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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du jeudi 11 août 1842
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétition relative à l’achat de lin sur pied (Dedecker)
2) Projet de loi relatif à la convention commerciale
signée avec
3) Projet de loi portant des crédits supplémentaires au budget du département des travaux publics
4) Projet de loi organisant l’instruction primaire
a) Discussion générale. (A=Enseignement organisé par les communes et tutelle (de la province et/ou de l’Etat) ; B=obligation pour chaque commune d’avoir au moins une école ; C=possibilité d’adopter une école libre ; E=participation du clergé dans l’enseignement religieux et moral) (E, C (Demonceau), A, E (Devaux), A, E (de Theux), A (Nothomb), E (Lys), E (Savart-Martel))
b) Discussion des articles. Possibilité pour une commune d’adopter une école libre. Enseignement à donner aux pauvres (Pirson, Nothomb, Pirson, Nothomb, Verhaegen, Nothomb, Dechamps, Desmet, Nothomb, de Theux, Pirson, Nothomb, Devaux, Nothomb, Dechamps, Devaux, Nothomb, Brabant, Devaux, Nothomb, Brabant, Devaux, Nothomb, Dechamps, de Theux, Devaux)
(Moniteur belge n°224, du 12 août
1842)
(Présidence de M. Fallon.)
M. Kervyn procède à l’appel nominal à midi un quart.
M. Scheyven donne lecture du
procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est adoptée.
M. Kervyn présente l’analyse des pièces adressées à la
chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Delem, entrepreneur
du casernement de la ville de Liége, demande qu’il soit donné suite à sa
pétition tendant à faire annuler le marché conclu avec la société Legrand et comp. pour les lits militaires. »
- Renvoi à la commission des
pétitions.
________________________
« Plusieurs
cultivateurs de la commune de St.-Gilles, Flandre orientale, demandent qu’il ne
soit pas donné suite aux procès-verbaux qui viennent d’être dressés à leur
charge, pour avoir acheté du lin sur pied, sans être patentés comme marchands
de lin. »
- Renvoi à la même
commission, avec demande d’un prompt rapport, sur la proposition de M.
Dedecker.
________________________
« Le sieur Robert
Grisard, négociant en ferronnerie et quincaillerie indigènes demande une prime pour
l’exportation de ses produits au Brésil. »
- Renvoi à la même
commission.
________________________
« Le sieur Petrement, fabricant de draps, demande une augmentation de
droits sur les laines venant d’Allemagne. »
- Même disposition.
________________________
« Le chevalier Lelièvre de Staumont prie la
chambre de prendre une décision sur sa demande de subside pour l’établissement
d’un vignoble sur les bords de
- Même disposition.
M. le ministre des
finances (M. Smits) transmet à la chambre les explications qui lui ont été demandées sur les
pétitions des marchands de vin.
- Ce rapport est renvoyé à la
section centrale qui a été chargée de l’examen de la convention conclue avec
PROJET DE LOI PORTANT DES CREDITS SUPPLEMENTAIRES AU
BUDGET DU DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS
M. le ministre
des travaux publics (M. Desmaisières) dépose un projet de loi portant demande de crédits
supplémentaires pour le service de son département.
Ce projet qui sera imprimé
et distribué, est renvoyé à l’examen de la section centrale qui a connu du
budget du département des travaux publics.
Discussion générale
M. Demonceau. - Messieurs, la chambre a
décidé dans sa séance d’hier que la discussion générale continuerait. J’avais
demandé hier la parole pour répondre aux observations qui avaient été
présentées dans la séance ; je m’expliquerai donc le plus brièvement possible sur
la loi en discussion, sur le projet de 1834 et sur les considérations qui vous
ont été soumises contre le projet en discussion.
Messieurs, j’ai toujours
considéré comme une nécessité absolue de donner pour base fondamentale à
l’enseignement primaire la morale et la religion. Sans cette base, je crois
qu’il n’y a pas d’enseignement primaire convenable possible, et je vois avec
satisfaction que tous mes honorables collègues, à quelque opinion qu’ils
appartiennent, reconnaissent cette vérité.
Cette vérité a été proclamée
par le projet de loi de 1834, cette vérité est également proclamée par le
projet de loi actuel, cette vérité est proclamée par ceux mêmes qui font de
l’opposition à ce dernier projet.
Je dois cependant faire une
distinction, et c’est surtout pour ce motif que j’avais demandé la parole.
L’honorable M. Rogier qui avait attaqué le système de la section centrale,
avait reconnu cependant comme nécessaire
l’instruction morale et religieuse. L’honorable M. Verhaegen, au contraire, a
dit que l’instruction morale et religieuse peut-être utile, mais il ne s’est pas expliqué sur la nécessité. Il y a cependant une grande différence entre l’utilité d’une chose et la nécessité d’une chose.
La nécessité est reconnue
par tous les auteurs des projets de loi qui ont été mis en discussion ;
l’utilité ne peut être considérée comme une nécessité, et je vous avoue que si
l’honorable M. Verhaegen ne s’est pas exprimé de manière à nous laisser douter
de son intention, je crois qu’il aurait voté contre la loi de 1834, comme il a
déclaré qu’il voterait contre la loi de 1842 ; l’honorable M. Verhaegen me fait
un signe affirmatif ; il ne trouve donc pas que l’enseignement de la morale et
de la religion dans l’enseignement primaire soit nécessaire ; aussi, s’est-il
servi du mot utile, il y a donc désaccord même chez nos honorables collègues
qui font opposition en ce moment. Mais les auteurs du projet de 1834 ont été
bien plus loin ; il ont dit que dans tous les cas les
ministres de la religion devaient donner nécessairement l’enseignement de la
morale et de la religion. Si cette branche essentielle de l’enseignement
primaire n’était qu’une utilité, je comprendrais qu’on pût se passer des
ministres sur la religion pour enseigner la morale et la religion ; si c’est
une nécessité, je dis qu’on ne peut pas s’en passer.
Il a été fait aussi une
observation qui aurait pour but de faire croire que le projet qui avait été
présenté par la section centrale d’accord avec le gouvernement, était en
désaccord complet avec le projet de 1834, en ce que les communes sont
autorisées par le nouveau projet à adopter une école privée. De cette manière,
a dit un honorable collègue, M. Rogier, toutes les écoles érigées par
l’autorité ecclésiastique deviendraient des écoles communales.
Messieurs, ce reproche ne
peut pas être adressé à la loi en discussion pas plus qu’à la loi de 1834 ; les
mêmes principes existaient dans le projet de 1834. Pour vous en convaincre,
lisez l’art. 6 ; cet article suppose aussi que la commune pourra être autorisée
à adopter comme école communale une école privée quelconque ; et comme, d’après
le même projet, le curé de l’endroit faisait nécessairement partie de la
commission locale, il aurait pu également se faire que, pour le cas où le curé
aurait eu une école privée, il parvînt à la faire admettre par la commune,
comme il pourra parvenir à la faire admettre sous l’empire de la loi actuelle,
avec cette différence qu’il lui faudra maintenant l’autorisation de la
députation, tandis que, par le projet de 1834, l’assentiment de la commission
était seul exigé.
Voici, messieurs, comme
s’exprime l’art. 6 :
« Art. 6. S’il n’existe
pas d’école communale ou d’école privée adoptée par la commune, réunissant les
conditions prescrites par les art. 1, 2 et 3, la
commission provinciale requerra le conseil communal d’en créer une dans un
délai prescrit, en l’informant qu’en cas d’insuffisance de ses ressources, des
subsides seront accordés sur les fonds provinciaux. »
Les auteurs de la loi de
1834 supposaient donc que la commune pourrait adopter une école privée. C’était
donc la même chose que les art. 1er, 2 et 3 du projet
en discussion. Cet article avait une portée aussi étendue, si pas plus, que
ceux qui sont proposés par la section centrale.
L’art. 7 portait :
« Art. 7. Si le conseil
ne défère pas à cette injonction, la députation permanente, sur le rapport de
la commission, portera d’office au budget communal une somme pour l’érection de
l’école, et déterminera le subside provincial, s’il y a lieu.
« En cas de
contestation entre le conseil municipal et la commission, la députation
permanente décidera. »
Voilà donc qu’il est bien
constaté qu’une commune doit avoir une école, que si la commune n’en établit
pas, on en établira une à ses frais, on la forcera par son budget. Eh bien,
quels sont les moyens que la section centrale et le gouvernement proposent
aujourd’hui ? D’affecter certains fonds pour satisfaire à ces obligations. La
différence que je trouve ici n’est que dans les moyens d’exécution.
La loi de 1834 voulait que
les communes eussent une école primaire ou qu’elles en adoptassent une ; elle
voulait que, quand la commune ne satisfaisait pas à cette obligation, la
commission demandât qu’on imposât la commune. Eh bien, messieurs, que fait à
cet égard le projet actuel ? Je crois qu’il ne fait autre chose que d’organiser
le principe des articles 6 et 7 du projet de 1834.
Je n’ai pas besoin,
messieurs, de rentrer dans la longue discussion d’hier. Je ne veux pas que le pouvoir
ecclésiastique (puisqu’on l’appelle ainsi) domine le pouvoir civil ; mais je ne
pense pas que nos honorables collègues, alors qu’ils croient qu’il est
indispensable que l’autorité ecclésiastique vienne au secours de l’autorité
civile, veulent placer l’autorité ecclésiastique dans l’impossibilité
d’accepter la loi. Faisons-y bien attention ; c’est le pouvoir civil qui
reconnaît la nécessité indispensable du concours de l’autorité ecclésiastique ;
ce n’est pas l’autorité ecclésiastique qui veut s’ingérer dans l’enseignement,
c’est le pouvoir civil qui reconnaît la nécessité de l’intervention de cette
autorité. Eh bien, pour que cette intervention soit efficace, réelle, pour
qu’elle soit telle que nous ayons à nous applaudir des résultats de la loi, il ne
faut pas non plus que l’autorité que l’on reconnaît au clergé soit dominée par
le pouvoir civil ; il faut laisser chacun dans sa sphère. Espérons beaucoup de
l’union, ce n’est que par l’union que nous pourrons obtenir une bonne
instruction primaire. Je crois donc que toutes les opinions doivent se réunir
dans un but de conciliation, car je le répète, sans conciliation, nous
n’obtiendrons aucun résultat avantageux de la loi. La matière est sans doute
très difficile ; une bonne loi sur l’instruction primaire rencontrera toujours
des difficultés dans la position où nous nous trouvons.
Le
projet en discussion peut paraître imparfait, tel qu’il est, je le préfère
néanmoins au statu quo.
M. Devaux. - L’honorable préopinant est
d’accord avec M. le ministre de l'intérieur pour assimiler le projet de 1834 à
celui qui nous occupe. M. le ministre de l'intérieur a dit plusieurs fois hier
qu’on ne pourrait pas répondre aux arguments qu’il a présentés sous ce rapport
; d’un autre côté, un honorable membre a fait hier, en s’adressant à moi, un
appel un sentiment de conciliation, de modération, et il l’a fait dans un
langage plein d’onction ; je remercie l’assemblée d’avoir retardé quelque peu
la clôture de la discussion générale et de m’avoir permis ainsi de ne pas
rester muet devant les avances de mon honorable collègue ni devant l’espèce de
défi de M. le ministre.
L’honorable M. Brabant est
très implicitement convenu d’un changement considérable d’opinion qui s’est
opéré dans les rangs de ses amis politiques. Autrefois, ils ne voulaient
laisser qu’une action moins étendue au pouvoir royal ; revenant de leurs
défiances, ils consentent aujourd’hui, non seulement en matière d’instruction,
mais sans doute aussi en d’autres matières, à donner plus de force et d’action
à ce pouvoir.
Quant à moi je les félicite
bien sincèrement de ce retour. Ce rapprochement (ainsi que l’a qualifié M.
Brabant) je devais le désirer, moi qui sous ce rapport n’ait pas changé. J’ai
depuis douze ans défendu souvent la prérogative royale, les droits du pouvoir
royal ; et ce que j’ai défendu autrefois, je le défendrais encore aujourd’hui.
Si dans une occasion récente, je n’ai pas pu consentir à l’extension du pouvoir
royal dans la commune, ce n’est pas que mes principes fussent changés à cet
égard, c’est comme j’ai eu l’honneur de le dire, que le changement d’une loi
aussi importante n’était pas, à mes yeux, motivé en fait, le moment n’était pas
opportun, on pouvait sans danger attendre une plus longue expérience, il y
avait eu transaction. Les partis sur cette question avaient posé les armes ; il
n’y avait pas de motifs suffisants encore pour revenir sur la transaction
faite. Mais je n’ai abandonné aucune des doctrines politiques que je défends
depuis douze ans. Si aujourd’hui je me trouve dans l’opposition, croyez-le
bien, j’ai toujours le même respect pour les prérogatives du pouvoir royal que
lorsque j’étais dans les mêmes rangs que ceux qui le représentaient ; de même
qu’à cette époque j’avais le même respect qu’aujourd’hui pour les libertés du
pays, il n’en est aucune que je défends aujourd’hui que j’eusse proscrite
alors.
Mais, je puis le dire sans
injure pour nos honorables collègues, une conversion si grande, si inespérée,
commence toujours par inspirer quelque défiance. Si je me présentais à
l’honorable orateur auquel je réponds et si je lui disais : Moi qui depuis
douze ans ai combattu dans les rangs de l’opinion libérale modérée, j’abandonne
ces rangs, je suis des vôtres, désormais je ne combattrai plus que dans vos rangs
; n’aurait-il pas quelque droit de me répondre : Pour que nous ayons une
entière confiance dans vos nouvelles dispositions d’esprit, dans leur durée, il
faut vous voir à l’œuvre, il fait voir à quelle épreuve votre conversion
résistera. Je ne le cache pas à l’honorable membre, il y a sur la conversion
qu’il annonce des craintes semblables dans les rangs opposés à ceux de ses amis
politiques. On s’y dit que l’opinion à laquelle appartient notre honorable
collègue, préférait autrefois l’autorité, la province à celle du pouvoir
central parce qu’elle espérait y trouver plus d’appui, elle préférait l’action
de l’autorité de la commune à celle de l’autorité provinciale, parce qu’elle
espérait y trouver plus d’appui encore. On croit qu’aujourd’hui l’expérience lui
a prouvé que dans les administrations des communes qui ont le plus d’influence,
elle ne trouve plus la même sympathie, qu’elle craint que la sympathie de
l’autorité provinciale ne soit pas loin de lui échapper ; mais que, dans ce
moment, elle croit trouver un auxiliaire plus docile dans le pouvoir central.
On se demande si ce n’est
pas parce que le pouvoir central est dans ce moment soumis à cette opinion,
qu’il semble résigné à la suivre docilement et à abdiquer en sa faveur une
grande partie de sa propre volonté, on se demande, dis-je, si ce n’est pas par
cette raison que momentanément, jusqu’à ce que de nouvelles circonstances se
réalisent, cette opinion se range sous la bannière du pouvoir central. Jusqu’à
quel point cette opinion exige-t-elle la soumission du pouvoir central pour
appuyer non pas les hommes qui le représentent, mais ses prérogatives réelles.
Pour qu’il y ait épreuve
complète de la sincérité de la conversion, on se dit qu’il faudrait, qu’il y
eût une administration d’une autre couleur. L’année dernière, cette
circonstance s’est présentée. La composition du ministère était telle qu’on
pouvait témoigner sa sympathie pour les droits du pouvoir royal sans faire
naître ces soupçons. Mais cette occasion, il faut bien le reconnaître, on l’a
laissé échapper. Elle reviendra peut-être ; alors l’épreuve se fera. Je désire
qu’elle soit favorable. En attendant, si nous ne pouvons avoir une épreuve
aussi complète, nous pourrions cependant, si on y consentait, essayer d’autres
moins décisives. Dans cette session même, nous allons avoir à décider d’une
grave question, dans laquelle sont engagées les prérogatives du pouvoir royal ;
nous nous en serions déjà occupés sans une interversion de l’ordre du jour, je
veux parler de la loi sur l’instruction supérieure.
Vous vous rappelez qu’un des
plus grands dissentiments qui se soient élevés contre l’opinion à laquelle je
réponds et l’opinion à laquelle j’appartiens, a été le mode de la nomination du
jury d’examen pour les grades universitaires ; nous avions moins de défiance
contre l’action du pouvoir royal que l’opinion au nom de laquelle on a parlé
hier. Nous demandions que ce jury fût abandonné à la nomination du pouvoir
royal, nos adversaires en ont décidé autrement. Cette question va se
représenter. Nous sommes appelés par la loi même à dire notre dernier mot sur
le jury d’examen. Nous sommes forcés de réviser la loi, on en demande la
révision, on la change dans plusieurs dispositions importantes qui concernent
le jury. Cette fois nous aurons un commencement d’épreuve. J’espère que les
amis politiques de l’honorable M. Brabant seront des nôtres et qu’ils auront la
même confiance que nous dans l’action du pouvoir royal. Je leur demanderai si
je puis compter sur eux, je demanderai si je puis compter sur l’honorable M.
Brabant. Je demanderai à cette opinion si elle permettra aux ministres de
défendre en ce point les droits du pouvoir royal qu’ils ont mission de
représenter ici.
Jusqu’ici je n’en vois pas
les traces dans le projet. Le ministre a proposé de grands changements, quant
au jury d’examen, mais ce changement, je ne l’aperçois pas. Me sera-t-il permis
de demander à l’honorable M. Brabant s’il votera pour le jury d’examen nommé
par le pouvoir central ?
M. Brabant - Lisez le rapport de la
section centrale, j’en faisais partie et je crois que les résolutions ont été
prises à l’unanimité.
M. Devaux. - Ah ! mon cher collègue,
vous le voyez, hier vous vous approchiez de moi, disiez-vous, et vous craigniez
que je ne me retirasse ; aujourd’hui, je m’avance sur le terrain où vous vous
placiez hier, et je ne vous trouve plus, je vous tends la main et vous retirez
la vôtre. Cependant si j’ai bonne mémoire, ce ne serait pas même une conversion
pour l’honorable M. Brabant, personnellement ; car sans pouvoir l’affirmer. je crois me rappeler qu’il a été du très petit nombre de
membres de son opinion qui ont voté pour la nomination du jury par le
gouvernement.
Pour M. le ministre de
l’intérieur, ce ne serait pas non plus une conversion ; car il a voté dans nos
rangs. Simple députe, il était plus partisan de l’extension de la prérogative
royale que depuis qu’il est chargé de défendre cette prérogative comme
ministre.
Vous voyez bien que ce n’est
pas nous que nous nous refusons de nous rapprocher sur ce terrain ; vous voyez
que parmi vous personne ne se rapproche, qu’il en est même qui se tiennent plus
loin de nous aujourd’hui qu’il y a six ans.
Mais, me direz-vous, laissez
là la loi de l’instruction supérieure, nous avons fait nos preuves dans la loi
sur l’instruction primaire ; là nous nous avons fait pour le pouvoir central
plus que vous n’aviez fait dans la commission qui avait préparé le projet de
1834 que vous défendez.
