Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Histoire de la démocratie et du socialisme en Belgique depuis 1830
BERTRAND Louis - 1907

Retour à la table des matières

Louis BERTRAND, Histoire de la démocratie et du socialisme en Belgique depuis 1830

(Tome premier paru en 1906 à Bruxelles, chez Dechenne et Cie)

Tome premier. Première partie (la Belgique de 1830 à 1848)

Chapitre III. Le Gouvernement provisoire - Le Congrès national - La Constitution - L'élection du Roi - La paix avec la Hollande

Le Gouvernement provisoire - Hommes, opinions et caractères - Attitude de Louis De Potter - le Congrès - Assemblee censitaire - Les catholiques y sont en majorité - La Constitution - Le peuple est sacrifié. - L’élection du roi - Grand nombre de candidats - Le duc de Nemours, élu, refuse - Conseils aux belges. Chanson de Béranger - Le prince Léopold de Saxe-Cobourg - Ses conditions - Révélations de Félix de Mérode - Les traités imposés par la Conference de Londres - La campagne du mois d'aout 1831 - Trahison - Intervention étrangère - La paix est faite

Le gouvernement provisoire installé le 26 septembre, alors que la révolution triomphait, s'adjoignit, le 28 du même mois, le très populaire Louis De Potter. Celui-ci se trouvait en exil en France, à la suite d'une condamnation au bannissement. (Note de bas de page : Voici le texte de la proclamation du gouvernement provisoire « Un de nos meilleurs citoyens, M. De Potter, que le vœu national rappelait à grands cris depuis le commencement de notre glorieuse révolution, est entré dans nos murs. Le gouvernement provisoire s'est empressé de se l'adjoindre. En conséquence, à partir du 28 septembre 1830, M. De Potter fait partie du gouvernement provisoire. Bruxelles, le 28 septembre 1830. » (Suivent les signatures))

La plupart des membres du gouvernement provisoire étaient des modérés. Ils avaient à résoudre trois grandes questions : l'indépendance de la Belgique, la sépara¬tion avec la Hollande, la forme du gouvernement.

Le gouvernement provisoire institua, sous le nom de Comité Central, un pouvoir exécutif qu'il choisit dans son sein et qu'il chargea des mesures d'exécution. En firent partie De Potter, qui avait prit l'initiative de la mesure, Rogier, F. de Mérode, Van de Weyer et plus tard, Gendebien.

Au début, le plus parfait accord régna au Comité.

Seul, M. de Mérode faisait parfois de l'opposition, surtout quand il s'agissait d'idées émises par De Potter. L'entente fut moins complète après l'entrée de Gendebien, qui fut pour De Potter non seulement un contradicteur, mais surtout un adversaire.

De Potter et Gendebien étaient partisans, en principe, de l'organisation républi¬caine. Lorsqu'il fut question de la forme à donner au nouveau gouvernement belge, Gendebien se déclara partisan de la monarchie, parce que, prétendit-on, il ne voulait pas contribuer à faire de son rival le président d'une république belge. (Théodore Juste. Louis De Potter, p. 85.)

Les trois problèmes de la séparation, de l'indépendance et de la forme du gouvernement auraient pu être tranchés par le gouvernement provisoire, émanation de la révolution. Il ne le voulut point et réserva la solution de ces questions au Congrès National, dont la convocation fut ordonnée par un décret du 4 octobre. Cependant, pour donner satisfaction à l'opinion publique, le gouvernement provisoire déclara que les provinces belges, détachées de la Hollande, formaient un Etat indépendant.

Il faut répéter que tous les membres du gouvernement provisoire n'étaient pas d'accord sur cette résolution. De Potter avait insisté pour la proclamation immédiate de la république. Gendebien voulait faire décider la réunion de la Belgique à la France. Quant à Van de Weyer, qui préconisait une monarchie tempérée, il se déclarait prêt à accepter le prince d'Orange, s'il s'offrait à être le chef du peuple belge.

Finalement, on se mit d'accord pour nommer une commission chargée de préparer un projet de constitution à soumettre au Congrès National.


Comment seraient élus les membres du Congrès ?

La législation électorale en vigueur, depuis le 24 août 1815, était une législation censitaire, avec cens variable, d'après les circonscriptions. Le cens variait de 13 florins, dans certaines parties du Luxembourg, jusque 150 florins, dans les campagnes du Hainaut et des deux Flandres, ainsi qu'à Bruxelles.

Le gouvernement provisoire voulut aller vite et, dans ce but, il décida de faire élire les membres du Congrès National par les mêmes électeurs censitaires que ceux qui avaient élu les députés des Etats-Généraux.

Dans le préambule de son arrêté du 10 octobre 1830, il s'exprime cependant comme suit :

« Considérant que le Congrès, appelé à décider des intérêts de la Belgique, doit être une véritable représentation nationale ; et qu'il est donc nécessaire d'adopter, dès à présent, un système d'élection directe et libérale...

« Considérant néanmoins que les circonstances exigent la prompte réunion du Congrès ; qu'un système d'élection où ne serait conservée aucune des bases de l'ancien système électoral entraînerait des lenteurs ; que, d'ailleurs, le mode d'élection d'après lequel on procédera pour cette fois n'est que transitoire. »

Cependant, le gouvernement provisoire devança le régime appelé depuis « régime capacitaire », en disant dans l'article 7 de son arrêté :

« Sont également électeurs, sans qu'il soit exigé d'eux aucun le cens électoral et pourvu qu'ils remplissent les deux premières les conditions de l'article 3 (être né, ou naturalisé, ou avoir six ans de domicile en Belgique ; être âgé de vingt-cinq ans) les conseillers des cours, juges des tribunaux, juges de paix, les avocats, avoués, notaires, les ministres des différents cultes, les officiers supérieurs jusqu'au grade de capitaine inclusivement, les docteurs en droit, en science, en lettres et philosophie, en méde¬cine, en chirurgie et accouchements. »

Le Congrès National, dans sa grande majorité, fut composé de catholiques, de prêtres et de nobles. (Note de bas de page : Tel est du moins l'avis de plusieurs historiens, parmi lesquels Thonissen. L'idée contraire a été soutenue aussi, notamment à la Chambre, par M. Paul Hymans, qui, à l'appui de son opinion, signalait que le bureau du Congrès était en majorité composé de libéraux.)

Tous les membres du gouvernement provisoire en faisaient partie à l'exception de De Potter, qui refusa toute candidature, même celle qui lui fut offerte, chose bizarre à coup sûr, par un groupe de dix-neuf ecclésiastiques du Hainaut.

Le projet de constitution fut déposé le 27 octobre. La Commission qui l'avait élaboré était composée de MM. Van Meenen, E.- C. de Gerlache, du Bus aîné, Lebeau, C. Blargnies, Ch. Zoude, Mathieu, Paul Devaux et Nothomb.

En ce qui concerne la forme du gouvernement, la Commission se prononçait en faveur du système monarchique. Elle proposait deux Chambres et précisait deux systèmes pour la désignation des sénateurs : ou bien leur nomination par le chef de l'Etat, ou bien leur élection dans un corps d'éligibles payant au moins 1,000 florins d'impôt foncier sur des biens situés en Belgique.

Pour être élu député, aucune condition de cens n'était exigée.

