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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 23 février
1844
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre,
notamment pétition relative au traitement des membres de la magistrature (Fleussu)
2) Rapport de la commission
d’enquête sur la situation des industries du royaume (Zoude)
3) Projet de loi interprétatif de
l’article 334 du code pénal
4) Projet de loi tendant à ouvrir un crédit
supplémentaire au budget du département des travaux publics.
2) Projet de loi portant le
budget du département des travaux publics pour l’exercice 1844. Discussion des
articles.
a) Voies navigables. Inondations
de la Lys (Kervyn, Dechamps, Desmet, Dechamps), répartition des
travaux d’infrastructure au profit supposé de la province de Liége, péages
fluviaux et canalisation de la Campine (Peeters),
chemins de halage sur la Meuse (Pirson), navigation de
la Meuse (notamment à Liége) (David, Lesoinne),
réplique générale (et station à Liége) (Dechamps),
navigation de la Meuse (David), réplique générale (Dechamps), chemin de halage sur la Meuse (de Garcia, Pirson, Dechamps), navigation de la Meuse (David),
chemin de halage sur la Meuse (de Garcia, Dechamps, Lesoinne, d’Huart), service de la Dendre (de Naeyer, Desmet, (+wateringues) Dechamps, Desmet), service du
Demer (de Man d’Attenrode, Dechamps,
Vanden Eynde, Dechamps, de Man d’Attenrode, Vanden Eynde,
Dechamps, Vanden Eynde),
service de la Grande-Nèthe (Peeters),
service du Demer (Vanden Eynde, Dechamps, Vanden Eynde),
service de la Néthe (Rogier),
canal de Bruges à Ostende et canal de Terneuzen (Donny, Dechamps, d’Elhoungne, Donny)
(Moniteur belge n°55, du 24 février
1843)
(Présidence de M. d’Hoffschmidt,
vice-président.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.
M.
Dedecker lit le
procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la
chambre :
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Les habitants de Perwez présentent des observations contre le projet
de loi sur les céréales. »
- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet.
_________________________
« Le sieur Perroux, pâtissier traiteur, à Bouillon, né à Châteaudun
(France), demande d’être dispensé du droit d’enregistrement auquel sera soumis
sa naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs commissaires de police
prient la chambre d’améliorer la position de ceux de ces magistrats qui
exercent les fonctions de ministère public près les tribunaux de simple
police.»
M.
Fleussu. - Messieurs,
cette pétition se rattache aux traitements de la magistrature. Déjà des
requêtes analogues ont été présentées à la chambre, qui en a ordonné le dépôt
sur le bureau pendant la discussion du projet de lof relatif aux traitements
des membres de l’ordre judiciaire. Je demande qu’il en soit fait autant pour
cette pétition.
Cette proposition est adoptée.
_________________________
M. le président. - L’honorable M. Liedts, notre président, est
retenu chez lui par une indisposition. C’est pour cela qu’il ne peut présider
cette séance et que je suis appelé à occuper le fauteuil.
M. Zoude. - J’ai l’honneur de présenter le rapport
de la commission d’enquête sur la situation des industries du royaume.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
PROJET DE LOI INTERPRETATIF DE L’ARTICLE 334 DU CODE PENAL
M. de Garcia. - Messieurs, j’ai l’honneur de présenter à la
chambre le rapport de la commission qui a été chargée de l’examen du projet de
loi interprétatif de l’art. 334 du code pénal.
M. le président. (M. d’Hoffschmidt.) - Ce rapport sera imprimé et
distribué. A quel jour la chambre veut-elle fixer la discussion du projet ?
M. de Villegas. - Quelles sont les conclusions du
rapport ?
M. de Garcia. - Je ferai connaitre
les conclusions qui sont très courtes, puisqu’elles consistent dans un seul
article de loi
« D’après les considérations qui précèdent, votre commission, à
l’unanimité, moins un membre, qui s’est abstenu, a l’honneur de vous proposer
de convertir en loi le principe de la jurisprudence des cours d’appel de
Bruxelles et de Gand.
« Léopold, etc.
« Article unique. L’art. 334 du code pénal est interprété de la
manière suivante :
« L’art. 334 n’est applicable qu’à celui qui, pour satisfaire les passions
d’autrui, attente aux mœurs, en excitant, favorisant ou facilitant
habituellement la débauche ou la corruption de la jeunesse de l’un ou de l’autre
sexe au-dessous de l’âge de 21 ans. »
Quant à la discussion, messieurs, on pourrait la fixer après celle du
budget des travaux publies.
M. Lys. - On a déjà mis à l’ordre du jour après
le budget des travaux publics, deux ou trois petits projets.
M.
Fleussu. - Il faut
attendre la présence de M. le ministre de la justice, pour fixer le jour de la
discussion ; nous n’adoptons pas son système.
- La chambre décide qu’elle fixera ultérieurement le jour de la discussion.
PROJET DE LOI TENDANT A
OUVRIR UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS
M. d’Elhoungne. - Messieurs, j’ai l’honneur de présenter à la chambre le rapport de la
section centrale qui a été chargée de l’examen du budget des travaux publics,
sur un projet de loi tendant à ouvrir au département des travaux publics des
crédits supplémentaires s’élevant à 510,985 fr. 10 c.
M. le président. (M d’Hoffschmidt) - Ce rapport sera imprimé et distribué.
A quel jour la chambre veut-elle en fixer la discussion ?
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Messieurs, il me paraît que le rapport que
l’honorable M. d’Elhoungne vient de déposer pourrait être discuté immédiatement
après le budget des travaux publics, puisqu’il est relatif à la même
discussion.
- La chambre fixe la discussion de ce projet immédiatement après celle du
budget des travaux publics.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET
DU DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS POUR L’EXERCICE 1844
Discussion des articles
CHAPITRE II. Ponts et chaussées. -
Canaux, rivières, poldres. - ports et côtes. - bâtiments civils. - personnel
des ponts et chaussées
SECTION II. - Canaux, rivières, poldres
Article 3
(Service des canaux de Gand au Sas-de-Gand, de Maestricht à Bois-le-Duc, de Pommeroeul à Antoing)
M. le président. (M. d’Hoffschmidt.) - Nous rentrons dans l’ordre du jour qui
est la suite de la discussion sur les articles du budget des travaux publics.
Hier la discussion a été close sûr le littera D de l’art. 3 de la section 2
du chap. II.
Il est ainsi conçu :
« Sambre canalisée.
« Litt. D. Travaux d’entretien ordinaire et de dragage : fr. 188,892.
« Reconstruction du pont établi sur la dérivation de Morimont : fr. 20,000
« Personnel : fr. 35,850 »
- Ce littera est adopté.
L’ensemble de l’art. 3 est mis aux voix et adopté.
Articles
4 et 5
« Art. 4 (Canal de Bruxelles à Charleroy). Frais d’entretien et de
personnel : fr. 121,036) »
« Art. 5 (Service de l’Escaut). Travaux ordinaires dans la Flandre
orientale : fr. 4,994
« Travaux ordinaires dans le Hainaut : fr. 10,800
« Restauration des bords de quelques parties du canal d’Eyne : fr. 8,000
« Revêtement en blocailles du musoir à l’entrée du canal de décharge
de Zwynaerde : fr. 1,500
« Ponts de halage sur quelques criques ou ruisseaux naturels
débouchant dans le bas Escaut : fr. 800
« Dévasement et enlèvement d’alluvions entre le pont du Strop et le pont aux Chaudrons à Gand : fr. 18,000
« Restauration de l’écluse de décharge dite des Cinq- Vents, à Gand : fr.
4,000
« Dévasement entre la frontière française et Antoing : fr. 28,000
« Dévasement dans l’intérieur de la ville de Tournay : fr. 39,169 62
« Restauration de l’écluse de Mer : fr. 20,000
« Personnel : fr. 13,895 »
- Ces deux articles sont adoptés.
« Art.6 (Service de la Lys). Travaux ordinaires dans la Flandre
orientale : fr. 8,994
« Idem dans la Flandre occidentale : fr. 14,500
« Etablissement d’un chemin de halage en amont et en aval du pont de Deynze : fr. 1,500 »
« Enlèvement d’un banc dans la branche de communication de cette
rivière avec l’écluse du Tolhuys : fr. 2,000
« Dévasement et enlèvement d’alluvions entre le pont dit Verloren-Kost et celui du Pré-d’Amour, à Gand : fr. 17,000
« Reconstruction du pont-tournant à Courtray : fr. 7,000
« Personnel : fr. 6,91750 »
M. Kervyn. - Messieurs, il me semble que le gouvernement ne
fait pas, pour améliorer le régime de cette rivière, tout cc qu’il pourrait
faire sans entraîner l’Etat dans des dépenses trop considérables. La Lys
traverse la contrée la plus riche du pays ; mais les inondations viennent la ravager
périodiquement, et il suffit de quelques jours de pluie en plein été, pour que
les foins et les autres récoltes soient en grande partie perdues.
Cet état de choses est connu de l’administration, elle sait que même
l’année dernière, des pertes considérables ont été essuyées ; elle le sait par
les plaintes qui lui arrivent de toutes parts, et surtout par les réclamations
des contribuables qui demandent au trésor des remises sur leurs contributions.
Les causes de ces désastres lui sont également connues. Les eaux de la
France arrivent maintenant avec une telle rapidité dans le bassin de la Lys,
qu’elles s’y engouffrent et ne peuvent pas s’évacuer en temps utile, à travers
la ville de Gand dont les débouchés ne suffisent plus.
Mais si les causes de ces désastres sont connues, les remèdes ne le sont
pas moins, ils ont été signalés à différentes époques, par les intéressés, par
le conseil provincial de la Flandre orientale, dans cette enceinte, enfin par
le conseil des ponts et chaussées lui-même, qui compris, dans le travail
général sur les voies navigables, un projet de canal très peu considérable, il
est vrai, mais très efficace pour débarrasser le bassin de la Lys.
C’est la continuation d’un petit canal, commencé sous le gouvernement
autrichien, repris dans les derniers temps du royaume des Pays-Bas et qui, en
partant de Deynze, est destiné à donner aux eaux de
la Lys une issue directe dans le canal de Bruges, en évitant les détours et les
embarras qu’elles ont à subir à travers la ville de Gand.
On avait l’espoir que le gouvernement, en reprenant la Lys, y aurait
apporté des améliorations sensibles, qu’il ne se serait pas borné à réparer ci
et là un pont ou un chemin de halage ; mais qu’il aurait fait pour la Lys, ce
qu’il a fait pour l’Escaut et même pour la Senne, c’est-à-dire des dévasements,
des coupures, des travaux d’évacuation.
Jusqu’à ce jour, néanmoins, bien peu de chose a été fait dans ce but.
On n’a jamais nié l’utilité du petit canal
dont je parle dans ce moment. Cette utilité est reconnue par tout le monde. Il
débarrasserait le bassin de la Lys, et serait en même temps un petit canal
agricole servant au transport des engrais, du combustible, des grains et des
matériaux à bâtir. Le ministère des travaux publics doit avoir ses apaisements
à cet égard.
Mais serait-il arrêté par l’élévation de la dépense ? Craint-il que l’état
financier du pays n’éprouve une nouvelle et grave atteinte par ce nouvel
ouvrage d’utilité publique ? Pas le moins du monde, messieurs. Il sait qu’un
ouvrage aussi utile ne doit coûter que 150,000 fr ; il sait même que le
concours des intéresses ne lui ferait pas défaut, s’il était exigé ; si
toutefois il y aurait justice à l’exiger et à appliquer au bassin de la Lys un
système qui n’a été appliqué ni au bassin de l’Escaut, ni à celui de la Senne.
Quoiqu’il en soit, ce ne peut être la question financière qui arrête le
ministère des travaux publics,
Messieurs, il serait extrêmement fâcheux, qu’après tous les grands travaux
qui ont été exécutés, et par le gouvernement des Pays-Bas et par le
gouvernement belge (immenses travaux de fortifications dans les premiers temps
du royaume des Pays-Bas et ensuite les grandes canalisations, chemins de fer et
routes de toute espèce, sous le gouvernement belge), il serait extrêmement
fâcheux, dis-je, que la classe ouvrière, qui y a trouve son existence, dût tout
à coup se croiser les bras, et que les améliorations les plus utiles et les
moins coûteuses fussent indéfiniment et forcément ajournées, à cause de l’état
financier du pays.
J’espère, messieurs, que quant à l’objet qui nous occupe, il n’en sera pas
ainsi, et je demande a M. le ministre des travaux
publics où en est cette affaire que je regarde comme très importante.
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Messieurs, la question relative au
petit canal de Deunze au canal de Bruges, se
rattache, comme vous le savez, à la question plus générale des inondations de
l’Escaut et de la Lys, question très importante, pour la solution de laquelle
une commission a été nommée depuis quelques années. Un honorable membre de
cette assemblée, l’honorable M. Desmet, a fait, au nom d’une sous-commission,
un rapport sur les résultats obtenus et sur les améliorations qu’il propose
d’introduire encore.
Messieurs, vous savez qu’il s’agissait d’abord de faciliter la descente des
eaux de la frontière française vers Audenaerde et vers Gand. Il fallait
subdiviser le grand bief d’Audenaerde à Tournay par un barrage, enfin
d’empêcher l’exhaussement des eaux et, par suite, les inondations.
Dans le but d’arriver à ce résultat, on a construit le barrage d’Autrive ; le recreusement du
canal de Deynze a, d’un autre côté, agrandi aussi à
Audenaerde le débouché des eaux surabondantes.
Messieurs, une dernière question reste à résoudre, c’est celle qui est
relative au débouché à donner aux eaux de l’Escaut et de la Lys à Gand.
Plusieurs projets ont été soumis à la commission,
dont je viens de vous parler, et ont été discutés par elle. D’abord, messieurs,
vous le savez, l’achèvent du canal de Zelzaete aura une très grande influence
sur l’écoulement facile des ces deux rivières. M. l’ingénieur Wolters a présenté, il y a peu de temps, un travail fort
étendu qui a été soumis à l’examen de la commission permanente des ponts et
chaussées ; l’ingénieur divisionnaire M. Noël a été chargé du rapport à faire
au conseil et au gouvernement sur ce travail.
Le but que veut atteindre M. Wolters, c’est de
diminuer les inondations de l’Escaut, de la Lys et de la Durme
par l’établissement de portes de flots au pont de Termonde et par un barrage
avec portes de flots sur la Durme à Hamme.
Cette question est en instruction. Celle soulevée par l’honorable M. Kervyn
y est relative, puisque le recreusement du petit
canal de Deynze au canal de Bruges doit avoir aussi
pour effet de fournir vers le canal de Bruges un débouché nouveau, aux eaux de
la Lys.
Les ingénieurs comprennent aussi parmi les travaux du même genre à
effectuer le recreusement du canal de Moervart et l’élargissement des ponts qu’on y rencontre.
Messieurs, l’honorable M. Kervyn nous a dit que l’évaluation du coût de ce
canal ne monterait qu’à une somme de 158,000 fr. Mais l’honorable membre sait
que les avis des ingénieurs sont partagés sur ce point ; il a pu lire dans le
rapport général de M. l’inspecteur Vifquain sur le système des voies navigables
du royaume, qu’il évalue le coût de ce canal à 600,000 fr.
Du reste, messieurs, je le répète, je rattache le sort du canal de Deinze à
la question générale relative aux inondations de l’Escaut et de la Lys,
question qui est en instruction et qui n’est pas encore résolue.
M. Desmet. - Je dois faire une observation à M. le ministre
des travaux publics sur les moyens de prévenir les inondations désastreuses occasionnées
par les débordements de l’Escaut et de la Lys. Un ingénieur a présenté à la
commission des projets des travaux à faire en aval de Gand ; ces projets nous
ont été soumis, mais sans aucune espèce de détail. Quoi qu’il en soit, je
remercie M. le ministre d’avoir communiqué le projet du corps des ponts et
chaussées, mais je lui demanderai maintenant de remettre à la commission le
travail du corps des ponts et chaussées et la carte du cours de l’Escaut, qui,
je pense, est sur le point d’être achevée.
