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Texte initial de la Constitution belge du 7 février 1831

Texte initial de la Constition belge du 7 février 1831

Titre premier. Du territoire et de ses subdivisions

Article premier. La Belgique est divisée en provinces. Ces provinces sont : Anvers, le Brabant, la Flandre occidentale, la Flandre orientale, le Hainaut, Liége, le Limbourg, le Luxembourg, Namur, sauf les relations du Luxembourg avec la Confédération germanique.

Il appartient à la loi de diviser, s'il y a lieu, le territoire en un plus grand nombre de provinces.

Article 2. Les subdivisions des provinces ne peuvent être établies que par la loi.

Article 3. Les limites de l'État, des provinces et des communes ne peuvent être changées ou rectifiées qu'en vertu d'une loi.

Titre II. Des Belges et de leurs droits

Article 4. La qualité de Belge s'acquiert, se conserve et se perd d'après les règles déterminées par la loi civile.

La présente Constitution et les autres lois relatives aux droits politiques déterminent quelles sont, outre cette qualité, les conditions nécessaires pour l'exercice de ces droits.

Article 5. La naturalisation est accordée par le pouvoir législatif. La grande naturalisation seule assimile l'étranger au Belge, pour l'exercice des droits politiques.

Article 6. Il n'y a dans l'État aucune distinction d'ordres.

Les Belges sont égaux devant la loi ; seuls ils sont admissibles aux emplois civils et militaires, sauf les exceptions qui peuvent être établies par une loi pour des cas particuliers.

Article 7. La liberté individuelle est garantie.

Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit.

Hors le cas de flagrant délit, nul ne peut être arrêté qu'en vertu de l'ordonnance motivée du juge, qui doit être signifiée au moment de l'arrestation, ou au plus tard dans les vingt-quatre heures.

Article 8. Nul ne peut être distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne.

Article 9. Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu'en vertu de la loi.

Article 10. Le domicile est inviolable ; aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit.

Article 11. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière établie par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Article 12. La peine de la confiscation des biens ne peut être établie.

Article 13. La mort civile est abolie ; elle ne peut être rétablie.

Article 14. La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés.

Article 15. Nul ne peut être contraint de concourir d'une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d'un culte ni d'en observer le jour de repos.

Article 16. L'État n'a le droit d'intervenir ni dans la nomination, ni dans l'installation des ministres d'un culte quelconque, ni de défendre à ceux-ci de correspondre avec leurs supérieurs, et de publier leurs actes, sauf, en ce dernier cas, la responsabilité ordinaire en matière de presse et de publication.

Le mariage civil devra toujours précéder la bénédiction nuptiale, sauf les exceptions à établir par la loi, s'il y a lieu.

Article 17. L'enseignement est libre ; toute mesure préventive est interdite : la répression des délits n'est réglée que par la loi.

L'instruction publique donnée aux frais de l'État est également réglée par la loi.

Article 18. La presse est libre ; la censure ne pourra jamais être établie ; il ne peut être exigé de cautionnement des écrivains, éditeurs ou imprimeurs.

Lorsque l'auteur est connu et domicilié en Belgique, l'éditeur, l'imprimeur ou le distributeur ne peut être poursuivi.

Article 19. Les Belges ont le droit de s'assembler paisiblement et sans armes, en se conformant aux lois qui peuvent régler l'exercice de ce droit, sans néanmoins le soumettre à une autorisation préalable.

Cette disposition ne s'applique point aux rassemblements en plein air, qui restent entièrement soumis aux lois de police.

Article 20. Les Belges ont le droit de s'associer ; ce droit ne peut être soumis a aucune mesure préventive.

Article 21. Chacun a le droit d'adresser aux autorités publiques des pétitions signées par une ou plusieurs personnes. Les autorités constituées ont seules le droit d'adresser des pétitions en nom collectif.

Article 22. Le secret des lettres est inviolable.

La loi détermine quels sont les agents responsables de la violation du secret des lettres confiées à la poste.

Article 23. L'emploi des langues usitées en Belgique est facultatif ; il ne peut être réglé que par la loi, et seulement pour les actes de l'autorité publique et pour les affaires judiciaires.