Le régime électoral était défini dans les termes suivants :

« La loi électorale fixera le nombre des députés, qui toutefois ne pourra s'élever au-delà de cent. Elle déterminera également les conditions requises pour être électeur, et la marche des opérations électorales. »

Quand il fut donné lecture du projet de constitution au gouvernement provisoire, De Potter se récria et dit à ses collègues, avec tristesse et une pointe de découra¬gement : « Ce n'était pas la peine de verser tant de sang pour si peu de chose. » (Rapporté par Nothomb dans son Essai historique et politique sur la Révolution belge, p. 77.)

Le 31 octobre, De Potter publia un manifeste dans lequel il déclara refuser de siéger au Congrès, et où il appela de ses vœux la fondation de la république belge. Voici ce document :

« PROFESSION DE FOI POLITIQUE

« Mes collègues du Comité central, éligibles comme moi au Congrès, sont décidés à accepter la mission que la nation, sans aucun doute, leur confiera ; en le déclarant, ils saisissent l'occasion, qui s'offre si naturellement à eux, de faire leur profession de foi politique.

« Et, quand même ils ne la feraient pas, membres du Congrès, ils pourront à chaque heure manifester leurs opinions et leurs principes.

« Je ne partage pas (ils me le pardonneront) leur manière de voir à cet égard.

« Je me crois obligé à n'accepter aucun poste et à demeurer jusqu'au bout à celui où les circonstances m'ont placé : jusqu'au bout, c'est-à-dire à jusqu'à ce que les circonstances m'y remplacent. Je me bornerai donc à cette seule mission.

« Mais, privé par là de m'expliquer sur les intérêts les plus graves, les plus vitaux de ma patrie, soit comme candidat au Congrès, soit comme membre de cette asseblée, je dois cependant à mes concitoyens, je me dois à moi-même, de dévoiler le fond de ma pensée, sans ménagement comme sans restriction, franchement et entière¬ment.

« Je le dois d'autant plus que le projet de constitution tel que l'a arrêté la Com¬mission, a été publié, et que celui du Comité central, s'il juge convenable d'en représenter un autre au congrès, sera soumis à la discussion sans que je puisse, d'aucune manière, émettre mon opinion sur un acte d'où dépendent la liberté et la prospérité futures de ma patrie.

« C'est là ce que j'ai entendu par l'opposition dont j'ai parlé dans ma lettre du 19 octobre, par laquelle je répudiais toute possibilité de contact entre moi et le prince d'Orange, avant même que l'incendie d'Anvers lui eût ôté le peu de chance qu'il croyait conserver encore de se faire proclamer chef des Belges. C'est là ce que j'ai entendu par un gouvernement et un pouvoir qui me déplairaient, en d'autres termes, qui serait honteux et désastreux pour la Belgique. Je me suis cru des droits à être compris dans ce sens.

« Les Nassau, que j'ai alors repoussés, comme citoyen, de tous mes vœux, je m'engage maintenant à les repousser de tous mes efforts. Je repousserai de même tout prince étranger, tout étranger que l'on voudrait placer à la tête de l'Etat.

« J'ai la conviction intime que les Belges peuvent rester Belges, et qu'ils n'ont pour cela besoin de qui que ce soit. Et, s'ils le peuvent, ils le doivent.

« La république, sous une dénomination quelconque, celle de l'Union belge, par exemple, est à mes yeux la forme de gouvernement qui leur convient le mieux. Sim-ples, laborieux, économes, ils se passent volontiers du faste des cours ; et leurs propriétés, divisées à l'infini, ont depuis longtemps rendu national chez eux le principe démocratique.

« J'ai dit que la révolution faite par le peuple devait tourner tout entière au profit du peuple. Cela n'aura lieu, et ne peut avoir lieu que lorsque, après lui avoir rendu la nomination de ses magistrats, on aura fixé l'assiette vraiment populaire des impôts, et que leur diminution, réelle sera devenue une conséquence directe de celle des dépenses publiques.

« Or, point d'économie possible sous la royauté.

« Donc, pas de royauté.

« C'est-à-dire point d'hérédité.

« Le chef de l'Etat, si on le veut absolument, sera nommé à vie. Mais, il faut pour cela qu'on le veuille absolument, et qu'il soit impossible d'obtenir, des préjugés encore dominants aujourd'hui, un président à terme, savoir pour trois ou cinq ans.

« A ceux que cette forme de gouvernement effraye, et qui voient déjà arriver en Belgique, pour y substituer la monarchie constitutionnelle, les armées des anciens membres de la Sainte-Alliance, je répondrai sans hésiter : Vous en avez déjà fait assez ; vous n'en avez même que trop fait, pour vous attirer toute leur colère et toute leur vengeance. Avoir chassé le roi de Hollande qu'ils vous avaient imposé ; avoir séparé la Hollande et la Belgique, qu'ils avaient réunies, ce sont là des crimes qu'ils ne vous pardonneront jamais ; et s'ils ne les punissent pas, c'est que leur politique et la situation intérieure de leurs Etats le leur défendent. Que vous y ajoutiez maintenant celui de fonder la république, forte de liberté, de prospérité et d'esprit national, ce sera un crime de plus, qui ne vous rendra pas plus coupables aux yeux des rois, et qui vous mettra à la tête des peuples.

« Ou érigez-vous en république ; ou, si, par crainte des rois, vous vous donnez un simulacre de chef inviolable et des héréditaire, soumettez-vous aussi à la rétablir, par la même crainte, la domination hollandaise et la dynastie souillée de sang, que vous pouvez, que vous devez aujourd'hui déclarer déchue, dans sa progéniture la plus reculée. »

« Et soumettez-vous à être de nouveau exploités au profit d'une seule famille, qui ne pourra jamais être puissante que de votre faiblesse, riche que de votre misère, fière que de votre servilité.

« Mais non, nous pouvons, nous devons, par conséquent, donner un exemple sublime à l'Europe. Elle nous doit déjà celui de l'entière émancipation de l'intelligence et de l'union patriotique de toutes les opinions et de toutes les doctrines, dans l'intérêt de la liberté : qu'elle nous doive encore celui du triomphe d'une liberté civile, sage et durable, fondée sur les bases de l'égalité et de l'économie.

« Un gouvernement à très bon marché est le lot que les plus heureuses circons-tances nous ont préparé ; ne le répudions pas. Seul, il peut fixer à jamais la liberté de notre belle patrie. Seul, il peut nous délivrer à jamais de la bassesse et de la vileté des cours, de la prodigalité des rois et de la corruption des peuples, c'est-à-dire de tous les vices et de tous les maux.

« Belges, nos voisins ont les yeux sur nous : la France et l'Angleterre saluent déjà la république qui va s'élever sous leurs auspices. Ne nous rendons pas la risée de l'Europe et de la postérité, en ne répondant à cette noble attente que par une copie froide et décolorée de ces chartes modernes, de ces constitutions illusoires, au moyen desquelles on n'a jusqu'aujourd'hui réussi qu'à amortir temporairement les généreuses révolutions des peuples, et à nécessiter des révolutions nouvelles.

