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Esquisses historiques de la révolution de la Belgique en 1830
DE WARGNY Auguste - 1830

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DE WARGNY, Esquisses historiques de la révolution de la Belgique en 1830 (1830)

(Paru à Bruxelles en 1830, chez H. Tarlier)

Chapitre XI. Journée des 5, 6, 7, et 8 septembre 1830. Du dimanche au mercredi

Séjour de l'armée à Vilvorde. Elle s'y renforce. Mauvais effet de ce voisinage. Marche continuelle des troupes vers les Provinces Méridionales. Ton menaçant et insultant des journaux hollandais. Exaspération qu'il cause. Arrivée des premiers déserteurs belges à Bruxelles. Adresse anonyme aux soldats belges. Retour du prince d'Orange à La Haye. Incertitudes sur le résultat de sa mission relative à la séparation. Proclamation du roi. Démission de Van Maanen. Arrivée successive des membres méridionaux des deux chambres des États-Généraux à Bruxelles. Leur adhésion à la proclamation de leurs collègues en date du 3, sur la séparation. Ils changent d'avis et se décident à être le 13 à La Haye. La députation de Namur n'est pas reçue par le roi.- Dangers que court M. de Stassart l'un de ses membres. Adresses nombreuses de toutes les villes au roi, en faveur de la séparation. - Les troubles deviennent partout plus graves et plus intenses.

(page 112) Les troupes qui avaient quitté Bruxelles le 3, n'avaient pas été plus loin que Vilvorde, où elles firent leur jonction avec celles du prince Frédéric qui y avait toujours son quartier-général ; dès lors il y eut là un corps d'armée qui se renforçait journellement ; tous les journaux hollandais étaient remplis de détails sur le départ, l'enthousiasme, la marche des nombreux corps qui se portaient sur Anvers ; la Hollande se dégarnissait de troupes. La garde communale mobilisée au fur et à mesure y faisait le service.

Dans ces circonstances, la désertion des Belges devenait infaillible quand on les rapprochait ainsi de leur (page 113) patrie ; aussi ne se fit-elle pas attendre : ce fut le 5 septembre que l'on vit arriver à Bruxelles les premiers déserteurs belges en uniforme. Ils appartenaient aux diverses armes. On les réunit à la caserne du Petit-Château. M. le comte de Nieuport fut chargé de les organiser ; on alloua des fonds ; leur nombre augmenta bientôt jusqu'à plusieurs centaines, et dès lors on parla beaucoup dans le public de la formation d'un régiment d'Aremberg, infanterie, et d'un régiment de Ligne, cavalerie ; mais rien de cela ne se réalisa.

Cette désertion qui devint bientôt si générale et finit par désorganiser l'armée hollandaise, était amenée par la nature même des choses et des événements ; elle ne fut pas provoquée ; cependant on assura alors que la pièce suivante avait été répandue dans quelques garnisons. (V. ci-après, pièce no 1.) Elle n'était pas signée.

Le ton des journaux hollandais, à l'époque qui nous occupe, était sans exception aussi lâche que violent ; c'était dégoûtant. Les titres de scélérats, ingrats, ivrognes, rebelles, imbéciles, factieux, brigands, assassins, traîtres ! dont il fallait faire tomber les têtes, y étaient chaque jour prodigués aux Belges, et 600 rodomonds de Rotterdam voulaient venir mettre à la raison leurs frères du midi, et surtout les Bruxellois révoltés ! Nos journaux ne répétaient ces diatribes qu'avec trop de complaisance, certains qu'ils étaient qu'il n'y avait pas de meilleur moyen de monter les têtes. En voici un échantillon. (V. ci-après, pièce n° 2. )

La réunion de ces ferments fit faire des progrès rapides et immenses à l'esprit public, et réveilla à (page 114) Bruxelles le mécontentement et l'irritation à un degré encore inconnu jusqu'alors. Il y avait des alertes continuelles ; à chaque instant la Garde bourgeoise courait aux armes ; on disait que l'ennemi campé à moins de deux lieues, était aux portes de la ville, et on était déterminé à le repousser ; on voyait, à ne pas s'y tromper, dans le ton des journaux, l'expression des intentions et des vues du gouvernement qui fit une lourde faute en tolérant ces hostilités de plume. En moins de quatre jours tout le bon effet produit par la mission du Prince, par le départ des troupes et par l'espoir de la séparation, fut détruit et pour cette fois sans retour !

Dès le 6 l'effervescence fut excitée par le rapport ci-après de M. le comte Vandermeeren (pièce no 3.) ; et pour en neutraliser l'effet, on s'empressa de faire publier le même jour la pièce suivante (no ) dans laquelle le mot à double sens, disloquées, fut remarqué et ridiculisé.

Cependant on tint parole ; les troupes quittèrent les positions de Vilvorde et se replièrent. Le Prince Frédéric porta son quartier général à Anvers où il arriva de sa personne le 8 au soir.

Les chasseurs restèrent à Vilvorde avec les dragons n°4 ; leurs vedettes s'étendaient sur la chaussée.

Les grenadiers à Malines, les lanciers sur Lierre, et la 15 division sur Duffel. L'artillerie et les fusées à la congrève entre Malines et Conticht, à Walhem.

Le même jour 6 septembre, vers deux heures, il y eut grande revue de la Garde bourgeoise autour du Parc. 3000 hommes y furent sous les armes. Malheureusement (page 115) la pluie tombait par torrents. Voici l'ordre du jour publié sur cette revue (pièce no 5.)

Vers la même heure à peu près, régnait dans toute la ville la plus grande agitation. M. le Commandant en chef des bourgeois ayant appris que des troupes interceptaient la route de Louvain par Cortenberg et Tervueren, avait envoyé le même soir M. le major Vandermeeren au quartier-général du Prince Frédéric à Vilvorde. Là S. A. R. convint de faire retirer les troupes de ces deux points et de laisser le pavillon de Tervueren gardé uniquement par les bourgeois. Mais le 6, à sept heures du matin, lorsque le détachement bourgeois se porta à Tervueren pour relever la garde descendante, il trouva celle-ci cernée par la cavalerie. Le commandant envoya aussitôt un courrier à Bruxelles pour prévenir de cette disposition. Un exprès fut dépêché de nouveau au Prince Frédéric, et l'ordre aux troupes d'évacuer le palais de Tervueren, fut enfin donné par le Prince à M. Pletinckx.