Article 24. Nulle autorisation préalable n'est nécessaire pour exercer des poursuites contre les fonctionnaires publics, pour faits de leur administration, sauf ce qui est statué à l'égard des ministres.

Titre III. Des pouvoirs

Article 25. Tous les pouvoirs émanent de la nation.

Ils sont exercés de la manière établie par la Constitution.

Article 26. Le pouvoir législatif s'exerce collectivement par le roi, la chambre des représentants et le sénat.

Article 27. L'initiative appartient à chacune des trois branches du pouvoir législatif.

Néanmoins toute loi relative aux recettes ou aux dépenses de l'État, ou au contingent de l'armée, doit d'abord être votée par la chambre des représentants.

Article 28. L'interprétation des lois par voie d'autorité n'appartient qu'au pouvoir législatif.

Article 29. Au roi appartient le pouvoir exécutif, tel qu'il est réglé par la Constitution.

Article 30. Le pouvoir judiciaire est exercé par les cours et tribunaux.

Les arrêts et jugements sont exécutés au nom du roi.

Article 31. Les intérêts exclusivement communaux ou provinciaux sont réglés par les conseils communaux ou provinciaux, d'après les principes établis par la Constitution.

Chapitre premier. Des chambres

Article 32. Les membres des deux chambres représentent la nation et non uniquement la province ou la subdivision de province qui les a nommés.

Article 33. Les séances des chambres sont publiques.

Néanmoins chaque chambre se forme en comité secret, sur la demande de son président ou de dix membres. Elle décide ensuite, à la majorité absolue, si la séance doit être reprise en public sur le même sujet.

Article 34. Chaque chambre vérifie les pouvoirs de ses membres, et juge les contestations qui s'élèvent à ce sujet.

Article 35. On ne peut être à la fois membre des deux chambres.

Article 36. Le membre de l'une ou de l'autre des deux chambres, nommé par le gouvernement à un emploi salarié, qu'il accepte, cesse immédiatement de siéger, et ne reprend ses fonctions qu'en vertu d'une nouvelle élection.

Article 37. A chaque session, chacune des chambres nomme son président, ses vice-présidents, et compose son bureau.

Article 38. Toute résolution est prise à la majorité absolue des suffrages, sauf ce qui sera établi par les règlements des chambres à l'égard des élections et présentations.

En cas de partage des voix, la proposition mise en délibération est rejetée.

Aucune des deux chambres ne peul prendre de résolution qu'autant que la majorité de ses membres se trouve réunie.

Article 39. Les votes sont émis à haute voix ou par assis et levé ; sur l'ensemble des lois, il est toujours voté par appel nominal et à haute voix. Les élections et présentations de candidats se font au scrutin secret.

Article 40. Chaque chambre a le droit d'enquête.

Article 41. Un projet de loi ne peut être adopté par l'une des chambres, qu'après avoir été voté article par article.

Article 42. Les chambres ont le droit d'amender et de diviser les articles et les amendements proposés.

Article 43. Il est interdit de présenter en personne des pétitions aux chambres.

Chaque chambre a le droit de renvoyer aux ministres les pétitions qui lui sont adressées. Les ministres sont tenus de donner des explications sur leur contenu, chaque fois que la chambre l'exige.

Article 44. Aucun membre de l'une ou de l'autre chambre ne peut être poursuivi ou recherché à l'occasion des opinions et votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions.

Article 45. Aucun membre de l'une ou de l'autre chambre ne peut, pendant la durée de la session, être poursuivi ni arrêté en matière de répression, qu'avec l'autorisation de la chambre dont il fait partie, sauf le cas de flagrant délit.

Aucune contrainte par corps ne peut être exercée contre un membre de l'une ou de l'autre chambre, durant la session, qu'avec la même autorisation.

La détention ou la poursuite d'un membre de l'une ou de l'autre chambre est suspendue pendant la session et pour toute sa durée, si la chambre le requiert.

Article 46. Chaque chambre détermine, par son règlement, le mode suivant lequel elle exerce ses attributions.

Section première. De la chambre des représentants

Article 47. La chambre des représentants se compose des députés élus directement par les citoyens, payant le cens déterminé par la loi électorale, lequel ne peut excéder 100 florins d'impôt direct, ni être au-dessous de 20 florins.

