un
ministère, l'abandonner sous un autre ministère. Ce n'est pas ceux qui viennent
combattre le système qu'ils préconisaient il y a 6 ans, qui ont le droit de
réclamer contre mes paroles. Je dis qu'il n'y a pas de véritable liberté
électorale sans le fractionnement.
Je dis que quand, pour trouver un vice à une loi
juste, excellente, qui a son analogue dans tous les pays constitutionnels, on
est obligé de faire des suppositions absurdes comme celle qu'a faite le
préopinant : les attaques qu'on dirige contre cette loi se jugent par
elles-mêmes.
M. de Theux, rapporteur. - Personne n'a dans la même commune deux
habitations différentes : chacun saura donc de quelle section il fait partie,
dès que 1'arrêté royal sur le fractionnement de la commune aura été publié, si
le collège des bourgmestres et échevins doit convoquer tous les électeurs de la
section. La disposition de l'art. 22 est claire. J'ajouterai
que la demeure des électeurs est toujours portée sur la liste.
M. Dubus (aîné). - Je voulais faire l'observation par laquelle a terminé l'honorable
rapporteur. Il y a une formule établie pour les listes. Il y a une colonne pour
le domicile. Vous savez que quand les listes sont publiées, il y a un délai
pour réclamer. Celui à qui on attribuera un autre domicile que le sien
réclamera en temps utile.
Suite
du vote sur les autres modifications proposées
Les dispositions suivantes sont successivement
adoptées :
« Modifications à l'art. 54.
« § 1er. Le terme de huit ans est substitué à
celui de six ans.
« § 2. Le terme de 4 ans est substitué à celui
de 3. »
« Modification à
l'art. 55.
« Le terme de 8 ans est substitué à celui de 6.
«Art 55 bis. Les conseillers à élire par
suite du renouvellement par moitié, en 1845, seront élus pour le terme de neuf
années. »
M. de Theux,
rapporteur. - Je proposerai deux modifications qui
sont la conséquence des dispositions déjà adoptées.
« 1° Modification à l'art. 20.
« Le terme de 4 ans est substitué à celui de
3. »
« 2° Modification à l'art. 60.
Dans cette phrase, « Les membres élus lors du
renouvellement triennal entrent en fonctions le 1er janvier, » le
mot triennal est remplacé par les mots par moitié.
Ces deux modifications sont successivement adoptées.
M. le président. - Le projet de loi est terminé. Il y a eu des amendements. A quelle
époque la chambre veut-elle fixer le second vote ?
Plusieurs membres. - De suite.
M. Vandenbossche. - Il doit y avoir un second vote.
M. Devaux. - J'invoque le règlement. Il y a eu des amendements. Il doit y avoir un
deuxième vote. La loi est assez importante pour exiger un deuxième
vote.
M. Dubus (aîné). - Les dispositions importantes de la loi ont été adoptées sans amendement
; car l'amendement principal, l'honorable M, de Theux s'y est rallié à la
séance d'hier. Je pourrais, si j'en avais le temps, rechercher plusieurs
précédents tout à fait semblables. Lorsqu'on s'était
rallié aux amendements, il n'y avait pas de second vote. Remarquez que les deux
amendements qui viennent d'être adoptés, sont la conséquence nécessaire des
dispositions adoptées.
M. Devaux. - La loi est assez importante pour qu'on suive strictement la marche
prescrite par le règlement. Il y a eu amendement. Le règlement ne fait pas de
distinction, si quand les lois sont peu importantes, on peut déroger au
règlement. Je ne vois pas pourquoi il n'y aurait pas un deuxième vote. Au
deuxième vote la majorité ne sera peut-être pas changée sur le fond de la
mesure ; mais s'il y a des observations utiles à faire sur l'amendement adopté,
je ne vois pas pourquoi on ne les entendrait pas.
Je ne vois pas quelles raisons on a pour faire une
loi de cette importance avec une précipitation qu'on n'apporterait pas pour une
loi d'un bien moindre intérêt. Je demande qu'on suive le
règlement.
