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Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 19 mai 1848 (soir)
Sommaire
1) Projet de loi supprimant le droit de timbre sur les
journaux et les écrits périodiques. Frais de transport des journaux (de Corswarem, Rodenbach, de Corswarem, Frère-Orban, d’Huart, de Mérode, d’Huart), timbre sur les annonces publicitaires (Osy, Delfosse, Rogier,
Lebeau, Rodenbach, d’Huart, de Haerne, d’Elhoungne, de Mérode, Osy, Dechamps, Rogier,
de Mérode), entrée en vigueur (Lejeune)
2) Projet de loi relatif au droit de timbre sur les
effets de commerce (réduction des taux et renforcement des moyens de contrôle
de l’administration fiscale) (Veydt, Manilius,
Osy, Veydt, Mercier,
d’Huart, T’Kint de Naeyer, Veydt, Gilson, Frère-Orban,
Cogels, d’Huart, Rogier, Osy, Mercier,
Cogels, d’Huart, de Haerne, Veydt, Loos,
Frère-Orban, d’Huart, Raikem, Raikem, Frère-Orban, Loos, Osy,
Raikem, d’Elhoungne, Lebeau, d’Elhoungne, Raikem, Osy)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1847-1848)
(Présidence de M. Verhaegen, vice-président.)
(page 1763) La
séance est reprise à 8 heures et demie.
PROJET DE LOI SUPPRIMANT LE DROIT DE TIMBRE SUR LES JOURNAUX ET LES ECRITS PERIODIQUES
M. le président. - Le gouvernement se
rallie-t-il au projet de la section centrale ?
M. le ministre des finances
(M. Veydt). - Le gouvernement s'expliquera sur les articles.
- Personne ne demandant la
parole dans la discussion générale, la chambre passe à la délibération sur les articles.
Discussion des articles
« Art. 1er. L'impôt du
timbre sur les journaux et écrits périodiques est supprimé. »
La section centrale propose
la rédaction suivante :
« Art. 1er. L'impôt du
timbre sur les journaux et écrits périodiques est supprimé.
« Cette suppression ne
sera appliquée aux journaux et écrits périodiques imprimés dans les pays
étrangers, qu'autant que les journaux et écrits périodiques imprimés en
Belgique jouissent de la même exemption dans les pays. »
M. le président. - M. le ministre se
rallie-t-il à cette rédaction ?
M. le ministre des finances
(M. Veydt). - Oui, M. le président.
M. de Corswarem. - Messieurs, au mois de
décembre dernier nous avons adopté une loi qui supprime les frais de port des
journaux et écrits périodiques ; car par cette loi on a réduit à un centime le
droit de transport de tout journal, de quelque dimension qu'il soit.
On nous a dit alors, pour
nous engager à adopter cette suppression, que les journaux payaient encore 5
centimes de droit de timbre, et que ces 5 centimes joints au centime de droit
de port qu'on voulait conserver faisaient un impôt de 6 centimes par journal.
Je ne m'oppose nullement à
ce qu'on supprime aussi le droit de timbre. Cependant je voudrais que le
gouvernement nous expliquât à combien montent les frais de transport de chaque
journal et qu'au moyen du droit de timbre et du prix de transport on compensât
les frais que le transport de chaque journal coûte au gouvernement.
On nous a dit alors que le
transport d'une lettre coûtait de 4 à 5 centimes, mais que le transport d’un
journal ne coûtait pas autant parce que les lettres sont déposées séparément
tandis que les journaux se déposent au bureau de poste souvent par plusieurs
centaines à la fois.
J'admets
que les frais de transport d'un journal ne sont pas aussi élevés que les frais
de transport d'une lettre. Cependant je suis bien convaincu que les frais de
transport d'un journal montent à plus d'un centime. Ainsi, en supprimant tout
droit de timbre quelconque sur les journaux et écrits périodiques et en en
réduisant les frais de transport à un centime, quelle que soit leur dimension,
nous constituons le gouvernement en perte, et cette perte doit être supportée
par ceux des contribuables qui ne lisent pas de journaux.
Il me paraît que ceci n'est
pas juste. Si le gouvernement nous donne l'assurance que les frais de.
transport ne dépassent pas un centime, je me rallie de grand cœur à la
proposition qui nous est faite. Mais si les frais de transport dépassent un
centime, je demande qu'on conserve un droit de timbre assez élevé pour
compenser ces frais.
J'attendrai les
explications qui nous seront données à ce sujet pour me décider sur le vote que
j'émettrai relativement à la loi qui nous est proposée.
M. Rodenbach. - Je répondrai à
l'honorable préopinant, qui paraît vouloir augmenter le prix de transport des
journaux, qu'il est plus que probable que le nombre des journaux augmentera
considérablement, qu'on en expédiera infiniment plus par la poste et que le
centime par journal sera plus que suffisant pour compenser les frais de
transport.
Je lui ferai remarquer
qu'il n'est pas en Belgique une industrie qui paye autant de droits que
l'industrie du journalisme. Cette industrie paye, terme moyen, 14 à 15 fr. par
an pour le timbre. C'est une grande justice de supprimer un pareil droit.
D'ailleurs c'est une nécessité politique ; on le supprime même dans les
gouvernements absolus. Ainsi je pense que nous devons voter à l'unanimité la
proposition qui nous est faite.
Outre
l'impôt du timbre que le journalisme a supporté jusqu'ici, il payé une patente
d'imprimeur, il paye une patente d'éditeur et le droit de poste. Il en résulte
que cette industrie paye au fisc le tiers de ce qu'elle reçoit. Je le demande,
y a-t-il en Belgique une industrie qui paye le tiers de sa recette ?
Il y a plusieurs années que
je réclame la suppression du droit de timbre sur les journaux. Je la réclame de
nouveau de toutes mes forces. Je regrette beaucoup que la section centrale
veuille imposer les annonces. J'attendrai la suite de la discussion pour parler
et voter contre cette proposition, qui sans nul doute sera rejetée.
M. de Corswarem. - Je ne demande nullement
que l'industrie du journalisme soit imposée. Mais je demande que les droits
réunis de timbre et de port suffisent pour couvrir les frais de transport,
parce que je voudrais que ceux qui ne lisent pas les journaux ne soient pas
obligés de payer le port pour ceux qui les lisent. Je demande donc que le
gouvernement nous dise combien coûte le transport d'un journal. Il me paraît
que l'administration doit le savoir, puisqu'elle sait combien coûte le
transport d'une lettre.
Je ne veux pas que le
gouvernement gagne la moindre chose sur les journaux, mais je ne veux pas non
plus qu'il perde la moindre chose. Je veux que le prix de transport compense
les frais.
Avant de nous prononcer sur
le projet de loi, nous devrions connaître les frais de transport d'un journal.
Je persiste à demander que le ministre les fasse connaître.
M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Je ne comprends pas très
bien la question que pose l'honorable préopinant. La poste transporte à des
prix que vous connaissez les lettres et les journaux, les livres et l'argent.
Déduction faite des frais, il y a un bénéfice considérable qui figure au budget
des voies et moyens.
Je ne sais comment je
pourrais rechercher, dans la dépense totale, combien coûte le transport d'un
journal. Comment l'honorable membre veut-il que je fasse un pareil calcul, que
je sache si en transportant au prix d'un centime, la poste fait ou non un
bénéfice ?
J'avoue ne pouvoir donner
d'éclaircissements à l'honorable membre sur ce point-là. Il n'y a pas un compte
séparé pour la recette des journaux et en regard la dépense que ce transport
occasionne. Il y a des dépenses générales, qui seraient les mêmes, ou à très
peu de chose près, soit que le transport des journaux eût lieu ou non par la
poste. En ce sens, il n'y a évidemment pas de perte à opérer le transport des
journaux au prix actuel. En somme, déduction faite de tous les frais, il reste
un bénéfice net donné par les postes et qui figure au budget des voies et
moyens.
M.
d'Huart, rapporteur. - Il importe de ne pas confondre deux choses
distinctes. Nous nous occupons d'une loi sur le timbre, non d'une loi relative
à la poste. Quand nous aborderons la réforme postale, je conçois que
l'honorable M. de Corswarem fasse ce qui dépendra de lui pour que le trésor ne
soit pas en perte pour le transport des journaux. S'il résultait des
explications qui seraient réitérées alors par M. le ministre des travaux
publics, qu'il y a non pas perte, mais bénéfice, l'honorable M. de Corswarem
n'insisterait plus sans doute sur les observations qu'il vient de faire.
Occupons-nous donc exclusivement de l'impôt sur le timbre et ne confondons pas
avec les péages de la poste la loi en discussion, réservant les explications
demandées par l'honorable M. de Corswarem pour le moment où la loi sur la
réforme postale, ajournée dans la séance d'avant-hier, sera à l'ordre ou jour.
M. de Mérode. - Ces observations
seraient très justes, si après avoir diminué un impôt, on pouvait le rétablir
aussi facilement. Mais il n'en est pas ainsi. La réforme postale a déjà été
faite pour les journaux, dont le transport a été fixé à un prix tellement bas
que je suis disposé à croire que le gouvernement est en perte. Il s'agit
maintenant de supprimer l'impôt du timbre des journaux. C'est ainsi que l'on
est obligé de payer des emprunts forcés, ou d'autres contributions, qui ne sont
nullement volontaires, pour affranchir ceux qui veulent lire les journaux, et
qui sont à même de payer cette lecture. Quant à moi, je ne puis consentir à la
suppression de l'impôt du timbre, si je n'ai pas l'assurance que le trésor
public n'est pas en perte, quant au transport des journaux.
Je conçois parfaitement la
liaison que l'honorable M. de Corswarem a établi entre le transport et le
timbre, parce que tout cela concerne la recette à faire sur les journaux et le
remboursement d'un service public.
M. d'Huart. - Je croyais avoir
parfaitement compris le but des observations de M. de Corswarem. L'honorable
membre demande-t-il un changement à la proposition faite par le gouvernement ou
à celle de la section centrale ? Nullement, il ne vous demande pas de maintenir
un droit de timbre. Il ne s'oppose à aucun article du projet. Il se borne à
demander si le droit de poste perçu sur les journaux en couvre les frais de
transport. Je fais observer que cette question serait plutôt à sa place dans la
discussion de la loi sur la réforme postale. C'est alors seulement, en effet,
que l'on serait admis à présenter un amendement quant au droit de poste des
journaux ; car vous ne pouvez confondre le droit de poste avec le droit de timbre.
Les observations de l'honorable M. de Corswarem ont toutefois de l'opportunité
en ce sens que lorsque viendra la discussion sur la réforme postale, M. le
ministre des travaux publics pourra donner tous les renseignements nécessaires.
S'il en résulte que
l'administration des postes n'est pas suffisamment rétribuée, qu'il faut
augmenter le prix du transport, on l'augmentera.
- La discussion est close.
L'article premier du projet
du la section centrale est mis aux voix et adopté.
(page 1764) « Art. 2 (proposé par la section centrale). Il
n'est pas dérogé, par l'article précédent, à la disposition de l'article 5 de
la loi du 21 mars 1839 (Bulletin officiel, n°37). En conséquence, les avis et
annonces qui serai insérés dans les journaux et écrits périodiques seront
soumis au droit de timbre à raison de la dimension de la page qui renfermera
des avis et annonces. »
M. Osy. - L'article 8 de la loi du
21 mars 1839, qui est cité dans cet article, est ainsi conçu :
« Le droit de timbre
des annonces et avis imprimés non destinés à être affichés sera :
« Pour la feuille de 30
décimètres carrés de superficie et au-dessus, de 0-08 c.
« Pour la
demi-feuille, de 0-04 c.
« Pour le quart de
feuille, de 0-02 c.
« Pour le demi-quart,
cartes et autres de plus petite dimension, de 0-01 c. »
Jusqu'à présent cet article n'a été appliqué qu'aux
affiches distribuées en ville. Les journaux n'ont jamais eu à payer ce droit.
Il y a beaucoup de journaux de 30 décimètres qui ont plus de 2 pages
d'annonces, entre autres les journaux de Liège. Ces journaux devront payer le
droit, non pour la demi-feuille, mais pour la feuille entière. Ils payeront
donc 8 centimes au lieu de 5, qu'ils payent aujourd'hui. Je voudrais que l'on
trouvât un autre moyen de remplacer le dégrèvement admis par l'article premier.
Mais, messieurs, voilà une
grande aggravation que vous allez imposer à des journaux qui ne font rien que
des annonces. Ne-serait-il pas beaucoup plus juste que le gouvernement nous
présentât un tarif par ligne, pour les annonces ? Alors ceux qui font insérer
les annonces dans les journaux payeront le droit. Si vous faites payer ce droit
par les journaux, l’abonnement restera aussi cher qu'il l'est maintenant et
alors vous n'atteindrez pas le but que vous avez en vue.
