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L’affaire [du cimetière] de Saint-Génois. Articles extraits des journaux : L’Echo du Parlement, L'Organe de Courtrai, Le Journal de Courtrai, ’T Jaer 30 et Le Katholyke Zondag
- 1868

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L’affaire de Saint-Génois. Articles extraits des journaux : L’Echo du Parlement, L'Organe de Courtrai, Le Journal de Courtrai, ’T Jaer 30 et Le Katholyke Zondag

(Paru à Courtrai en 1868, chez Vermaut-Grafmeyer)

L’Echo du Parlement

L’Echo du Parlement. 3 juillet 1868 (numéro 185)

(page 3) Il se passe des choses singulières dans la commune de Saint-Genois (arrondissement de Courtrai). Le cimetière se trouvait au centre de l'agglomération et la suppression en était réclamée dans l'intérêt de l'hygiène publique. La nécessité du déplacement du cimetière était reconnue par tout le monde, par le clergé lui-même. Dès l'année 1861, le collège échevinal de la commune fit l'acquisition d'un terrain situé dans les meilleures conditions, et l'année suivante le conseil communal décida que ce terrain serait immédiatement affecté à sa nouvelle destination.

La délibération du conseil, quoique approuvée par la Députation permanente, resta sans effet jusqu'en 1866. Les ravages de l'épidémie ramenèrent alors l'attention des autorités sur l'insalubrité du cimetière de la commune, et le collège échevinal estima qu'il était plus que temps de mettre à exécution la résolution prise en 1861. mais il tenait à ce que le nouveau champ de repos fût béni. Il s'adressa donc à Mgr l'Evêque de Bruges, lui demandant de consacrer le cimetière de la commune aux mêmes conditions que celui d'Avelghem. Il faut savoir que, dans cette dernière localité, on a divisé le cimetière en deux parties, dont une seule reçut la consécration de l'Eglise. L'évêque se trouvait de passage à Saint-Genois, et il y donna audience aux membres de l'administration communale qui ne furent pas peu surpris d'apprendre que ce qui s'était pratiqué à Avelghem était impossible pour Saint-Genois. Voici sur quelles raisons se basait le refus du prélat :

1° La fabrique d'Avelghem n'avait pas les fonds nécessaires pour faire elle-même l'acquisition d'un nouveau cimetière, tandis que la fabrique de Saint-Genois se trouvait dans une bonne situation financière ;

2° Le cimetière d'Avelghem était trop petit, tandis que celui de Saint-Genois était suffisant ;

3° Le cimetière d'Avelghem était situé au milieu de l'agglomération, et partant, la question hygiénique qui pouvait avoir de l'importance pour Avelghem, n'en avait pas pour la commune de Saint-Genois.

Les membres de l'administration communale s'évertuèrent en vain à convaincre l'évêque de la futilité des motifs qu'il invoquait ; rien n'y fit. Mgr ne voulut même pas reconnaître que l'ancien cimetière se trouvait au milieu de l'agglomération. De nouvelles démarches faites cette fois à Bruges, au palais épiscopal, ne furent pas davantage couronnées de succès. Il n'est pas inutile de noter que depuis 1856 il est question de démolir l'ancienne église de Saint-Genois et d'en construire une nouvelle, et, à ce sujet, des contestations se sont élevées entre le conseil communal et la fabrique de l'église. On croyait que, moyennant l'aplanissement des difficultés pendantes, Mgr l'Evêque de Bruges serait revenu à de meilleurs sentiments ; les membres du conseil de fabrique et des délégués de l'administration communale entrèrent donc en pourparlers et ils se mirent d'accord pour transiger sur les bases suivantes :

1° Bénédiction du nouveau cimetière ;

2° Cession à la commune de l'ancien ;

3° Cession du presbytère à la fabrique de l'église ;

4° Reconstruction de l'église par les deux administrations réunies ;

5° Partage des biens indivis entre le bureau de bienfaisance et la fabrique.

