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Note d’intention
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Congrès
national de Belgique
Séance
solennelle du vendredi 25 février 1831
Sommaire
1) Communications des pièces
adressées au congrès
2) Désignation de la
députation chargée de recevoir le régent, réception du régent (Destouvelles),
prestation de serment, discours du régent (Surlet de Chokier, de Gerlache)
3) Proposition
ayant pour objet de déclarer que le gouvernement provisoire a bien mérité de la patrie (Desmanet de Biesme)
4) Proposition de voter des remerciements à M. le
vice-président de Gerlache (Destriveaux)
5) Abdication du gouvernement provisoire
6) Proposition
tendant à décerner une récompense nationale aux membres du gouvernement
provisoire (Beyts)
7) Nomination du nouveau
président du congrès et d’un deuxième vice-président
8) Résolution de ne pas se
séparer avant la fin des travaux législatifs (de Gerlache)
(E. HUYTTENS, Discussions du
Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe
Wahlen et Cie, 1844, tome 2)
(page
592) (Présidence de M. de Gerlache)
Vers
midi, les détachements des huit sections de la garde civique de Bruxelles
viennent se ranger en bataille dans toute la longueur de la rue de
Les
portes du palais de
Un
trône en velours cramoisi est placé sur une estrade au-dessous du bureau ; on y
voit brodée en lettres d'or la devise nationale : L'union fait la force ; le
bureau est recouvert d'une riche draperie en velours, garnie de crépines d'or ;
derrière le fauteuil du président, le mur est tapissé d'un faisceau de lances
et de drapeaux aux couleurs nationales, surmontés de couronnes de lauriers.
A une
heure, M. de Gerlache, vice-président, et les quatre secrétaires, montent au
bureau.
M. Henri de Brouckere, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ; il
est adopté. (P. V.)
DEPUTATION CHARGEE DE RECEVOIR LE REGENT
M. le président –
Je propose de tirer
au sort une députation de neuf membres, qui sera chargée, avec M. le
vice-président Destouvelles, d'aller recevoir M. le régent au bas du grand
escalier et de l'introduire dans le sein du congrès. (P. V.)
-
Cette proposition est adoptée. (P. V.)
Le
sort désigne pour faire partie de cette députation MM. Le Bègue, Blomme,
Huysman d'Annecroix, David, le comte Werner de Mérode, Gendebien (père),
Davignon, Lecocq, et le baron de Terbecq. (P. V.)
RECEPTION DU REGENT
M. Destouvelles, second vice-président,
sort en tête de la députation.
Le
bruit du canon, le son des cloches, le roulement du tambour, annoncent
l'arrivée du régent.
Aussitôt
toute la garde civique, rangée en bataille dans la rue de
Peu
après, les tambours de la garde civique, devant le palais de
La
voiture du régent, attelée de deux chevaux seulement, s'avance au milieu des
vivat prolongés de la multitude.
Elle
est précédée d'un détachement de gendarmerie à cheval, et de la voiture de M.
l'administrateur général de la sûreté publique, faisant les fonctions de maître
des cérémonies.
Aux
deux portières de la voiture du régent, marchent à cheval M. le général comte
Vander Meeren, commandant militaire de la province, et M. Van Koekelberg,
colonel en chef de la garde civique de Bruxelles.
Un
grand nombre d'officiers du petit état-major de la garde civique et de l'armée
suivent à cheval la voiture du régent.
Les
officiers généraux sont assemblés sous le péristyle du palais de
La
musique joue les airs nationaux, qui sont à peine entendus au milieu des
acclamations de la multitude.
Arrivé
à l'escalier extérieur du palais, M. le régent descend de sa voiture. Il est
vêtu d'un simple habit noir. Il traverse le grand vestibule au milieu d'une
baie de gardes civiques, qui lui présentent les armes. Les officiers généraux
lui servent de cortège jusqu'au pied du grand escalier, où M. Destouvelles lui adresse l'allocution suivante :
« Monsieur,
appelé par la bienveillance du congrès à la seconde vice-présidence, c'est la
première fois que j'en exerce les fonctions. Je les remplirais toute ma vie,
que jamais elles ne m'offriraient l'occasion d'éprouver une satisfaction aussi
vive que celle dont je suis pénétré dans cette circonstance solennelle. Elle
est partagée par tous mes collègues. »
M. le
régent, après avoir remercié la députation en peu de mots, monte avec elle le
grand escalier. Il est introduit dans la salle par la porte qui est à la droite
du président. Aussitôt l'assemblée et les spectateurs se lèvent spontanément au
milieu des applaudissements et des acclamations qui éclatent de toutes parts.