Comment avez-vous fait une
plus grande part au gouvernement ?
Vous avez créé deux écoles
normales au lieu de trois. M. le ministre de l’intérieur a employé un singulier
argument pour prouver que deux étaient autant que trois ; trois, a-t-il dit,
étaient insuffisantes ; et que vous importe donc qu’il n’y en ait que deux ?
Parce que trois était peu, il faut que le pouvoir central se contente de moins
encore. Dans son opinion, trois écoles normales du gouvernement sont
insuffisantes, et c’est pour cela qu’il en propose deux.
Le projet de 1834 donnait 27
écoles modèles au gouvernement, M. le ministre trouve-t-il que les huit
proposées par le nouveau projet sont autant que les 27 du projet de 1834 ?
Mais, me répond-on, nous
avons donné dans les autres parties de la loi une intervention à l’autorité
centrale, et vous, vous n’en donniez qu’à l’autorité provinciale.
Il est vrai que dans la
commission de 1834 nous avons donné une grande partie des pouvoirs qui
revenaient à l’autorité civile, à une commission provinciale. Mais nous avons
donné à cette autorité un pouvoir réel et de plus un pouvoir utile au progrès
de l’enseignement primaire. Mais vous, permettez-moi de vous le dire, qu’est-ce
que vous avez donné au pouvoir civil ? Des inspecteurs sans pouvoirs. Je me
trompe, vous lui avez donné l’article 21. Cet article 21 interprété de tant de
façons est le seul pouvoir réel que vous ayez donné à l’autorité centrale. Et
quel est ce pouvoir que vous lui conférez ? Est-ce de créer des écoles, de les
améliorer, de leur faire faire des progrès ? non ;
vous lui avez donné le droit de les détruire, de les fermer.
Nous, nous avions donné à la
commission provinciale le droit d’améliorer l’enseignement en intervenant dans
la nomination et la révocation des instituteurs, en soumettant leur aptitude à
un examen, en exigeant des preuves de leur capacité. De tout cela, vous n’avez
rien fait. Nous avions, nous, donné à cette commission, à ce pouvoir civil une
truelle pour bâtir, et vous, vous donnez au pouvoir civil une hache pour
abattre. Vous en avez fait, en matière d’enseignement primaire, une espèce
d’exécuteur des hautes œuvres, agissant à la requête ou sous les ordres (selon
l’interprétation que vous donnez à l’article 21), d’un pouvoir en dehors de
l’autorité civile.
Vous vous rapprochez,
dites-vous, vous êtes convertis au pouvoir royal, vous voulez l’extension du
pouvoir royal, vous êtes plus centralisateur que nous, car nous avons donné
trop d’autorité la province. Mais nous la lui avions donnée par égard pour
vous, parce que nous croyions que cette autorité vous rassurait davantage,
parce qu’alors il y avait dans nos rangs beaucoup de préventions contre
l’autorité centrale. Vous nous reprochez d’avoir cédé à vos défiances, de vous
avoir donné une garantie. Vous dites que vous donnez plus d’extension que nous
au pouvoir royal. Eh bien, mes chers collègues nouveaux convertis, je vous
propose une nouvelle épreuve. Donnons au pouvoir royal toute l’autorité que la
commission de 1834 conférait à la commission provinciale, mais toute entière,
vous m’entendez : droit d’intervenir dans la nomination des instituteurs des
écoles subsidiées ; droit d’intervenir dans la révocation des instituteurs
subsidiés par la province et par l’Etat ; même influence sur l’enseignement,
mais aussi ne l’oubliez pas, même indépendance. Dans les rangs des amis politiques
de M. Brabant acceptera-t-on ce transfert de pouvoirs ? Les nouveaux partisans
de l’extension du pouvoir royal admettront-ils avec moi cette nouvelle
disposition ? L’occasion est belle. Qu’on me prenne au mot. Le gouvernement
osera-t-il accepter pour le pouvoir royal cette intervention ? Qu’il le
déclare. Je ne me rétracterai pas. Mais sur cette question, comme sur l’autre,
j’ai peur que, et les ministres de la couronne et les honorables amis de M.
Brabant retireront leur main quand je leur tends la mienne. A une autre époque,
dans ce cas une épreuve plus décisive pour mes collègues nouveaux convertis.
J’arrive à ce que disait M.
le ministre de l’intérieur sur l’espèce d identité de portée qu’il voit entre
la loi de 1834 et l’art. 21.
Voici quelle était la portée
de la loi de 1834. Pour le clergé direction, pouvoir non contrôlé dans
l’enseignement religieux. Pour tout autre chose, le clergé n’avait dans les
écoles de l’autorité civile que droit de remontrance, et de plus droit
d’influence dans la commission locale, composée de 5 ou 6 membres et dont un
ministre du culte faisait partie.
J’ajouterai ici en passant
que je ne me rappelle pas si dans la commission, on a proposé d’admettre dans
la commission provinciale un membre du clergé ; mais quant à moi je serais prêt
à admettre dans la commission provinciale un membre du clergé sur le même pied
que dans la commission locale.
Ainsi dans cette loi
l’autorité civile était souveraine, dans l’école excepté
pour l’enseignement religieux, et quelle était la position du clergé pour
l’enseignement religieux ? Précisons clairement les choses ; car on y a
mis un peu de confusion. Le clergé lui-même avait la direction de
l’enseignement : c’est-à-dire, qu’il se contente pour cet enseignement de
l’instituteur nommé par l’autorité civile ; ou, s’il ne s’en contentait pas, il
intervenait lui-même ou par un délégué pour faire donner l’enseignement
religieux dans l’école, mais rien que l’enseignement religieux.
Telle était la position du
clergé. Mais ses droits se bornaient à cela et à l’admission d’un membre du
clergé dans la commission locale. Le clergé pouvait sans doute intervenir sous
d’autres rapports auprès de l’autorité civile par des avis, par des conseils,
par des remontrances, mais comme droit il n’avait d’intervention ni dans le
choix de l’instituteur ni dans l’appréciation de la capacité, je dirai plus de
l’aptitude, quelle qu’elle fût, morale ou intellectuelle de l’instituteur.
L’enseignement religieux était à la discrétion, à la merci du clergé ; mais rien
de plus. Tout le reste relevait de l’autorité civile.
J’entre dans les hypothèses
qu’on a présentées. Le clergé par tel ou tel motif refusait son concours,
Qu’arrivait-il ? L’école devait-elle nécessairement tomber ? Non.
Qu’arrivait-il ? On pouvait changer l’instituteur, ne pas le changer, mais on
ne détruisait pas l’école. Qui était juge ? L’autorité civile. Quelle était
cette autorité ? Celle dans laquelle nos honorables adversaires, d’après leurs
idées d’alors, avaient le plus de confiance ; la commune pour les écoles
communales non subsidiées ; la commission provinciale pour les écoles
subsidiées. L’Etat n’avait pas le droit de fermer les écoles ; l’Etat n’avait
pas ce pouvoir nouvellement inventé d’empêcher une commune qui ne lui demande
rien, qui ne reçoit pas de subside, d’avoir une école.
On avait beaucoup de
confiance, dira-t-on, dans la commune et dans la province. Je le répète,
c’était celle des autorités civiles dans laquelle nos adversaires avaient alors
la plus grande confiance. Ce pouvoir, c’est la souveraineté, le pouvoir suprême
dans l’école. Il faut choisir, il faut le donner à quelqu’un : à l’autorité
civile ou au clergé. C’est la question qu’a soulevée l’interprétation de l’art.
21. Quelle sera l’autorité souveraine de l’école ? On aura beau équivoquer sur
cet article, dire aujourd’hui le contraire de, ce qu’on disait hier, dire à une
extrémité du banc ministériel le contraire de ce qu’on dit à l’autre extrémité,
la question est celle-ci : Quelle sera l’autorité souveraine de l’école ? Pour
nous c’était la commune, pour les écoles non subsidiées c’était la province,
sauf l’enseignement religieux. Si vous voulez que ce soit le pouvoir central,
si vous voulez réellement et franchement que l’autorité civile ou le
pouvoir supérieur, excepté en ce qui concerne l’enseignement religieux,
dites-le nettement. Que le clergé donne ou fasse donner l’enseignement
religieux ; mais que l’autorité civile reste indépendante pour l’appréciation
de la capacité et même de la moralité de l’instituteur. Sans doute il est du
devoir de l’autorité administrative d’écouter les sages remontrances, les avis
du clergé, de les prévoir même, de se concilier autant qu’il est
raisonnablement possible non seulement le concours matériel, mais encore
l’approbation sincère du clergé. Mais il y a une grande différence entre ces
devoirs administratifs, et une dépendance, écrite dans la loi. L’autorité
civile avait aussi, dans le projet de 1834, des droits réels ; mais, je
l’avoue, elle n’avait pas le triste droit d’empêcher une commune d’avoir une
école, de lui interdire d’accorder de ses propres deniers un subside à sa
propre école. Le projet de 1834, en un mot, ne créait pas un pouvoir
destructeur d’écoles. Nous n’avions pas fait au pouvoir le misérable rôle
d’avoir des inspecteurs nuls et comme seul moyen d’intervention la peine de
mort contre l’école.
Beaucoup d’articles de ce
projet devront fixer ultérieurement notre attention. Mais puisque l’article
Ainsi devant la plus
mauvaise école, tant que le clergé ne croit pas devoir se retirer, le pouvoir
est complètement désarmé.
Qu’arriverait-il dans ce cas
avec la loi de 1834 ? La commission provinciale, qui était l’autorité civile
chargée de la surveillance, révoquait l’instituteur et on le remplaçait, ou
plutôt la commission provinciale faisait plus ; elle prévoyait les abus, elle
ne les laissait pas naître. Un instituteur ne pouvait être nommé qu’après avoir
passé un examen devant cette commission d’hommes spéciaux qui s’assurait de sa
capacité, et non seulement de sa capacité mais de son aptitude morale.
L’art. 21, messieurs, est
une conception tout à fait anti-administrative, tout à fait à rebours des
règles qu’il faut prescrire dans une loi administrative. Cette disposition
provoque les abus. Ainsi on permet à toutes les administrations communales même
les moins éclairées, de nommer librement leurs instituteurs. On ne fait rien
pour les empêcher d’en nommer de mauvais ; mais quand ils sont nommés, on
laisse au pouvoir à prendre l’art. 21 de le sens le plus favorable, le parti
extrême de pouvoir écraser l’école, de la fermer. On provoque les abus par le
défaut de garanties, par le défaut de précautions, et quand les abus sont nés,
on n’a d’autre remède que le remède le plus extrême, comme je le disais tout à
l’heure, la peine de mort contre l’école ; et encore ne peut-on l’appliquer que
si le clergé se retire.
Ne fallait-il pas s’attacher
à prévenir les abus ? En administration, provoque-t-on les abus pour les
détruire lorsqu’ils se sont développés ?
Hier, M. le ministre de
l'intérieur, si je l’ai bien compris, a fait entendre qu’il avait le droit de
révoquer les instituteurs.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb)
- D’amener la révocation.
M. Devaux. - Qu’il avait le droit d’amener leur révocation,
c’est-à-dire qu’il avait le droit de révocation indirecte. Et comme userait-il de
ce droit ? En menaçant de prive l’école de tout subside de l’Etat, de la
province, de la commune, c’est-à-dire, de détruite l’école. Nous examinerons
tout à l’heure les résultats de ce moyen. Mais d’abord ce droit n’est écrit
nulle part. Comment ! vous avez le droit de dire à une
commune, non pas seulement : Je retire mon subside, mais je vous empêche de
donner votre propre subside à votre école, si vous ne révoquez pas votre
instituteur, et vous avez ce droit sans que la loi le dise ! Ecrivez, comme dans
le projet de 1834, que là où vous avez une intervention, où il y a subside, le
pouvoir civil, soit l’Etat, soit la province, intervient dans la nomination,
dans la révocation, qu’il délivre des brevets de capacité aux instituteurs qui
peuvent être nommés par l’autorité communale. Mais vous ne faites rien de cela
; vous laissez la voie ouverte aux abus ; vous restez seulement armés du droit
de détruire le bien avec le mal.
Mais que ferez-vous, que
fera le ministre actuel, si une grande commune s’obstine ? M. le ministre de
l'intérieur prétend, je suppose, qu’un instituteur n’est pas capable, qu’il
n’est pas assez religieux, qu’il faut le révoquer ; sans cela plus d’école. La
commune trouve que son instituteur est assez religieux, assez capable. C’est
une grande commune ; il y a 2 ou 3 mille enfants dans ses écoles. Vous croyez
que cette commune va s’effrayer quand vous lui direz que vous allez fermer ses
écoles ? mais elle saura bien que vous ne les fermerez
pas, que vous ne mettrez pas sur le pavé 2 à 3 mille enfants pauvres dans une
ville. Et vous savez bien vous-même, que c’est un moyen tellement extrême, que
vous, ministres d’aujourd’hui, vous ne pourrez, que vous n’oserez pas en user.
Mais, messieurs, a-t-on
songé à un autre inconvénient ? Vous voulez punir la commune en supprimant son
école ? Et si par hasard l’administration de la commune désire la suppression
de son école ? Jusqu’ici, messieurs, dans les lois d’enseignement primaire, on
a toujours fait des efforts pour exciter les communes à former des écoles. Le
principal obstacle que tous les gouvernements ont rencontré quant à l’extension
de l’enseignement primaire, c’est la négligence, l’insouciance, la mauvaise
volonté des communes les moins éclairées. Que fait le gouvernement ? quelle est son arme contre cette mauvaise volonté des
communes ? Mais c’est précisément de faire ce que fait la plus mauvaise
volonté, c’est de supprimer l’école.
Un des grands inconvénients
qui vont naître de la loi, un des cas qui se présentera le plus souvent est
celui-ci : Il existe dans une campagne une école privée ; un individu tient
cette école depuis longtemps, peut-être a-t-elle passé dans la famille de père
en fils ; c’est un homme très peu capable, mais son père faisait peut-être le
même métier, les habitants le voient de bon œil, la commune est pauvre, peu
instruite ; les parents ne voient pas une grande nécessité à ce que leurs
enfants en sachent plus qu’eux, ils disent : Nous aimons mieux cette école
privée qu’une école communale, pourquoi changer ? C’est faire une dépense
inutile ; il fait payer 200 fr. à un instituteur communal ; il faut le payer en
centimes additionnels ; maintenant l’instruction de nos enfants nous coûte peu
de chose, nous payons même en nature.
Le gouvernement dira : non,
il faut une école. La commune établit l’école, mais elle y met de la mauvaise
volonté, parce qu’elle est obligée à faire des dépenses, on l’organise mal, on
nomme un homme incapable, peut-être de mauvaise conduite. Quelle ressource
donnez-vous au gouvernement ? Celle de dire à la commune : Vous ne voulez pas
d’une école communale ; vous l’organisez mal : pour vous punir, je la supprime.
Ainsi le remède est pire que
le mal. Le moyen que vous vous réservez contre la commune va en sens contraire
du but que vous voulez atteindre ; loin de surmonter sa négligence, sa mauvaise
volonté, vous ne pouvez que lui donner gain de cause.
On n’a pas réfléchi,
messieurs, aux conflits nombreux que se prépare le gouvernement ; vous supposez
que désormais tout le monde sera d’accord, que dans les 2500 communes du
royaume, les membres du clergé et les administrations communales vont partout
s’entendre à merveille.
Mais, messieurs, y a-t-il
une province, y a-t-il un district administratif où dans un certain nombre de
communes il n’y ait quelque dissidence entre les autorités communales et des
membres du clergé indépendamment même des opinions politiques ? Pouvez-vous
raisonnablement vous attendre à ce que ces dissidences ne se reproduisent pas
dans le contact des deux autorités au sein de l’école ?
J’ai entendu dire que par
l’adoption de la loi sur l’instruction primaire, on allait confondre les deux
opinions qui divisent le pays ; qu’il n’y aurait plus de parti libéral ni de
parti catholique, qu’on allait désintéresser le pouvoir dans cette lutte ; mais
ne voyez-vous pas que vous mettez le pouvoir central en face des deux partis,
que vous l’obligez sans cesse à se prononcer entre le pouvoir religieux et le
pouvoir civil ? Avec les idées que je me fais du gouvernement représentatif, ce
n’est pas moi qui doit le plus redouter pour le pouvoir cette position ; mais
vous devez le redouter beaucoup, vous qui pensez que le gouvernement
représentatif peut nous faire vivre tous dans une inaltérable harmonie, vous
qui espérez que le char de l’Etat peut rouler sans cahot et sans bruit entre
des opinions qui tairont leur dissidence.
Messieurs, je n’hésite pas à
le dire, si la loi reste telle qu’elle est, avec les dispositions dont on a
parlé et plusieurs autres dont on parlera plus tard, loin de calmer, elle aigrira
les divisions. Quant aux autres résultats, j’en vois un clair et net : elle
étend l’influence du clergé dans les écoles ; mais que fait-elle de plus pour
l’enseignement primaire ? Absolument rien.
Elle arrête un certain
mouvement qui s’était manifesté dans les administrations provinciales en faveur
de l’enseignement primaire. Je soupçonne même qu’il faudra que l’on s’explique
à cet égard, qu’elle supprime les écoles normales fondées par les provinces.
Mais que fait la loi pour
relever la capacité de l’instituteur, pour perfectionner les méthodes, que
fait-il en un mot pour améliorer l’enseignement primaire ? Rien, absolument
rien. Administrativement, messieurs, elle aura, je le crains, l’un ou l’autre
de ces deux résultats, ou peut-être même tous les deux à la fois, d’abaisser
l’enseignement des écoles communales dans les campagnes au niveau de celui des
écoles privées, qui est bien peu élevé, ou bien, et c’est peut-être le résultat
le plus probable, de remplacer dans les campagnes les écoles communales par des
écoles privées qui seront loin de les valoir.
La loi, messieurs, me
paraît, telle qu’elle est aujourd’hui et avec l’art. 21 interprété comme on
voudra, une loi non pas en faveur de l’enseignement primaire, mais contre
l’enseignement primaire.
Messieurs, qu’on y prenne
garde. On veut arriver à un but ; mais qu’on ne l’oublie pas ! il y a des choses qui ne s’obtiennent pas par la loi, il y a
des choses dont on s’éloigne à mesure qu’on veut les saisir au moyen des
mesures de contrainte. Il y a quelque temps, un étranger de beaucoup de mérite
me disait, à propos des publications flamandes qui paraissent depuis quelque
temps : Mais vous autres Belges, vous êtes l’esprit de contradiction
personnifié. Quand le Roi de Hollande voulait vous forcer à apprendre le
flamand, vous ne vouliez pas, aujourd’hui on ne vous y oblige pas, vous vous
occupez du flamand cent fois plus que de son temps ! la
réponse est facile ; il est telle plante qui languit sous le régime de la
contrainte, et qui se développe sous celui de la liberté. Hier on disait :
Voyez Paris lui-même, ce foyer d’irréligion ; car il a adopté les écoles des
frères de la charité chrétienne. Eh ! oui, messieurs,
Paris les adopte, mais ce n’est pas la loi qui les lui impose. L’administration
les adopte, mais librement, personne ne l’y contraint. On fait librement les
mêmes choses contre lesquelles on se roidit quand on y est contraint.