M. Delfosse. - Le gouvernement n'a pas
déclaré s'il se rallie à la proposition de la section centrale.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, le gouvernement ne se rallie pas à la
proposition de la section centrale. Il craint que cette proposition, contre
l'intention de ses auteurs, n'aille directement contre le but même de la loi.
Il craint qu'on ne retire d'une main aux journaux ce qu'on leur accorde de
l'autre.
Messieurs, nos journaux
politiques, et c'est là ce qui fait en grande partie leurs moyens d'existence,
nos journaux politiques sont, pour une grande partie, des journaux d'annonces ;
si vous supprimez le timbre sur les premières pages, consacrées à la politique
et à la littérature, pour les reporter sur les autres pages, consacrées aux
annonces, il est évident que vous vous déplacez matériellement le timbre, mais
que vous frappez l'industrie du journaliste absolument de la même façon.
Nous concevons que la
section centrale ait maintenu l'article 5 de la loi du 21 mars 1839 pour les
affiches qui circulent dans le pays mais qui ne sont pas des journaux. Ces
publications, ces sortes d'affiches continueront à payer le timbre. Ce que nous
voulons affranchir, c'est la presse périodique proprement dite, ayant ou
n'ayant pas de feuille d'annonces.
L'honorable M. Osy vient
proposer d'imposer chacune des annonces d'un droit de timbre. Messieurs- ce
droit de timbre existait autrefois et la loi de 1839 a précisément affranchi
les annonces des journaux du droit de timbre auquel elles étaient assujetties.
Nous ne voulons pas non plus revenir sur ce qui a été fait à cet égard en 1839.
En un mot, messieurs, il s'agit de savoir si nous voulons affranchir la presse
périodique, qu’il y ait des annonces ou qu'il n’y en ait pas, de l'impôt auquel
elle est assujettie aujourd'hui. Nous croyons qu'il faut l'affranchir dans
l'intérêt de l’éducation politique du pays. Nous croyons qu'il faut le faire
dans l'intérêt même de certaines catégories de contribuables. Je m'explique.
Pour
beaucoup d'abonnés aux journaux, messieurs, le journal, on peut le dire, agit
de la même manière qu'agirait un impôt ; pour beaucoup d'abonnés l'abonnement
est obligatoire, notamment pour tous les lieux publics, cafés, estaminets, et
ils sont nombreux dans le pays, l'abonnement aux journaux est un véritable
impôt en ce sens qu'il leur est impossible de s’y soustraire. Eh bien,
messieurs, si vous introduisez une demi-réduction dans le droit dont vous
frappez les journaux, la presse ne diminuera pas ses prix et l'impôt de
l'abonnement continuera de peser sur une grande masse de contribuables qui sont
forcés de prendre des abonnements. Si, au contraire, vous prenez une large
mesure, la presse devra diminuer ses prix sous peine d'être écrasée par la
concurrence des journaux nouveaux, et alors la loi sera tout à l'avantage des
abonnés parmi lesquels, je le répète, il| en est un grand nombre qui doivent se
considérer vis-à-vis des journaux comme de véritables contribuables.
M. Lebeau. - Messieurs, si nous
cédions à l'esprit de localité,, si nous voulions assurer aux journaux de la
capitale une espèce de monopole, nous voterions la proposition de la section
centrale. Il est évident que, seuls peut-être dans tout le pays, les journaux
de Bruxelles ont une clientèle assez étendue pour pouvoir vivre sans annonces,
pour que l'annonce ne soit, chez eux, que l'accessoire et le très mince
accessoire ; mais il suffirait d'être pendant un quart d'heure dans la salle
des conférences et d'examiner les journaux de province qui s'y trouvent, pour
se convaincre que ceux-ci puisent une ressource très considérable dans les
annonces, que pour eux les annonces sont une condition d'existence, à mesure
surtout que le cercle de leur circulation se restreint. Si donc vous voulez
venir en aide aux journaux qui n'en ont pas besoin, ou qui en ont moins besoin
que les autres, si vous voulez tuer la petite presse, qui peut avoir un grand
caractère d'utilité, alors il faut adopter la proposition de la section
centrale ; mais, messieurs, je crois que cette petite presse est en harmonie
avec nos institutions et avec les développements si larges que nos institutions
reçoivent depuis quelque temps ; je crois qu'il faut mettre la presse politique
à la portée de toutes les localités. Je ne crains pas qu'on en abuse, et si
l'on pouvait dire qu'en facilitant la multiplication des journaux on en
augmente les dangers, on ferait le procès à la liberté de la presse elle-même.
Quant à moi, je pense que s'il y a extension de mal, il y aura surtout
extension de bien, et j'ai assez de confiance dans le bon sens du pays pour
être convaincu que plus on propagera les écrits périodiques plus on augmentera
l'éducation politique du pays.
Ensuite, messieurs, ce que
l’on vous propose accuse, je dois le dire, l'ignorance la plus complète des
procédés matériels d'une exploitation de journaux. Et ici, ce n'est un reproche
pour personne ; il est très facile d'ignorer les procédés de la partie
matérielle d'un journal.
Comment, dans la pratique,
pourra-t-on établir, avec une certaine mesure d'équité, le droit de timbre pour
les annonces ? Certain journal de la capitale ou d'une grande ville pourra
livrer toute une page aux annonces ; et dans une petite ville, le journal aura
peut-être deux ou trois annonces, occupant la huitième partie de la dernière
feuille que vous timbrez. Cela est absurde et inique. Ensuite, s'il arrive que
par l'abondance des matières, des nouvelles, le journaliste ait jugé à propos,
dans l'intérêt de ses lecteurs, de remettre les annonces au lendemain, comme le
timbre doit être appliqué d'avance sur la feuille blanche, il en résultera que
le journaliste aura payé le timbre, alors qu'il n'y aura pas une seule annonce.
Cela est encore absurde et inique.
Remarquez bien que, dans ce
système, l'on payera une demi-page, un quart, un huitième, nu seizième de page
comme pour la page entière, sans qu'il y ait moyen de l'éviter.
Si je ne craignais d'abuser
des moments de la chambre, je lui ferais toucher du doigt dix impossibilités de
la même force ; j'en sais quelque chose, parce que je fus du métier.
Les annonces sont en
quelque sorte le remplissage du journal ; on en insère peu ou beaucoup, selon
les matières politiques ou littéraires qui entrent dans la feuille. Cela
n'empêche pas que ce ne soit, pour les journaux des petites localités, une
ressource sans laquelle leur existence serait impossible.
Resterait
un seul moyen, et on l'a essayé, c'est le timbre sur la minute de l'annonce
même. Eh bien, ce procédé, qui paraît au premier abord concilier toutes les
difficultés, a cependant été repoussé par vous à la suite d'une discussion
assez longue. Voici, entre autres motifs, celui qu'on a fait valoir pour amener
l'abrogation de ces dispositions :
Ou a dit que cet impôt
était très inique, parce qu'il était très inégal ; que, par exemple, une pauvre
servante qui fait insérer quelques lignes pour demander une place, payait
autant que le propriétaire qui fait afficher vingt fois l'annonce de la vente
d'une terre considérable.
Voilà des faits qui font
toucher du doigt tout ce qu'il y avait d'inégal, c'est-à-dire d'injuste, dans
le timbre des annonces ; voilà pourquoi l'honorable M. d'Huart, alors ministre
des finances, est venu en proposer la suppression. J'aime à croire que ce ne
sera pas par ses efforts qu'on rétablira une disposition que lui-même avait
jugé ne pouvoir subsister, dans nos lois fiscales.
M. Rodenbach. - Messieurs, je partage
entièrement l'opinion de l'honorable préopinant,, ainsi que celle qui a été
exprimée par l'honorable ministre de l'intérieur. Nous, avons, voté la réforme
électorale pour ainsi dire à l'unanimité. Si nous voulons aller jusqu'au bout,
nous ne devons pas vouloir entraver le développement de la presse. Or, si vous
imposez un timbre aux annonces, vous allez tuer les journaux des chefs-lieux
d'arrondissement et des petites villes. Est-ce là votre intention ?
Nous avons voulu la réforme
électorale sur de larges bases, et comme conséquence, nous devons vouloir que
des feuilles périodiques à bon marché aillent éclairer les électeurs ; vouloir
autre chose, ce serait tomber dans une contradiction..
Nous
devons voter la proposition qui nous est soumise dans l'intérêt même de nos
institutions libérâtes ; vous assurerez ainsi l'instruction politique des
électeurs des petites villes et des campagnes. La presse ne sera vraiment libre
que quand les journaux pourront se débiter à bon marché.
« Mais, dit
l'honorable M. de Mérode, vous supprimez des impôts productifs que vous ne
remplacez pas. »
C'est une erreur ; il y a
ici une large compensation, puisque avec le droit proposé sur les effets de
commerce, vous aurez à peu près un million. Je m'oppose donc de toutes mes forces
à la proposition qui a été faite à ce sujet par la section centrale, et je
voterai dans le sens du gouvernement qui ne veut point imposer les annonces des
journaux.
(page 1765) M.
d'Huart, rapporteur. - Messieurs, quel est le but du projet de loi dont
nous sommes saisis ? C'est de faciliter, autant que possible, l'éducation
politique du peuple ; c'est de répandre partout les discussions, les nouvelles
politiques, c'est, en un mot, de mettre, autant que possible, tous nos
concitoyens au courant de ce qui se fait pour eux dans le corps législatif,
dans l'administration, et de les initier à tout ce qui doit les intéresser.
Eh bien, l'article premier,
qui vient d'être adopté sans discussion, prouve que nous sommes unanimes, pour
atteindre ce but ; les journaux qui contiendront des nouvelles, des discussions
politiques, seront complètement affranchis du droit de timbre, quelle que soit
leur dimension.
Maintenant, que vous
propose la section centrale ? Elle vous propose d'exiger des journaux le droit
de timbre qui est établi sur les annonces, lorsque ces journaux exercent une
industrie faisant concurrence à l'impression des annonces, industrie très
intéressante et qui contribue aux recettes du trésor. La section centrale a cru
qu'il était juste et convenable de soumettre au même droit que celui qui est
établi sur les annonces ordinaires, la partie du journal consacrée au même
objet.
Messieurs, si vous en
agissez autrement, vous décidez virtuellement la suppression du droit de timbre
sur les annonces, et ainsi à la perte annuelle de 500,000 fr. que la
suppression du timbre sur les journaux va occasionner au trésor, à cette
réduction, dis-je, vous ajoutez celle d'une soixantaine de mille francs que
produit aujourd'hui te timbre des annonces autres que celles insérées dans les
journaux. Il est libre au pouvoir législatif de le faire ; mais telle serait la
conséquence inévitable de l'affranchissement du timbre de la partie des
journaux qui comprendraient des annonces ; cela est évident. Les annonces
ordinaires se feraient dorénavant sur du papier non timbré, au moyen d'un
article de quatre lignes de nouvelles placées en tête de l'imprimé, qui ainsi
serait considéré comme un journal affranchi du droit de timbre.
Si vous voulez ajouter
cette nouvelle diminution des ressources de notre budget à celle que je viens
d'indiquer, vous en êtes certainement libres ; mais j'ai dû, en ma qualité de
rapporteur, vous rendre attentifs non seulement sur le résultat financier, mais
sur la concurrence écrasante que les journaux, à l'aidé d'une véritable
industrie, feraient inévitablement à l'industrie des annonces, et fort
intéressante à cause du grand nombre d'ouvriers qui y sont employés.
L'honorable M. Lebeau pense
que la disposition proposée par la section centrale serait favorable aux
journaux des grandes villes, au détriment de ceux des journaux moins répandus.
Je crois que c'est là une erreur ; les journaux des petites villes ont
généralement plus d'annonces que les journaux de la capitale ; en faisant
timbrer à raison d'un centime le quart de la feuille consacrée aux annonces,
ils satisferont à l'impôt ; tandis que dans les grandes villes, les
journaux qui ont peu d'annonces devraient, en raison de leur dimension, payer 2
centimes, et ce sur un bien plus grand nombre d'exemplaires. Il est donc
certain que les grands journaux éprouveraient plutôt un désavantage,
comparativement aux petits.
Si l'amendement était
adopté, voici vraisemblablement comment procéderont les journalistes. Ils ne
feront pas insérer des annonces chaque jour, et ils les réserveront pour ne les
faire paraître qu'une ou deux fois par semaine, et de cette manière le droit
que nous proposons sera bien peu onéreux et n'occasionnera pas non plus une
bien grande gêne, puisque deux fois seulement par semaine une page des journaux
serait soumise à la formalité du timbre.
Je
crois la disposition proposée par la section centrale suffisamment justifiée.