Article 48. Les élections se font par telles divisions de province et dans tels lieux que la loi détermine.

Article 49. La loi électorale fixe le nombre des députés d'après la population ; ce nombre ne peut excéder la proportion d'un député sur 40,000 habitants. Elle détermine également les conditions requises pour être électeur et la marche des opérations électorales.

Article 50. Pour être éligible, il faut :

1° Être Belge de naissance ou avoir reçu la grande naturalisation ;

2°Jouir des droits civils et politiques ;

3° Être âgé de vingt-cinq ans accomplis ;

4° Être domicilié en Belgique.

Aucune autre condition d'éligibilité ne peut être requise.

Article 51. Les membres de la chambre des représentants sont élus pour quatre ans. Ils sont renouvelés par moitié tous les deux ans, d'après l'ordre des séries déterminé par la loi électorale.

En cas de dissolution, la chambre est renouvelée intégralement.

Article 52. Chaque membre de la chambre des représentants jouit d'une indemnité mensuelle de 200 florins, pendant toute la durée de la session Ceux qui habitent la ville où se tient la session ne jouissent d'aucune indemnité.

Section II. Du sénat

Article 53. Les membres du sénat sont élus à raison de la population de chaque province par les citoyens qui élisent les membres de la chambre des représentants.

Article 54. Le sénat se compose d'un nombre de membres égal à la moitié des députés de l'autre chambre.

Article 55. Les sénateurs sont élus pour huit ans ; ils sont renouvelés par moitié tous les quatre ans, d'après l'ordre des séries déterminé par la loi électorale.

En cas de dissolution, le sénat est renouvelé intégralement.

Article 56. Pour pouvoir être élu et rester sénateur, il faut :

1° Être Belge de naissance ou avoir reçu la grande naturalisation ;

2° Jouir de ses droits politiques et civils ;

3° Être domicilié en Belgique ;

4°Être âgé au moins de quarante ans ;

5° Payer en Belgique au moins 1,000 florins d'impositions directes, patentes comprises.

Dans les provinces où la liste des citoyens payant 1,000 florins d'impôt direct n'atteint pas la proportion de 1 sur 6,000 âmes de population, elle est complétée par les plus imposés de la province, jusqu'à concurrence de cette proportion de 1 sur 6,000.

Article 57. Les sénateurs ne reçoivent ni traitement ni indemnité.

Article 58. A l'âge de dix-huit ans, l'héritier présomptif du roi est de droit sénateur. Il n'a voix délibérative qu'à l'âge de vingt-cinq ans.

Article 59. Toute assemblée du sénat qui serait tenue hors du temps de la session de la chambre des représentants est nulle de plein droit.

Chapitre II. Du roi et des ministres

Section première. Du roi

Article 60. Les pouvoirs constitutionnels du roi sont héréditaires dans la descendance directe, naturelle et légitime de S. M. LÉOPOLD-GEORGE-CHRETIEN-FREDERIC, prince de Saxe-Cobourg, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, et à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance.

Article 6l. A défaut de descendance masculine de S. M. LÉOPOLD-GEORGE-CHRETIEN-FREDERIC, prince de Saxe-Cobourg, il pourra nommer son successeur avec l'assentiment des chambres, émis de la manière prescrite par l'article suivant.

S'il n'y a pas eu de nomination faite d'après le mode ci-dessus, le trône sera vacant.

Article 62. Le roi ne peut être en même temps chef d'un autre Etat, sans l'assentiment des deux chambres.

Aucune des deux chambres ne peut délibérer sur cet objet, si deux tiers au moins des membres qui la composent ne sont présents, et la résolution n'est adoptée qu'autant qu'elle réunit au moins les deux tiers des suffrages.

Article 63. La personne du roi est inviolable ; ses ministres sont responsables.

Article 64. Aucun acte du roi ne peut avoir d'effet, s'il n'est contre-signé par un ministre, qui, par cela seul, s'en rend responsable.

Article 65. Le roi nomme et révoque ses ministres.

Article 66. Il confère les grades dans l'armée.

Il nomme aux emplois d'administration générale et de relation extérieure, sauf les exceptions établies par les lois.

Il ne nomme à d'autres emplois qu'en vertu de la disposition expresse d'une loi.

