Accueil Séances
plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et
liens Note d’intention
Séance précédente
Séance suivante
Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 14 décembre 1846
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre, notamment pétitions relatives au droit sur les étoupes de lin (Dedecker, David) et à l’annulation
d’un droit d’octroi sur les eaux-de-vie (Cans)
2) Rapport sur des
pétitions relatives, notamment, à l’art de guérir (pharmacies) (Zoude)
3) Projet de loi créant un
code disciplinaire de la marine marchande
4) Projet de loi relatif à
l’organisation des monts-de-piété
5) Projet de loi autorisant
le gouvernement à distraire du crédit de 2 millions de francs pour mesures
relatives aux subsistances, inscrits au budget du département de l’intérieur
pour 1845, 500,000 de francs pour le perfectionnement de l’industrie linière,
les défrichements, les irrigations et la colonisation de la Campine. Situation
sociale dans les Flandres (+antagonisme Wallons-Flamands) Eloy
de Burdinne, (situation sociale dans le Luxembourg) Orban,
Desmaisières)
6) Projet de loi accordant
des crédits extraordinaires à hauteur de 2 millions de francs pour la
continuation des travaux du canal de Zelzaete et du canal de Schipdonck
7) Projet de loi autorisant
le gouvernement à distraire du crédit de 2 millions de francs pour mesures
relatives aux subsistances, inscrits au budget du département de l’intérieur
pour 1845, 500,000 de francs pour le perfectionnement de l’industrie linière,
les défrichements, les irrigations et la colonisation de la Campine. Situation
sociale dans les Flandres. Clôture de la discussion générale (de Theux, David, de Brouckere, d’Elhoungne, Verhaegen, de Theux, Verhaegen, Sigart, de Mérode), fixation du montant et nature de l’aide (Rodenbach, Delfosse, de Bavay, Verhaegen, de Theux, de Brouckere, de Theux, Orban, Sigart,
Verhaegen, Dumortier, de Theux, Orban), comptabilité de
l’Etat (création d’un fonds budgétaire dérogeant aux principes budgétaires) (de Brouckere, de Theux, de Brouckere, de Theux, Malou)
8) Fixation de l’ordre du
jour (Delfosse, Verhaegen, de Theux, Dumortier, Huveners, de Garcia, Loos)
(Annales
parlementaires de la Belgique, session 1846-1847)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 287)
M. A. Dubus
fait l’appel nominal à 2 heures et un quart.
La séance est ouverte.
M. Van Cutsem lit le
procès-verbal de la séance de samedi ; la rédaction en est adoptée.
M. A. Dubus présente
l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« L’administration communale de Bickelvenne
prie la chambre de voter les fonds nécessaires pour subvenir aux besoins de la
classe nécessiteuse. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du
projet de loi concernant des crédits pour mesures relatives aux subsistances.
_______________
« Le sieur Arens, directeur de l’école
primaire supérieure de l’Etat à Virton, prie la chambre de considérer comme non
avenue sa demande tendant à obtenir la place de bibliothécaire de l’assemblée. »
- Pris pour notification.
_______________
« Le sieur
Eemans prie la chambre de statuer sur sa demande tendant à ce que sa pension de
réforme soit convertie en pension de retraite. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
_______________
« Le secrétaire
communal de Saint-Remy-Geest prie la chambre d’améliorer la position des
secrétaires communaux. »
- Même renvoi.
_______________
« Plusieurs habitants de Tubise, de
Clabecq, d’Oisquercq et de Virginal présentent des observations contre la demande
tendant à réunir en un seul les deux cantons de justice de paix de
Nivelles. »
- Renvoi à la commission des circonscriptions
cantonales.
« Plusieurs fabricants de toiles
demandent que les étoupes de lin et de chanvre soient prohibées à la
sortie. »
M.
Dedecker. - Je demande
que cette pétition soit renvoyée à la
commission spéciale qui a été chargée d’examiner le projet de loi sur
l’exportation des étoupes.
M. David. - J’ajouterai que la commission est en train
d’examiner la question, et que les pétitionnaires peuvent déjà en recevoir
l’assurance par la déclaration qu’en fait à la chambre un membre de la
commission.
- La proposition de M. Dedecker est mise aux voix
et adoptée.
M. Cans. - Messieurs, à la séance de samedi dernier, il a été
présenté une pétition du conseil communal de Bruxelles ; cette pétition a été
déposée au bureau des renseignements. Je demande qu’elle soit renvoyée à la
commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
_______________
M. de Sécus
demande un congé de quelques jours, motivé sur le décès de son beau-frère, M. le baron Joseph d’Hooghvorst.
- Accordé.
rapports sur des petitions
M. Zoude, rapporteur. - Messieurs, plusieurs membres du conseil communal de
Merchtem demandent que le bourgmestre de cette commune soit tenu de rendre un
compte détaillé d’une somme de 13,000 fr., destinée à des travaux publics, et que la décision contraire de la
députation permanente du conseil provincial soit annulée.
Les pétitionnaires, qui sont trois conseillers communaux
de Merchtem, province de Brabant, donnent à la chambre le détail des démarches
qu’ils ont faites pour forcer leur bourgmestre à rendre compte d’une somme de
13,000 francs mise à sa disposition
pour l’exécution de divers travaux d’utilité publique ; que le bourgmestre leur
aurait répondu qu’il avait rendu ce compte à l’ancien conseil communal et qu’il
n’avait plus à en rendre sur cette affaire aux nouveaux conseillers ; sur ce
refus, les pétitionnaires se sont adressés d’abord à la députation permanente
du conseil provincial du Brabant ; que celle-ci ne leur ayant pas donné de
réponse, ils ont porté leur plainte au conseil provincial même, qui n’a pas
répondu davantage ; qu’à la fin ils se sont adressés à M. le gouverneur pour
connaître les motifs du silence gardé jusqu’alors à leur égard ; que, pour
réponse, le collège échevinal leur a écrit que la députation permanente avait
décidé que le conseil communal n’avait pas le droit de se faire rendre compte du résultat de cette affaire.
Les pétitionnaires adressent à la chambre leur
réclamation contre cette décision, comme contraire à l’article 69 de la loi
communale, qui dit qu’aucune pièce ne peut être soustraite à l’examen des
membres du conseil, contraire encore aux articles 75 et 137 de la même loi.
Ils demandent, en conséquence, la chambre,
l’annulation de la décision de la députation permanente, ainsi que l’exécution
de la loi communale.
Votre commission a l’honneur de vous proposer le
renvoi de cette pétition au département de l’intérieur.
- Les conclusions de la commission sont mises aux
voix et adoptées.
________________
M. Zoude, rapporteur. - Messieurs,
les pharmaciens des diverses villes et communes du pays demandent une loi sur
la réorganisation de la pharmacie.
Messieurs, par une pétition revêtue d’un nombre
considérable de signatures, les pharmaciens exposent à la chambre que, depuis
la loi du 12 mars 1818, qui régit l’exercice de l’art de guérir, leur position
est tellement malheureuse qu’elle est devenue insupportable, parce que,
disent-ils, sous l’empire de cette loi, presque tous les médecins et
chirurgiens du plat pays tiennent eux-mêmes officine et fournissent les
médicaments à leurs malades. C’est de cette loi que les pétitionnaires
demandent la révision, et ils la demandent depuis nombre d’années.
En effet, messieurs, à chacune de vos sessions, et même plusieurs fois par session, la
commission des pétitions vous a présenté des rapports sur les demandes des
pharmaciens qui réclament une nouvelle loi qui leur accorde la vente exclusive
des médicaments, tant pour l’usage de la médecine humaine que de la médecine
vétérinaire.
C’est pour légitimer cette prétention, c’est pour
que les pharmaciens fournissent à la société la garantie qu’elle a droit
d’exiger, que les pétitionnaires proposent de n’admettre à l’avenir pour
l’exercice de la pharmacie que ceux qui, après avoir obtenu la candidature en
sciences, auraient subi un examen public devant un jury central et auraient
obtenu le grade de docteur en pharmacie.
Mais les médecins du plat-pays ont réclamé à leur
tour, non seulement dans l’intérêt des malades eux-mêmes, mais encore comme un
droit qui leur est garanti par la loi de 1818, de pouvoir continuer à vendre
des médicaments. Sans cette garantie, disent-ils, il n’est aucun d’eux qui
serait venu s’établir à la campagne ; une loi nouvelle, sans rétroagir, ne
peut leur enlever ce droit, dont l’existence constitue d’ailleurs leur
principale ressource, sans laquelle ils ont déclaré ne pouvoir subsister ; et
puis, comme ils le disent, dans la plupart des campagnes, ce n’est pas la
visite que paye le paysan, c’est la bouteille que le médecin leur fournit.
Leur enlever la vente des médicaments serait les
forcer à abandonner le plat-pays, qui resterait alors sans médecin, et que
feront à leur tour les pharmaciens lorsqu’ils n’auront pas d’ordonnances à
exécuter, à moins qu’ils ne fassent aussi excursion dans le domaine de la
médecine ?
Par ces quelques considérations, on voit que les
prétentions des uns et des autres soulèvent de graves difficultés. D’un côté,
on exige des études approfondies pour obtenir le diplôme de pharmacien ; dès
lors on doit pourvoir au moyen de leur procurer une existence honorable ; de
l’autre, il s’agit de respecter le droit que la loi a garanti aux médecins.
Déjà M. le ministre de l’intérieur a promis à la
chambre d’apporter à l’examen de cette question toute l’attention dont elle est
susceptible.
Votre commission a l’honneur de vous proposer le
renvoi de cette pétition au département de l’intérieur.
- Les conclusions de la commission sont mises aux
voix et adoptées.
PROJET DE LOI CREANT UN CODE DISCIPLINAIRE DE
LA MARINE MARCHANDE
M. le
ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs,
M. le ministre des affaires étrangère et moi, nous avons été chargés par le Roi
de retirer le projet de loi sur la désertion des gens de mer, qui a été déposé
l’année dernière, et de présenter un code disciplinaire complet sur la marine
marchande.
- Il est donné acte à M. le ministre de la justice
de cet arrêté royal, il sera imprimé et distribué ; il en est de même du projet
de loi, ainsi que de l’exposé des motifs qui l’accompagne.
- La chambre renvoie ce projet de loi à l’examen
des sections.
PROJET DE LOI RELATIF A L’ORGANISATION DES
MONTS-DE-PIETE
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs,
je suis également chargé de présenter un projet de loi sur l’organisation des monts-de-piété.
- Il est donné acte à M. le ministre du dépôt de ce
projet de loi, qui a imprimé et distribué, ainsi que l’exposé des motifs qui
l’accompagne.
La chambre ordonne également le renvoi aux sections.
Projet de loi autorisant le gouvernement A
distraire du crEdit de 2 millions de francs pour mesures relatives aux
subsistances, inscrits au budget du dEpartement de l’intErieur pour 1846,
500,000 de francs pour le perfectionnement de l’industrie liniEre, les
dEfrichements, les irrigations et la colonisation de la Campine
Discussion générale
(page 288) M.
Eloy de Burdinne. - J’aurais bien désiré m’abstenir de prendre part à cette
discussion. Nul de nous ne révoque en doute l’urgence et la nécessité de venir
au secours des classes pauvres.
Ce n’est pas par des discours que nous soulagerons
la misère publique mais bien par des actes.
Posons des actes pour soulager les classes
indigentes, votons des subsides pour venir à leur secours, en leur donnant de
l’ouvrage.
Pour le moment nous ne pouvons que pallier le mal,
nous ne pouvons en faire disparaître la cause. Donnons au gouvernement nos
idées, afin de provoquer des moyens curatifs
pour l’avenir.