Si vous croyez devoir supprimer à la fois le timbre des annonces et le timbre
des journaux, adoptez le projet du gouvernement. Si vous ne croyez pas pouvoir
faire un sacrifice de 60 mille francs de plus qu'on ne l'avait supposé d'abord,
vous adopterez la proposition de la section centrale.
En appuyant et en adoptant
l'article premier de loi, j'ai témoigné de mes bonnes dispositions pour la
presse, et ce n'est certes pas moi, qui en 1838 ai soumis et fait adopter par
les chambres plusieurs mesures très favorables à la presse, voudrais lui
opposer aujourd'hui rien qui fût de nature à l'entraver dans sa mission, et je
remercie l'honorable M. Lebeau d'avoir bien voulu rendre justice à mes
intentions sous ce rapport.
M. de Haerne. - Je crois avec plusieurs
honorables préopinants qu'on ne peut pas établir de distinction entre l'annonce
et la partie politique et littéraire d'un journal ; si on veut, établir une
séparation, on nuit aux journaux, surtout aux journaux des provinces, aux
petits journaux. Qu'avons-nous voulu par la loi que nous discutons ? Nous avons
voulu répandre les journaux, nous avons voulu favoriser la presse en général,
dans l'intérêt de l'éducation politique de la nation. Si vous timbrez la partie
mercantile du journal, vous n'atteindrez pas le but que vous vous êtes proposé.
Je préférerais qu'on dît franchement qu'on n'accorde pas l'abolition complète
du timbre, plutôt que de venir présenter des demi-mesures qui ne peuvent avoir
d'effet réel.
L'honorable préopinant dit
qu'on supprimera l'industrie des annonces, de celles qui se publient en dehors
des journaux, par l'adoption du projet du gouvernement. Il n'en est rien. .Que
résultera-t-il de la mesure proposée par le gouvernement ? Que les prix
des abonnements diminueront par la concurrence ; le journaliste n'y gagnera
guère, et le prix des annonces, insérées dans les journaux restant le même,
l'industrie des annonces non-insérées dans les journaux restera ce qu'elle est.
Le public y gagnera par
suite de la concurrence qui s'établira entre les journaux de la capitale et les
journaux de province. Il est certain que les petits journaux, les journaux des
villes secondaires, ne pourront pas soutenir la concurrence avec les grandes
feuilles, si vous les soumettez à l'impôt du timbre pour les annonces.
Les journaux se répandent
de plus en plus, il y a même des journaux de village en Flandre. Les petits
journaux, qui sont très utiles pour la défense des intérêts locaux, ne
pourraient exister sans les annonces, car pour ces journaux-là, l’annonce est
la partie principale. C’est par l’annonce qu’ils vivent, et c’est par la partie
politique qu’il attirent l’attention sur les annonces. Celles-ci passent en
quelque sorte sous le couvert de la politique.
On vous a dit que le
système de la section centrale n'offrait pas un avantage pour les journaux de
la capitale, parce qu'à raison de leur dimension ils payeront un timbre plus
élevé que les journaux de petit format ne payeraient pour un même nombre
d'annonces. J'ai déjà fait remarquer qu'il faut distinguer entre les journaux
de la capitale et ceux de province. J'ai dit que, pour les journaux des petites
localités, l'annonce était l'essentiel tandis que pour ceux de la capitale,
c'est l'accessoire ; en effet, les journaux de la capitale ou des grandes
villes offrent surtout de l'intérêt par la partie politique, littéraire et
scientifique ; l'annonce n'est que l'accessoire, et, sous ce rapport, le
raisonnement de l'honorable préopinant n'est pas fondé.
Si l'annonce est
l'accessoire, le timbre n'a pas cette portée dans les journaux de grand format
; le timbre ne les frappe pas au même point. Donc, vous les favorisez au
détriment des journaux secondaires qui ont déjà de la peine à faire leurs frais
et qui, comme je viens de le dire, offrent un grand avantage en éclairant
l'opinion sur les intérêts locaux. Ce sont des rayons épars qui se réunissent
dans un foyer commun, la grande presse.
Je
reviens au côté moral du projet ; il a pour objet d’étendre les
connaissances littéraires, scientifiques et politiques ; ensuite il a un
autre but ; c'est en raison des circonstances dans lesquelles se trouvent le
pays et un pays voisin que la mesure a été proposée d'une manière aussi
radicale ; on a voulu donner satisfaction à l'esprit public, d'est une loi
politique. On a voulu soutenir la comparaison de la Belgique libérale avec un
pays qui annonce de le devenir et qui a commencé par l'abolition du timbre des
journaux. Si vous lésinez, vous ne donnerez pas au pays la satisfaction qu'il
attend et vous manquerez le but. D'après ces considérations, je me rallie au
projet du gouvernement.
(page
1788) M.
d'Elhoungne. - Nous sommes tous d'accord sur le but que la loi doit
atteindre, sur la nécessité impérieuse qui l'a dictée. Le jour où vous avez
voté la réforme électorale, le, jour où vous avez dépassé peut-être la capacité
politique de certaines classes d'électeurs, il est devenu d'une impérieuse
nécessité de favoriser par tous les moyens la diffusion des idées et des
connaissances politiques. C'est là un devoir que la législature actuelle aura à
remplir ; et, comme je l'ai dit dans une précédente discussion, un autre devoir
restera à la prochaine législature, ce sera d'augmenter largement, très
largement, la dotation de l'enseignement populaire, de l'organiser dans des
proportions bien autrement grande» qu'il ne l’est aujourd'hui, au point de vue
de l'enseignement primaire proprement dit, comme de l'instruction agricole et
professionnelle.
Ce sont là, en effet, les corollaires nécessaires, logiques de la
réforme électorale que nous avons votée ; en élargissant la base de nos
institutions politiques, nous avons assumé le devoir de pourvoir aux besoins
intellectuels et moraux avec une-sollicitude et une énergie nouvelle.
M.
de Mérode. - Avec quoi payera-t-on ?
M. d'Elhoungne. - Avec des économies
d'abord, et ensuite avec des impôts prélevés sur ceux qui savent payer..
Et. je pense que ceux qui savent payer l'impôt devraient applaudir les
premiers à cet emploi des ressources publiques. Répandre l'instruction,
l'enseignement dans les masses, n'est-ce pas le premier devoir du gouvernement
et des chambres ? N'est-ce pas le meilleur calcul de ceux qui possèdent afin de
se prémunir contre les égarements de ceux qui ne possèdent pas ?
J'aime à croire que l'honorable M. de Mérode, éclairé et philanthrope
comme il l’est, ne méconnaîtra pas cette vérité.
M.
de Mérode. - C'est pour cela qu'il faut de l'argent.
M.
d'Elhoungne. - On en fera. La question d'argent n’est pas
tout ici ; et j'ajouterai qu'il serait profondément regrettable, lorsqu'une
voix s’élève dans cette enceinte pour établir la nécessité de pourvoir à
l'instruction du peuple, que ces paroles rencontrassent une contradiction de la
part de l'honorable M. de Mérode.
M.
de Mérode. - Ne dénaturez pas mes paroles.
M.
d'Elhoungne. - Ce n'est pas au sujet de l'instruction du peuple
qu'il faut s'arrêter devant des questions d'économie. Quand il n'y a pas
d'argent pour cette grande et féconde destination, il faut en trouver ; c'est
notre devoir, toute comme quand il s'agit des autres besoins du pays, de
l'honneur national, de la sécurité intérieure, du crédit public. Dans ces
circonstances, il y a une suprême loi, une nécessité de salut (page 1789) public qui domine toutes les
autres considérations. Il faut trouver l'argent, créer les ressources
financières, n’importe par quels moyens, mais sans aggraver le sort de ceux-là
mêmes qu’il s’agit d’émanciper intellectuellement.
M.
de Mérode. - Quand il faut les voter, vous vous abstenez.
M.
d'Elhoungne. - Je me suis en effet abstenu sur la question
de l'emprunt forcé, mais pourquoi ? Ce n'est pas parce que je méconnaissais la
réalité des besoins : je les ai plus largement, plus complétement appréciés
peut-être que le gouvernement. Ce n'est pas non plus parce que je reculais
devant les sacrifices qu'il fallait pour faire, face à ces besoins : j'ai
déclaré que j'étais prêt à subir ces sacrifices ; mais je me suis abstenu parce
que le ministère avait posé la question de cabinet. Or, si je trouvais
l'emprunt forcé un mauvais procédé pour combler le vide du trésor, je trouvais
non moins d'inconvénients a provoquer une crise ministérielle. C'est fort clair
! Je n'ai manqué, ce me semble, ni de courage ni de logique.
Je ne voyais pas sur nos bancs, à nous libéraux, les éléments pour
former un nouveau ministère ; et, pas plus probablement que l'honorable M. de
Mérode, je n'aurais voulu contribuer à renverser le cabinet actuel, pour ramener an ministère
catholique qui eût précipité le pays au-devant d’une révolution.
Plusieurs
membres. - Ce n'est pas la question.
M.
d'Elhoungne. - C'est la question ; car je réponds à
l'honorable M. de Mérode, qui me reproche de m’être abstenu quand il s’est agi
de voter les ressources demandées par le gouvernement. Or, j'ai dit dans ce
débat que je voterais un impôt plutôt qu'un emprunt. J'étais donc prêt à voter
les ressources. Je n'étais pas d'accord avec le gouvernement sur les moyens
financiers à employer, mais j'étais d'accord avec lui sur les besoins. J'allais
même plus loin que le gouvernement, puisque j'étais prêt à voter les ressources
à titre d'impôt. Mais je ne voulais pas
renverser un cabinet, ni même voter contre un cabinet, quand les éléments
manquaient à la formation d'un cabinet nouveau.
Je reviens à la loi en discussion. Je dis qu'on semble d’accord sur la
nécessité de réaliser le but que la loi se propose. L'honorable rapporteur de
la section centrale s'est seul levé jusqu'ici pour soutenir l'article 2 du
projet. Cet article 2 est en contradiction flagrante avec l'article premier.
Ainsi que M. le ministre de l'intérieur l’a déclaré, c'est retirer d'une main
ce qu'on donne de l'autre. C'est d'une part déclarer la presse périodique
affranchie du droit de timbre et d’autre parti lui imposer un autre plus onéreux.
Vainement l'honorable M. d'Huart a-t-il répondu qu'on ne frappe
pas la partie politique des journaux ; qu'on ne s'adresse qu'à la partie
mercantile, à la spécialité des annonces. Car, ainsi que d'honorables
préopinants vous l'ont dit, enlever les annonces à la presse périodique, c'est
durement la frapper. Il n'y a qu'un ou deux journaux de la capitale qui
puissent subsister sans les annonces. Toute la presse de province périrait si
vous lui enleviez la ressource des annonces. C'est un fait que tout le monde
peut apprécier et connaître.
L'honorable M. d'Huart dit : Les journaux pourront insérer les annonces
par intervalles au lieu de tous les jours ; par exemple, une ou deux fois par semaine,
lorsqu'on pourra en remplir une feuille timbrée. En fait, cette observation
n'est pas fondée ; la plupart des annonces ont un caractère d'urgence ; elles
naissent précisément du besoin urgent qu'éprouve celui qui fait l'annonce de
faire connaître immédiatement ses offres ou ses demandes au public. Il en
résultera que les annonces iront au journal qui pourra s'imposer le sacrifice
d'y consacrer tous les jours une feuille entière.
Vous créerez ainsi un monopole pour un ou deux journaux. Vous empêcherez
la création de nouveaux journaux, vous étoufferez ceux qui existent déjà.
Maintenant, il est si vrai que l’article 2 est en contradiction avec
l’article premier, que non seulement il établit pour les annonces un timbre
équivalent à celui que l’article premier supprime, mais que même il établit un
droit de timbre plus élevé. Vous n’avez qu’à jeter les yeux sur la loi du 21
mars 1839 ; vous y verrez que le timbre des journaux est fixé à 4 cent.
pour chaque feuille au-dessus de 25 décimètres carrés jusqu'à 32 centimètres
inclus (article 2), et que le droit de timbre des annonces et avis imprimés non
destinés à être affichés est de 8 cent. pour la feuille de 32 décimètres carrés
de superficie et au-dessus (article 5). Donc c'est le double. Donc, pour le même
format vous avez un droit de 8 centimes au lieu de 4. Donc au lieu de dégrever
la presse, vous la frappez d'un droit plus onéreux que celui supprimé par
l'article premier.
Vous augmentez le droit et vous maintenez toutes les entraves du
timbrage : l'obligation de faire transporter les feuilles au bureau ; la perte
des feuilles déchirées, salies, etc., etc., en un mot tous ces désagréments qui
ne sont pas les moins lourdes des charges qui pèsent sur l'industrie de la
presse.