« Peuple, soyez attentif ! L'attitude que vous allez prendre, pendant que vos mandataires délibéreront sur le pacte qui doit vous régir, en déterminera la nature. Montrez-vous calme et fort. Que les intrigants de salon ne puissent arguer ni de votre indifférence, pour prouver qu'il est facile de vous réduire, ni de votre violence, pour prouver qu'il est nécessaire de vous enchaîner. Ne voulant que ce qui est de droit, vous serez sûr de l'obtenir car la juste volonté des peuples est toujours la loi suprême : sous les rois, ce sont les révolutions qui l'exécutent ; sous la république, elle comble l'abîme des révolutions.

« Union, constance, nationalité, voilà notre devise ; liberté, économie, égalité, notre but ; justice, force, ordre public, les moyens pour l'atteindre. »

Le congrès était convoqué pour le 10 novembre.

Dès le matin, une foule immense se porta au Palais, où l'assemblée s'ouvrit avec une grande solennité.

Au nom du gouvernement provisoire, De Potter déclara qu'il était heureux de pouvoir, en ce moment solennel, faire connaître aux représentants du peuple les premières négociations entamées avec les grandes puissances de l'Europe.

Après l'installation du Congrès national, le gouvernement provisoire déposa son pouvoir, mais le Parlement après l'avoir remercié des services qu'il avait rendus, le confirma dans son autorité. Seul, De Potter n'accepta pas la continuation de son mandat. Il se retira, parce que, disait-il, il ne lui était plus possible de faire prévaloir le principe républicain au Congrès.

Celui-ci se mit à l'œuvre. Le 18 novembre, il adopta à l'unanimité le principe de l'indépendance, en réservant les rapports du Luxembourg avec la Confédération germanique. Le 22, par 174 voix contre 13, il vota en faveur de la monarchie constitutionnelle héréditaire. Le 23, le député Rodenbach proposa l'exclusion à perpétuité de la famille d'Orange-Nassau. La discussion dura jusqu'au lendemain soir et l'exclusion fut adoptée par 151 voix contre 38.

La Constitution adoptée par le Congrès, paraissait très libérale pour l'époque. Elle proclamait de grands principes : l'égalité des Belges devant la loi, l'émanation des pouvoirs de la nation, etc., etc. En fait, par l'article 47, instituant le régime censitaire, elle établissait une véritable oligarchie bourgeoise ; elle excluait le peuple des droits électoraux, ce peuple qui venait de verser son sang... De plus, au-dessus de la Cham¬bre censitaire, elle instituait un Sénat, auquel seuls étaient éligibles ceux qui payaient au moins 1,000 florins de contributions !

C'était évidemment le cas de répéter avec De Potter, que « ce n'était vraiment pas la peine de verser tant de sang pour aboutir à si peu de chose ! »

Pendant que les élus de la bourgeoisie censitaire complétaient ainsi leur œuvre et escamotaient, au profit d'une caste de privilégiés, les droits et les intérêts du peuple travailleur, la diplomatie européenne s'occupait aussi de la Belgique.

Une conférence réunie à Londres, reconnut, le 20 décembre 1830, l'indépendance et la neutralité du pays et proposa, en ce qui concerne la séparation des deux parties de l'ancien royaume des Pays-Bas, que le Luxembourg et la Flandre Zélandaise seraient cédés à la Hollande ; de plus la Belgique prendrait à sa charge la moitié de la dette hollandaise.

Le Congrès national, saisi de cette dernière proposition, refusa de l'admettre et réclama la réunion à la Belgique du Limbourg, du Luxembourg et de la Flandre Zélandaise.

Le Congrès avait à désigner l'homme qui serait le premier roi des Belges. Un nombre considérable de compétiteurs se présentaient, parmi lesquels : le duc de Nemours, fils de Louis Philippe, le duc de Leuchtenberg, l'archiduc Charles, le duc de Reichstadt, le prince de Capoue, frère du roi de Naples, le prince Othon de Bavière, le duc de Lucques, le duc Jean de Saxe, le prince de Salin, le prince de Carignan, le prince de Ligne, Surlet de Chokier, Félix de Mérode, Charles Rogier, Lafayette, Chateaubriand, etc., etc.

Le jour de la discussion des candidatures, ce fut M. Lebeau qui prit le premier la parole. Il débuta ainsi :

« Il n'y a que trois combinaisons possibles le prince d'Orange, le duc de Nemours et le duc de Leuchtenberg. Avec le prince d'Orange, nous avons la guerre civile et, de plus, l'opprobre national. Avec le duc de Nemours, la guerre est immédiate et générale. Avec le duc de Leuchtenberg, la guerre est tout aussi possible... »

La discussion dura de longs jours, jusqu'à ce que la lutte finit par se circonscrire entre le duc de Nemours et le duc de Leuchtenberg. Au premier tour du scrutin, aucun des deux candidats n'obtint la majorité absolue. A la seconde épreuve, la candidature du duc de Nemours passa à une seule voix.

A cette nouvelle, déclarent plusieurs auteurs, la joie fut générale… Une déléga¬tion partit pour Paris. Le 17 février, elle fut reçue par le roi Louis-Philippe.


Le roi était assis sur son trône, entouré de sa famille, de ses ministres et des hauts dignitaires de l'Etat. Ce fut le baron Surlet de Chokier qui, au nom de la délégation belge, offrit la couronne de Belgique au duc de Nemours.

Louis Philippe déclara que s'il n'écoutait que son cœur, il serait heureux d'accepter la couronne pour son fils. Mais des raisons politiques s'opposaient à ce qu'il fît bon accueil à l'offre qui lui était faite au nom du Congrès belge.

Celui-ci fut fort désappointé de cette décision. L'incertitude recommençait et avec elle, les intrigues des factions.

De leur côté, les républicains espéraient encore. Pendant que les délégués belges se rendaient à Paris, un mouvement intense se produisait dans le pays en faveur de la République.

L'Association de l'Indépendance, qui avait son siège principal à Bruxelles et qui comptait des groupes dans plusieurs villes faisait une propagande active pour la forme républicaine.

Le 15 février, De Potter, président, Lesbroussart et Feignaut, vice-présidents, Toussaint et Bayat, secrétaires de l'Association de Bruxelles, avaient envoyé au Congrès une adresse en faveur de la République, adresse qui se terminait par ces mots : Vive la liberté ! Vive l'indépendance ! Vive la république !

Le 24 février, le Congrès résolut de nommer un régent ; le prince baron Surlet de Chokier fut désigné pour occuper cette fonction, par 108 voix sur 165 votants.

Dès ce moment, l'Association de l'Indépendance, qui tenait ses séances, rue de la Bergère, dans un cabaret portant pour enseigne « A la Bergère », cessa de se réunir. Depuis quelque temps déjà, les fidèles de l'Association remarquaient, dans leurs réunions, la présence d'individus qui semblaient y venir surtout pour les troubler et faire du tapage.

A une réunion qui, devait se tenir le 22 février, un véritable guet-apens avait été préparé contre De Potter, et celui-ci n'y échappa que parce qu'il s'abstint, dit Th. Juste (Louis De Potter, page 113), de se rendre à la séance.