En suivant la ligne de conduite que nous adoptons
pour deuxième fois, nous ne ferons pas cesser le mal entièrement. S’il est
possible, enlevons la cause et les effets cesseront. On me dira que faire
cesser la cause n’est pas chose facile ; et j’en conviens ; mais je crois qu’il
n’est pas impossible de la faire disparaître, si pas entièrement, au moins en
partie. Soutenir l’industrie linière, la filature à la main, est, selon moi,
chose impossible au moins en grand.
L’anéantissement de cette industrie est due à
l’invention de filer à la mécanique ; ce mal, si c’en est un, est sans remède.
Cet anéantissement a aussi pour cause l’usage que
l’on fait des toiles de coton pour chemises, draps de lit, nappes, blouses,
etc., etc., et cette toile remplace les toiles de lin, de chanvre et d’étoupes.
La misère est aussi le résultat de la cherté des vivres
occasionnée par le déficit des récoltes, et nous n’en pouvons rien. Il est
incontestable que la principale cause de la misère des Flandres sur une plus
grande échelle que dans les autres provinces, doit être attribuée à l’anéantissement
de l’industrie linière.
La même misère régnerait dans les provinces
wallonnes si les industries métallurgiques se trouvaient dans la même position
que l’industrie linière. Ce n’est donc pas à l’incurie des habitants des
Flandres qu’on doit la fâcheuse position dans laquelle elles se trouvent. Il y
a peut-être moins d’incurie dans les Flandres que dans bien d’autres localités,
et j’ai été souvent à même de reconnaître cette vérité.
J’ai entendu avec peine les discours qui peuvent
avoir pour résultat des divisions entre nous.
Nous sommes une petite nation qui, si elle était
unie, serait forte, mais qui, désunie, finirait par cesser d’exister comme
nation.
Flamands ou Wallons, nous sommes Belges, nous
sommes frères, donnons-nous la main, aidons-nous les uns les autres, c’est le
seul moyen de rester ce que nous sommes (une nation indépendante). Ne perdons pas
de vue notre devise : l’union
fait la force.
On soutient que l’industrie linière ancienne peut se
soutenir. Je répondrai : oui, en
petit et non en grand ; remplaçons,
pour la plus grande partie, l’industrie linière par d’autres industries où les
mécaniques ne puissent remplacer la main-d’œuvre en grand.
La fabrique de sucre indigène vous offre le moyen
de donner à vivre à plus de vingt mille familles, etc.
En encourageant cette industrie, elle est appelée à
remplacer en partie l’industrie linière.
Messieurs, je vous signalerai une industrie qui
pourrait jusqu’à un certain point occuper les bras oisifs par suite de
l’anéantissement de l’industrie linière : c’est de l’industrie sucrière que je
veux parler. (Interruption.) Oui,
cette industrie, protégée en Belgique donnerait de l’ouvrage à 20,000 familles
! En effet, n’est-il pas ridicule de notre part de donner de l’ouvrage à
l’étranger, pour produire le sucre brut, quand nous pouvons le produire
nous-mêmes et quand nous n’avons pas d’ouvrage pour fournir du pain à notre
classe indigente ?
Avant de me rasseoir, j’ai à répondre à quelques
observations faites sur la distribution des deux millions, votés pour
subsistances en septembre dernier.
D’après les discours de quelques-uns de nos
collègues, il paraîtrait que la province à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir
a été favorisée. Je vais démontrer l’erreur dans laquelle on est tombé, et
prouver que les subsides distribués à la province de Liége ont dû produire plus
d’effet que dans bien d’autres provinces, dans l’intérêt général du pays.
Voyons la répartition de la somme de 1,880,720 fr.
sur l’allocation de 2 millions votés par les chambres et, faisons des comparaisons :
A Anvers :
Sommes distribués pour chemins vicinaux :
28,900 fr.
Sommes distribuées comme secours : 146,433 fr.,
et 12,310 fr. pour Lillo
Total : 158,743 fr.
Au Brabant :
Sommes distribués pour chemins vicinaux :
16,000 fr.
Sommes distribuées comme secours : 147,040 fr.
Total : 163,040 fr.
A la Flandre occidentale :
Sommes distribués pour chemins vicinaux : 15,463
fr.
Sommes distribuées comme secours : 406,003 fr.
Total : 418,466 fr.
A la Flandre orientale :
Sommes distribués pour chemins vicinaux : 43,933
fr.
Sommes distribuées comme secours : 484,982 fr.
Total : 528,915 fr.
Au Hainaut :
Sommes distribués pour chemins vicinaux :
28,538 fr.
Sommes distribuées comme secours : 84,983 fr.
Total : 113,521 fr.
A Liége :
Sommes distribués pour chemins vicinaux :
143,384 fr.
Sommes distribuées comme secours : 21,550 fr.
Total : 164,934 fr.
Au Limbourg :
Sommes distribués pour chemins vicinaux : 47,917
fr.
Sommes distribuées comme secours : 53,810 fr.
Total : 101,727 fr.
Au Luxembourg :
Sommes distribués pour chemins vicinaux :
59,462 fr.
Sommes distribuées comme secours : 91,605 fr.
Total : 151,067 fr.
A
Namur :
Sommes distribués pour chemins vicinaux : 42,000
fr.
Sommes distribuées comme secours : 38,250 fr.
Total : 80,310 fr.
N. B. La province de Liége a obtenu pour la
restauration des chemins vicinaux beaucoup plus que les autres provinces ; mais
par contre en secours elle a obtenu seulement 21,550 fr. quand Anvers a reçu en
subsides la somme de 117,5333 fr., les deux Flandres près de 900 mille francs.
Il eût été à désirer que la plus grande partie des
fonds alloués eussent été distribués et employés pour donner du travail aux
classes pauvres, comme cela a eu lieu dans la province de Liége.
Les 143,384 francs lui délivrés ont donné pour
résultat une dépense aux communes et à la province de plus d’un million qui a
été distribué aux classes ouvrières en 1845 et 1846.
Rien que la chaussée romaine a nécessité pour la
restaurer une dépense de 100 mille francs à la province. Cette restauration eût
dû être à la charge de l’Etat comme monument.
En résumé, c’est du travail que nous devons donner
; c’est au moyen de subsides accordés aux communes pour la restauration des
chemins que l’on parviendra à procurer du travail à la classe ouvrière.
En distribuant un million, on provoquera une
dépense de plus de cinq millions en travaux utiles.
De son côté, que le gouvernement fasse construire
des routes.
Plusieurs sont décrétées ; qu’elles soient mises en
adjudication immédiatement ; il n’y a pas de moments à perdre. La misère
réclame cette sollicitude à grands cris.
Je prie M. le ministre des travaux publics
de ne pas perdre de vue la route décrétée de Hannut à Landen.
Les classes ouvrières de la Hesbaye sont aussi dans
le besoin ; elles réclament leur part dans les secours que nous voterons. Elles
ne demandent pas la charité, mais bien de l’ouvrage.
Il est déjà arrivé des pétitions qui réclament avec
instance la construction de cette route, pour donner du travail à la classe
pauvre ; car au canton de Landen, pas plus que dans les Flandres, nous n’avons
d’industrie pour donner du travail aux malheureux. Là aussi sévissent la misère et la
faim.
Par ces motifs, je recommande à M. le ministre des
travaux publics de ne pas différer la mise en adjudication de la route de
Hannut à Landen.
M.
Orban. - De même que l’honorable préopinant, j’aurais
voulu me dispenser de prendre part à ce débat. Je pense, en effet, qu’un vote
immédiat et sous discussion, semblable à celui que nous avons émis l’année
dernière, eût été de beaucoup préférable. L’on sait, en effet, que le haut prix
des subsistances dans les années calamiteuses est dû, moins encore à leur
rareté, qu’aux craintes presque toujours exagérées auxquelles se laisse aller
l’opinion publique et qui réagissent sur les spéculations commerciales. La
discussion à laquelle on s’est livré dans nos deux dernières séances n’est pas
certainement de nature à calmer cette crainte et à rétablir la confiance.
Cependant, force m’est bien d’imiter l’exemple de
mes honorables collègues appartenant à la province qui, après les Flandres,
souffre et doit le plus souffrir de la cherté des denrées alimentaires ; je ne
puis laisser s’accréditer l’opinion que les Flandres seules réclament des
soulagements et doivent participer à la distribution des ressources
extraordinaires que la chambre est appelée à voter.
Peu de mots me suffiront pour faire connaître la
situation spéciale du Luxembourg. Vous savez que la crise des subsistances, due
l’année dernière au fléau de la maladie des pommes de terre, est due, cette
année, à la mauvaise récolte du seigle ; or, trois arrondissements sur cinq,
dans cette province, ne produisent, en fait de céréales, que du seigle ; de
sorte qu’aucune partie du pays n’est plus directement frappée que la population
de ces trois arrondissements et du Luxembourg en général, par la crise actuelle
des subsistances.
Pour comble de malheur, il n’existe chez nous
aucune ressource, aucune occupation industrielle dont le produit puisse
suppléer à la perte de tout ou partie de la récolte. Chaque habitant dans les
Ardennes, à peu d’exceptions près, produit, soit au moyen de l’essartage ou de
la culture de quelques ares de terre, de quoi subvenir, tant bien que mal, à
l’alimentation de sa famille pendant toute l’année ; de sorte que si cette
récolte vient à manquer, il ne leur reste à peu près aucun moyen d’y suppléer
et de se procurer par le produit de leur travail les denrées alimentaires qui
leur sont nécessaires.
Je n’essayerai pas de mettre sous vos yeux le
tableau de la misère qui résulte d’une pareille situation ; le gouvernement,
qui est le meilleur juge des besoins de chacun, saura l’apprécier.
Je me bornerai à indiquer en peu de mots quel est le
genre de secours que nous attendons plus spécialement de la sollicitude du
gouvernement.
Nous ne réclamons point pour le Luxembourg des
secours gratuits, quoique dans quelques localités ces secours pourront être
exceptionnellement nécessaires. Ce que nous demandons surtout, c’est du travail
pour notre population sobre et laborieuse. Et le meilleur moyen de procurer ce
travail, c’est d’accorder largement des subsides pour la construction des
chemins vicinaux ; à la différence des sommes employées à la construction de
routes ordinaires qui se dépensent sur des points isolés, éloignés des
populations ouvrières, ces subsides sont appliqués dans chaque localité et sont
infiniment plus profitables.
Lorsque les ouvriers doivent se déplacer pour
travailler, ils sont obligés de consacrer le montant presque intégral de leurs
salaires à pourvoir à leur propre subsistance, et les familles souvent
nombreuses de ces ouvriers se trouvent privées des secours qui pouvaient
résulter pour elles de cette main-d’œuvre.
Messieurs, en accordant à la province de Luxembourg
une large part dans les sommes destinées aux chemins vicinaux, vous ferez droit
aux exigences de la position toute particulière où elle se trouve pour ses
chemins vicinaux.
(page 289)
La province du Luxembourg est, sous le rapport du territoire, la plus étendue
du pays, et, sous celui de la population, elle est la moins considérable. Sur une
étendue de 400,000 hectares, elle n’a qu’une population de 180,000 habitants environ.
Il résulte de là que pour pourvoir à l’exécution de ses chemins vicinaux, ses
ressources sont en raison inverse de ses obligations. Elle doit relier ses
villages au moyen de lignes étendues et avec les moyens d’exécution les plus
modiques. Ces quelques mots prouvent combien est nécessaire une large intervention
de l’Etat dans ces sortes de travaux.
Il est un second point que j’indiquerai à M. le ministre de l’intérieur comme
méritant particulièrement de fixer son attention. C’est la nécessité de prendre
les mesures nécessaires pour que les arrivages des grains puissent s’effectuer
régulièrement et à peu de frais sur les différents points du Luxembourg.