Enfin vous admettez un système véritablement absurde dans ses résultats,
permettez-moi de le dire : vous inscrivez un principe dans la loi ; vous ne
l'organisez pas ; vous ne réglez aucun détail d'exécution ; et cependant il
s'agit d'une loi fiscale où le gouvernement ne peut rien ajouter, où tout doit
être réglé par la loi.
Je suppose un journal, par exemple, auquel on apporte une annonce ; il
devra donc faire timbrer pour cette seule annonce tout son tirage du jour. Il
payera donc le timbre sur toute l'édition du journal pour une seule annonce.
Un honorable membre me transmet la note suivantes
; permettez-moi, messieurs, de la lire :
« Je suppose un journal tiré à 2,000 exemplaires, ayant le format de 32
décimètres carrés et soumis, par conséquent, quand il contient des annonces, au
timbre de 4 cent., soit 40 fr. pour tout le tirage. Je suppose que l'on apporte
à ce journal une seule annonce ainsi conçue : « M. le curé a perdu son chien,
bonne récompense à celui qui le ramènera au presbytère. ». C'est une annonce
qui vaut un franc. Eh bien, elle coûtera 40 fr. au journal qui l'insérera. »
Peut-on appeler cela affranchir du timbre l'industrie des journaux ? (Hilarité générale.)
Vous voyez qu'il est impossible
d'admettre un pareil système, et que l'article 2 est en contradiction ouverte
avec l'article premier. J'en demande le rejet.
(page 1765) M. Osy. - je veux franchement l'article premier. C'est pour
cela que j'ai appelé l'attention de l'assemblée sur ce point que la disposition
de l'article premier est détruite par la disposition de l'article. 2. Le droit
est même aggravé. Si l'on veut faire payer autant que par le passé, mais en
donnant au droit une nouvelle base, la loi est inutile. Si l'on veut faire
payer plus, je ne veux pas de la loi.
Je crois qu'il faudrait
supprimer l’article 2. Quant à moi, je voterai contre.
Plusieurs membres. - La clôture !
M. Dechamps. - Messieurs, je
renoncerai à la parole. J'avais l'intention de parler dans le même sens que l'honorable
M. d'Elhoungne, et il a dit à peu près tout ce que j’avais l'intention de dire.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Nous ne pouvons laisser
sans réponse l'interprétation donnée par l'honorable M. d’Huart, interprétation
qui tire un caractère de gravité de la qualité d'ancien ministre de l'honorable
rapporteur.
L'honorable M. d'Huart
pense que si nous supprimons l'article 2, nous supprimons le timbre sur toutes
les affiches et annonces. Il n'en est rien : les affiches qui circulent pour
les concerts, pour les théâtres, pour les marchands, continueront à être
assujetties au timbre. Il ne sera pas possible de confondre dans la pratique de
pareilles annonces avec une feuille périodique.
Dès lors toutes ces
annonces isolées qui sont distribuées dans le public ou affichées continueront
à être assujetties au timbre.
Ce n'est pas que je veuille
défendre en principe ce timbre appliqué aux annonces ; je crois que si nous
pouvions le supprimer, nous rendrions un grand service aux industries et
notamment à l'industrie des imprimeurs. C'est encore une gêne ; mais nous ne
pouvons malheureusement supprimer toutes les gênes qui pèsent sur les
contribuables.
M. de Mérode. - Messieurs, tantôt par une
raison, tantôt par une autre, on supprime les recettes du trésor public, et
précisément les recettes que les contribuables payent sans que le percepteur
vienne fouiller dans leur bourse par la contrainte.
Il y a des journaux qui ont
beaucoup plus d’annonces que d’autres, et qui ne sont pas pour cela ceux dont
la rédaction est la plus instructive et la plus sérieuse.
Quand on parle de presse,
il semble qu’il n’y en ait pas d’autres que les journaux ; cependant la
presse la plus véritablement instructive, celle des livres dans lesquels on
peut apprendre plus et mieux que dans les feuilles volantes qui se contredisent
très souvent d’un jour à l’autre, ne paye rien, et en Belgique les droits de la
plupart des auteurs ne chargeant pas les libraires, ceux-ci donnent les volumes
à très bon compte.
Je le répète, messieurs, je
préfère les impôts libres aux impôts forcés, et quel que soit l’entraînement
vers la popularité qui pousse à (page
1766) supprimer les recettes de l'Etat sur les journaux, je ne puis y
renoncer dans la situation actuelle de nos finances.
- La clôture de la
discussion est demandée et prononcée.
L'article 2 proposé par la
section centrale est mis aux voix et rejeté.
Article 3
« Art. 3. La présente loi
sera exécutoire le lendemain du jour de sa publication au Moniteur. »
M. Lejeune. - Je propose de substituer
le mot « obligatoire » au mot « exécutoire », parce que les
lois, du moment où elles sont publiées, sont exécutoires sans être pour cela
obligatoires.
- L'article 3 ainsi modifié est mis aux voix et
adopté.
Vote sur l’ensemble du projet
Il est procédé au vote par
appel nominal sur l'ensemble du projet.
73 membres sont présents.
65 adoptent.
8 rejettent.
Ont voté l'adoption : MM.
d'Anethan, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bonne, de Breyne, de
Brouckere, Dechamps, de Haerne, Delfosse, d'Elhoungne, Desaive, de Sécus, de
Terbecq, de Theux, de Tornaco, de T'Serclaes, de Villegas, d'Hane, d'Huart,
Dumont, Duroy de Blicquy, Faignart, Fallon, Frère-Orban, Gilson, Herry-Vispoel,
Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Maertens, Malou, Manilius,
Mast de Vries, Mercier, Moreau, Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Raikem, Rodenbach,
Rogier, Rousselle, Sigart, Tielemans, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Troye,
Vanden Eynde, Vandensteen, Van Huffel, Van Renynghe, Verhaegen, Veydt, Vilain
XIIII, Wallaert, Brabant, Bruneau, Cans et Clep.
Ont voté le rejet : MM. de Clippele,
de Corswarem, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode, Huveners, Orban et
Thienpont.
PROJET DE LOI RELATIF AU DROIT DE TIMBRE SUR LES EFFETS DE COMMERCE
Discussion générale
M. le président. - Le gouvernement se
rallie-t-il au projet de la section centrale ?
M. le ministre des finances
(M. Veydt). - Messieurs, le gouvernement et la section centrale
sont parfaitement d'accord sur le but du projet de loi, la convenance et la
nécessité de faire produire au droit de timbre des effets de commerce, tout ce
qu'il doit légalement produire. Aujourd'hui le plus grand nombre, la presque
totalité de ces effets circulent sans être sur papier timbré.
Le gouvernement a pensé que
le meilleur moyen d'éviter que la loi continue à être ainsi violée, ce qui,
abstraction de la perte pour le trésor, est une chose très regrettable, c'est
de déclarer nuls les effets écrits sur papier libre.
Comme vous l'avez vu dans
le rapport de l'honorable M. d'Huart, la section centrale a examiné et discuté
cette question de savoir quel est le meilleur moyen d'atteindre le but, et,
après en avoir délibéré, elle a écarté, par 4 voix contre 3, le mode proposé
par le gouvernement, qui est d'attacher à l'emploi du timbre la condition
substantielle de la validité des effets négociables.
Je persiste à regarder
cette mesure comme bonne et efficace, et, suivant moi, elle n'est en aucune
façon entachée d'immoralité, et elle n'aurait pas été l'objet de plus vives objections
que celles qui attendent peut-être l'ensemble des mesures proposées par la
section centrale ; toutefois, pour ne pas engager une longue discussion sur ce
point, ce qui, en ce moment, conduirait à l'ajournement du projet, le
gouvernement est disposé à se rallier aux amendements de la section centrale.
On a dit tout à l'heure,
que le projet sur la suppression du droit de timbre des journaux produirait un
déficit considérable dans les recettes de l'Etat ; cela est vrai, et je crois
aussi que, par suite de la progression successive de cette recette, elle était
bien près d'atteindre le chiffre de 500,000 fr. ; mais, messieurs, lorsque nous
avons présenté ce projet de loi, nous l'avons accompagné de celui qui est
maintenant en discussion et si les mesures répressives de la fraude, telles
qu'elles sont modifiées par la section centrale, sont efficaces, elles
suffiront pour couvrir et le déficit résultant de la loi relative au droit de
timbre des journaux et celui qui résultera momentanément de la réforme postale
proposée par M. le ministre des travaux publics.
Je
pense même qu'il y aura un excédant à la condition, je le répète, que les
nouvelles mesures soient efficaces. C'est donc cette efficacité qui doit être
l'objet spécial, je dirai mieux exclusif du projet de loi. Son caractère est
d'être obstatif à la fraude, à cette fraude qui est devenue la règle en matière
de timbre des effets de commerce, personne ne le nie, et qui conduit à cette
conséquence fâcheuse qu'une traite, qui est conforme à la loi parce qu'elle a
été créée sur papier timbré, est frappée de suspicion ; on craint qu'elle ne
sera pas payée. Il faut faire cesser cette impression défavorable ; il faut
assurer au trésor l'impôt que le législateur a entendu lui assurer.
On nous rendra la justice
de reconnaître qu'en venant proposer deux lois qui sont de nature à réduire les
recettes, nous avons rempli notre devoir d'apporter en même temps la
compensation, en faisant cesser la cause des pertes, que l'état actuel de la
législation sur le timbre n'a pas pu prévenir.
M. Manilius. - Messieurs, je dois
déclarer, comme membre de la section centrale, que je n'ai pu admettre tous les
amendements qu'elle a proposés et auxquels le gouvernement vient de se rallier.
Je suis très disposé appuyer des mesures tendant à ce que le papier timbré soit
employé pour les billets à ordre et les billets de circulation ; mais lorsque
nous venons de porter une loi très libérale comme celle qui a été votée il y a
un instant, je désire aussi que les lois fiscales conservent autant que
possible un caractère de libéralité. Ce sont notamment les articles 5 et 6 que
je désapprouve, et je déclare formellement que si ces articles devaient obtenir
l'assentiment de la chambre je serais forcé de voter contre la loi.
J'espère que le
gouvernement qui vient de prononcer des paroles si favorables à l'industrie de
la presse, qui a si bien apprécié la gêne où se trouvait cette industrie,
comprendra aussi que le commerce ne doit pas être soumis à la gêne que des lois
aussi fiscales feraient peser sur lui.
Je le répète, si les
articles 5 et 6 sont maintenus, je repousserai la loi par un vote négatif.
M. Osy. - Messieurs, j'ai voté
avec plaisir le premier projet de loi, mais je vois avec peine qu'on veut faire
peser entièrement sur le commerce le grand dégrèvement que nous avons accordé à
la presse. Je trouve, messieurs, dans l'article 3 la plus grande injustice que
nous puissions commettre. Avant 1839 celui qui avait créé un effet sur papier libre,
était seul soumis à l'amende. En 1839 nous avons étendu l'amende au premier
endosseur ou à l'accepteur. J'ai trouvé cette mesure très juste parce que l'on
peut refuser d'accepter ou de recevoir un effet sur papier libre lorsqu'il n'a
pas encore circulé ; mais lorsque l'effet a circulé pendant deux ou trois mois,
lorsqu'il a déjà reçu 5 ou 6 signatures et qu'il est envoyé en recouvrement
quelques jours avant l'échéance, que peut faire celui à qui il est adressé ? Le
refuser ? Recourir à tous les endosseurs et leur dire : Il faut un effet sur
timbre ? Mais, messieurs, c'est impossible, et cependant d'après le projet, si
j'ai mis mon acquit sur cet effet j'encourrai l'amende, moi le dernier
signataire qui ne suis coupable en rien, qui ne pouvais pas refuser l'effet,
sans compromettre les intérêts, peut-être, de celui qui me l'envoyait.
Messieurs,
je suis ennemi juré de toute fraude, je voudrais qu'on trouvât un moyen pour
qu'il n'y eût plus un seul effet non timbré en circulation, pour que tous les
effets soient faits sur papier timbré, aussi bien ceux qui sont faits à
l'étranger que ceux qui sont faits dans le pays. Si j'avais trouvé ce moyen, je
me serais empressé de l'indiquer ; mais je l'ai cherché en vain, car enfin, si
un effet est tiré de la Belgique sur l'étranger, ou bien de l'étranger sur la
Belgique, il ne paye pas le timbre, personne ne fait timbrer, et c'est une
véritable fraude, mais le moyen d'y pourvoir, je ne le trouve pas.
Je serai forcé de voter
contre la loi, si on ne parvient pas à changer l'article 3.
Maintenant, quant à
l'article 5, comme l'a fort bien dit l'honorable M. Manilius, l'exécution de
cet article donnera lieu à une véritable inquisition. Il est impossible que,
dans un pays régi par des institutions aussi libérales que la Belgique, on
adopte l'article 3 et l'article 5 du projet de loi.