Des individus en blouse et armés de masses plombées dirigeaient le mouvement. Des imprécations et des menaces étaient lancées contre l'homme qui, naguère encore, était l'idole du peuple. Les uns prétendaient qu'il était un prêtre juif qui, sous prétexte d'établir la république, n'avait d'autre but que de détrôner le pape et de protestantiser les Belges. D'autres soutenaient qu'il était un saint-simonien et qu'il prêchait la communauté des femmes. D'autres encore le signalaient comme égalitaire, « qui for¬çait les ouvriers de travailler et dispensait les patrons de les payer !!! ». Les plus malins déclaraient tout bonnement que De Potter était un orangiste. Quoique le 22 février De Potter fût absent, les assommeurs se ruèrent sur l'assemblée et la dispersèrent. On remarqua que la police laissa faire et l'on se demanda, avec raison, si elle n'avait pas instigué cette affaire. C'est ainsi que commençait le régime de la liberté d'opinion, d'association et de réunion !

Quelques jours plus tard, découragé, Louis De Potter partit pour Paris. Il expliqua son exil volontaire, en dénonçant l'incurie de l'autorité dans les faits que nous venons de rapporter.

Lucien Jottrand, dans son livre sur Louis De Potter, accuse le chef de la police d'avoir ameuté les gens, à diverses reprises, pour troubler les réunions populaires.

Dans une lettre que De Potter adressa, le 24 février 1831, au journal Le Belge, il dit avec amertume : « Quand on est arrivé à ce renversement de toute idée d'ordre, et que les honnêtes gens se trouvent en contact avec d'aussi ignobles adversaires ; quand le peuple se laisse aveugler et mener, au point de servir ses plus cruels ennemis contre ceux précisément qui se dévouent pour assurer au moins une partie du bonheur auquel il a droit, l'homme qui se respecte, affligé et découragé, laisse le champ libre aux intrigants, et, plaignant les dupes, se retire. C'est ce que je fais ».

L'attitude de De Potter, dans la Révolution de 1830, a été diversement appréciée. Il n'était pas un homme d'action et ne possédait pas les qualités que doivent avoir les hommes d'Etat. Il était aussi dépourvu de connaissances pratiques.

Il était très aimé, très populaire et c'est à ce titre que le gouvernement se l'adjoignit. Peut-être eût-il mieux fait de rester en dehors du gouvernement et de se servir de sa popularité pour peser sur celui-ci, et le déterminer à faire œuvre démocratique. Puis, pourquoi refusa-t-il d'entrer au Congrès national pour y défendre ses idées ?

Il eut incontestablement le tort de s'exiler et de quitter le pays. Mais, il n'était pas bâti pour la lutte. Théoricien, homme de cabinet, il perdait courage au premier obs¬tacle, à la première difficulté.


Après l'échec de la candidature du duc de Nemours, l'incertitude recommença. D'un côté, les orangistes, c'est-à-dire les partisans du régime hollandais ou de la désignation du prince d'Orange comme chef du gouvernement, manifestaient en faveur de ce dernier. D'autre part, les journaux catholiques de Bruxelles, ceux des Flandres, le Courrier de la Sambre, le Courrier de l'Escaut et le Courrier de la Meuse, proclamaient qu'il n'y avait qu'un moyen de sauver le pays et de faire renaître la tranquillité : c'était de proclamer la République.

Des troubles sérieux éclatèrent en province. A Malines, à Ypres, à Mons, on saccagea impunément des maisons en plein jour. A Namur, une poignée de volontaires tenta de proclamer la République. A Anvers, on rompit l'armistice et un conflit surgit entre soldats belges et hollandais. A Gand, on dévasta des fabriques.

L'Émancipation publiait dans son numéro du 6 avril 1831 :

« M. J. Voortman vient d'être victime de ses opinions antinationalistes ; ce matin vers 8 heures, le peuple, accompagné de miliciens, se porta à ses fabriques pour y réclamer des canons qu'on disait devoir s'y trouver. Voortman, qui se rendait à la même heure à sa fabrique, fut instruit par les habitants de la rue des Meuniers, de ce mouvement. On lui conseilla de rebrousser chemin, mais il eut la témérité de pousser en avant, se reposant sur ses armes, pour dissiper l'émeute. Arrivé sur les lieux, il fut assailli et désarmé ; alors on lui demanda de remettre les pièces de canon qui causaient l'objet des recherches, et, sur son refus, il fut amené par deux soldats de la garde urbaine et le peuple le promena par la ville. Arrivé au pont de l'Ecluse, un poignard s'échappa de sa redingote. Ce fut le signal de l'exaspération populaire : une femme lui asséna un coup de sabot sur la figure, qui fit répandre son sang ; les militaires qui le conduisaient, essayèrent, en vain, de le protéger contre la fureur du peuple ; l'un d'eux reçut plusieurs coups, qui étaient destinés au malheureux fabricant, qui, parvenu au Marché du Vendredi, fut promené trois fois autour de l'Arbre de Liberté qu'il ne voulut pas embrasser et sur lequel on lui froissa la figure de la manière la plus horrible.

« Mutilé comme il l'était, on le promena ensuite, au milieu des huées populaires, par la rue Longue-Monnaie, le Marché-aux-Grains. Parvenus à la place d'Armes, M. le baron Ch. Coppens empêcha qu'il ne fut massacré, et le fit conduire au Mameloker, pour le soustraire à une mort inévitable : mais ce secours lui sera probablement arrivé trop tard, en entrant dans la prison, un coup de sabre lui fut appliqué.

« Le médecin qui l'a pansé a reconnu onze coups de baïonnettes et deux coups de sabre. On désespère de sa vie. Le bruit court que cette vengeance populaire provient de ce que Voortman aurait dit à ses ouvriers, qui lui avaient demandé du travail : « Si vous n'avez plus à manger, allez sucer l'arbre de la liberté que vous avez planté.

« M. Paul Devos, à la poursuite duquel la populace s'attachait, a eu le temps de s'échapper par les remparts.

« De la fabrique Voortman, il ne reste plus que les murs. Il était trop tard quand le général Vauthier est arrivé ; il a harangué le peuple. »


Cependant la nomination de M. Surlet de Chokier comme régent n'était qu'une solution provisoire. Comme le Congrès ne voulait pas de la République, il dut se remettre à chercher en Europe un prince acceptant de devenir roi des Belges et ayant des chances d'être accepté par les puissances.

Cette situation dura de longues semaines. Elle suggéra à Béranger une chanson qui eut beaucoup de succès et qui mérite d'être reproduite :

« CONSEILS AUX BELGES (1831) (Air : de la République)

« Finissez-en, nos frères de Belgique,

« Faites un roi, morbleu, finissez-en !

« Depuis huit mois, vos airs de république

« Donnent la fièvre à tout bon courtisan.

« D'un roi toujours la matière se trouve :

« C'est Jean, c'est Paul, c'est mon voisin, c'est moi.

« Tout œuf royal éclôt sans qu'on le couve.

« Faites un roi, morbleu ! faites un roi !

« Faites un roi ! Faites un roi !

« Quels biens un prince sur vous va répandre !

« D'abord viendra l'étiquette aux grands airs ;

« Puis des cordons et, des croix à revendre,

« Puis ducs, marquis, comtes, barons et pairs ;

« Puis un beau trône, en or, en soie, en nacre,

« Dont le coussin prête à plus d'un émoi,

« S'il plaît au ciel, vous aurez même un sacre !

« Faites un roi, etc.