Article 67. Il fait les règlements et arrêtés nécessaires pour l'exécution des lois, sans pouvoir jamais ni suspendre les lois elles-mêmes, ni dispenser de leur exécution.

Article 68. Le roi commande les forces de terre et de mer, déclare la guerre, fait les traités de paix, d'alliance et de commerce. Il en donne connaissance aux chambres aussitôt que l'intérêt et la sûreté de l'État le permettent, en y joignant les communications convenables.

Les traités de commerce et ceux qui pourraient grever l'État ou lier individuellement des Belges n'ont d'effet qu'après avoir reçu l'assentiment des chambres.

Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une loi. Dans aucun cas, les articles secrets d'un traité ne peuvent être destructifs des articles patents.

Article 69. Le roi sanctionne et promulgue les lois.

Article 70. Les chambres se réunissent de plein droit, chaque année, le deuxième mardi de novembre, à moins qu'elles n'aient été réunies antérieurement par le roi.

Les chambres doivent rester réunies, chaque année, au moins quarante jours.

Le roi prononce la clôture de la session.

Le roi a le droit de convoquer extraordinairement les chambres.

Article 71. Le roi a le droit de dissoudre les chambres, soit simultanément, soit séparément. L'acte de dissolution contient convocation des électeurs dans les quarante jours, et des chambres dans les deux mois.

Article 72. Le roi peut ajourner les chambres. Toutefois, l'ajournement ne peut excéder le ternie d'un mois, ni être renouvelé dans la même session, sans l'assentiment des chambres.

Article 73. Il a le droit de remettre ou de réduire les peines prononcées par les juges, sauf ce qui est statué relativement aux ministres.

Article 74. Il a le droit de battre monnaie en exécution de la loi.

Article 75. Il a le droit de conférer des titres de noblesse, sans pouvoir jamais y attacher aucun privilège.

Article 76. Il confère les ordres militaires, en observant, à cet égard, ce que la loi prescrit.

Article 77. La loi fixe la liste civile pour la durée de chaque règne.

Article 78. Le roi n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la Constitution et les lois particulières portées en vertu de la Constitution même.

Article 79. A la mort du roi, les chambres s'assemblent sans convocation, au plus tard le dixième jour après celui du décès. Si les chambres ont été dissoutes antérieurement, et que la convocation ait été faite, dans l'acte de dissolution, pour une époque postérieure au dixième jour, les anciennes chambres reprennent leurs fonctions, jusqu'à la réunion de celles qui doivent les remplacer.

S'il n'y a eu qu'une chambre dissoute, on suit la même règle à l'égard de cette chambre.

A dater de la mort du roi, et jusqu'à la prestation du serment de son successeur au trône ou du régent, les pouvoirs constitutionnels du roi sont exercés, au nom du peuple belge, par les ministres réunis en conseil, et sous leur responsabilité.

Article 80. Le roi est majeur à l'âge de dix-huit ans accomplis.

Il ne prend possession du trône qu'après avoir solennellement prêté, dans le sein des chambres réunies, le serment suivant : « Je jure d'observer la Constitution et les lois du peuple belge, de maintenir l'indépendance nationale et l'intégrité du territoire. »

Article 81. Si, à la mort du roi, son successeur est mineur, les deux chambres se réunissent en une seule assemblée, à l'effet de pourvoir à la régence et à la tutelle.

Article 82. Si le roi se trouve dans l'impossibilité de régner, les ministres, après avoir fait constater cette impossibilité, convoquent immédiatement les chambres. Il est pourvu à la tutelle et à la régence par les chambres réunies.

Article 83. La régence ne peut être conférée qu'à une seule personne. Le régent n'entre en fonctions qu'après avoir prêté le serment prescrit par l'article 80.

Article 84. Aucun changement à la Constitution ne peut être fait pendant une régence.

Article 85. En cas de vacance du trône, les chambres, délibérant en commun, pourvoient provisoirement à la régence, jusqu'à la réunion des chambres intégralement renouvelées ; cette réunion a lieu au plus tard dans les deux mois. Les chambres nouvelles, délibérant en commun, pourvoient définitivement à la vacance.