Le conseil communal se hâta d'approuver la transaction ; sa délibération est du 8 novembre 1867. Quant à la fabrique, elle n'a plus donné signe de vie ; seulement, un des fabriciens a fait connaître officieusement que l'évêque n'approuvait pas la convention et qu'il ne consentait pas à bénir le nouveau cimetière. Après avoir ainsi épuisé tous les moyens de conciliation, le collège échevinal se décida à faire exécuter la résolution prise en 1862 par le conseil communal, et le 9 mai dernier, un arrêté du bourgmestre informa les habitants qu'à partir du 9 juin les inhumations seraient faites dans le nouveau cimetière.

Laissons parler ici l'administration communale de Saint)Genois ; nous extrayons ce qui suit de l'exposé qu'elle vient d'adresser à ses administrés :

« Le 4 juin courant, M. le Doyen d'Avelghem (page 4) accompagné de M. le curé se rendit chez M. le bourgmestre pour lui lire une lettre de Mgr contenant que ce prélat espérait bien que le premier magistrat de la commune ne le forcerait pas, par l'exécution de son arrêté du 9 mai, à mettre la commune en interdit ou au moins à refuser les prières et cérémonies de l'église aux dépouilles mortelles des personnes qui décéderaient à Saint-Genois, à partir du 9 juin ; le bourgmestre répondit qu'il lui était impossible de retirer cet arrêté, qu'il était bien plus facile à Monseigneur de faire cesser tout conflit en consentant à la demande du conseil communal et de la fabrique de l'église et en bénissant le cimetière ou au moins en autorisant M. le curé de bénir les fosses au fur et à mesure des enterrements ; cette dernière mesure laissait au clergé tout pouvoir, puisqu'à chaque décès il pouvait toujours accorder ou refuser la bénédiction.

« Tout cela n'eut aucun résultat.

« Le 11 juin arriva le premier enterrement depuis la suppression de l'ancien cimetière, celui du nommé Antoine Lenencre ; M. le bourgmestre donna un permis d'inhumation dans le nouveau cimetière en informant la légataire universelle du défunt que si elle pouvait obtenir l'autorisation d'enterrer le corps dans un cimetière d'une autre commune, il lui fournirait immédiatement toutes les pièces propres à faciliter la translation des dépouilles mortelles du défunt.

« On n'obtint pas l'autorisation d'un bourgmestre d'une autre commune ou on ne fit pas les démarches nécessaires à cet effet ; toujours est-il que le corps après le service funèbre fait dans l'église et les cérémonies du culte remplies sur l'ancien cimetière, fut porté au nouveau cimetière, où il fut inhumé avec tout le respect et la décence dus aux dépouilles mortelles d'un concitoyen.

« Le 14 juin, M. le curé donna lecture en chaire d'une lettre de Mgr l'évêque décidant qu'à partir de ce jour jusqu'à ce que l'ancien cimetière soit rendu à sa destination antérieure, toutes les cérémonies et prières du culte seraient refusées aux morts et que leurs dépouilles mortelles n'auraient plus l'entrée de l'église.

« Nous espérions tous que ce n'était là qu'une menace, mais l'effet s'en fit bientôt sentir : le 17 juin, le nommé Maurice Vandoorne demande à M. le curé les prières de l'église pour sa femme pieusement décédée, munie de tous les sacrements, et le premier pasteur de la commune les lui refusa ; il se présenta quand même à l'église avec les restes regrettées de sa défunte épouse, les portes de l'église restent fermées et il est obligé de se rendre accompagné de l'assistance au nouveau cimetière sans avoir obtenu une petite prière pour sa pauvre femme, bien innocente de tout ce conflit.