M. le
régent est suivi des membres de la députation, des divers chefs
d'administration générale et d'un cortège nombreux et brillant, où l'on
remarque le général Goblet, ministre de la guerre, en grand costume, le général
baron Vander Linden d'Hooghvorst, commandant général des gardes civiques, les
généraux comte Vander Meeren, gouverneur militaire du Brabant, Nypels, le
marquis de Chasteler, le colonel Rodenbach, le brave Charlier, dit la jambe
de bois, etc.
Il
salue l'assemblée et le bureau ; et s'arrête au pied de l'estrade qui remplace
la tribune des orateurs.
M. le
général baron d'Hooghvorst se tient debout à la droite du trône ; son
état-major est rangé dans le couloir de droite.
M. le
général comte Vander Meeren se place à la gauche du trône, l'état-major des
officiers de l'armée est rangé dans le couloir de gauche. (C., et U. B, 27
fév.)
M. le président –
J'invite, au nom de
l'assemblée, M. le régent à prendre place sur le siège qui lui a été destiné.
(C., 27 fév.)
M.
le régent – Je crois, M. le président, devoir prêter d'abord le serment
constitutionnel qui m'est imposé.
(Après
ces paroles, le régent monte les marches de l'estrade, et se tient debout à
côté du trône.) (C., 27 fév.)
M. le président –
Messieurs, veuillez
bien vous asseoir ; M. le secrétaire a la parole. (U. B. 27 fév.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, descend du bureau, se place au pied
de l'estrade et se tenant debout en face de M. le baron Surlet de Chokier, lui
donne lecture du décret du congrès qui appelle à la régence ÉRASME-LOUIS BARON
SURLET DE CHOKIER. (La salle retentit de nouveaux applaudissements.)
M.
le régent est
visiblement ému ; il salue l'assemblée, et prenant le décret des mains de M. le
vicomte Charles Vilain XIIII, dit :
« Je
me conforme à la volonté du congrès national. » (C.. 27 fév.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, donne ensuite lecture du décret du
24 février qui statue que c'est comme corps constituant que le congrès a rendu
ses décrets du 18 et du 24 novembre 1830, sur l'indépendance de
M.
le régent – Je me conforme également à cette résolution de l'assemblée. (C., 27
fév.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit le texte des décrets du 18 et
du 24 novembre 1830, cités dans le décret du 24 février. (P. V.)
Puis,
déployant une large feuille de vélin sur laquelle est écrite la constitution du
peuple belge, il en donne lecture au régent, au milieu du profond silence de
toute l'assemblée. (C., 27 fév.)
M. le président invite ensuite M. le secrétaire à
remettre au régent la formule du serment qu'il doit prêter. (C., 27 fév.)
M.
le régent, prenant la formule et étendant la main droite vers l'assemblée assise et
profondément recueillie, dit d'une voix haute et assurée : « Je jure d'observer
la constitution et les lois du peuple belge, de maintenir l'indépendance (page 594) nationale et l'intégrité du
territoire. » (C., 27 fév.)
M. le président –
Je déclare, au nom
du congrès national, que M. Érasme-Louis baron Surlet de Chokier est proclamé
régent de
Les
bravos et les applaudissements, qui ont eu peine à se contenir jusqu'ici,
éclatent de toutes parts dans la salle et dans les tribunes ; les acclamations
du dehors répondent aux transports de l'assemblée ; la musique de la garde
civique se fait entendre et se mêle au bruit du canon.
La
séance, pour quelques instants suspendue, est enfin reprise. (U. B., 27 fév.)
M. le président –
J'invite M. le
régent à s'asseoir au fauteuil qui lui est réservé. (U. B.. 27 fév.)
M.
le régent – Je demande pour première grâce au congrès de me permettre de lui parler
debout.
Le
régent se tient debout en avant du trône, et après avoir de nouveau salué
rassemblée assise, il s'exprime en ces termes :
« Messieurs.