« Puis vous aurez baise mains et parades,

« Discours et vers, feux d'artifice et fleurs ;

« Puis force gens qui se disent malades

« Dès qu'un bobo cause aux rois des douleurs.

« Bonnet de pauvre et royal diadème

« Ont leur vermine : un Dieu fit cette loi.

« Les courtisans rongent l'orgueil suprême.

« Faites un roi, etc.

« Chez vous pleuvront laquais de toute sorte,

« Juges, préfets, gendarmes, espions ;

« Nombreux soldats pour leur prêter main forte ;

« Joie à brûler un cent de lampions.

« Vient le budget !... nourrir Athènes et Sparte

« Eût, en vingt ans, moins coûté sur ma foi,

« L'ogre a dîné, peuple, payez la carte !

« Faites un roi, etc.

« Mais, quoi je raille, on le sait bien en France ;

« J'y suis du trône un des chauds partisans.

« D'ailleurs, l'histoire a répondu d'avance :

« Nous n'y voyons que princes bienfaisants,

« Pères du peuple, ils le font pâmer d'aise,

« Plus il s'instruit, moins ils en ont d'effroi ;

« Au bon Henri, succède Louis-treize

« Faites un roi, morbleu ! Faites un roi,

« Faites un roi ! Faites un roi !


Vers la fin du mois d'avril, il fut sérieusement question de la candidature du prince Léopold de Saxe-Cobourg, mais elle fut fortement combattue par la plupart des journaux et, chose piquante, ce furent les journaux catholiques qui s'en montrèrent les adversaires les plus acharnés.

L'Émancipation, journal catholique paraissant à Bruxelles, écrivait dans son numéro du 29 avril, sous le titre Le Prince Léopold :

« Que si le prince Léopold n'était pas un germe de guerre, son élection serait toujours fatale à nos commerçants, à nos industriels, en ce sens que, repoussé par des provinces entières, dociles à leurs intérêts privés, et par de nombreux citoyens exprimant leur veto sous l'empire d'un sentiment de nationalité, le nouveau roi n'apparaîtrait que comme un germe incessant de discorde, blessant tout à la fois les opinions les plus divergentes. Lorsque la méfiance s'attache à celui qui ne doit être que le pre¬mier citoyen d'un pays, elle opère une puissante réaction, non seulement sur l'opinion publique, mais encore sur les transactions commerciales et sur l'industrie qui, pour leurs développements, ont besoin d'un air pur et dégagé de tous miasmes délétères.

« Le prince Léopold, considéré sous le rapport de son caractère assez connu pour qu'il puisse être justement apprécié, considéré comme une vivante antipathie à deux nations, comme une cause de méfiance pour le présent, de crise révolutionnaire pour l'avenir, est donc contraire aux intérêts non seulement de la Belgique en général, mais encore de Bruxelles en particulier, puisqu'il nous présage plus de tempêtes que de jours calmes. »

Le même jour, le Journal des Flandres, dirigé par M. de Robiano, publiait un manifeste du parti catholique repoussant le nouveau candidat.

Le Journal d'Anvers, organe très modéré de ton, s'exprimait ainsi sur ce qu'on appelait alors « La question de Saxe-Cobourg » :

« La question de la candidature royale du prince de Saxe-Cobourg agite les journaux et les esprits. L'opposition est forte, parce qu'elle se compose du parti catholique et du parti français, et que celui de l'indépendance de la Belgique a beaucoup d'adver¬saires parmi les hommes politiques et attachés aux intérêts matériels de la société. D'un autre côté, cette candidature est favorisée par cette masse qui, fatiguée de la révolution et de la paix, se jettera dans les bras du premier prince agréé par le Con¬grès et qui lui rendra les biens qu'il a perdus. »

Le Courrier de la Sambre, du 13 mai, donnait à son tour son avis sur la candi¬dature du prince de Saxe-Cobourg :

« On nous dira peut-être, dit-il, qu'avec une bonne constitution, un roi ne peut rien par lui-même ; mais Guillaume aussi ne pouvait rien sans le concours des Chambres et du ministère, et tout le monde sait combien était paternel le gouvernement de Guillaume !

« On nous objectera encore que notre monarque devra prêter serment de fidélité à la Constitution ; mais Guillaume avait également juré de maintenir la loi fondamentale ; Charles X avait prêté serment de suivre religieusement les dispositions de la Charte. Et qu'étaient ces serments ? Des paroles de roi..., du vent.

« Il nous semble donc que, dans l'intérêt des libéraux autant que des catholiques, il faut écarter du trône un homme dont la religion est essentiellement hostile aux principes de notre révolution, à la liberté en tout et pour tous, sans laquelle il n'est pas de patrie ni de félicité durables. »

L'Émancipation revenait à la charge dans son numéro du 26 avril, sous le titre : La logique des faits et celle des phrases :

« Il y a deux logiques : celle des diplomates, des rhéteurs, des charlatans, enfin de tous ceux qui veulent tromper, c'est la logique des phrases ou des protocoles ; et la logique des faits, la seule qui réduise toutes les théories et tous les raisonnements à leur juste valeur. Les peuples commencent à ne goûter que la première et à se dégoûter de plus en plus de l'autre.

« Le champ des discussions dans la première est immense, illimité aussi voyez comme des flots d'encre coulent sous la plume de ses adeptes, sans nous amener à une solution.

« Dans la logique des faits, la discussion est bientôt épuisée, car, une fois le fait reconnu pour constant, tout est dit : on ne discute pas contre un fait.

« La marche de notre révolution, l'intervention de la diplomatie dans nos affaires, la combinaison anglo-saxonne, l'influence française sur le sort de la Belgique, etc., deviennent tous les jours un sujet fécond de dissertations politico-diplomatico-décevantes. Nous tâcherons d'éclairer ces graves questions en faisant usage de la logique des faits, qui offre moins de prise à la chicane, en réduisant toutes les disputes de mots à leur plus simple expression.

« Quelle marche faut-il suivre en révolution ?

« En Belgique, on se battit en septembre ; on alla en avant ; au bout de cinq semaines, le pays fut affranchi ; l'ennemi, frappé de terreur, n'attendait que l'apparition des blouses pour nous abandonner la ligne de la Meuse, la rive gauche de l'Escaut occidental et la rive droite de l'Escaut oriental.

« En novembre, la diplomatie se mêla de nos affaires ; nos négociations eurent lieu au moyen de notes verbales ; on nous apprit la valeur d'une institution de protocoles ; quelques Talleyrands en herbe surgirent de nos guérets féconds ; Chassé garda la citadelle d'Anvers ; Dibbets fut ravitaillé à Maestricht ; les Prussiens occupent seuls la forteresse de Luxembourg ; les Hollandais insultent nos avant-postes dans la Flandre ; nos embarras augmentent ; les intrigues vont leur train, la révolution est arrêtée et nous faisons une halte dans la boue, grâce à la diplomatie, tant nationale qu'étrangère.

« Au bout de trois jours de combats, la France secoua en juillet la branche aînée des Bourbons, détruisit la restauration de 1814 et 1815, ébranla les traités de la Sainte-Alliance des rois, rallia à elle les vœux de toutes les nations et pouvait fonder sur le continent la Sainte-Alliance des peuples.