« Aujourd'hui a été inhumé une enfant de quelques jours que le père désirait enterrer avec les cérémonies du culte ; on s'est empressé de fermer toutes les portes de l'église et on a célébré les messes à huis-clos. »

Ces faits se passent de commentaires, nous n'ajouterons qu'une simple réflexion. Sur l'ordre de son évêque, M. le curé s'est mis en grève. Il faut croire qu'en droit canon cela est permis, et que tous les moyens sont bons pour forcer l'administration civile à revenir sur ses actes. Mais si les ministres des cultes reçoivent un traitement de l'Etat, c'est apparemment pour qu'ils procèdent aux cérémonies religieuses, et si l'un d'eux s'abstient de remplir les devoirs de sa charge, doit-il continuer à toucher ses appointements ? Quoiqu'il en soit, il n'y a plus de curé à Saint-Genois que pour les baptêmes et les mariages ; mais pourquoi sont-ce plutôt les morts que les vivants qui pâtissent de ce que le conseil communal a décrété pour cause d'insalubrité le déplacement de l'ancien cimetière ? Peut-être que l'organe accrédité de Mgr de Bruges aura la bonté de nous le dire.


L’Echo du Parlement 16 juillet 1868 (numéro 198)

Nous trouvons dans un journal de Courtrai les lignes suivantes qui ont grand besoin d'être expliquées :

« L'affaire de Saint-Genois vient d'entrer dans une phase nouvelle, phase étrangement odieuse et qui doit tenir en éveil toute l'attention de la justice : Nous voulons parler du double incendie dont la commune a été le théâtre dimanche dernier et qui glace la population de stupeur et d'effroi.

« Ce double incendie s'est déclaré le même jour, presqu'à la même heure, et si l'on songe que les victimes des sinistres sont précisément deux des hommes courageux qui administrent la commune et qui tiennent si haut et si ferme le drapeau de l'indépendance du pouvoir civil, l'on est autorisé à croire que le fanatisme et la haine politique ne sont pas étrangers à ces persécutions d'un nouveau genre.

» L'autorité judiciaire a déjà fait son devoir, M. le Procureur du roi, accompagné du juge d'intruction, du greffier et du commandant de la gendarmerie, a fait une descente ce matin à Saint-Genois. »


L’Echo du Parlement : 21 juillet 1868 (numéro 203)

Nous avons reproduit récemment quelques lignes énigmatiques d'un journal de Courtrai à propos d'un incendie qui a eu lieu dans la commune de Saint-Genois. Nous trouvons aujourd'hui dans les journaux de la localité les explications qui suivent :

L'Organe de Courtrai s'exprime en ces termes :

« Si l'Echo du Parlement connaissait la polémique des journaux flamands : de Katholijke Zondag et 't Jaar dertig, où tous les curés et tous les vicaires des Flandres déposent leurs élucubrations et vilipendent leur prochain, les lignes qui précèdent deviendraient excessivement claires : depuis la fermeture pour cause d'insalubrité de l'ancien cimetière communal de Saint-Genois et l'ouverture du (page 5) nouveau cimetière, que l'évêque refuse, on ne sait pourquoi, de bénir, le clergé de cette commune, sur l'ordre de l'évêque, s'est mis en grève. L'église est fermée et la paroisse frappée d'interdit. Ces extravagances cléricales, qui dans une grande ville manqueraient totalement leur effet, ont jeté le trouble et la consternation parmi ces paisibles populations des campagnes. Le curé et ses vicaires refusent non seulement leurs prières, mais même l'entrée de l'église communale, la sonnerie des cloches, l'usage des civières, draps mortuaires, etc. On comprend, dès lors, que chaque enterrement cause un nouveau conflit et que tous les jours la commune est le théâtre de scènes affligeantes qui mettent en émoi toute la contrée et provoquent des violences imminentes. Ajoutez à cela les prêches furibonds, les sermons où les habitants de Saint-Genois sont menacés du châtiment de Sodome et de Gomorrhe, et les infamies répandues à pleines mains par les deux pamphlets épiscopaux de Bruges de Katholijke Zondag et le Jaar dertig, distribués avec profusion dans toutes les maisons, et on ne se fera encore qu'une faible idée du trouble, de la surexcitation et du désordre que les saints ministres du Dieu de paix et de concorde attisent parmi cette malheureuse population fanatisée à outrance.

« Aussi n'est-ce qu'à force de prudence, de calme et de fermeté que l'administration communale est parvenue jusqu'ici à maintenir l'ordre et à éviter des conflits violents.