Soyez-en bien persuadés,
messieurs, il y a bien plus à faire dans votre sens par des conseils, par des
mesures administratives et de conciliation, que par des prescriptions légales.
L’influence que vous voulez favoriser, c’est la force morale qu’il lui faut,
bien plus que les dispositions impératives de la loi. Cette influence de nos
jours est bien plus réelle, bien plus vivante, bien plus en progrès là où sa
force morale seule la protège, que là où elle croit trouver dans
la loi son soutien le plus efficace.
M. de
Theux. – Une
chose digne de remarque, messieurs, c’est qu’en 1834 comme en 1840 et en 1842,
le gouvernement, et je pense aussi la majorité de la chambre, ont toujours été
d’accord sur le but que doit atteindre la loi sur l’instruction primaire. S’il
y a une dissidence, ce n’est que quant aux moyens d’atteindre le but que l’on
désire de part et d’autre. Je dis, messieurs, que l’on était d’accord sur ce
but en 1834 ; en effet, le projet présenté à cette époque portait dans son art.
2 :
« Art. 2. L’instruction
primaire comprend nécessairement l’instruction morale et religieuse, la lecture,
l’écriture, le système légal des poids et mesures, les éléments du calcul, de
la langue française, la langue flamande ou allemande, suivant les besoins des
localités.
« L’enseignement de la
religion est donnée sous la direction de ses membres : le vœu des pères de
familles sera toujours consulté et suivi en ce qui concerne la participation de
leurs enfants à l’instruction religieuse. »
Le projet de 1842 contient
exactement la même disposition. D’autre part le ministère de 1840, dans son
programme, annonçait aussi exactement les mêmes intentions en ce qui concerne
l’enseignement religieux et moral.
D’après le projet de 1834,
comme d’après le projet de 1842, cette disposition devait recevoir une
exécution sincère, loyale. Seulement les autorités chargées de veiller à
l’exécution de la loi n’étaient pas les mêmes d’après le projet de 1834 ; alors
c’étaient des comités électifs, aujourd’hui c’est le gouvernement central.
D’après le projet de 1834, on
pouvait obliger chaque commune à ouvrir une école qui réunit les conditions
voulues par la loi, et c’est pour ce motif que la députation permanente du
conseil provincial était autorisée à porter d’office au budget communal les
sommes nécessaires pour l’érection d’une école. Ainsi chaque fois que la
commune ne remplissait pas volontairement cette obligation, la députation
portait d’office au budget la somme nécessaire pour ouvrir une école qui
répondît au vœu de la loi. Quant à ce point, messieurs, je crois que la loi
communale décide la même chose. En 1834, la loi communale n’existait pas, et
dès lors il fallait introduire à cet égard une disposition dans la loi sur
l’instruction primaire ; mais aujourd’hui cela n’est plus nécessaire, puisque
la loi communale y a pourvu.
Aujourd’hui, comme en 1834,
le projet de loi ne s’explique pas sur le mode d’après lequel il faudra
procéder pour l’établissement d’une école communale conforme aux prescriptions
de la loi, dans le cas où la commune refuserait son concours. Il semble que ce
serait à l’autorité chargée d’exécuter la loi qu’il appartiendrait de prendre
les mesures nécessaires pour suppléer au mauvais vouloir de l’autorité
communale.
Dans le programme de 1840,
le ministère disait :
« Nous déclarons, en outre,
que la loi sur l’enseignement doit donner aux pères de famille qui se servent
des écoles entretenues par les communes, les provinces ou l’Etat, la plus
complète garantie d’une éducation morale et religieuse. »
Il est impossible,
messieurs, de s’exprimer en termes plus positifs. Le ministère appliquait le
principe du projet de 1834, non seulement à une école dans chaque commune, mais
à toutes les écoles communales, à toutes les écoles provinciales et à toutes
les écoles de l’Etat.
On s’est demandé si, aux termes
du projet de 1834, il y avait une distinction entre la morale et la religion.
Je pense, messieurs, que cette distinction n’était dans la pensée d’aucun
membre de la commission, puisque toute religion a une morale, et qu’il n’y a
point enseignement de la religion s’il n’y a point en même temps enseignement
de la morale religieuse. Je pense donc que cette question ne peut pas être
sérieusement soulevée. En 1834 comme en 1842, lorsqu’on a dit :
« L’enseignement de la religion est donné sous la direction du
clergé », on a également entendu parler de l’enseignement de la morale
religieuse.
Pourquoi dès 1834 a-t-on
proclamé dans le projet de loi que l’enseignement de la religion devait être
donné par les ministres de la religion ? C’est, messieurs, que c’est là une
nécessité sociale ; c’est que les vœux des pères de famille se sont manifestés
à cet égard. Et en effet, qu’avons-nous vu depuis que la constitution a
consacré la liberté de l’enseignement ? on a vu
presque tous les pères de famille donner pour l’éducation de leurs enfants, la
préférence aux établissements qui offraient des garanties de moralité et de
religion. Il y a même ceci de remarquable, que les pères de famille qui croient
pouvoir s’exempter des pratiques de la religion ne confient pas leurs enfants
aux établissements qui n’offrent pas de semblables garanties. C’est ainsi,
messieurs, que nous voyons les enfants de pères de familles appartenant à des
opinions différentes, confiés aux établissements dirigés par les évêques et par
des corporations religieuses. Il est donc bien constant que les pères de
famille veulent pour leurs enfants l’éducation morale et religieuse.
Aussi, dans la discussion
qui vient de s’ouvrir sur le projet, nous avons vu la plupart des membres de la
chambre, à quelque opinion qu’ils appartiennent, professer hautement la
nécessité de l’enseignement de la religion.
Messieurs, l’enseignement de
la religion nécessite l’intervention du clergé, car lui seul peut donner cet
enseignement.
Mais la sanction de
l’intervention du clergé résidait dans le projet de 1834 comme dans le projet
actuel, dans le pouvoir civil. En 1834, cette sanction résidait dans la
commission nommée par le conseil provincial ; aujourd’hui elle réside dans le
gouvernement.
Ce n’est pas l’autorité
ecclésiastique qui fait de plein droit irruption dans l’école. C’est la loi qui
l’appelle à prêter son ministère dans l’école. Et pourquoi la loi
l’appelle-t-elle à prêter son ministère ? C’est parce qu’il y a une nécessité
sociale à ce que l’instruction de l’enfance soit religieuse et morale.
Ainsi, messieurs, il y a
indépendance parfaite du pouvoir civil, c’est lui, le pouvoir législatif qui
appelle l’autorité ecclésiastique à prêter son concours à l’enseignement, ce
n’est pas l’autorité ecclésiastique qui vient contre la volonté du pouvoir
législatif, du pouvoir civil s’interposer dans l’enseignement.
Je sais, messieurs, que
quelques personnes ont cru qu’on faisait une part trop grande à l’autorité
ecclésiastique dans cette intervention, mais je pense qu’après l’amendement qui
a été présenté par M. le ministre de l'intérieur, et après les explications
qu’il a données, toutes craintes doivent être dissipées à cet égard.
D’autre part, on a craint
qu’il n’y eût pas de sanction à la délégation qu’on accordait à l’autorité ecclésiastique
quant aux écoles. Et en effet, il est vrai de dire que tout dépend de la bonne
volonté du pouvoir civil, car l’autorité ecclésiastique n’a absolument rien à
prescrire, elle n’a qu’un jugement à porter sur l’enseignement, et c’est à
l’autorité civile à prendre des mesures en conséquence.
L’autorité ecclésiastique
demeure dépourvue de tout moyen d’exécution ; elle ne concourt pas à la
présentation des candidats, à la nomination et à la révocation des
instituteurs, à la collation et au retrait des subsides.
L’on pouvait dire que cette
part n’est pas suffisante, mais l’autorité ecclésiastique peut se rassurer et
accepter, à mon avis, en toute confiance, le projet de loi, et prêter son
concours. En voici le motif : Si l’autorité civile apportait de la mauvaise
volonté à l’exécution de la loi ; si l’on ne tenait point compte des nécessités
religieuses, l’autorité ecclésiastique aurait alors encore tout le temps de
retirer son concours, et d’établir un enseignement libre en concurrence avec
l’enseignement public. C’est là la véritable sanction.
C’est pour ce motif aussi
que j’ai toujours pensé que les critiques qu’on avait faites du projet de 1834,
étaient exagérées, qu’il y avait une différence fondamentale entre la situation
de
Messieurs, après avoir
établit qu’en ce qui concerne l’enseignement religieux et moral, il y a
identité parfaite entre le projet de 1834 et celui de 1842, il reste à examiner
si le projet de 1842 offre autant de garanties pour le progrès de
l’enseignement primaire que celui de 1834.
M. Lys. - Je demande la parole,
M. de
Theux. - Je
ferai d’abord remarquer que si le projet actuel avait été présenté en 1834, il
aurait probablement éprouvé une vive résistance le la part de tous les membres
de la chambre qui pensaient qu’il ne devait pas y avoir d’organisation légale
de l’instruction communale, qui pensaient que la libre concurrence était tout
ce qu’il fallait pour atteindre le but que la chambre se proposait, à savoir
l’instruction littéraire et l’éducation religieuse de l’enfance.
Je pense que le projet
actuel eût rencontré en 1834 plus d’opposition que le projet de loi de 1834
n’en a rencontré. En effet, on aurait dit, en déférant au gouvernement
l’inspection légale de toutes les écoles établies ou subsidiées par la commune,
en autorisant les inspecteurs du gouvernement à réunir les instituteurs aux
chefs-lieux des divers cantons à des époques déterminées, l’on va tuer
l’enseignement libre, il n’y aura plus de concurrence possible, les craintes
qu’on aurait manifestées, et certainement les honorables contradicteurs du
projet actuel n’ont pas partagé ces craintes à cette époque et ne doivent pas
non plus les partager aujourd’hui parce qu’en réalité la concurrence existe
toujours pour toutes les institutions libres.
En faisant ces observations,
je n’entends nullement faire la critique des opinions qui, de bonne foi, ont
existé en 1834, lorsqu’on n’avait pas encore l’expérience de l’absence de
l’organisation de l’instruction communale, de même qu’il y aurait injustice à
critiquer l’opinion des membres de la commission qui, en 1834, ont cru que
l’institution des comités locaux et provinciaux était ce qu’il y avait de mieux
pour arriver au but qu’on se proposait, puisque l’on n’avait pas encore
l’expérience qui a été faite dans un pays voisin.
Du reste, messieurs, il est
manifeste que 1e projet de 1834, n’est plus que celui de 1842, n’est pas une
œuvre parfaite. Sous ce projet, comme sous l’autre, des inconvénients nombreux
peuvent surgir ; mais ce que nous devons considérer, ce sont les avantages
qu’on peut obtenir ; si les avantages surpassent de beaucoup les inconvénients,
force nous est, messieurs, dans l’intérêt de la société, d’accepter une loi
imparfaite, alors qu’il est impossible d’en avoir une qui nous présente moins
d’inconvénient pratiques.
Le projet de 1834 instituait
un pouvoir mixte ; l’autorité religieuse et l’autorité civile étaient
confondues dans un seul et même comité local, et certainement s’il y avait eu
harmonie dans une semblable commission, on aurait atteint le but que nous
devons nous proposer : la conciliation des deux autorités ; c’est véritablement
tout ce que nous pouvons désirer pour perfectionner l’instruction. Mais il
fallait aussi prévoir le cas de dissentiment dans le comité, et alors quel
était le remède ?
Ici, il y a une autorité
unique pour l’exécution, c’est le gouvernement ; mais le gouvernement est
responsable, le gouvernement n’est pas une autorité collective, élective, qui
échappe à toute espèce d’investigation et de responsabilité ; le gouvernement
peut être interpellé sur l’exécution de la loi. Voilà la principale garantie,
mais je conviens que cette garantie elle-même peut toujours échapper, si les
influences parlementaires venaient à se modifier.
Ainsi, supposons qu’il
arrive un parlement qui ne veuille pas de l’instruction religieuse, qui répudie
l’opinion des membres de la commission de 1834, l’opinion du ministre de 1840,
celle du ministère de 1842 et de la très grande majorité de cette chambre, il
est évident alors que le pouvoir qui sera le produit d’une telle assemblée, ne
prêtera pas un concours loyal et sincère à l’exécution de la loi. Ce cas est à
prévoir.
Mais nous avons le même cas
à prévoir, en ce qui concerne la composition des conseils provinciaux. Il peut
arriver que dans quelques-uns de ces corps il existe un esprit antireligieux et
que l’on n’y veuille absolument pas de l’exécution de la loi.
Ainsi donc, c’est uniquement
un système de fait, une question d’avenir ; mais aujourd’hui, puisque presque
toute la chambre, car il est bien peu de membres qui se sont prononces contre
la nécessité de l’instruction morale et religieuse ; puisque presque toute la
chambre veut l’instruction morale et religieuse, je pense que l’autorité la
plus apte pour assurer la bonne exécution de la loi, c’est le ministère.
Il est cependant une
difficulté qui a été signalée et qui est sérieuse, c’est celle qui est relative
à la nomination des instituteurs. L’on a dit avec vérité que dans des communes l’on
nomme des instituteurs qui n’ont pas la capacité nécessaire pour remplir leur
mission conformément aux prescriptions de la loi. Il peut encore arriver que
dans des communes il se trouve des instituteurs de mauvaise volonté qui se
refusent à concourir loyalement à donner l’enseignement religieux et moral.
J’avoue que, sons ce
rapport, le projet de 1834, prêtait moins aux difficultés que le projet
actuellement en discussion ; lorsque nous serons arrivés à cet article, nous
pourrons examiner sérieusement s’il n’y aurait pas des moyens propres à
prévenir dans ce cas les difficultés, les collisions. L’honorable M. Devaux
vient d’en signaler un sur lequel je ne me prononce pas, quant à présent, mais
qui mérite d’être examiné par la chambre.
Messieurs, je dois dire
cependant que nous avons aujourd’hui une garantie qui n’existait pas en 1834,
en ce qui concerne le bon choix des instituteurs. Les écoles normales sont déjà
très nombreuses, et le gouvernement en aura deux à créer. Ces écoles normales
fourniront une surabondance de sujets propres à remplir convenablement les
fonctions d’instituteurs ; dès lors, les communes auront beaucoup de facilités
pour les choix.
D’autre part, il est évident
que l’avantage d’un bon instituteur est tous les jours apprécié de plus en plus
par les habitants, non seulement des villes, mais encore des communes rurales,
à tel point qu’on y sait très bien signaler le bon instituteur de la commune
voisine, lorsqu’on en possède un mauvais chez soi ; de sorte que les conseils
communaux seront forcés par la puissance seule de l’opinion publique, de faire
de bons choix d’instituteurs, choix qui leur seront facilités, je le répète,
par l’existence des écoles normales ; en outre, les réunions périodiques des
instituteurs au chef-lieu de canton, sous la présidence des inspecteurs, ne
pourront qu’être utiles, pour perfectionner les méthodes d’enseignement, et
pour faire marcher tous les instituteurs dans la voie du progrès. Enfin, le
concours qui sera organisé par la loi, sera un autre moyen d’atteindre ce but.
Il y a une chose constance,
c’est qu’aujourd’hui tout le monde est d’accord sur l’utilité d’une instruction
littéraire suffisante pour l’enfance, soit dans les villes, soit dans les
campagnes. A cet égard, il y a rivalité de zèle parmi les autorités
ecclésiastiques comme parmi les autorités civiles, et cette rivalité, jointe
aux moyens que l’on aura de se procurer de bons instituteurs, ne peut manquer
de produire les résultats désirés.
Mais, en présence de la
nécessité de hâter la solution d’une question importante, qui a été si
longtemps suspendue, je suis très disposé à me rallier aux dispositions
principales du projet de la section centrale, puisqu’elles ont obtenu aussi
l’assentiment du gouvernement, et que dès lors nous pouvons croire qu’elles
obtiendront le suffrage de la majorité de cette chambre. En faisant cette
déclaration, je ne pense pas répudier le projet de 1834, car, je ne puis que le
répéter, le but est exactement le même, les objets d’enseignement sont les
mêmes. Il ne s’agit pour moi que d’arriver au but. Si les moyens qu’on propose
pour y parvenir sont trouvés suffisants, je les adopterai de mon côté, sans
m’arrêter à ceux qui ont été proposés en 1834. Toutefois, je me réserve d’examiner plus particulièrement ce qui concerne la nomination
des instituteurs, car, à cet égard, on a présenté des objections qui ont
réellement du poids. J’ai dit.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb).
- Messieurs, la discussion des articles m’offrira l’occasion de revenir sur
quelques-unes des observations que vous a présentées l’honorable M. Devaux. Cet
honorable membre a bien voulu m’adresser une question ; il m’a dit : Vous qui
êtes disposé à augmenter l’influence du pouvoir central, consentiriez-vous à
transférer au pouvoir central les attributions qui étaient accordées à la
commission provinciale, en ce qui concerne l’intervention dans la nomination
des instituteurs et dans leur révocation ?...
J’ai déjà dit hier que je ne
me refusais pas examiner cette question.
Toutefois, pour me prononcer d’une manière définitive, j’aurais besoin d’avoir sous les yeux une proposition formulée. Si l’honorable préopinant
voulait en déposer une, je l’examinerais ; je le prie de croire qu’il me
trouverait libre de tout engagement.
M. Lys. – Vous êtes appelés à
discuter une loi qui aura une haute portée sur l’avenir de la patrie.
L’instruction publique forme l’esprit et le cœur des générations qui font
l’espoir du pays.
C’est surtout dans cette
matière qu’il faut se montrer jaloux des droits qui appartiennent
incontestablement au pouvoir civil, car l’Etat est essentiellement intéressé à
ce que les doctrines enseignées, de quelque part que vienne l’enseignement, ne
soient point hostiles aux institutions nationales et aux principes de notre
droit public.
L’enseignement est
l’alimentation spirituel de l’homme ; une conséquence
de ce principe, c’est que la société doit à chacun l’instruction.
Mais il y a dans
l’instruction deux parties bien distinctes : L’éducation et l’instruction
proprement dite.
La première s’applique aux
facultés morales ;
La seconde aux facultés
intellectuelles.