« Nicolas l'entendit autrement : il fit la grosse voix, et les doctrinaires français de trembler ; les besoins de la nation furent méconnus, les intérêts perpétuels de la France, sacrifiés à l'intérêt actuel de quelques individus ; Talleyrand partit pour Londres et l'on diplomatisa la révolution de juillet.

« Dès lors, la Belgique devint un foyer d'intrigues de cour, et resta abandonnée aux entreprises des protocolistes de Londres ; les libéraux espagnols furent traqués ; l'Italie tendit en vain ses bras chargés de chaînes vers la France ; le sabre autrichien trancha les têtes et la question sans beaucoup de phrases et des murmures désapprobateurs, des imprécations unanimes poursuivirent la lâcheté de cabinet de Louis-Philippe.

« En novembre, la Pologne se soulève ; elle sollicite l'appui de la France, mais elle s'arme, combat, dissipe ses ennemis et triomphe du vainqueur du Balkan. Elle se passe de diplomatie, poursuit ses succès, soulève toute l'ancienne Pologne et menace à son tour son superbe ennemi. Sa révolution continue, sa marche n'est point arrêtée par des protocoles dont les Polonais n'ont que faire, et la liberté sera le prix de leur sublime patriotisme et de leur courage admirable.

« Quelle est, d'après la logique des faits, la solution de la première question que nous avons posée ?

« Qu'il faut toujours avancer en révolution ; et que, lorsqu'on a fait la faute de s'arrêter, on doit se hâter de rentrer dans la voie du mouvement. Le Congrès a voté de l'argent et des hommes ; le peuple belge vide ses poches dans les coffres du trésor, il vole aux armes, les cadres de l'armée se remplissent. Qu'attend-on encore pour repousser les Hollandais derrière l'Escaut, pour chasser Chassé ; pour délivrer Maestricht, pour affranchir Luxembourg du gouvernement de cet autre prince saxon, que nous tenons des mains libérales de nos restaurateurs de 1815 ? »

Le 19 mai, l'Emancipation publiait un article sur les Républicains. En voici un extrait :

« ... Assurément, il y a des républicains, et il n'y a pas de doute que la turpitude des rois, qui nous ont refusé le duc de Leuchtenberg et le duc de Nemours, qui nous ont fait croupir huit longs mois dans le provisoire, et qui, maintenant toujours le Luxembourg, Maestricht et Anvers en la possession de nos ennemis, nous laissent au bout de ce long espace, à peine entrevoir l'espoir d'obtenir pour roi un Saxe-Cobourg, aux opinions, mille fois plus illibérales que l'ex-roi Guillaume, la turpitude des rois a singulièrement augmenté le nombre des républicains.

« Après tant de déceptions, quel parti reste-t-il à prendre aux hommes généreux pour lesquels patrie et liberté ne sont pas un mot ? Dites ! Quel fruit les Belges ont-ils recueilli de tant de sotte docilité ? De se voir placés entre le prince d'Orange et Saxe-Cobourg.

« Les puissances voudraient, en rendant le résultat de notre révolution le plus désavantageux, et, tranchons le mot, le plus ignominieux possible, nous punir d'avoir brisé un trône qu'elles fondèrent, et dégoûter à jamais des révolutions.

« Tout en établissant qu'il faudrait être fort fat, pour songer à la possibilité du retour du prince d'Orange, avouons que Saxe Cobourg remplirait encore dans toute sa plénitude, le but des puissances.

« Le prince Léopold, autrefois adversaire de l'émancipation catholique, maintenant anti-réformiste, ultra tory, par son éducation et sa vie tout entière, appartenant à cette église anglicane si intolérante ; quelles espérances pourrait-il faire concevoir pour nos libertés politiques, civiles et religieuses ? Nous sentons le besoin de le dire tout haut : son règne serait mille fois plus désastreux pour elles que celui de Guillaume ; il le serait également pour notre prospérité matérielle. D'abord, entièrement étranger aux mœurs belges, accoutumé à la morgue, caractère distinctif de tout aristocrate anglais, il serait en Belgique, seul au milieu de tous, et son gouvernement sans appui, dans l'opinion publique, hors de laquelle il n'y a désormais plus de force ; son gouvernement céderait au moindre choc, et ouvrirait ainsi de nouveau l'antre des révolutions et des perturbations industrielles et commerciales, leurs compagnes ordinaires. »

Dans son numéro du 28 mai, l'Émancipation faisait un parallèle entre ce qu'elle appelait la monarchie élective et la monarchie héréditaire.

Pour le journal catholique bruxellois, la régence de M. Surlet de Chokier était une monarchie élective. Il resterait en fonctions le temps que la Nation le déciderait, et il serait remplacé quand il aurait cessé de plaire.

Voici maintenant comment il apprécie la monarchie héréditaire en la personne du prince Léopold de Saxe-Cobourg :

« Le prince de Saxe-Cobourg est d'origine anglo-saxonne et tient à ce que l'oligarchie a de plus arriéré par sa naissance, son éducation, ses principes, ses relations, sa religion, par sa vie tout entière.

« La vie d'un gentilhomme oisif, riche et plus qu'économe, voilà son passé.

« Saxe-Cobourg a refusé le trône de la Grèce, parce que les affaires de ce malheureux pays étaient trop peu brillantes.

« Lorsque, à la première élection d'un roi, on a parlé de la candidature du prince de Saxe-Cobourg, on l'a rejetée bien loin, jugeant qu'Othon de Bavière, que le Bourbon napolitain, que Charles d'Autriche, qu'Auguste de Leuchtenberg et que le duc de Nemours devaient lui être préférés de beaucoup.

« Or, on ne peut pas à présent songer à lui que comme un pis-aller, et le subir comme un roi imposé.

« Le prince de Saxe-Cobourg a déclaré ne vouloir accepter que pour autant que nous renoncions au Luxembourg et au Limbourg, ou que tout au moins les chefs-lieux de ces deux provinces fussent occupés par les Prussiens, pour garantie de notre obéissance ; pour autant que nous consentions à payer les 16/31èmes de la dette, à ne point élever de prétentions sur la rive gauche de l'Escaut, et en exigeant notre adhésion à tous les protocoles ; à la condition de notre déshonneur et de notre ruine financière. En un mot, Saxe-Cobourg est l'homme de la Sainte-Alliance et de l'Angleterre. »

Et l'article de l'Émancipation se termine par ces mots :

« Celui-ci (le prince Léopold) coûtera des millions qu'il entassera.

« Celui-là (le régent Surlet) nous coûtera quelques milliers de florins dont il ne gardera rien.

« Lequel préférez-vous ? »

Cela s'écrivait le 28 mai, au moment où des pourparlers étaient engagés et où des démarches étaient faites à Londres auprès du prince de Saxe-Cobourg, à l'effet de lui demander si, éventuellement, il accepterait le trône de Belgique.

Dans une première entrevue qu'eurent à Londres, le 22 avril 1831, les délégués belges MM. F. de Mérode, Vilain XIIII, H. de Brouckère et Jules Van Praet, avec le prince de Saxe-Cobourg, celui-ci demanda « si, dans le cas où il jugerait convenable de faire quelques changements à la Constitution, cela rencontrerait des obstacles. » Les délégués répondirent qu'il serait peut-être imprudent d'en proposer en ce moment, mais que la Constitution avait prévu le cas et indiqué la marche à suivre.