Le commerce des grains n’existe pour ainsi dire pas
dans cette partie du pays. Comme j’ai eu l’honneur de le dire, chaque individu,
chaque localité, dans les temps ordinaires, pourvoit à sa subsistance par sa
production. On ignore ce que c’est que s’approvisionner au marché, et moins
encore ce que c’est que de faire venir des grains de points éloignés, du marché
d’Anvers par exemple. Il en résulte que souvent, tandis que les mercuriales du
chef-lieu de la province et des grands marchés du pays indiquent des prix
modérés, ces prix s’élèvent à un taux fabuleux dans certaines localités.
L’année dernière, sans la sage prévoyance des administrations communales qui se
sont faites en quelque sorte marchands de grains et ont pourvu à
l’approvisionnement local, une partie de la population aurait subi une
véritable famine. Ce sont ces mesures si sages dont il incombe au gouvernement
de recommander et de généraliser l’emploi.
Je prierai cependant M. le ministre de l’intérieur
de bien vouloir éviter l’écueil dans lequel l’administration est tombée l’année
dernière. On avait signalé au gouvernement le renchérissement extrême des
grains et on l’avait prié de consacrer quelques capitaux à l’achat de grains
sur le marché d’Anvers. Or, ces grains, messieurs, étaient surtout nécessaires
dans la partie ardennaise de la province. Eh bien, au lieu de les faire vendre
dans cette partie de la province, on leur a fait traverser les Ardennes et on
les a conduits, en passant par Bastogne, centre de la province, sur le marché
d’Arlon, qui en est à l’extrémité,
c’est-à-dire à 15 ou 16 lieues de la plupart des localités à approvisionner.
Il est évident,
messieurs, qu’on a pris le contre-pied de ce qui devait se faire. Si vous
voulez la preuve de ce que j’avance, vous n’avez qu’à voir la manière dont les
subsides ont été distribués entre les divers arrondissements, et vous verrez
que celui d’Arlon, qui est le plus faible en population et le moins nécessiteux,
a reçu des subsides infiniment plus considérables que ceux de Bastogne, de
Neufchâteau et de Marche, où les besoins sont évidemment plus considérables.
J’espère, messieurs, que ces courtes observations
préviendront le retour d’une pareille erreur.
Je bornerai là mes observations, persuadé que le
gouvernement appréciera les motifs de ma réserve, qu’il saura faire une
équitable appréciation de tous les besoins et qu’il ne cherchera point dans
l’étendue des discours la mesure des secours à distribuer.
M. Desmaisières, rapporteur. - Messieurs,
nous sommes tous d’accord, que s’il y a des souffrances à soulager dans les autres
provinces du royaume, le mal est beaucoup plus intense dans les deux Flandres.
Nous sommes tous d’accord aussi, à l’exception d’un seul des honorables
d’orateurs qui ont parlé jusqu’ici, sur les causes des souffrances extrêmes qui
affligent ces deux dernières provinces.
Je ne fais, parmi tous les orateurs qui ont parlé
avant moi, qu’une seule exception, et l’honorable membre auquel je fais
allusion me permettra de lui dire que son discours était plus philosophique et
théorique que pratique et exact ; car, messieurs, c’est vouloir se poser en
homme qui ne connaît ni l’histoire ancienne ni l’histoire contemporaine du
pays, que de prétendre que les habitants des provinces flamandes, qui se sont
toujours distingués par leur grande moralité, leur esprit religieux, leur
catholicisme, ne se sont pas distingués aussi par le génie éminent dont ils ont
fait preuve aussi bien dans les arts que dans les sciences, et surtout en fait
d’industrie et d’agriculture.
Messieurs, tout le monde le reconnaît ; le
paupérisme poussé malheureusement au plus haut degré, qui règne dans les
Flandres, est avant tout dû à la crise terrible qui, depuis plusieurs années,
est venue atteindre dans leurs moyens de travail et d’existence les
travailleurs de l’ancienne industrie linière ; et à cette cause particulière
aux Flandres, est venue se joindre ensuite depuis l’année dernière une cause
commune à tout le au pays, l’excessif renchérissement des denrées alimentaires.
Je ne vous retracerai donc pas, messieurs, le
tableau qui vous a déjà été fait par des voix, d’ailleurs beaucoup plus
éloquentes que la mienne, le tableau,
dis-je, de la misère qui règne dans ces provinces autrefois si riches, si
heureuses et qui devaient tout à leur travail et à leur génie industriel et
agricole.
Messieurs, nous sommes encore généralement d’accord
sur les remèdes qu’il faut opposer à un état de choses si calamiteux ; nous
différons seulement sur l’organisation, si je puis m’exprimer ainsi, de ces
remèdes, mais, je le répète, nous sommes, au fond, tous d’accord, je me crois
autorisé à le dire, d’après les
discours qui ont été prononcés jusqu’ici, pour adopter les crédits demandés par
Je gouvernement et proposés par la section centrale, avec le système de secours
à donner sur le crédit de fr. 1,500,000 et celui des mesures et garanties à prendre
dans l’emploi des 300,000 fr. qui sont spécialement destinés au perfectionnement
de l’industrie linière.
Nous vous avons dit, messieurs, dans le rapport que nous avons eu l’honneur de
vous présenter, qu’il paraissait à la majorité de la section centrale que le
gouvernement et la législature doivent surtout s’appliquer et exiger même que
les secours pécuniaires accordés au moyen du fonds de roulement de fr. 300,000,
soient employés :
1° Au perfectionnement de la filature ancienne, que
nous ne pouvons pas négliger, aussi longtemps que ses produits trouvent de
nombreux consommateurs ;
2° A fournir à nos ouvriers un nouveau contingent
de travail par le filage à la
mécanique, afin de pouvoir satisfaire aux demandes de toiles et de tissus de
lin de toute espèce ;
Et 3° à perfectionner le tissage à la main, lequel
n’a pas eu à lutter jusqu’à ce jour contre le tissage mécanique, quel que fût
le genre de fil qu’il mît en œuvre.
Cette opinion, chez moi, n’est pas nouvelle ;
lorsque l’industrie linière à la mécanique n’était en quelque sorte qu’à sa
naissance, en 1834, j’ai eu l’honneur d’exprimer cette opinion dans le rapport
que j’ai fait alors au nom de la
section centrale, sur les propositions faites en faveur de l’industrie linière
par nos honorables collègues, MM. Rodenbach, de Foere et Desmet.
Jamais, messieurs, je n’ai professé une opinion
exclusive en ce qui concerne les deux industries linières. Tout en
reconnaissant qu’il pouvait arriver, soit comme pour l’industrie drapière et
l’industrie cotonnière, que l’industrie linière mécanique parvienne à se
substituer entièrement à l’industrie linière à la main, soit comme pour
l’industrie dentellière (car on sait
que les dentelles à la main l’emportent aujourd’hui de beaucoup dans la
consommation sur les dentelles ou tulles mécaniques), que l’industrie linière à
la main réussisse à vaincre l’industrie linière mécanique, tout en
reconnaissant que l’une ou l’autre de ces hypothèses pouvait venir à se
traduire en fait dans l’avenir, j’ai toujours pensé qu’aussi longtemps que les
produits de l’une et de l’autre des industries linières trouvaient des
consommateurs, il fallait que nos ouvriers ne négligeassent de s’exercer ni à
l’une ni à l’autre.
Permettez-moi de vous donner lecture d’un passage
de mon rapport de 1834 ; il vous démontrera que déjà, à cette époque, je
professais cette opinion qui
est, en tous points, d’accord avec les conclusions de la majorité de la section
centrale actuelle.
Veuillez remarquer, messieurs, que les produits de
l’industrie mécanique étaient alors encore très imparfaits. Ils n’avaient pour
eux absolument que le bon marché apparent, et ne pouvaient soutenir, pour les
bonnes qualités et même pour le bon marché réel, aucunement la concurrence des
toiles à la main auprès des marchands et des consommateurs expérimentés. Voici
donc le passage de mon rapport de 1834 dont je viens de parler :
« Mais nous l’avons déjà dit, non, messieurs,
la fabrication étrangère n’est pas meilleure que la nôtre ; il y a seulement
dans la première meilleur marché, en tant que l’on considère les chiffres des
prix d’une manière abstraite ; mais dès que vous faites entrer dans la balance,
comme on doit le faire, et le prix et la qualité, ou si vous considérez la
qualité isolément, c’est nous qui fabriquons à meilleur marché et c’est nous
qui fabriquons le mieux.
« Toutefois, nous l’avons déjà dit aussi, et
c’est un malheur aujourd’hui pour la bonne fabrication, les consommateurs
entendent assez mal leurs intérêts pour se jeter avec avidité sur les produits
à bon marché, qui n’ont en leur faveur cependant qu’une certaine apparence de
bonne qualité, au moyen de préparations chimiques et mécaniques.
« On est déjà revenu en partie de cette
mauvaise espèce de bon marché, on en reviendra même tout à fait plus tard ;
mais en attendant le mal existe,
et le goût du consommateur, pour cette espèce de marchandise existe assez pour
que nos fabricants, sans pour cela cesser entièrement leur bonne fabrication
actuelle qu’il est du plus haut intérêt pour le pays de conserver, s’étudient à
fabriquer aussi en partie ces mêmes espèces que, contre ses intérêts bien
entendus, le consommateur demande, mais
qu’il demande ; car avant tout, si le fabricant veut pouvoir vendre, il
faut que ses fabricats soient faits de manière à satisfaire le consommateur,
quelque baroques, quelque bizarres, quelque contraires à ses intérêts même que
soient ces goûts. Qui sait d’ailleurs ? L’industrie belge est parvenue à
fabriquer mieux les fils et les toiles que celle de tous les autres pays du
monde à l’aide des machines ordinaires et primitives ; elle parviendra
peut-être aussi à fabriquer non seulement mieux que tous les autres pays, mais
encore mieux qu’elle-même actuellement, à l’aide de l’emploi des nouvelles
machines inventées en Angleterre. C’est un essai qu’il est digne de nos
industriels de tenter. Mais empressons-nous de le reconnaître, il faut avant
tout que ces industriels puissent se procurer la matière première, qu’ils puissent se la procurer au meilleur
marché possible, et qu’ils soient assurés de la consommation intérieure.
« Les Anglais nous donnent en cela de bons exemples
à suivre. Tous les moyens ont été mis en usage chez eux pour se fournir de la
matière première et s’en fournir à bon marché. Un système de douanes prohibitif
et rigoureusement exécuté à l’égard des fabricats étrangers a été établi chez
eux, parce que leur fabrication ne prenant en quelque sorte que naissance, il
leur eût été impossible sans prohibition de réussir à lui donner une vie
durable. Pour nous, nous n’avons pas besoin de prohibition contre les fabricats
étrangers, parce qu’à l’égard des consommateurs qui connaissent leurs intérêts,
notre bonne fabrication et le bon (page
290) marché relatif suffisent, et qu’à l’égard des consommateurs avides le
bon marché apparent, des droits
modérés à l’introduction de ces marchandises suffiront pour détromper nos
propres consommateurs de cette espèce, et assureront par là la consommation
intérieure à notre fabrication, qui ainsi sera mise à même de faire les progrès
qu’on lui demande, non pas parce que ce sont réellement des progrès (nous avons
démontré le contraire), mais parce que l’intérêt bien entendu du fabricant
l’oblige à suivre les goûts du consommateur, sauf à lui, fabricant, de ne pas
abandonner entièrement pour le moment sa bonne fabrication, pour qu’elle puisse
reprendre son ancienne splendeur, lorsque l’expérience aura enfin dessillé les
yeux du consommateur. S’il en arrivait autrement, si le consommateur persistait
dans son mauvais goût, ou si la nouvelle fabrication faisait des progrès tels
en perfectionnement que ses produits acquièrent une supériorité réelle sur l’ancienne fabrication, alors, mais
seulement alors, il serait de l’intérêt du fabricant d’abandonner entièrement
son ancien système ; et au moins, ayant déjà adopté en partie le nouveau
système, ayant même contribué peut-être à le perfectionner, il se serait ainsi mis à même de
pouvoir, sans secousse violente aucune, sans éprouver de pertes réelles et
probablement avec avantage même, en tirer complétement dans le nouveau système de
fabrication. »
Vous le voyez, messieurs, l’opinion que j’ai émise
en qualité de rapporteur de la section centrale en 1834 est conforme à celle que j’émets dans mon rapport fait au
nom de la section centrale actuelle, Jamais je n’ai varié sur cette question ;
qu’on relise tous les discours relatifs à l’industrie linière que j’ai prononcés,
dans cette enceinte et ailleurs, et l’on verra que j’ai toujours professé la même
opinion.