Mais dans la soirée du 5 et avant que toutes ces diverses négociations fussent terminées, le bruit s'était répandu que la Garde bourgeoise envoyée à Tervueren était cernée ; que les Liégeois, en route pour Bruxelles, n'avaient pu passer, que leurs canons étaient retenus, etc. On augmentait, on exagérait ; le cri aux armes retentit partout ; des gardes bourgeoises, les Liégeois déjà arrivés à Bruxelles, des ouvriers, armés la plupart de bâtons, se dirigèrent, au nombre d'environ 400, sur Tervueren par la porte de Namur. Dans l'impossibilité de calmer les esprits et de leur faire connaître le véritable état des (page 116) choses, MM. le Commandant en chef et Van de Weyer crurent devoir se mettre à la tête du mouvement pour y maintenir l'ordre ; tout le monde était exalté et plein d'ardeur ; on arriva ainsi à Auderghem et l'on se mit en bataille sur la hauteur ; il était nuit : M. Van de Weyer harangua ces braves gens et leur fit comprendre qu'il fallait avant tout attendre la réponse du Prince Frédéric. On ne l'écoutait guère, lorsque tout-à-coup arriva de Bruxelles M. Pletinckx, porteur de l'ordre aux troupes d'évacuer Tervueren. Aussitôt on se calma et on rentra en ville. On apprit en même temps que les troupes quittaient les positions de Vilvorde. ( V. ci-après les pièces nos 3, 4 et 5. )

Le même jour la Régence, plus faible, plus déconsidérée que jamais, tenta un effort pour les taxes municipales. Elle invoqua encore à son secours la Garde bourgeoise et fit publier l'arrêté suivant qui n'eut ni suite, ni résultat. (V. ci-après pièce n° 6.) Il en fut de même de la résolution des États-Députés ci-après (pièce n° 7.) Ce fut leur dernier signe de vie.

On apprit alors le retour du Prince d'Orange à La Haye ; on sut qu'il avait été bien accueilli par le roi qui avait approuvé la modération des troupes à Bruxelles le 25 et 26 août, de même que toute la conduite de son fils. On lut à cet égard dans toutes les feuilles publiques des détails attendrissants ! On vit qu'un conseil extraordinaire avait été convoqué sur-le-champ et que l'idée de la séparation avait été reçue en Hollande sans trop de défaveur ! il y eut même de bonnes gens qui crurent de bonne foi que les Hollandais eux-mêmes ne demandaient pas mieux ! Mais en attendant on restait dans(page 117) l'incertitude la plus complète, la plus cruelle ; la proclamation du roi du 5 était loin d'être claire ! C'étaient des lenteurs, des siècles ! et les esprits s'exaltaient, et les événements marchaient ! Suivons les rapidement.

Voici d'abord la proclamation du roi, résultat immédiat du retour du Prince d'Orange à La Haye (V. ci-après, pièce no 8.)

Elle fut connue à Bruxelles le 7 au matin ; il y il y avait loin de là à une accession au vœu de séparation porté par le prince d'Orange et auquel on s'attendait ; aussi à peine l'eut-on lue qu'on remarqua son vague, son néant, quand il était impossible d'être assez clair, et qu'une foule de citoyens notables, craignant tout de l'indignation du peuple, se rendirent à l'Hôtel-de-Ville ; là réunis à l'état-major de la garde bourgeoise, ils invitèrent avec fermeté les membres des États-Généraux présents, à faire, sans le moindre délai, une démarche quelconque auprès du prince Frédéric à Vilvorde, pour l'informer de l'état des choses, sans prétendre leur donner aucun autre mandat, sans penser même à l'infaillible inutilité d'une démonstration quelconque dans les circonstances où l'on se trouvait.

MM. de Brouckere, de Gerlache, de Langhe, Lehon, Huysman d'Annecroix, Surlet de Chokier, baron Joseph Vanderlinden d'Hoogvorst et le comte d'Aerschot partirent le 7, à deux heures pour Vilvorde.

Ils furent immédiatement reçus par le Prince et eurent avec lui une conférence prolongée, dans laquelle plusieurs membres de la députation s'exprimèrent avec énergie sur la nécessité de calmer les esprits par des (page 118) mesures promptes, loyales et décisives. La séparation complète de la Hollande d'avec la Belgique fut demandée avec force, et l'on fit sentir au Prince que le gouvernement serait responsable, aux yeux de l'Europe et de l'univers, de l'état de désordre, de malaise et d'irritation dans lequel l'entêtement du cabinet placerait la Belgique.

Le prince parut écouter ces représentations avec la plus grande attention. Il ne dissimula point dans sa réponse qu'il croyait à la gravité des circonstances ; mais il parla des serments de la royauté, de l'obligation de respecter la loi fondamentale, et il n'a pas caché que, dans son opinion particulière, la séparation des deux parties du royaume rencontrait plus d'un obstacle légal.

Il demanda que la députation lui remit par écrit les observations qu'elle avait cru devoir venir lui soumettre ; on y obtempéra sur-le-champ ; le Prince promit de les transmettre à l'instant à La Haye, et la députation revint à Bruxelles, à minuit, sans autre résultat de sa démarche. En effet que pouvait faire de plus le Prince ! Nous ajoutons à ces détails officiels, rapportés par tous les journaux, que le soir du 7, la proclamation royale, que personne n'avait osé faire afficher malgré les ordres reçus, fut lue à haute voix dans tous les corps de garde, et que les journaux qui l'avaient imprimée furent lacérés et jetés partout avec mépris. Sur la Grand'Place on les brûlait au bout des baïonnettes, en lançant les débris vers la Maison-de-Ville ; c'était devenu l'habitude. M. le Gouverneur, M. le Commandant en chef l'avaient reçue dès le matin ; Ils auraient sans doute voulu (page 119) la cacher à tous ! Ils avaient raison ; ils prévoyaient les conséquences.

Le 6 septembre on apprit à Bruxelles la démission de Van Maanen honorablement acceptée par arrêté du 3. Elle fit peu d'impression ;... il était trop tard ! S'il y avait séparation, Van Maanen n'était plus un grief ! D'ailleurs elle était accompagnée du mot honorable, et cela en détruisit tout l'effet. On n'en fut pas dupe et l'on pressentit dès lors, qu'il redeviendrait bientôt ministre ; cela se réalisa un mois après, jour pour jour. MM. Asser et Van Pallandt n'ont été que des intérimaires ! On eût dit enfin que c'était un parti pris de détruire à l'instant d'une main, tout le bien que faisait l'autre !