Quant à la demande de M. Kervyn, je l’appuie de tous mes efforts ; il me
semble qu’il faut dériver la Lys, qu’il faut faire en sorte que toutes les eaux
de la Lys ne viennent pas à Gand se réunir à celles de l’Escaut ; il faut
surtout tirer parti du canal de la Liève. Je crois
que ce canal sera de la plus grande utilité, et que c’est par lui que l’on
pourra faire grand usage du canal de Zelzaete. Mon opinion est que c’est par la
Lieve que nous devons faire évacuer la plus grande partie des eaux qui arrivent
en grande abondance de France et du Hainaut par l’Escaut et la Lys. En suivant
la voie de la Lieve, vous ouvrirez un débouché certain et avec peu de dépenses,
et vous ne gênerez point la navigation. Je prie donc M. le ministre de faire
étudier la haute et la basse Liève, car pour la faire
servir à l’écoulement des eaux, il y a des ouvrages à faire, mais je suis sûr
que quand elle sera faite avec soin et que l’on aura bien combiné un ensemble
de système où entrera le prolongement du canal de Nevel, on aura trouvé le
moyen pour bien faire écouler les eaux et faire taire toutes les plaintes.
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) -
Je répondrai à l’honorable membre que mon intention est effectivement de
transmettre à la commission dont j’ai parlé le travail de M. Wolters en même temps que le travail de M. Noël, quand il
me sera transmis.
- L’art. 6 est mis aux voix et adopté.
« Art. 7. Service de la Meuse dans les provinces de Liége et de Namur
: fr. 240,000 »
M.
Peeters. - Messieurs,
les députés du Hainaut m’ont accusé hier d’en vouloir à la richesse de leur
province et de l’attaquer continuellement avec une certaine jouissance ; il
n’en est rien, messieurs ; je suis charmé au contraire que la Belgique possède
une aussi riche province, tout ce que j’ai voulu faire comprendre à la chambre,
et j’avais des chiffres authentiques à l’appui de mes arguments, c’est qu’on
avait déjà fait beaucoup pour cette localité, et qu’avant de donner de
nouvelles faveurs, il fallait commencer à travailler sérieusement dans les pays
qui n’avaient obtenu que fort peu dans la répartition des travaux publics.
Aujourd’hui, et sans en vouloir le moins du monde à la province de Liége,
je citerai quelques chiffres qui vous prouveront qu’on a déjà fait beaucoup
pour cette province. Les députés du Hainaut et de la province de Liége ont
toujours demandé beaucoup pour leurs localités, et l’expérience m’a prouvé que
dans un gouvernement constitutionnel comme le nôtre, ceux qui demandent le plus
obtiennent le plus. Le gouvernement malheureusement ne cède que trop souvent
aux plus exigeants.
La province de Liége a longuement participé dans les fonds pour les chemins
de fer ; on y a dépensé, si je ne me trompe, environ trente millions pour cet
objet (fr. 30,000,000)
Pour les routes pavées, cette province a obtenu déjà fr. 2,525,122
Dans les engagements pris, elle figure pour fr. 128,000
Pour la station intérieure de Liége et la dérivation de la Meuse, elle a
obtenu fr. 1,300,000
Ensemble, fr. 34,153,122
De plus, on a déjà voté annuellement plusieurs crédits importants pour la
Meuse.
Aussi, j’ai remarqué avec étonnement que, lors de l’inauguration du chemin
de fer jusqu’à Cologne, railway si utile pour la ville de Liége, M. le
bourgmestre, dans un discours au ministre des travaux publics, osait dire
publiquement que tant que la Meuse ne serait pas canalisée, l’on n’avait rien
fait pour Liége. Et vous savez tous, messieurs, que d’après un rapport de
l’ingénieur Vifquain, cette canalisation doit coûter au pays plus de huit
millions.
Dans cet état de chose, je prie M. le ministre d’examiner si, au lieu de
diminuer les droits de péage sur la Sambre canalisée et sur d’autres canaux et
rivières navigables qui ont coûté des sommes si considérables à l’Etat, il ne
conviendrait pas, vu l’état financier du pays, d’augmenter les droits de péage
sur la Meuse, droits qui sont presque nuls aujourd’hui, quoiqu’on dépense des
sommes considérables à l’amélioration de cette rivière.
L’on m’objectera peut-être que le traité avec la Hollande s’y oppose,
objection qui peut être juste pour le transit et ne l’est nullement pour la
navigation à l’intérieur.
D’ailleurs, depuis qu’on a établi le principe de concours pour la Campine
et le canal de Zelzaete, ne serait-il équitable de faire contribuer les
localités intéressées dans cette énorme dépense car il s’agit de plus de huit
millions ?
M. le ministre, comme vous l’avez entendu dans une
précédente séance, quant il s’agit de la canalisation de la Campine, ne nous
parle plus d’un subside d’un quart comme pour le canal de Zelzaete, mais il
nous menace d’un concours de trois quarts dans la dépense, et cependant
veuillez bien remarquer que la province d’Anvers, laquelle, je ne puis assez le
répéter, a canalisé sans subside de l’Etat une rivière importante qui fait
partie du grand système de canalisation de la Campine, et il ne demande aucun
concours pour la Meuse, il y a la deux poids et deux mesures.
J’engage donc M. le ministre, vu l’état financier du pays, à ne plus penser
à diminuer les droits de péages, mais de les augmenter partout où ils en sont
susceptibles et où cette augmentation serait même équitable pour rétablir
l’équilibre entre les différentes localités. Je l’engage en outre à penser
sérieusement à établir le principe de concours, pour toutes les améliorations
importantes qu’on pourrait exiger pour l’une ou l’autre rivière ; c’est sous
cette condition seule, que ces crédits auraient à l’avenir mon approbation, et
avant de voter le budget qui nous occupe, je désire connaître l’opinion du
gouvernement à cet égard.
Puisque j’ai la parole, j’en profiterai pour demander encore quelques
explications a M. le ministre.
En répondant à une interpellation de mon honorable ami M. Desmet sur un
nouvel embranchement de la canalisation de la Campine. M. le ministre a dit
qu’il ne pouvait rien décider à cet égard, avant de s’être assuré s’il n’y
aurait pas de sociétés qui voudraient se charger de l’exécution de ce projet.
Je demanderai à l’honorable ministre s’il a l’espoir de voir une société
s’en charger sans le concours des riverains, car M. le ministre ne viendra pas
nous présenter de concours des 3/4 de la dépense pour enrichir des sociétés (M. le ministre fait un signe négatif) ;
dans ce cas je ne veux pas de la canalisation par une société.
Nous voulons bien concourir lorsque l’Etat se charge de l’exécution puisque
l’Etat représente la grande famille belge, mais jamais pour enrichir une
société ; nous préférons de ne rien avoir.
M. Pirson. - Messieurs, J’ai demandé la parole sur le
chiffre de 200,000 fr. porté au budget pour les travaux d’amélioration de la
Meuse, afin d’appeler l’attention de M. le ministre des travaux publics sut le
chemin le halage de Dinant à Burnot.
II paraît qu’il est question d’établir sur la rive gauche de la Meuse ce chemin
de halage qui existe actuellement sur la rive droite. Je ferai observer à M. le
ministre des travaux publics que la rive gauche, pour le parcours de Dinant à Burnot, se trouve déjà
favorisée par quatre routes qui sont celles de Dinant
à Namur, de Dinant à Philippeville, de Bouillon à
Florennes et de Burnot à Floreffe ; tandis que les
habitants de la rive droite n’ont que le chemin de halage pour se rendre à Dinant, point de jonction de cinq chaussées.
Si mes renseignements sont exacts, les réparations à exécuter au chemin de
halage actuel, en y ajoutant même la dépense de l’établissement d’un pont en
fer à Burnot, coûteraient moins que la création du
nouveau chemin de halage projeté contre lequel réclament les bateliers et les
propriétaires riverains, et pour lequel on sera forcé d’accorder des indemnités
considérables pour les terrains qui seront expropriés.
La construction d’un pont à Burnot offrirait de
plus l’avantage, tout en aidant la navigation, de faciliter le passage de la
Meuse aux voituriers qui conduisent le charbon aux usines situées sur les deux
rives, passage qui s’effectue aujourd’hui d’une manière très incommode, au
moyen d’un bac.
Je prie donc M. le ministre des travaux publics, dans l’intérêt du trésor
et dans l’intérêt des localités, de vouloir prendre en considération les
observations que j’ai eu l’honneur de lui présenter et de maintenir sur la rive
droite de la Meuse le chemin de halage de Dinant à Burnot.
M.
David. - Je
désire, messieurs, présenter quelques observations relativement au cours de la
Meuse. En 1842, dans la discussion qui a eu lieu dans cette enceinte, je me
suis occupé de la question de la navigation de la Meuse et j’ai donné quelques
idées qui n’ont pas été admises, je l’avoue, mais auxquelles je suis encore
forcé de revenir, du moins en partie. Je vois que je ne me suis guère écarté
alors de la vérité. Par exemple, relativement aux doutes que j’exprimais sur
l’efficacité de ce système proposé par M. l’ingénieur Guillery,
pour l’amélioration de la navigation de la Meuse, je trouve aujourd’hui la
confirmation de ce que je disais à cet égard dans le rapport du corps des ponts
et chaussées. C’est ainsi, par exemple, que ces messieurs nous disent :
« Après mûr examen de la situation des essais exécutés jusqu’à ce jour,
pour l’amélioration de la navigation de la Meuse, le conseil des ponts et
chaussées pense que, bien que les effets produits ne permettent point encore de
compter, d’une manière absolue, sur un tirant d’eau de 1 m. 50, à l’étiage,
avec une vitesse convenable des eaux, il est cependant présumable que, pour les
passes artificielles de la longueur de celles exécutées (1,000 mètres environ),
on pourra atteindre à peu près cette profondeur. »
Je passe à la page 53 du rapport de MM. les ingénieurs, où ils disent :
« L’incertitude dans laquelle on se trouve encore sur le point de
savoir si l’on pourra obtenir et maintenir un mouillage suffisant dans les
grandes passes, la marche du gravier de l’amont à l’aval des passes, et le fait
que, jusqu’à présent, on n’a pas obtenu ni maintenu, dans aucune des passes
exécutées, un tirant d’eau de 1 m. 50, et qu’on compte, pour l’obtenir, sur des
effets éventuels, sont les principaux motifs qui se sont opposés à ce que le
conseil des ponts et chaussées admît tout l’ensemble des travaux proposés par
l’ingénieur chargé du service spécial de la Meuse.
« Au point où en sont les études et les travaux à la Meuse, ce conseil,
tout en constatant les résultats favorables obtenus par M. Guillery,
n’a pas cru pouvoir donner au gouvernement la certitude d’atteindre un tirant
d’eau de 1 mètre 50 sur tout le parcours de la rivière, au moyen de passes
artificielles, et n’a point voulu engager le gouvernement à continuer les
travaux d’amélioration dans le système des essais en train d’exécution, sans
l’examen et la discussion approfondie des divers systèmes d’amélioration possibles
pour les points les plus difficiles de la rivière, à Dinant,
à Namur, à Huy, etc., etc.
« L’ingénieur chargé du service spécial de la Meuse a, en conséquence,
été invité à présenter pour l’un des points les plus difficiles de la rivière,
celui de l’aval du pont de Huy, une proposition d’amélioration, traitée à la
fois dans les systèmes de passes artificielles et de barrages transversaux pour
un tirant d’eau de 1 mètre 50, avec traction modérée, projets sur le choix
desquels le conseil pourrait alors donner son avis, et dont l’exécution, à l’un
ou l’autre point de vue, pourrait décider du système à adopter généralement ou
du moins faire faire un grand pas vers l’opinion définitive. »
Ici, messieurs, je m’adresse cette question : Quel fait a donc constaté
la nécessité d’avoir précisément 1 mètre 50 à l’étiage, pour la navigation de
la Meuse ? Ensuite pourquoi, MM. les ingénieurs ne nous disent-ils pas :
« au lieu de 1 mètre 50 c., nous aurons 1 mètre,
1 mètre 25 cent. » Je ne sais pas quel intérêt l’on a de nous dissimuler ce qui
se passe ou ce que l’on espère. Plus je parcours le rapport, plus je vois que
les projets des ingénieurs annoncent du doute, de l’incertitude ; plus je
reconnais qu’ils n’ont pas une idée positive de la profondeur réelle qu’il sera
possible d’obtenir. Si l’on pouvait gagner une profondeur général et régulière
dans les temps défavorables, de 1 mètre à 1 mètre 25 cent.,
il me semble que l’on devrait déjà être assez satisfait.
Je viens de vous dire, messieurs, ce que l’on attendait du tirant d’eau à
obtenir. Quant au tirant maintenu ou à maintenir, nous ne trouvons encore rien
de positif dans le rapport.
Après avoir exprimé leurs doutes, MM les ingénieurs arrivent à leurs
conclusions et c’est là le point principal de ce que je vais avoir l’honneur de
vous exposer. Voici, messieurs, quelle est cette conclusion :
« Par suite de l’examen qu’il a fait de l’ensemble du travail présenté par
l’ingénieur chargé du service spécial de la Meuse, le conseil des ponts et
chaussées a conclu à ce qu’en aval du pont de Huy, point qui présente presque
toutes les difficultés que l’on rencontre ailleurs sur le cours de ce fleuve,
entre Liége et la frontière, il soit fait un nouvel essai de passe
artificielle, et ce avant de prendre aucune résolution définitive sur le
système d’amélioration à adopter.
« Ce dernier essai, le conseil le considère comme un essai décisif
dont le résultat permettra de juger, en parfaite connaissance de cause, s’il
est possible d’assurer au batelage, au moyen du système de passes artificielles,
une marche régulière et active sur les points du fleuve où la navigation
éprouve aujourd’hui te plus d’entraves.
« Les principaux motifs de la détermination du conseil, sont :
« 1° Que l’essai de passe artificielle doit précéder celui de tout
autre projet nouveau parce qu’il sera la suite simple, naturelle et conséquente
du système de recherches et d’essais en exécution depuis plusieurs années, mais
qui ont donné des résultats qui, sans être complets, sont cependant déjà
reconnus assez avantageux et qu’il serait heureux que l’on pût arriver à
l’amélioration de tout le parcours de la Meuse, au moyen d’un seul système
d’ouvrages ;
« 2° La modicité de la dépense de la passe d’essai nouvelle, comparée à
celle qu’exigerait le barrage écluse accompagné de ces passes de raccordement ;
« 3° La moindre perte de fonds pour le cas où l’essai projeté ne
réussirait pas car la dépense faite principalement en fourniture de matériaux
serait en partie récupérée par l’emploi de ces mêmes matériaux dans les
ouvrages qui devraient remplacer ou modifier ceux reconnus insuffisants, de
telle manière qu’on ne subirait qu’une perte d’environ 35 à 40 mille fr.
« 4° Que cet essai facile et rapide d’exécution produira, bien plus tôt que
le projet en concurrence, les effets dont le résultat fera juger si les passes
artificielles sont capables de créer sur la Meuse une navigation régulière et
économique, ou bien si elles sont insuffisantes pour vaincre les points difficiles
de ses grandes chutes. »
Ici, messieurs, se présente encore tout
naturellement la pensée d’inviter le gouvernement à ne pas essayer à la fois
des deux systèmes, de ne pas essayer simultanément les barrages transversaux
(je veux parler du point le plus difficile qui est le pont d’Huy) ; de ne pas
essayer simultanément sur ce point des barrages transversaux et des passes
artificielles. Je demande que sur le point que je viens d’indiquer, les essais
se fassent d’une manière décisive, que l’on y procède avec toute l’activité
possible que l’on y fasse des essais complets et décisifs.
Lorsqu’il aura été reconnu que, par les passes artificielles, l’on peut
obtenir sur le point le plus difficile une bonne navigation, nous aurons au
moins une solution définitive. Les essais que je demande peuvent seuls nous
démontrer d’une manière complète si le résultat désiré sera obtenu au moyen de
passes artificielles et ce sont ceux-là que le corps des ponts et chaussées
semble préconiser. C’est seulement lorsque ces essais auront été faits que l’on
pourra proposer un plan définitif, plan qui a été promis plusieurs fois par le
gouvernement et que les ingénieurs, d’après les doutes qu’ils expriment dans
leur rapport, ne me paraissent pas à même de nous donner maintenant, quoiqu’il
soit si éminemment urgent de le présenter.