M.
le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, il n'est pas
exact qu'il y ait aggravation de charge pour le commerce, il y a, au contraire,
dégrèvement à son profit. L'article premier du projet de loi réduit le droit
pour les effets négociables inférieurs à mille francs et à partir de cette
somme, le droit sera de un demi par mille, soit cinquante centimes par mille
francs, au lieu de soixante centimes, qu'impose la loi de 1839.
Quel est le but du projet
de loi en discussion ? C'est d'établir en faveur du trésor une compensation
pour deux avantages, à son détriment, qui sont faits au commerce. Certainement
que la fixation du port des lettres à 20 centimes, comme maximum, sera
principalement au profit du commerce ; la suppression du droit de timbre sur
les journaux ne lui est pas indifférente ; car quel est le négociant qui ne
soit pas obligé de s'abonner à un ou deux journaux du pays ? Or, messieurs, il
n'est pas possible que le ministère songeât à faire passer de pareilles
dispositions dans la législation, quelle que soit leur opportunité, sans mettre
à côté des moyens d'assurer au trésor des recettes au moins équivalentes. Dans
des temps ordinaires nous en eussions agi ainsi ; à plus forte raison,
fallait-il le faire dans les circonstances présentes. Le commerce n'est pas
fondé à se plaindre. Il recevra une ample compensation et de plus il payera
moins pour les effets qu'il crée ; mais, je l'espère, il payera.
M.
Mercier. - Messieurs, les observations pleines de justesse
faites par l'honorable S. de Mérode, constatent de nouveau ce fait, que, sous
un prétexte ou sous un autre, on trouve toujours moyen de refuser les augmentations
d'impôts. Mais ici il n'y a pas augmentation, il y a dégrèvement ; mais ce
qu'on ne veut pas accorder, c'est le moyen d'assurer la recette au trésor. On
parle de vexations ; mais il n'y aura pas de vexations si l'on se soumet à la
loi.
L'honorable M. Osy dit que
le dernier endosseur payera l'amende. Quand on saura que la loi doit être
exécutée rigoureusement, que tous les endosseurs du billet doivent acquitter le
droit du timbre et de l'amende, on se gardera d'écrire encore des effets sur
des papiers non timbrés.
Si l'on n'adopte pas cette
mesure, on n'aura pas de moyens coercitifs pour exécuter la loi, et l'on n'aura
pas le produit que l'on a en vue.
M. d'Huart, rapporteur. - Messieurs, il me semble
que lorsque le pouvoir législatif stipule une obligation à la charge des
citoyens, il faut que cette obligation soit remplie et que force reste à la
loi.
Maintenant devons-nous
avoir pitié de ceux qui contreviendront à la loi ? Je ne le pense pas ; tous
ceux qui participent à la fraude, n'importe à quel degré, sont également
coupables. Ainsi, le quatrième ou le cinquième endosseur est aussi coupable que
le second ou le troisième, (page 1767)
attendu qu'il dépend de lui de prévenir l'amende, en soumettant le billet à la
formalité du timbre.
- La discussion générale
est close.
Discussion des articles
On passe aux articles.
« Art. 1er. Le droit de timbre des effets
négociables ou de commerce, des billets et obligations non négociables et des
mandats à terme ou de place en place, est fixé :
« Pour ceux de deux
cents francs (fr. 200) et au-dessous, à 0 fr. 10.
« Pour ceux de plus de
deux cents francs jusqu'à cinq cents francs (fr. 500), à 0 fr. 25
« Pour ceux de plus de
cinq cents francs jusqu'à mille francs (fr. 1,000), à 0 fr. 50
« Pour ceux au-dessus
de mille francs jusqu'à deux mille francs, (fr. 2,000) inclusivement, à 1 fr.
« Et ainsi de suite à
raison de cinquante centimes par mille francs, sans fraction »
M. T’Kint de Naeyer. - Je crois qu'il eût été
préférable d'ajourner la discussion d'une loi qui atteindra vivement le
commerce et l'industrie. Puisque la chambre en décide autrement, je ferai
observer que le meilleur moyen de rendre les droits sur le timbre réellement
productifs serait de les réduire au point de ne plus laisser le moindre appât à
la fraude.
Les réductions proposées
sont trop peu importantes pour faire cesser les abus que l'on veut réprimer ;
je crois que ces abus continueront à exister sous le nouveau régime aussi bien
que sous l'ancien.
Je ne crains pas de prédire
que l'Etat ne trouvera pas l'augmentation de recette sur laquelle il semble
compter. Je proposerai donc, messieurs, de réduire le droit à 10 centimes pour
les effets en dessous de 500 francs et à 25 centimes pour les effets de 500 à
1,000 francs, avec augmentation de 25 centimes par chaque mille francs.
L'expérience a démontré
qu'en matière d'impôts les réductions sont souvent plus productives que les
aggravations. La réforme postale en Angleterre en fournit un exemple frappant.
M.
le ministre des finances (M. Veydt). - Ne perdons pas de vue,
messieurs, que l'article premier consacre une réduction d’un sixième sur le
droit actuel. Je ne pense pas que les circonstances soient favorables, pour que
nous allions plus loin en ce moment. Je n'ai pas la même confiance dans l’effet
d'une réduction plus large sur la rentrée de l'impôt du timbre. Ici l'opinion
que les diminutions de droits sont plus productives que les aggravations
pourrait fort bien être en défaut ; il faudrait probablement descendre
extrêmement bas pour enlever tout appât à la fraude, s'il n'y a pas d'autre
frein. L'adoption de l'amendement annoncé aurait donc pour résultat probable
d'annuler la compensation que nous cherchons. Il est prudent d'attendre que
l'habitude de l'emploi du papier timbré dans les cas où il est prescrit soit
devenue la règle au lieu de la rare exception qu'il est à présent, avant de
s'occuper d'un dégrèvement plus fort, surtout, je le répète, dans les
circonstances actuelles.
Je conclus au maintien de
l'article premier, tel qu'il est adopté par la section centrale. (Aux voix ! aux voix !)
M. le président. - La parole est à M.
Gilson.
Des voix nombreuses. - La clôture !
M. Gilson. - Je n'occuperai la
chambre, que pendant deux minutes. J'appuierai la proposition de l'honorable M.
T'Kint de Nayer. Ces effets, à l'intérieur du pays, sont très nombreux.
Si vous voulez atteindre le
but, vous ne pouvez pas trop abaisser le taux du timbre, parce que, sans cela,
quoi que vous fassiez, il y aura fraude. La fraude sera d'autant plus
considérable que le taux sera plus élevé. Les petites sommes sont les plus
nombreuses ; si vous ne mettez pas le timbre très bas elles vous échapperont
toutes, tandis qu'elles vous rapporteront beaucoup si le timbre est minime.
J'appuie donc la proposition de M. T'Kint. Aujourd'hui il n'est pas un seul des
petits effets de commerce qui soit timbré. (Interruption.)
Je sais que la loi impose l'obligation qu'ils le soient, mais si la loi était
exécutée, vous ne chercheriez pas à lui donner une sanction plus forte.
Messieurs, ne frappez pas
le commerce au moment où vous venez de dégrever une industrie, quelque
respectable qu'elle soit.
M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - J'ai demandé la parole
pour faire une seule observation en réponse à l'honorable M. Gilson. L'honorable
membre paraît avoir l'intention de combattre le projet de loi et s'écrie qu'il
ne faut pas frapper le commerce tandis qu'on dégrève d'autres industries. En
vérité ces paroles sont étranges en face d'une proposition du gouvernement qui
a précisément pour objet un dégrèvement ! Car ce n'est pas un nouvel impôt
qu'on proposerais la réduction d'un impôt existant ; seulement on veut en
assurer la recette. Et dans quel but ? Pour faire face à deux autres
dégrèvements proposés par le gouvernement : l'impôt du timbre que vous venez
d'abolir et la réforme postale qui tourne très directement au profit du
commerce. Qu'on ne dénature donc pas la pensée du gouvernement. Il veut opérer
des réductions. M. T'Kint de Naeyer veut faire davantage. Nous croyons que c'est
trop. Il ne faut pas, au moment où les finances ne sont pas dans une situation
très brillante, opérer des réductions sans être assuré d'une juste
compensation.
M.
Cogels. - Depuis de longues années, et déjà sous l'empire, la
loi du timbre s'exécutait avec une grande tolérance, c'est-à-dire qu'on n'usait
jamais de rigueur ; on n'avait recours à aucune mesure inquisitoriale, on
n'appliquait guère l'amende qu'aux effets soumis au protêt. En effet, pour
tontes les personnes qui ont été habituées aux affaires de banque, c'est un
fait connu que la plus grande partie des effets de commerce ne sont pas sur
timbre, particulièrement les effets à courts jours ou non sujets à acceptation.
Si vous maintenez le timbre actuel, vous ne percevrez rien pour les
recouvrements, parce que le timbre, si minime qu'il soit, est quelquefois
double du prix du transport des espèces. Ainsi pour un effet sur Gand où
Anvers, tandis que le timbre est d'un demi pour mille, le transport des valeurs
par les messageries pour de fortes sommes n'est que d'un quart pour mille. Vous
concevez que cet impôt est très considérable, mis en présence des bénéfices des
banquiers qui sont tellement réduits qu'on travaille pour 1/16 à 1/8 p. c. Si
vous voulez avoir des produits, vous devez diminuer le timbre ; on ne
l'éluderait pas, mais on ne ferait pas usage du billet, et une grande partie du
revenu vous échapperait.
M. d'Huart. - Permettez-moi,
messieurs, quelques explications. Il ne s'agit pas d'aggraver la situation du
commerce, mais au contraire de réduire d'une manière très notable le timbre qui
lui est imposé aujourd'hui ; il s'agit d'ajouter une réduction à une antre
réduction déjà accordée au commerce en 1839. En 1839, le timbre des effets de
200 francs et au-dessous, qu'on propose de fixer à 10 centimes, a été réduit à
15 centimes, de 38 qu'il était. Ainsi qu'on ne vienne pas prétendre que nous
aggravons la position du commerce, quand au contraire nous lui accordons une
réduction considérable de l'impôt existant, déjà beaucoup réduit il y a
quelques années.
Si, dit-on, vous réduisez
le chiffre du droit vous le percevrez sur de plus larges bases. Je crains que
ce soit là une grande erreur. Par la loi du 21 mars 1839, on a réduit le droit
sur les effets de commerce de plus de moitié, de 38 à 15 centimes ; or, quand
on compare les produits antérieurs à 1839 et les produits postérieurs, on voit
une réduction considérable dans cette catégorie des revenus du timbre.
Ainsi, en 1836, le produit
du timbre des effets de commerce au timbre de 38 centimes était de 48,941 fr.
et en 1846, ce même timbre, réduit à 15 centimes, ne rapportait plus que 20,722
fr.
Ensuite, si on passe à la
catégorie suivante, au timbre de 30 cents, on trouve qu'avant 1839, la deuxième
catégorie produisait 87,311 fr., tandis qu'en 1846, le timbre réduit à plus de
moitié, à 30 centimes, elle ne produisait plus que 16,538 fr. Qu'on ne prétende
donc pas qu'en réduisant considérablement l'impôt du timbre, on assure
incontestablement l'augmentation des recettes du trésor.
J'ajouterai que s'il est
vrai qu'une sanction efficace sera assurée à la perception de l'impôt, par la
loi nouvelle, nous sommes tout aussi assurés de percevoir le droit sur autant
de feuilles à 10 centimes, que sur celles réduites à raison de 5 centimes. En
présence de la pénurie du trésor, de la réduction successive de ses ressources,
je ne saurais pour mon compte, aller au-delà des propositions du gouvernement.
M. le président. - Je mets aux voix
l'amendement de M. T'Kint de Naeyer.
Il est ainsi conçu :
« Art. 1er. Le droit de
timbre des effets négociables ou de commerce, etc., etc., est fixé :
« Pour ceux au-dessus de
800 fr. à fr. 0 10
« Pour ceux de 500 jusqu'à
1,000 fr. à fr. 0 25
« et ainsi de suite, à
raison de 25 c. par mille francs sans fraction. »
- Cet amendement n'est pas
adopté.
L'article premier du
gouvernement est adopté.
Article 2
M. le président. - Nous passons à l'article
2.
« Art. 2 (nouveau, proposé
par la section centrale). Par dérogation au n° 2, paragraphe 2, article
premier, de la loi du 21 mars 1839, le droit de timbre sur les bons de caisse
qui n'excèdent pas la somme de cinq francs, est réduit à un centime. »
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). - Il est bien entendu que l'article du projet du
gouvernement n'est supprimé que provisoirement, et que si le moyen équivalent
proposé par la section centrale venait à être repoussé, le gouvernement
reviendrait aux moyens qu'il avait proposés.