Section III. Des ministres

Article 86. Nul ne peut être ministre s'il n'est Belge de naissance ou s'il n'a reçu la grande naturalisation.

Article 87. Aucun membre de la famille royale ne peut être ministre.

Article 88. Les ministres n'ont voix délibérative dans l'une ou l'autre chambre que quand ils en sont membres.

Ils ont leur entrée dans chacune des chambres, et doivent être entendus quand ils le demandent.

Les chambres peuvent requérir la présence des ministres.

Article 89. En aucun cas, l'ordre verbal ou écrit du roi ne peut soustraire un ministre à la responsabilité.

Article 90. La chambre des représentants a le droit d'accuser les ministres et de les traduire devant la cour de cassation, qui seule a le droit de les juger, chambres réunies, sauf ce qui sera statué par la loi quant à l'exercice de l'action civile par la partie lésée et aux crimes et délits que des ministres auraient commis hors de l'exercice de leurs fonctions.

Une loi déterminera les cas de responsabilité, les peines à infliger aux ministres et le mode de procéder contre eux, soit sur l'accusation admise par la chambre des représentants, soit sur la poursuite des parties lésées.

Article 91. Le roi ne peut faire grâce au ministre condamné par la cour de cassation, que sur la demande de l'une des deux chambres.

Chapitre III. Du pouvoir judiciaire

Article 92. Les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux.

Article 93. Les contestations qui ont pour objet des droits politiques sont du ressort des tribunaux, sauf les exceptions établies par la loi.

Article 94. Nul tribunal, nulle juridiction contentieuse ne peut être établie qu'en vertu d'une loi. Il ne peut être créé de commissions, ni de tribunaux extraordinaires, sous quelque dénomination que ce soit.

Article 95. Il y a pour toute la Belgique une cour de cassation. Cette cour ne connaît pas du fond des affaires, sauf le jugement des ministres.

Article 96. Les audiences des tribunaux sont publiques, à moins que cette publicité ne soit dangereuse pour l'ordre ou les mœurs ; et, dans ce cas, le tribunal le déclare par un jugement.

En matière de délits politiques et de presse, le huis clos ne peut être prononcé qu'à l'unanimité.

Article 97. Tout jugement est motivé. Il est prononcé en audience publique.

Article 98. Le jury est établi en toutes matières criminelles et pour délits politiques et de la presse.

Article 99. Les juges de paix et les juges des tribunaux sont directement nommes par le roi.

Les conseillers des cours d'appel et les présidents et vice-présidents des tribunaux de première instance de leur ressort sont nommés par le roi, sur deux listes doubles, présentées, l'une par ces cours, l'autre par les conseils provinciaux.

Les conseillers de la cour de cassation sont nommés par le roi sur deux listes doubles, présentées, l'une par le sénat, l'autre par la cour de cassation.

Dans ces deux cas, les candidats portés sur une liste peuvent également être portés sur l'autre.

Toutes les présentations sont rendues publiques, au moins quinze jours avant la nomination.

Les cours choisissent dans leur sein leurs présidents et vice-présidents.

Article 100. Les juges sont nommés à vie.

Aucun juge ne peut être privé de sa place ni suspendu que par un jugement.

Le déplacement d'un juge ne peut avoir lieu que par une nomination nouvelle et de son consentement.

Article 101. Le roi nomme et révoque les officiers du ministère public près des cours et des tribunaux.

Article 102. Les traitements des membres de l'ordre judiciaire sont fixés par la loi.

Article 103. Aucun juge ne peut accepter du gouvernement des fonctions salariées, à moins qu'il ne les exerce gratuitement et sauf les cas d'incompatibilité déterminés par la loi.

Article 104. Il y a trois cours d'appel en Belgique.

La loi détermine leur ressort et les lieux où elles sont établies.

Article 105. Des lois particulières règlent l'organisation des tribunaux militaires, leurs attributions, les droits et obligations des membres de ces tribunaux, et la durée de leurs fonctions.

II y a des tribunaux de commerce dans les lieux déterminés par la loi. Elle règle leur organisation, leurs attributions, le mode de nomination de leurs membres, et la durée des fonctions de ces derniers.

Article 106. La cour de cassation prononce sur les conflits d'attributions, d'après le mode réglé par la loi.