« Profondément
ému à la nouvelle de l'élection que vous avez bien voulu faire de moi dans la
séance d'hier, le peu de temps qui s'est écoulé depuis ne. m'a pas permis de
donner un grand développement à mes idées ; voici cependant un aperçu rapide de
la marche que je me propose de suivre dans le poste éminent que je dois à votre
confiance.
Par
suite du refus que le roi de Français, en sa qualité de père et tuteur de son
fils, le duc de Nemours, a fait de la couronne de
Votre
choix, messieurs, pour remplir ces éminentes fonctions s'est fixé sur ma
personne ; en même temps qu'il est le témoignage le plus flatteur le plus honorable
qu'un citoyen puisse jamais recevoir de la confiance et de la bienveillance des
représentants de la nation, il m'impose des devoirs et des obligations dont il
me serait impossible de m'acquitter avec honneur, si je ne suis soutenu par la
continuation de ces mêmes sentiments, qui sont pour moi le plus ferme et le
plus puissant appui sur lequel je puisse compter, et sans lequel je ne pourrais
faire le bien que vous êtes en droit d'attendre de moi : c'est donc dans votre
intérêt, messieurs, c'est dans celui de la nation, c'est dans le mien, que je
réclame, avec prière et avec instance, le secours de vos lumières et de vos
conseils.
Dieu,
qui protège évidemment, et d'une manière toute particulière, le peuple belge,
l'a doué d'une sagesse, d'une prudence et d'une modération qui excitent
l'admiration des nations voisines. Elles ont peine a croire que, depuis six
mois qu'il est en révolution, il ne se soit souillé d'aucun excès, et que le
gouvernement, né des circonstances, sans force, sans appui, sans armée, sans
finances, sans police, et en présence d'un ennemi menaçant, fort seulement de
son dévouement patriotique à la cause sacrée de la liberté et de la juste
confiance qu'il a inspirée et su mériter, dépose aujourd'hui le pouvoir avec la
satisfaction de se dire : « Je n'ai jamais dû employer la force pour réprimer
aucun désordre, tant est grande la sagesse de la nation qui a mis sa confiance
en nous : c'est ainsi qu'elle a répondu à notre dévouement, à nos constants
efforts pour assurer son bonheur et son indépendance ; c’est aussi pour nous la
plus belle, la plus douce des récompenses qu'elle puisse nous décerner. »
« Dieu
veuille, messieurs, que mes efforts soient couronnés d'un aussi glorieux
succès.
« Aussitôt
après mon installation, je m'occuperai, sans relâche, avec les ministres, des
diverses branches d'administration publique. Un de mes premiers soins sera de
constater l'état actuel du royaume, pour être à même d'apprécier ses
ressources, ses besoins, et pour pouvoir, à l'expiration de mon mandat, rendre
compte de mon administration.
« L'armée
et les finances fixeront mon attention d'une manière toute particulière.
J'appelle spécialement la vôtre, messieurs, sur les finances. Le ministre
chargé de cette branche importante aura l'honneur de vous présenter un projet
tendant à suppléer à la lenteur qu'éprouve, dans quelques endroits, la rentrée
des contributions ; je compte toutefois sur l'empressement des bons citoyens à
acquitter ce qu'ils doivent au trésor, qui éprouve d'impérieux besoins en ce
moment. Cet empressement à venir au devant des besoins financiers est aussi un
acte de patriotisme.
« Quand
j'aurai pourvu aux affaires les plus pressantes, et du moment que je pourrai
m'absenter de la capitale, sans nuire à la marche du gouvernement, je me propose
de visiter l'armée. J'irai m'assurer, par moi-même, de sa situation, de son
esprit et de sa discipline. Je me concerterai avec les chefs pour aviser aux
moyens de pourvoir à ses besoins, et la mettre en état d'entrer en campagne, (page 595) si nous sommes forcés de
continuer la guerre.
« Je
donnerai également mes soins à l'administration intérieure ; je me ferai rendre
un compte exact, non seulement du personnel qui la compose, mais aussi de
l'état général des affaires. Je ne négligerai rien pour leur donner une
direction convenable, et leur imprimer une marche ferme, assurée et dégagée de
toutes les entraves qui la gênent.
« La
justice, le premier besoin des peuples, sera aussi l'objet de ma sollicitude.
Je me flatte de l’espoir de n'avoir que des félicitations a adresser à la
magistrature, et à l'inviter à continuer à remplir ses devoirs avec la même
équité qu'elle l'a fait jusqu'à présent.