M. le président. - Evidemment !
« Art. 3 (nouveau).
L'amende prononcée par les articles 10 et 11 de la loi du 21 mars 1839, sera
encourue individuellement, et sans recours, par tous ceux qui, à quelque titre
que ce soit, auront apposé leur signature sur des effets négociables, billets à
ordre, mandats à terme et de place en place, non revêtus du timbre prescrit.
« La même amende sera
encourue par tout agent de change ou courtier qui aura prêté son ministère à
des négociations relatives auxdits effets, billets et mandats. »
M. Osy. - Je propose de remplacer
cet article par une disposition ainsi conçue :
« Par dérogation aux
articles 10 et 11 de la loi du 21 mars 1839, les amendes fixées au 20ème sont
portées au 10ème. »
A
mes yeux, la disposition proposée par la section centrale constitue une
véritable injustice. Je sais que l'on me répondra qu'on n'a qu'à timbrer et à
faire payer l'amende avant d'endosser. Mais c'est une véritable dénonciation ;
car si je ne veux pas accepter un effet sur papier libre revêtu de cinq
endossements, si je le fais timbrer, il est bien évident que je dénonce le
souscripteur du billet et les cinq endosseurs.
(page 1768) La loi du 21 mars 1839 soumet à l'amende d'un vingtième
à défaut de timbre l'accepteur d'une lettre de change et à défaut d’accepteur,
le premier endosseur ; je propose de porter l'amende à un dixième et d’en
rendre passible le créateur du billet et le premier endosseur. Les antres
seraient frappés injustement. Ma proposition sera, je crois, plus efficace que
celle de la section centrale. En effet, quand l'amende aura été encourue par
cinq personnes ; on reculera devant une dénonciation :on refusera donc le
billet, et l’on courra le risque de l'amende.
M.
Mercier. - Je désire bien préciser le sens de cet article.
Avant d'endosser l'effet, il est toujours loisible de le faire timbrer.
L'honorable membre dit que ce serait dénoncer les précédents endosseurs. Mais
on est toujours libre de ne pas accepter 1'effet. En le faisant timbrer, on
remplit une obligation de la loi. Je ne vois pas là une dénonciation.
Quant à l'amendement de
l'honorable M. Osy, il serait, j'en suis convaincu, tout aussi inefficace que
la législation actuelle, sous l'empire de laquelle on ne fait, pour ainsi dire,
timbrer aucun effet.
M. Cogels. - Il y aura impossibilité
de se soustraire aux effets de l’amende pour celui qui recevra un billet non
timbré sur lequel il y aura déjà trois ou quatre endossements. L'honorable
rapporteur a dit qu'on pourra se soustraire aux effets de l'amende en faisant
timbrer le billet, mais lorsqu'il présentera l'effet, on y trouvera les
signatures de quatre personnes, qui auront encouru l'amende. Quelle sera la
position du dernier preneur ? Il devra se dessaisir de l'effet, ou il devra
débourser l'amende pour les quatre individus. Ou bien admettez-vous qu'on
laissera l'effet entre ses mains et qu'on se bornera à dresser procès-verbal ;
sauf à l'exécuter dans les différentes
parties du pays où se trouvent les endosseurs ? Ce serait extrêmement
difficile. Je dis donc que, pendant quelque temps, le négociant sera privé de
son effet ; il n'y a pas le moindre doute à cet égard.
La proposition du
gouvernement avait été prise dans la législation anglaise ; mais on avait rendu
la loi plus sévère qu'elle ne l'est en Angleterre. .On a perdu de vue qu'en
Angleterre ne sont soumis au timbre que les effets créés dans le pays. Les
effets créés à l'étranger soumis à l’acceptation en Angleterre sont exempts du
timbre. Ici vous soumettez au timbre non seulement les effets créés en
Belgique, mais encore les effets qui ne font que transiter en Belgique.
Je suppose une lettre de change
de Paris sur Londres, remise à un négociant de Bruxelles, endossée par lui à un
autre négociant de Bruxelles qui l'a fait encaisser à Londres. Si cet effet
tombe entre les main du fisc, il y a amende s’il n'est pas timbré. A .moins que
l'agent de change ne viole la loi, il faut qu'il fasse timbrer cet effet rien
que pour ce transit. Vous concevez, :messieurs, que ceci est exorbitant.
Ainsi
la loi est beaucoup trop sévère ; elle est plus sévère que la loi anglaise et .vous
rencontrerez des difficultés beaucoup plus grandes dans l'exécution.
Voilà les observations que
j'avais à faire contre l'article 3 que je ne saurais admettre en aucune
manière.
Vous voulez soumettre à
l'amende le courtier ; mais bien souvent le courtier n'a pas vu l'effet.
Evidemment le courtier ne pourra demander au négociant de lui exhiber l'effet
avant la négociation. Ainsi la convention conclue, il devrait la rejeter. Vous
ne pouvez mettre le courtier dans cette position. Souvent le négociant envoie
directement les effets par son commis au preneur et le courtier ne les voit
pas. Pouvez-vous mettre le courtier dans la position délicate d'aller dénoncer
le négociant ?
C'est une disposition que
je ne puis admettre et je crois que la majorité de la chambre concevra que,
dans un intérêt de moralité, elle doit le repousser.
M. d'Huart, rapporteur. - L'honorable M. Cogels
pense que la section centrale vous propose ici quelque chose de bien
exorbitant, de beaucoup plus sévère que la loi anglaise elle-même. L'honorable
membre est dans une erreur complète. Je demanderai à la chambre la permission
de lui lire un article de la loi anglaise, et elle verra que cette loi frappe
d'une pénalité beaucoup plus forte tous ceux qui ont participé d'une manière
quelconque à la création du billet. Cet article est ainsi conçu : « Georges
III. -Chapitre 184, section 11. Toute personne qui fait, signe ou émet; ou aide
à faire, signer ou émettre ; paye ou accepte, aide ou permet de payer ou
d'accepter une lettre de change, traite ou billet à ordre, ou une simple
promesse ayant pour objet un payement en numéraire, sera passible d'une amende
de cinquante livres pour chaque acte non
revêtu de timbre. »
Vous voyez, messieurs, que
la loi anglaise est beaucoup plus sévère que ce que nous vous proposons.
L'honorable M. Cogels
demande si le billet créé en Angleterre, et qui ne ferait que transiter par la
Belgique, devra être timbré. Mais nous ne nous occupons pas des billets créés à
l'étranger et qui ne font que transiter chez nous. Il ne s'agit que des billets
qui sont créés à l'étranger pour être payés ou endossés en Belgique, et des
billets créés en Belgique pour être payés à l'étranger. Mais vous ne trouvez
nulle part que le billet qui transite par la Belgique soit passible du droit ;
à moins cependant qu'il n’y soit négociable. Dans ce cas il doit être soumis
avant tout au timbre, mais sans exposer personne à aucune amende.
L'honorable M. Cogels
s'étonne que l'on veuille atteindre l'agent de change et le courtier qui aura
prêté son ministère à un acte illégal. Oui, messieurs, nous le voulons et cela
est fort juste ; que ces fonctionnaires publics refusent leur ministère, qu'ils
n’acceptent pas d'acte fait en infraction à la loi et ils seront parfaitement tranquilles.
On
trouve que le troisième, que le quatrième endosseur n'est pas coupable. Mais
évidemment c’est un complice du premier et du second endosseurs. Qui donc les
oblige à accepter un billet non-timbré, quand il leur suffit de le faire
timbrer pour éviter toute pénalité ?
Les objections élevées
contre l'article en discussion tendent à atténuer, à l'égard de ceux qui
éluderaient la loi, les rigueurs de la sanction proposée ; mais elles sont
inadmissibles près de ceux qui, comme nous, désirent que lorsque le législateur
a prescrit à nos concitoyens de se soumettre à telle ou telle disposition,
ceux-ci s’exécutent nettement, et ne puissent l'éluder en aucune espèce de
manière.
M. de Haerne. - J'avais l'intention de
parler dans le même sens que l'honorable M. Cogels et de faire voir les
inconvénients qui pourraient résulter de la mesure en discussion. Mais en
présence des observations de l'honorable M. d'Huart qui nous font connaître que
la disposition n'est pas applicable aux effets qui ne font que transiter par la
Belgique, je renonce à la parole.
Je dois toutefois déclarer
que j'avais compris l'article comme l'honorable M. Cogels, et je crois que
beaucoup d'autres membres l'avaient compris comme nous. Je désirerais que M. le
ministre s'expliquât à cet égard.
M. le ministre des finances
(M. Veydt). - Nous restons tout à fait dans les termes de la loi
de 1839 ; nous cherchons .seulement à la rendre plus efficace.
M. Loos. - La déclaration que
vient de faire M. le ministre des finances ne me paraît pas une confirmation de
ce que vient de dire l'honorable M. d'Huart. A propos d'une difficulté qui
était soulevée, l'honorable rapporteur de la section centrale a dit que les effets
tirés de l'étranger sur l'étranger et transitant par la Belgique, ne devront
pas être soumis au timbre. Je voudrais que le gouvernement s'expliquât sur ce
point d'une manière catégorique. Les explications que vient de donner M. le
ministre des finances ne me paraissent pas décider la question, et je voudrais
une déclaration plus positive.
Tous les jours des effets
de l'étranger sur l'étranger passent entre les mains du commerce belge ; je
suppose un effet de Londres sur Paris, endossé à une maison d'Ostende, négocié
par la maison d'Ostende à une maison de Bruxelles, et négocié par la maison de
Bruxelles à une maison d'Anvers, pour être finalement envoyé à Paris. Vous
voyez qu'il y a des endosseurs belges. Faut-il un timbre ?
M. d'Huart, rapporteur. - Oui ; mais il n'y a pas
d'amende.
M. Loos. - On me dit : Oui, mais
il n'y a pas d'amende. Mais je ne fais pas timbrer cet effet ?
M. d'Huart. - Il y aura une amende.
M. Loos. - Eh bien, messieurs,
je.ne regrette pas d'avoir soulevé ce débat. Car de ce qu'avait dit l'honorable
rapporteur, on pouvait conclure qu'il ne fallait pas de timbre et conséquemment
qu'on ne pouvait être soumis à l’amende pour ne pas avoir fait timbrer.
Quant à moi, je ne
combattrai pas les mesures, quelque rigoureuses qu'elles soient, qui sont
proposées par la section centrale pour combattre la fraude qui se pratique pour
échapper à l'impôt. J'ai déjà soutenu dans cette enceinte les mesures proposées
par le gouvernement pour assurer la perception des impôts. J'ai été combattu
alors par quelques honorables membres qui aujourd'hui soutiennent avec force
les mesures proposées par la section centrale pour réprimer la fraude.
J'espère
que bientôt une autre occasion se présentera de donner au gouvernement les
moyens de combattre la fraude et d'assurer la perception intégrale d'un impôt
voté par les chambres ; j'espère qu'alors j'aurai pour auxiliaires ces
honorables membres et qu'ils appuieront, avec autant de force qu'ils le font
aujourd'hui, les mesures qui pourront être présentées par le gouvernement. Mais
je regrette de devoir le dire, il n'en a pas été ainsi dans une circonstance
récente.
Quant à moi, dès qu'un
impôt est établi par le libre vote de la législature, je ne refuserai jamais au
gouvernement les moyens d'en assurer la perception. Je ne m'opposerai donc pas,
messieurs, à la plupart des mesures que le projet renferme, bien qu’il y en ait
de fort rigoureuses ; seulement lorsque nous serons arrivés à l'article 5, je
serai forcé de le combattre, parce que j'y trouve des rigueurs inutiles, j'ai
presque dit, des dispositions immorales.
M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Messieurs, la question
est de savoir si un effet tiré de l’étranger sur l’étranger et passant par la
Belgique, où il a été l'objet d'une négociation, est soumis au timbre et, par
conséquent, si ceux qui l'ont endossé sans avoir préalablement accompli cette
formalité sont passibles d'amende. Cette question doit être résolue
affirmativement, si avant toute négociation en Belgique l'effet n'a pas été
soumis au timbre'. Voici en effet ce que porte l'article 11 de la loi du 21 mars
1839 :
« Lorsqu'une lettre de
change ou un billet à ordre venant de l’étranger aura été accepté ou négocié en
Belgique, avant d'avoir été soumis au timbre, ou au visa pour timbre,
l'accepteur et le premier endosseur résidant en Belgique, seront tenus chacun
d'une amende du vingtième du montant de l'effet. »
C'est la même amende que
celle qui est comminée par l'article 10 de la loi contre l'accepteur d'une
lettre de change, sur papier libre, créée en Belgique.