« Mais ce n'est jamais impunément qu'on excite les mauvaises passions du peuple. Le clergé vient de voir ce dont est capable le fanatisme en ébullition. Déjà dans son numéro 28 du 4 juillet, le Jaar dertig racontait le songe d'un fidèle qui rêvait que l'incendie dévorait le vier abeele à Saint-Genois ; en effet, huit jours après, dans la nuit du dimanche 11 au lundi 12 juillet, l'incendie était allumé par une main criminelle sur deux points différents de la commune ; à onze heures, le feu était mis à une meule de colza appartenant à l'ancien bourgmestre, M. Glorieux-Delemazure, celui que les pamphlets catholiques désignent sous le nom de Dominé et de Patre Désiré, et sous l'administration duquel le nouveau cimetière fut décrété ; deux heures plus tard, le feu était mis à deux meules appartenant à M. l'échevin Vanderghinste, son ancien collègue. Un champ de tabac était ravagé en même temps. C'est par ces actes de mauvais gré que l'on a voulu punir les hommes qui essaient de maintenir l'ordre à Saint-Genois, et qui ne veulent pas suivre le clergé dans sa révolte contre la loi et l'autorité civile. Espérons que la justice saura découvrir les coupables et ramener la sécurité dans une commune où le fanatisme, par la violence et l'incendie, veut faire régner une terreur noire. »

Voici ce que dit le Mémorial :

« L'attitude énergique des magistrats communaux, défendant les droits du pouvoir civil dans la question du cimetière communal, exaspéra, comme on le pense bien, le clergé.

« Pour arriver à soulever et ameuter les habitants contre leurs édiles, la chaire de vérité servit de tribune pour faire connaître aux bonnes âmes que des malheurs innombrables allaient fondre sur la commune si l'on n'y mettait bon ordre.

« Dans son saint élan, le bon pasteur prophétisa que Dieu, dans sa colère, pourrait bien exterminer la commune de Saint-Genois, par le soufre et par le feu, comme il avait agi avec Sodome et Gomorrhe. Il ordonna donc des prières pour détourner ce fléau.

« Il y a dix jours, le journal des abbés, 't Jaar dertig, imprime un article sur Saint-Genois. L'auteur avait vu en songe : Pusieurs incendies allumés à Saint-Genois, avec force plaisanteries tant sur les bourgmestre et échevins de la précédente administration que de la présente. Le numéro de ce journal fut distribué à profusion et gratuitement aux personnes bien pensantes.

« Et, étrange coïncidence, quelques jours après ces prédictions et l'apparition de cet article, ces sinistres prédictions deviennent des réalités.

« Dans la nuit du 12 au 13 de ce mois, le feu est mis par malveillance, dans une meule de colza, appartenant à M. Vanderghinste, ancien échevin, et dans deux meules de paille, appartenant à M. Glorieux-Delemazure, ancien bourgmestre de Saint-Genois, deux dignes magistrats, qui, en 1855, avaient décrété l'érection d'un cimetière communal. Deux hommes appartenant franchement à l'opinion libérale. Vers la même date, des malfaiteurs ravagent un champ de tabac, appartenant à un autre libéral de la commune.

« L’opinion publique de Saint-Genois prétend que c’est l’excitation au prône et dans les journaux cléricaux qui ont poussé des fanatiques à commettre ces crimes.

« Les magistrats du parquet se sont rendus à Saint-Genois, mardi dernier, pour y faire une instruction préliminaire et ils sauront faire leur devoir.

« Et voilà comment, en plein XIXème siècle, l’on voit des misérables avoir recours à des crimes, quand ils voient qu la domination leur échappe et que le terrain glisse sous leurs pieds. »


L’Echo du Parlement, 4 août 1868 (numéro 217)

On lit dans l'Organe de Courtrai :

« Nous nous étions trop pressé d'annoncer la cessation des hostilités cléricales à Saint-Genois ; ce n'était qu'une très courte trêve. Dès le commencement de cette semaine, pendant la nuit, les arbres plantés dans le nouveau cimetière ont été attaqués avec rage et pour la plupart écorcés de manière à les faire périr. C'est moins que l'incendie, mais cela n'en montre pas moins les fruits que portent dans des esprits grossiers et fanatisés les sermons furibonds de nos doux pasteurs.