M. Lesoinne. - Je me trouve obligé de revenir sur ce que j’ai dit, dans la discussion
générale, sur la nécessité d’adopter un plan général pour le halage de la
Meuse. Certainement l’intérêt général exige l’établissement d’un halage
continu. Il peut y avoir certaines localités, comme celles que vient d’indiquer
l’honorable M. Pirson, où il y a des établissements industriels dont l’intérêt
exige le maintien des chemins de halage actuel ; mais dans ces localités on
pourrait conserver le chemin de halage existant, tout en en construisant un
second pour ne pas interrompre le halage général. Il importe que le halage se
continue sur une seule rive, car le passage d’un pont est toujours une entrave
pour la navigation qui fait perdre beaucoup de temps aux bateliers.
Il serait aussi d’une grande utilité d’adopter un plan général pour les
travaux a faire à la Meuse même ; si un plan général était adopté, les
améliorations à faire ne coûteraient pas beaucoup plus que ce que la Meuse
coûte aujourd’hui, car on ne se décidera probablement pas à faire tout à la
fois, ce qui serait cependant le mieux. On a déjà fait des travaux assez
importants sur plusieurs points difficiles de la Meuse, mais la navigation se
trouve encore interrompue en beaucoup d’endroits. Après l’adoption d’un plan
général on pourrait commencer les travaux en aval du fleuve, et remonter,
toujours vers la frontière française. C’est, je crois, ce qu’il y aurait de
plus avantageux à faire.
Ce que la Meuse rapporte aujourd’hui est évalué à 80,000 fr. Mais si la
navigation était plus active, comme elle le sera lorsque des améliorations
auront été apportées au fleuve, les recettes augmenteraient nécessairement
beaucoup.
Il est un travail qui peut faire partie du plan général et à l’égard duquel
des négociations sont suives entre M. le ministre des travaux publics et les
délégués de Liége, je veux parler de la dérivation de la Meuse.
La nécessité de cette dérivation dans l’intérieur de la ville est
indispensable sous plusieurs rapports. Les bateliers emploient souvent une
journée pour remonter du bas de la ville jusqu’au-dessus, il y a aussi des
accidents. Des chevaux périssent, et même, la descente, à cause des sinuosités
de la rivière, il périt des hommes tous les ans.
J’espère que les négociations sont assez avancées pour que M. le ministre
des travaux publics puisse enfin donner une solution à la question.
L’honorable M. Peeters a dit qu’on avait alloué une somme de 1,500,000 fr. Je désirerais que cela fût vrai, mais le
gouvernement n’a accordé qu’un million, et la ville intervient aussi pour un
million, somme énorme pour une commune, surtout quand il s’agit d’un objet
d’utilité générale.
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Messieurs, je commencerai par répondre
quelques mots aux demandes que vient de me faire l’honorable M. Lesoinne.
Messieurs, vous vous souvenez que lors du vote du dernier emprunt pour le
chemin de fer, la chambre, sans écrire précisément pour cet objet, un article
formel dans la loi, a fait clairement connaître son intention d’allouer un
subside de 1,000,000 pour l’établissement d’une
station intérieure dans la ville de Liége, station qui se combine avec la
dérivation même de la Meuse.
Une négociation avait déjà été entamée entre la ville de Liége et mon
honorable prédécesseur ; mais la convention, qui était en projet, n’avait pas
reçu l’approbation de l’honorable M. Desmaisières ; la question était donc
ouverte, lorsque j’ai été mis à la tète du département des travaux publics. Une
négociation que je regarde aujourd’hui comme terminée, a eu lieu entre les
délégués de la ville de Liége et moi. Je me suis rendu à Liége afin d’apprécier
la question par moi-même.
Ces conférences se sont continuées depuis, et je puis annoncer à la chambre
que nous sommes parvenus, dans une dernière et récente conférence, à tomber
d’accord sur le fond même de la convention. J’avais, messieurs, à sauvegarder
les intérêts du trésor public. La chambre m’avait confié le bon emploi d’un
million de francs ; je ne pouvais risquer d’aventurer une telle somme dans des
travaux mal déterminés et sans avoir toutes les garanties nécessaires pour
couvrir ma responsabilité.
La convention qui sera, je le pense, bientôt arrêtée, consacre ces
garanties. Cependant il reste une question que je n’étais pas maître de
résoudre par initiative.
Le gouvernement accorde donc à la ville le million qui lui a été confié
pour l’exécution de la dérivation et de la station ; de son côté, la ville de
Liége intervient pour une somme de 1,600,000 francs.
Le conseil communal de la ville de Liége m’a fait connaître que sur cette somme
de 1,600,000 fr elle n’avait qu’un million de francs à
sa disposition immédiate. Les délégués du conseil ont donc posé comme condition
de l’acception de la convention, que le gouvernement avancerait les 600,000 fr.
restants, sauf à stipuler les époques du remboursement.
Le gouvernement n’avait pas les pouvoirs nécessaires, pour condescendre à
cette demande de la ville de Liége, sans l’intervention de la législature ;
mais, si aucun obstacle ne s’oppose plus, comme je dois le croire, à la
conclusion provisoire du projet de convention, mon intention est de soumettre
cette convention à la ratification de la chambre, en lui proposant de décider
la question de savoir si l’avance de ces 600,000 fr. sera accordée à la ville
de Liége.
L’honorable M. Lesoinne a pris soin de faire à l’honorable M. Pirson la
réponse que j’avais l’intention de lui faire moi-même. Une des plus importantes
améliorations à introduire dans le régime de la Meuse est celle d’établir un
halage continu le long des rives. L’honorable M. Pirson s’est plaint, au
contraire, des projets qu’il prêtait au gouvernement, de reporter le halage de
la rive droite sur la rive gauche. Je pense que c’est là une nécessité qui a
été reconnue par l’honorable M. Lesoinne. Je dois ajouter que le gouvernement
se réserve l’examen de la question de savoir si dans des localités très
importantes, industrieuses, certaines exceptions ne pourraient être consacrées,
et même si on ne pourrait y maintenir le halage sur l’une ou l’autre rive.
M. de Garcia. - Je demande la parole.
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - L’honorable M. David a fait connaître
son opinion sur les systèmes d’améliorations de la navigation de la Meuse,
systèmes qui ont semblé diviser les ingénieurs les plus compétents.
M. l’inspecteur Vifquain a exprimé son opinion dans son travail sur le
système des voies navigables en Belgique, opinion favorable à des travaux
mixtes comprenant des barrages transversaux et des passes.
M. Guillery a paru favorable d’une manière plus
absolue au système dont on fait maintenant l’essai, celui des passes
artificielles.
L’honorable M David a paru croire que le rapport du conseil des ponts et
chaussées, dont j’ai donné une analyse à la section centrale, était défavorable
au système de M. Guillery, que ce rapport constatait
que les résultats auxquels voulait prétendre M. Guillery
n’avaient pas été atteints.
M. David. - Je demande la parole.
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Messieurs, à la lecture de ce rapport,
vous avez pu vous convaincre que si des doutes existent encore dans l’esprit de
ces ingénieurs, sur le succès complet de ces essais, il n’est pas moins reconnu
que le succès existe, que des résultats favorables ont été constatés.
Ces ingénieurs n’ont pu encore donner au gouvernement la certitude qu’on
arriverait, par le système des passes artificielles, à obtenir un mouillage
moyen de 1 mètre 50 c., sur tout le cours de la Meuse ; mais ils n’ont pas non
plus affirmé le contraire.
Le doute qui reste encore dans l’esprit de ces ingénieurs est de savoir
s’il sera possible de continuer l’application du système des passes
artificielles aux points difficiles de la Meuse, en aval du pont de Huy, à Dinant, à Namur, là où se trouvent des chutes d’eau
considérables.
L’honorable M. David aurait voulu que le conseil des ingénieurs eût décidé
que l’essai qui serait effectué à Huy aurait eu lieu d’après le système des
barrages transversaux.
M.
David. - Je n’ai
pas dit cela. Si vous me le permettez, j’expliquerai ma pensée.
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Très volontiers.
M. David. - Messieurs, je me suis borné à m’exprimer dans le sens des conclusions
mêmes des ingénieurs. Or, voici la conclusion principale présentée par ces
messieurs :
« Par suite de l’examen qu’il a fait de l’ensemble du travail présenté par
l’ingénieur chargé du service spécial de la Meuse, le conseil des ponts et chaussées
a conclu à ce qu’en aval du pont de Huy, point qui présente presque toutes les
difficultés que l’on rencontre ailleurs sur le cours de ce fleuve, entre Liège
et la frontière, il soit fait un nouvel essai de passe artificielle, et ce,
avant de prendre aucune résolution définitive sur le système d’amélioration à
adopter.
« Ce dernier essai, le conseil le considère comme un essai décisif
dont le résultat permettra de juger, en parfaite connaissance de cause, s’il
est possible d’assurer au batelage, au moyen du système de passes
artificielles, une marche régulière et active sur les points du fleuve où la
navigation éprouve aujourd’hui le plus d’entraves. »
Il me sera donc impossible de me faire comprendre. Je ne rejette, pour ma
part, ni les barrages transversaux, ni les passes artificielles ; je désire
seulement que sur le point le plus difficile, la plus important de la Meuse,
sur celui qui réunit tous les genres d’entraves, on n’emploie qu’un seul
système ; que pour pouvoir se rendre compte, on n’en essaie pas deux à la fois,
sinon, il nous sera impossible de nous livrer à une appréciation. On ne pourra
jamais avoir un système complet : c’est ce que je viens d’avoir l’honneur de
répéter à M. le ministre des travaux publies. En demandant qu’on suive un système
seul, je ne puisque me ranger à l’avis de MM. les ingénieurs, et, pour le
prouver, veuillez encore jeter les yeux sur leur rapport :
« Par suite de l’examen qu’il a fait de l’ensemble du travail présenté
par l’ingénieur chargé du service spécial de la Meuse, le conseil des ponts et
chaussées a conclu à ce qu’en aval du pont de Huy, point qui présente presque
toutes les difficultés que l’on rencontre ailleurs sur le cours de ce fleuve,
entre Liège et la frontière, il soit fait un nouvel essai de passe
artificielle, et ce avant de prendre aucune résolution définitive sur le
système d’amélioration à adopter. »
Vous voyez donc que le génie désire préalablement rechercher les
améliorations par les passes artificielles, et Dieu veuille que l’on y procède
activement et définitivement, car, je le répète, en absence de plan définitif,
on procédera de travers ; je le crains.
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Messieurs, les conclusions du rapport
sont parfaitement en correspondance d’idée avec celle qui vient d’être émise
par l’honorable préopinant. Permettez-moi, messieurs, de vous lire le passage
du rapport qui renferme ces conclusions :
« Le conseil a conclu qu’il soit fait un nouvel essai de passe
artificielle, et ce avant de prendre aucune résolution définitive sur le
système d’amélioration à adopter.
« Ce dernier essai, le conseil le considère comme un essai décisif dont le
résultat permettra de juger, en parfaite connaissance de cause, s’il est
possible d’assurer au batelage, au moyen du système de passes artificielles,
une marche régulière et active sur les points du fleuve où la navigation
éprouve aujourd’hui le plus d’entraves. »
Ainsi la conclusion à laquelle arrive le conseil est précisément celle que
l’honorable M. David a lui-même indiquée. En effet, si cet essai en aval du
pont de Huy réussit, la question est évidemment jugée.
Les essais en passes artificielles ont eu d’heureux résultats, ils amènent
moins de dépenses que n’en créeraient des travaux en barrages. En dernier lieu,
en supposant l’insuccès de cet essai final, les dépenses opérées ne seraient
pas entièrement perdues. Toutes ces considérations doivent déterminer le
gouvernement à suivre l’avis émis pas la commission des inspecteurs.
J’ai quelques mots à répondre à ce qu’a
dit tout à l’heure l’honorable M. Peeters. L’honorable membre n’ignore pas
quelle est l’importance de la Meuse comme communication industrielle et
commerciale ; il sait que la Meuse est la voie qui doit ouvrir, d’une part, le
marché de la Hollande, et, d’autre part, celui des Ardennes françaises, aux
industries des provinces le Liége, de Namur et du Limbourg. Si l’on parvient,
comme on doit en conserver l’espérance maintenant, à obtenir en moyenne un
mouillage de 1 mètre 50 centimètres sur le cours de la Meuse et un halage
continu, il est clair que vous allez agrandir par les provinces que la Meuse
traverse des débouchés importants qui ne leur sont ouverts aujourd’hui qu’à
demi. Ainsi je ne comprends pas que le gouvernement puisse jamais se laisser
aller à l’idée, quand il fait des dépenses nécessaires, mais considérables,
pour l’amélioration de la Meuse, de venir annuler les résultats de ces
améliorations par une élévation des péages. D’un autre côté, il améliorerait le
cours de la Meuse pour faciliter les exportations, et d’un autre côté, il
rendrait ces exportations difficiles par l’élévation du droit de péage.
L’honorable M. Peeters m’a demandé si le gouvernement n’aurait pas
l’intention de suivre à l’égard de la Meuse et d’autres voies navigables de
même genre, le système appliqué à la construction du canal de Zelzaete et du
canal de la Campine, celui du concours des propriétaires intéressés. II me
paraît que la question est ici tout autre que quand il s’agit de la
construction d’un grand travail public. Vous n’ignorez pas que le gouvernement
a repris l’administration de la Meuse. Reprendre l’administration d’une voie
navigable c’est se charger des frais d’entretien et d’amélioration. Jusqu’à
présent, personne n’avait songé à appliquer le principe du concours des
propriétaires riverains à l’amélioration des rivières navigables dont
l’administration a été remise aux mains du gouvernement.
M. de Garcia. - Messieurs, je viens appuyer les observations
qui ont été présentées par l’honorable M. Pirson, relativement au chemin de
halage à établir entre Namur et Dinant. Jusqu’à ce
jour, la plus grande partie du chemin a été sur la rive droite. D’après les
études qui ont été faites et d’après mes renseignements, s’ils sont exacts, ce
que me donne lieu de croire les explications de M. le ministre des travaux
publics, il s’agirait de mettre le chemin de halage sur la rive gauche de Namur
à Dinant.
J’ai vu avec regret que M. le ministre semblait pencher vers cette opinion.
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Mon opinion n’est pas arrêtée.
M. de Garcia. - Puisqu’il adoptait ce qui avait été dit par
l’honorable M. Lesoinne en réponse à M. Pirson ; j’ai vu cela avec regret,
d’abord parce qu’en conservant le chemin de halage sur la rive droite comme
précédemment, il n’en coûterait pas plus à l’Etat et qu’on ne déplacerait pas
des intérêts existants pour les habitants de la rive droite de la Meuse par
suite de l’ordre de chose actuel, Au surplus cette considération est beaucoup
moins importante que celle de l’intérêt général qui milite en faveur de la
conservation d’une partie du chemin de halage sur la rive droite.
Au point de vue de la question d’argent, l’honorable M. Pirson a démontré,
et M. le ministre ne l’a pas contredit, que, soit qu’on conserve le chemin de
halage sur une rive ou sur l’autre, il n’en coûtera pas plus à l’Etat, bien
qu’il faille jeter un pont vers Burnot dans le milieu
de la traversée de Namur à Dinant. Si la dépense ne
doit pas être plus grande en adoptant ce système qu’en adoptant celui d’une
ligne continue de halage entre Namur et Dinant, on
doit évidemment lui donner la préférence. Par la mesure que nous proposons, on
atteindra un double but d’intérêt général. La navigation de la Meuse ne serait
pas seulement améliorée par ce chemin de halage, mais on ouvrirait un débouché
à une contrée qui n’en a pas, ou qui n’en possède que de très difficiles.