Les membres méridionaux des États-Généraux arrivaient successivement à Bruxelles ; les deux avis suivants avaient été publiés le 6 et 7 septembre. (V. ci-après, pièces nos 9 et 10.) Ils y furent bientôt au nombre de vingt-deux ou vingt-quatre, tant de la première que de la deuxième chambre.

Il n'y a nul doute qu'ils conférèrent entre eux ; tout le monde s'attendait, d'après leur proclamation du 3 septembre à laquelle tous les arrivants adhéraient successivement, et leur détermination formellement exprimée au prince d'Orange le même jour, de ne point se rendre à La Haye pour le 13, à les voir rester à Bruxelles ; il en fut autrement ! Et, dès le 8 septembre, ils étaient unanimement résolus à être à La Haye le 13, et mème à voyager ensemble et à se tenir réunis et groupés, autant que possible, pendant toute la session extraordinaire. Quels qu'aient été les motifs de cette détermination (page 120) subite et imprévue, contraire aux dispositions manifestées le 3, qui fut universellement blâmée avec murmures et faillit même occasionner des émeutes, nous ne pouvons nous en occuper ; mais il est certain qu'elle fut peut-être l'événement le plus majeur de l'époque, et que s'il est un jour prouvé que ses résultats ont été ou favorables ou funestes, ses auteurs doivent en subir le blâme ou en accepter l'éloge. Au surplus, tous tinrent parole, sauf deux, malades ou absents, et cent cinq membres, sur cent dix, composèrent la deuxième chambre !

Un grand mobile sans doute dut les entraîner ; car ils avaient sous les yeux l'exemple tout récent de leur collègue de Stassart. Il était membre de la députation bourgeoise de Namur envoyée au pied du trône, à l'instar des députations de Bruxelles et de Liége, pour faire des remontrances ! Elle ne put parvenir jusqu'au roi ; ce fut la première refusée ! On en donna pour motifs le trop grand nombre de députations du Midi et du Nord qui venaient émettre des vœux en sens contraires sur la séparation, etc. ; mais il avait couru de grands dangers avec ses co-députés de Namur. Ces messieurs faisaient route par le bateau à vapeur. Au débarquement à Rotterdam, ils trouvèrent une grande foule rassemblée sur le quai. Des clameurs étaient poussées de toutes parts contre les Belges. Des cris à bas Stassart..., où est-il où est-il ! se firent entendre. M. de Stassart, pour éviter qu'une méprise funeste ne coûtât la vie à quelqu'un de ses collègues, s'écria sans hésiter : C'est moi ! Ces paroles inattendues parurent frapper d'étonnement et de stupeur, du moins pour quelques instants, cette multitude forcenée.

(page 121) Des citoyens bien intentionnés et les agents de police s'avancèrent pour faciliter les moyens de monter en voiture et, après une demi-heure d'angoisses, on partit pour La Haye au grand trot, poursuivi par cette masse tumultueuse jusqu'aux portes de la ville. La Haye, où les têtes étaient fort exaltées depuis quelques jours, surtout contre les députations, et où plusieurs Belges avaient éprouvé de mauvais traitements, offrait de nouveaux dangers à M. de Stassart, et ses collègues l'engagèrent à partir. Il crut devoir adresser auparavant la lettre suivante à M. le baron de Mey de Streefkerk, ministre secrétaire d'Etat :

« M. le baron, je venais avec la confiance que m'inspirent ma conduite, mes loyales intentions et mon dévouement à la patrie, remplir auprès de S. M. une mission honorable ; mais de sinistres rapports, qui me sont parvenus de divers côtés sur la disposition des esprits, et une scène assez vive à mon passage par Rotterdam, me font craindre d'être ici un prétexte à des désordres fâcheux et qui seraient vraisemblablement suivis de troubles nouveaux en Belgique. Je crois donc, dans l'intérêt public, plus que pour ma propre sûreté, devoir abandonner à mes collègues seuls (et d'après leur avis) le soin de présenter respectueusement au roi l'adresse de Namur. J'ai l'honneur de renouveler à V. Exc. l'hommage de ma haute considération et de mon bien sincère attachement.

« La Haye, le 3 septembre 1830.

« Signé le baron DE STASSART »

Après le départ de M. de Stassart qui arriva à Bruxelles dès le 4, ses collègues de Namur tentèrent (page 122) vainement de parvenir jusqu'au roi, et pourtant, lui qui était alors loin de tout danger, réuni aux autres représentants des Belges, il consentit à les accompagner à La Haye ! Il y a là au moins du courage !

Voici le rapport intéressant de la députation de Namur. (V. ci-après, pièce no 11.)

Pendant les quatre jours dont nous esquissons le tableau, le mouvement général contre le système hollandais (nous ménageons les termes), faisait des progrès gigantesques dans toute la Belgique. La presque totalité des villes et des forteresses suivait l'exemple de Bruxelles et de Liége, quoique dominées par la force militaire, organisaient partout leurs gardes bourgeoises, nommaient des députations pour porter leurs adresses à La Haye, et après l'affront arrivé à celle de Namur, se bornèrent à envoyer leurs adresses au roi. Toutes ces adresses étaient rédigées dans le même sens et sur le même ton à peu près ; celle de Bruxelles que l'on a lue sous la date du 28 août (V. ci-dessus, page 57), en était le type, sauf qu'on y avait ajouté le mot de séparation et d'adhésion au vœu émis à cet égard. Elles étaient plus ou moins hardies, mais toutes fermes et énergiques. On ne pouvait plus s'y tromper ; tous les journaux méridionaux en remplissaient leurs colonnes et racontaient en même temps les diverses scènes d'agitation, de tumulte et même de combats et de carnage dont presque toutes les villes de la Belgique furent tour-à-tour le théâtre, et qui se renouvelèrent plusieurs fois pendant ce court espace de temps. Mons, Liége, Namur, Louvain, Charleroy, Tournay, Verviers, Ath, Bruges, (page 123) ou bourgs virent les habitants, d'abord aux prises entre eux comme à Bruxelles, ou avec les soldats comme à Bruxelles ! Dans cette ville le peuple voulait se défendre, et plus sérieusement que jamais ; on se barricadait de plus en plus ; on s'y était constitué place de guerre ; la proclamation ci-après en est la meilleure preuve. (V. pièce no 12.)