M. Dumortier. - Messieurs, permettez-moi de faire une simple remarque ; c'est que les
deux amendements adoptés ne consistent qu'à substituer le mot quatre au
mot trois, dans deux articles de la loi communale, et cela en exécution
d'une disposition que vous avez adoptée irrévocablement ; car, aux termes du
règlement, vous ne pouvez plus rien modifier ; vous ne pouvez mettre en
discussion au second vote que les deux amendements relatifs au mot quatre.
Je vous le demande, est-il nécessaire de nous faire
rester ici un jour de plus, nous qui sommes déjà fatigués d'une longue session
de huit mois, pour le plaisir de faire remettre dans deux jours ce mot en
discussion ? Je ne crois pas que cela soit rationnel. Nous avons eu une session
extrêmement laborieuse ; je conçois que ceux qui habitent Bruxelles soient peu
touchés de ces considérations. Mais nous qui sommes absents de nos demeures
depuis huit mois, nous demandons que l'on ne cherche pas à prolonger
inutilement une discussion déjà fort longue. Je crois donc qu'il y a urgence de
voter cette loi et de la transmettre immédiatement au
sénat, qui est en ce moment réuni.
M. de Mérode. - Messieurs, lorsqu'on invoque le règlement, il me semble qu'on doit
toujours l'observer. Si tous les membres de cette assemblée qui sont opposés à
la loi étaient d'accord pour qu'on votât tout de
suite, on pourrait le faire sans difficulté. Mais puisque quelques membres y
voient de l'inconvénient, je crois que nous devons
suivre le règlement.
M. de Brouckere. - En fait, messieurs, on a introduit aujourd'hui deux amendements dans le
projet. Ainsi, aux termes du règlement, il est impossible, du moment où il y a
opposition, de ne pas remettre le second vote à après-demain.
M. Dumortier. - Il y a urgence.
M. de Brouckere. - Je dis qu'il n'y a pas urgence. M. Dumortier dit qu'il y a urgence,
parce que le sénat est réuni. Mais le sénat a plusieurs objets dont il pourra
s'occuper d'ici à jeudi ; de manière qu'il n'est pas exact de dire qu'il y ait
urgence.
Maintenant
permettez-moi d'ajouter encore une réflexion. C'est que jusqu'ici, de part et
d'autre, on a examiné la loi en cherchant d'un côté ce qu'elle pouvait
présenter de bon, et de l'autre ce qu'elle pouvait présenter de mauvais. Mais
j'ai la conviction que quand on examinera la loi attentivement et avec le désir
de s'assurer si elle ne renferme pas des difficultés d'exécution, on verra
qu'elle en présente plus d'une. Je crois donc qu’il est de l'intérêt de tous
que l'on attende jusqu'après-demain, pour que chacun ait le temps de la
réflexion ; car, je le répète, il est très possible qu'il soit indispensable,
pour que la loi puisse être exécutée, d'y introduire
quelques petites modifications.
M. Dumortier. - Messieurs, l'urgence que j'ai invoquée ne repose pas tant sur la
réunion du sénat que sur le désir qu'a la chambre de se séparer.
Maintenant remarquez une chose, c'est qu'encore une
fois vous ne pouvez remettre en discussion les articles adoptés. Le
règlement nous impose l'obligation de ne pas les mettre aux voix au second
vote. L'art. du règlement est positif à cet égard : «
Dans cette seconde séance ne seront soumis au vote que les amendements
introduits. » Eh bien ! quels sont les
amendements introduits, ils se bornent exclusivement à substituer dans deux
articles de la loi communale, les mots quatre années à ceux de trois
années. Et cela pourquoi ? Parce que vous avez décidé, par une disposition
irrévocable, que les élections auraient lieu tous les quatre ans.
M. Devaux. - Il y a l'amendement de M. de Mérode.
M. Dumortier. – M. de Theux s'y est rallié.
M. Devaux - Qu'est-ce que cela fait ?
M. Dumortier. - Il est arrivé vingt fois que le gouvernement ou l'auteur d'une
proposition se ralliait à un amendement, cet amendement était considéré comme
proposition principale ; j'ajouterai d'ailleurs, qu'il n'est pas dans le
règlement de disposition qui porte qu'un article doit être remis aux voix,
lorsque cet article provient d'une proposition auquel l'auteur du projet s'est
rallié. Aussi, toujours la chambre a entendu qu'une disposition à laquelle
l'auteur du projet s'était rallié devait être irrévocablement votée et qu'on ne
pouvait y revenir au second vote. J'insiste de nouveau pour que la chambre
comprenne la portée de ces considérations.