Le 24 avril, une nouvelle entrevue eut lieu et le prince de Saxe-Cobourg fit une nouvelle objection, au sujet des limites du territoire et du protocole du royaume.

Ici, un mot d'explication est nécessaire.

La conférence de Londres, où l'Angleterre, la France, la Prusse, l'Autriche et la Russie étaient représentées, avait arrêté, le 20 janvier 1831, que la Belgique devait céder une partie du Limbourg et du Luxembourg à la Hollande.

Or, la Constitution belge, votée quinze jours plus tard, disait dans son article premier que la Belgique est divisée en provinces qui sont : Anvers, le Brabant, la Flandre occidentale, la Flandre orientale, le Hainaut, Liege, le Limbourg, le Luxem¬bourg, Namur, sauf les relations du Luxembourg avec la Fédération germanique.

D'un autre côté, l'article 80 de la Constitution obligeait le roi à prêter le serment suivant : « Je jure d'observer la Constitution et les lois du peuple belge, de maintenir l'indépendance nationale et l'intégrité du territoire. »

Léopold avait un scrupule. Il ne croyait pouvoir jurer de maintenir l'intégrité d'un territoire dont la conférence de Londres voulait amputer une partie.

Il revint à la charge dans une audience qu'il accorda aux délégués belges quelques jours plus tard. « Il nous demanda, disent ceux-ci dans leur rapport au gouvernement, s'il n'y aurait pas moyen de différer le serment ou d'en modifier la formule. Nous répondîmes que nous pensions que la Constitution s'y opposait. »

M. Lebeau, ministre, écrivit alors aux délégués :

« ... Je suis enchanté que le prince reconnaisse la nécessité politique de prêter le serment sans restrictions et d'accepter la Constitution sans réserves ; sa popularité sera dès lors immense. »

M. Paul Devaux, après une nouvelle entrevue avec le prince de Saxe-Cobourg, écrivit au ministre que le prince lui avait dit qu'il « pouvait y avoir dans la Constitution quelques dispositions qui pourraient donner lieu à des inconvénients, mais qu'il ne les regarderait pas comme un obstacle. »

Ces dispositions étaient celles relatives à un sénat électif et au droit d'enquête non limité des Chambres, mais M. Devaux le rassura à cet égard .

Le prince Léopold de Saxe-Cobourg fit donc de sérieuses objections avant d'ac¬cepter de devenir le roi des Belges. La Constitution, pourtant si oligarchique et donnant tant de droits et de pouvoirs au roi, ne lui suffisait point (Théodore JUSTE, l'Election de Léopold 1er, p. 59-60.)

Il eût voulu avoir le droit de nommer lui-même les sénateurs.

Dans la séance de la Chambre du 24 février 1848, il fut encore question de cette attitude du candidat au trône. Un des anciens membres du gouvernement provisoire, qui avait été délégué à Londres, M. Félix de Mérode, fit alors la déclaration suivante : « Lorsque j'ai été, à Londres, offrir la couronne belge au prince de Saxe-Cobourg avec MM. de Brouckère et de Foere, il nous fit des objections graves sur l'insuffi¬sance du pouvoir accordé au chef de l'Etat, par notre Constitution de 1830...

« M. le ministre de l’intérieur. - C'est inconvenant.

« M. de Mérode. - Je rends compte de ma mission.

« M. le ministre de l’intérieur. - Il ne s'agit pas de votre mission.

« M. de Mérode. - Si vous ne voulez pas m'entendre, je ferai imprimer mon discours.

« Plusieurs membres. - Passez cette partie du discours.

« M. de Mérode. - Je ne puis passer une partie du discours. Du reste, ce qui me reste à dire ne concerne que moi.

« Nous reconnûmes l'impossibilité de la modifier, mais nous assurâmes le prince que, dans les lois organiques, nous ferions nos efforts pour que l'autorité royale obtînt tout ce que la loi fondamentale permettait de lui attribuer ; la même assurance lui fut donnée par la députation plus nombreuse qui vint lui porter le décret d'élection de sa personne par le Congrès.

« Je n'ai pas deux paroles, messieurs, j'ai tenu loyalement la mienne. »

Ces messieurs tinrent parole, en effet, comme nous le verrons plus loin.

Le 4 juin, Léopold de Saxe-Cobourg fut nommé roi des Belges par 152 voix sur 196 votants.

L'Émancipation du 6 juin se montra fort mécontente de ce résultat. « Le roi Saxe-Cobourg, dit-elle, ne montera jamais sur le trône de Belgique. Léopold est nommé roi des Belges ; il a même obtenu une assez grande majorité, mais jamais il ne montera sur le trône. »

Le lendemain, nouvel article disant :

« Enfin l'œuvre est consommée : le Congrès vient d'accoucher laborieusement d'un roi que plusieurs provinces repoussent et qui ne trouvera nulle part de sympathie. Aussi, jamais nomination n'a été plus froidement accueillie même, dit-on, au sein de l'assemblée. Les électeurs ont tristement suivi le dépouillement du scrutin, et il n'a pas fallu moins d'une annonce du résultat, de la lecture du décret, d'une nomination et d'une troisième proclamation de la part du président, pour émoustiller la paresse des claqueurs soldés de M. François et tirer une partie de l'assemblée de sa stupeur. Partout cette élection a fait le même effet, on connaissait le résultat d'avance, les voix étaient comptées et c'est avec la froideur d'une mauvaise nouvelle longtemps prévue qu'on l'a reçue. »

Une nouvelle députation se rendit à Londres proposer, officiellement cette fois, la couronne de Belgique au prince Léopold, au nom du Congrès national. Léopold accepta, mais conditionnellement. Ses conditions étaient que le Congrès devait tout d'abord adopter les préliminaires de paix avec la Hollande, élaborées par les cinq grandes puissances réunies en conférence à Londres.

Ces préliminaires de paix furent proposés sous la forme d'un nouveau traité dit des dix-huit articles.

Les deux premiers articles concernaient de la question des limites de la Hollande et de la Belgique qui préoccupait si fort Léopold. En voici le texte :

« Article premier. Les limites de la Hollande comprendront tous les terri¬toires, places, villes et lieux qui appartenaient à la ci-devant république des Provinces-Unies des Pays-Bas en l'année 1790.

« Article 2. - La Belgique sera formée de tout le reste des territoires qui avaient reçu la dénomination de royaume des Pays-Bas dans le traité de 1815. »

L'article 12 stipulait que le partage des dettes aurait lieu de manière à faire retomber sur chacun des deux pays la totalité des dettes qui originairement pesaient sur les territoires dont ils se composent, et à diviser dans une juste proportion celles qui avaient été contractées en commun.

Le 29 juin, le traité des 18 articles fut présenté au Congrès. La discussion commença le 1er juillet. Elle dura neuf jours et fut vive et orageuse. « Chaque appel à la guerre, chaque expression d'un caractère exagéré, dit M. Carlo Gemelli (page 257), était accueillie par des tonnerres d'applaudissements, qu'ils fussent contraires à la raison et à la politique, ou qu'ils décelassent la plus extravagante forfanterie ; tandis que des murmures, des sifflets et d'affreux hurlements ne manquaient jamais de couvrir la voix de ceux dont le langage était modéré ou qui avaient le courage d'exposer les dangers dont ils étaient environnés. »

L'opposition prétendit que les dix-huit articles ne différaient point des résolutions prises par la Conférence. Les ministres et la majorité hésitaient et se taisaient. Le député Van Snick, de Mons, prit la responsabilité de demander la discussion disant qu'il croyait faire ainsi une bonne action.