Messieurs, à l’heure qu’il est, ce sont encore les
toiles produites par l’ancienne industrie linière que l’on consomme en plus
grande quantité dans le pays ; ce sont les mêmes produits que l’on nous demande
le plus en France, en Espagne, en Hollande et dans les colonies de ces diverses
nations. Cela est tellement vrai, que nous exportons encore annuellement en
France pour une valeur de 12 millions
de francs en toiles ; que toutes ces toiles sont tissées à la main, et que le
fil des neuf dixièmes est filé à la main.
Pourquoi donc irions-nous abandonner entièrement l’ancienne
fabrication ? Pourquoi donc ne nous livrerions-nous pas aussi à l’exercice de la nouvelle fabrication, dont les
produits se sont perfectionnés aujourd’hui et sont voulus par d’autres
consommateurs nombreux ? Il y aurait de la stupidité à abandonner entièrement
l’ancienne industrie linière, et il y en aurait également à ne pas s’exercer à
la nouvelle.
Si j’ai toujours pensé qu’il fallait pratiquer les
deux industries, j’ai toujours été d’opinion, d’un autre côté aussi, qu’il fallait nous
efforcer de perfectionner le plus possible notre travail, aussi bien en ce qui
concerne l’industrie linière à la main, qu’en ce qui touche l’industrie
mécanique. J’ai toujours pensé qu’en présence de cette nouvelle industrie, pour
laquelle nous ne pouvions pas espérer d’exercer le monopole que nous exercions
quant à l’ancienne, il fallait faire de grands progrès, et que les premiers
progrès à réaliser c’étaient la réorganisation du travail en général, celle de
la fabrication et du commerce des fils et toiles de lin en particulier.
Voici ce que j’ai dit sur ce point dans mon rapport
de 1834 :
« L’industrie linière, vous le savez,
messieurs, est dans notre pays entre les mains d’une foule de petits
cultivateurs fabricants. Le chef de la famille est aussi le chef-ouvrier de la
fabrique, et les femmes et enfants sont les ouvriers. Ces fabricants,
isolément, ne sont pas riches ; ils doivent leurs progrès et le maintien en
activité de leurs fabriques à leur génie industriel, à leur moralité, à leurs goûts sobres et surtout à leur grand
amour du travail. Vous pensez bien que ces hommes n’ont pas le moyen d’acheter
la matière première au comptant. Ils l’achètent donc pour n’en payer le prix
que lorsqu’ils ont eux-mêmes perçu le prix de leur travail, c’est-à-dire
lorsqu’ils ont vendu la toile ou le fil dans lequel ils l’ont transformée.
Aussi longtemps que la prohibition ou des droits élevés ont existé, les
cultivateurs ne pouvant vendre qu’à eux n’ont jamais fait difficulté de leur
vendre de cette manière ; mais depuis 1815,
depuis que le gouvernement précédent a permis la libre sortie des lins,
il s’en est bientôt suivi que les étrangers sont venus accaparer nos lins, et
comme ils payent au comptant, nos grands cultivateurs se sont peu à peu désisté
de leur système de vente à crédit à nos fabricants du pays, et ainsi ceux-ci se
trouvent aujourd’hui dans l’impossibilité de concourir avec les étrangers pour
l’achat des matières premières. Nos marchands de toiles ne sont en quelque
sorte que les commissionnaires et ne s’occupent nullement de la
fabrication : ce sont tous des hommes plus ou moins fortunés. Nous pensons
que s’ils entendaient bien leurs intérêts, ils achèteraient eux-mêmes la
matière première et suivraient en cela l’exemple des marchands de dentelles
d’Ypres et de Gand, qui achètent les fils nécessaires et ont à cet égard un
compte ouvert avec les ouvrières. Celles-ci travaillent chez elles, et ont en quelque sorte, comme les
fileuses et tisserands de toiles, leurs fabriques établies chez elles en
famille.
« En outre de cet exemple des marchands de
dentelles à suivre, les négociants en toiles ne pourraient-ils pas former entre
eux une société d’industrie linière qui s’occuperait des achats de matière
première, du placement des fabricats à l’extérieur, de l’introduction des
nouveaux procédés perfectionnés de fabrication, de la surveillance des peignes
de tissage et métiers, et de l’indication aux tisserands et fileurs des
qualités qu’ils doivent s’attacher à donner à leurs toiles et fils commue aussi
des mesures et manières d’agglomérer par lots, qu’ils doivent suivre, s’ils
veulent que le marchand belge puisse trouver le placement de leurs fabricats
chez le marchand étranger, qui tient souvent par-dessus tout à ces mesures et
modes d’agglomérations, par cela même que les consommateurs de son pays ne
croient acheter de la bonne marchandise que lorsqu’elle est agglomérée par
lots, poids et mesures conformément à leurs habitudes d’achats ?
« Mais encore une fois, nous devons le dire, pour
que ce mode de protection en faveur de l’industrie linière puisse se réaliser,
il faut que la législature ait préalablement fourni aux négociants de toiles
les moyens indispensables qui consistent dans les droits, tant à la sortie des
lins qu’à l’entrée des fabricats étrangers, modérés et en rapport avec les
avantages qui, chez le fabricant étranger, balancent celui de la production de
la matière première dans notre pays ; et même ce ne sont pas encore là les
seuls moyens que nous ayons pour soutenir cette belle et productive industrie.
Il en est encore d’autres qui ne doivent pas être négligés, mais qui incombent
plus particulièrement au pouvoir exécutif. Nous ne parlerons pas de secours
pécuniaires à donner aux introducteurs des nouveaux procédés de fabrication, ni
des primes d’exportation ; il n’est malheureusement que trop prouvé que
l’intrigue seule profite le plus souvent de ce genre de secours ; mais il est
du devoir du gouvernement de prendre de bonnes mesures administratives en fait
de douanes : c’est à lui d’empêcher que la fraude n’ait lieu sur une aussi
grande échelle et d’une manière aussi scandaleuse qu’elle se pratique encore
maintenant, malgré les nombreuses réclamations de la législature ; c’est à lui
de négocier et d’envoyer des agents près des gouvernements étrangers, pour nous
procurer des débouchés à l’extérieur ; c’est à lui qu’incombe le devoir de
chercher à renouer directement avec l’Amérique ci-devant espagnole les
relations du commerce des toiles que nous avions indirectement avec elle avant
qu’elle ne se fût soustraite à la domination du pays métropolitain ; c’est à
lui à tâcher de réparer, au bénéfice du pays, la faute commise par
l’ex-gouvernement, qui laissa l’Angleterre s’emparer de ces nouveaux débouchés
sans chercher à rivaliser avec elle ; c’est à lui encore à couvrir, s’il le
faut, de son égide tutélaire la société dont nous venons de parler ; c’est à
lui aussi à s’assurer d’abord des souffrances réelles de cette industrie
intéressante, à en sonder les plaies et à étudier, pour les mettre bientôt
après en pratique, quels sont les autres moyens nouveaux qui peuvent apporter
remède à ses souffrances ; c’est à lui enfin à faire en sorte que les mesures
décrétées par la législature soient rigoureusement observées et exécutées. »
Ainsi, messieurs, il demeure prouvé que les remèdes
que tout le monde reconnaît aujourd’hui devoir être mis en œuvre, si l’on veut
pouvoir venir en aide efficacement à nos nombreux et malheureux travailleurs de
l’ancienne l’industrie linière, j’en ai déjà conseillé et recommandé l’emploi
depuis plus de 12 ans.
Mais je ne veux pas vous faire illusion ; la plaie
que nous devons nous efforcer par tous les moyens de guérir aussi complètement
que possible est plus difficile aujourd’hui à cicatriser qu’on ne le pense
peut-être généralement. C’est une plaie grave et profonde, pour la guérison de
laquelle il faut employer beaucoup de temps et beaucoup d’efforts et remèdes de
toute espèce.
D’après les documents publiés au Moniteur du 13 mai I845, il existait
alors dans la Flandre occidentale 98,805 fileuses de lin et d’étoupes.
D’après un état statistique formé à l’aide de
renseignements obtenus des comités industriels et des administrations
communales et de bienfaisance de la Flandre orientale, il y en a 117,813 dans
cette province, c’est-à-dire ensemble 216,618 pour les deux provinces.
Vous voyez, messieurs, combien nous devons nous
féliciter de ce que les produits de l’ancienne industrie linière trouvent
encore de nombreux consommateurs ; vous voyez que, s’il n’en était pas ainsi,
il serait difficile, pour ne pas dire impossible, de procurer du travail à ces
216,000 fileuses.
Il sera même déjà très difficile d’en procurer à
celles qui ne pourront plus en trouver dans l’exercice de l’industrie linière.
Cependant des efforts ont déjà été tentés et couronnés
de quelque succès dans ce dernier but, et par le clergé, et par les comités
industriels, et par une foule de personnes charitables et honorables qui ont
bien voulu joindre leurs efforts à ceux du clergé et des comités industriels.
Déjà 160 écoles manufacturières dans la Flandre
orientale se trouvent organisées aujourd’hui. On y instruit les jeunes filles
des communes rurales à la fabrication des dentelles, à la couture, au tricot, à
la ganterie, à la broderie, etc.
Dans celles qui sont instituées depuis plusieurs
années, on est déjà parvenu à former 10 à 12,000 jeunes filles à la fabrication
des dentelles.
Ces jeunes filles, qui sans cela seraient devenues
des fileuses, sont aujourd’hui dentellières. Comme fileuses elles n’auraient
peut-être jamais pu gagner plus que leurs devancières, c’est-à-dire plus de 40
à 60 centimes par jour, et comme dentellières, elles gagnent de 40 centimes à 1
franc et plus selon leur habileté et leur degré d’instruction.
Dans les environs de Ninove et de Sottegem, des filles
gagnent aujourd’hui, par la couture des gants, de 60 à 80 centimes par jour.
On a aussi introduit dans différentes localités de
la province, et plus particulièrement dans l’arrondissement d’Alost, le tissage
d’étoffes de soie.
Les métiers à la Jacquart ont été répandus le plus
possible dans les campagnes, et il y a aujourd’hui dans les communes rurales de
la Flandre (page 291) orientale
12,642 métiers en activité pour le tissage d’étoffes autres que des toiles.
Je ne puis vous donner des renseignements précis
quant à la Flandre occidentale, mais il est à ma connaissance que des faits
analogues ont eu lieu dans cette province.
Un honorable ecclésiastique, qui est en même temps
membre de cette chambre et qui préside si honorablement le comité cantonal de
Courtray, a introduit dans
l’arrondissement de Courtray la filature du fil avec lequel on fait les
batistes ; déjà les fileuses qu’on a réussi à former en assez grand
nombre, gagnent de 40 à 50 centimes par jour, et les tisserands qui font, avec
les fils produits par ces fileuses, des toiles dites batistes, gagnent de 2 fr. à 2 fr. 50 c. par jour.
L’atelier modèle de Gand a été institué en 1841, et
déjà la méthode perfectionnée de tissage à la navette volante y a été enseignée
à 2,569 tisserands.
Il est vrai que jusqu’en 1844, époque à laquelle il
a été procédé à une nouvelle organisation de cet atelier, on n’y faisait pas
faire aux tisserands qui y étaient admis un assez long apprentissage pour
qu’ils continuassent, à leur retour dans leurs communes respectives, à faire usage de la méthode de tissage
à navette volante et des métiers et outils perfectionnés qu’on leur livrait.