Vous le
voyez, messieurs, on veut dans deux jours venir renouveler une discussion qui a
déjà duré huit jours ; nous sommes arrivés à un vote ; dans deux jours on
recommencera à discuter. Je ne vois aucun intérêt pour la chose publique à ce
qu'il en soit ainsi.
Je le répète, nous avons discuté pendant huit jours
; on a laissé parler largement tous les orateurs ; tous les arguments ont été
produits. Je demande donc qu'on veuille entendre le règlement dans un sens
rationnel et sage, en ce sens que puisqu'on n'a introduit dans le projet que
deux amendements, qui sont la conséquence directe d'un article voté
précédemment et sur lequel il n'y a pas à revenir, il n'y a pas lieu à ajourner
le vote définitif. Je demande encore une fois qu'on
veuille considérer que nous sommes ici depuis huit mois et que nous désirons
tous retourner dans nos foyers.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, des paroles de
l'honorable M. Dumortier, il faudrait conclure que cette séance est la
dernière. La chambre voudra bien se rappeler qu'il y a plusieurs projets
urgents à l'ordre du jour ; nous avons d'abord la loi qui proroge
l'autorisation donnée au gouvernement d'exploiter le chemin de fer. Cette
autorisation cesse au 1er juillet prochain. Il y a, en second lieu, la loi sur
le transit ; il y aura aussi, je l'espère, la loi qui autorisera le
gouvernement pour certains cas, temporairement, par mesure d'essai, à accorder
une réduction sur les péages des canaux et rivières. J'espère encore qu'on
pourra demain vous faire le rapport sur la loi que je vous ai présentée ce
matin. Voilà, messieurs, quatre objets extrêmement urgents et qui nécessitent
la présence de la chambre. Si je réponds à l'honorable M. Dumortier, c'est pour
que l'on n'induise pas de ses paroles que cette séance est la dernière.
M. de Theux et M. Rodenbach. - On pourrait se réunir demain à onze heures.
M. Dumortier. - Je n'ai pas dit que cette séance était la dernière ; mais j'ai dit que
nous avions le désir de retourner chez nous. C'est parce que nous devons encore
discuter plusieurs projets, qu'il ne faut pas prolonger inutilement les
discussions
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - J'engage les membres de la
chambre de ne pas se faire illusion ; il est possible que demain ou
après-demain le Moniteur français nous apporte
une nouvelle qui nous retienne tous ici. (Mouvement.)
M. de Brouckere. - Messieurs, une minorité de quarante membres mérite bien quelques égards
; eh bien ! cette minorité de 40 membres demande à la
majorité de 47 membres, d'avoir assez d'égards à ses
réclamations pour ne pas violer le règlement.
M. Devaux. - L'honorable M. Dumortier nous dit que la chose est très insignifiante,
qu'il ne s'agit que de deux amendements qui ont changé un chiffre, quant à la
durée du mandat des conseillers. Quand il ne s'agirait que de ces amendements,
il me semble que lorsqu'on invoque le règlement, on devrait l'observer. Mais le
second vote ne se bornera pas là ; le second vote doit aussi comprendre
l'amendement de MM. de Mérode et Rodenbach.
Messieurs, le règlement ne fait pas de distinction
entre les amendements. Si on a pu faire une distinction pour les amendements
auxquels le gouvernement s'était rallié, c'était par tolérance commune. Mais il
n'y a dans tous les cas pas de raison pour que l'on exige l'application de cette
distinction à un amendement auquel un honorable membre s'est rallié. On a
toujours le droit d'invoquer le .règlement.
Messieurs, je n'ai aucun espoir de faire décider par
la chambre que les collèges communaux ne seront pas fractionnés, pas plus au deuxième
vote, pas plus à un troisième qu'au premier. Si j'étais un homme à opinions
extrêmes, je ne demanderais pas mieux que l'adoption de la loi telle qu'elle
est. Mais je ne suis pas de ces hommes qui, en politique, jettent, comme on le
dit communément, le manche après la cognée ; et je crois que la loi, même en
fractionnant les collèges communaux, peut être moins mauvaise qu'elle n'est et
peut, peut-être, avec des modifications, mieux convenir à la majorité que la
loi actuelle.