Cependant à cette époque si voisine des combats, la grande majorité de la bourgeoisie bruxelloise ne pensait point à combattre. C'était toujours la tranquillité publique et la défense des propriétés particulières que l'on mettait en avant. Ce que l'on appelait la populace le savait, le sentait et le prouva de reste le 19 et 20 du même mois. Son instinct la guidait au moins autant que ceux qui, plus habiles ou plus profonds, voulaient, depuis le 25 août, faire d'une simple émeute populaire, une révolution stable et la diriger vers le triomphe de la plus belle des causes, celle de la liberté de tout un peuple généreux, mais gémissant sous quinze années d'oppression et de tyrannie. Les étrangers, les Français surtout, firent observer avec raison, que deux traits principaux caractérisèrent tous les événements que nous allons avoir à raconter ; incertitude dans les motifs, mollesse dans la direction, mais vigueur et opiniâtreté dans l'exécution ; ils firent honneur au peuple belge d'une part dans la couronne de chêne que l'Europe entière venait de décerner en juillet, au peuple de Paris.

Dans les provinces on se levait en masse, toujours au nom des Bruxellois et pour les secourir ; l'affluence des auxiliaires et des défenseurs devint dès lors si grande, (page 124) qu'on craignit l'encombrement et qu'on se vit forcé de publier l'ordre du jour suivant. (V. pièce no 13.)

A cette époque la garde bourgeoise dominait tout, veillait à tout et organisait complètement le service de la ville. Les deux pièces ci-après nos 14 et 15,en sont la preuve.

Nous sommes forcés de renvoyer aux journaux du temps pour les détails des événements secondaires qui se multipliaient alors presque partout, dans le sens de la révolution belge. Ils nécessiteraient seuls un volume, et nous ne pourrions raconter une foule de traits de courage, de dévouement et d'héroïsme, sans risquer d'en omettre encore davantage. Mais, toujours est-il de la plus grande évidence, que le mouvement insurrectionnel contre le nom Hollandais se généralisait et devenait de plus en plus intense et redoutable ! Il allait être irrésistible ! C'est ce qu'on n'a jamais pu parvenir à faire comprendre à La Haye.


Pièces publiées ou connues à Bruxelles du 5 au 8 septembre 1831

N° 1. Soldats belges

Non, vous n'imiterez pas la poignée de misérables qui, dans Paris, s'est couverte d'infâmie en tirant sur les citoyens.

Non, vous ne serez pas assassins de vos frères.

Vous éviterez les remords auxquels sont livrés ceux qui se sont souillés de ce crime.

Vous éviterez les actes de désespoir qui ont porté plusieurs de ces malheureux aveuglés à se délivrer d'une vie devenue désormais insupportable et odieuse à leurs yeux.

Vous éviterez le malheur affreux qui décida le 53ème régiment à fraterniser avec les citoyens : Un fils venait de TUER SON PÈRE !!! Consultez votre conscience et examinez si en jurant d'être (page 125) fidèles, jamais vous avez entendu combattre d'autres ennemis que les ennemis de votre pays, les ennemis de la tranquillité, de l'ordre et de nos libertés ! Sommes-nous ces ennemis ? N'avons-nous pas aussi nous jurés d'être fidèles, par l'organe de nos représentants ? N'avait-on pas aussi d'autre part, fait le même serment ? Qui l'a violé ? est-ce nous ? Décidez.

Rappelez-vous que vous êtes des soldats chargés de défendre la patrie et non des bourreaux pour assassiner vos concitoyens ; le dogme de l'obéissance passive ne s'applique qu'à vos devoirs purement militaires. Si l'on vous prescrit d'emporter une place, montez tous sur la brèche ; mais si l'on vous ordonne de violer les lois, d'attenter aux droits des citoyens, brisez vos épées ; elles n'ont soif que du sang ennemi ! Malheur ! malheur et honte à celui qui répand le sang belge !


N°2 Extrait de l’Handelsblad d’Amsterdam, du 4 septembre

Les Bruxellois ont, dit-on, déclaré vouloir agir en tous temps d'après la loi fondamentale ; qui leur a donné le droit d'avoir une volonté ? Si l'on avait fusillé le prince de Ligne et autres grands coquins de cette espèce, on eût mis prompte fin à leur mutinerie. Ils n'osaient assurément pas ouvrir la bouche contre Napoléon ; c'est avec une verge de fer qu'il faut gouverner ces gens qui ne connaissent, ni ne savent apprécier les bienfaits des lumières, de l'instruction et de la liberté de conscience. Et cependant ils ont obtenu la démission du sieur Van Maanen ! le vœu des fidèles Hollandais devra-t-il donc être étouffé sous les clameurs des Bruxellois révoltés ?


No 3 Rapport

J'ai l'honneur de porter à la connaissance de M. le Commandant en chef de la garde bourgeoise que, conformément à ses (page 126) ordres, je me suis rendu à Tervueren, avec un corps de quatrevingt-dix-sept hommes, pour occuper le pavillon royal de S. A.R. le prince héréditaire et veiller à sa sûreté.

Je me mis en route vers les huit heures du matin le 5 septembre. Avant d'arriver à Auderghem, je reçus un renfort de la septième et huitième section, ce qui porta mes forces à cent vingt-hommes.

Je reçus à Auderghem un ordre du quartier-général qui m'enjoignait de veiller à l'embranchement de la route de Wavre, lorsque j'aurais rempli ma mission à Tervueren. Je continuai à porter ma troupe en avant, jusqu'à l'extrémité de la forêt, où je fus arrêté par un de nos gardes à cheval qui, de poste depuis la veille au pavillon royal, vint m'annoncer que des troupes composées de cuirassiers et de lanciers occupaient Tervueren et empêchaient l'entrée de ma troupe.

Après avoir fait faire halte à mon détachement, je me portai de ma personne en avant, accompagné de mon adjudant M. Boremans, que j'envoyai prier le commandant des forces que j'avais en présence de venir me trouver, pour connaître ses intentions et lui expliquer les miennes.

Un major des lanciers s'avança et m'assura qu'il n'avait que des intentions pacifiques ; mais qu'il avait ordre d'empêcher toute force quelconque d'avancer. Je lui fis observer que mes ordres portant l'occupation du palais de Tervueren, je ne pouvais me retirer. Je le prévins donc que j'allais occuper toute la lisière du bois avec ma troupe, mais que j'espérais pouvoir me rendre personnellement au palais, voulant écrire sans délai à S. A. R. le prince Frédéric. Le major des lanciers ayant acquiescé à ma demande, je me rendis chez M. Decous, d'où j'envoyai un de mes gardes à cheval au camp du prince.