Dans les républiques de
l’antiquité, le pouvoir politique distribuait l’éducation aux enfants et aux
citoyens ; l’instruction était donnée par les particuliers, suivant les désirs
et les facultés de chacun. le pouvoir sentait que
l’éducation formant des citoyens devait être dirigée par l’Etat ; maintenant,
que vous propose-t-on ? On veut que le pouvoir législatif décrète en principe,
que la direction morale de la société appartient au clergé ; on veut, comme
conséquence, que les livres à employer dans les écoles soient revêtus de
l’approbation du clergé, même sous 1e rapport de la morale.
La constitution a proclamé
la liberté de conscience. Rien de mieux que de laisser au clergé de chaque
culte l’enseignement du culte, rien de mieux que de lui laisser l’enseignement
de la morale religieuse, mais ce que vous ne pouvez admettre, c’est de lui
abandonner complètement l’enseignement de la morale, c’est-à-dire, l’éducation
de la nation ; ce que vous ne pouvez admettre, c’est la nécessité de
l’approbation des livres, sous un point de vue autre que le point de vue
religieux.
Abandonner au clergé la
direction absolue de l’éducation, c’est abdiquer au profit des opinions
religieuses les droits imprescriptibles de l’Etat. C’est à la société seule
qu’il appartient de diriger par ses délégués, par des instituteurs de son
choix, révocables à son gré, l’éducation qui est donnée en même temps que
l’instruction.
Le système de la loi aura
pour résultat inévitable de concentrer l’instruction dans les mains du clergé.
Investi du droit de donner l’enseignement de la morale, de diriger cet
enseignement, il y aura antagonisme continuel, lutte organisée entre le clergé
et les instituteurs chargés de donner l’instruction. Quand les hommes
déplairont au clergé, il refusera de concourir à l’enseignement de la morale et
de la religion, Il frappera par ce moyen vos écoles d’une sorte d’interdit.
Sous le prétexte que vos livres sont contraires à la morale, il saura proscrire
tous les ouvrages que l’on peut mettre sans danger dans les mains de la
jeunesse.
Rendez à Dieu ce qui est à
Dieu, mais n’oubliez pas que le sublime législateur des chrétiens a aussi
proclamé qu’il fallait rendre à César ce qui est à César ; or, la proposition
qui vous est faite, tend à substituer l’influence théocratique à l’influence du
gouvernement.
L’instruction telle qu’on
vous propose de l’organiser fera des croyants ; elle peut faire aussi des ennemis
de notre organisation politique. Or, ce n’est pas ainsi que vous devez
comprendre l’instruction publique. L’instruction publique doit former des
citoyens ; le droit de former les citoyens appartient à l’Etat seul, à moins de
proclamer que l’Etat n’a pas le droit de prendre les mesures nécessaires à sa
conservation et à son existence.
Les sectes religieuses n’ont
rien à démêler avec cette partie de l’instruction. Le culte est une affaire de
conscience, une affaire de l’homme à Dieu. Mais il ne faut pas outrer la
mesure, il ne faut pas, sous le prétexte de respecter la liberté de conscience,
organiser un pouvoir en dehors de l’Etat ; or, c’est organiser ce pouvoir, que
d’abandonner au clergé la direction morale de la société ; c’est exposer le
corps social à une dissolution politique que de confier d’une manière absolue,
la direction morale de la jeunesse au clergé.
Par votre projet, vous
laissez l’enseignement libre, pour les écoles particulières, pour les écoles du
clergé ; en cela, vous respectez la constitution, mais vous ne laissez plus la
même liberté à la commune, elle ne pourra plus établir une école, même
lorsqu’elle ne solliciterait aucun subside pour elle ; dès lors l’enseignement
n’est plus libre, quoique la constitution porte, en toutes lettres, qu’il n’y a
que l’enseignement donné aux frais de l’Etat qui doit être régi par la loi.
N’est-ce pas là maintenir
une prérogative au profit des écoles du clergé, et frustrer la commune de cette
prérogative que la constitution lui accordait aussi ? Ainsi vous donnez au
clergé le droit de venir inspecter cette école communale, et vous gouvernement,
vous n’avez pas à voir ce qui se fait dans l’école du clergé.
Ainsi l’enseignement reste
libre pour le clergé, il n’est libre pour la commune.
Nous n’entendons nullement
contester au clergé les droits qui loi appartiennent, nous voulons qu’il soit
honoré et respecté, nous ne contestons nullement l’avantage de l’enseignement
religieux dans nos écoles primaires, mais nous voulons aussi qu’on ne sacrifie
point les droits de l’Etat au profit du clergé.
L’on ne cesse de citer des
auteurs français qui ont traité de l’enseignement primaire, de citer des
améliorations qui sont désirées en France, je me dispenserai à cet égard de
toute réponse, je vous renvoie au discours de M. Rogier dans voire séance
d’hier, on ne peut rien y ajouter, on n’y a pas répondu et il n’y avait rien à
répondre. En France, l’Eglise est dans l’Etat, le clergé n’est pas indépendant,
le prêtre est un fonctionnaire public, soumis au pouvoir civil qui a droit de
l’attraire devant ses tribunaux, même en ce qui concerne les matières
ecclésiastiques.
Le projet de loi tel qu’il
est proposé consacre l’asservissement des écoles communales au clergé.
De l’aveu de M. le ministre
de l’intérieur, lors de la présentation du projet de loi, l’autorité civile ne
peut s’occuper que de l’instruction civile, et à l’autorité ecclésiastique de
s’enquérir de la morale et de la religion.
Elles sont enseignées, dit-il,
sous la direction du ministre du culte, l’autorité civile est pleinement
incompétente.
Il ne peut y avoir, a-t-il
encore dit, d’école légalement constituée, qu’à la condition de réunir
l’enseignement moral et religieux, à l’instruction proprement dite.
Cette réunion n’est possible
que par l’intervention volontaire du clergé.
En se retirant le clergé
peut rendre impossible l’existence de l’école.
Ne résulte-t-il pas des
aveux du ministère, aveux renouvelés, en répondant à l’honorable M. Dolez, que
l’instruction est entièrement au pouvoir du cierge ? Et en effet, s’il refuse
son intervention par un motif quelconque puisé dans l’enseignement moral et
religieux, le gouvernement est pleinement incompétent pour en connaître ; et
que devient alors votre instruction civile ?
D’après la loi, le clergé
refusant son intervention, les subsides sont retirés, l’école n’existe plus, la
commune ne peut pas même établir une école à ses frais.
D’après un pareil système,
vos écoles, avant un an, seront devenues les écoles du clergé, qui pourra
supprimer les siennes, il n’aura plus besoin d’intervenir, il aura la
domination pleine et entière.
J’avoue, messieurs, que M.
le ministre de l’intérieur avait donné des explications qui m’avaient, au
premier moment, pleinement satisfait. Mais M. le ministre des affaires
étrangères, à la séance de mercredi, est venu me tirer de mon erreur.
J’ai bien entendu ensuite M.
le ministre de l'intérieur donner des explications que celui ci n’a pas
contredites ; mais il n’en restera pas moins constant pour moi, que vous faites
une loi qu’il est au pouvoir du clergé de la rendre impossible, qu’il est en
son pouvoir de l’annuler à volonté, ainsi que M. le ministre de l'intérieur en
a fait l’aveu, et comme je le démontrerai en peu de mots.
M. le ministre a, pour toute
ressource et il en convient, l’esprit de sagesse et de modération du clergé. Je
ne veux rien contester à cet égard, je dirai seulement que ce n’est pas là
l’appui ordinaire du législateur, il exige le respect pour la loi.
Je dirai avec M. le ministre de l’intérieur
que le clergé ne dira pas : Je ne veux pas intervenir dans l’enseignement
primaire. Je dirai plus, le clergé ne dira pas qu’il veut nommer les
professeurs, ce serait là, et je suis encore d’accord avec l’honorable M. Nothomb,
ce serait une exigence illégale, et le clergé ne pourrait mettre à son
intervention une condition qui n’existe pas dans la loi.
Mais, M. le ministre connaît
l’ouvrage de Mgr. l’évêque de Liége sur l’instruction. Il sait aussi que les
principes y développés sont ceux de l’épiscopat belge qui l’a approuvé dans ses
conférences, ainsi que diverses publications de sa part l’ont fait connaître.
Il n’ignore pas que l’épiscopat belge a cherché à faire tomber toutes les
écoles et collèges communaux, en refusant son intervention pour l’enseignement
religieux, dès qu’il ne coopérait pas à la nomination des professeurs, et à cet
égard, la preuve est de notoriété publique.
Eh bien, messieurs, ne vous
faites pas illusion, tous les instituteurs primaires nommés par les communes
devront l’être à la satisfaction du clergé, et ceux qui ne réuniraient pas son
approbation seraient sur-le-champ écartés.
La mesure à prendre à cette
fin n’est pas bien difficile ; le chef du clergé se bornera à déclarer que
l’instituteur est incapable de remplir la partie de ses fonctions qui concerne
l’éducation religieuse.
De l’aveu des ministres, il
suffit que cela soit notifié à celui de l’intérieur.
Le conseil communal,
l’inspecteur civil auraient beau déclarer que l’instituteur est apte à remplir
cette fonction.
Le ministre, de son aveu, ne
doit recevoir rien autre sinon un rapport de l’autorité ecclésiastique, se
plaignant que l’état de l’instruction religieuse, dans cette école, n’est pas
satisfaisant et je suppose que le motif donné soit celui-ci : L’instituteur n’a
pas les connaissances nécessaires pour donner l’instruction religieuse.
Le gouvernement ne pourra
pas examiner le mérite de ce rapport, il est incompétent en matière religieuse,
il ne peut dès lors de dispenser de retirer le subside, quoiqu’il lui soit
démontré que l’enseignement est satisfaisant sous le rapport religieux ; ce
n’est pas à lui à faire cette appréciation, c’est à l’autorité ecclésiastique.
Le projet de loi est dès
lors la sanction des prétentions du clergé, en matière d’enseignement.
Je ne pourrais ainsi donner
mon assentiment à la loi, si par des amendements, on ne porte le remède
convenable.
Il suffit de donner au
clergé l’enseignement religieux sans parler de l’enseignement moral. C’est une
innovation inutile qui ne se trouve pas dans le projet de 1834 ; et si, comme
on le dit et je partage cet avis, l’enseignement religieux est véritablement
l’enseignement moral, aucune morale plus sublime ne pouvant exister que celle
de l’Evangile, ce dont je conviens, il devient alors fort inutile de parler de
l’enseignement moral, et il faut se borner à dire dans la loi, l’enseignement
religieux qui comprend l’un et l’autre, par là, on ne donnera pas lieu à des
controverses sur l’exécution de la loi.
Ainsi,
messieurs, à moins de changement dans les art. 5, 6, 7 et 21, je voterai contre
la loi.
M.
Savart-Martel.
- Un honorable membre, qu’on m’a dit être notre doyen d’âge, nous a fortement
engagés à la modération.
Je me conformerai à son
désir, qui sera toujours aussi le mien, car tous nous n’avons qu’un but. Si
nous différons sur les moyens d’atteindre ce but, comme vient de la dire M. de
Theux, ce n’est pas une raison pour cesser de nous estimer et de nous
respecter, rationibus est certandum.
En abordant le projet dont
s’agit j’ai senti, messieurs, que nous allions mettre le pied sur un terrain
brûlant.
Je n’ai jamais douté que
nous admettrions tous que l’enseignement primaire doit être moral et religieux
; et que par conséquent nous devrons faire ce que permet la raison, pour
obtenir à cet égard le concours du clergé ; mais j’ai craint et je crains
encore que ce concours, nous ne l’obtiendrons point ; car la constitution a
placé le clergé au-dessus de toutes nos lois, et déjà il y a des exigences
presque avouées en opposition avec le projet même que nous discutons.
La chambre daignera
remarquer qu’il n’y a de ma part ni louange ni blâme, je parle de fait notoire,
je prends notre position comme elle existe.
Je partage l’opinion que le
clergé n’accordera point son concours, si nous ne lui accordons l’impossible,
c’est-à-dire le droit de nommer et de révoquer les instituteurs. Ainsi le
gouvernement va se trouver dans une fausse position ; il va s’attirer des
embarras inextricables.
J’avais cette préoccupation,
je l’avoue, lorsque vous daignâtes m’écouter il y a quelques jours.
Je soumis un simple doute,
et je finis par demander qu’on conservât au moins aux administrations locales
la liberté d’enseignement que notre constitution accorde même à de simples
citoyens
C’était éventuellement une
planche de salut pour ceux qui craignent les collisions du pouvoir civil et de
l’autorité ecclésiastique.
J’en faisais aussi une
planche de salut pour le cas où la loi, ainsi que je le prévois, deviendrait
inexécutable, au moins il nous resterait des écoles.
L’honorable M. Dechamps
d’abord, puis l’honorable ministre de l’intérieur ont fait des objections que
je rencontrerai plus amplement lors de la discussion des articles. J’espère
prouver que les objections reposent sur des pétitions de principes, et sur une
restriction des droits qui dérivent de la constitution ; mais il en est une que
je dois rencontrer dès ce moment.
« D’après les idées du sens commun (sic) m’a répondu l’honorable M.
Dechamps, la demande du député de Tournai ne peut être accueillie. »
« Je ne dirai pas, me
répondit l’honorable ministre de l’intérieur, je ne dirai pas que le bon sens
seul, pour me servir de l’expression de M. Dechamps, s’y oppose mais que les
principes du strict droit s’y opposent. »
Comme corollaire de ces
réponses, on prétend que, si la chambre admettait mon idée, elle ferait la
chose la plus ridicule qu’une assemblée puisse décréter, elle inscrirait dans
la loi même que cette loi est inutile, superflue, sans objet ni application.
En définitive, on me
reproche une idée déraisonnable pour ne pas dire folle. D’abord j’ai cru avoir eu un moment d’aberration, produit
peut-être par les jours caniculaires. J’ai cru avoir laissé mon bon sens à la
porte de cette chambre ; mais grand fut mon étonnement de recevoir en
communication le projet de 1834 portant précisément ce que je demande ce jourd’hui. Cet acte qu’on répute aujourd’hui, contraire au
sens commun, je le trouve faire partie du projet présenté par des membres très
considérés de la chambre, y ayant une grande influence et de diverses opinions.
A mon insu, je me trouvais
donc avoir émis leur doctrine.
Or, dès qu’on m’accorde la
part de raison reconnue à ces messieurs, c’est plus que je n’aurais osé
m’attribuer, et je me trouve en trop bonne compagnie pour me plaindre.
Mais comment se fait-il que
ce qui était juste et raisonnable en 1834, ne le soit plus aujourd’hui ? Comme
se fait-il que ce qui était un acte de sagesse il y a 8 ans, soit aujourd’hui
contraire au sens commun ? la constitution, cependant,
n’a point changé.
On nous a dit que les
auteurs du projet de 1834 n’étaient point infaillibles. Sans doute ; mais ils
étaient constitutionnels, hommes de talent, et l’on ne fera croire à personne
qu’il aient péché contre le sens commun.
En invoquant la liberté
d’enseignement, je n’étais donc pas hors de mon droit. Mon observation, qui
pouvait donner matière à une question préjudicielle, a eu pour résultat
d’amener de la part du gouvernement une explication claire et précise dont se
sont emparé d’honorables membres pour discuter le fond du projet.
Je n’ai pas cru pouvoir
entraver la discussion ; mais, le cas échéant, je me réserve de requérir pour
le pouvoir communal la liberté d’enseignement sous la seule condition que l’instruction
primaire comprendra l’enseignement moral et religieux.
En confrontant le projet de
1834 avec celui de 1842, on a parlé d’amour-propre froissé, d’amour-propre
d’auteur, enfin. Mais je pense qu’il y a plusieurs membres dans la chambre qui,
comme moi, sont absolument étrangers au premier projet ; nous prendrons dans le
deuxième projet, sans préférence aucune, ce qui pourrait y avoir de bon.
Avant-hier, j’ai cru,
messieurs, que la nouvelle rédaction proposée par M. le ministre de l'intérieur
et amendée par mon honorable ami M. Orts, me permettrait d’accepter le fond de
cette loi ; mais je me suis bientôt aperçu que le vaste champ de collision
n’était point encore fermé ; que nous allions ravaler le gouvernement et le
mettre dans une fausse position.
Je sais gré à M. le ministre
de l'intérieur de vouloir se charger des embarras que vont amener ces
collisions.
Un génie comme le sein ne
craint pas le travail, je le sais ; mais quand on réfléchit que M. le ministre
va se constituer juge entre le clergé et l’autorité civile ; et que celle-ci
acceptera la décision, tandis que le clergé pourra la mépriser, il me semble
qu’on ferait au ministère un rôle peu digne de sa haute position.
Je regrette que l’Etat ne
puisse pactiser d’avance avec le clergé ; mais c’est, je le crois, là chose
impossible, car il se conçoit facilement que le clergé ne consentira pas le
moins acte qui puisse nuire à son indépendance.
On nous objectera peut-être
que l’intérêt du clergé, c’est-à-dire la loyauté dans l’accomplissement de ses
devoirs, est une garantie qu’il n’aura point d’exigence déraisonnable.
Si j’avais à traiter
personnellement, j’accepterais peut-être cette garantie, mais un Etat, un
gouvernement ne peut se livrer avec une telle confiance.
On nous a beaucoup parlé de
Il n’en est pas de même en
Belgique ; car la loi des lois, ayant rendu le clergé indépendant, chaque
évêque est souverain dans son diocèse, il ne relève que de Dieu et d’un prince
étranger.
Le clergé ne se trouvera
donc lié ni dans le for intérieur, ni dans le for extérieur. D’honorables
membres, et notamment MM. Devaux et l’honorable préopinant viennent de vous
exposer les dangers de cette position, je ne répèterai pas leurs moyens.
On nous a parlé de
conciliation. Moi aussi, je la désire de tout mon cœur ; mais comment se donner
la main lorsqu’on nous refuse même obstinément ce qu’on nous accordait en 1834
?
C’est donc sous la réserve
de réclamer la liberté de l’enseignement dans le cercle des idées que j’ai
précédemment émises, que j’accepterai la discussion des articles d’un projet
qui, nous ne pouvons plus en douter, porte en soi un germe de trouble et de collision.
- La discussion générale est
close.
Discussion des articles
Article premier
« Art. 1er. Il y aura dans
chaque commune du royaume au moins une école primaire étable dans un local convenable.
Toutefois en cas de nécessité, deux ou plusieurs communes voisines pourront
être autorisées à se réunir pour fonder ou entretenir une école. »
- Adopté.
« Art. 2. Lorsque, dans
une localité il est suffisamment pourvu aux besoins de l’enseignement primaire
par les écoles privées, la commune peut être dispensée d’établir elle-même une
école. »
M. Pirson. - Je demande la
suppression de cet article en laissant subsister l’art. 3 que je crois tout à
fait suffisant. En effet, d’après l’art. 3, vous aurez ou une école primaire
communale, ou bien une autre école qui sera adoptée par la commune et qui par
conséquent deviendra école communale. Cette école communale dépendra de la
commune et du gouvernement et pourra être contrainte à recevoir les pauvres que
vous voulez envoyer à l’école ; d’après l’art. 5, s’il existe une commune où il
y ait une école privée non adoptée par la commune, non communale,
qu’arrivera-t-il, si la commune veut lui envoyer ses enfants pauvres et que
l’instituteur ne veuille pas les recevoir ? Il faudra toujours que la commune
en revienne à votre art.1er et qu’elle établisse son école communale. Je
demande donc la suppression de cet article en admettant l’art. 3, qui dit que
la commune pourrait adopter une ou plusieurs écoles privées pour tenir lieu de
son école communale.