Le Congrès ayant décidé de procéder à la discussion générale, aussitôt des cris de « Vive la guerre ! Les ministres à la lanterne ! Mort aux traîtres ! » retentirent dans toutes les tribunes et ce fut en vain que le président essaya de rétablir l'ordre. La garde civique fut impuissante et les protestataires essayèrent de s'introduire dans l'enceinte du Congrès !

La discussion continua cependant et le 9 juillet, par 126 voix contre 70, le traité des 18 articles fut adopté.

Ayant ainsi obtenu satisfaction, Léopold quitta l'Angleterre et son inauguration eut lieu quatre jours plus tard, sur la Place Royale. Il prêta le serment d'observer la Constitution et les lois du peuple belge, de maintenir l'indépendance nationale et l'intégrité du territoire...

Le roi de Hollande refusa son adhésion au traité des 18 articles proposé par la Conférence de Londres et la guerre recommença.

Le prince d'Orange envahit la Belgique à la tête d'une armée de plus de 50,000 hommes.

Cette campagne du mois d'août 1831 fut désastreuse pour le pays. Les historiens officiels en parlent fort peu, mais un ancien membre du gouvernement provisoire de 1830, Alexandre Gendebien, publia en 1869 un livre curieux sur ce qu'il appela la Catastrophe du mois d'août 1831.

L'armée belge entra en campagne avec le roi Léopold comme commandant en chef. L'armée de la Meuse était dirigée par le général Daine.

Le roi alla camper à Anvers. Il eut soin de garder continuellement auprès de lui, pour la sûreté de sa chère personne, les meilleurs régiments de cavalerie. D'Anvers, il envoyait courrier sur courrier à ses généraux Daine et de Tieken. Gendebien accuse Léopold Ier d'avoir simulé un plan de défense et ajoute que tous les ordres adressés par lui au général Daine montrent à l'évidence que les véritables intentions du roi et de ses courtisans étaient de laisser écraser Daine et ses vaillants défenseurs de la révolution, à seule fin de satisfaire l'orgueil blessé du roi Guillaume.

« En présence des actes posés par l'état-major de Léopold, dit M. Gendebien, il est bien difficile de le défendre contre le soupçon de complicité, de connivence dans l'exécution d'un plan occulte, d'un traité secret pour le repos et le plus grand bien de la Belgique, pour la sécurité des rois menacés de révolution, pour la réhabilitation du roi Guillaume, qui avait été vaincu, humilié par ses sujets rebelles. »

En un seul jour, alors que le danger était sérieux, Léopold expédia au général Daine quatre dépêches contradictoires. Ne sachant que faire en présence de ces ordres, Daine se contenta de les suivre tour à tour, et il fut cerné avec ses vingt mille hommes par plus de quarante mille Hollandais.

Vaincue dans le Limbourg, l'armée de Daine dut se rejeter sur Liège. Pendant ce temps, l'autre corps d'armée, commandé par le Roi, dut également battre en retraite et évacuer Louvain. Les Hollandais purent continuer leur marche en avant ; ils atteignirent Tervueren et Bruxelles se trouva menacé de nouveau...

C'est alors que la France intervint.

Le maréchal Gérard, qui se trouvait à la frontière, se transporta à Bruxelles à la tête de ses troupes et força le prince d'Orange à se retirer.

La nationalité belge était sauvée à nouveau.

Mais la victoire remportée par le roi de Hollande rendit impossible aux yeux des puissances, le maintien du traité des 18 articles...

La Conférence de Londres se réunit à nouveau et le 15 octobre elle arrêta le texte d'un nouveau traité, celui qui dans l'histoire porte le nom de Traité des 24 articles, qui aggrava fortement la situation de la Belgique.

Il stipulait que la moitié du Luxembourg et la moitié du Limbourg resteraient à Guillaume Ier, que la navigation sur l'Escaut serait soumise à un droit de péage au profit de la Hollande, et que la part de la Belgique dans la dette hollandaise serait de 8,400,000 florins de rente annuelle.

Ce traité fut soumis aux Chambres, le 20 octobre et y produisit une sensation profonde. Toutefois nécessité fit loi et le 1er novembre - le jour des morts - le traité des 24 articles fut adopté par 54 voix contre 38 à la Chambre et par 35 contre 8 au Sénat.

Guillaume Ier refusa d'accepter le traité des 24 articles comme il avait rejeté le précédent, qui lui était cependant moins favorable. Et comme les Hollandais étaient toujours dans la citadelle d'Anvers et refusaient de la rendre, il fallut faire appel à la France et à l'Angleterre pour faire exécuter le traité que la Belgique avait adopté à la demande des grandes puissances.

Une flotte anglaise bloqua les côtes de la Hollande et une armée française mit le siège devant la citadelle d'Anvers. Celle-ci capitula en décembre.

Ce ne fut qu'en 1838 que le roi de Hollande se décida enfin à accepter le traité des 24 articles et après que celui-ci eût été modifié en ce sens que la rente à payer pour la dette ne s'élèverait qu'à 5 millions de florins.

Le nouveau traité dut être soumis à nouveau aux Chambres et il y provoqua de violentes discussions. Plusieurs députés protestèrent avec indignation contre le sacrifice des frères Limbourgeois et Luxembourgeois. Mais il fallut bien passer par ces conditions, pour avoir la paix et la tranquillité, et ce fut par 58 voix contre 42 que la Chambre adopta le projet, qui fut ratifié par le Sénat par 31 voix contre 14.

La paix fut donc faite en 1839.

Ces divers événements ne laissèrent point le peuple indifférent. Un curieux recueil, Le Chanteur populaire, publié en 1840 chez Deken, rue des Fabriques (impri¬merie du journal le Radical) contient, sur ces événements, une série de chansons très curieuses, qui permettent de juger de l'état des esprits de cette époque.

Sous le titre : La Brabançonne de l'an 40, il publia une chanson dont voici le premier couplet :

« Le chant sacré de la Belgique,

« Un affront le glace en ma voix ;

« La gloire d'une ère historique

« Fléchit sous les décrets des rois

« Du généreux Belge, on se venge

« Et de ses droits, il est déshérité ;

« Cobourg règne où règnait l'Orange,

« De nouveau fuit la liberté ! »

Après le vote du fameux Traité des 24 articles, qui livra à la Hollande plus de 300,000 habitants du Limbourg et du Luxembourg, parut une autre chanson, qui eut un succès considérable. Elle porte pour titre : Le marché de chair humaine. En voici le couplet le plus caractéristique :

« Te souviens-tu qu'un beau jour la Belgique

« Vint t'arracher au frimas d'Albion,

« Et qu'elle mit sur ton front germanique

« Une couronne et un triple million ?

« Tu fis serment de garder nos frontières

« Mais aujourd'hui, sans avoir combattu,

« A l'étranger tu viens livrer nos frères

« Dis-moi, Cobourg, dis-moi, t'en souviens-tu ?

Retour à la table des matières