D'après le projet de la
section centrale, le principe des articles 10 et 11 continue à subsister, sauf
qu'on en modifie les pénalités et qu'on étend l'amende à tous les endosseurs.
Il résulte évidemment de là que le billet transitant par la Belgique, sans
avoir été soumis au timbre, expose à l'amende ceux qui y ont apposé leur
signature.
(page 1769) M.
d'Huart, rapporteur. - Je n’ai rien à ajouter à ce que vient de dire M.
le ministre des travaux publics. C'est absolument là l'explication que j'avais
voulu donner. Il est probable que je me serai mal expliqué tantôt, puisque
l'honorable M. Loos ne m'a pas compris ainsi.
Quant à l'appel que cet
honorable membre a fait,, si c'est à moi qu'il l'a adressée, je l'accepte
pleinement, et chaque fois que la législature aura décidé une mesure, je
joindrai tous mes efforts à ceux de mes honorables collègues pour que cette
mesure obtienne la sanction la plus efficace possible. C'est un devoir pour
nous comme pour tous les citoyens de concourir par tous les moyens à
l'exécution des lois que la nation porte librement par ses représentants.
- L'amendement de M. Osy
est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
L’article 3 proposé par la
section centrale est mis aux voix et adopté.
Article 4
« Art 4. Les agents de change et
courtiers sont tenus de communiquer sans déplacement, aux préposés du
l'enregistrement, tous registres, carnets, papiers et documents relatifs à la
négociation des effets de commerce à laquelle ils auraient prêté leur
ministère, à peine de cinquante francs d’amende pour chaque refus constaté par
procès-verbal du préposé.
« Cette communication ne
peut être exigée qu'autant que le préposé soit porteur d'une délégation
spéciale du ministres des finances. »
M. Raikem. - Messieurs, je me suis
prononcé, dans la section centrale, contre la disposition de cet article, et je
crois, devoir dire quelques mots pour justifier l’opinion que j'ai émise.
Il faut avouer que cette disposition
est véritablement exorbitante. C'est dans un intérêt purement fiscal qu'on
propose d'autoriser de véritables visites domiciliaires chez les agents de
change et les courtiers. Eh bien, messieurs, au nombre des dispositions
concernant la profession d'agent de change, il en est une qui leur prescrit le
secret ; c'est celle de l'article 19 de l’arrêté du 27 prairial an X. Eh bien,
nous allons édicter une disposition qui est, en quelque sorte, en contradiction
avec celle de l'arrêté consulaire de l'an X, car, messieurs, dire que les
préposés de l'enregistrement auront le droit de faire des visites chez les
agents de change et courtiers, et que ceux-ci seront tenus de leur communiquer
toute espèce de documents, c'est véritablement mettre à leur disposition toutes
les opérations de ces agents de change et courtiers.
Je sais, messieurs, qu'il y
a un correctif dans l'article, que. ces visites et ces demandes de
communications ne pourront avoir lieu sans une délégation spéciale du ministre
des finances ; mais, de deux choses l'une : ou l'on sera extrêmement réservé
dans ces demandes de communication, on ne procédera que très rarement à ces
visites, et alors la disposition sera inefficace ; ou bien l'on y procédera
souvent, et alors cela pourra dégénérer en vexations. M. le ministre des
finances, de son cabinet, ne pourra statuer que d'après les rapports qui lui
auront été adressés par les fonctionnaires de son département ; il ne peut agir
en quelque sorte que par l'organe de ces fonctionnaires, et dès lors ce seront
en réalité les agents de l'enregistrement qui décideront qu'il y a lieu de
faire des visites et des demandes de communications. Il vaudrait mieux une
disposition générale et absolue, sauf la responsabilité des fonctionnaires.
On a argumenté des mesures
que les agents de l'enregistrement peuvent prendre envers les notaires. Mais
voyez, messieurs, combien la position est différente : les préposés de
l'enregistrement, lorsqu'ils procèdent à des visites chez un notaire,
lorsqu'ils se font faire des communications, ces visites, ces communications
ont pour objet de constater des contraventions qui, presque toujours,
procéderaient, si elles existaient, du fait même du notaire, des contraventions
qui seraient commises, le plus souvent, au profit du notaire, car on ne
commettra pas une contravention au profit d'un autre en s'exposant aux peines
comminées par la loi.
L'honorable M. Cogels
faisait observer tout à l'heure qu'il arrivait parfait, assez souvent même, si
je l'ai bien compris, que les agents de change prêtaient leur ministère à des
négociations, sans qu'ils pussent vérifier si les effets étaient ou non sur
timbre.
Cet honorable membre
connaît beaucoup mieux cette matière que moi et il est beaucoup plus à même de
juger quelle est la portée du ministère des agents de change et des courtiers
dans les opérations dont il s'agit. Je ne puis que me référer à son observation
; mais indépendamment de cette observation, je crois que ces visites ne
produiront pas une efficacité propre à compenser les inconvénients qui pourront
résulter d'une telle mesure.
Je ne puis donner mon
assentiment à cette proposition de la section centrale.
- L'article 4 est mis aux
voix ; après une double épreuve par assis et levé, il est adopté.
Article 5
« Art. 5. Si, lors de la
levée des scellés, il est trouvé des effets, billets et mandats non revêtus du
timbre prescrit, le juge de paix les saisira, dressera procès-verbal des
contraventions et transmettra le procès-verbal avec des pièces saisies, au
receveur de l'enregistrement du ressort, qui est tenu d'en donner récépissé. »
M. Raikem. - Messieurs, pas plus que
l'article 4, je n'ai pas cru pouvoir adopter l'article 5 dans le sein de
laseclioncentrale.il y a ici, pour rejeter cet article, un motif de plus que
pour l'art. 4 qui n'a été, adopté qu'après une double épreuve.
En effet, l'art. 5
transforme en quelque sorte le juge de paix en agent de l'administration des
finances ; il doit constater des contraventions à des lois fiscales. ; cela sort
complètement des attributions du juge de paix et ne coïncide nullement avec la
dénomination qui lui est donnée.
Dans quel cas l’apposition
des scellés aura-t-elle lieu le plus souvent ? En cas de faillite et en cas de
décès ; il est bien rare qu'il y ait lieu à apposer les scellés dans une autre
circonstance.
Eh bien, en cas de
faillite, quels seront ceux qui seront soumis à l’amende. Il arrivera assez
souvent que ce seront les créanciers de la faillite qui déjà sont exposés à des
pertes dans cette même faillite.
En cas de décès (je ne
parle que du cas où les héritiers sont des mineurs, parce que c'est le cas où
le juge de paix est appelé et qu'on appose les scellés), en cas de décès, si
l'on trouve un effet non timbré, souscrit et acquitté par le défunt, les
héritiers, du chef de ce billet, ne seront pas soumis à l'amende, car, en
matière d'amende, on. connaît la maxime : mors omnia solvit.
Ainsi les héritiers chez
lesquels on aura opposé les scellés, ne seront pas soumis à l'amende qui
cependant aura été principalement encourue par celui dont ils héritent ; l'amen
le devra être payée par des tiers qui auront endossé le billet. Ainsi le
porteur qui aura mis son acquit, et cela par une circonstance absolument
accidentelle, à savoir qu'à s'agit de mineurs et qu'il a fallu dès lors apposer
les scellés, le porteur, dis-je, à raison de cette circonstance, payera
l'amende, tandis que dans des successions qui seront échues à des majeurs,
ceux-là échapperont nécessairement à l'amende.
Je
conçois que s'il était possible d'agir de même à l'égard de tous, on devrait
admettre tous les moyens d'empêcher qu'on n'élude les droits du trésor. Mais
ici véritablement il y aura des distinctions.
Je crois que cette mesure
ne sera nullement efficace,, et qu'elle atteindra exceptionnellement quelques
personnes qu'on frappera pour ainsi dire au hasard. Je ne saurais adopter une
telle disposition pas plus que je n'ai pu donner mon assentiment à l'article 5.
M. le ministre des
travaux publics (Frère-Orban). - Messieurs, l'honorable préopinant fait deux
objections ; l'une peut se résumer ainsi : comme nous ne pouvons atteindre
toutes les fraudes, je refuse d'atteindre aussi les personnes à l'égard
desquels les fraudes peuvent être constatées. L'honorable membre dit : En cas
de décès, lorsque le juge de paix sera appelé, s'il y a des mineurs, on pourra
constater les contraventions et l'amende sera payée ; mais dans le même cas,
lorsqu'il n'y a que des majeurs, on n'appellera pas le juge de paix ; il n'y a
pas obligation d'apposer les scellés ; l'amende qui aura été encourue ne sera
pas recouvrée.
Messieurs, la loi cherche à
atteindre la fraude autant que possible ; il serait désirable qu'on pût
l'atteindre dans tous les cas. Mais de ce qu'on ne peut pas l'atteindre dans
tous les cas, il ne s'ensuit pas qu'on doive priver le fisc d'un moyen de
l'atteindre, lorsqu'on peut la saisir.
En cas de faillite, il est
bien vrai une ce sont les créanciers qui payeront l'amende, parce que l'actif
sera diminué de l'amende qui sera due. Mais le fisc sera alors précisément dans
la position d'un, créancier et d'un créancier privilégié, et il l'est pour
d'autres choses, même en cas de faillite. Par conséquent, il n'y a pas de
raison pour diminuer le privilège du trésor, privilège qui s'applique aux
autres contributions.
L'honorable
membre a fait une autre objection. Il a dit que, par une espèce d'anomalie, on
allait transformer le juge de paix en un agent fiscal, en l'obligeant de
constater des contraventions et de dresser des procès-verbaux.
Il
me semble, messieurs, que nous pouvons trouver, sous ce rapport, des analogies
dans la législation existante. L'honorable membre, qui a une connaissance si
approfondie des lois, a perdu de vue qu'en matière de timbre et
d'enregistrement une disposition en vigueur défend aux juges de statuer sur
pièces non timbrées et enregistrées et les rend personnellement responsables
s'ils statuent sur des pièces en cet état. Voilà donc des juges envisagés comme
complices d'une contravention à. une loi fiscale, s'ils ne veulent renvoyer les
parties à payer les droits, et même une amende. Cela est fiscal, sans doute,
mais on ne s'en est pas effrayé. C'est une disposition analogue qui a été
introduite par la section centrale dans la disposition qui vous est soumise.
M. Loos. - Je partage l'opinion
émise par l'honorable M. Raikem. Je ne reproduirai donc pas les arguments qu'il
a présentés. Je dirai seulement que la disposition proposée ne peut en définitive
rapporter par an 200 francs à l'Etat. Je ne voudrais pas consacrer une pénalité
en quelque sorte posthume, puisque c'est après le décès du délinquant qu'on
prononcerait contre ses héritiers et contre des tiers qui auraient été ses
complices», Et c'est pour un aussi faible produit que celui que je viens
d'indiquer qu'on irait consacrer un pareil principe dans la loi. Pour moi je ne
puis y consentir.
M.
Osy. - Je vois dans la proposition qui vous est soumise
une véritable inquisition. S'agira-t-il de mortuaire de faillite ? Tous les
effets remontant à 4 ans et 11 mois, c'est-à-dire, n'ayant pas atteint la
prescription quinquennale, qu'on trouvera, devront payer l'amende ; cette
amende atteindra non seulement la faillite ou les héritiers, mais tous les
endosseurs.
Nous voulons faire des lois
radicales et nous reculons d'un siècle.
M. Raikem. - Je n'ai pas demandé la
parole pour rentrer dans la discussion, mais pour répondre un mot sur cette observation
de M. le ministre des travaux publics, que les juges seraient appelés à
constater des contraventions fiscales ; je ne connais aucune disposition de loi
qui charge les juges de constater des contraventions en matière fiscale. Il est
vrai qu'ils ne peuvent pas juger, prononcer sur pièces non timbrées et (page 1770) enregistrées. Qu'en
résulte-t-il ? Qu'ils s'abstiennent de prononcer tant que les pièces ne se
trouvent en état, mais ils ne sont pas chargés de constater la contravention.
Telle serait cependant la mission qu'on voudrait donner aux juges de paix.
M. d'Elhoungne. - J'ai demandé la parole
pour être bien fixé sur le sens de l'article 5. D'abord cet article s'applique,
non à l'opposition, mais exclusivement à la levée des scellés. Ce n'est pas
quand le juge de paix ira apposer les scellés, mais quand il les lèvera, qu'il
sera possible de constater l'existence de billets non revêtus du timbre.
Maintenant voici la question que je poserai : si la levée des scellés est pure
et simple, si l'on ne procède pas à la rédaction d'un inventaire, le juge de
paix aura-t-il le droit de fouiller, de rechercher, pour découvrir s'il
n'existe pas dans les papiers de la mortuaire des billets non timbrés ? Si c'est
là la portée de la loi, elle introduit un droit nouveau dans notre législation.