Je déclarai au major que j'attendais la réponse à la tête de mes troupes. Aussitôt que je fus de retour près d'elles, je pris toutes les mesures de défense, en cas que la cavalerie voulût m'attaquer. La route fut barricadée comme par enchantement ; mes volontaires se portèrent en tirailleurs avec la plus grande rapidité, et je n'ai que des éloges à donner aux chefs ainsi qu'aux (page 127) simples gardes. Une pluie abondante ne cessa de tomber toute la matinée.

Vers une heure, une ordonnance me pria de me rendre au centre des deux troupes pour m'aboucher avec le général commandant des forces que j'avais en présence. Je m'y portai sur-le-champ ; ; après une conférence peu importante, nous nous séparâmes.

Un escadron de cuirassiers couvrait la campagne, vis-à-vis le château de Tervueren. Un piquet de lanciers était entre les cuirassiers et la route. Sur la chaussée derrière les premières maisons du village, était en bataille un escadron de lanciers. Je vis la ligne qui m'était opposée s'étendre sur la gauche de la route dans la campagne, et se rapprocher de ma ligne. Je crus reconnaître dans ce mouvement l'intention de couper ma retraite par la route de Wavre sur Auderghem. J'ordonnai aussitôt à ma troupe de se porter par pelotons de six à huit hommes, sur le travers du bois jusqu'au bas de la première montagne qui masquait mon détachement, enjoignant au capitaine Nique d'occuper le village d'Auderghem, pour protéger ma retraite en cas de besoin. Je laissai des sentinelles à toutes les extrémités du bois, ainsi que mes vedettes à cheval. Je fis parcourir par mon adjudant la lisière du bois pour laisser croire que ma troupe, se tenait encore derrière les broussailles, et je restai de ma personne derrière mes barricades. Je vis le général hollandais parcourir avec tout son état-major, son corps d'armée, et je trouvai assez plaisant d'occuper pendant plus de quatre heures consécutives, par un temps abominable, avec une force de cent vingt hommes, plus de six cent hommes de cavalerie de troupes réglées.

A trois heures moins un quart M. l'aide-de-camp Artan envoyé du quartier-général du prince Frédéric vint m'annoncer que les troupes allaient se mettre en retraite pour reprendre leur cantonnement primitif, et m'abandonnaient le village de Tervueren, d'où j'envoyai immédiatement un piquet de vingt hommes pour la garde du pavillon. Ma mission étant ainsi remplie, je repris la route de Bruxelles.

Bruxelles, le 6 septembre 1330.

(page 128) Voici la copie de ma lettre au prince Frédéric :

MONSEIGNEUR,

J'ai l'honneur de faire part à V. A. R. que, conformément à mes ordres, je me suis rendu ici pour occuper le château de Tervueren, dont le gouverneur avait sollicité, près de notre commandant en chef, une garde de sûreté, S. A. R. le prince héréditaire ayant mis spécialement tous les palais sous notre garde.

J'ai lieu, Monseigneur, d'être étonné qu'une force militaire occupe un poste mis sous ma garde ; la promesse formelle de S. A. R. le prince d'Orange étant, que les troupes sous le commandement de V. A. R. ne quitteraient pas le camp de Vilvorde.

D'après les renseignements qui me parviennent, j'apprends que les communications sont déjà coupées sur plusieurs routes. Des ordres sont, dit-on, donnés pour intercepter des armes que nous attendons et qui doivent compléter l'armement de nos gardes, dont votre illustre frère est le colonel-général.

J'aurai l'honneur de faire observer à V. A. R. que j'ai besoin qu'elle daigne me faire connaître ses intentions pour croire à ce qu'on me dit, et diriger ma conduite d'après sa réponse.

J'ai l'honneur d'être, avec le plus profond respect, un des fidèles serviteurs attachés à la dynastie des Nassau.

Tervueren, le 5 septembre 1830.

Le major commandant,

COMTE A. VANDERMEEREN.


N° 4. Proclamation

S. A. R. le Prince Frédéric des pays-Bas a donné l'assurance à MM. le baron Joseph Vanderlinden d'Hoogvorst et Gendebien qui lui avaient été députés, que les troupes cantonnées à Tervueren et à Cortenberg, ont reçu l'ordre, les unes de quitter Tervueren de suite, et les autres d'abandonner Cortenberg (page 129 demain matin. Il a donné de nouveau l'assurance qu'aucune troupe n'entrerait ni à Louvain, ni à Bruxelles. Il a annoncé de plus que les troupes du camp de Vilvorde seraient très incessamment disloquées et distribuées dans des cantonnements en arrière de cette ville.

Bruxelles, le 6 septembre 1830

Pour le commandant en chef de la garde bourgeoise,

PH. LESBROUSSART, membre du conseil de la garde.


N° 5. Ordre du jour

Mes braves concitoyens,

Les expressions me manquent pour vous témoigner dignement toute ma satisfaction ; le zèle de nos camarades à voler au secours de nos frères à Tervueren et l'excellente tenue de la revue d'hier, ont prouvé que Bruxelles savait aussi improviser des soldats quand la défense de la patrie l'exigeait.

La vive émotion de plusieurs membres distingués des États Généraux présents à cette fête, et l'énergie qu'ils n'ont cessé de montrer pour la conservation de nos libertés, vous sont garants que vous recevrez bientôt le prix de votre beau dévouement.

Continuons nos efforts, conservons, mes chers concitoyens, ce calme et cette dignité qui conviennent à notre belle position. Je me trouve tous les jours plus fier de l'honneur que vous m'avez fait en m'appelant à votre tête : nul sacrifice ne me coûtera pour justifier votre choix.

Bruxelles, le 7 septembre 1830.

Le commandant en chef de la garde bourgeoise,

BARON VANDERLINDEN D'HOOGVORST.


N° 6.

RÉGENCE DE La ville de Bruxelles.

Les bourgmestre et échevins, vu l'urgente nécessité de pourvoir aux besoins de tous les services de la ville, notamment à (page 130) ceux des hospices et secours, qui exigent impérieusement le prompt rétablissement de la perception des taxes municipales ; ont résolu :

A partir de la publication de la présente, les bureaux des taxes municipales seront rétablis aux portes de la ville.