De Namur à Dinant, sur
une étendue de 5 à 6 lieues, la Meuse sépare les habitants des deux rives par
une barrière presqu’insurmontable, à tel point que les relations entre les
habitants des deux rives sont presque impossibles. Si on établissait un pont
entre Namur et Dinant, on donnerait aux habitants de
la rive droite des moyens de communication qu’ils n’ont pas aujourd’hui ; car,
comme l’a dit l’honorable préopinant, la route de France se trouve sur la rive
gauche, quatre routes latérales, débouchant vers l’entre Sambre-et-Meuse,
viennent y aboutir, et au moyen du pont qui serait construit au milieu de la
traversée de Namur à Dinant, on ouvrirait une
communication très importante et des plus utiles à la vaste contrée de la
province de Namur, située sur la rive droite de la Meuse. Cette contrée se
trouve complètement dénuée de toute communication ; vers le pays d’entre
Sambre-et-Meuse, vers Charleroy, vers le Brabant et le Hainaut, on ne peut
arriver vers ces points que par des détours considérables.
Aussi, je le répète, j’ai vu avec un certain regret que M. le ministre
penchait vers l’opinion contraire à celle que nous devons défendre. Mais comme
il vient de le dire, j’espère que l’opinion de M. le ministre n’est pas
définitivement arrêtée ; j’espère plus, j’espère que lorsque M. le ministre
aura examiné la question il reconnaîtra que l’intérêt général réclame la mesure
que nous avons signalée.
Je conçois que l’objection de l’honorable M. Lesoinne aurait une certaine
portée s’il s’agissait de faire aller constamment le chemin de halage d’une
rive à l’autre, mais la longueur d’un chemin de trois lieues ne peut avoir ces
inconvénients.
Comme dans le système que nous indiquons, il devrait y avoir un pont pour
passer du chemin de halage existant sur une rive au chemin de halage existant
sur l’autre, tous les inconvénients que semble redouter l’honorable M. Lesoinne
ne peuvent exister.
Je bornerai là mes observations. J’appelle sur cette question très
importante au point de vue de l’intérêt général et beaucoup plus grave qu’elle
ne paraît, toute l’attention de M. le ministre des travaux publics.
M. Pirson. - Messieurs, à la réponse qui m’a été faite par
M. le ministre des travaux publics, je crois devoir répliquer que ce sont des
bateliers qui réclament le maintien du chemin de halage la rive droite,
s’appuyant sur ce que de ce côté la rivière a plus de profondeur d’eau.
Messieurs, je ne connais pas les sondages de la Meuse, mais il me semble que
les bateliers, comme praticiens, sont aussi des juges compétents dans la
matière, et je pense qu’il est rationnel de croire que leur assertion est
fondée, et que c’est cette cause qui a déterminé l’établissement du chemin de
halage primitif et actuel.
Je persiste donc à prier M. le ministre des travaux publics de maintenir
sur la rive droite de la Meuse le chemin de halage de Dinant
à Burnot.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Je me suis aperçu que les honorables
membres n’avaient pas compris ma pensée. Je me suis borné à soutenir en
principe l’utilité d’un halage continu sur la Meuse ; j’ai dit qu’un halage
continu constituerait l’une des principales améliorations réclamées par le
commerce et par le batelage de la Meuse. Mais si l’exécution de ce halage
continu présente des inconvénients sur certains points, s’il y a économie et
utilité de maintenir le halage sur quelques parties de la rive droite, le
gouvernement n’ira pas faire un acte de mauvaise administration pour avoir le
plaisir de poursuivie l’application d’un principe posé d’une manière absolue.
M. David. - Je demande la parole. Messieurs, je demande seulement qu’on nous
comprenne. D’après ce que viennent de dire quelques honorables collègues, il
semblerait que je condamne les barrages transversaux ou les barrages
artificiels. Je ne condamne rien, je veux seulement qu’on fasse des essais de
l’un ou l’autre système. Ainsi que je l’ai dit encore tout à l’heure, je
demande qu’on s’occupe avec la plus grande activité de faire, en aval du pont
de Huy, des essais de nature à résoudre toutes les difficultés et à nous
permettre d’arrêter un système complet et définitif.
M. de Garcia. - D’après les explications de M. le
ministre des travaux publics, je crois devoir lui demander si les études faites
sur la Meuse, relativement au chemin de halage, se font dans les deux sens,
c’est-à-dire, s’il fait examiner la question au double point de vue de savoir
si le chemin de halage sera tout entier sur la rive gauche, on bien s’il sera
partie sur la rive gauche, partie sur la rive gauche. Si l’ingénieur se bornait
à faire les études avec l’idée de mettre le chemin sur une rive et si l’opinion
de M. le ministre n’est pas fixée, il ne pourrait prendre en connaissance de
cause une résolution définitive sur ce point. Je prie donc M. le ministre de
nous dire si les études se font au double point de vue indiqué.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - L’ingénieur est chargé de faire des études en
prenant pour point de départ la nécessité d’un halage continu ; c’est là le
principe admis, mais le gouvernement ne l’a pas posé d’une manière exclusive.
Il serait impossible de ne faire des études que sur l’une des deux rives. Les
études ont pour objet de rechercher le meilleur halage à établir sur les rives
de la Meuse. Pour que ces études soient complètes, les différents projets
devront être examinés, afin de mettre le gouvernement à même de comparer et de
juger.
M. Lesoinne. - Je veux donner deux mots d’explication sur ce que j’entends par halage
continu. Il est certain que l’intérêt de la navigation et des établissements industriels
exige qu’on puisse passer d’une rive à l’autre. Mais, en principe, un halage
continu est préférable pour le batelage.
M.
d’Huart. - Si
je comprends bien la demande des honorables MM. de Garcia et Pirson, c’est que
le gouvernement soit instruit sur le point en discussion, c’est-à-dire que
leurs observations soient prises en considération par le ministre, qu’il fasse
examiner ce point par l’ingénieur chargé du service de la Mense ; qu’on
apprécie ainsi le mérite de leurs observations, et que le ministre puisse
décider en connaissance de cause.
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - C’est ainsi que je l’ai compris.
- L’art. 7 est mis aux voix et adopté.
Article
8
« Art. 8 (Service de la Meuse dans le Limbourg) Travaux aux rives :
fr. 146,200
« Personnel : fr. 3,800 »
- Adopté.
« Art 9 (Service de la Dendre) Travaux ordinaires dans la Flandre
orientale : fr.6,350
« Travaux ordinaires dans la province du Hainaut : fr. 3,000
« Travaux d’amélioration : fr. 19,700
« Personnel : fr. 8,750 »
M. de Naeyer. - Je commencerai par remercier
l’honorable ministre des travaux publics de l’intérêt qu’il a bien voulu
témoigner hier pour l’arrondissement administratif que j’ai l’honneur de
représenter. M. le ministre a reconnu que, par suite de la construction du
chemin de fer, notre arrondissement se trouve dans une position qui mérite
l’attention particulière du gouvernement. Nous espérons que cette attention du
gouvernement, à laquelle nous croyons avoir des droits incontestables, se
manifestera promptement à cet égard par des faits précis car, si de pareilles
paroles bienveillantes, émanées du pouvoir, nous sont très agréables, cependant
je dois déclarer avec une franchise toute flamande que des paroles
bienveillantes seules ne pourraient nous contenter, parce qu’elles seraient
impuissantes pour réparer le tort immense qui nous a été causé. D’abord, ce ne
sera certes pas l’occasion qui manquera au gouvernement pour prouver la réalité
des bonnes intentions dont j’aime à le croire animé à notre égard. Nous avons
de nombreux besoins à satisfaire, non seulement en ce qui concerne les routes,
mais en ce qui concerne toutes les autres voies de communications.
C’est ainsi que la Dendre, la seule voie navigable que nous possédions, se
trouve dans un état vraiment déplorable. Tous les rapports adressés au
gouvernement sont unanimes sur ce point. La section centrale l’a reconnu
positivement et formellement dans son rapport. Aussi les produits de la Dendre
ont considérablement diminué, et ils diminuent encore chaque année. Cela ne
provient aucunement de ce que la Dendre a perdu de son importance, comme voie
navigable ; car le besoin de voies de communication se fait sentir très
vivement dans la vallée de la Dendre, parce que cette rivière présente
aujourd’hui des obstacles presque insurmontables à la navigation.
Il est un autre inconvénient, résultant de cet état de choses, et qui
mérite de fixer également l’attention du gouvernement ; car s’il devait se
prolonger, il entraînerait la ruine de ces magnifiques prairies situées sur les
rives de la Dendre et qui sont si profitables pour le trésor. Autrefois les
inondations en été étaient des phénomènes en quelque sorte inconnus, ou au
moins extrêmement rares dans la vallée de la Dendre. Il fallait pour cela des
circonstances extraordinaires et exceptionnelles. II n’en est plus de même
aujourd’hui. Presque chaque année ce fléau vient nous affliger. Il suffit, pour
ainsi dire, d’une pluie d’orage pour que nos prairies soient submergées et que
la meilleure partie de nos produits soient ainsi enlevée.
Des hommes pratiques, doués d’un grand esprit
d’observation ont recherché avec soin les causes de ces inondations, qui se
renouvellent d’une manière si effrayante ; ils ont adressé une pétition à M. le
ministre des travaux publics. Je prends la liberté d’appeler l’attention de M.
le ministre sur ce travail. Les pétitionnaires prouvent que la cause de ces
inondations proviennent surtout de ce que, depuis bien longtemps, on n’a rien
fait, je ne dirai pas pour améliorer le cours de la Dendre, mais pour empêcher
que cette rivière ne se détériore considérablement chaque année. C’est ainsi
que les sinuosités de la rivière étant augmentées d’une manière étonnante,
incroyable depuis quelques années, opposent de grands obstacles au prompt
écoulement des eaux ; en outre des atterrissements qui se sont formés sur
plusieurs points ont beaucoup rétréci le lit de la rivière, et comme on n’a
rien fait pour le dévasement de la rivière, elle a beaucoup perdu de sa
profondeur. De manière que sous tous les rapports les ressources que la Dendre
offrait autrefois pour la décharge des eaux des propriétés riveraines sont
considérablement diminuées.
Voila les principales causes signalées par les auteurs du travail dont je
viens de parler.
A côté de ces causes, on a signalé les moyens qu’il faudrait employer pour
y remédier, et ces moyens, qui sont très réalisables, méritent d’attirer
l’attention de M. le ministre.
Je vois avec plaisir que le gouvernement se propose de faire quelque chose
cette année pour améliorer le cours de la Dendre. J’espère qu’il ne se bornera
pas aux travaux qu’il a annoncés.
M. Desmet. - J’appuie les observations de l’honorable M. de Naeyer.
On sait que la rivière de la Dendre est négligée depuis 50 ans. Sous le
gouvernement français on n’y a rien fait, il en a été à peu près de même sous
le gouvernement néerlandais ; depuis on n’a fait que très peu de chose. Sur
cette rivière il n’y a plus, pour ainsi dire, de navigation possible. La
navigation est toujours gênée, et on sait aussi que les écoulements utiles se
font aussi très mal, et ce défaut de bon écoulement fait un tort immense aux
propriétaires riverains. Mais, messieurs, c’est particulièrement à cause du
mauvais état du lit de la rivière que la navigation se fait péniblement et
qu’on est obligé de tenir les eaux à une hauteur extraordinaire, hauteur telle
que, dans plusieurs endroits, elles dépassent, même dans la saison d’été, les
bords de la rivière. Vous sentez que quand les eaux dépassent ainsi en toute
saison les bords, elles doivent causer de grands dégâts aux propriétés de la
vallée. Ces débordements se font aussi à cause que les bords de la Dendre sont
si mal entretenus, qu’ils n’ont pas une élévation régulière et qu’en différents
endroits il y a des ouvertures et qu’aussi beaucoup de rigoles ou fossés n’ont
point à leur embouchure des vannes qui devraient être baissées quand les eaux
doivent être élevées pour donner un tirant suffisant à la navigation.
Dans la rivière, à cause de la négligence dont elle a été victime depuis
quarante à cinquante années, se trouvent beaucoup d’atterrissements ; c’est,
comme vous pouvez le juger aussi, une raison pour laquelle on doit tenir les
eaux à une élévation extraordinaire, afin de pouvoir naviguer, et en les
faisant passer au-dessus des bords, elles se jettent dans les bas-fonds de la
vallée, où elles séjournent très longtemps et occasionnent de dégâts
considérables aux propriétés.
Au mauvais état de l’écoulement des eaux dans la vallée de la Dendre et des
dégâts qu’en souffrent les propriétés, on peut assigner deux causes : une cause
gouvernementale et une cause administrative ; la première, parce que le
gouvernement néglige la rivière, la seconde, parce que depuis quelques années
les administrations communales négligent de faire curer les bas-fonds ; vous en
savez la cause, et vous reconnaîtrez, comme moi, que les administrations
subalternes ne font presque rien pour la petite voirie et que l’arrêté du
préfet du 25 août 1812 est, pour ainsi dire, tombé en désuétude ; le
gouvernement et l’administration provinciale doivent absolument aviser à des
moyens pour porter remède à ce déplorable état de choses.
Quel moyen y aurait-il d’améliorer cette désastreuse situation de cette
vallée ? Il n’y aurait qu’un bon moyen. Ici j’appelle l’attention du
gouvernement et de l’administration provinciale. Ce serait, comme on en a conçu
le projet depuis quelque temps sur l’Escaut, d’établir des wateringues, de
faire des propositions des associations et des administrations. Alors on ferait
ce que les administrations communales ne font plus ; le bon entretien des fossés
serait surveillé.
On propose une certaine somme, afin d’établir de nouveaux barrages sur la
Dendre. Certainement cette mesure est nécessaire. Cependant, je demande un
moment d’attention à M. le ministre des travaux publics. Il doit savoir que,
dans ce moment, il y a 2 projets. Il y a un projet de canal latéral et un
projet de canalisation de la rivière. Si vous donnez la préférence au canal
latéral, alors toujours les évacuations des eaux de la vallée pourraient se
faire régulièrement et facilement, et les usines ne seraient gênées sous aucun
rapport, l’ancien lit de la Dendre serait conservé, et ainsi, comme on peut le
sentir, l’écoulement se ferait par l’ancienne rivière, et jamais plus cet
écoulement ne serait gêné par la navigation, les usines seraient alors
conservées dans leur état actuel.
Si cependant vous canalisez, si vous
établissez un plus grand système de barrage, vous n’aurez pas un écoulement
suffisant, et vous détruirez beaucoup d’usines.
Avec un canal latéral, et je dois encore le répéter pour que M. le ministre
le comprenne, vous aurez la rivière qui recevra les eaux ; vous pourrez ainsi
faire évacuer les eaux.
A propos de ce canal, je reviens à ce que j’ai dit sur la nécessité de
laisser faire des travaux publics par concession et d’accorder la garantie d’un
minimum d’intérêt. M. le ministre sait que si ce principe était admis, vous
auriez, sans aucune dépense pour l’Etat, un canal utile non seulement à la
contrée, mais encore à une grande fraction du pays, à son commerce et à son
industrie ; les intérêts généraux qui sont en cause par le creusement du canal
de Jemmapes au bas Escaut sont immenses, et le gouvernement ne peut mettre un
instant en doute que le pays gagnerait beaucoup par cette nouvelle voie de
transport.
Je demande que M. le ministre examine ces deux propositions.
En examinant le projet de canal latéral, il verra qu’il garantit les
intérêts des propriétés riveraines, qu’il rendra un service éminent au commerce
et à l’industrie, et que l’agriculture y trouvera des moyens plus faciles pour
le transport des engrais ; c’est surtout vers la Hollande que nos voies doivent
s’ouvrir ; nous devons faire tout ce qui est en nous pour que nos houilles
puissent rivaliser avec celles de l’Angleterre sur le marché hollandais ; et
l’Etat voudrait s’opposer et ne pas prêter son aide à la réalisation d’un
ouvrage si utile pour l’Etat et qui nous donnerait un moyen pour placer à
l’étranger plus de produits nationaux. Le ministre des travaux publics ne devra
qu’y penser, pour que le projet du canal latéral de Jemmapes à Termonde soit
pressé par lui et qu’une loi soit présentée à la chambre pour avoir la garantie
d’un minimum d’intérêt pour l’exécution de ce travail si utile.