« La justice poursuit ses investigations. »


L’Echo du Parlement, 11 août 1868 (numéro 224)

(page 6) On lit dans l'Organe de Courtrai :

« Les chouans de Saint-Genois poursuivent le cours de leurs exploits. Le saint jour du dimanche paraît être leur jour de prédilection. C'est encore dans la nuit de fimanche dernier que le champ de tabac du sieur Duprez a été complétement saccagé et détruit ; que trois arbres du nouveau cimetière, échappés à la première dévastation, ont été cassés et brisés et qu'une nouvelle tentative d'incendie a été commise. Ce dernier crime pouvait avoir les conséquences les plus graves. En effet, un chariot chargé d'avoine en gerbes se trouvait placé sur la ferme du sieur Seynave, à quatre mètres des bâtiments. Les incendiaires ont mis le feu vers une heure du matin. Heureusement que de prompts secours ont permis de pousser le chariot loin du corps de ferme ; quelques minutes de plus et la ferme, le bétail et toutes les récoltes déjà engrangées devenaient la proie des flammes. Le chariot et les avoines ont été consumés.

« Inutile de dire que les victimes de ces actes de brigandage sont des libéraux.

« La vengeance des fanatiques a déjà atteint trois des administrateurs qui ont décrété le déplacement du cimetière. L'ancien bourgmestre, M. Glorieux-Delemazure, et l'ancien échevin, M. Vanderghinste, ont eu leurs meules incendiées sur les champs. Maintenant il s'agissait de punir le second échevin, M. Seynave, dans la personne de son fils. Les incendiaires n'ont ici atteint leur but qu'en partie, car il est évident qu'ils voulaient brûler la ferme et tous ses habitants.

« Le parquet s'est de nouveau rendu à Saint-Genois. Nul ne sait comment tout cela finira. De grands malheurs sont à craindre. Le Jaar dertig, journal des curés et des vicaires de la Flandre, et les autres feuilles cléricales continuent leurs excitations. Les sermons prédisant à la commune de Saint-Genois le sort de Sodome et de Gomorrhe ont trouvé un sol fertile dans des esprits grossiers et ignorants que le fanatisme a abruti jusqu'à la cruauté. Voilà comment on évangélise les populations des Flandres. »


L’Echo du Parlement, 12 août 1868 (numéro 225)

Nous avons fait connaître hier, d'après un journal de Courtrai, les nouveaux actes de brigandage commis à Saint-Genois. Depuis que, maintenant les droits de l'autorité civile, l'administration communale a refusé de courber la tête sous les menaces de l'épiscopat, une main mystérieuse promène dans la commune l'incendie et la dévastation. Tous ceux qui ont contribué à l'établissement du cimetière communal, sont attaqués dans leurs propriétés, en attendant sans doute qu'on s'en prenne à leurs personnes. On a prédit, à Saint-Genois, le sort de Sodome et de Gomorrhe ; et comme le ciel ne se met pas assez vite de la partie, le fanatisme le supplée avantageusement à l'aide de la torche et de la faulx.

On sait que l'évêque de Bruges a jeté l'interdit sur la commune de Saint-Genois à la suite de l'établissement d'un nouveau cimetière. L'ancien cimetière entoure l'église ; il est au milieu de l'agglomération ; le conseil communal a pensé qu'il y avait lieu, pour des raisons de salubrité et de convenance, d'établir le champ de repos à distance des habitations ; c'est ce fait si simple qui a amené la mise en interdit de la commune. Non, que l'administration communale ait voulu briser avec l'épiscopat ; loin de là, elle a poussé l'esprit de conciliation et de déférence jusqu'aux dernières limites. Il existe à Avelghem un cimetière qui a été consacré par Mgr de Bruges. L'administration communale de Saint-Genois offrit à l'évêque de se soumettre aux conditions qu'il avait imposées pour la bénédiction du cimetière d'Avelghem ; rien n'y fit. C'est plus que le droit de bénir le cimetière que Mgr de Bruges s'arroge, il prétend qu'aucun cimetière ne peut être déplacé que de son consentement, et après avoir reconnu lui-même la nécessité de ce déplacement.