La mouture municipale est définitivement supprimée. L'accise de l'abattage pour le gouvernement, ainsi que la taxe municipale sur les bestiaux et sur la viande cesseront d'être perçues.

A l'exception des modifications ci-dessus, la perception des taxes municipales continuera d'avoir lieu, conformément aux lois et réglements existants, sous la protection de la Garde bourgeoise chargée par MM. ses chefs de prêter aide et assistance aux employés.

Fait en séance du Conseil de Régence réuni en assemblée permanente, le 6 septembre 1830.

DELVAUX DE SAIVE.

Par ordonnance : Le secrétaire, P. CUYLEN.

Vu par le commandant en chef de la Garde bourgeoise, avec invitation aux chefs des portes de la ville, de se conformer à la résolution ci-dessus.

Bruxelles, 6 septembre 1830.

Le commandant en chef, BARON VANDERLINDEN D'HOOGVORST.

Consigne. Les chefs des postes aux portes de la ville sont invités à prêter main-forte aux employés de l'octroi pour tout ce qui est relatif à la perception des taxes.

Le Major de service, chev. J. MOYARD.


No 7.

LES ÉTATS DÉPUTÉS DU BRABANT SUD,

Prenant en considération que, depuis les derniers événements survenus dans la province, on ne peut prendre assez de précautions pour maintenir la tranquillité dans les communes du plat pays, et y protéger les fabriques et toutes les propriétés publiques et particulières ;

(page 131) Ont résolu

D'inviter les administrations municipales de toutes les communes du plat pays à organiser sur le champ des patrouilles de nuit, aussi nombreuses que possible, pour veiller au maintien de la tranquillité et de l'ordre public.

MM. les commissaires de district sont chargés de l'exécution,

etc.

Fait à Bruxelles, en séance du collège des États-Députés, le 6 septembre 1830.

Signé : C. VANDERFOSSE.


N° 8.

Nous Guillaume, par la grâce de Dieu, roi des Pays-Bas, prince d'Orange-Nassau, grand-duc de Luxembourg, etc., etc., etc.

A tous ceux qui les présentes verront ou entendront, salut !

La providence divine qui a daigné accorder à ce royaume quinze années de paix avec l'Europe entière, d'ordre intérieur et de prospérité croissante, vient de frapper deux provinces de calamités sans nombre, et le repos de plusieurs provinces limitrophes a été troublé ou menacé.

A la première nouvelle de ces désastres, nous nous sommes hâtés de convoquer extraordinairement les États-Généraux qui aux termes de la loi fondamentale, représentent tout le peuple belge, afin d'aviser, de concert avec leurs Nobles Puissances, aux mesures que réclament l'état de la nation, et les circonstances présentes.

En même temps nos fils bien aimés, le prince d'Orange et le prince Frédéric des Pays-Bas ont été chargés par nous de se rendre dans ces provinces, tant pour protéger, par les forces mises à leur disposition les personnes et les propriétés, que pour s'assurer de l'état réel des choses et pour nous proposer sures les plus propres à calmer les esprits.

Cette mission, remplie avec une humanité et une générosité de sentiments que la nation appréciera, nous a confirmé (page 132) l'assurance que là même où elle se montre la plus agitée, elle conserve et proclame l'attachement à notre dynastie et à l'indépendance nationale, et quelqu'affligeantes que soient pour notre cœur les circonstances parvenues à notre connaissance, nous n'abandonnons pas l'espoir qu'avec l'aide de la puissance divine dont nous invoquons le secours, dans cette occasion grave et douloureuse, et la coopération de tous les gens de bien et des bons citoyens dans les différentes parties du royaume, nous parviendrons à ramener l'ordre et à rétablir l'action des pouvoirs légaux et le règne des lois.

Nous comptons, à cet effet, sur le concours des États-Généraux. Nous les inviterons à examiner si les maux dont gémit la patrie, tiennent à quelques vices dans les institutions nationales, et s'il y aurait lieu de modifier celles-ci, et principalement si les relations établies par les traités et la loi fondamentale entre les deux grandes divisions du royaume, devraient, dans l'intérêt commun, changer de forme et de nature.

Nous désirons que ces importantes questions soient examinées avec soin et une entière liberté, et aucun sacrifice ne coûtera à notre cœur, lorsqu'il s'agira de remplir les vœux et d'assurer le bonheur d'un peuple, dont la félicité a fait de notre part l'objet des soins les plus constants et les plus assidus.

Mais disposés à concourir avec franchise et loyauté, et par des mesures larges et décisives, au salut de la patrie, nous ne sommes pas moins résolus à maintenir, avec constance, les droits légitimes de toutes les parties du royaume, sans distinction, et à ne procéder que par les voies régulières et conformes aux serments que nous avons prêtés et reçus.

Belges ! habitants des diverses contrées de ce beau pays plus d'une fois arraché par la faveur céleste et l'union des citoyens aux calamités auxquelles il était livré, attendez, avec calme et confiance, la solution des graves questions que les circonstances ont soulevées. Secondez les efforts de l'autorité pour maintenir l'ordre intérieur et l'action des lois où ils n'ont pas été troublés, et pour les rétablir là où ils ont souffert quelqu'atteinte.

(page 133) Prêtez force à la loi afin qu'à son tour la loi protège vos propriétés et votre sûreté personnelle. Que les distinctions d'opinions s'effacent devant les dangers croissants de l'anarchie qui, dans plusieurs localités, se présente sous les formes les plus hideuses, et qui, si elle n'est prévenue ou repoussée par les moyens que la loi fondamentale met à la disposition du gouvernement, joints à ceux que fournit le zèle des citoyens, portera d'irréparables coups au bien-être individuel et à la prospérité nationale. Que les bons citoyens séparent partout leur cause des agitateurs, et que leurs généreux efforts pour le rétablissement de la tranquillité publique, là où elle est encore à chaque instant menacée, mettent enfin un terme à des maux si grands, et permettent d'en effacer, s'il se peut, jusqu'aux traces.

Les présentes seront partout publiées et affichées dans les formes ordinaires et insérées au Journal officiel.

Fait à La Haye, le 5 septembre de l'an 1830, et de notre règne le dix-septième.

Par le roi,

Signé, GUILLAUME.

Signé, DE MEY DE STREEFKERK.


N° 9.