Il est telle commune où
l’école communale proprement dite est insuffisante pour recevoir tous les
enfants. A Dinant, par exemple, nous avons une école communale qui existe
depuis longtemps, depuis que le roi Guillaume a chassé les frères des écoles
chrétiennes, que nous avions auparavant. Aujourd’hui elle serait tout à fait
insuffisante si elle devait recevoir tous les enfants.
Il y a quatre instituteurs
et cinq cents enfants qui fréquentent les écoles. Nous avons à côté une école
des frères qui reçoivent gratuitement tous les enfants qui se présentent,
naturellement plutôt les enfants de parents pauvres que les enfants de parents
aisés. Le gouvernement a bien voulu nous accorder un subside pour cette école.
Nous, membre du collège de régence, nous avons également accordé un subside et
les particuliers font aussi quelque chose ; de manière qu’il n’y a peut-être
pas de commune en Belgique où les écoles soient plus fréquentées qu’à Dinant.
J’ose dire qu’il n’existe pas trois ménages qui n’envoient pas leurs enfants à
l’école.
Tout à l’heure, à propos de
l’art. 5, je ferai une autre proposition. Je vous ferai connaître en même temps
ce qui se passe à Dinant. Je veux bien m’exposer à la critique de ceux qui
trouvent mal ce que nous faisons, mais je suis sûr de rencontrer, d’autre part,
des approbations. A Dinant, nous avons décidé que les enfants de parents
pauvres qui ne fréquenteraient pas les écoles, leurs parents pourraient être
privés des distributions des bureaux de bienfaisance. Je peux dire que les
enfants des pauvres fréquentent plus exactement les écoles que les enfants des
riches.
Mais on m’objecte que la loi
ne pourrait pas porter cet ordre aux enfants pauvres. Je répondrai que ce n’est
pas un ordre. La loi n’exige pas, mais la loi autorise l’administration à
mettre une condition à la distribution de ses secours. Nous ne forçons pas les
parents à envoyer les enfants aux écoles, mais nous disons : s’ils n’y
vont pas, vous n’aurez pas de secours du bureau de bienfaisance. Par ce moyen,
nous avons obtenu la fréquentation des écoles par les enfants pauvres.
Je demande la permission de
lire mon amendement.
Je propose la suppression de
l’art. 2. l’art. 3 devient l’art. 2, et l’art. 4, devenu art. 3, serait ainsi
conçu :
« Dans le cas prévu par
l’article précédent, la députation permanente du conseil provincial, sauf
recours au Roi, statue sur les demandes d’autorisation. »
Voici maintenant mon
amendement à l’art. 5 devenu art. 4. C’est le même système que celui présenté
par le gouvernement ; seulement il y a une disposition qui oblige les enfants à
fréquenter les écoles, et une autre rédaction en ce qui concerne ces listes.
« Les enfants pauvres reçoivent
l’instruction gratuitement. Chaque année, le conseil de régence, avant
l’ouverture de l’année scolaire, en dresse la liste, et d’après ses
renseignements administratifs, et d’après la demande des parents.
« Les parents pauvres
qui négligeraient de faire inscrire leurs enfants sur la liste, et qui ne
veilleraient pas à ce qu’ils fréquentassent l’école qui leur sera désignée
parmi celles instituées, d’après les articles précédents, pourront être rayés
des listes de distribution de secours des bureaux de bienfaisance et autres
établissements publics de charité.
« Le conseil de régence
fixe la rétribution qui sera due par la commune aux instituteurs des pauvres,
pourvoir à la fourniture des livres et autres accessoires, et fait tous les
règlements nécessaires pour l’exécution du présent article ; ces règlements
seront soumis à l’approbation des députations permanentes, qui statueront
également sauf recours définitif du Roi, sur toutes réclamations qui naîtraient
soit de la formation des liste des pauvres, soit de la fixation de la
rétribution due aux instituteurs. »
J’ai pensé qu’il fallait
changer la rédaction de l’art. 5 du gouvernement, parce qu’il m’a semblé qu’il
était dans l’ordre hiérarchique que ce fût le conseil communal qui dressât la
liste des pauvres auxquels l’instruction devait être donnée, sauf à la faire
approuver par la députation permanente, tandis que, dans ce projet, on dit que
ce sera la députation qui dressera ces listes sur les indications de l’autorité
communale. De même c’est la commune qui doit faire les règlements et les
soumettre à la députation provinciale, sauf à aller jusqu’au Roi s’il y avait
discussion.
M. le président. - Cet amendement sera
imprimé et distribué ; quand nous serons arrivés à l’art 5, je consulterai la
chambre pour savoir s’il est appuyé.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb).
– Si j’ai bien compris l’honorable préopinant, il regarde l’art. 2 comme
faisant double emploi avec l’art. 3. ces deux articles s’appliquent à des cas
différents. Dans l’art. 2, il s’agit d’écoles privées ne recevant aucun subside
ni de l’Etat, ni de la province, ni de la commune comme commune.
Nous supposons maintenant
que dans une commune il y ait des écoles de ce genre non subventionnées,
n’existant qu’en vertu de la liberté de l’enseignement, en assez grand nombre
pour que tous les enfants de la commune y reçoivent l’instruction, les parents
payant directement et individuellement les instituteurs. Cela posé, pour qui
faudrait-il encore une école communale ? Tous les enfants reçoivent
l’instruction dans ces écoles et les parents, usant de leur droit, les y
envoient et paient directement.
M. Pirson. - Sera-t-elle forcée de
recevoir les pauvres ? Voilà la question.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb)
- Mais non. Les pauvres ne peuvent recevoir l’instruction que dans une école
subventionnée par la commune, et dès lors cette école n’est plus une école
privée et devient une école communale.
Le cas qu’on suppose à
l’article 2 se présentera. Il faut supposer : 1° qu’il n’y aura dans une
commune que des familles assez aisées
pour que tous les chefs de famille paient directement et individuellement la
rétribution nécessaire â l’instituteur ; 2° que les écoles privées seront en
assez grand nombre pour satisfaire à tous les besoins.
L’art. 2 est un hommage
rendu à la liberté d’enseignement, car s’il y a assez d’écoles pour suffire à
toutes les familles, à quoi bon établir une école communale ? On me dit : mais
il y a des écoles où sont admis les enfants pauvres sans que les pères de
famille le payent. Mais dans ce cas elles reçoivent des subsides ou n’en
reçoivent pas. Si elles ne reçoivent des subsides ni de l’Etat, ni de la province,
ni de la commune, ces écoles, quel que soit leur nom, ne sont que des écoles
privées ; mais si elles reçoivent des subsides soit de l’Etat, soit de la
province, soit de la commune, dès lors elles tombent sous l’application de la
loi.
Je saisis cette occasion de
montrer un côté de notre fameux art. 21 qui est resté
inaperçu jusqu’à présent. Le § 1er de l’art. 21 ne s’applique pas seulement aux
écoles communales proprement dites. Il met fin à une grande controverse : il
s’applique à toutes les écoles communales ou privées laïques ou religieuses
recevant une subvention. Voilà le sens du § 1er de l’art. 21. De sorte qu’il
sera appliqué aux écoles des frères de la doctrine chrétienne qui recevront un
subside de l’Etat.
M. Dumortier. - Cela est manifeste
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb).
- Je tenais le déclarer, parce qu’il faut que chacun sache le sens de la loi.
Personne ne doit être trompé. C’est à dessein que j’ai changé un mot dans le premier
paragraphe de l’art. 21, qui est maintenant ainsi conçu :
« Aucune école ne
pourra obtenir ou conserver un subside ou une allocation quelconque de la
commune, de la province ou de l’Etat, si l’autorité qui la dirige ne consent à
la soumettre au régime de la présente loi. »
Revenons maintenant à l’art.
2. Vous voyez que cet article ne recevra son application que lorsque, dans une
commune, il y aura des écoles privées dans la stricte acception du mot, ne
recevant aucun genre de subside, de quelque caisse publique que ce soit, et
qu’elles suffiront pour les besoins des familles payant directement et
individuellement. Si elles reçoivent un subside de l’Etat, de la province ou de
la commune, elles ne sont plus des écoles privées dans le
sens de l’art. 2. Elles tombent sous l’application de l’article 21, sous le
régime de la loi.
M. Pirson. - Le ministre vient de
nous citer un cas qui pourrait se présenter : ce serait celui où il y aurait
une école privée qui ne trouverait pas dans la fortune des habitants des
rétributions suffisantes pour instruire tous les enfants. Mais je ne sache pas
qu’il y ait une commune où il n’y ait pas de pauvres. Je suppose 2 ou 3
familles pauvres. Vous ne pouvez envoyer dans ces écoles privées les enfants
des pauvres. Vous ne pouvez obliger ces écoles privées à les recevoir. Il faut
donc toujours en revenir à une école communale.
L’art. 3 suffit à tout : il
dit que l’on pourra adopter l’une ou l’autre école privée comme école
communale. Cet article donne à l’administration communale
le moyen de faire à cet égard toutes les conventions nécessaires avec l’école
privée. Je trouve donc l’article 2 surabondant.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb)
- La question de l’honorable membre me paraît être celle-ci. Je suppose une
commune où les enfants de toutes les familles aisées soient placées dans des
écoles privées où ils paient directement et individuellement, et que dans la
même commune, il y ait un certain nombre d’enfants pauvres, que ferez-vous ?
Ici, il ne s’agit plus d’appliquer l’art. 2. Les enfants pauvres doivent
recevoir l’instruction au moyen de subsides des communes. Dans ce cas on fera
un arrangement quelconque soit dans la commune même, soit dans une commune
voisine, conformément aux art. 3 et 5 qui sont ici applicables.
S’il y a une commune où les
écoles privées sont en assez grand nombre pour que toutes les familles puissent
y faire donner l’instruction à leurs enfants, je demande pourquoi l’on
établirait une école communale. Je crois qu’en règle générale il y aura peu de
communes où ce cas se présente. Il y aura toujours des
enfants pauvres auxquels il faudra faire donner l’instruction. L’école recevra
alors un subside, et dès lors elle sera placée hors du cas de l’art. 2.
M. Verhaegen. - Je me conformerai à la
décision de la chambre, en m’abstenant de rentrer dans la discussion générale.
Je me bornerai à revenir sur quelques grands principes, alors qu’ils doivent exercer
de l’influence sur la discussion des articles.
Il s’agit pour le moment des
articles 2 et 3. L’honorable M. Pirson demande la suppression de l’art. 2, et
si j’ai bien compris cet honorable collègue, il maintient l’art. 3, parce que
dans sa manière de voir, il peut arriver que l’école communale soit
insuffisante pour les besoins de l’école et qu’il convienne de profiter d’autre
école placée à côté de l’école communale. Mais que notre honorable collègue
fasse attention que son but ne sera pas atteint ; car l’art. 3 porte :
« La commune pourra
être autorisée à adopter, dans la localité même, une ou plusieurs écoles
privées, réunissant les conditions légales, pour
tenir lieu de l’école communale. »
Ain si l’art. 3 est fait
pour un tout autre cas que celui que suppose l’honorable membre ; il est fait
pour le cas où la commune juge à propos de ne pas établir une école communale,
mais d’adopter une école privée à laquelle elle donne un subside, et qui
devient alors l’école de la commune. Ainsi, en admettant l’art. 3 et en
retranchant l’art. 2, l’honorable M. Pirson n’atteint pas son but, il va au
contraire directement contre ce but. C’est une observation que j’ai crue
nécessaire, pour que l’honorable membre puisse apprécier la portée de ses
observations.
Quant à moi, je demanderai
la suppression des articles 2 et 3, parce que dans ma manière de voir il y a
contradiction entre l’article 1er et les articles 2 et 3. On refuse par les
articles 2 et 3 ce qu’on a accordé par l’art. 1er, et pour vous dire encore une
fois toute ma pensée, je vous dirai que l’art. 2, s’il était adopté, serait un
acheminement à l’adoption de l’amendement proposé par la section centrale à
l’art. 5. J’y tiens d’autant plus que, comme M. le ministre de l'intérieur a
déclaré qu’il ne voulait pas cet amendement, il pourrait arriver que l’art. 2,
s’il était adopté, nécessitât dans l’opinion de nos honorables contradicteurs
l’adoption de l’amendement à l’art. 5. C’est une démonstration que je me
réserve de faire, elle ne sera pas longue.
Avant tout, je me permettrai
quelques réflexions préalables sur les art. 2 et 3.
Moi j’ai pensé que le gouvernement avait le droit d’avoir son institution à lui
dans chaque commune ; et j’ai dû le croire, alors que l’honorable rapporteur de
la section centrale, au début de son premier discours, nous a dit que c’était
une question, non pas d’intérêt communal, mais bien d’intérêt général,
d’intérêt social.
Et si nous allions un peu en
arrière, messieurs, s’il nous était permis de vous dire un mot de tout ce qui a
été avancé dans la discussion sur les modifications de la loi communale, je
vous rappellerais que beaucoup d’honorables membres ont appuyé leur opinion sur
ce que le pouvoir central devait descendre jusque dans la commune ; sur ce
qu’il fallait que la commune fût ce qu’était la province, ce qu’était le
pouvoir central proprement dit, et que celui-ci descendît jusque dans les
dernières régions pour y faire sentir son influence.
Ainsi, d’après votre
opinion, le gouvernement central doit être jusque dans la commune. La question
de l’instruction primaire est, d’après vous, une question d’intérêt général,
une question sociale. Le gouvernement doit donc exercer son droit quant à cette
question d’intérêt général, jusque dans la commune ; il a le droit d’avoir son
instruction dans la commune, et c’est ce qu’établit l’art. 1er. Mais après
avoir établi ce principe dans l’art. 1er, vous le détruisez dans l’art. 2 et
dans l’art. 3. Vous enlevez au gouvernement, par les art.
2 et 3, ce que vous lui accordiez dans l’art. 1er et cela s’est fait avec
beaucoup d’adresse. Dans l’art. 2 on commence par dire, et c’est l’explication
qu’a donnée M. le ministre de l'intérieur lui-même : il y a dans une commune
une ou plusieurs écoles privées qui ne reçoivent aucun subside ni de l’Etat, ni
de la province, ni de la commune, celle-ci peut se contenter de ces écoles
privées. Et alors, allant un peu plus loin, à l’art. 3 on dit : Si dans une
commune il se trouve des écoles privées qui reçoivent un subside, la commune
peut les adopter comme écoles communales. Il vient d’être fait à cet égard des
interpellations par l’honorable M. Pirson. Ces interpellations et la réponse
qui y a été donnée par M. le ministre de l'intérieur m’ont fait faire des
réflexions et des réflexions sérieuses.
Dans le cas de l’art. 2,
c’est une école ou des écoles purement privées, qui ne reçoivent aucun subside,
que la commune peut adopter, ou plutôt, pour parler d’une manière plus claire,
dont elle peut se contenter ; et dans ces écoles, si j’ai bien compris les
observations de M. le ministre, il n’y aura aucun contrôle, quant à
l’enseignement proprement dit, de l’autorité civile, parce que du moment qu’il
n’y a pas de subside, il n’y a pas de contrôle possible. Ainsi il sera permis à
une commune de prendre une des écoles du clergé, de se contenter de cette
école, et tout inspecteur civil en sera exclu. Mais alors le gouvernement
abdique son droit ; mais alors le gouvernement central qui doit descendre
jusque dans la commune, d’après les principes professés lors de la discussion
de la loi qui a admis des modifications à la loi communale, n’a plus aucun
droit, il ne lui est pas même permis d’envoyer dans cette école un inspecteur
civil.
Vous comprenez maintenant
quel intérêt et quel grand intérêt ceux qui dirigent ces écoles pourront avoir
à mettre de côté toute influence gouvernementale ; et ici reviennent les
observations que j’ai eu l’honneur de vous soumettre hier. Ceux-là qui auront
ces écoles, ceux-là qui auront un contrôle qui sera au-dessus de tous les autres,
dans les écoles des communes, alors qu’il en existera, ceux-là auront intérêt,
comme de raison, à donner la préférence à leurs écoles privées. Et je partage
encore cette opinion que j’ai émise hier, que tout sera mis en œuvre pour
dégoûter les communes, pour faire en sorte qu’il n’y ait pas d’école communale.
Si un instituteur ne plaît plus, on aura le moyen de l’écarter, au moins
indirectement.
Je vais même plus loin, et
je le dis au risque d’être accusé encore de vous présenter des soupçons
extraordinaires, la nomination du bourgmestre pourra même y être pour quelque
chose. Si tout ne marche pas au gré de ceux qui doivent intervenir dans ces
établissements, eh bien ! vous savez quelles doivent
en être les conséquences, et une des conditions d’intervention pourrait être
non seulement la nomination indirecte des instituteurs, mais même la nomination
indirecte des bourgmestres.
Quoiqu’il en soit, l’art. 2
augmente encore les craintes que j’ai conçues à cet égard. Mais ce qui est plus
fort, c’est qu’ainsi que je le disais en commençant, l’adoption de l’art. 2 est
un acheminement à l’adoption de l’amendement de la section centrale à l’art.5,
et je le prouve.
L’honorable M. Pirson
demandait à M. le ministre de l'intérieur ce qu’il ferait dans les communes
dont il est parlé à l’art. 2 pour les enfants pauvres. Il y a une école où il y
a plusieurs écoles privées qui répondent à l’attente de tout le monde. On juge
inutile d’établir une école communale pour les personnes qui sont à même de
payer. Mais il y a quelques pauvres. Que fera-t-on, demande M. Pirson, pour ces
pauvres ? M. le ministre de l'intérieur répond ; Oh ! pour
les pauvres, on ne peut pas forcer le directeur de ces écoles privées à leur
recevoir ; on ne peut y obliger que les écoles qui reçoivent un subside. Ainsi,
ce n’est pas le cas de l’art. 2 ; ce serait le cas de l’art. 3.
Mais que ferait-on dans le
cas de l’art. 2 ? M. le ministre ne répond
pas ; moi, je vais lui dire ce qu’on fera. On dira : il y a quatre ou
cinq enfants pauvres ; eh bien ! La commune va payer pour ces enfants pauvres
une rétribution de 6 ou 10 fr. comme le propose la section centrale. Et on va
vous dire que cela est très raisonnable ; on va vous dire : si vous vous
contentez d’une école privée, et qu’il n’y ait que quelques enfants pauvres,
comment voulez-vous que pour ces enfants pauvres on établisse une école
communale ? Votre art. 2 sera adopté et comme une conséquence de ce vote, on
vous fera adopter l’art. 5.