Aujourd'hui, quand le juge de paix procède à la levée des scellés sans qu'on
fasse d'inventaire, il ne doit pas, il ne peut pas se livrer à des
perquisitions.
M. le ministre des
travaux publics (Frère-Orban). - Il en sera encore de même.
M. d'Elhoungne. - Si c'est comme cela que
l'article doit être entendu ; s'il n'y a pas de perquisitions à faire par le
juge en cas de levée pure et simple, alors l'article ne sera applicable qu'au
seul cas où le juge de paix lèvera les scellés pour procéder à un inventaire et
que des effets de commerce non revêtus du timbre passeront sous ses yeux.
Mais quel sera donc l'effet
de votre loi ? La levée pure et simple est permise dans presque tous les cas,
le tuteur même a le droit de requérir la levée pure et simple des scellés et de
faire un inventaire en l'absence du juge de paix. Dans presque tous les cas on
pourra donc se soustraire à la loi. Le juge de paix n'aura guère à constater de
contraventions ; dès lors votre disposition ne sera pas efficace au point de
vue fiscal. A un autre point de vue, elle ne sera que trop efficace.
Dans un très grand nombre
de cas, elle détournera de faire un inventaire authentique, de crainte que le
juge de paix ne découvre des effets non timbrés. Il en résultera un grand
nombre de procès ; car souvent les procès naissent parce que l'actif des
successions ou des masses indivises n'a pas été bien établi ; des intérêts
dignes de toute la sollicitude de la société, les intérêts des mineurs seront
compromis. Il est difficile d'apprécier, à ce point de vue, la portée de la
disposition ; la seule chose qu'on puisse mesurer, c'est le peu d'efficacité
fiscale qu'elle aura.
Messieurs, quand nous
examinons une loi aussi rapidement préparée, que nous allons voter rapidement
aussi, il serait bon de ne pas admettre une disposition qui, fiscalement, ne
peut avoir qu'une mince portée, et qui, sous d'autres rapports que j'ai
indiqués, pourrait avoir des effets qu'on ne saurait apprécier, et que, tels
qu'ils apparaissent déjà, il sera difficile de ne pas regretter.
M. Lebeau. - Il faut remarquer que la
section centrale a repoussé une disposition que le gouvernement regardait comme
une sanction infaillible, de la loi qui était inscrite dans la loi même.
Cependant tout en repoussant cette proposition, la section centrale s'est
montrée sans pitié pour les fraudeurs ; elle différait d'opinion sur les moyens
avec le gouvernement, mais elle était d'accord avec lui sur le but.
A ses yeux, dans un pays où
le vote de l'impôt émane du pays lui-même par l'organe des représentants
librement élus, la fraude est un véritable vol. Voilà les sentiments qui animaient
la section centrale, et qui la portaient à organiser une sévère répression.
Je ne suis pas d'accord
avec l'honorable préopinant sur l'inefficacité de la mesure proposée.
El d'abord l'objection
qu'il a faite ne s'applique pas, je pense, au cas de faillite, cas assez
fréquent.
Là il y a nécessairement
inventaire.
Ce que nous avons voulu,
c'est surtout agir par intimidation. Tous ceux qui prennent part à la création
ou à la circulation d'un billet sauront qu'ils sont responsables de la fraude
du droit de timbre ; ils sauront que, lors d'une levée de scellés, ou par
l'intervention du juge de paix dans une faillite, ils seront exposés à payer de
fortes amendes.
C'est une raison pour
laquelle les banquiers, les courtiers seront amenés à refuser leur ministère à
la circulation de billets qui ne seraient pas timbrés.
Il y a dans le commerce un
préjugé qu'il faut s'attacher à combattre. Il faut donner à ceux qui sont en
rapport avec les commerçants les moyens de le combattre victorieusement. Ce
préjugé, c'est qu'on ne peut présenter un billet sur timbre, sans que cela
implique l'idée que le négociant sur lequel ce billet est tiré est suspect ;
que sa réputation est plus ou moins entachée. C'est ce préjugé qu'il faut
détruire, si on le peut.
C'est à l'existence de ce
préjugé invétéré qu'est due surtout l'absence de produits du timbre sur les
effets de commerce.
On vous a parlé avec raison
de l'Angleterre ; car c'est un pays essentiellement commerçant, où l'on est
aussi jaloux, plus jaloux peut-être que partout ailleurs de la liberté
individuelle. Mais il y a une partie de la législation anglaise, sur le timbre
des effets de commerce, devant laquelle vous reculeriez sans doute. Là tout
agent de l'administration du timbre peut, avec l'autorisation de la trésorerie,
se présenter chez tout banquier et se faire exhiber tous les registres, tous
les cartons, pour s'assurer s'il n'y a pas une contravention à la législation
sur le timbre.
Voilà ce qui existe encore
dans la législation anglaise, et cette disposition n'est pas ancienne ; elle
date du règne actuel.
Quant
aux pénalités, elles sont bien autrement fortes que celles que nous songeons à
établir. C'est souvent à 100 liv. (2,500 fr.) que les amendés se montent ; et
elles sont nombreuses ; de plus elles atteignent tous les complices de la
contravention.
Ce qu'on vous demande, du
reste, existe déjà dans notre législation. Déjà aujourd'hui les préposés de
l'enregistrement sont autorisés à faire des visites domiciliaires chez tous les
notaires et officiers ministériels qu'ils peuvent supposer coupables de
contravention à la législation sur l'enregistrement. C'est ce qui se pratique
tous les jours, et l'on ne crie pas pour cela à la tyrannie. Montrons-nous
larges, quand il s'agit de relever par l'instruction la dignité du peuple, de
fortifier par la diffusion des lumières la moralité de tous. C'est ce que nous
faisons en abolissant le timbre des journaux, en en propageant la lecture. Mai»
aussi, fâchons défendre les intérêts du trésor public contre cette fausse
philanthropie qui nous ferait, dans cette circonstance, montrer pour le
fraudeur l'intérêt que nous ne devons montrer que pour les finances de l'Etat.
M. d'Elhoungne. - Je n'ai pas parlé du cas
de faillite, mais c'est le seul où l’on n'atteindra pas le coupable. On
n'atteindra que la masse des créanciers qui n'est pour rien dans la
contravention. Lorsque vous établissez une peine, ce doit être un moyen
préventif.
M. Lebeau. - C'en est un. On aura
recours contre les endosseurs.
M. d'Elhoungne. - Soit ; toujours est-il
qu'on aura intérêt à se passer de l'inventaire authentique. Vous enlevez ainsi
aux mineurs la garantie de la sincérité de l'inventaire que lui donnerait la
présence du juge de paix. Il n'est personne dans cette enceinte qui puisse
calculer la portée de cet le mesure.
- L'article 5 nouveau,
proposé par la section centrale, est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
Article 6
« Art. 6 (nouveau). Lorsque
des effets négociables, billets à ordre, mandats à terme et de place en place
non revêtus du timbre prescrit, et souscrits ou endossés en Belgique par un
habitant du royaume, auront été datés d'un lieu situé en pays étranger,
l'auteur de cette supposition de lieu sera puni d'une amende égale au dixième
de la somme exprimée dans l'effet, billet ou mandat, sans qu'elle puisse être
inférieure à trois cents francs.
« La poursuite sera exercée
comme en matière correctionnelle. »
M. Raikem. - J'ai demandé la parole
pour faire une nouvelle observation sur ce qui s'est passé dans le sein de la
section centrale. Il s'agit dans cet article d'une supposition de lieu faite
uniquement pour éviter un droit fiscal, et qui n'a pas d'autre but. Or, quel
est le mode ordinaire de procéder, lorsqu'il s'agit de contravention aux lois
sur le timbre et l'enregistrement ? Il est tracé, pour le recouvrement des
amendes, dans la loi du 21 mars 1839, qui a même dérogé à la loi du 13 brumaire
an VII, en statuant qu'en cette matière on procédait par voie de contrainte.
Mais ici, contrairement à
ce qui se passe en matière de contravention aux lois sur le timbre et
l'enregistrement, on propose de poursuivre devant la justice correctionnelle.
C'est déroger à ce qui a eu lieu jusqu'ici en cette matière.
On me dira que, par la
supposition de lieu, on a voulu frauder les droits. Mais il en est de même dans
toutes les contraventions de ce genre où il y a intention de frauder ou du
moins d'éluder les droits ; et néanmoins les contraventions sont poursuivies
dans la forme applicable à ces sortes de contraventions.
Je
ne vois donc pas, messieurs, qu'il y ait lieu d'y déroger pour l'infraction
dont il s'agit.
Ce n'est pas le taux de l'amende
que j'attaque, quoique le minimum puisse paraître un peu élevé. Qu'il soit du
10ème ou du 20ème, peu importe. Mais ce que je ne puis adopter, c'est le mode
extraordinaire de procéder devant la juridiction correctionnelle.
D'après ces motifs, je ne
puis donner mon assentiment à l'article.
M. Osy. - Comme je veux également
atteindre la fraude, je donnerai mon assentiment à l'article 6. Mais je dois
demander un renseignement à M. le ministre.
Il y a effectivement des
personnes qui reçoivent des effets de l'étranger sur le pays, niais qui
endossent leurs effets soit de Lille soit de Valenciennes pour l'encaisser sans
timbre. C'est là une fraude que je veux atteindre.
Mais il est possible qu'un
Belge se trouve à l'étranger. Je suppose, par exemple, que je me trouve à Lille
et que j'y prenne du papier pour en faire remise à une maison belge. J'espère
qu'alors je ne serai pas exposé à l'amende.
M. le ministre des
travaux publics (Frère-Orban). - C'est dit dans la loi.
M. d'Huart., rapporteur. - Pour qu'il
y ait délit, il faut nécessairement qu’il y ait supposition de lieu. Or, dans
le cas cité par l'honorable M. Osy, il n'y a pas supposition de lieu, puisque
l’effet a été réellement souscrit ou endossé en pays étranger.
L'article est positif à cet
égard. Il faut que l'effet ait été souscrit ou endossé en Belgique par un
habitant du royaume, et daté, par fraude, d'un lieu situé en pays étranger,
pour qu'il y ait lieu à poursuite.
- L'article 6 est mis aux
voix et adopté.
Article 7
« Art. 7. Tous effets
négociables ou de commerce, tous billets à ordre, mandats à terme, ou de place
en place, créés antérieurement à la promulgation de la présente loi, sur papier
non timbré ou sur timbre (page 1771)
insuffisant, seront, pendant deux mois à partir du jour où la loi sera
obligatoire, admis au visa pour timbre sans amende. Le droit de timbre sera
perçu conformément à la présente loi. »
- Adopté.
Article 8
« Art. 8. Il sera
ultérieurement statué par le Roi sur la forme et le type des nouveaux timbres
et sur l’emploi ou l'échange du papier portant le timbre actuellement en usage,
ainsi que sur l’établissement de nouveaux bureaux de distribution. »
Vote sur l’ensemble du projet
- La chambre décide qu'elle
passera immédiatement au vote définitif du projet.
II est procédé au vote par
appel nominal sur l'ensemble du projet.
64 membres répondent à
l'appel nominal.
47 votent l'adoption.
14 le rejet.
3 s'abstiennent.
En conséquence le projet
est adopté. Il sera transmis au sénat.
Ont voté l'adoption : MM.
d'Anethan, Dautrebande, de Breyne, de Brouckere, de Corswarem , de Liedekerke ,
de Mérode , Desaive, de Sécus, de Terbecq, de Theux , de Tornaco , de
T'Serclaes, de Villegas, d'Huart, Duroy de Blicquy , Faignart, Frère-Orban,
Gilson , Herry-Vispoel, Huveners, Lebeau , Lejeune , Loos , Maertens , Malou ,
Mercier, Orts, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Thienpont,
Tielemans, Tremouroux, Troye, Vanden Eynde, Vandensteen, Van Huffel, Verhaegen,
Veydt, Vilain XIIII, Brabant, Bruneau, Cans et Clep.
Ont voté le rejet : MM.
David, de Bonne, de Haerne , d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, Le Hon, Lesoinne,
Manilius, Mast de Vries, Osy, Raikem, T'Kint de Naeyer, Van Renynghe et Cogels.
Se sont abstenus : MM.
Delfosse, Lys et Moreau.
M. Delfosse. - Je n'ai pas voté contre
le projet de loi, parce que la plupart de ses dispositions me conviennent ; je
n'ai pas voté pour le projet, parce que je ne puis donner mon assentiment à
l'article 4, qui autorise des visites domiciliaires.
M. Lys et M. Moreau déclarent qu'ils se sont
abstenus pour les mêmes motifs que M. Delfosse.
- La séance est levée à 11
heures et demie.