« Quant
à nos relations avec les diverses puissances de l'Europe, je ferai tous mes
efforts pour nous concilier leur amitié et détourner de notre patrie les maux
inséparables de la guerre. Je ne négligerai aussi aucune occasion pour tâcher
de raviver le commerce, en lui ouvrant, par des négociations, des débouchés
pour l'écoulement de ses produits. Mais l'objet principal de mes soins sera de
nous faire sortir le plus tôt possible de l'état provisoire pour passer à un
ordre de choses définitif, qui nous procure de puissantes alliances sans
troubler la paix de l'Europe.
« Je
ne finirai pas, messieurs, sans invoquer de nouveau votre appui et celui de la
nation tout entière, sans lequel je ne puis rien : c’est en elle, c'est dans sa
sagesse que je mets tout mon espoir ; si elle ne me seconde, elle détruira
elle-même son propre ouvrage.
« Honneur
et remerciements à tous les gardes civiques du royaume et en particulier à ceux
de Bruxelles, qui ont su, dans toutes les circonstances, se montrer si dignes
de la confiance de toute la nation belge.
« J'ajouterai,
messieurs, que par le serment que je viens de prêter, je promets de maintenir
l’indépendance nationale. Je réitère et répète cette clause de mon serment.
Jamais, non jamais, je ne concourrai , ni directement, ni indirectement, ni par
faiblesse, à aliéner la nationalité de notre patrie. Si les événements, plus
forts que notre puissance, en disposaient autrement, j'abdiquerais le pouvoir,
et, comme simple citoyen, je me soumettrais à la loi impérieuse de la
nécessité, niais comme fonctionnaire public, jamais ! » (U. B. 27 fév. et
P. V.)
- A
ces derniers mots, des acclamations plus vives encore que les précédentes
partent de tous les points de la salle.
L'assemblée
entière, se lève aussitôt comme par un mouvement électrique ; les
applaudissements, les bravos, les cris de : Vive M. le régent ! sont
longtemps répétés. Tous les membres de l'assemblée paraissent vivement émus,
des larmes d'attendrissement coulent des yeux de plusieurs honorables députés ;
la séance est pendant quelque temps suspendue ; enfin le calme se rétablit. (C.
et U. B., 27 fév.)
M.
le président debout, ainsi que MM. les secrétaires et tout le reste de l'assemblée,
répond à M. le régent, en ces termes – « Monsieur le régent,
« Il
n'est point de paroles qui ne semblassent faibles auprès du spectacle imposant
qui se passe sous nos yeux. Élu hier chef temporaire de la nation par le
congrès, votre nomination est en ce moment ratifiée par les acclamations
unanimes de vos anciens collègues, et du peuple belge tout entier. Cette
élévation spontanée, subite, et qui ne trouve point de contradicteurs, est un
hommage accordé à vos vertus par vos égaux, un témoignage de gratitude profonde
pour les services que vous avez déjà rendus à la patrie, et un appel à des
services nouveaux. La nation voulait une monarchie constitutionnelle. Après
avoir tenté un premier effort pour réaliser son vœu, que pouvait-elle faire de
mieux que de concentrer dans une seule main les pouvoirs jusqu'ici trop divisés
? Vous êtes accueilli par elle comme ouvrant un avenir nouveau, un avenir de
stabilité. Il lui semble que le congrès ait fait un grand pas hors du
provisoire, en vous nommant, et en déclarant obligatoire la constitution du
peuple belge.
« Le
gouvernement provisoire, composé d'hommes courageux et amis de leur patrie, a
pensé lui-même que la mission qu'il tenait de la nécessité avait cessé.
L'opinion publique, qui juge presque toujours sévèrement le pouvoir, rendra
justice à des hommes sortis purs d'une épreuve longue et difficile, et
j'oserais prédire que leurs noms ne figureront pas sans honneur dans les
annales de notre pays.
« Daignez
pardonner cet hommage involontaire, à un homme accouru l'un des premiers à
l'appel de ce gouvernement qui n'est plus.
« Il est arrivé qu'un prince, plein de préjugés et d'entêtement,
s'est imaginé qu'une nation lui appartenait parce qu'on la lui avait cédée par
traités ; il a cru pouvoir la tromper toujours, avec un système de constitution
qu'il tournait et violait à son' gré, lui imposer sa langue, sa religion, ses
créatures : cette nation fait une révolution, et le prince est renversé et
puni.