Les soussignés, membres de la seconde chambre des États Généraux, présents à Bruxelles, reconnaissent unanimement qu'il est nécessaire et urgent que les députés des provinces du Midi soient réunis en cette ville, en nombre aussi complet que possible et sans délai, pour y attendre la réponse du gouvernement à la proposition dont S. A. R. le Prince d'Orange s'est rendu l'organe à La Haye et pour être prêts à en délibérer immédiatement, s'il y a lieu.

Ils prient en conséquence leurs collègues, députés comme eux des provinces du Midi, de se rendre sans aucun retard à Bruxelles, où leur présence commune ne peut que contribuer (page d134) d'ailleurs au rétablissement de la confiance générale et au maintien de l'ordre public.

Bruxelles, le 6 septembre 1830.

C. Le Hon, C. de Brouckere, le Baron de Stassart, le baron de Sécus, G. Dumont, de Bousies, de Le Vieilleuse, Pascal d'Onyn, H. J. A. Vanden Hove, P. J. Trentesaux, le comte de Celles, le comte Cornet de Grez, Huysman d'Annecroix, F. de Langhe, Pyke, Vanvelsen, Fallon, de Terbeck, Serruys, Veranneman, Copieters, Goelens, Barthelemy, Gerlache et Surlet de Chokier.


N° 10.

Les soussignés, membres de la première chambre espèrent que leurs honorables collègues des provinces méridionales sentiront l'utilité de se trouver à Bruxelles, pour prendre connaissance de la réponse qui sera faite aux propositions que S. A. R. Mgr. le Prince d'Orange a bien voulu se charger de porter à La Haye. Bruxelles, le 7 septembre 1830.

Marquis de Trazegnies, comte d'Aerschot,

Pour copie conforme, DE BROUCKERE.


N° 11. Rapport de la commission de la ville de Namur, qui fut chargée de présenter l'adresse à S. M.

Messieurs,

Arrivés à La Haye, pour remplir la mission dont vous nous avez honoré, nous nous empressâmes de solliciter, par l'intermédiaire de S. Exc. le ministre secrétaire-d'Etat, une audience particulière de S. M.

Nous espérions qu'elle ne nous serait point refusée ; Bruxelles et Liége semblaient nous en avoir préparé la voie.

(page 135) Mais notre espoir fut déçu, et nous devons exprimer le regret de n'avoir pu déposer au pied du trône, les vœux de nos compatriotes.

Les motifs du refus que nous avons éprouvé, nous furent d'abord exposés par M. de Mey de Streefkerk, ministre secrétaire d'état.

S. M. obsédée par des démarches faites en sens contraire des nôtres, par les provinces septentrionales, avait résolu, pour y mettre fin, de refuser toute espèce de demande d'audience spéciale et extraordinaire.

Du reste, S. Exc. nous a reçus avec la plus grande cordialité ; nous avons eu avec elle une longue conférence, et nous croyons pouvoir affirmer que notre pays n'en serait pas réduit aujourd'hui à de dures extrémités, si le trône n'avait été entouré que de pareils conseillers.

Nous fîmes de nouveaux efforts pour parvenir à l'accomplissement de notre mandat ; ils furent impuissants, et S. Exc. le ministre de l'intérieur, en confirmant ce qui avait été dit par le ministre secrétaire d'Etat, nous déclara derechef qu'il était impossible à S. M. de nous accorder l'audience demandée.

Résolus de quitter La Haye, nous avions fixé notre départ au samedi, 4 de ce mois.

Mais le vendredi, vers dix heures du soir, nous reçûmes, du ministre de l'intérieur, un message par lequel, en nous priant de différer notre départ, il exprimait le désir de nous recevoir le lendemain.

Nous nous rendîmes à son invitation : il nous annonça alors que M. van Maanen avait cessé de faire partie du conseil, et nous chargea de vous dire que le gouvernement entrerait désormais avec franchise dans l'examen des demandes que nous devions présenter à S. M.

Là s'est bornée notre mission ; elle n'a pu être remplie dans son objet principal ; cependant nous sommes persuadés, messieurs, que vous nous tiendrez compte des efforts que nous avons faits pour parvenir jusqu'au monarque.

(page 136) Vous examinerez maintenant si votre réclamation doit être envoyée à S. M., et si, dans l'état des choses, il ne conviendrait pas d'y apporter les modifications nécessitées par les circonstances, ou plutôt de la réduire à un seul point, savoir, la séparation des deux parties du royaume, séparation demandée par plusieurs villes de la Belgique et appuyée par tous les membres de la seconde chambre des États-Généraux, actuellement à Bruxelles.

Pour nous, messieurs, députés vers S. M., nous n'avons pas cru pouvoir remettre à un tiers la demande que vous vouliez voir parvenir directement de nous au trône.

Il est une circonstance que nous ne pouvons passer sous silence ; nous devons vous la faire connaître, parce qu'elle explique le motif qui a empêché l'honorable M. de Stassart de remplir la mission dont vous l'aviez chargé conjointement avec nous.

Avant le départ de votre députation, les journaux de la Belgique avaient mentionné les noms des personnes qui la composaient ; ils ignoraient l'exaspération que les événements de Bruxelles avaient produite dans les provinces septentrionales.

D'un autre côté, la personne des députés leur paraissait inviolable et sacrée ; cependant leur sûreté fut gravement compromise à Rotterdam.

Ces journaux avaient devancé notre arrivée en cette ville ; de nombreux rassemblements s'étaient formés sur le port ; une foule immense poussant de sinistres vociférations demandait qu'on lui désignât M. de Stassart.

Le danger était imminent lorsque le courageux député, bravant le péril qui menaçait ses jours, et pour éviter à ses collègues de tomber victimes d'une émeute populaire dirigée contre lui, déclara à la foule qui l'entourait qu'il était celui que poursuivait leur aveugle furie.

Il aurait péri sous leurs coups si des mesures promptes n'avaient été prises par la police de Rotterdam et par un grand nombre de personnes bien intentionnées, envers lesquelles nous serions injustes si nous ne leur rendions pas le témoignage de notre reconnaissance.

Ainsi soustrait à une mort qui paraissait certaine, M. de Stassart n'en poursuivit pas moins jusqu'à La Haye, le voyage qu'il avait entrepris avec nous ; il persistait à vouloir y accomplir sa mission ; mais l'exaspération des esprits se manifestait dans cette dernière ville à un aussi haut degré qu'à Rotterdam. L'effervescence était d'autant plus à craindre, qu'avant notre arrivée, de graves voies de fait avaient été commises, en sorte que par des motifs puisés dans l'intérêt de notre propre conservation, ainsi que de sa sûreté personnelle, et pour éviter qu'il ne fût un prétexte à des désordres fâcheux, nous le déterminâmes à rentrer en Belgique.