Je ne vois pas pourquoi on ne
nous laisserait pas vingt-quatre heures de réflexion.
M. de Theux,
rapporteur. - Je demanderai à l'honorable
préopinant si, dans le cas où il y aurait demain séance à onze heures, il
s'opposerait à ce qu'après la discussion des deux ou trois premiers projets
dont vient de parler M. le ministre, on passât au second vote de la proposition
adoptée aujourd'hui. Messieurs, à la rigueur on pourrait ne pas considérer
comme amendement un simple changement de rédaction. Il me semble qu'on devrait
de part et d'autre apporter un esprit de conciliation et adopter, comme terme
moyen, le second vote pour demain. D'ici là on aura le temps de réfléchir si
les dispositions adoptées nécessitent quelque changement.
(Moniteur
belge n°167, du 16 juin 1842) M. Dubus (aîné) - J'ai demandé la parole pour combattre la manière dont l’honorable député
de Bruges entend le règlement : il fait deux parts inégales, une pour les
ministres et une pour les membres de la chambre ; il veut que quand le
gouvernement se rallie à un amendement proposé à un projet qu'il a présenté,
cet amendement cesse d'en être un, et devienne proposition principale, et il ne
veut pas que la même chose soit pour les membres de la chambre qui ont présenté
un projet. Je crois que la chambre ne peut pas admettre une semblable
distinction. Il est passé en jurisprudence dans la chambre que quand le
gouvernement s’est rallié à un amendement, cet amendement est alors considéré comme proposition primitive,
mais la même jurisprudence doit s'appliquer aux propositions qui émanent de
l'initiative de la chambre.
(Moniteur
belge n°166, du 15 juin 1842) M. Dumortier. - Les observations qui ont été faites tout à l'heure par M. le ministre
de l'intérieur, et les réflexions judicieuses que vient de nous présenter
l'honorable M. Devaux, me portent à retirer mon observation ; bien décidé que
je suis à rester à mon poste aussi longtemps que des circonstances sérieuses
nécessiteront notre présence.
Mais je désire qu'on sache sur quoi on discutera
après-demain ; il est nécessaire qu'on ne recommence pas une discussion qui a
déjà été extrêmement longue, et qui nous absorberait encore peut-être une
séance. Messieurs, il est possible que nous ayons des matières très graves à
traiter. Eh bien ! ne perdons pas notre temps à des
discussions inutiles ; joignons nos efforts à ceux du gouvernement ;
secondons-le dans l'intérêt des besoins du pays.
Ainsi, s'il y a à introduire dans la loi qui doit être
votée des dispositions de nature à faire disparaître quelques inconvénients que
pourrait présenter son application, je ne m'oppose pas à ce que le second vote
n'ait pas lieu aujourd'hui, et je retire, je le répète, l'observation que je
vous avais présentée.
M. le président. - On a proposé de fixer le vote définitif à demain.
Plusieurs membres. - Non
! non ! après-demain.
M. le président. - Ce sera donc après-demain.
FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs j'ai présenté au
commencement de cette séance un projet de loi qui est très urgent et qui ne
rencontrera pas de difficulté ; si la commission voulait se réunir demain
matin, elle pourrait peut-être faire son rapport dans la séance de demain.
M. le président. - La commission se compose de MM. Dubus (aîné), de Behr, Eloy de
Burdinne, Troye, Cogels et Lejeune.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je demande aussi que la loi
concernant les secrétaires communaux reste à l'ordre du jour.
M. le président. - Elle est de droit à l'ordre du jour ; seulement la chambre a donné la
priorité au projet de loi sur les péages du chemin de fer et à celui qui
concerne le transit ; on pourrait également voter ensuite le projet relatif aux
chemins vicinaux, si la commission peut faire son rapport demain. Le projet
concernant les secrétaires communaux viendrait en quatrième lieu. (Assentiment.)
M. David. - Ainsi il est entendu que l'on commencera demain par les péages. (Oui, oui.)
La séance est levée à 4 heures trois quarts.