Article 107. Les cours et tribunaux n'appliqueront les arrêtés et règlements généraux, provinciaux et locaux, qu'autant qu'ils seront conformes aux lois.

Chapitre IV. Des institutions provinciales et communales

Article 108. Les institutions provinciales et communales sont réglées par des lois.

Ces lois consacrent l'application des principes suivants :

1° L'élection directe, sauf les exceptions que la loi peut établir à l'égard des chefs des administrations communales et des commissaires du gouvernement près des conseils provinciaux ;

2° L'attribution aux conseils provinciaux et communaux de tout ce qui est d'intérêt provincial et communal, sans préjudice de l'approbation de leurs actes, dans les cas et suivant le mode que la loi détermine ;

3°La publicité des séances des conseils provinciaux et communaux, dans les limites établies par la loi ;

4° La publicité des budgets et des comptes ;

5° L'intervention du roi ou du pouvoir législatif, pour empêcher que les conseils provinciaux et communaux ne sortent de leurs attributions et ne blessent l'intérêt général.

Article 109. La rédaction des actes de l'état civil et la tenue des registres sont exclusivement dans les attributions des autorités communales.

Titre IV. Des finances

Article 110. Aucun impôt au profit de l'Etal ne peut être établi que par une loi.

Aucune charge, aucune imposition provinciale ne peut être établie que du consentement du conseil provincial.

Aucune charge, aucune imposition communale ne peut être établie que du consentement du conseil communal.

La loi détermine les exceptions dont l'expérience démontrera la nécessité relativement aux impositions provinciales et communales.

Article 111. Les impôts au profit de l'Etat sont votés annuellement.

Les lois qui les établissent n'ont de force que pour un an, si elles ne sont renouvelées.

Article 112. Il ne peut être établi de privilège en matière d'impôts. Nulle exemption ou modération d'impôt ne peut être établie que par une loi.

Article 113. Hors les cas formellement exceptés par la loi, aucune rétribution ne peut être exigée des citoyens qu'à titre d'impôt au profit de l'État, de la province ou de la commune. Il n'est rien innové au régime actuellement existant des polders et des wateringen, lequel reste soumis à la législation ordinaire.

Article 114. Aucune pension, aucune gratification à la charge du trésor public, ne peut être accordée qu'en vertu d'une loi.

Article 115. Chaque année, les chambres arrêtent la loi des comptes et votent le budget.

Toutes les recettes et dépenses de l'État doivent être portées au budget et dans les comptes.

Article 116. Les membres de la cour des comptes sont nommés par la chambre des représentants et pour le terme fixé par la loi.

Cette cour est chargée de l'examen et de la liquidation des comptes de l'administration générale et de tous comptables envers le trésor public. Elle veille à ce qu'aucun article des dépenses du budget ne soit dépassé et qu'aucun transfert n'ait lieu. Elle arrête les comptes des différentes administrations de l'État et est chargée de recueillir à cet effet tout renseignement et toute pièce comptable nécessaire. Le compte général de l’Etat est soumis aux chambres avec les observations de la cour des comptes.

Cette cour est organisée par une loi.

Article 117. Les traitements et pensions des ministres des cultes sont à la charge de l'État ; les sommes nécessaires pour y faire face sont annuellement portées au budget.

Titre IV. De la force publique

Article 118. Le mode du recrutement de l'armée est déterminé par la loi. Elle règle également l'avancement, les droits et les obligations des militaires.

Article 119. Le contingent de l'armée est volé annuellement. La loi qui le fixe n'a de force que pour un an, si elle n'est renouvelée.

Article 120. L'organisation et les attributions de la gendarmerie fout l'objet d'une loi.

Article 121. Aucune troupe étrangère ne peut être admise au service de l'État, occuper ou traverser le territoire, qu'en vertu d'une loi.

Article 122. Il y a une garde civique ; l'organisation en est réglée par la loi. Les titulaires de tous les grades, jusqu'à celui de capitaine au moins, sont nommés par les gardes, sauf les exceptions jugées nécessaires pour les comptables.

Article 123. La mobilisation de la garde civique ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une loi.

Article 124. Les militaires ne peuvent être privés de leurs grades, honneurs et pensions, que de la manière déterminée par la loi.