Aussitôt que j’ai été appelé en 1843, par la
confiance du Roi, au gouvernement de la Flandre orientale, j’ai fait une
tournée dans les cantons liniers les plus souffrants de la province, et j’ai eu
la douleur de constater par moi-même, que sur ce grand nombre de tisserands qui
avaient été instruits à l’atelier modèle de Gand, il n’y en avait pas 25 qui
faisaient usage des outils et des métiers perfectionnés qui leur avaient été
donnés.
J’ai donc cru devoir recommander aux
administrations communales et aux comités industriels d’employer tous leurs
efforts pour parvenir à ce que
non seulement les tisserands fissent usage des outils et des métiers
perfectionnés qu’on leur avait donnés, mais encore à ce qu’ils s’appliquassent
à s’instruire, à se former, à se
perfectionner dans la pratique de la nouvelle méthode de fabrication. Nous
avons formé en 1845 et 1846, dans l’atelier modèle de Gand, un certain nombre
de tisserands pris et désignés par les comités industriels, parmi les meilleurs
de leurs ressorts respectifs, et nous leur avons donné une instruction assez
forte, en y consacrant le temps nécessaire, pour qu’ils pussent servir
d’instructeurs dans les communes auxquelles ils appartiennent.
Aujourd’hui, grâce aux efforts du comité central et
des comités industriels, ainsi que des administrations communales, il y a dans
la Flandre orientale 6,608 tisserands qui travaillent d’après la nouvelle
méthode, à la navette volante.
Tous les faits que je viens de vous rapporter, messieurs, démontrent que si ces comités industriels ont été
d’un grand secours alors que les circonstances les ont forcés à venir en aide aux bureaux de
bienfaisance, leurs efforts joints à ceux
du clergé ont produit déjà beaucoup de bien aussi pour le perfectionnement de
l’industrie linière, et cela bien qu’ils aient eu peu de ressources pécuniaires
à leur disposition. Les comités
industriels auraient produit beaucoup plus de bien encore s’ils avaient été
secondés, comme j’ai toujours pensé qu’ils devaient être secondés par la société d’exportation qu’il s’agit
aujourd’hui, enfin, de créer, dont l’institution a été demandée depuis
longtemps, et dont j’ai provoqué, moi-même, la création dans mon rapport de
1834.
Messieurs, il est bien d’autres questions que l’on
pourrait traiter à cette occasion ; il est même différentes opinions plus ou
moins erronées qui ont été émises
dans cette discussion et qui devraient être combattues ; mais je ne crois pas
ces questions et les erreurs commises assez essentielles pour que j’aie besoin de m’en occuper
quant à présent ; l’urgence de
venir au secours de nos populations souffrantes est trop grande pour que je
puisse consentir à prolonger cette discussion par l’examen de questions qui ne sont pas maintenant
susceptibles de solution, et à retarder ainsi le moment où ces populations
souffrantes pourront recevoir les secours que tous nous sommes disposés à leur donner.
Je termine donc ici, messieurs, la courte réponse
que j’avais à faire en ma qualité de rapporteur de la section centrale aux
orateurs qui ont, non pas combattu, mais critiqué seulement quelques points de
détail du rapport et des motifs présentés à l’appui de ces conclusions.
PROJET DE LOI ACCORDANT DES CREDITS EXTRAORDINAIRES A HAUTEUR DE 2
MILLIONS DE FRANCS POUR LA CONTINUATION DES TRAVAUX DU CANAL DE ZELZAETE ET DU
CANAL DE SCHIPDONCK
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs,
j’ai l’honneur de déposer sur le bureau un projet de loi qui tend à ouvrir au gouvernement des crédits extraordinaires
à concurrence de deux millions, Ces crédits
sont destinés à la continuation des travaux du canal de Zelzaete, au canal de
Schipdonck et à l’amélioration du régime des eaux du sud de Bruges. Dans cette
proposition, le gouvernement s’est attaché à préparer l’exécution immédiate de
travaux d’une utilité incontestable, à
proximité des localités où les populations sont les plus souffrantes.
L’exposé des motifs sera complété d’ici à deux ou trois jours. J’ai cru
devoir déposer dès aujourd’hui le projet de loi pour que la proposition du
gouvernement fût connue.
M. de
Brouckere. - Comment ces
deux millions seront-ils couverts ?
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Par des
bons du trésor.
M. le président. - Il est
donné acte à M. le ministre de la présentation du projet de loi qu’il vient de déposer.
Ce projet et ses motifs seront imprimés,
distribués aux membres et renvoyés à l’examen des sections.
Projet de loi autorisant le gouvernement A
distraire du crEdit de 2 millions de francs pour mesures relatives aux
subsistances, inscrits au budget du dEpartement de l’intErieur pour 1846, 500,000
de francs pour le perfectionnement de l’industrie liniEre, les dEfrichements,
les irrigations et la colonisation de la Campine(titre definitif a retrouver)
Discussion générale
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs,
je demanderai à la chambre si elle de serait pas disposée à prononcer la
clôture de la discussion générale et à aborder la discussion des articles.
Voilà plusieurs jours que la discussion générale dure ; on pourrait la
prolonger indéfiniment.
M. David. - J’avais quelques
observations à présenter. Plusieurs d’entre nous voulaient s’expliquer sur les
travaux à exécuter ; moi-même j’avais à indiquer quelques travaux utiles. Ce ne
sont pas des travaux nouveaux, mais des travaux déjà décrétés, dont on pourrait
s’occuper prochainement. J’espère qu’à l’occasion des articles, nous pourrons
présenter nos observations.
M. de
Brouckere. - Je suis inscrit pour parler dans la discussion
générale. Je renonce à la parole, mais je demande à être inscrit sur l’article
premier.
M. David. - Je le demande également.
M. d’Elhoungne. - Je viens appuyer la clôture, mais une clôture définitive
qui porte sur toutes les considérations générales ; je dois faire remarquer que
la seule question dont nous devions maintenant nous occuper est celle du
crédit, sur lequel tout le monde est d’accord. Les considérations présentées dans
la discussion générale se rapportent aux trois numéros de l’article premier ; il en sera de même de celles qu’on va
présenter. Si nous entamons encore une discussion à propos de l’article premier,
et soit sous la forme de discussion générale, soit sous la forme de discussion
des articles, nous retarderons le vote des crédits quand nous avons nos
concitoyens qui meurent de faim et de froid.
M. Verhaegen. - J’avais aussi demandé la parole pour dire quelques
mots sur la question et pour défendre un de mes honorables amis dont le
discours a été interprété d’une manière étrange. Je ne veux pas cependant
prolonger la discussion ; je demanderai la permission d’insérer dans le Moniteur la réponse que j’avais à faire
aux attaques dont l’honorable M. Sigart
a été l’objet. Quant à ce que j’ai à dire sur la question en elle-même,
je serai court : je me réserve de prendre la parole sur les articles.
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je regrette
de devoir m’opposer à la demande de l’honorable membre ; je crains de voir
poser un précédent dangereux en autorisant l’insertion de certains discours
dans le Moniteur.
Un
membre. - Cela
s’est fait souvent.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Cela s’est fait, sans doute, mais rarement.
L’honorable M. Verhaegen aura plus d’une occasion de dire à la chambre ce qu’il
désire faire insérer au Moniteur.
M. Verhaegen. - Non ! non !
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Si
l’honorable M. Sigart avait demandé la parole pour un fait personnel, je
l’aurais compris, car l’honorable membre n’a pas besoin de défenseur. Mais si M. Verhaegen répond pour lui,
plusieurs membres pourront demander à répliquer, et la discussion ne finira
pas. Le plus simple serait de donner la parole à. M. Sigart, s’il la demande, pour exprimer sa pensée.
M. Verhaegen. - J’ai pensé que
la question étant urgente, je ne pouvais
pas m’opposer à la clôture. Mais il est des choses qui ne peuvent pas rester sans
réponse : le discours de l’honorable M. Sigart a fait éclater plus d’un
orage ; on a été jusqu’à dire que l’honorable M. Sigart ne connaissait pas même
l’histoire ancienne. Je voulais répondre sur l’histoire ancienne, et cependant
je me bornerai à demander qu’oa insère
cette réponse dans le Moniteur. Quant
au reste, je m’expliquerais sur l’article premier.
M. Sigart. - Je n’ai pas à demander la parole pour un fait
personnel ; car je sens peu le besoin de me défendre de ne pas connaître
l’histoire, et que sais-je encore ? d’être athée. Je crois que ce sont à peu
près les reproches qu’on m’a faits. Je les relèverais pourtant si j’avais la
parole. Mais je voudrais exprimer ma pensée, relativement à l’opinion qu’on m’a
prêtée sur les Flamands.
M. le président. - M. Sigart
est inscrit sur l’article premier, il pourra alors s’expliquer.
M. de
Mérode. - Si
l’honorable M. Sigart parle, il pourra s’expliquer lui-même. Il n’a pas besoin
d’être défendu. Je ne vois pas pourquoi on insérerait dans le Moniteur des discours de défenseurs
officieux. Un autre y répondra. Si l’on veut terminer cette discussion, il faut
la terminer tout de bon. Il ne faut pas remplir le Moniteur de discours ; il est bien assez long comme cela. (On rit.)
M. Verhaegen. - J’insiste pour être autorisé à insérer mon discours
dans le Moniteur.
M. Delfosse. - Cela s’est
déjà fait.
M. de Foere. - Il est bien entendu que les
orateurs pourront émettre leur opinion sur l’art.icle premier, sans entrer dans la discussion
générale, mais en traitant le côté pratique de la question.
M. Verhaegen. - Et que ceux qui sont inscrits dans la discussion
générale conserveront leur tour de parole dans la discussion de l’article
premier. (Réclamation).
M. le président. - Sur
l’article premier, il y a 16
orateurs inscrits.
- La chambre consultée sur la question de savoir si
M. Verhaegen sera autorisé à
faire insérer dans le Moniteur la
partie de son discours relative à M. Sigart, résout cette question
négativement.
(page 292)
- La discussion générale est close.
Discussion des articles
La discussion est ouverte sur l’article premier
ainsi conçu :
« Art. 1er. Il est ouvert au département de
l’intérieur :
« 1° Un crédit de quinze cent mille francs
(1,500,000) pour mesures relatives aux subsistances ;
« 2° Un crédit de trois cent mille francs
(300,000) pour aider au perfectionnement de l’industrie linière ;
« 3° Un crédit de cinq cent mille francs (500,000)
pour mesures relatives aux défrichements, aux irrigations et à la colonisation
dans la Campine et ailleurs, s’il y a
lieu. »
M. le président. - La parole
est à M. Rodenbach pour développer l’amendement qu’il a présenté au premier
paragraphe de cet article.
M.
Rodenbach. - J’ai,
conjointement avec plusieurs de mes honorables collègues, déposé sur le bureau
un amendement tendant à augmenter de 500,000 fr. le chiffre proposé par la
section centrale, auquel le gouvernement se rallie. C’est-à-dire que je propose
un subside de deux millions. Je dois justifier ce chiffre. Je pense que ce ne
sera pas bien difficile.
Le gouvernement paraît avoir l’intention de
distraire des 1,500,000 fr., 500,000 fr. pour les chemins vicinaux. Restera
donc un million. Sur ce million plusieurs honorables orateurs ont demandé, pour
leur province, des subsides qui pourront s’élever à 300,000 fr. Il resterait donc pour les
Flandres, 700,000 fr. seulement.
Cependant il y a un million de malheureux qui
demandent de l’ouvrage, 500,000 bouches qui
demandent du pain. Un subside de 700,000 fr. n’est-il pas évidemment
insuffisant lorsque la misère est à son comble ?