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - L’honorable M. de Naeyer
a pu se convaincre, à la lecture du projet de budget, que je partage sa manière
de voir sur l’utilité des améliorations à apporter à la navigation de la
Dendre, navigation actuellement très difficultueuse. Il a pu s’en convaincre,
puisque j’ai demandé une augmentation de crédit pour arriver à exécuter ces
améliorations.
L’honorable M. Desmet a soulevé,
relativement aux inondations de la Dendre, une question déjà ancienne, celle de
la constitution de wateringues. Son opinion favorable à cette institution,
l’honorable membre l’a manifestée déjà à l’égard des inondations de l’Escaut et
de la Lys. Le gouvernement n’a pas perdu de vue l’utilité qu’il y aurait à
constituer des wateringues ; mais il sait aussi de quelles difficultés la
réalisation de ce projet est entourée. Il sait qu’en 1824, si je ne me trompe,
des essais de ce genre ont été faits dans le Limbourg. Le gouvernement aussi à
cette époque a essayé d’organiser des wateringues dans cette province, mais
malheureusement ces essais sont demeurés sans succès. Ce n’est pas, du reste,
une raison pour le gouvernement d’abandonner cette idée.
L’honorable M. Desmet a entretenu la chambre de la canalisation de la
Dendre. Il existe, messieurs, pour la Dendre, trois systèmes qui ont chacun des
défenseurs. D’abord le creusement d’un grand canal de Jemappes au bas
Escaut ; en second lieu, le projet de M. l’ingénieur de Wellens, celui
d’un canal latéral à la Dendre, d’Ath à Alost ; en troisième lieu, le
système auquel M. Vifquain, dans son grand travail, semble donner la
préférence, celui des améliorations à apporter dans le lit même de la rivière.
Messieurs, je ne fais aucune difficulté d’avouer qu’il est parfois fâcheux
pour des rivières d’être l’objet des prédilections des ingénieurs. Il arrive
souvent que divers projets sont présentés, défendus
avec un égal talent, et laissent ainsi le gouvernement dans une espèce
d’incertitude très concevable.
Il en est arrivé ainsi de la Dendre. Il est
inconcevable que le canal de Jemappes à Alost est le
projet qui revêt un caractère de plus haute utilité. On fournirait par là aux
houilles de Mons un débouché nouveau et important vers le bas Escaut d’une
part, et vers la Hollande de l’autre. Mais, messieurs, vous savez quelle est
l’objection que l’on a faite à l’exécution de ce projet. On a dit : si le
projet était exécuté par une compagnie à l’aide soit d’une subvention, soit de
la garantie d’un minimum d’intérêt, le gouvernement qui possède les deux canaux
d’Antoing et de Charleroy, auxquels le nouveau canal ferait un
certaine concurrence, donnerait à la compagnie des encouragements pour l’aider
à le dépouiller des revenus de ses propres voies navigables.
Messieurs, je ne dis pas jusqu’à quel point cette objection a pu avoir de
l’influence sur moi. Je sais tout ce qu’on pourrait y répondre, mais elle doit
être pesée par le gouvernement.
Ce qui prouve, messieurs, que le gouvernement n’a pas pris une décision à
l’égard de cette question, c’est que je viens récemment de proroger la
concession qui avait été accordée à une compagnie, dans le but de lui laisser
la possibilité de trouver les capitaux nécessaires à l’exécution de ce projet.
Je l’ai prorogée parce que pendant cette prorogation le gouvernement reste
libre d’opérer tels travaux d’améliorations qu’il jugera convenable de faire.
Messieurs, la commission permanente des ponts et chaussées, qui a examiné
récemment d’une manière comparative les trois systèmes dont j’ai parlé, m’a
proposé, en attendant une décision définitive, d’exécuter cette année, à l’aide
de l’augmentation de crédit que j’ai demandée à la chambre, des travaux qui
seraient communs aux divers projets, afin que la dépense ne devienne pas
inutile, si l’un ou l’autre de ces projets venait à être adopté par le
gouvernement.
M. Desmet. - Messieurs, je ne demande pas la parole pour contredire ce que vient de
dire M. le ministre des travaux publics ; au contraire, c’est pour le remercier
d’abord de ce qu’il a bien voulu proroger la concession d’un travail si utile,
et en second lieu parce que les sommes qu’il veut employer à l’amélioration de
la Dendre, le seront de telle sorte, qu’aucun des projets qu’on pourrait mettre
à exécution n’en sera contrarié.
Mais, messieurs, j’ai surtout demandé la parole, parce que j’ai entendu
tout à l’heure M. le ministre des travaux publics citer M. Vifquain comme étant
plus ou moins opposé au grand système du canal de Jemmapes à Termonde.
Cependant, c’est cet honorable inspecteur qui, en 1822 ou 1824, a le mieux
défendu le canal de Jemmapes à Termonde. C’est lui qui a fait les plans de ce
canal, et qui en a développé tous les avantages. Son rapport est à voir.
Certainement, quand M. Vifquain vous a dit alors qu’il s’agissait d’un
canal qui ouvrirait un grand commerce avec la Hollande, il a dit vrai ; quand
il vous a dit que cette contrée si riche, d’Ath à Mons, n’avait aucun débouché,
il vous a encore dit vrai ; quand il vous a dit que la construction du canal
était d’une utilité extraordinaire non seulement pour le Borinage, mais pour le
Centre et le Couchant, il a dit vrai encore, et quand il vous a dit qu’un canal
au cœur de la Belgique était un objet d’une importance appréciable, il vous a
encore dit vrai.
Mais on fait une objection assez spécieuse. Si, dit-on, vous construisez un
canal de Jemmapes au bas Escaut, vous allez faire tort aux revenus que l’Etat
perçoit sur le canal de Pommeroeul et sur l’Escaut.
Messieurs, lorsqu’il serait vrai que vos revenus éprouveraient une réduction,
ce ne serait pas un motif pour priver une contrée d’un travail qui lui est
réellement nécessaire. Mais il n’en serait rien.
Messieurs, il y a sur le canal de Pommerœul un
tel concours de bateaux qui viennent du Borinage , qu’on peut dire que la
journée est insuffisante pour faire passer tous les bateaux aux écluses, et
c’est M. l’ingénieur de la province du Hainaut, ou du moins l’ingénieur en chef
De Moor, qui le dit et qui le prouve, que la manœuvre
des écluses sur le canal de Pommermoeul est
insuffisante pour donner passage à tous les bateaux qui viennent des
charbonnages.
La construction du canal est donc une nécessité non seulement pour le
commerce, mais aussi pour l’exploitation des charbonnages.
Je prie M. le ministre de prendre cette observation en considération ; il
reconnaîtra que la construction du canal que nous réclamons ne diminuerait
nullement les revenus de l’Etat, et quand M. le ministre sait dans sa
conscience que la contrée d’Alost à Mons, par la vallée de la Dendre, a tant
souffert par le chemin de fer, peut-il encore douter de laisser mettre la main
à un travail qui ne coûtera rien à l’Etat et pour lequel nous ne demandons que
l’aide du consentement de la garantie du minimum de l’intérêt.
- L’art. 9 est mis aux voix et adopté.
« Art. 10. (Service du Rupel, de la Dyle et du Demer). Travaux
ordinaires : fr. 4,600
« Personnel : fr. 1,300 »
M. de Man d’Attenrode. - L’honorable ministre des travaux
publics vient de nous parler de la sollicitude toute particulière que le corps
des ponts et chaussées témoigne pour certaines rivières, et de l’espèce de
fatalité qui est la suite de cette incertitude ; eh bien, la rivière le Demer
est une de ces rivières privilégiées, qui ne peut obtenir aucune amélioration,
bien que tout le monde s’accorde à dire, depuis 15 ou 20 ans, qu’il y a
beaucoup à y faire, et qu’on s’en occupe régulièrement tous les ans.
En effet, messieurs, depuis plusieurs années j’ai saisi l’occasion de la
discussion des budgets pour réclamer en faveur des riverains du Demer, qui sont
annuellement les victimes du fléau des inondations. Leurs réclamations, qui
datent de longues années, celles de leurs représentants dans cette chambre, ont
été vaines jusqu’à présent ; et la note que contient le cahier des
développements nouveaux du budget, n’est pas de nature à nous rassurer pour
l’avenir.
Qu’y voyons-nous ? Nous y voyons, qu’on n’a pas mis la main à l’œuvre en
1843, parce que cette année s’est passée comme les autres en vaines discussions
; on n’a pas pris, dit-on, de résolution parce que, sans rien compromettre, on
pouvait encore se donner le temps de réfléchir. Or, voilà 10 ans et plus qu’on
réfléchit, et cette question, à l’heure qu’il est, ne paraît pas encore
résolue. Je demanderai donc à M. le ministre des travaux publics, qu’il veuille
mettre les agents des ponts et chaussées en demeure d’émettre un avis, et de
vouloir prendre une résolution quelconque.
Une requête a été adressée à S. M., il n’y a pas longtemps, par les
administrations communales de sept communes importantes du bassin du Demer,
pour se plaindre de l’état d’abandon où sont laissés leurs administrés au
nombre de 12,000 ; M. le ministre des travaux publics doit avoir pris
connaissance de cette requête ; elle commence par ces mots : « Les
habitants du vallon du Demer se plaignent vivement, et non sans raison, de
l’état d abandon dans lequel les laisse le gouvernement. Les inondations se
succèdent avec rapidité, elles deviennent tous les jours plus désastreuses, et
l’autorité supérieure ne sortant pas d’une impassibilité injustifiable, ne
prend sérieusement aucune mesure capable de les prévenir, etc. »
On peut se convaincre, par cette requête, que la question du système de
travaux destinés à améliorer la navigation, n’est que très secondaire pour eux.
Pour eux, la question, qui prime toutes les autres, c’est celle de les
débarrasser des inondations. Cette requête établit avec clarté que les
inondations sont causées par l’état de la rivière la Dyle, qui reçoit les eaux
du Demer et de ses affluents ; que le lit de la Dyle est insuffisant pour
dégorger toutes ces eaux, et que ce lit est insuffisant parce que
l’administration a toléré l’enlèvement des digues qui le bordaient et n’a pas
suffisamment veillé à son entretien.
Quant au Demer lui-même, ils indiquent à
peu près les mêmes moyens d’écoulement, ils demandent de plus que l’on redresse
les sinuosités les plus saillantes de la rivière, qui embarrassent l’écoulement
des eaux pendant la saison des pluies, et que de plus on établisse quelques
barrages pour maintenir la navigation dans la saison de la sécheresse.
Vous voyez, messieurs, que les prétentions, que les demandes des riverains
du Demer ne sont pas si difficiles à satisfaire.
Quant à la question de savoir, et c’est là, paraît-il, le sujet
interminable des discussions de messieurs des ponts et chaussées ; quant à la
question de savoir, si, au lieu d’améliorer la navigation existante, il faut
donner la préférence à un canal latéral, si ce canal sera à grande ou à petite
dimension, cette question touche indirectement les pétitionnaires. Une
navigation arec tous ses perfectionnements serait, sans doute, un grand
bienfait pour cette contrée ; mais les pétitionnaires demandent, avant tout,
d’être débarrassés des inondations ; ils demandent que les moyens de faire
cesser les inondations ne continuent pas à n’être que l’accessoire de la
question de l’établissement d’un canal, qui se fera probablement attendre
encore longtemps, dans l’état où se trouvent les finances du pays. Les
riverains du Demer se bornent à vous demander ce qui est de droit ; ils
demandent que le gouvernement remplisse un devoir ; le devoir qui lui est
imposé de veiller à la conservation des propriétés à la conservation du produit
du travail de ses administrés, conservation à laquelle le trésor public est intéressé
lui-même, car les champs dévastés par les inondations deviennent aussi des
non-valeurs pour le fisc.
Je demanderai donc à M. le ministre, de vouloir prendre, sans différer, des
mesures, qui le mettent à même de faire commencer les travaux nécessaires pour
faire cesser les inondations en amont de la commune de Werchter,
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - L’honorable préopinant s’est emparé des
paroles que je venais de prononcer, lorsque je disais qu’il était fâcheux pour
certaines rivières d’être l’objet des préférences, des attentions spéciales des
ingénieurs. Mais il me permettra d’ajouter qu’il est quelquefois fâcheux aussi
pour les rivières d’être l’objet d’avis différents des intéressés eux-mêmes.
Ainsi l’honorable membre m’a rappelé que j’avais été saisi récemment de
plusieurs pétitions des riverains qui avaient à se plaindre des inondations
annuelles du Demer. Mais, messieurs, j’ai aussi été saisi d’une autre pétition
plus récente encore, de la ville de Diest, qui m’a envoyé une députation pour
appuyer sa demande.
Beaucoup de riverains du Demer, ne se préoccupant que de la seule question
des inondations, la plus pressante pour eux, donnent la préférence aux
améliorations que l’honorable M de Man vient d’indiquer, c’est-à-dire, à la
construction de barrages et au redressement des nombreuses sinuosités de la
rivière. Mais d’un autre côté, la députation de la ville de Diest a appuyé près
de moi vivement la préférence à accorder au canal latéral de Vilvorde à Diest.
Messieurs, l’état du Demer est effectivement déplorable. D’après les
ordonnances de 1754, la largeur de cette rivière à Diest et à Wechter devait être de 42 à 50 pieds. Or, cette largeur, à
l’heure qu’il est, n’est plus que de 30 pieds. Depuis 50 ans, depuis
l’occupation française, la rivière du Demer a été complètement abandonnée à
elle-même. On n’y a plus effectué aucune espèce de curement.
Au contraire, les plantations qu’on a effectuées le long des rives, les dépôts
mêmes que les riverains ont faits dans le lit de la rivière, ont produit des
atterrissements tels que la navigation s’y trouve très embarrassée.
Plusieurs systèmes ont été proposés pour remédier à cet état de choses.
L’ingénieur chargé du service spécial de la Campine m’a adressé un projet
d’amélioration du lit de la rivière. Ce travail a été soumis à l’examen de la
commission des inspecteurs, qui s’est prononcée au contraire pour la préférence
à donner à la construction d’un canal latéral à petite section.
Le conseil croit que la dépense que l’on effectuerait en travaux dans le
lit de la rivière serait en partie perdue ; que par la construction de
barrages, on arriverait à ralentir le cours des eaux, à rehausser le lit de la
rivière et à amener nécessairement de nouveaux atterrissements.
Messieurs, lorsqu’on voit pendant 50 ans une rivière successivement
s’atterrir, il y a souvent lieu de croire qu’elle est condamnée par la nature
elle-même, et alors le devoir du gouvernement est d’examiner si un travail de
canalisation n’est pas l’unique remède à apporter à l’état des choses. La
construction du canal latéral est évidemment préférable à tout travail
d’amélioration de la rivière ; cela résulte de l’aveu de tous les ingénieurs, y
compris M. Kummer, mais c’est la question d’économie qui est ici en cause. Or,
le conseil des ponts et chaussées a la conviction que le gouvernement, en
accordant à la construction du canal latéral les subsides qu’il destine aux
améliorations successives à apporter à la rivière, on obtiendrait des demandes
de concession pour la construction de ce canal ; le conseil pense de plus, que
si une concession était impossible, le gouvernement en appliquant, suivant
l’avis de M. l’ingénieur Vifquain, les sommes qu’il peut dépenser annuellement
à améliorer la rivière, en les appliquant à la construction du canal latéral,
il arriverait, au moyen d’une dépense à peu prés égale, à l’exécution de ce
travail évidemment supérieur à toutes améliorations projetées.
J’ai donc chargé récemment un ingénieur,
sous la surveillance de M. l’inspecteur Vifquain, d’examiner de nouveau et
définitivement les études déjà anciennes d’un canal latéral à petite section.
Lorsque ces études seront achevées j’essaierai une adjudication, afin que le
gouvernement ait le cœur net sur la question de savoir si une concession est
possible. Si cette concession est jugée impossible, alors le gouvernement aura
à faire un choix entre les divers travaux d’améliorations qui ont été indiqués
par les ingénieurs.