C’est dans ce sens que je
vois une très grande portée dans l’art. 2. Cet article n’est que la
proclamation d’un principe dont l’amendement à l’art. 5 est le développement,
et je vous prédis dès maintenant que si l’art. 2 passe,
on fera passer l’amendement à l’art. 5, parce que celui-ci n’est la conséquence
du principe posé dans l’art. 2. Quant à moi, je ne veux ni
de l’art. 2, ni de l’art. 3, ni de l’amendement à l’art. 5.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb)
- Messieurs, si je pouvais considérer la dernière objection de l’honorable préopinant,
celle qui concerne la corrélation de l’art. 2 et de l’art. 5 comme sérieuse, je
proposerais de passer immédiatement à la discussion de l’art. 5, mais je ne
regarde pas cette objection comme fondée. L’art. 2 et l’art. 5 renferment deux
dispositions parfaitement indépendantes l’une de l’autre.
Qu’arriverait-il, dit
l’honorable préopinant, si dans une commune il y avait trois pauvres à qui l’on
doit l’instruction à raison de 6 fr. par tête payés par la commune ? Que
feriez-vous ? Il y a une école privée qui suffit, qui est fondée, entretenue
par les rétributions directes, volontaires des pères de familles.
Mais je vais plus loin ; je
suppose qu’il n’y ait qu’un seul pauvre ; je suppose une commune où il existe
des établissements privées ne recevant aucune subvention, et qui suffit aux
familles aisées, mais il y a un seul pauvre dans cette commune. Ces
établissements, s’ils restent établissements privés, se trouveront dans le cas
de l’article 2, ils existent en vertu de la liberté d’instruction, et je n’ai
pas à m’occuper d’eux. Mais il faut pourvoir à l’instruction de cet enfant
pauvre ; c’est une subvention de 6 fr. ou de toute autre somme déterminée par
la députation qu’il faudra donner.
Eh bien ! si
un de ces établissements privés accepte la subvention de 6 francs, il cesse par
cela même d’être établissement privé, il devient établissement subventionné.
Telle est la portée de l’art. 21 dans la loi que nous faisons. On ne distingue
pas entre les quotités du subside ; quelle soit de six, de cent ou de mille
francs, du moment que vous recevez une subvention, vous cessez d’être
établissement privé, vous tombez sous l’application de la loi.
J’entends dire par un
honorable membre : mais vous décidez la question de l’art. 5. Messieurs, la
question de l’art. 5 n’est pas décidée ; mais par la réponse que je viens de
faire, j’ai prouvé, et je vais le prouver plus clairement encore, qu’il n’y a
aucun rapport entre l’art. 2 et l’art. 5.
Occupons-nous toujours de la
supposition de l’existence d’un seul enfant pauvre, où placerons-nous cet
enfant pauvre ? Moi je dis que c’est la commune qui désignera l’établissement,
et la section centrale, la majorité de la section centrale a pensé que c’est le
père de famille qui devait désigner l’établissement. Voilà le dissentiment qui
a existé entre la section centrale et moi ; c’est le choix de l’école.
L’art. 2 ne proclame pas un
principe ; l’art. 2 proclame, admet, reconnaît les conséquences d’un principe
constitutionnel qui est la liberté de l’enseignement.
Nous sommes dans un village
cent pères de famille ; ces cent pères de famille qui constituent tout le
village se réunissent, fondent une école, ne s’adressent ni à la commune, ni à
la province, ni à l’Etat ; ils s’entendent avec un instituteur à qui ils
fournissent le local et la rétribution individuellement, directement. Je
demande pourquoi on établirait encore une école communale.
On dira : dès qu’il existe
des pauvres, il fait d’occuper d’eux, pourvoir à leur enseignement. Eh bien,
nous verrons de quelle manière on pourra y pourvoir, lorsque nous en serons
arrivés à l’art. 5.
Je ne partage donc,
messieurs, aucune des inquiétudes qui nous ont été exprimées par l’honorable
préopinant. L’art 2 ne fait que proclamer la conséquence d’un principe ; mais
en proclamant la conséquence nécessaire de ce principe, nous avons pris une
précaution, nous avons dit : « Il ne suffira pas aux communes d’alléguer
qu’il existe assez d’établissements privés pour qu’il soit suffisamment pourvu
aux besoins de l’enseignement. » Il ne suffit pas que la commune déclare
ce fait, il faut qu’elle obtienne une dispense, et cette dispense lui est
accordée par la députation permanente, sauf recours au Roi.
Vous voyez donc, messieurs,
que nous avons pris toutes les mesures désirables, qu’en proclamant la conséquence
nécessaire d’un principe constitutionnel, nous avons pris
en même temps des précautions qui ne semblent également nécessaires.
M. Dechamps, rapporteur. - Messieurs, j’ajouterai
quelques observations à celles que vient de présenter M. le ministre, sur le
dernier point soulevé par les honorables préopinants.
Quand il y a des enfants
pauvres, voici ce qui peut arriver. Ou bien il se trouvera dans la commune une
école libre, de charité par exemple, qui recevra les enfants pauvres
gratuitement ; si cette école remplit les conditions voulues par la loi, la
commune pourra être dispensée d’en établir une autre ; ou bien il ne se
trouvera dans la commune que des écoles libres, remplissant également les
conditions voulues par la loi, mais (et c’est ici une supposition bien
gratuite) qui ne reçoivent pas les enfants pauvres et qui ne voudraient pas
accepter un subside pour donner l’instruction à ces enfants. Eh bien, dans ce
cas, il ne serait pas pourvu aux besoins de l’instruction primaire.
L’instruction gratuite des enfants pauvres étant une obligation pour la
commune, celle-ci ne serait plus, dans cette hypothèse, dans le cas prévu à
l’article 2, et elle devrait ou adopter une école ou en créer une.
Comme on vous l’a dit,
messieurs, cet article est un hommage rendu à la liberté de l’enseignement.
Nous nous sommes demandé si lorsque les écoles libres satisfont pleinement dans
une commune aux besoins de l’enseignement primaire, il est nécessaire d’obliger
d’une manière absolue la commune à créer d’autres écoles que j’appellerai dès
lors inutiles.
Maintenant, messieurs,
quelle est la garantie qu’on ne pourra pas abuser de ce droit ? mais cette garantie se trouve dans le jugement que devra
prononcer le conseil provincial. L’honorable M. Devaux nous l’a déjà dit, sous
l’empire de la loi proposée en 1834, c’était là l’autorité suprême et
définitive. Pourquoi l’honorable membre, qui a une si grande confiance dans
cette autorité, ne s’en rapporterait-il pas à elle du soin de décider si dans une
commune il est pourvu aux besoins de l’enseignement primaire par les écoles
privées ? Il me semble donc, messieurs, que vous avez une garantie suffisante,
une garantie qui manquait même jusqu’à un certain point dans le projet de 1834,
puisque ce projet n’admettait pas le recours au Roi, comme le fait le projet
actuel. Et à cet égard, je répondrai à l’honorable M. Verhaegen que d’après
notre projet le pouvoir central intervient sous ce rapport jusque dans la
commune, puisqu’il y a recours au Roi pour la décision de savoir si dans une
commune il est suffisamment pourvu, par les écoles privées, aux besoins de
l’enseignement primaire.
Veuillez remarquer,
messieurs, que le principe renfermé dans cet article ainsi que dans l’art. 3
n’est pas un principe nouveau ; qu’il existait dans le projet de 1834. Je lis
en effet dans l’exposé des motifs de ce projet la phrase suivante :
« Une école privée qui
remplit ces conditions peut, si l’autorité communale le désire, tenir lieu
d’école communale. »
Ainsi, messieurs, nous
n’avons fait véritablement que traduire cette phrase de l’exposé des motifs du
projet de 1834. Dans la loi de 1834 vous n’avez pas d’autre sanction que celle
que le projet actuel vous présente. En effet, voici ce que porte l’art. 6 de la
loi de 1834 :
« Art. 6. S’il n’existe
pas d’école communale ou d’école privée adoptée par la commune réunissant les
conditions prescrites par les art. 1, 2 et 3, la
commission provinciale requerra le conseil communal d’en créer une dans un
délai prescrit, en l’informant qu’en cas d’insuffisance de ses ressources, des
subsides seront accordés sur les fonds provinciaux. »
Vous voyez, messieurs, que
c’est la même idée que celle qui se trouve dans notre projet et que la sanction
de cette idée n’est pas, dans le projet de 1834, autre que celle que nous avons
admise. C’était la commission provinciale, nommée par le conseil provincial,
qui devait décider si les écoles privées remplissaient les conditions de la
loi.
Messieurs, l’honorable M.
Verhaegen vous a dit : « Mais le rapport de la section centrale a déclaré dans
une séance précédente que la question de l’instruction primaire est une
question d’intérêt général, une question d’intérêt social. Il faut donc que le
pouvoir central intervienne dans chaque commune. ». Il me semble, messieurs.
que la question d’intérêt général, d’intérêt social, est uniquement celle de
savoir si dans toutes les communes l’instruction primaire est sérieusement,
convenablement donnée, et je ne vois pas pourquoi, lorsqu’une école libre
remplit complètement ces conditions, pourquoi l’Etat viendrait faire
concurrence à cette école privée. C’est je le répète, un véritable hommage
rendu à la liberté de l’enseignement. Nous n’avons pas voulu, tout en créant
des écoles communales, détruire partout les écoles libres.
Il y a des provinces , messieurs, et vous les connaissez, où il y a
beaucoup plus d’écoles privées que d’écoles communales. Je veux croire que sous
l’empire de la présente loi une transformation lente s’opérera ; que beaucoup
d’écoles privées finiront par être adoptées par la commune ou par devenir
écoles mixtes ou communales ; mais il ne faut pas jeter la perturbation dans
des provinces entières. Dans les Flandres, par exemple, si vous déclariez qu’il
y a obligation absolue pour les communes d’avoir dès le principe une école
communale, vous jetteriez une véritable perturbation dans l’une de ces deux
provinces, où le nombre des écoles privées est très considérable. Nous avons
cru devoir faire la loi telle que la transformation dont j’ai parlé s’opère
lentement, et c’est pour cela que nous n’avons pas voulu créer une obligation
absolue qui amènerait la destruction d’une foule d’écoles privées qui existent maintenant dans les deux Flandres.
M. Desmet. - Je crois, messieurs, que
la discussion qui est soulevée en ce moment par l’amendement de l’honorable M.
Pirson est la même que celle qui a eu lieu en 1832 à l’occasion de la
proposition de feu l’honorable M. Seron. Alors aussi l’on demandait que chaque
commune eût une école subventionnée, et c’est, je crois là la portée de
l’amendement de M. Pirson et de la suppression des articles 2 et 3 demandée par
M. Verhaegen. En 1832, messieurs, la proposition de M. Seron fut rejetée par 53
voix contre 24.
Les articles 2 et 3, messieurs,
sont un hommage rendu à la liberté des communes ; il ne faut pas obliger les
commues à subventionner les écoles, lorsqu’il est suffisamment pourvu aux
besoins de l’instruction par les écoles libres qui existent dans leur sein.
L’honorable M. Pirson craint
que les enfants pauvres ne reçoivent pas l’instruction ; mais, messieurs, dans
les Flandres et partout il existe beaucoup d’écoles qui ont des fondations pour
l’instruction des enfants pauvres. Eh bien, lorsque l’administration
reconnaîtra que de cette manière il est pourvu à l’instruction de tous les
enfants pauvres de la commune, pourquoi forcer celle-ci à faite des dépenses
extraordinaires pour l’établissement d’une école communale inutile ?
On vous a déjà dit,
messieurs, que dans les Flandres, par exemple, il existe beaucoup d’écoles
privées. Dans
Je ne reviendrai pas sur une
discussion à laquelle la proposition de M. Seron a donné lieu en 1832 ; mais il
est certain que cette proposition a été vivement combattue et avec raison, car
il a été prouvé que l’adoption d’une semblable proposition serait un attentat à
la liberté de l’enseignement. Pour s’en convaincre, ii suffit de lire les
discours qui ont été prononcés à cette époque, entre autres, ceux des
honorables MM. Van Meenen et Dumortier.
Je ne puis aucunement,
messieurs, partager l’opinion de M. le ministre de l’intérieur, d’après laquelle
une école qui recevrait, par exemple, une subvention de 6 fr. du bureau de
bienfaisance ou de l’administration pour donner l’instruction à un enfant
pauvre, que cette école devrait, pour ce motif, être considérée comme une école
subventionnée. Si vous voulez que la commune soit libre, il faut bien au moins
lui permettre de payer un modique salaire à une école pour
l’instruction de quelques enfants pauvres sans que cette école soit pour cela
soumise au régime de la loi, sans qu’elle cesse d’être une école libre.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb)
- L’honorable préopinant a supposé que la liberté communale est ici en cause ;
c’est une erreur ; il s’agit de la liberté de l’enseignement. Nous avons
examiné une des conséquences d’un principe constitutionnel, et je suis forcé de
revenir de nouveau à l’hypothèse que j’ai posée tout à l’heure.
Une commune comprend cent
familles aisées : les chefs de ces cent familles se réunissent, font une école
et l’entretiennent directement. Je demande maintenant pourquoi établir une
école communale proprement dite dans cet endroit ? Pour qui l’établir ?
Il y a trois genres d’écoles
; les écoles privées ne recevant aucun genre de subvention, les écoles recevant
une subvention de l’Etat, et les écoles recevant une subvention, non de l’Etat,
mais de la commune.
Cette distinction faite,
consultons le tableau XV qui se trouve annexé à mon rapport.
Il y a en ce moment dans le
royaume 5189 écoles de tout genre ; sur ces 5189 écoles, il y en a 2284 qui ne
reçoivent aucune espèce de subvention et qui se trouvent complètement en dehors
de notre loi et de toute loi possible, puisqu’elles existent en vertu de la
liberté d’enseignement. Il y a ensuite 796 écoles recevant une subvention de
l’Etat. Enfin, il y a 2109 écoles communales proprement dites qui ne reçoivent
aucune subvention de l’Etat.
Maintenant, messieurs, à
quelle catégorie d’écoles s’appliquera la loi que nous faisons ? et à quelle catégorie d’écoles se serait appliquée la loi de
1834 ?
La loi de 1834, adoptée avec
l’art. 4 que nous n’avons pas reproduit, ne se serait appliquée qu’aux 796
écoles recevant une subvention de l’Etat, elle ne se serait pas appliquée aux
2109 écoles ne recevant aucun genre de subvention de l’Etat.
Ainsi, messieurs, la loi
nouvelle, la loi que vous discutez en ce moment, s’applique à toutes les
catégories d’écoles, sauf les écoles privées proprement dites qui ne reçoivent
aucun genre de subvention. Qu’une des écoles qui figurent ici comme écoles
privées, vienne à recevoir une subvention quelconque, ne fût-elle, je le
répète, que de 6 fr., cette école se transforme en une école subventionnée et
tombe sons l’application de la loi.
Nous voilà d’accord, je
pense, sur les différentes catégories d’écoles.
Ainsi, je ne puis assez le
répéter, l’expression école privée
qui se trouve dans l’article 2 ne s’applique qu’aux écoles privées proprement
dites, ne recevant aucune espèce de subvention ; et avec cette explication
qui résulte d’ailleurs de la rédaction même, ce n’est qu’une conséquence du
principe de la liberté d’enseignement.
Voici un danger qu’on peut
signaler, qu’on a déjà signalé, et que nous examinerons plus tard :
D’après l’art. 18, relatif
aux subsides, les communes doivent s’imposer à raison de 2 centimes additionnels,
avant de pouvoir s’adresser à la province, et les provinces doivent égaler
d’imposer 2 centimes additionnels, avant de pouvoir s’adresser au trésor
public. Voici ce qu’on peut dire :
Ne vous exposez-vous pas à
provoquer les pères de famille aisés dans les communes à se réunir pour fonder
les écoles privées et à échapper ainsi à la nécessité de s’imposer, à raison de
2 centimes, comme l’exige l’art. 18. Je crois ce danger moins réel qu‘il ne
peut paraître au premier abord ; je crois que les sacrifices que devraient
s’imposer les pères de famille qui, pour se soustraire à l’art. 18, voudraient
se placer dans l’art. 2 ; que ces sacrifices, dis-je, seraient beaucoup plus
considérables : ils devraient fournir un local, pourvoir au traitement de
l’instituteur, lui assurer une position, le garantir dans l’avenir.
Je ne pense donc pas que le
danger qu’on a signalé existe ; je crois que pour se soustraire à l’art. 18,
les pères de ramille n’iront pas se réunir et s’imposer les sacrifices onéreux
qu’exigent la fondation et l’entretien des écoles privées dont il est parlé à
l’art. 2.
Du reste, cette dispense ne
sera accordée aux particuliers qu’avec toutes les précautions nécessaires. Il
ne suffirait pas que des pères de famille, dans le but d’éluder la loi, se réunissent
pour fonder une école privée, sans chances d’avenir ; mais la députation
provinciale appelée à statuer sur la dispense, aura le droit de rechercher et
de juger les garanties qu’on offre pour l’existence de l’école pendant un
certain nombre d’années ; la députation a donc le droit de
rechercher si l’on n’a pas eu l’intention de frauder en quelque sorte
l’application de la loi.
M. de
Theux. -
Messieurs, je tâcherai d’être extrêmement court et de prouver, par la
comparaison du texte du projet de 1834 avec le projet de la section centrale,
que la disposition de l’art.2 est absolument nécessaire, si l’on ne veut pas
aller beaucoup plus loin, quant à la concurrence des écoles privées, que
n’allait le projet de 1834.
Que résulte-t-il de la
disposition de l’art. 2 du projet actuel ? C’est que, lorsqu’il y aura dans des
localités des écoles privées qui satisfont à toutes les prescriptions de la
loi, de telles écoles ne seront pas soumises à l’inspection régulière organisée
par la loi, Or, les art. 5 et 6 du projet de 1834 établissaient absolument la
même chose. L’art. 5 portait :
« Art. 5. Lorsque les
communes établissent des écoles à leurs frais, elles jouissent, comme tous les
citoyens, d’une liberté entière, soit pour nommer, suspendre ou révoquer les
instituteurs, soit pour fixer leur traitement, soit pour diriger l’instruction. »
On répondra qu’il est dit
dans l’art. 1er qu’il y aura dans chaque commune du royaume au moins une école
primaire, etc., et que l’art. 2 détermine les matières d’enseignement dans ces
écoles ; mais l’art. 6 déclare que la commission d’instruction publique n’aura
pas à exercer ses attributions lorsque l’école remplit les conditions de la
loi, quant aux matières d’enseignement.
D’après la loi, ces écoles
étaient complètement exemptes de l’intervention du comité local et de la
commission provinciale d’instruction publique. Il en était de même de l’école
privée adoptée par la commune, conformément à l’art. 6 de la même loi.