Je me permettrai de comparer ce qui se fait ici
avec ce qui se fait ailleurs.
Vous savez qu’en Irlande, pays plus malheureux que
les Flandres, le gouvernement anglais s’est empressé d’envoyer des subsides
dans les différentes baronnies. On a réuni les grands propriétaires, et on leur
a accordé des subsides pour la classe malheureuse. Il paraît que ces subsides
s’élèvent jusqu’à 12 millions par mois. Trois ou quatre cent mille ouvriers
sont occupés. On dépense par jour jusqu’à 400,000 fr. en travaux publics.
D’après les calculs que j’ai faits, les Flandres
recevraient pour tout l’hiver, 700,000 fr.
C’est à peu près deux jours de travail en Irlande. Voilà cette somme
énorme dont on parle ! Cette somme est tout à fait insuffisante. Lorsque je
demande une augmentation de 500,000 fr., il m’est très facile de la justifier.
On a dit : Vous pourrez encore travailler aux
chemins vicinaux. Mais c’est une erreur : les communes des Flandres sont
ruinées par les emprunts, par les sacrifices de toute nature qu’elles ont dû
faire. L’année dernière, alors que d’autres provinces recevaient jusqu’à
440,000 fr., les Flandres ne recevaient que 15,000 fr. Les communes ne pouvant
donner de subsides, le gouvernement n’a rien donné, il en sera de même cette
année. Nous ne recevrons rien du tout, ou peu de chose, pour les chemins
vicinaux.
Des demi-mesures, des quarts de mesures ne peuvent
guérir le mal qui est immense. Quand le mal est aussi intense, il faut des
remèdes héroïques.
Je
crois avoir suffisamment prouvé que la somme qu’on veut allouer est
insuffisante.
Il est impossible qu’une population aussi
exubérante continue d’exister, en manquant de travail.
L’année passée 500,000 pauvres ont reçu
5 millions. Je ne parle pas des dons particuliers, des immenses sacrifices qu’ont
fait les particuliers. Mais on a donné officiellement 5 millions pour les
500,000 pauvres des Flandres, et
aujourd’hui on veut venir à leur secours, avec 700,000 fr. ; car en définitive,
comme je l’ai expliqué, le secours se réduirait à cette somme ; et il y a un
million d’individus sans ouvrage ; il y en a 500,000 qui attendent du pain.
Messieurs, il paraît que la chambre est pressée de
voter. Je m’arrêterai là. Mais je demanderai l’appel nominal sur mon
amendement, afin qu’on puisse du moins reconnaître, dans nos Flandres, que nous
avons employé tous nos efforts pour ne point laisser mourir de faim la
population. Car je ne crois pas qu’une portion de la société puisse en laisser
mourir une autre de faim.
M. Delfosse. - Je
comprends et je partage l’impatience de la chambre d’arriver au vote ; je me bornerai
donc à présenter de très courtes observations.
Il ne faut pas croire, messieurs, que la misère ne
sévit que dans les Flandres ; il y a, dans les autres provinces, une foule de
malheureux qu’il serait aussi de notre devoir de secourir.
Ce n’est pas l’aumône que la plupart d’entre eux
demandent, c’est du travail.
L’inaction du département des travaux publics dans
les circonstances actuelles est vraiment incompréhensible et déplorable.
Permettez-moi, messieurs, de vous lire quelques
passages d’une lettre que j’ai reçue hier.
« M. le ministre des travaux publics a enfin
décidé, après de longues hésitations, que la route de Liége à Maestricht
passerait par Berneau ; il y a déjà quelque temps que cette décision a été
prise, mais il n’est question ni d’adjudication ni d’aucune formalité relative
aux terrains à édicter.
« On ne travaille pas non plus, et on ne paraît pas
se préparer à le faire à la route de Tongres à Visé.
« Mon cher ami, la misère est à son
comble ; les malheureux ont devant les yeux un hiver qui commence vite et
qui menace d’être rigoureux. Que deviendront-ils si on ne leur vient en aide.
« Le travail, c’est du pain ! »
Je conjure vivement M. le ministre des travaux
publics de porter sa sollicitude sur toutes les provinces, et de mieux utiliser
le nombreux et coûteux personnel qu’il a sous ses ordres.
L’exécution de travaux publics, entrepris sur
divers points du pays, serait le moyen le plus sûr et le plus moral de secourir
les classes ouvrières.
On leur donnerait par là immédiatement du travail,
et on leur en assurerait pour l’avenir. La construction de routes et de canaux,
l’amélioration des voies de communication existantes contribue, plus que toute
autre chose, à développer l’agriculture, le commerce et l’industrie, et par
conséquent à élever les salaires.
Le gouvernement, je l’ai déjà dit et je ne cesserai
de le répéter, devrait surtout se préoccuper des travaux qui concernent le
régime des eaux et les voies navigables.
Il ne se passe presque plus d’année sans que les
inondations fassent essuyer au pays des pertes irréparables.
Le chômage des établissements industriels qui se
trouvent sous les eaux, prive une quantité d’ouvriers de travail dans la saison
la plus rigoureuse, dans le moment où ils en auraient le plus besoin.
Il y a dans le même moment et par suite de la même
cause, des milliers de familles exposées à toutes sortes de dangers et de
privations.
Ce n’est là que l’effet ordinaire des inondations ;
mais ce qui vient de se passer dans un pays voisin, dans la vallée de la Loire,
ne nous a que trop appris qu’elles peuvent amener des maux bien plus
redoutables, des maux auxquels on ne peut penser sans frémir.
Un gouvernement qui comprendrait son devoir,
qui serait à la hauteur de sa mission, n’aurait pas un instant de repos avant
d’avoir conjuré cette cause de ruine.
Il est bien de soulager la misère, mais il vaut
mille fois mieux prendre à temps des mesures pour la prévenir.
M. le ministre des travaux publics nous disait, il
y a quelques jours, qu’il était trop ministre des travaux publics, pour ne pas
être un peu ministre des finances ; eh bien je l’engage à être encore un peu
plus ministre des finances, je l’engage à peser davantage sur son collègue et à
lui faire sentir que les difficultés d’un emprunt ne sont rien en comparaison
des désastres qu’il s’agit d’empêcher.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs,
l’honorable préopinant m’a accusé d’inaction : j’ai la conscience que ce
reproche n’est pas mérité. Je puis affirmer que je n’ai négligé aucun soin pour
activer l’exécution des travaux dans toutes les parties du pays. Je puis dire
notamment que la route de Visé à Berneau est à la veille d’être mise en
adjudication, et je suis à peu près certain que l’annonce de cette adjudication
paraîtra dans le Moniteur de
demain.
M. Delfosse. - C’est quelque chose ; c’est un commencement.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - J’ai
activé également, de tous mes moyens, la construction de la route de Tongres à
Visé. Mais, messieurs, les affaires éprouvent parfois des retards qui leur sont
inhérents, quelle que soit la diligence qu’on mette à les expédier.
Je puis dire que j’apprécie autant que personne
combien il importe de venir au secours de toutes les populations du pays, par
du travail surtout. Je comprends
que c’est là un des points importants de ma mission, et je puis donner de
nouveau l’assurance que je ne négligerai
aucun soin pour remplir cette mission de la manière la plus complète.
M. Verhaegen. - Messieurs, plusieurs questions nous
sont soumises.
Il en est une de
la plus haute urgence, et sur laquelle nous ne pouvons discuter
longuement : ceux qui ont faim doivent avoir du pain. Ainsi examinons
l’amendement de l’honorable M. Rodenbach, et après que le gouvernement nous
aura fait connaître son opinion sur cet amendement, votons immédiatement sur le
crédit pour les subsistances.
Mais il est un autre point qui se rattache à des
mesures pour l’avenir, à des mesures permanentes. Là il ne s’agit plus
d’aumônes ; il ne s’agit plus d’employer l’argent sans savoir ce qu’on en fera.
A ce point se rattachent des
questions de la plus haute importance qui ont déjà été touchées quelque peu,
telles sont celles du droit au travail, de l’organisation du travail. Ces
questions méritent d’être mûrement examinées.
Je demande donc que nous votions sur la première
partie du projet de loi, que nous la distrayons du projet pour en faire une loi
complète et que la discussion sur l’autre
partie du projet soit renvoyée à demain.
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs,
je regrette de ne pouvoir adhérer à l’amendement de l’honorable M. Rodenbach.
Je crois que nous ne devons pas, du moins pour le moment, voter au-delà du
crédit de 1,500,000 fr., proposé par la section centrale et auquel j’ai donné
mon assentiment par les motifs que j’ai expliqués dans une séance précédente.
Messieurs, il résulte du tableau de l’emploi qui a
été fait du crédit de millions voté l’année dernière, que par suite des mesures
prises par le gouvernement, par les communes et de la part que les particuliers
ont prise à ces mêmes mesures, qu’une somme de 5,418,000 fr. a été dépensée à
raison des circonstances extraordinaires dans lesquelles le pays se trouvait.
(page 293)
Voici, messieurs, dans quelle proportion ces subsides ont été employés :
Province d’Anvers : fr. 321,522 ;
Province de Brabant : fr. 290,737 ;
Province de la Flandre occidentale : fr.
2,355,614
Province de la Flandre orientale : fr.
1,377,341
Province de Hainaut : fr. 222,598 ;
Province de Liège : fr. 388,343 ;
Province du Limbourg : fr. 161,452 ;
Province du Luxembourg : fr. 178,143 ;
Province de Namur : fr. 122,788. »
Voilà, messieurs, ce qui a été employé à la
connaissance du gouvernement, et ici nous ne pouvons faire aucune appréciation
d’une infinité de dons manuels ni de tout ce qui a été donné en dehors des
souscriptions officielles.
De manière que nous pouvons dire, messieurs, que le
chiffre alloué l’année dernière a été énorme à raison de ces circonstances, et
je ne doute nullement qu’il n’en soit de même cette année. Les 300,000 francs
portés au budget pour les chemins vicinaux, ont, en outre, donné lieu à une
dépense de 1,600,000 francs par le concours des provinces, des communes et des
particuliers, et nous aurons encore la même ressource cette année pour les
chemins vicinaux.
Maintenant, messieurs, indépendamment des 1,500,000
francs, des 300,000 fr. pour l’industrie linière, non compris la dépense qui
doit résulter de la constitution d’une société linière, dans laquelle le trésor
interviendra pour une part très large, indépendamment de cela, nous avons
encore les 150,000 fr. pour les irrigations, auxquels la chambre a déjà donné, en
quelque sorte, anticipativement son adhésion. Nous aurons en outre les 350,000
f r. à voter ultérieurement avec la loi sur les défrichements. M. le ministre
des travaux publics vient de nouveau de nous soumettre une demande de crédit de
2 millions à dépenser exclusivement dans les deux Flandres.
Maintenant, messieurs, il faut aussi tenir compte
de la situation du trésor. Le trésor ne peut pas tout prendre à sa charge. Il
faut, surtout en matière de secours, l’intervention des localités,
l’intervention des particuliers.
Veuillez remarquer que si l’on majore imprudemment
le chiffre des 1,500,000 fr., on risque de tarir dans une proportion beaucoup
plus considérable les efforts locaux et les efforts individuels. Oui,
messieurs, je ne crains pas de le dire, l’expérience a prouvé qu’en beaucoup de
matières, lorsque l’on compte trop sur le trésor, on paralyse tous les
efforts locaux, tous les efforts individuels. Vous seriez étonnés, messieurs,
de voir déjà la nature des demandes qui m’ont été adressées depuis la
présentation du projet de loi : il est telle petite commune d’une province
et que je n’ai pas besoin de citer qui a déjà demandé 10,000 fr. de secours ! Vous voyez dans
quelle proportion l’on risque de provoquer des demandes. Vous porteriez 5
millions au budget, que les demandes s’élèveraient dans la même proportion.