Pour l’année actuelle, messieurs, le gouvernement a l’intention d’adopter
pour le Demer le système dont j’ai parlé tout à l’heure pour le Dendre,
c’est-à-dire de rechercher quels seraient les travaux communs aux divers
projets en cause.
Le conseil des ponts et chaussées m’a promis sans délai un travail pour
résoudre cette question. L’intention du gouvernement est donc, comme l’indique
le rapport, d’appliquer pour l’exercice de 1844, une partie des fonds alloués
pour les voies navigables du second ordre, à des travaux d’amélioration dans le
lit même du Demer, en attendant que la question du canal latéral puisse être
résolue.
M. Vanden Eynde. - Messieurs, depuis longues années le ministère
des travaux publics, et avant lui le ministère de l’intérieur, a berce les
riverains du Demer de jolies promesses, comme vient encore de le faire M. le
ministre des travaux publics. Jamais aucune de ces promesses ne s’est réalisée,
et je doute encore aujourd’hui que dans le courant de la campagne prochaine on
fasse quelque chose pour débarrasser un bassin aussi riche, aussi important que
celui du Demer, des inondations qui se reproduisent chaque année. Depuis le
mois d’octobre dernier, messieurs, cinq inondations successives ont eu lieu ;
déjà les semailles d’automne ont été détruites, et il est bien à craindre que
si des travaux urgents ne sont commencés immédiatement dans la bonne saison,
nous ne perdions toute la récolte prochaine.
Vous le voyez, messieurs, c’est toujours l’ancienne question qui est
soulevée par le conseil des ponts et chaussées. Je ne veux pas rechercher quels
sont ou les motifs d’intérêt privé ou les autres considérations qui suscitent
toujours de nouvelles difficultés chaque fois que les administrations des
communes riveraines du Demer, ou les propriétaires, demandent au gouvernement
de faire droit à leurs justes plaintes, mais je dois faire remarquer qu’en 1830
on a également opposé aux demandes réitérées et anciennes, déjà alors, des
riverains du Demer, que l’on devait faire un canal à grande section qui aurait,
aux écluses, une ouverture de 7 mètres de passe.
Ce canal, qui était le projet de M. Teichman,
aujourd’hui inspecteur général des ponts et chaussées, ce canal n’a pu trouver
d’adjudicataire. Depuis lors les intéressés continuent d’adresser leurs
plaintes au gouvernement, et celui-ci a fait faire successivement plusieurs
études. Enfin, en 1843 est surgi un nouveau projet, c’est celui de M.
l’inspecteur divisionnaire Vifquain, qui consiste à faire un canal latéral au
Demer, à petite section. Ce n’est pas, messieurs, ce canal qui peut nous aider
; comme l’a fort bien dit l’honorable M. de Man, il faut commencer par délivrer
la vallée du Demer des inondations, et ce n’est pas la construction d’un canal
qui peut faire atteindre ce but.
Il est impossible qu’un canal, tel surtout que le propose M. Vifquain,
puisse débarrasser la vallée du Demer des inondations. Ainsi, qu’on fasse le
canal latéral ou qu’on ne le fasse pas, qu’on le fasse à petite ou à grande
section, toujours est-il qu’il faut faire dans le lit du Demer des travaux qui
ne peuvent pas même s’achever en une campagne, et qui coûteraient environ
400,000 fr.
Puisque M. le ministre des travaux publics a soulevé la question du canal
latéral, je vais examiner jusqu’à quel point ce canal pourrait être utile à la
navigation. Là encore il y a une question d’intérêt privé, car il s’agit de
priver les riverains du Demer du bénéfice de la concurrence qui existe pour eux
entre les bassins houillers de Liège et de Charleroy. Un canal latéral à petite
section, tel que le projette M. Vifquain, devrait prendre son point de départ à
Vilvorde pour aboutir à la ville de Diest. Pour construire ce canal, il
faudrait dépenser une somme de 3 à 4 millions ; les expropriations seules des
terrains nécessaires à ce canal coûteraient de 1,500,000
à 1,800,000 francs, car il faut 360 hectares que l’on ne peut pas évaluer moins
de 6,000 francs l’hectare, puisqu’il s’agit de la vallée si fertile du Demer.
D’ailleurs les ventes publiques en font foi. Eh bien, en partant de cette base,
on reconnaît que les terrains nécessaires au canal latéral et au chemin de
halage coûteraient environ 1,800,000 fr ; ajoutez à
cela ce que coûteront les travaux d’art et de terrassement et vous arriverez
facilement à la somme de 3 à 4 millions que j’ai indiquée.
La question la plus difficile, messieurs, c’est la question d’argent ; mais
la question prédominante pour les riverains et pour l’intérêt général, c’est
celle des résultats que produirait la construction de ce canal. Le canal est
certainement destiné à favoriser les importations et les exportations dans la
vallée du Demer. Or, si vous faites le canal à petite section, comme le canal
de Charleroy, vous ne pouvez y introduire que des bateaux étroits et longs.
Si vous examinez le rapport général sur les voies navigables du pays,
quelles sont les denrées qui s’exportent en descente de la vallée du Demer,
vous trouverez que ce sont précisément les bois à brûler, les bois de
construction, les perches, les écorces, les foins et d’autres objets de même
nature. Eh bien ! pour transporter ces objets, il faut
nécessairement des bateaux larges, parce que le chargement de ces objets est
tout aussi considérable sur le pont que dans la cale du navire. Si donc vous
exécutez jamais ce canal, l’intérêt du commerce, de l’industrie et de
l’agriculture de la vallée du Demer exige que vous le fassiez sur une largeur
convenable.
D’après le rapport général de M. Vifquain sur les voies navigables de la
Belgique, ce canal serait destiné a joindre tôt ou tard le canal de la Campine,
afin de faire arriver dans la vallée du Demer le charbon de Liége en
concurrence avec celui de Charleroy Or, si vous faites un canal à petite
section, vous excluez de fait la concurrence du bassin de Liége ; car les
bateaux qui naviguent sur la Meuse ne peuvent pas naviguer sur un canal à
petite section, tel que le canal de Charleroy. Ceux qui amèneraient des
houilles de Liége dans la vallée du Demer seraient donc obligés de rompre
charge : la construction d’un canal à petite section priverait donc les
habitants de la vallée du Demer du bénéfice de la concurrence, et empêcherait
le bassin de Liége d’exporter ses produits sur ce marché. Il y a donc là une
deuxième circonstance qui doit faire repousser un canal à petite section.
Quant au canal à grande section, je ne pense
pas que le gouvernement y songe ; je ne pense pas qu’en mettant ce canal en
relation avec le canal de la Campine, il veuille établir une concurrence
nuisible au chemin de fer. Au reste, le gouvernement, dans mon opinion, ne
trouverait pas, au bout de 5 ou 6 ans, les sommes suffisantes pour établir un
canal de cette dimension.
Ces considérations me paraissent assez puissantes pour faire rejeter par le
gouvernement l’établissement d’un canal latéral à la rivière. Une proposition a
été faite au gouvernement pour canaliser la rivière, et elle me semble offrir
des avantages tels que le gouvernement ne peut pas hésiter à l’adopter ; je
veux parler de la proposition faite par M. l’ingénieur Kummer, qui est chargé
de l’administration du Demer. D’après ce projet, on se bornerait à rectifier la
rivière, c’est-à-dire à faire quelques coupures, à établir trois barrages entre
Werchter et Diest. Tous ces travaux, qui devraient
être effectués, alors même qu’on ferait un canal latéral ; tous ces travaux,
dis-je, qu’on achèverait en deux campagnes, ne coûteraient qu’une somme de
440,000 fr.
Eh bien, ce sont ces travaux que les riverains du Demer demandent avec
instance que le gouvernement fasse exécuter. Ces travaux seront utiles à la
navigation et débarrasseront immédiatement la vallée des inondations fréquentes
et extraordinaires qui ont augmenté depuis l’automne dernier, parce que la loi
qui a été adoptée, il y a un an ou deux ans, et qui est relative au curement des petites rivières, a été ponctuellement
exécutée dans la vallée du Demer ; c’est ce qui a amené en peu de jours dans
cette vallée, des masses d’eau qui font déborder la rivière, parce que le lit
de la rivière est insuffisant.
Je désire donc que le gouvernement accueille favorablement la proposition
qui lui a été faite par M. l’ingénieur Kummer, et qu’à l’ouverture de la
campagne prochaine, il mette la main à l’œuvre, pour que de nouvelles
inondations ne viennent pas détruire la récolte.
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Messieurs, je veux donner quelques
explications à l’honorable M. Vanden Eynde. L’honorable membre se plaignant du
peu d’activité que le gouvernement avait mis jusqu’à présent à exécuter les
promesses qu’on avait faites pour l’amélioration du Demer, n’a pas voulu
accepter ce qu’il a appelé mes promesses. J’ai fait plus que de promesses, j’ai
fait connaître à la section centrale (voir son rapport) mes intentions
formelles de faire procéder à ces travaux. J’ai cru de mon devoir d’exposer à
la chambre l’état de la question relativement à la préférence définitive à
donner, soit au projet d’un canal latéral, soit à celui de la canalisation même
de la rivière ; j’ai ajouté que le gouvernement, tout en réservant son opinion
sur ce point, croyait cependant à la possibilité de faire dans le lit même de
la rivière des travaux d’amélioration, dans le but surtout d’assécher les
prairies riveraines du Demer.
L’honorable M. Vanden Eynde me paraît être tombé dans une erreur, lorsqu’il
a avancé que le canal latéral était une question complètement indépendante de
celle de l’écoulement des eaux ; cette opinion n’est partagée par aucun des
ingénieurs à la compétence desquels le gouvernement doit s’en rapporter. Voici
un passage que je tire de l’ouvrage de M. Vifquain :
« L’amélioration du Demer, sous le rapport des eaux et de
l’assèchement des prairies riveraines, sera la conséquence immédiate de la
construction du canal projeté. Cette amélioration ne pourrait s’obtenir d’une
manière aussi satisfaisante par les travaux d’amélioration dans le lit de la
rivière. »
Je bornerai là la citation. M. Vifquain donne les motifs pour lesquels le
canal latéral aurait une influence décisive sur la question même de
l’écoulement des eaux.
L’ingénieur Kummer, dont l’honorable préopinant a invoqué l’autorité,
partage l’avis de M. Vifquain sur ce point.
M. Vanden Eynde. - Vous vous trompez.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Pardonnez-moi, M. l’ingénieur Kummer,
en face de la situation financière du pays, ne croyant pas à la possibilité de
la construction du canal latéral, a cru devoir présenter au gouvernement un
travail, selon lui, beaucoup plus réalisable.
Messieurs, je le répète, lorsque j’ai parlé de la question du canal
latéral, j’ai déclaré à la chambre que j’avais voulu avoir le cœur net de cette
question ; que j’avais chargé M. l’ingénieur divisionnaire Vifquain de me
présenter dans un bref délai un projet complet de cahier de charges, afin
d’essayer une adjudication que le conseil des ponts et chaussées regarde comme
possible, sans devoir amener pour l’Etat des dépenses beaucoup plus
considérables que celles que nécessitera l’amélioration du lit même de la
rivière. L’honorable membre reconnaîtra, qu’en présence d’une telle
affirmation, le gouvernement ne peut pas se dispenser d’essayer de cette mise
en adjudication. Mais j’ai eu soin d’ajouter que le gouvernement ne se croyait
pas dispensé, pour cela, d’employer à des travaux d amélioration, dans le
Demer, une partie des sommes destinées à l’amélioration des voies navigables du
second ordre ; et même, comme ces travaux nécessiteront peut-être une somme
plus considérable que celle dont le gouvernement peut disposer pour 1844, j’ai
énoncé l’intention formelle où j’étais de répartir la dépense totale sur
plusieurs exercices.
M. de Man d’Attenrode. - M. le ministre des travaux publics vient de
nous dire qu’il était décidé à faire faire, dès cet été des travaux au lit de
rivière du Demer, pour prévenir les inondations en attendant les travaux
préparatoires ou réels de la construction d’un canal par concession ; je suis
heureux d’avoir entendu ces paroles ; mais il faut que l’administration
n’oublie pas que les travaux destinés à prévenir les inondations doivent porter
en grande partie sur la Dyle en aval de Werchter ;
ces dépenses sont en tout cas indispensables, même dans le cas de la
construction d’un canal, car les inondations qui existent à présent, loin de
trouver un écoulement per le canal projeté, pourraient lui causer de grands
dommages ; cette opinion est contraire à celle que vient d’émettre M. le
ministre ; mais je suis fondé à m’y arrêter en voyant que les travaux de
canalisation causent plutôt les inondations, qu’elles ne les préviennent, c’est
ce que nous apprend l’expérience.
M. Vanden Eynde. - Messieurs, je dois prendre la parole, pour
relever une erreur dans laquelle est tombé M. le ministre des travaux publics.
M. le ministre suppose avec M. Vifquain que l’établissement d’un canal dégagera
la vallée des inondations, et il pense que l’ingénieur qui est actuellement
chargé de l’administration du Demer est lui-même favorable à cette opinion. Je
dois croire que M. le ministre a fait une lecture incomplète du rapport de cet
ingénieur, rapport que l’honorable M. Desmaisières a bien voulu me communiquer
dans le temps, et dont j’ai tiré des extraits. Or, cet ingénieur est d’avis que
l’établissement d’un canal latéral à petite section ne peut guère favoriser
l’évacuation des eaux. La raison qu’il en donne, c’est que, s’il fallait
chasser par ce canal les eaux surabondantes, l’on envaserait tellement le canal
que l’on serait obligé de faire des frais de dragage extraordinaires, pour
conserver la navigation sur un pied convenable.
Ce n’est pas M. Kummer seul qui est de cet avis, cette opinion est encore
partagée par un autre ingénieur très entendu, feu M. Urban,
qui a eu aussi dans ses attributions l’administration
du Demer. Cet ingénieur est d’accord avec M. Kummer sur la presque totalité du
projet présenté par celui-ci, à l’effet de faire exécuter des travaux dans le
lit de la rivière, dans le double but de faciliter la navigation et de
favoriser l’écoulement des eaux.
Je suis heureux d’apprendre de M. le
ministre des travaux publics que les promesses qu’il a faites, en commençant
son discours, seront réalisées dans le cours de la campagne prochaine ; j’en
prends acte, et j’espère que je n’aurai pas à lui faire des reproches, soit
dans cette session, soit dans la session prochaine.
Je ne demande aucune faveur pour la vallée du Demer, mais je désire qu’elle
soit mise sur la même ligne que la vallée de l’Escaut et le bassin de la Lys ;
je désire qu’on fasse quelque chose pour prévenir les inondations de la vallée
du Demer, comme on l’a fait depuis trois ans pour la vallée de la Senne.
Le gouvernement a repris l’administration du Demer, en même temps que celle
de l’Escaut et de la Lys. Le gouvernement a fait des dépenses considérables
pour ces deux rivières ; c’est ainsi
qu’il a dépensé pour l’Escaut :
En 1841 : fr. 161,184 11
En 1842 : fr. 80,035 15
En 1843 : fr. 114,843 18
Et même il a dépassé le chiffre alloué en 1843 pour l’Escaut, d’une somme
de 25,948 fr. 18 c.
Les mêmes dépenses, dans la même proportion, ont été faites pour la Lys. Là
aussi, on a dépassé le chiffre alloué au budget de 1843 ; en 1842 et 1843, on a
dépensé une somme d’environ 36,000 fr., et l’on a excédé le crédit de 1843
d’une somme de 39,839 fr. 75 c.
Je demande que la vallée du Demer soit mise sur la même ligne que les
vallées de l’Escaut et le bassin de la Lys, pour les faveurs à distribuer par
le gouvernement.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Messieurs, je ne prolongerai pas cette
discussion, mais comme l’honorable M. Vanden Eynde a affirmé que j’étais dans
une erreur complète relativement à l’opinion de M. l’ingénieur Kummer, je vais
donner lecture d’un passage du rapport de M. Vifquain sur celui présenté par M.