« Art. 6. Lorsqu’il n’existe
pas d’école communale ou d’école privée adoptée par la commune, réunissant les
conditions prescrites par les art. 1, 2 et 3, la
commission provinciale requerra le conseil communal d’en créer une dans le
délai prescrit, en l’informant qu’en cas d’insuffisance de ses ressources, des
subsides sont accordes sur les fonds provinciaux. »
La commission provinciale
n’avait rien à voir dans l’école communale, lorsqu’elle réunissait les
conditions prescrites par les art. 1, 2 et 3.
Or, l’art. 2 du nouveau projet
ne dit pas autre chose.
« Art. 2. Lorsque dans
une localité il est suffisamment pourvu aux besoins de l’enseignement primaire
par les écoles privées, la commune peut être dispensée de l’obligation
d’établir elle-même une école. »
Il est vrai qu’il y a ici
deux articles, et qu’on a en outre reproduit l’art. 3 du premier projet qui
porte :
« Art. 3. Les enfants
pauvres reçoivent gratuitement l’instruction... »
Pourquoi a-t-on été obligé
de faire deux articles ? Parce que d’après l’art. 7 du nouveau projet, l’école
privée adoptée par la commune est soumise à l’inspection régulière comme
l’école communale, tandis que ni l’une ni l’autre n’étaient soumis d’après
l’ancien projet à ces inspections dés que les matières prescrites par la loi y
étaient bien enseignées.
Voilà la différence qui
existe entre les deux projets. Il a fallu dès lors, à moins de vouloir établir
une concurrence plus forte à l’enseignement privé, il a fallu proposer l’art. nouveau du projet de 1a section centrale.
On a demandé ce qui adviendrait
des enfants pauvres de la commune, dans le cas où il n’y existerait pas d’école
communale. Eh bien, ces enfants pourront être reçus gratuitement dans l’école
privée, ou la députation, aux termes du nouveau projet, comme elle y était
autorisée par le projet de 1834, la députation permanente exigera que la
commune crée une école où ces enfants soient instruits gratuitement.
On a dit encore : Comment
s’assurer que l’école privée répond aux besoins de la commune ?
La députation permanente
s’en assurera soit par l’inspection de ses délégués, soit sur le rapport des
inspecteurs institués par la loi.
L’on dit : Mais on écarte
ainsi l’action du gouvernement.
Non, messieurs, le nouveau
projet va plus loin que le projet de 1834, exigeant l’établissement d’une école
communale ; il est permis à tout
individu de la commune qui croirait qu’une école communale y est nécessaire, de
prendre son recours auprès du Roi contre la décision contraire du conseil
communal. Ainsi, le gouvernement central est appelé à contrôler les résolutions
des autorités communales et provinciales. On a donc toutes les garanties
désirables. Cet article, à mon avis, n’a d’autre sens que de soustraire la
commune à l’obligation d’établir une école communale à grands frais, quand il
n’y a pas de nécessité.
Qu’est-ce que l’on veut ?
C’est que l’enseignement religieux et littéraire soit donné d’une manière
satisfaisante et complète dans la commune. Si cet enseignement est donné, il
est satisfait au vœu de la loi. L’inspecteur, s’il estime que l’école privée ne
satisfait pas aux prescriptions de la loi, demande que la commune établisse une
école qui satisfasse à ces prescriptions. On a dit que c’était un acheminement
à l’art. 5 proposé par la section centrale. Pour moi, je ne vois pas cela,
parce qu’il existe beaucoup d’écoles privées qui reçoivent gratuitement les
enfants pauvres sans vouloir recevoir de rétribution.
La
disposition de l’article 2 ne petit pas soulever de difficultés.
M. Pirson. - On a donné à ma
proposition une portée qu’elle n’avait pas du tout. Je voulais assurer
l’instruction des pauvres. Il n’y a pas deux communes où il n’y ait pas de
pauvres. S’il y a des pauvres dans une commune, il doit y avoir une école
communale ou bien une école qui en tienne lieu, une école privée adoptée par la
commune qui alors rentrerait dans la catégorie des écoles primaires, sur
lesquelles le gouvernement a sa surveillance. Voila quel était mon but.
M. Verhaegen. - Si c’est le bureau de
bienfaisance qui paye.
M. Pirson. - Le bureau de
bienfaisance, c’est la commune. Mais depuis que la discussion s’est établie sur
ma proposition, je me suis rappelé qu’un citoyen fort honorable de mon
arrondissement, on peut, je crois, citer les noms quand il s’agit d’un fait
honorable, M. Cleret, ancien administrateur du
département de Sambre-et-Meuse, a laissé une somme de 20 à 25 mille francs pour
fonder une école gratuite pour les pauvres de sa commune.
Voilà
une école privée qui pourvoit à tous les besoins de l’instruction de la commune
et même des pauvres. Par conséquent, je crois devoir retirer ma proposition de
supprimer l’art. 3. Mais je proposerai d’y ajouter après les mots : écoles privées, ceux-ci : même pour les pauvres.
M. le ministre de l’intérieur
(M. Nothomb) - Je regarde cette addition comme absolument inutile.
M. Devaux. - L’article 2 est, à mon avis, un des plus graves de
la loi. Avant de vous soumettre mes observations sur cette disposition, je
désirerais avoir une explication pour éclaircir un point qui ne décide pas la
question, mais auquel je vois que quelques membres attacher de l’importance
dans l’examen de l’article 2. Je crois que la section centrale n’est pas
d’accord avec M. le ministre de l’intérieur sur un point.
Lorsque des enfants pauvres
sont admis dans une école privée et qu’il est payé de ce chef une rétribution
par la commune, l’école tombe-t-elle sous le régime de la loi comme une école
communale, comme une école subsidiée ? M le ministre dit oui.
Quelques paroles que j’ai
échangées en particulier avec M. le rapporteur me font croire que cette opinion
n’est pas admise par la section centrale. Ce point ne décide pas toute la
question, mais je désire avoir une explication ; quand on
me l’aura donnée, je demanderai la permission de continuer.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb)
- Il faut s’entendre sur la nature de la rétribution payée à l’école.
L’honorable préopinant dit que lorsqu’une école reçoit ne fût-ce que pour un
enfant pauvre une rétribution, cette école est dès lors soumise au régime de la
présente loi. J’entends par subvention une rétribution payée par la commune ou
au nom de la commune. Mais je n’entends pas par le mot subvention un salaire
quelconque, s’il m’est permis de me servir de ce mot à propos de l’instruction
par des particuliers. J’entends, je le répète, une subvention payée, soit par
la commune soit au nom de la commune. Il y a dès lors établissement
subventionné, et l’art. 21 lui est applicable
Aucune école ne pourra
obtenir ou conserver une subside ou une allocation quelconque de la province ou
de l’Etat, qu’autant que l’autorité qui le dirige consent à se conformer aux
conditions de la présente loi.
M. Dechamps, rapporteur. - Messieurs, j’ai quelques
explications à présenter qui s’appliquent à l’interprétation à donner à
l’article 5. La majorité qui a voté pour l’amendement présenté à l’article 5 et
qui diffère du projet du gouvernement en ceci que les familles pauvres ont le
droit de choisir l’école où l’instruction sera donnée à leurs enfants, tandis
que dans le système du gouvernement, c’est toujours l’autorité communale qui
désigne l’école, la majorité de la section centrale n’a pas cru que les 6 fr.
alloués par élève dussent être considérés comme une subvention et que l’école,
à raison de cette contribution, dût cesser d’être considérée comme
établissement libre. L’article 5 le décide formellement.
M. le ministre de l’intérieur
(M. Nothomb) - Cette question sera décidée lorsque nous discuterons l’art. 5.
M. Devaux. - Le dissentiment est clair ; chacun peut donc
savoir à quoi s’en tenir à cet égard.
Je viens, quant à moi,
soutenir le projet de 1834 qui admet l’article 3, mais non l’article du nouveau
projet.
L’article 2 me paraît un des
plus dangereux de la loi, au point de vue de l’intérêt de l’enseignement primaire.
Je vous ai dit qu’à mon avis un des grands dangers de la loi était que les
écoles communales dans les campagnes ne fissent place aux écoles privées qui
dans beaucoup de localités ne les valent pas. Dans les grandes communes
l’article est inutile, parce que là il y a des écoles communales ou des écoles
subsidiées par la commune. Il est dangereux dans les petites communes, là où
l’instruction est faible, où les administrateurs ne comprennent pas
l’importance de l’instruction primaire.
Voici le premier effet de
l’article : Une fois qu’une commune a obtenu la dispense d’avoir une école
communale, vous êtes sans action pour surveiller l’instruction, pour vous
assurer si les écoles existantes continuent à mériter la confiance qu’on leur a
témoignée, c’est-à-dire s’il est suffisamment pourvu aux besoins de
l’enseignement. Vous exigez des garanties pour les écoles communales, vous
organisez pour elles des inspections ; mais voici une école privée qui n’est
pas même surveillée par la commune, car il n’y a pas de convention, il n’y a
pas de lien entre elle et l’administration communale, cette école est peut-être
complètement étrangère à l’autorité communale, aucune autorité n’y intervient
en rien, et cependant à cette école vous accordez toute confiance, toutes vos
craintes disparaissent ; vous vous abandonnez à cet instituteur privé sans
aucune garantie, tandis que vous vous liez en établissant dans la loi contre
l’école communale. Si dans cette école privée l’instituteur devient infirme ou
incapable, que ferez-vous ? comment le saurez-vous ? vous ne pouvez pas y pénétrer, l’administration communale
elle-même n’y pénètre pas. Vous supposez toujours que l’école privée vaut mieux
que l’école communale, qu’elle mérite plus de confiance, parce que vous avez
toujours en vue les écoles du clergé, mais je vous réponds que, dans telle ou
telle commune il ne s’établira pas une école qui ne sera pas une école du
clergé, qui méritera très peu de confiance, qui d’abord aura présenté des
conditions de confiance, mais qui ensuite ne présentera plus de garanties ;
vous aurez dispensé la commune d’avoir une école, et vous ne pourrez pas
revenir sur vos pas. Je crois qu’il y a là-dedans beaucoup d’imprévoyance ; on
ne dit pas même si la dispense sera révocable ou si ce sera pour toujours
qu’elle sera accordée.
Je vois un lien secret entre
l’art. 5, tel qu’il est présenté par la section centrale, et cet article. Quand
vous aurez déclaré que dans les localités où il est suffisamment pourvu aux
besoins de l’enseignement primaire par les écoles privées, la commune peut-être
dispensée de l’obligation d’établir elle-même une école, ne nous dira-t-on pas
qu’il faut adopter ce système de la section centrale, mettre les enfants
pauvres à même de suivre celles des écoles privées qu’ils désireront que vous
ne pourrez choisir entre elles ; il faudra subventionner les élèves, quelle que
soit l’école qu’ils fréquentent. Il y a donc, je le répète, un lien entre
l’art. 2 et la proposition de la section centrale.
Je vous ai déjà dit combien
le danger de l’art. 2 était augmenté par l’art. 18. L’art. 18 soumet la commune
à une imposition extraordinaire pour l’instruction communale. Il y a une autre
disposition qui exige que le traitement de l’instituteur s’élève au moins à 200
francs. D’après cela la commune, si elle ne comprend pas l’importance de
l’instruction, sera constamment excitée à se contenter d’une institution
privée. Il y aura pour cela plusieurs raisons. On ne voudra pas désobliger un
individu, s’imposer, subir telle ou telle inspection, se mettre en rapport avec
telle ou telle autorité. Il sera infiniment plus commode de se contenter de ce
qui existe. C’est un des grands dangers de la loi. Ce danger naît en grande
partie de l’art. 2. Maintenant, si vous laissez cet article, je suppose une commune
qui ne veuille pas d’école communale, non pas parce qu’elle trouve qu’une école
privée suffit aux besoins de l’instruction, mais parce qu’elle veut se
débarrasser du fardeau, quelle est la marche que l’on suivra ? On organisera si
mal l’école communale que le gouvernement la supprimera, en vertu de l’art. 21.
Or, c’est précisément ce que désire la commune. On la réduira à l’école privée
qui n’offre aucune garantie.
On objecte que c’est la
députation provinciale qui doit accorder la dispense. Mais que la commune nomme
un mauvais instituteur ; qu’elle se fasse retirer le subside, elle force la
main à la députation. Remarquez que vous avez fait à la députation permanente
une position toute nouvelle. Aujourd’hui la députation provinciale s’intéresse
à l’instruction, parce qu’elle est forcée d’y intervenir. Vous savez qu’un
administrateur s’intéresse aux branches d’administration dont il est forcé de
s’occuper. Mais d’après le projet de loi, l’instruction primaire n’est plus
confiée aux soins habituels de la députation. L’instruction primaire ne figure
plus que comme une chose onéreuse dans les attributions de la députation. La
députation ne s’ingère plus que dans les dépenses.
Dans le projet de 1834, on
ne laissait pas à la commune cette faculté de se contenter d’une école privée ;
de se débarrasser de tout le fardeau.
On dit qu’il existe beaucoup
d’écoles privées dans les communes ; je pense que c’est une des raisons pour
lesquelles l’instruction n’est pas aussi avancée qu’elle devrait l’être. Je
pense que c’est une des raisons pour lesquelles 20 à 30 miliciens seulement sur
100 savent lire, écrire et calculer. On me dit que si partout où il n’existe
pas aujourd’hui d’école communale, on veut en substituer une à l’école privée ;
on veut améliorer ainsi une espèce de bouleversement trop brusque. Je réponds :
si pour l’exécution de quelques articles vous deviez donner aux communes un
délai de 2 ou 3 ans, je crois que personne ne s’opposerait à ce qu’il fût
accordé. Toute grande loi d’organisation a toujours ses dispositions
transitoires.
Cet article, je le répète,
me paraît dangereux dans les communes qui ont une tendance à se dégager de tout
soin relatif à l’instruction primaire. Je regretterais qu’il fût adopté, non
par aucune raison qui ait trait à l’influence du clergé,
mais dans l’intérêt des progrès de l’instruction primaire.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb)
- L’honorable préopinant demande si la dispense, une fois accordée, reste
irrévocablement acquise à la commune ; je ne le pense pas ; la section centrale
ne l’a pas pensé non plus. Nous avons admis qu’il pouvait toujours y avoir
recours au Roi, néanmoins il est bon de faire cesser tous les doutes ; je crois
qu’on pourrait ajouter à l’art. 4 un paragraphe ainsi conçu : « Il
sera annuellement constaté par les soins du gouvernement s’il y a lieu de
maintenir la dispense ou l’autorisation. »
M. Devaux. - Comment entrerez-vous dans les écoles ? ce sont des écoles privées.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb)
- Cette addition étant faite, il faut évidemment en conclure que pour
satisfaire au paragraphe dernier de l’art. 4 on sera admis à s’enquérir de
l’état de l’école par des inspections sinon continues, du moins accidentelles.
Cela est nécessaire. Du reste c’est avec cette explication que je propose le
sous-amendement ; qui veut la fin veut les moyens.
Ensuite il résultera de
cette disposition que le gouvernement constatant qu’il n’y a pas lieu de
maintenir la dispense ou l’autorisation, la commune tombera sous l’application
de l’art. 1er de la loi. (Interruption ;
réclamation.)
C’est un sous-amendement que
je propose ; il est conforme au sens que nous avons donné à l’article 4 ; nous
avons pensé que le recours au Roi était ouvert indéfiniment ; dés lors il est
évident que le gouvernement est forcé de s’enquérir des faits. Il y aura, je le
répète, inspection, sinon continue du moins accidentelle.
M. Lebeau. - Et si l’on s’y refuse ?
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb)
- Il y aura dès lors un fait très grave contre l’instituteur. Je suis fort aise
qu’on m’ait interrompu, cela me donne l’occasion de déclarer que si le gouvernement
rencontrait dans ce cas un refus, il supposerait que ceux qui refusent ont des
raisons pour refuser et de se cacher ; il retirerait la dispense.
Je dépose mon
sous-amendement qui ne détruit pas toutes les objections de l’honorable membre,
puisqu’il ne vient pas de l’art. 2 ; mais qui prévient un danger réel.
M. de
Theux – La loi
est claire.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb)
- Non ; l’article 4 est ainsi conçu :
« Article 4. Dans les
cas prévus par les articles précédents, la députation permanente du conseil
provincial, sauf recours au Roi, statue sur les demandes de dispense ou
d’autorisation. »
Nous ne disons rien de plus
; dès lors on se demande : est-ce que la décision, une fois prise, même après
un premier recours au Roi, est tellement définitive que le gouvernement ne
puisse plus examiner s’il y a lieu de maintenir la dispense ou
l’autorisation ? Je dis qu’il y avait doute, je crois qu’il était bon de
le faire cesser. Je maintiens mon sous-amendement ; on l’examinera ultérieurement.
M. Brabant. - L’article 2 n’a été
introduit par la section centrale qu’afin de ne pas mettre à la charge des
communes une dépense inutile. Mais d’après l’art. 4, ce n’est pas la commune
qui sera juge de l’inutilité de la dépense. C’est l’autorité supérieure, en
premier degré la députation permanente, et en appel, le Roi.
Remarquez que la disposition
de l’art. 2 ne défend pas à l’autorité communale d’établir une école
officielle, lorsque l’école privée ne lui paraît pas suffire à l’instruction.
Si l’autorité communale n’est pas d’accord avec la grande majorité des
habitants (ce qui peut arriver), si elle trouve insuffisante l’école privée,
elle peut se donner le plaisir de fonder une école communale, sauf à ne pas la
voir fréquenter.
On craint l’apathie des
petites communes ; on craint qu’elles ne soient toujours satisfaites d’un état
de choses qui les dispensera de dépenser leur argent, et qu’elles ne se disent
qu’une école libre ne sera pas soumise à l’inspection. En vertu d’une
disposition de la loi on a raison, une école libre ne sera pas soumise à
l’inspection. Mais pour obtenir la dispense, remarquez-le bien, il faudra qu’il
soit établi qu’il est suffisamment pourvu aux besoins de l’enseignement
primaire. Or, pour se convaincre qu’il y est suffisamment pourvu, il faut une
information, il faut une inspection.
L’instituteur s’y refusera,
dit-on. D’abord cet instituteur ne comprendra pas du tout son intérêt. Car quel
est son intérêt ? C’est de ne pas avoir de concurrence, d’exercer à lui tout
seul, de retirer tous les revenus de l’écolage. Mais il se refuse à
l’instruction ? La députation dit : il ne m’est pas établi que l’enseignement
privé satisfasse aux obligations de la loi, je refuse la dispense, j’oblige le
conseil communal à établir une école, et aux termes des dispositions de l’art.