Il y consentit, quoiqu'à regret, en adressant avant son départ une lettre à M. le ministre secrétaire d'Etat.

Tel est, MM., le rapport exact que nous vous soumettons ; nous formons un voeu, c'est qu'il puisse vous convaincre que nous avons employé tout le zèle dont nous étions capables pour justifier votre confiance.

Fait à Namur, le 7 septembre 1830.

Suivent les signatures.


No 12 Proclamation

Il vient d'être nommé par l'état-major et le conseil de la Garde bourgeoise, une commission de défense, seule chargée de la direction des travaux militaires.

Il est donc interdit de couper les arbres des boulevards et autres promenades sans l'autorisation de la commission susdite, dont les membres continueront à présider à la construction des barricades sur le point où elles seraient jugées nécessaires.

Bruxelles, le 8 septembre 18 30.

Le commandant en chef,

BARON VANDERLINDEN D'HOOGHVORST.


(page 138) N° 13.

Le commandant de la Garde bourgeoise de Bruxelles remercie, au nom de ses concitoyens, la plupart des villes et campagnes des provinces méridionales du royaume pour les secours en hommes qu'elles sont venues offrir, et leur témoigne toute sa reconnaissance pour cet acte de patriotisme et de loyauté. Il engage ses compatriotes à suspendre momentanément leur marche et à se tenir prêts à voler au secours de leurs frères de Bruxelles si l'intérêt de la patrie l'exige.

Bruxelles, 8 septembre 1830.

BARON VANDERLINDEN D'HOOGVORST.


No 14. Avis

Quelques malveillants excitent les bons ouvriers de cette ville à se rassembler et à se porter à des excès. Nous croyons devoir annoncer que toute tentative de cette nature sera prévenue.

D'un autre côté, rien ne sera négligé pour assurer immédiatement du travail aux ouvriers désœuvrés et pour faire disparaître le malaise qui est la conséquence nécessaire des événements qui viennent de se passer.

Au quartier-général de l'Hôtel-de-Ville, le 8 septembre 1830.

Le commandant en chef,

BARON VANDERLINDEN D'HOOGVORST.


No 15. Ordre du jour du 8 septembre

Régularisation du service de la place.

A dater du 8 septembre 1830, à six heures du soir, le service de tous les postes de la ville est réparti entre les différentes sections et se fera de la manière suivante :

(page 139) 1e section. Porte de Halle, 25 hommes ; Palais, 30 ; Archives, 12 ; total 67 hommes.

2e section. Palais, 60 hommes ; Poste aux lettres, 10 ; total 70 hommes.

3e section. Palais, 30 hommes ; porte d'Anderlecht, 20 ; porte de Ninove, 20 ; piquet du Marché, 12 ; Caserne des Pompiers, 20 ; total 102 hommes.

4e section. Porte Guillaume, 40 hommes ; porte de Flandre, 40 ; Palais, 30 : total 110 hommes.

5e section. Grand théâtre, 45 hommes ; Palais, 30 ; Tervueren, 25 : total 100 hommes.

6e section. Porte de Louvain, 30 hommes ; porte de Schaerbeek, 50 ; caserne des Annonciades, 20 ; caserne Sainte-Elisabeth, 40 ; total 140 hommes.

7eme section. Porte de Namur, 20 hommes ; poste de la Place-Royale, 30 ; Etats-Généraux, 15 ; Banque, 30 ; Prison, 30 ; total 125 hommes.

8e section. Palais, 30 hommes ; grand'-garde de l'Hôtel-de-Ville, 20 ; Amigo, 40 ; Palais de Justice, 40 ; Gouvernement, 20 ; total 150 hommes.

Les postes énoncés ci-dessus sont les seuls légalement reconnus : les citoyens qui occupent les autres sont invités à s'entendre avec leurs chefs de section pour concourir à ce service général, seul jugé nécessaire pour la sûreté publique.

Les sections qui concourent à la garde des palais, enverront tour-à-tour un capitaine pour commander en chef ce poste important. Les autres officiers seront choisis parmi les lieutenants et sous-lieutenants qui seront tenus de se conformer aux ordres du capitaine à qui le poste sera confié.

La première section fournira aujourd'hui le capitaine de garde qui commandera le poste du palais, et les jours suivants l'adjudant-major de place désignera la section qui devra le fournir.

Les citoyens sont invités à se faire inscrire sur les contrôles de la Garde bourgeoise, chez les commandants de leurs sections.

(page 140) Leur patriotisme doit leur faire un devoir de concourir au service actif qu'exigent les hauts intérêts mis en question dans la circonstance actuelle.

On invite également tous les particuliers qui ont des fusils de calibre à en faire la déclaration à leurs commandants de section. Cette mesure ne tend pas à les en priver, ni même à les empêcher de les garder à domicile ; mais elle est urgente pour pouvoir régulariser l'armement général de la bourgeoisie.

Jusqu'à ce jour il s'est glissé beaucoup de négligence dans le service de la place ; maintenant que ce service se trouvera beaucoup allégé par les mesures qui ont été prises à l'état-major général, le Commandant en chef de la Garde bourgeoise espère que chacun se trouvera suffisamment éclairé par son patriotisme pour apprécier toute la responsabilité dont est chargé chaque citoyen qui concourt au service public. Les chefs de section et plus particulièrement les chefs de poste sont chargés de signaler dans leurs rapports ceux qui refusent de participer par le service personnel à la cause commune.

Aucun homme désigné pour le service général ne pourra s'absenter de son poste sans une permission formelle du chef préposé pour le commander.

Les rapports des postes devront être adressés tous les jours à neuf heures, à l'adjudant-major de place de service à l'Hôtel-de-Ville.

Tous les soirs, à six heures, les commandants de poste enverront une ordonnance pour prendre le mot d'ordre au quartier général.

Il est encore recommandé aux commandants de section d'envoyer tous les jours à midi, le rapport de la section par un adjudant sous-officier. Cet adjudant se fera accompagner d'un fourrier porteur du livre d'ordre, afin de faire copier sur le registre de l'état-major-général les ordres du jour.

Le commandant en second,

BARON VANDERSMISSEN.

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