Kummer :
« M. Kummer, dit-il, pense que le canal de Vilvorde à Diest, proposé
en 1828, résout de la manière la plus complète la double question d’une
navigation libre et facile, et d’un bon écoulement, en laissant au Demer et à
la Dyle une liberté entière dans la marche de leurs eaux. »
M. Vanden Eynde. - Ce ne sont pas les paroles de M. Kummer.
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Il est peu probable que l’inspecteur
divisionnaire ait mal analysé l’opinion de M. Kummer. Mon affirmation n’était
donc pas faite à la légère, puisqu’elle était appuyée sur un document que
j’avais sous les yeux.
M. Vanden Eynde. - Messieurs, je tiens à justifier mon
allégation, Je crois que l’ingénieur qui a analysé l’opinion de M. Kummer est
dans l’erreur, car voici l’extrait que j’ai fait quand l’honorable M.
Desmaisières, ministre des travaux publics, a eu la bonté de me communiquer le
rapport de M. l’ingénieur Kummer sur cet objet :
« L’établissement d’un canal serait plus favorable à la navigation,
mais il ne vous dispenserait pas de faire les travaux nécessaire pour
l’évacuation des eaux. De sorte que les travaux faits pour le cas de
canalisation auraient un double but d’utilité, la navigation et l’écoulement
les eaux ; tandis que la dépense du canal, plus considérable, n’aurait pour
objet que l’amélioration de la navigation, sans dispenser le gouvernement
d’exécuter les travaux pour l’écoulement des eaux de la vallée du Demer.
Il y a d’autres passages où il exprime la même opinion.
- L’art. 10 est mis aux voix et adopté.
« Art. 11. Travaux aux voies navigables de second ordre, frais
d’études et de levées de plans, achats et réparations d’instruments : fr.
60,000 »
M.
Peeters. - Les
explications que vient de donner M. le ministre des travaux publics, m’ont
convaincu, comme je l’avais prédit, que le principe du concours sera
exclusivement appliqué à la Campine : soit ; nous sommes les plus faibles, nous
devons nous résigner, Pour avoir quelque chose, nous devons subir les
conditions qu’on nous impose ; mais je viens recommander à M. le ministre de
faire en sorte que ce concours soit aussi léger que possible et, dans aucun
cas, ne dépasse la moitié de la dépense.
M. le ministre vient de nous dire également qu’on ne pouvait pas augmenter
les droits de péage sur les rivières navigables, à l’amélioration desquelles on
aurait dépensé des millions. Quoique je ne comprenne pas bien ce raisonnement,
suivant lequel tous ces millions seront dépensés en pure perte, je l’admettrai
un instant comme fondé, mais alors j’exprimerai mon regret que M. le ministre
ait été si peu généreux quand il s’est agi de rivières de second ordre.
On avait annuellement demandé 100 mille fr. pour ces rivières, et c’était
seulement pour commencement de travaux, que M. Rogier, alors ministre, avait
proposé cette somme, avec l’intention bien formelle de l’augmenter plus tard ;
car, pour ces rivières, avec des sommes minimes on obtient de très grands
résultats. Je vois donc avec peine que cette somme ait été réduite à 60 mille
fr. Pour être juste et équitable envers les localités où ces rivières se
trouvent, on aurait dû la porter à 200,000 fr. au moins.
Un membre. - Faites un amendement.
M. Peeters. - Je ne le ferai pas actuellement parce que nos
finances ne sont pas en assez bon état, mais je le ferai plus tard, car je veux
réussir.
Mais je recommanderai à M. le ministre la grande Nethe,
rivière navigable, pour laquelle le gouvernement n’a pas dépensé un centime
depuis la révolution. Ma réclamation est d’autant plus fondée que la province
d’Anvers a canalisé la petite Nethe sans subside de
l’Etat, à ses frais. Je recommande cet objet à la sérieuse attention de M. le
ministre, et j’espère que l’année prochaine, au lieu de 60,000 fr., il en
demandera 2000 mille pour les rivières de second ordre en diminuant d’autres
allocations.
M. Vanden Eynde. - Je demande d’abord à M. le ministre si c’est
sur cet article rivières de second ordre,
pour lesquelles il demande 60 mille fr., qu’il doit prendre les fonds
nécessaires pour faire les travaux que réclame le Demer. En second lieu, je
désire qu’il veuille bien expliquer pourquoi il n’a pas réalisé la promesse
faite par M. Desmaisières, ministre des travaux publics l’année dernière, qui a
dit formellement que, pour l’exercice 1844, il reviendrait pour cet article aux
propositions de 1841 et de 1842, et demanderait un crédit de 100,000 fr. Je
désire que M. le ministre nous dise comment, avec 60.000 fr., il pourra faire
face aux dépenses à faire au Demer, à la Nethe et à
la Dyle, pour assurer l’écoulement des eaux (car pour son projet il ne trouvera
pas d’adjudicataire), en attendant que la navigation puisse continuer sur un
pied convenable.
M. le ministre des travaux
publics (M. Dechamps) - Messieurs, je ferai d’abord observer que j’ai moi-même présenté une
demande d’augmentation de crédit. Le chiffre alloué l’année dernière était de
15 mille fr. moins élevé que celui que j’ai proposé cette année. L’honorable M.
Vanden Eynde me demande pourquoi je n’ai pas réalisé la promesse de mon honorable
prédécesseur, de reporter à 100,000 fr. le chiffre de l’allocation pour
amélioration des voies navigables de second ordre. Il y a un instant, M.
Peeters, sur une interpellation qui lui était faite, afin qu’il présente un
amendement, a répondu qu’il ne s’en abstenait qu’à cause de la situation
financière du pays. Ma réponse sera la même.
L’honorable M. Vanden Eynde peut être assuré qu’au moyen du crédit que je
demande et de la réserve d’exécuter les travaux d’amélioration au Demer, en les
répartissant sur plusieurs exercices je pourrai commencer en 1844 les travaux
les plus indispensables pour faciliter l’écoulement des eaux.
M. Vanden Eynde. - Je demande pardon à la chambre de prendre
encore la parole sur cet objet ; mais je ne puis accepter la raison donnée par
M. le ministre, pour n’avoir pas proposé l’ancien crédit de 100,000. Si M. le
ministre en avait agi de même pour le bassin de la Lys et de l’Escaut, je
n’aurais pas eu le mot à dire, niais il est de fait que, depuis 1840, ces deux
bassins ont joui d’une faveur marquée. J’ai cité quelques chiffres à la chambre
; je ne sais à quelle raison attribuer cet état de choses, sinon à la position
personnelle, dans cette assemblée, des deux ministres des travaux publics, MM.
Desmaisières et Dechamps.
M.
Rogier. - Messieurs,
je ne viens pas demander des améliorations à une rivière ou à une route de la
localité qui m’a envoyé dans cette enceinte, je viens exprimer un regret dans
l’intérêt général. Je regrette que M. le ministre des travaux publics ait cru
devoir réduire l’allocation primitive de 100,000 fr. destinée à l’amélioration
des rivières de second ordre. Cette allocation au budget de 1841 n’était pas
exagérée au chiffre de 100,000 fr. Je sais que l’année suivante elle fut
réduite à une somme de 45,000 fr. J’avais espéré que M. le ministre aurait
reproduit cette année l’allocation de 100,000 fr. Il faut que le pays fasse
marcher les rivières de second ordre de front avec les routes provinciales et
vicinales.
L’honorable M. Peeters nous a parlé d’un cours d’eau très important dans
une province qui a grand besoin de voies de communication par eau, de la grande
Nethe ; le gouvernement a senti la nécessité d’y
faire des travaux d’amélioration ; un projet de loi vous a été présenté par
l’honorable M. de Theux, mais malheureusement pour la contrée que la rivière
traverse et qu’elle fertiliserait, si elle était améliorée, ce projet n’est pas
arrivé jusqu’à la discussion.
J’espère que M. le ministre des travaux publics, pour l’année prochaine,
trouvera moyen de reporter l’allocation à son taux primitif et complétera les
études dont les rivières de second ordre ont dû être l’objet de la part des
ingénieurs. J’appelle son attention sur cet objet. L’Etat ne doit pas seulement
s’occuper de grands travaux qui contribuent à sa prospérité et font, jusqu’à
certain point, son honneur et sa gloire, il ne doit pas négliger des travaux
plus modestes qui ont aussi leur utilité. Nous avons fait de grands travaux,
nous devons maintenant songer à des travaux plus modestes et non moins utiles.
Nous avons beaucoup à faire, notamment en ce qui concerne les rivières de
second ordre. On consacre des sommes considérables à l’amélioration des grandes
voies navigables, je désirerais que les rivières de second ordre fussent
traitées avec la même faveur ; du reste, je m’en remets volontiers au zèle de
M. le ministre des travaux publics.
- L’article 11 est mis aux voix et adopté.
Articles
12 et 13
« Art. 12. Travaux à faire pour obvier aux inondations de la Senne :
fr. 32,123 19 »
« Art. 13. Troisième quart de la part de l’Etat dans les travaux
d’amélioration de la navigation de Bruges vers Dunkerque et de l’écoulement des
eaux : fr. 72,060 »
- Ces articles sont adoptés.
« Art. 14. (Service des canaux de Gand à Ostende) Entretien dans la
Flandre orientale : fr. 5,993
« Entretien dans la Flandre occidentale : fr. 17,597
« Régalement du chemin de halage entre le pont de la Vendeghem et celui de Mérendré :
fr. 5,000
« Plantation sur le chemin de halage entre le pont d’Aeltre et le hameau de Nieuwendam
: fr. 1,100 »
« Plantation sur le chemin de halage entre le pont de Lovendeghem et le pont de Mérendré
: fr. 3,000
« Enlèvement d’atterrissements : fr. 6,168
« Personnel : fr. 6,604 51 »
M. Donny. - Je ne viens pas demander des travaux
d’amélioration aux canaux de Gand à Ostende ; je viens, au contraire, indiquer
à la chambre et au gouvernement le moyen de faire annuellement une économie
importante, une économie qui recevrait l’approbation du pays tout entier, et
qui ne soulèverait de plaintes de la part de personne en Belgique.
La ville de Gand est en communication avec la mer par deux lignes de
navigation bien distinctes ; l’une, formée par le canal de Terneuzen et
l’Escaut, traverse en grande partie le territoire néerlandais ; l’autre, formée
par les canaux dont nous nous occupons en ce moment, se trouve d’un bout à
l’autre sur le territoire belge ; l’une est, pour ainsi dire, une ligne
néerlandaise, l’autre est au contraire une ligne entièrement belge.
La ville de Gand doit rester en paisible possession de ces deux voies de
navigation : je me hâte de le dire, afin qu’on ne puisse pas se méprendre sur
la portée de mes paroles, et je déclare ici formellement qu’il n’entre pas dans
mes intentions d’apporter la moindre restriction aux facilités dont jouit
aujourd’hui le commerce de Gand. Je veux, au contraire, augmenter encore ces
facilités autant que la chose est possible.
Après avoir fait cette observation, j’ajouterai qu’il doit être assez
indifférent au commerce de Gand que ce soit par la ligne néerlandaise ou par la
ligne belge que lui arrivent les matières premières dont l’industrie gantoise a
besoin, et que s’exportent les produits manufacturés. Tout ce que peut
raisonnablement demander le commerce de Gand, c’est d’être mis en communication
avec la mer à aussi bon marché que possible.
Mais le choix de la ligne de navigation peut être indifférent à la ville de
Gand, il n’en est pas de même pour d’autres localités du royaume ; il n’en est
pas de même, surtout, pour le trésor public.
Lorsque la navigation se porte sur la ligne néerlandaise, elle ne peut
profiler qu’à la seule ville de Gand ; mais lorsqu’elle se porte sur la ligne
belge, elle fait à la fois les affaires des villes de Gand, de Bruges et
d’Ostende. Dans ce cas, ces trois villes participent, dans des proportions
différentes, il est vrai, au mouvement et aux bénéfices de cette navigation.
L’emploi de la ligne de navigation néerlandaise ne rapporte pas un centime
au gouvernement. Au contraire, vous ne le savez que trop, l’usage de cette
ligne impose au trésor une charge extraordinaire : le remboursement des péages
sur l’Escaut, charge d’autant plus pénible à supporter, qu’elle constitue, non pas
un simple déplacement de fonds, comme la plupart de nos autres dépenses, mais
une véritable exportation de numéraire, sans fruit pour le pays, sans
compensation aucune pour la richesse nationale ; en un mot, c’est un véritable
appauvrissement. Rien de semblable ne se passe sur la ligne belge. Là, le
gouvernement n’a aucun remboursement à faire. Au contraire, il a des péages à
recevoir, péages qui forment une partie du revenu public.
Vous le voyez donc, dans l’intérêt de deux localités importantes, dans l’intérêt
du trésor public, dans l’intérêt de la richesse nationale, il serait à désirer
que la navigation gantoise pût se porter de préférence sur la ligne belge.
Jusqu’ici, l’on n’a rien fait pour obtenir un résultat si désirable, et
l’on a fait précisément tout ce qu’il fallait pour obtenir un résultat
diamétralement opposé. Peu de mots suffiront pour vous en convaincre.
Avant la révolution, il existait des péages sur le canal de Terneuzen,
ligne néerlandaise ; il en existait également sur les canaux des Flandres,
ligne belge. Avant la révolution, les navires qui se dirigeaient vers l’une ou
l’autre de ces lignes avaient à payer des droits de pilotage, les uns suivant
le tarif d’Ostende, quand ils se dirigeaient vers la ligne belge, les autres
suivant le tarif arrêté pour Flessingue et l’Escaut.
Aujourd’hui cet état de choses est complètement changé. On a supprimé
entièrement les péages sur le canal de Terneuzen ; tandis que sur la ligne
belge, non seulement les péages ne sont pas supprimés, mais ils ont été
majorés. Quant au pilotage, le tarif primitivement en vigueur à Ostende a été
maintenu ; tandis que, si je ne me trompe, le tarif primitivement arrêté pour
Flessingue et l’Escaut a été réduit.
Vous le voyez, d’une part on a tout fait pour favoriser la ligne
néerlandaise ; et d’autre part, l’on a tout fait pour déprécier l’autre ligne.
Aussi est-il arrivé ce qui devait arriver la navigation de Gand, qui se porte
naturellement la où son intérêt l’appelle, abandonne presque entièrement la
ligne belge et se porte sur la ligne néerlandaise, au grand détriment du
trésor, au grand détriment de la richesse publique, au grand détriment des
ports de Bruges et d’Ostende. Je n’en fais pas un reproche à M. le ministre des
travaux publics ; il n’est pas la cause de cet état de choses ; mais je
l’engage et fortement à vouloir examiner la question, et surtout à chercher les
moyens d’attirer sur la ligne belge la plus grande partie possible de la
navigation gantoise. Ces moyens ne sont pas difficiles à trouver ; je vais même
vous en indiquer un.
Je ne viens pas, comme vous pourriez le croire peut-être, proposer de
supprimer les péages sur les canaux des Flandres. Cette mesure imposerait au
trésor un sacrifice assez considérable, et prise isolement elle ne serait pas
assez efficace pour atteindre le but que je me propose ; mais je viens indiquer
un autre moyen moins coûteux peut-être et, dans tous les cas, plus efficace.
Pour me faire comprendre, j’ai besoin de citer quelques chiffres.
En 1842, il a été importé par la ligne néerlandaise 21,379 tonneaux de
marchandises et il a été exporté par la même ligne 8,935 tonneaux. Il y a donc
eu sur la ligne néerlandaise un mouvement de transport de 30,314 tonneaux de
marchandises. Le transport de ces 30,000 tonneaux de marchandise a occupé 356
bâtiments dont la capacité totale s’est élevée à 39,293 tonneaux. J’ai calculé
ce que le gouvernement a dû payer pour le remboursement du péage de l’Escaut du
chef de ces 356 bâtiments, et je suis arrivé au chiffre de 66 mille francs.