L’honorable M. Rodenbach s’est livré à des calculs
; il a dit que 500,000 fr. seraient employés pour les chemins vicinaux et que
300,000 fr. de subsides seraient distribués à d’autres provinces que les
Flandres. Messieurs, nous n’avons pris aucune espèce d’engagement relativement
à la répartition, parce que nous ne pouvons pas la faire d’avance : nous
devrons tenir compte, dans le courant de l’hiver, de l’intensité du mal, de
l’urgence des besoins ; voilà les points dont nous devrons surtout tenir compte
; mais nous mettrons tous nos soins à approfondir la réalité des faits, à
vérifier si les besoins sont tels qu’on nous les expose, à empêcher que des
communes qui n’auraient pas les mêmes titres, obtiennent les mêmes secours.
D’ailleurs, messieurs, si contre notre attente la
situation devenait plus grave et que nous eussions acquis la conviction que les
divers moyens proposés par le gouvernement sont insuffisants, nous regarderions
comme le premier et le plus impérieux devoir de venir demander un supplément de
moyens à la législature. Mais, messieurs, ne mettons pas en avant, dans
l’incertitude où nous sommes encore quant à l’étendue réelle de tous les
besoins, ne mettons pas en avant des moyens trop extraordinaires, n’engageons
pas trop la situation financière.
Messieurs, je ne veux pas rentrer ici dans les
considérations qui ont été présentées sur l’emploi des crédits. Cependant je
dois un mot de réponse à l’honorable M. Orban ; son discours ferait croire que
le subside de 50,000 fr. accordé à la province de Luxembourg, n’a pas amené une
baisse dans le prix des céréales, qu’il aurait été mal employé. Ce subside,
messieurs, a été employé principalement pour agir sur le marché d’Arlon, parce
que c’est le marché régulateur de la province. C’est lui qui détermine en
général les prix des denrées dans toute la province. Cependant on a eu égard
aussi au marché de Bastogne ; mais si l’on n’avait pas porté spécialement son
attention sur le marché d’Arlon, les 50,000 fr., distribués dans la province,
n’auraient produit aucun résultat. C’est, du reste, après en avoir conféré avec
les hommes les plus éclairés et les plus compétents du Luxembourg, que j’ai
soumis à Sa Majesté l’arrêté relatif à ces 50,000 fr. et j’ai lieu de croire
qu’il a produit des résultats très utiles. Ce subside, messieurs, a été accordé
à titre de prêt à la province, de manière que ce qui rentrera cette année
pourra être employé aux mêmes fins. Ceci n’empêche aucunement que de nouveaux
secours soient accordés à cette province ; il est connu qu’il y existe
réellement des besoins particuliers.
Je demande donc que la chambre veuille s’en tenir
exclusivement aux propositions du gouvernement, y compris les 300,000 fr. de majoration auxquels nous
avons adhéré en section centrale, surtout à raison de l’hiver précoce. (Aux voix ! aux voix !)
M. le président. - M. le ministre consent-il à la division
proposée par M. Verhaegen ?
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Tous les
crédits demandés sont également urgents ; celui qui est destiné à l’industrie
linière est urgent parce qu’il faut se hâter de commander les instruments de
travail à distribuer aux ouvriers ; celui qui concerne les irrigations est
urgent parce que c’est du travail immédiat.
- La clôture est demandée.
M. de
Brouckere (sur la clôture). - Messieurs, je m’étais fait
inscrire pour parler dans la discussion générale, et par un sentiment de
discrétion que vous saurez apprécier, je ne me suis, à dessein, fait inscrire
qu’après les députés des Flandres parce qu’il me semblait qu’il fallait leur
laisser l’avantage d’avoir les premiers la parole. Tout à l’heure on a fermé la
discussion générale en disant que nous pourrions parler sur l’article premier et voici que, arrivés à l’article
premier, on demande la clôture
avant qu’aucun orateur n’ait été entendu.
Je trouve moi-même que la loi est urgente,
et il me serait pénible d’en retarder le vote ; mais il me semble cependant que
si quelque orateur voulait parler sur la manière d’employer le subside demandé
pour l’industrie linière, ce temps ne serait pas perdu. Pour moi, par exemple,
je ne comptais parler que d’une chose, de la manière dont il fallait employer
les 300,000 fr. qu’on réclame pour l’industrie linière, parce que, selon moi,
si le gouvernement (et ceci ne s’adresse pas plus aux ministres actuels qu’à
ceux qui les ont précédés), si le gouvernement avait été plus sage et plus
prévoyant, s’il avait donné aux fonctionnaires sous ses ordres des instructions
convenables, on aurait en grande partie prévenu la crise dans laquelle les
Flandres se trouvent aujourd’hui. Je crains une chose, c’est qu’on ne persévère
dans cette voie ; et voulez-vous, messieurs, me permettre une seule observation
? Je tire du discours même de l’honorable M. Desmaisières, que le gouvernement
ne sortira pas encore d’une manière positive et formelle de la voie vicieuse
dans laquelle il se traîne depuis dix ans.
Voilà sur quel point je voulais parler ; du reste,
si la chambre croit que l’urgence soit telle qu’on ne puisse pas remettre la
discussion à demain, je ferai volontiers le sacrifice des observations que je
voulais présenter.
M. le ministre de l’intérieur
(M. de Theux) (sur la clôture).
- Messieurs, je propose à la chambre de voter d’abord sur le n°1° ; si quelques membres désirent ensuite
s’expliquer sur le crédit de 300,000 fr., ils pourront le faire ; je désire
moi-même répondre en quelques mots aux observations qui ont été faites par
l’honorable M. de Brouckere, mais j’attendrai que d’autres orateurs aient parlé.
M. de Foere (sur la clôture). - Messieurs,
j’avais demandé la parole, uniquement pour réclamer la division que M. le
ministre de l’intérieur vient de proposer ; si la chambre adopte cette
proposition, je n’ai plus rien à dire.
M.
Orban (sur la
clôture). - Messieurs, on pourrait clore la discussion sur tous les points.
Quelques orateurs désireraient faire entendre leur opinion sur la question
linière ; mais je crois que l’occasion de la produire pourra se présenter à
l’occasion de la discussion du budget de l’intérieur où se trouve un crédit
affecté à l’industrie linière ; moi-même, j’avais à faire quelques observations
sur cet objet, mais j’ai renoncé à la parole, parce que je me propose
d’entretenir la chambre de cette question, lors de la discussion du budget. (Aux voix ! aux voix !)
M. Sigart (sur la clôture). - Il me semble que la chambre
était tout à l’heure disposée à m’entendre ; est-elle maintenant disposée à
revenir sur son opinion ? (Interruption).
Si l’on ne veut pas m’entendre, il ne fallait pas se livrer à des
accusations contre moi !
Est-ce que j’aurai du moins la permission de faire
insérer mon discours au Moniteur ?
M. le président. - Je le demanderai
tout A l’heure à la chambre ; la
chambre prononcera.
M. Verhaegen (sur la clôture). - Messieurs, on est revenu à la proposition que j’ai faite tout à l’heure et dont on ne voulait pas
d’abord : on veut commencer par voter le n°1 de l’article premier. Comme on a un besoin immédiat de ces
fonds, et que nous ne voulons pas retarder d’une minute la décision de la
chambre, nous sommes tous d’accord ; mais si nous allions discuter le second
numéro, sans que le premier eût déjà force le loi, vous n’arriveriez à aucun résultat ; il faut donc
disjoindre ces numéros.
M. Dumortier (sur la clôture).
- Messieurs, s’il s’agissait ici de voter des moyens permanents, je serais de
l’avis de l’honorable M. Verhaegen ; mais nous ne faisons qu’une loi provisoire,
nécessitée par les circonstances. Or, l’observation qu’a faite tout à l’heure
l’honorable M. Orban, est très juste ; l’industrie linière figure à un poste
permanent au budget de l’intérieur ; ce budget est à l’ordre du jour de demain,
nous pourrons présenter nos
observations à l’occasion de ce
budget, et d’ici là il ne s’écoulera pas un long retard. Mais votons
immédiatement la loi qui est d’une urgence extrême.
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux) (sur la
clôture). - Je persiste à demander que la chambre ne disjoigne pas le crédit de
300,000 fr. demandé pour l’industrie linière ; ces fonds pourront recevoir
immédiatement une application utile. La disjonction que l’on propose ferait
déjà un mauvais effet moral dans les provinces où l’industrie linière est
exercée. (page 294) Je sais très
bien que l’on pourrait faire, à l’égard de ce crédit, l’observations que l’on a
faite à l’égard du crédit concernant les défrichements ; mais alors même
on a senti qu’en présence de besoins si pressants, il ne fallait pas faire de
disjonction. Je demande donc qie la chambre demeure conséquente avec sa
première résolution. (Aux voix ! au
voix !)
- La chambre,
consultée, décide d’abord que M. Sigart est autorisé à faire insérer
dans les Annales parlementaires le
discours qu’il proposait de prononcer aujourd’hui.
Elle ferme ensuite la discussion sur les trois
numéros de l’article premier et sur les amendements qui s’y rapportent.
L’amendement de M. Rodenbach tendant à élever à 2
millions le chiffre du premier
paragraphe de l’article premier est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
Le chiffre de 1,500,000 fr. pour le paragraphe
premier est mis aux voix et adopté.
L’amendement tendant à élever de 300,000 fr. à
600,000 fr. le chiffre du paragraphe 2, est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
Le chiffre
de 300,000 fr. pour le deuxième paragraphe est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Il est
entendu que le chiffre de 150,000 fr précédemment adopté, sur la proposition de
M. Orban, sera porté au troisième
paragraphe (Adhésion.)
M.
Orban. - Il faudrait changer le libellé du dernier
paragraphe de l’article par suite de la décision de la chambre, et dire
« aux irrigations » seulement.
- L’article premier est adopté avec cette
modification.
Articles 2
et 3
« Art. 2. Les crédits formeront les articles
1, 2 et 3 du chap. XXIII du budget de l’exercice 1846. »
- Adopté.
______________
« Art. 3. Ces crédits seront couverts au fur
et à mesure des besoins par une émission de bons du trésor qui sera effectuée
selon les conditions de la loi du 16 février 1833. »
- Adopté.
Article 4
« Art.
4. Les rentrées à opérer sur le fonds spécial déterminé aux articles 2
et 3, pourront être employées aux mêmes fins pendant une période de cinq
années. II sera rendu compte annuellement aux chambre des dépenses et des
recettes, faites tant en vertu de la présente disposition, que des n°2 et 3 de
l’article premier. Il sera rendu un compte spécial avant le 1er janvier 1848,
de l’emploi du crédit mentionné au n°1° du même article. »
M. de Brouckere. - Messieurs,
cet article 4 contient une dérogation aux
principes généraux en matière de comptabilité. Vous savez que du moment
où des fonds sont rentrés dans le trésor public, le gouvernement ne peut plus
en disposer. D’après cet article, il y aurait un caisse spéciale dans laquelle
on placerait ce qui rentrerait de deux des crédits que nous avons votés, et le
gouvernement pourrait, sans aucun mesure de précaution préalable, tirer ces
fonds de cette caisse pour le remettre en circulation, et cela pendant cinq
ans. Voilà le sens de l’article 4. Je le répète, c’est là une dérogation, et une dérogation tout nouvelle à tous
les principes de comptabilité. Je demanderai au gouvernement s’il présentera au
moins quelques mesures, afin de prévenir l’abus qu’une semblable dérogation
pourrait faire naître ; car donner au gouvernement des sommes très fortes avec
la faculté de les dépenser, les faire rentrer
et de les dépenser encore une fois, en un
mot, avec faculté entière et sans contrôle d’en disposer comme bon lui
semble pendant cinq ans, cela me paraît exorbitant. Pourtant, je ne m’oppose
pas à ce que la mesure soit adoptée, mais je voudrais que la loi stipule
quelques garanties, quant aux fonds que nous abandonnons pendant cinq ans à la
disposition du gouvernement ; je voudrais qu’il fût stipulé qu’un receveur
spécial sera chargé de la recette et tenu de donner un cautionnement, qu’une
commission sera chargée de surveiller tout qui concerne ce fonds roulant qui ne
devrait pas être abandonné entièrement à la direction du gouvernement.