« Les
hommes qui voudraient améliorer le sort (page
596) des peuples progressivement, sans secousses, sans calamités, sont un
instant incertains et effrayés ; mais enfin, quand ce pouvoir, qui
refusait toute garantie, qui opposait un mur d'airain à toute marche
progressive, est détruit, que faut-il faire ? Profiter de la révolution qui
s'est opérée, et recouvrer, s’il est possible, le temps perdu dans la torpeur
de l'absolutisme légal : c'est ce qu'a fait le congrès belge. Messieurs, il ne
m'appartient pas d'en exalter les travaux, et le temps n'est pas venu de les
apprécier ; mais quand nous n'aurions eu que le mérite de réunir en peu de mots
dans notre constitution toutes les libertés qu'on ne trouve guère ailleurs que
dans les livres, il me semble qu'elle mériterait encore d'être mentionnée dans
l'histoire. Je ne pense pas que jamais assemblée nationale ait présenté
pareille union, pareil accord de vues, pareille condescendance de la majorité
aux désirs de la minorité, pour conserver la paix.
« Là,
et là seulement, la plus précieuse de toutes les libertés, la liberté
religieuse, celle qui est la moins connue et des gouvernements et des peuples,
et des législateurs, et des ministres de cultes eux-mêmes, se trouve consacrée
avec d'heureux ménagements pour un reste de préjugés contraires, qu'il
n'appartient qu'au temps et à la raison de dissiper. Ce rapide aperçu de nos
travaux ne paraîtra pas déplacé, je l'espère, lorsque nous sommes à la veille
de nous séparer pour quelques instants. Mais le congrès s'empressera de revenir
au premier signal, pour prêter, s'il est nécessaire, son appui à celui qu'il a
nommé, et pour accomplir le dernier objet de sa mission. Ce sera un de vos plus
beaux titres de gloire, monsieur le régent, d'avoir présidé une telle
assemblée, et de vous être trouvé, dans des circonstances difficiles, quand
tout s'improvisait autour de vous, à la hauteur de telles fonctions.
« Cette
confiance de la nation, qui vient de vous porter d'un libre mouvement à un
poste au-dessus duquel il n'y aura rien, vous impose (nous ne pouvons vous le
dissimuler), de nouvelles et d'immenses obligations.
« Le
peuple belge, qui a déployé, dans les combats, un courage et un dévouement
héroïques, a fait preuve depuis, dans les souffrances, de tant de modération,
de bon sens, d'amour de l'ordre, de probité politique et morale, que votre
gouvernement n'aura besoin, ce semble, que de persévérance et de fermeté pour
accomplir sa tâche au-dedans.
« Ce
peuple n'ignore pas que la cessation du travail, la gêne du commerce et de
l'industrie, tiennent à des causes générales et extérieures, tellement
impérieuses, qu'il est impossible à l'administration la plus éclairée de les
faire cesser tout à coup.
« Nos
plus grands embarras proviennent du dehors. Ceux qui avaient paru nous tendre
d'abord une main secourable, qui s'étaient plu à proclamer notre indépendance,
qui n'intervenaient, disaient-ils, que comme arbitres, à l'amiable, ont
prétendu nous imposer des lois d'asservissement et de ruine : le morcellement
de notre territoire, l'occupation de nos forteresses, le payement d'une dette
que nous n'avons ni contractée ni acceptée, et qui dévorerait à elle seule le
sol et les habitants de
« L'honneur
national repousse ces conditions ; or, pour une nation comme pour un homme, la
perte de l'honneur c'est la mort. Que si l'on essayait de consommer cette œuvre
d'iniquité, dédaignant les détours et les ruses d'une science machiavélique, et
avec cet accent de l'âme et cette voix forte et pénétrante qui, tout récemment
encore, s'est fait entendre à la cour d'un grand roi, où vous avez soutenu
votre caractère et notre dignité, vous diriez aux cinq puissances qu'en vain
elles voudraient repousser, par une contrainte indirecte,
« Le
patriotisme national, un peu attiédi peut-être par le mal que nous a fait la
diplomatie, va se ranimer grâce à la nouvelle impulsion que vous saurez donner
aux affaires publiques : tous les bons citoyens se grouperont autour de celui
qu'ils ont choisi pour leur chef, et s'empresseront de le servir de leurs
conseils ou de leurs bras. Avec votre caractère droit et franc, vous écarterez
l'intrigue, qui sait prendre toutes les formes ; vous écarterez toutes les
nullités et toutes les hypocrisies ; et toutes les capacités politiques,
sorties de notre révolution, seront par vous accueillies.