Voilà donc 66 mille francs par an, dont le pays s’est appauvri ; car j’ai
déjà eu l’honneur de le faire remarquer, il s’agit ici d’une exportation de
numéraire sans retour, sans compensation aucune pour la nation, Mais le
sacrifice du trésor ne se borne pas à ces 66,000 francs, car il faut ajouter à
cette somme le montant des péages que cette navigation aurait supporté si elle
avait suivi la ligne belge, au lieu de suivre la ligne néerlandaise, où elle
n’a rien payé du tout. Le montant de ces péages peut être évalué à 14,000 fr.,
de sorte que le sacrifice fait par le trésor pendant l’année 1842 s’est élevé à
fr. 80,000.
Maintenant, si, au lieu de se résigner bénévolement à un sacrifice annuel
de 80,000 fr. on consacrait une somme beaucoup plus faible à s’affranchir, en quelque
sorte, de ce sacrifice annuel, on ferait certainement un acte de sage
administration, au point de vue du trésor. Et si l’on employait cette espèce de
prix de rachat à attirer sur la ligne belge sinon la totalité, au moins la plus
grande partie des transports de marchandises qui se font sur la ligne
néerlandaise, on ferait encore acte de sage administration, au point de vue de
la richesse nationale et au point de vue des avantages qu’on peut procurer à
deux points importants du pays.
Or, cet acte de bonne administration est
facile à poser. Je ne saurais indiquer aujourd’hui, d’une manière précise, la
somme qu’il conviendrait d’y consacrer ; mais pour ne pas rester entièrement
dans le vague, je porterai, par supposition, cette somme au chiffre de 30,000
francs. Si c’est trop, on la réduira ; si c’est trop peu, on l’augmentera ;
mais en attendant, je vais le prendre pour base de mon raisonnement. Le
gouvernement, au lieu de sacrifier une somme de 80,000 francs, comme il le fait
aujourd’hui, ne paierait plus, dans cette hypothèse, que 30,000 francs, et le
trésor ferait ainsi une économie de 50,000 fr. par an.
D’un autre côté, les 30,000 fr. bien employés donneraient le moyen
d’accorder une indemnité d’un franc par tonneau aux 30,000 tonneaux de
marchandises qui prendraient la ligne belge au lieu de suivre la ligne
néerlandaise, et l’on parviendrait, au moyen de cette indemnité ou de quelqu’autre plus faible ou plus forte, à déterminer la
navigation gantoise à se déplacer de la ligne néerlandaise sur la ligne belge.
S’il en était ainsi, voici quels résultats on obtiendrait : à l’avenir le
pays serait affranchi d’un appauvrissement annuel de 66,000 fr. ; le trésor
public ferait une économie annuelle de 50,000 fr. ; le commerce gantois
recevrait chaque année un subside indirect de 30,000 fr. ; et enfin, les villes
de Bruges et d’Ostende verraient améliorer leur position actuelle.
Je n’ai pas la présomption de croire que cette idée, jetée en avant pour la
première fois, puisse recevoir immédiatement l’approbation soit de la chambre,
soit du gouvernement. Mais je la crois assez importante pour que MM. les
ministres des travaux publics et des finances en fassent l’objet d’un examen
sérieux ; et s’ils la prennent sérieusement en considération, je leur déclare
que je me mets dès aujourd’hui à leur disposition pour leur donner tous les
développements et tous les renseignements dont ils pourraient avoir besoin.
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Messieurs, l’honorable M. Donny a
attiré l’attention du gouvernement sur une question importante. Il nous a dit
que l’intérêt du gouvernement et du trésor public exigeait que l’on attirât la
navigation maritime, les navires de mer par la voie d’Ostende à Bruges et vers
Gand plutôt que par la voie hollandaise du canal de Terneuzen. La raison en est
que si cette navigation était transportée sur la voie belge, le gouvernement
serait dispensé de payer le droit de reconnaissance de 1fl.
50 c. par tonneau, auquel il est astreint depuis le traité du 5 novembre, et
qui se traduit par une somme fort considérable.
Messieurs, le gouvernement a déjà fait
étudier cette question. En effet, le tonnage sur la voie d’Ostende à Bruges et
à Gand est presque nul, de sorte que le gouvernement n’y perçoit rien, Or, s’il
était en effet possible de transférer le mouvement de la navigation du canal de
Terneuzen sur le canal d’Ostende à Bruges et à Gand, il est évident que le
trésor y gagnerait le montant du droit de 1 fl. 50 c. qu’il ne devrait plus
payer.
Mais, messieurs, une objection se présente ; il y a un obstacle matériel,
pour ainsi dire, à ce que les navires de mer prennent la voie belge pour se
diriger vers Gand. La profondeur de la partie du canal comprise entre Bruges et
Gand, est de 2 mètres 10 cent. en été, et de 2 mètres
40 cent. en hiver. Cette profondeur sera toujours un
obstacle à ce que cette voie soit très fréquentée par les navires à destination
de Gand ; car le plus grand nombre des navires de mer, même à vide, ont un
enfoncement égal et même supérieur à la hauteur des eaux du canal.
Ainsi, messieurs, quant à la distance au moins entre Bruges et Gand, un
obstacle matériel paraît s’opposer à ce que le vœu manifesté par l’honorable M.
Donny puisse se réaliser. Mais l’avis des ingénieurs des deux provinces, ainsi
que celui de la commission permanente des inspecteurs, ont été unanimes pour
conclure qu’il serait de l’intérêt du trésor public et de l’équilibre à
conserver entre les deux villes maritimes de Bruges et de Gand, d’arriver à la
suppression totale des péages sur la ligne de navigation entre Ostende et
Bruges, et même entre Ostende et Gand, d’autant plus que cette suppression
n’aurait qu’un effet utile pour le trésor public, si le résultat annoncé
pouvait être atteint.
Mais l’honorable M. Donny a été plus loin. Si j’ai bien compris la pensée
de cet honorable membre, il ne suffirait pas, selon lui, de supprimer
totalement les péages sur cette voie navigable, il faudrait même accorder une
espèce de prime aux navires de mer se dirigeant par la voie belge vers Bruges.
Messieurs, c’est là une question très grave. Je conçois que l’on puisse
diminuer les péages, que l’on puisse même les supprimer totalement, s’il est
constaté que, par la circonstance spéciale que j’ai signalée, l’intérêt du
trésor est que l’on arrive à cette suppression. Mais accorder une prime de
navigation sur le tonnage des navires de mer est une question sur laquelle je
fais toutes mes réserves.
M. d’Elhoungne. - Messieurs, M. le ministre des travaux publics
a trouvé que les considérations émises par l’honorable M. Donny soulevaient une
question très grave. Je ne puis partager cet avis, et je pense que l’espèce de
proposition faite par l’honorable député d’Ostende ne saurait même être
sérieuse.
Pour prouver qu’elle n’est pas sérieuse, il suffit de la réduire à son
expression la plus exacte à la fois et la plus simple. Or, la proposition de
l’honorable M. Donny peut se traduire ainsi : supprimer au profit du port
d’Ostende, le port de Gand et le port d’Anvers. Dans quel but, en effet,
l’honorable M. Donny veut-il convertir en primes à accorder aux navires qui se
rendront dans le port d’Ostende, la totalité ou une partie des sommes
considérables que l’Etat paie annuellement en remboursement du péage de
l’Escaut ? C’est évidemment pour qu’Ostende puisse s’emparer, autant que
possible, du monopole des arrivages que la fermeture de l’Escaut lui a déjà
donné antérieurement au préjudice de Gand et d’Anvers. C’est parce que l’on
espère qu’en créant des primes, au profit d’Ostende, de la somme de 50,000 fr.
qu’on paie pour le remboursement des péages du canal de Terneuzen, et de la
somme de 7 à 800,000 fr. que l’on paie de même pour le péage sur l’Escaut
jusqu’à Anvers ; on espère, dis-je, qu’il y aura impossibilité pour le port de
Gand et pour le port d’Anvers de soutenir la concurrence.
Cela est si vrai, qu’il y a même un obstacle physique à ce que la
navigation par Bruges et Ostende rende les mêmes services au commerce de Gand,
que la ligne directe de Terneuzen. Cet obstacle, c’est le peu de profondeur du
canal de Bruges à Gand, qui empêche les navires d’un fort tonnage, d’arriver
directement avec leurs chargements à Gand. De sorte que la réalisation de la
proposition de l’honorable M. Donny, qu’il prétend être dans l’intérêt bien
entendu de l’industrie et du commerce de Gand, tendrait à les priver de tous
les avantages attachés aux arrivages directs.
Ainsi les industriels ne pourraient plus recevoir leurs matières premières
ni avec la rapidité, ni avec la même économie qu’aujourd’hui. Ils devraient
subir les frais d’un déchargement à Bruges ou à Ostende, et d’un transport par
allèges. D’un autre côté, la ville de Gand serait privée de tous les profits
que le mouvement toujours croissant de son port lui procure, et qu’il ne peut
entrer dans la pensée de personne de lui ravir. J’aime à croire que l’honorable
M. Donny lui-même reculera devant ces conséquences des vues qu’il a développées
tout à l’heure.
Et quant à M. le ministre des travaux publics, je suis convaincu que, loin
de prendre en considération la demande faite par l’honorable député d’Ostende,
il sera bientôt convaincu, par une étude plus mûrie de la question, qu’elle ne
saurait conduire à aucune vue sérieuse, à aucune application.
M. Donny. - Il paraît que je n’ai été compris ni
par M. le ministre des travaux publics, ni par l’honorable préopinant ; j’avais
cependant fait des efforts pour être clair ; mais je dois croire que je n’ai pas
réussi à l’être.
M. le ministre des travaux publics m’a fait d’abord une première objection
; comment voulez-vous, dit-il, qu’on puisse mettre votre idée en pratique ? Le
canal de Bruges à Gand ne contient pas assez d’eau pour admettre le passage des
navires de mer d’un tonnage un peu élevé.
Messieurs, je n’ai pas proposé de restreindre l’indemnité aux seuls navires
de mer ; j’ai proposé, ou plutôt donné l’idée d’accorder une indemnité par
tonneau pour toutes les marchandises qu’on transporterait par eau : du port
d’Ostende à Gand, et de Gand au port d’Ostende pour y être embarquées,
marchandises qu’on transporte aujourd’hui par le canal de Terneuzen. Dans ma
pensée, le transport pourra s’en faire soit par navires, soit par allèges ;
ainsi le peu de profondeur du canal de Bruges à Gand n’est pas un obstacle à la
mise en pratique de l’idée que j’ai avancée.
En second lieu, M. le ministre des travaux publics a pensé que je voulais
supprimer les péages, et qu’en sus de cette suppression, je voulais accorder une
indemnité par tonneau de marchandise transportée.
Ce n’est pas non plus ce que j’ai dit. La suppression des péages est sans
doute un des moyens de favoriser la ligne belge ; mais ce moyen, je ne l’ai pas
proposé. Je me suis contenté de parler d’une somme à consacrer en indemnités
pour attirer ce mouvement commercial sur la ligne belge et éviter au
gouvernement une perte annuelle de 80,1100 fr. , perte supérieure, en tous les
cas, au montant des indemnités que je voudrais allouer.
L’honorable député de Gand a été plus loin ; il a trouvé que ma proposition
n’était pas même sérieuse, Je dois le détromper, elle est très sérieuse, et
j’espère que lorsqu’elle sera examinée mûrement et par le gouvernement et par
les chambres, on trouvera qu’elle est non seulement sérieuse, mais encore
susceptible d’être adoptée.
L’honorable préopinant m’a dit : mais vous voulez donc écraser les ports
d’Anvers et de Gand au profit du port d’Ostende. Messieurs, le port d’Anvers
est totalement désintéressé dans la question.
Le mouvement des marchandises dont je me suis occupé, ne passe pas à
Anvers. Ce port ne recevra pas un tonneau de marchandise de plus ou de moins,
quel que soit le parti que vous adoptiez dans cette circonstance. Le port
d’Anvers est donc hors de question.
Reste le port de Gand. L’honorable membre craint que si l’on force le
commerce de Gand à payer plus, ou si l’on fait en sorte qu’il reçoive les
marchandises moins facilement le mouvement commercial de Gand, ira se fixer
dans le port d’Ostende.
Messieurs, il n’en est rien ; je veux que le port de Gand conserve tous les
droits, toutes les facilités qu’il a aujourd’hui. Si donc aujourd’hui l’on peut
arriver à Gand par l’Escaut et le canal de Terneuzen, on le pourra également si
vous adoptez mon système. Il n’y aura rien de changé quant à la ligne
néerlandaise, on ne payera pas un centime de plus, on n’aura pas une difficulté
de plus à surmonter, lorsqu’on voudra se servir de cette ligne.
L’honorable membre vous a dit : Si vous consacrez ces primes à donner aux
navires qui arrivent à Ostende, et la somme de 50,000 fr. qu’on paie pour le
rachat les péages sur le canal de Terneuzen, et la somme de 7 à 800,000 fr. que
l’on paie pour le port d’Anvers, vous ferez une mauvaise affaire. Sans doute,
messieurs, si telle était ma proposition Mais je n’ai pas parlé de favoriser la
ligne des Flandres, au moyen de sommes de 800,000 fr., ni même de 50,000 fr. ;
je vous ai conseillé, au contraire, de chercher le moyen de ne plus payer
80,000 fr. sur la ligne néerlandaise, et de vous contenter de payer une somme
moins forte sur la ligne belge. Vous voyez donc que, pour le gouvernement comme
pour tout le monde, il y aurait avantage à suivre mon système.
Au reste, messieurs, ce système n’a rencontré des contradicteurs dans cette
enceinte, que parce qu’il y est présenté pour la première fois, et que l’on n’a
pas eu le temps de l’examiner, et de s’en faire une juste idée ; je suis même
porte à croire que, lorsque l’honorable M. d’Elhoungne l’aura examiné avec
calme et maturité, il sera un des premiers à lui donner son approbation.
- L’art.14 est mis aux voix et adopté.
Articles
15 à 18
Les articles suivants sont adoptés sans discussion.
« Art. 15 (Service du canal de Mons à Condé.) Travaux d’entretien :
fr. 28,000
« Frais de manœuvre des eaux de la Haine et de la Trouille : fr. 300
« Dépenses éventuelles : fr. 3,300
« Personnel : fr. 13,800 »
« Art. 16 (Nouveau canal de la Campine) Travaux d’entretien au 1er
janvier 1835 : fr. 5,000
« Personnel au 1er janvier 1835 : fr. 2,625 »
« Art. 17 (Service des bacs et bateaux de passage.) Entretien et
confection des bacs et leurs dépendances : fr. 20,000 »
« Art. 18 (Service des polders.) Subside à la direction du poldre de
Lillo : fr. 5,000
« Travaux aux digues de la partie non rendiguée
du poldre de Lillo : fr. 20,000
« Personnel : fr. 1,000 »
SECTION III. - Ports d’Ostende et de Nieuport, côte de Bankenberghe
Article
19 et 20
Ces deux articles sont adoptés sans discussion.
« Art. 19 (Port d’Ostende.)
Entretien de l’avant-port : fr. 43,500
« Entretien de l’arrière-port et des écluses de Slykens
: fr. 2,750
« Entretien des écluses du bassin de commerce : fr. 1,500
« Renouvellement d’une paire de portes d’ebbe, à
l’écluse du bassin de commerce : fr. 5,500 »
« (Port de Nieuport.) Travaux d’entretien : fr 17,133 33
« (Côte de Blankenberghe.) Travaux
d’entretien : fr. 108,406 40
« Continuation du prolongement en mer des jetées de l’estran : fr.
11,175
« Personnel des ports et côtes : fr. 16,917 82 »
« Art. 20 (Phares et fanaux.) Entretien des phares et fanaux : fr. 597
37
« Renouvellement de la charpente d’échafaudage du fanal placé au
musoir de la jetée d’ouest du port d’Ostende : fr. 1,300
« Grosses réparations à la maçonnerie du fortin, sur lequel est établi
le fanal de Blankenberghe ; couche d’asphalte pour
tenir à sec la demeure du garde : fr. 1,000 »
- La chambre décide qu’elle se réunira demain à 1 heure.
La séance est levée à 4 heures et 1/2.