Titre VI. Dispositions générales

Article 125. La nation belge adopte les couleurs rouge, jaune et noire, et pour armes du royaume le Lion Belgique avec la légende : L'union fait la force.

Article 126. La ville de Bruxelles est la capitale de la Belgique et le siège du gouvernement.

Article 127. Aucun serment ne peut être imposé qu'en vertu de la loi. Elle en détermine la formule.

Article 128. Tout étranger qui se trouve sur le territoire de la Belgique jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi.

Article 129. Aucune loi, aucun arrêté ou règlement d'administration générale, provinciale ou communale, n'est obligatoire qu'après avoir été publié dans la forme déterminée par la loi.

Article 130. La Constitution ne peut être suspendue en tout ni en partie.

Titre VII. De la révision de la constitution

Article 131. Le pouvoir législatif a le droit de déclarer qu'il y a lieu à la révision de telle disposition constitutionnelle qu'il désigne.

Après cette déclaration, les deux chambres sont dissoutes de plein droit. Il en sera convoqué deux nouvelles, conformément à l'article 71.

Ces chambres statuent de commun accord avec le roi sur les points soumis à la révision.

Dans ce cas, les chambres ne pourront délibérer si deux tiers au moins des membres qui composent chacune d'elles ne sont présents ; et nul changement ne sera adopté s'il ne réunit au moins les deux tiers des suffrages.

Titre VIII. Dispositions transitoires

Article 132. Pour le premier choix du chef de l'État il pourra être déroge à la première disposition de l'article 80.

Article 133. Les étrangers établis en Belgique avant le 1er janvier 1814, et qui ont continué d'y être domiciliés, sont considérés comme Belges de naissance, à la condition de déclarer que leur intention est de jouir du bénéfice de la présente disposition.

La déclaration devra être faite dans les six mois, à compter du jour où la présente Constitution sera obligatoire, s'ils sont majeurs, et dans l'année qui suivra leur majorité, s'ils sont mineurs.

Cette déclaration aura lieu devant l'autorité provinciale à laquelle ressortit le lieu où ils ont leur domicile.

Elle sera faite en personne ou par un mandataire, porteur d'une procuration spéciale et authentique.

Article 134. Jusqu'à ce qu'il y soit pourvu par une loi, la chambre des représentants aura un pouvoir discrétionnaire pour accuser un ministre, et la cour de cassation pour le juger, en caractérisant le délit et en déterminant la peine.

Néanmoins, la peine ne pourra excéder celle de la réclusion, sans préjudice des cas expressément prévus par les lois pénales.

Article 135. Le personnel des cours et des tribunaux est maintenu tel qu'il existe actuellement, jusqu'à ce qu'il y ait été pourvu par une loi.

Cette loi devra être portée pendant la première session législative.

Article 136. Une loi portée dans la même session déterminera le mode de la première nomination des membres de la cour de cassation.

Article 137. La loi fondamentale du 24 août 1815 est abolie, ainsi que les statuts provinciaux et locaux. Cependant les autorités provinciales et locales conservent leurs attributions jusqu'à ce que la loi y ait autrement pourvu.

Article 138. A compter du jour où la Constitution sera exécutoire, toutes les lois, décrets, arrêtés, règlements et autres actes qui y sont contraires, sont abrogés.

Dispositions supplémentaires

Article 139. Le Congrès national déclare qu'il est nécessaire de pourvoir par des lois séparées, et dans le plus court délai possible, aux objets suivants :

1° La presse ;

2° L'organisation du jury ;

3° Les finances ;

4° L'organisation provinciale et communale ;

5° La responsabilité des ministres et autres agents du pouvoir ;

6° L'organisation judiciaire ;

7° La révision de la liste des pensions ;

8° Les mesures propres à prévenir les abus du cumul ;

9° La révision de la législation des faillites et des sursis ;

10° L'organisation de l'armée, les droits d'avancement et de retraite, et le code pénal militaire ;

11°La révision des codes.


Bruxelles, le 7 février 1831 .

Le Vice-Président du Congrès, E.-C. DE GERLACHE.

Les Secrétaires, membres du Congrès, LIEDTS, NOTHOMB, Vicomte VILAIN XIIII, H. DE BROUCKERE.