18 et de toutes les dispositions administratives, on lui force les mains, au
besoin, pour faire les fonds nécessaires à l’établissement de l’école. Si même
il se refusait à nommer un instituteur, je crois que la députation aurait le
droit, en vertu de la loi communale, d’envoyer un commissaire spécial pour
nommer à sa place. Car je crois que le commissaire délégué a le droit de faire
tout ce que peut faire le conseil communal, lorsque celui-ci refuse de
satisfaire aux obligations que la loi lui impose.
Ainsi absence de tout
danger. Il faut que réellement il y ait un bon enseignement, un enseignement
suffisant dans la commune pour qu’elle puisse être dispensée d’établir une
école officielle. Pas la moindre atteinte aux droits de la commune, puisqu’on
lui permet d’agir même par caprice et de créer une école inutile. Je ne vois
donc pas le danger que peut présenter l’art. 2.
On a dit que la dispense une
fois accordée, elle ne pourrait être révoquée. Mais, messieurs, l’obligation
est permanente, il faut par conséquent qu’on puisse s’assurer qu’il est
satisfait. L’obligation étant permanente, il faut que la satisfaction, s’il
m’est permis de me servir de ce mot, soit également permanente. Il faut que le
paiement soit en proportion de la dette. Vous arrivez ainsi à un résultat que
moi j’ai toujours désiré, c’est que pour les écoles libres l’intervention
officieuse, bienveillante des agents de l’autorité peut se propager.
Et comme j’ai eu l’honneur
de le faire remarquer tout à l’heure, l’instituteur privé, l’instituteur libre
sera le premier intéressé à justifier devant l’autorité communale, devant
l’inspecteur provincial ou cantonal, qu’il est un bon instituteur. Quand une
école est florissante, elle peut se passer de tout subside, mais il peut
arriver quelque accident qui l’oblige à demander un subside. Je sais bien qu’il
change alors de position, mais vous sentez que si sa réputation est établie,
que s’il est connu de longue main, il obtiendra bien plus facilement ce subside
que si l’on devait se livrer à une instruction sur la demande qu’il adresse. Je
crois donc qu’il est tout à fait dans l’intérêt de l’instituteur libre, posé
dans le cas de l’art. 2, de se soumettre, quoique rien ne l’y contraigne, à l’inspection de l’autorité civile.
M. Devaux. - Messieurs, vous avez remarqué que cette disposition
change le système de la loi, en ce sens que l’on avait déclaré dans la loi
primitive que dans toutes les communes il y aurait ou une école communale, ou
une école adoptée par la commune, et qui, par conséquent, serait en relation
avec l’autorité civile.
Maintenant, on admet une
exception qui peut devenir très large.
Messieurs, on me dit que la
dispense sera temporaire, que par l’amendement que M. le ministre a présenté et
que je ne connais pas, le gouvernement aura droit d’inspection. Mais, messieurs,
s’il y a des abus, et ces cas peuvent devenir très nombreux, je vous demanderai
comment ils parviendront à la connaissance du gouvernement, qui sera chargé de
surveiller ces écoles. Il y a des inspecteurs cantonaux ; mais ils ne sont pas
chargés d’inspecter ces écoles, cela ne les regarde pas. La mission des
inspecteurs cantonaux, c’est d’entrer dans les écoles communales et non dans
les écoles privées.
Dans le 3ème paragraphe de
l’art. 9, on dit : « Chaque inspecteur s’étend sur les écoles communales
et sur celles qui en tiennent lieu, en vertu de l’art. 3 de la présente
loi », et non pas en vertu de l’art. 2. Ainsi, il n’y aura pas ici
d’inspection, les inspecteurs cantonaux ne regarderont pas ces écoles comme
sujettes à leur inspection.
SI une commune, à laquelle
la députation a accordé la dispense, a une école qui se détériore, qui ne
remplit pas les conditions qu’on croyait qu’elle remplirait, comment le
saurez-vous ? Si c’était dans une grande ville, cela viendrait à votre
connaissance ; mais dans une école de village vous n’en saurez rien.
On
n’a rien répondu à ce que j’ai dit du moyen que les communes auraient de forcer
la main à la députation ; vous excitez la commune à se débarrasser des charges
de l’instruction.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb)
- Messieurs, l’honorable préopinant pense que cet article change totalement le
système de la loi. Je dirai d’abord que cet article va beaucoup moins loin que
l’art. 5 de l’ancien projet, que vous avez écarté. C’est ici qu’il y avait un
changement total de système. Car en vertu de l’art. 5 les communes établissant
des écoles à leurs frais, se trouvaient absolument en dehors de la loi, et
c’est ce que nous n’avons pas voulu. Si cet article était reproduit, nous demanderions
également : comment constaterez-vous que ces écoles satisfont à toutes les
conditions d’un bon enseignement ? Je crois qu’ici nous rencontrerions un
système bien plus défectueux que celui qu’on critique en ce moment avec tant de
vivacité.
Le principe fondamental de
la loi est celui-ci : Il y aura dans chaque commune du royaume une ou plusieurs
écoles. Nous admettons une exception à ce principe, mais une exception
qu’exige, je dirai le bon sens (exclamation).
Je n’hésite pas à le dire, le bon sens ; j’ai posé le cas où dans une commune
il est pourvu à tous les besoins de l’enseignement par l’existence d’écoles
privées directement payées par les pères de famille ; je demande : à quoi bon
établir ici une école communale proprement dite ? pourquoi
créer une concurrence ? Il y a non seulement inutilité, mais il y a même danger
à créer cette concurrence.
Je conviens cependant avec
l’honorable préopinant qu’il peut y avoir des dangers d’une autre part ; c’est
pourquoi je me suis empressé de compléter l’art. 5. Une observation qu’avait
faite l’honorable préopinant m’avait frappé : la dispense une fois accordée,
sera-t-elle admise définitivement ? Nous avions admis le recours au Roi comme
étant ouvert indéfiniment ; mais le doute existait ; aussi je n’ai pas hésité à
présenter un amendement et à dire qu’annuellement il sera constaté pour les
soins du gouvernement qu’il y a lieu de continuer l’autorisation.
Il faudra donc, chaque
année, un rapport général sur ces établissements qui se trouvent dans une
position exceptionnelle ; et pour faire ce rapport, il est évident qu’il y aura
inspection, comme l’a dit l’honorable M. Brabant.
L’honorable préopinant a dit
que, d’après mes propres observations, je reconnaissais qu’il avait raison en
un point. Mais je ne suis pas venu dans cette enceinte avec le parti pris de
dire que l’honorable M. Devaux aura toujours tort. Au contraire, je suis
convaincu qu’il aura souvent raison et qu’il contribuera à améliorer le projet
de loi. Aussi me suis-je empressé de reconnaître que quant a l’art. 4, il avait
raison.
Il
sera donc vérifié chaque année, s’il y a lieu, de maintenir la dispense ; à cet
effet, il peut, il doit y avoir inspection ; et s’il y avait refus, j’en
conclurais qu’il ne faut pas maintenir l’autorisation.
M. Brabant. - Je croyais que les
explications qui avaient été données sur l’art. 4 étaient suffisantes. Mais
l’honorable membre est difficile à satisfaire sur ce point. Nous avons créé des
inspecteurs qui ne se trouvaient pas dans le projet de 1834, et il suppose que
ces fonctions qui sont très modestement rétribuées dans le projet, pourront
être acceptées par d’autres motifs que par zèle pour l’inspection ; que
l’inspecteur se tiendra à cheval sur la loi, et se gardera bien de faire autre
chose que ce qu’elle lui prescrit. Mais, messieurs, les gens zélés pour
l’instruction ne demandent pas mieux que de voir les écoles ; c’est une espèce
d’apostolat qui s’exercent dans l’inspection des écoles ; l’inspecteur cherche
à écarter les préventions qui existent contre lui, et à améliorer
l’instruction, parce que son zèle l’y pousse, et certainement il ne dira pas à
la députation qui le chargerait de s’assurer de l’état de l’école ; il ne dira
pas : je m’y refuse ; car le gouvernement le destituerait immédiatement, et il
aurait raison, car il reconnaîtrait qu’il s’est trompé en confiant ces
fonctions à un homme animé de si peu de zèle.
Je croyais que cette
disposition avait reçu l’approbation de l’honorable membre qui manifeste tant
d’intérêt pour la propagation de l’enseignement primaire. L’assentiment que mes
paroles ont reçu de la part d’une partie de la chambre me font
croire que j’avais indiqué un moyen de faciliter l’inspection. Mais dans le
projet de 1834, il n’était pas question de cela ; ce projet laissait la commune
libre, pour qu’elle ne demandât rien à personne. Vous aviez donc en 1834 une
bien grande confiance dans les autorités communales, et vous en avez maintenant
une bien grande défiance ; demandez à notre honorable ami, qui a été longtemps gouverneur
de la province de Namur, demandez-lui s’il n’y a pas dans cette province
beaucoup de petites communes très riches qui pourraient non seulement établir
une école primaire, mais qui, si la fantaisie leur en prenait, pourraient
établir un collège, sans subside. Eh bien, par le projet de 1834, vous dégagiez
toutes les communes qui ne demandaient pas de subsides de toute mesure de
surveillance ; vous les placiez dans la catégorie des citoyens, vous leur
donniez sous ce rapport tous les droits dont ceux-ci jouissent en vertu de la
constitution. Dès qu’il y avait un instituteur, un bâtiment d’école, une somme
portée au budget pour cette école, il était satisfait aux prescriptions de la
loi ; et alors que dans cette école l’enseignement aurait été donné d’une
manière irrégulière, d’une manière défectueuse, alors même que cet enseignement
aurait été dangereux, vous n’aviez aucun moyen de porter remède à un semblable
état de choses, vous n’aviez aucun contrôle ; ni le gouvernement, ni l’autorité
provinciale n’avait le droit de s’enquérir de ce qui se passait dans l’école
communale. J’ai toujours considéré cela comme bien mauvais, parce que j’ai
toujours voulu qu’en matière d’enseignement, il y eût l’action d’une autorité
quelconque, parce que j’ai toujours voulu que, quand la loi établissait une
obligation, quelqu’un fût chargé de voir si cette obligation était remplie.
Ainsi votre article 5 mettait la commune à l’abri de tout contrôle ; il lui
suffisait de montrer un bâtiment d’école, un traitement
d’instituteur porté au budget.
M. Devaux. - C’est une erreur.
M. Brabant. - Mais voici ce que porte
l’art. 5
« Art. 5. Lorsque les
communes établissent des écoles à leurs frais, elles jouissent, comme tous les
citoyens, d’une liberté entière, soit pour nommer, suspendre ou révoquer les
instituteurs, soit pour fixer leur traitement, soit pour diriger
l’instruction. »
M. Devaux. - Lisez l’art. 6.
M. Brabant. - Voici ce qu’il porte :
« Art. 6. S’il n’existe
pas d’école communale ou d’école privée adoptée par la commune, réunissant les
conditions prescrites par les art. 1, 2 et 3, la
commission provinciale requerra le conseil communal d’en créer une dans un
délai prescrit, en l’informant qu’en cas d’insuffisance de ses ressources, des
subsides seront accordés sur les fonds provinciaux. »
M. Devaux. - Il y avait donc une surveillance.
M. Brabant. - Mais si vous interprétez
l’art. 6 de cette manière, il est destructif du caractère que dans l’art. 5
vous donnez aux écoles établies exclusivement aux frais des communes ; l’art. 6
comme vous l’interprétez maintenant ne place plus ses écoles purement
communales sur la même ligne que les écoles établies par les citoyens.
M. Devaux. - L’art. 5 n’exclut pas la surveillance des écoles
purement communales.
M. Brabant. - Il est écrit dans la constitution
que le pouvoir de l’Etat le plus élevé et tous les autres n’ont d’autre
autorité que celle qui leur est donnée par la constitution ou par les lois qui en dérivent ; cela est d’ailleurs dans la nature les choses.
Eh bien, puisque notre loi gardait le silence à cet égard, les communes
pouvaient se refuser à votre surveillance.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb)
- L’honorable M. Devaux, en défendant à plusieurs reprises l’art. 5 du projet
de 1834, semble être tombé dans une erreur qui a déjà été signalée par
l’honorable préopinant, et si je prends la parole, c’est pour confirmer ce fait
extrêmement important. L’honorable M. Devaux suppose que l’article 5 de
l’ancien projet aurait été invoqué principalement par les grandes communes. Eh
bien, c’est une erreur ; il est beaucoup de petites communes qui eussent eu des
revenus suffisants pour faire à elles seules tous les frais d’une école. Je
puis citer à cet égard une province que je connais parfaitement : dans la provinces
de Luxembourg toutes les communes possèdent des bois ; à la plupart de ces
communes, qui sont fort petites et très malheureuses, il eût été très facile de
faire tous les frais d’une école. Ce qui les eût placées dans une position
complètement indépendante ; je dis dans une position complètement indépendante
; car j’ai toujours compris (et si je suis dans l’erreur on voudra bien me
détromper), j’ai toujours compris que l’art. 5 de l’ancien projet assimilait
aux citoyens toute commune qui faisait à elle seule les frais de son école, et
que l’un des effets de cette assimilation aurait été d’affranchir complètement
les écoles qui se seraient trouvées dans ce cas, de toute surveillance, de
toute inspection supérieure. En un mot, c’était l’application de la doctrine
défendue par l’honorable M. Sivart, c’était
l’affranchissement complet des communes en matière d’enseignement, et c’est ce
que nous ne pouvons admettre. Je ne crois pas que cette assimilation des
communes aux citoyens soit désirable ni constitutionnellement nécessaire.
Je crois donc que l’art.5 du
projet de 1834 renfermait beaucoup de dangers, et quant aux inconvénients
signalés par l‘honorable M. Devaux, comme devant résulter du projet actuel, je
les considère comme écartés par le sous-amendement que j’ai présenté à
l’article 4.
-
Sur la demande de M. Devaux, M. le président donne une
nouvelle lecture de l’amendement de M. le ministre de l’intérieur. (Aux voix, aux voix.)
M. Dechamps, rapporteur. - Je n’ajouterai,
messieurs, qu’une seule observation à celles de l’honorable M. Brabant a déjà
fait valoir. C’est que non seulement le projet de 1834 n’était applicable qu’à
une partie des écoles publiques du royaume, mais c’est que la disposition de
l’art. 2 que l’on combat maintenant, existait dans l’art. 6 de l’ancien projet
; l’honorable M. de Theux l’a démontré à l’évidence. Si l’art. 6 de l’ancien
projet parle d’écoles libres adoptées par la commune, cet article n’attache pas
aux mots adoptées par la commune le même sen que celui que nous attribuons à
l’article 3 de notre projet, car les écoles adoptées d’après l’art. 3 sont
soumises à la surveillance ordinaire et à tout le régime de la loi, tandis que
les écoles adoptées d’après l’art. 6 de l’ancien projet n’étaient soumises à
aucune espèce de surveillance. La commission provinciale n’avait aucun moyen de
constater si dans ces écoles les conditions exigées par les art. 1, 2 et 3
étaient remplies. L’article 6 de l’ancien projet offrait infiniment moins de
garanties sous ce rapport que les art. 2, 3 et 4 du
projet actuel.
Je vous ai déjà donné
lecture messieurs, d’un paragraphe de l’exposé des motifs du projet de 1834,
qui explique clairement le sens de l’art. 6 de ce projet et qui dit que l’école
privée qui remplit les conditions voulues, peut, si l’autorité communale le
désire, tenir lieu d’école communale. Eh bien, l’art. 2 du projet actuel n’a
pas d’autre sens ; la commune demande à l’autorité provinciale d’être dispensée
de l’obligation d’établir une école ; dans ce cas l’autorité provinciale a le
droit de s’enquérir si les faits allégués à l’appui de la demande de dispense,
existent réellement.
Il est donc évident,
messieurs, que le projet généralise l’instruction légale d’une manière bien
autrement formelle que la loi de 1834. D’un côté, le projet de 1834 ne
reconnaissait comme écoles légales qu’une partie des écoles du royaume ; il
émancipait une partie des communes et non pas celles qui sont le plus
éclairées, car les revenus ne sont pas un signe infaillible des lumières de
l’autorité communale. Mais il y a plus, messieurs, c’est que, d’après l’art. 6,
la commune pouvait déclarer qu’elle adoptait une école privée, et se soustraire
ainsi à l’obligation d’avoir une école légale, car cette
école privée n’était soumise à aucune espèce de surveillance.
M. de
Theux. - Comme
membre de la commission qui a rédigé le projet de 1834, je tiens à expliquer à
la chambre que de part et d’autre on s’est trompé sur le sens de ce projet.
Mais, messiers, quel était le sens du projet de 1834 ? Dans toutes les communes
il devait y avoir une école qui remplît les conditions déterminées par la loi.
Mais tenant pour s’assurer que ces conditions étaient remplies, la députation permanente
devrait faire inspecter ou inspecter elle-même l’école ; mais quant au surplus
ces écoles étaient absolument exemptes de tout contrôle de la part d’une
autorité quelconque, sauf l’autorité communale qui les avait établis.
Pourquoi a-t-on établi ceci
? C’était une espèce de transaction entre l’opinion de ceux qui voulaient une
organisation complète et l’opinion de ceux qui ne voulaient pas d’organisation.
En ce qui concerne la
disposition de l’art. 2, je me réfère à ce que j’ai dit, et je crois avoir
prouvé que cet article est en harmonie avec l’art. 3 de l’ancien projet.
Quant
à l’amendement présenté par M. le ministre de l’intérieur, il me paraît
complètement inutile ; le sens de la loi est clair.
M. Devaux. - Messieurs, d’après le projet de 1834, on exigeait
que les écoles privées adoptées par la commune, remplissent les conditions qui
étaient énumérées aux trois premiers articles de ce projet ; on pouvait donc
s’assurer qu’elles les remplissaient. Ces conditions étaient impérieusement
requises ; il y avait donc lieu à inspection.
J’avais demandé plusieurs
fois la lecture de l’amendement du ministre. On vient de la donner. Je vois que
d’après l’amendement, les écoles privées dont il s’agit seront réellement
soumises à une inspection une fois par an ; cet amendement ne diffère donc de
l’art. 9 qu’en ce que les écoles adoptées par les communes sont soumises â deux
inspections par an, aux termes de cet article. Je ne tiens pas à la différence
et je n’insisterai pas davantage.
Je ne regrette pas,
messieurs, d’avoir soulevé cette discussion, car vous remarquerez qu’elle a
amené un triple résultat ; d’abord il est reconnu maintenant, que la dispense
peut être retirée et qu’elle est temporaire ; ensuite, qu’on ne se prévaudra
pas de l’adoption de l’art. 2 pour faire voter l’amendement de la section
centrale à l’art. 5 ; enfin, il est clairement démontré aujourd’hui qu’il faut
une inspection annuelle dans les écoles privées dont parle l’article 2.
- Personne ne demandant plus
la parole, l’art. 2 est mis aux voix et est adopté.
M. le président – Nous passons à l’art. 3.
(A demain ! à demain !)
- La séance est levée à 4
heures et trois quarts.