Je désire que M. le ministre de l’intérieur veuille
bien s’expliquer.
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - ll est
évident que le gouvernement ne pourra employer de nouveau les deux crédits
portés sous les numéros 2 et 3,
après les avoir employés une première fois, qu’en les appliquant aux mêmes
fins. Voilà la condition essentielle. Il est certain qu’il y aura quelques mesures de régularisation à prendre ;
elles seront prises par un arrêté royal publié au Moniteur.
Je pense maintenant que quand des mesures de
régularisation auront été prises par arrêté royal et publiées par la voie du Moniteur, on aura toute espèce de
garantie pour ce fonds spécial.
Si le gouvernement avait demandé ces deux sommes à
titre de subsides, comme on le fait d’ordinaire au budget, c’eût été au détriment du trésor et de
deux branches de la richesse publique qu’on veut encourager.
En effet, toutes les personnes qui interviendront
dans les propositions à faite au gouvernement en faveur de l’industrie linière
seront les premières à stipuler le remboursement partiel et successif de la
part des individus qui seraient en état de faire ce remboursement, car ce fonds
étant remis de nouveau à la disposition du gouvernement pour encourager
l’industrie linière, on pourra venir en aide à quatre ou cinq personnes au lieu de n’en aider qu’une seule.
Il en est de même
pour les irrigations ; le gouvernement aura intérêt à stipuler la rentrée la
plus immédiate des fonds de première mise alloués pour des irrigations, pour les
employer à d’autres travaux d’irrigation, de manière qu’avec des sommes peu importantes
on peut obtenir de grands résultats. Je crois que ce système est très bien
combiné. J’avoue que c’est un système que j’ai mis en avant, après avoir
réfléchi aux avantages de la mise en usage répétée de la même somme. Le gouvernement
serait engagé à employer ces sommes sans retour, sans remboursement, si vous
n’autorisez le remploi aux mêmes fins. C’est dans l’intérêt du trésor et dans
l’intérêt de l’industrie linière et des irrigations que ce système a été
adopté.
Les mesures d’exécution seront prises par arrêté
royal.
M. de
Brouckere. - Messieurs, vous avez pu remarquer que je n’ai pas
condamné l’article 4. Je ne me suis pas prononcé, j’ai dit qu’il renfermait une
innovation. En effet, je défie qu’on me cite un exemple de latitude aussi
grande donnée au gouvernement.
Ne croyez-vous pas qu’il est parfaitement juste,
sage et logique, que nous prenions au moins quelques mesures de précaution
vis-à-vis du gouvernement ? On me dit qu’un arrêté royal déterminera ces
mesures de précaution. Mais il me semble que c’est à celui qui alloue les fonds
à prendre ces mesures.
Nous avons consacré deux jours à la discussion
générale, je ne le regrette pas, cette discussion générale a été très
intéressante ; mais il est à regretter qu’arrivé à la discussion des articles,
à la discussion pratique, on veuille enlever le vote en un instant. Cet article
4 mérite qu’on y réfléchisse. On demande 300 mille francs pour l’industrie
linière. Comment ces 300 mille francs seront-ils employés ? D’après l’annexe,
voici comment on les emploiera :
« La mesure proposée pour le perfectionnement de
l’industrie linière est le complément de celles qui résultent de la Société d’exportation pour les
produits de cette industrie.
« Les opérations de la Société d’exportation ont pour objet de créer de nouveaux
débouchés à nos toiles, d’en faciliter la vente, de provoquer la fabrication
des tissus de lin de tout genre, soit en fils à la main, soit en fils
mécaniques, tissus unis ou façonnés, écrus ou blanchis qui trouvent un facile
écoulement sur les marchés transatlantiques ; ces opérations ont surtout pour
objet l’organisation du travail. Les mesures pour lesquelles on demande un
crédit de 300,000 francs, ont pour but de faciliter, d’accélérer cette
organisation, cette transformation, si on peut s’exprimer ainsi, d’une méthode
de travail, irrégulière et incompatible avec les nouvelles habitudes du commerce,
en une méthode uniforme et rationnelle qui doit faire de nos toiles une
marchandise courante, susceptible d’un commerce régulier et continu. »
Voilà les explications données par l’annexe. M. le
ministre, dans l’exposé des motifs, donne une explication tout à fait
contraire. Il s’exprime en ces termes :
« Le crédit de 300,000 fr., relatif
au perfectionnement de l’industrie linière, est, en réalité, destiné à soulager
les ouvriers qui ne trouvent point dans cette industrie une rémunération
suffisante de leur travail ; il a pour objet de leur procurer un meilleur
salaire. »
Voilà donc deux manières toutes différentes, toutes
contraires d’expliquer l’emploi des 300,000 fr. ; et ces 300,000 fr., nous les
abandonnons au gouvernement pour en faire une espèce de fonds de roulement,
pendant 5 ans, sans aucun contrôle de la part des chambres !
Cela me paraît tellement exorbitant que je n’hésite
pas à dire lorsque la chambre sera revenue de cette espèce de presse où elle
est aujourd’hui, elle regrettera d’avoir donné au gouvernement toute la
latitude qu’il réclame.
J’ai fait mes observations. Si la chambre désire
voter immédiatement sans discuter des observations d’une aussi haute
importance, j’aurai rempli ce que je regarde comme un devoir de conscience.
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Le
gouvernement n’a ni le moindre désir, ni le moindre intérêt à soustraire cette
partie de la comptabilité au contrôle des chambres. La meilleure preuve, c’est
qu’il propose, à l’article 4, de « rendre compte annuellement aux chambres des
recettes et des dépenses, faites en vertu des numéros 2 et 3 de l’article premier, »
qu’il s’agit de constituer en fonds de roulement.
Mais déterminer les mesures de comptabilité dans une
loi spéciale est chose dangereuse et très difficile.
La meilleure garantie pour la chambre,
c’est que les mesures de comptabilité à prendre en application de cet article
seront déterminées par arrêté royal, et qu’un compte sera rendu annuellement
aux chambres.
De cette manière, il n’y a aucun inconvénient.
S’il était possible d’improviser un système de
comptabilité pour ce crédit, je ne demanderais pas mieux ; car il est plus
commode pour le gouvernement d’avoir une comptabilité dont les règles sont invariablement
posées. Mais il s’agit d’un fonds spécial. Je craindrais qu’une mesure
législative étant prise, sans qu’on ait pu prévoir toutes les circonstances qui
peuvent survenir, on se trouvât arrêté dans l’application de la mesure. Ce ne
peut être l’intention de la chambre.
M. le ministre
des finances (M. Malou). - Je dois expliquer comment la loi en discussion
se lie à la loi de comptabilité. Cette dernière loi non seulement admet des
fonds spéciaux, maïs contient des dispositions qui supposent que de pareils
fonds pourront être constitués.
Ainsi, toute personne chargée du maniement des
deniers publics doit fournir un cautionnement. Voilà un principe qui donne une
garantie.
La généralité des termes de cet article indique
même que la création de fonds spéciaux pourra avoir heu, lorsque la législature
l’aura décidé.
Nous avons emprunté une grande partie de la loi de
comptabilité à la (page 295) loi
française ; et personne n’ignore que, d’après les lois de ce pays, il existe
des fonds spéciaux.
Je n’ai pas sous les yeux les termes de la loi de
comptabilité ; mais je puis garantir à l’honorable membre que, par
l’application des principes de la loi, on pourra donner toute sécurité peur la
gestion du fonds spécial, indépendamment du contrôle réservé à la législature.
Je me félicite que cette discussion se soit élevée,
parce que ce serait une erreur de croire qu’en votant la loi de comptabilité on
se soit interdit de constituer des fonds spéciaux.
- L’article 4 est mis aux voix et adopté.
Article 5
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Je
proposerai d’ajouter un article 5 ainsi conçu :
« Art. 5. La présente loi sera obligatoire le
lendemain de sa publication. »
Vote sur l’ensemble du projet
- La chambre, après avoir décrété l’urgence, adopte
le projet de loi à l’unanimité
des 70 membres présents ; ce sont : MM. Mercier, Nothomb, Orban, Orts,
Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Sigart, Simons, Thienpont, Troye,
Vanden Eynde, Vandensteen, Verhaegen, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Anspach,
Biebuyck, Cans, Castiau, Clep, d’Anethan, David, de Baillet, de Bonne, de
Breyne, de Brouckere, Dedecker, de Foere, de Garcia de la Vega, de Haerne, de
La Coste, Delannoy, Delfosse, d’Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Meer de
Moorsel, de Meester, de Mérode, de Naeyer, de Renesse, de Saegher,
Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, Devaux, de Villegas,
d’Hoffschmidt, d’Huart, Donny, Dubus (Albéric), Dubus (Bernard), Dumortier,
Fallon, Goblet, Henot, Huveners, Jonet, Kervyn, Lejeune, Liedts, Loos, Lys et
Malou.
FIXATION DE L’ORDRE DU JOUR
M. Delfosse. - Messieurs,
nous devions procéder aujourd’hui à la nomination d’un membre de la cour des
comptes et de notre bibliothécaire. Je pense que nous ferions bien de procéder
demain à ces nominations, et de ne commencer que mercredi la discussion du
budget de l’intérieur.
M. le président. - Les
nominations seront à l’ordre du jour de demain. Mais la discussion du budget de
l’intérieur a aussi été fixée à demain.
M. Verhaegen. – Je demande que le budget de l’intérieur
ne soit pas discuté demain. Nous avons pris tout notre temps pour traiter la
question palpitante d’intérêt sur laquelle vous venez de prendre une décision.
II est vrai qu’on a jugé à propos de ne pas nous entendre ; mais il n’en est
pas moins vrai que nous ne nous attendions pas à ce que la discussion du budget
de l’intérieur commençât demain, et que nous n’avons pu nous préparer.
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). -S’il y a
quelques petits projets à mettre à l’ordre du jour de demain, je ne m’oppose
pas à ce que la discussion du budget de l’intérieur soit renvoyée à mercredi.
M. Dumortier. - Je ferai remarquer
que les scrutins pour les deux nominations prendront déjà passablement du temps
; car il est très douteux que ces nominations se fassent toutes deux au premier
tour de scrutin. On pourrait s’occuper de quelques projets peu importants pour
terminer la séance.
Un
membre. - Des naturalisations.
M. Dumortier. – Ah !
je ne suis pas fort pour les naturalisations. (On rit.)
M. Huveners. - On nous a fait
rapport sur un projet relatif à la délimitation de quelques communes du Limbourg
; ce rapport sera distribué ce soir. Nous pourrions nous en occuper demain.
- La chambre met ce projet à l’ordre du jour de
demain.
M.
de Garcia. – Je demanderai, cependant, qu’on mette aussi les
naturalisations à l’ordre du jour de demain. Plusieurs de ces naturalisations
nous sont demandées depuis quatre, cinq et six ans, et la plupart de ces
demandes nous sont faites par des personnes qui occupent des emplois.
M. Dumortier. - C’est un tort.
M.
de Garcia. - Je vous
prie de ne pas m’interrompre. Cette position est fausse ; il faut que la chambre les rejette ou les accepte ; mais on
ne peut laisser plus longtemps ces personnes en suspens.
Je demande donc que les naturalisations soient
mises à l’ordre du jour de demain.
M. Loos. - Il a aussi été fait rapport sur un projet de loi relatif au
transit ; sa discussion ne prendra que peu de temps.
- La chambre décide que ce projet ainsi que les
naturalisations seront mis à l’ordre du jour de demain.
La séance est
levée à 5 heures.