(page 597) « Enfin, monsieur le
régent, si vous rencontrez sur votre chemin quelque homme qui vous ressemble,
ah ! pour la rareté du fait, et pour l'exemple des gouvernements futurs,
daignez encore l'appeler quelquefois à vos conseils, au moins dans les grandes
occasions !
« Pardonnez
ce langage à un ancien collègue, dont l'amitié depuis longtemps vous est
acquise, et qui vous a rendu ici, et partout, la justice due à votre noble
caractère, dont le vœu et l'espoir les plus chers sont de ne voir séparer
jamais votre bonheur et votre gloire du bonheur et de la gloire de la
patrie. » (U. B., 27 fév. et P. V.)
- Ce
discours est accueilli par les mêmes transports et les mêmes acclamations.
Les
cris de : Vive le régent ! se font entendre de nouveau.
M. le régent salue l'assemblée, et se retire.
La
députation le reconduit jusqu'au pied du grand escalier. Les officiers qui
faisaient partie du cortège sortent en même temps de la salle. Presque tous les
députés se disposent à suivre la députation.
On
entend à l'extérieur le bruit des fanfares et des vivat du peuple. Le canon
gronde par intervalles. Toutes les cloches de la ville sonnent en même temps.
(U. B. et C., 27 fév.)
M. le président –
La séance est
suspendue pour un quart d'heure. (U. B., 27 fév.)
A
trois heures, la séance est reprise. (U. B., 27 fév.)
M. le président donne lecture de la proposition
suivante :
« AU
NOM DU PEUPLE BELGE,
« Le
congrès national
« Décrète
:
« Le
gouvernement provisoire a bien mérité de la patrie.
« DESMANET
DE BIESME. » (Appuyé ! appuyé !) (U. B., 27 fév.)
- Ce
décret est voté par acclamation. (P. V.)
(Les
membres du gouvernement provisoire qui font partie du congrès sont absents de
la séance.) (C., 27 fév.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire – Voici une autre proposition :
« Je
propose de voter des remerciements à M. le vice-président de Gerlache, pour la
manière noble et vraie avec laquelle il a exprimé les sentiments et les vœux du
congrès.
« DESTRIVEAUX.
» (U. B., 27 fév. et P. V.)
Cette
proposition est également adoptée par acclamation. (P. V.)
ABDICATION DU GOUVERNEMENT
PROVISOIRE
Un des secrétaires donne lecture d'un acte du
gouvernement provisoire, ainsi conçu : « Le gouvernement provisoire de
« Vu
la promulgation de la constitution ;
« Vu
la déclaration faite au congrès le 21 février 1831 ;
« Vu
la nomination d'un régent ;
« Dépose
entre les mains du congrès le pouvoir exécutif qui lui avait été conféré.
» ALEX. GENDEBIEN, SYLVAIN VAN DE WEYER, CH. ROGIER,
Comte F. DE MÉRODE, JOLLY, F. DE COPPIN, J. VANDERLINDEN. » (C., 27 fév. et A.)
M. le président –
Le congrès national donne
acte au gouvernement provisoire de ce qu'il dépose le pouvoir exécutif entre
ses mains. (U. B., 27 fév.)
M. Van Meenen
– Ne serait-il pas
nécessaire de transmettre cet acte au régent, par message du congrès ? (J. B., 27
fév.)
-
L'assemblée décide qu'il en sera donné connaissance à M. le régent. (P. V.)
(page 598) M.
le baron Beyts – Messieurs, vous venez de voter par acclamation que le
gouvernement provisoire a bien mérité de la patrie ; c'est un témoignage de la
reconnaissance nationale, dont ces honorables citoyens sont assurément bien
dignes par leur dévouement, leur patriotisme, le courage qu'ils ont montré au
jour du danger, les difficultés qu'ils ont vaincues, et même les succès dont
leurs efforts ont été couronnés : mais, si la récompense que vous venez de
décerner est belle, elle ne suffit pas, selon moi ; il faut leur en accorder
une autre plus positive. Parmi les membres du gouvernement provisoire, il en
est qui, sortis sans fortune du rang de simples citoyens, vont y rentrer plus
pauvres qu'ils n'étaient auparavant : s'ils sont assez désintéressés pour se
contenter d'avoir fait leur devoir, il est impossible que la nation se contente
de leur voter des remerciements. Je demande donc qu'il soit nommé une
commission de cinq membres qui aviseront le congrès des moyens à prendre pour
leur décerner une récompense nationale, soit à titre d'indemnité, soit à titre
de reconnaissance nationale, et je pense que j'aurai facilement l'appui de cinq
membres pour ma proposition. (Oui ! oui ! s'écrie l'assemblée tout
entière en se levant.) (U. B., 27 fév.)
M. le président, sur l'invitation du congrès,
compose la commission de MM. Seron, le baron Beyts, l'abbé Van Crombrugghe, le
baron de Sécus (père) , et le vicomte Desmanet de Biesme.
Les
commissaires sont priés de se mettre en rapport avec le ministre des finances.
(J. B., 27 fév. et P. V.)
NOMINATION D’UN PRESIDENT
DU CONGRES NATIONAL
M. le président propose à l'assemblée de compléter le
bureau par la nomination d'un président en remplacement de M. Surlet de
Chokier. . (G., 27 fév.)
Deux
bureaux scrutateurs sont tirés au sort ;
Ils
sont composés,
Le
premier ; de MM.
Goethals- Bisschoff, Verwilghen, Jottrand et le chevalier de Theux de Meylandt.
Le
second : de M. Claes
(d'Anvers), Lefebvre, Peeters et Delwarde. (P. V.)
On
procède à la nomination du président.
M.
Destouvelles, deuxième vice-président, remplace M. de Gerlache au fauteuil.
(J. B., 27 fév.)
Le
dépouillement du scrutin donne le résultat suivant ;
Votants
M. Destouvelles,
vice-président, proclame M. de Gerlache président du congrès national, et dit – Ce
témoignage de bienveillance et de reconnaissance était bien dû à celui qui a
si bien présidé le congrès, et qui a si bien exprimé ses sentiments dans
cette circonstance solennelle. (U. B., 27 fév.)
NOMINATION D'UN DEUXIEME
VICE-PRESIDENT
L'assemblée
procède au scrutin pour l'élection d'un deuxième vice-président, en
remplacement de M. de Gerlache, nommé président. (C., 27 fév.)
Il résulte
du dépouillement du scrutin que sur 129 votants, M. Raikem a obtenu cinquante
suffrages. Les autres voix sont dispersées sur huit à dix membres de
l'assemblée, MM. Charles Le Hon, Lebeau, Van Meenen, Lecocq , Seron, dont aucun
n'en a obtenu plus de 18. (C., 27 fév. et P. V.)
M.
Raikem est proclamé second vice-président. (P. V.)
M. de Gerlache, président, reprend le fauteuil et remercie
l'assemblée de la marque de confiance et d'estime qu'elle vient de lui
accorder. (C., 27 fév.)
M. le président –
Messieurs,
j'apprends avec douleur que plusieurs membres se disposent à partir ; il
serait, cependant bien essentiel de ne pas nous séparer avant de nous être
occupés de la proposition de M, Lebeau relative à la création d'une commission
d'enquête, de la loi électorale, de la loi sur la responsabilité ministérielle,
de celle sur les fers, et de quelques autres lois importantes. Si on voulait
s'engager sur l'honneur, qui n'a jamais été invoqué en vain dans cette
assemblée, de ne pas se séparer avant huit ou dix jours, nous pourrions mettre
fin à nos travaux les plus pressants et nous proroger ensuite pour un
mois. (U. B., 27 fév. et P. V.)
Voix nombreuses – Appuyé ! appuyé ! (U. B., 27 fév.)
M. le président –
Est-il convenu que
nous ne nous séparerons pas avant huit ou dix jours ? (U. B., 27 fév.)
De toutes parts – Oui ! oui ! (P. V.)
-
L'assemblée décide que le procès-verbal de la séance sera imprimé et distribué
aux membres du congrès. (P. V.)
M. le président –
Demain on discutera
la proposition de M. Lebeau, et, si le temps le permet, la loi électorale,
modifiée par M. Beyts. (U. B., 27 fév.)
- Il
est quatre heures ; la séance est levée. (P. V.)