Or, pour ce qui est de Saint-Genois, Mgr de Bruges soutient que le cimetière situé autour de l'église et au milieu de l'aggloméré de la commune est parfait sous tous les rapports et qu'il est inutile, par conséquent, d'en établir un autre. Ces raisons n'ayant point paru suffisantes à l'autorité communale, celle-ci ordonna, qu'à partir du 9 juin, les inhumations se feraient dans le nouveau cimetière. Aussitôt l'arrêté de l'administration communale connu, Mgr de Bruges essaya de le faire rapporter, et il écrivit au doyen du canton une lettre où nous lisons cette phrase : « M. le bourgmestre ne voudra pas, j'en suis sûr, me pousser à bout ni me forcer, soit à interdire canoniquement les sépultures, soit à défendre les offices religieux, soit à révoquer mes prêtres. »

Toutes les tentatives de conciliation avaient échoué ; il est même remarquable que la fabrique de l'église et le conseil communal étaient tombés d'accord sur les bases d'un arrangement, mais Mgr de Bruges opposa son veto, ne voulant, à aucun prix, qu'une transaction intervînt sur le pied du déplacement du cimetière.

La lettre dont nous venons de donner un extrait est du 3 juin ; le premier enterrement au nouveau cimetière eut lieu le 11 ; cela suffit pour pousser Monseigneur à bout ; le lendemain, 12, l'évêque de Bruges décréta ce qui suit : « Aussi longtemps et chaque fois que l'arrêté de faire enterrer les chrétiens défunts dans le soi-disant nouveau cimetière sera appliqué, aussi longtemps et chaque fois aussi les corps ne seront point reçus à l'église, et il n'y aura ni prières, ni cérémonies religieuses. »

Et, en effet, depuis le 12 juin, il n'y a plus à Saint-Genois que des enterrements civils. Qu'on meure en catholique ou en libre penseur on n'est plus admis à l'église. Malgré cela l'autorité communale tient bon, et le fanatisme clérical n'en est que plus exaspéré. De là les incendies et les dévastations qui, depuis trois semaines, jettent l'épouvante dans la commune de Saint-Genois.

(page 7) Ce qu'on n'a pu obtenir par la menace, le fanatisme veut l'arracher à la terreur !

En décrétant l'établissement d'un nouveau cimetière, l'administration communale de Saint-Genois a usé d'un droit qu'elle tient de la loi et qui lui appartient à elle seule ; ce droit, nous l'espérons, elle saura le défendre jusqu'au bout.

Mais l'autorité supérieure, à son tour, a un devoir à remplir, c'est de venir en aide, dans toute l'étendue de ses moyens, à l'administration communale de Saint-Genois. Assurer la sécurité des habitants et des propriétés, poursuivre la répression des actes criminels qui ont été commis depuis trois semaines, telle est la double tâche qui incombe à l'autorité civile et à laquelle, nous en avons la certitude, elle ne faillira pas.


L’Echo du Parlement, 14 août 1868 (numéro 227)

Nous avons de nouveaux détails sur les méfaits de Saint-Genois. Les actes criminels qui ont été commis sont beaucoup plus nombreux que nous le supposions. En voici le relevé :

Dans la nuit du 11 au 12 juillet, incendie d'une meule de colza, appartenant à M. Henri Vanderghinste, cultivateur à Saint-Genois.

Même nuit, incendie de deux meules contenant 2,500 bottes de paille appartenant à M. Désiré Glorieux.

Nuit du 14 au 15 juillet : Dévastation d'un champ contenant 40 plants de tabac.

Nuit du 26 au 27 juillet : Dévastation d'un champ contenant 370 plants de tabac.

Id., d'un champ contenant 145 plants.

Id., d'un champ contenant 105 plants.

Pendant cette même nuit on brise trois noyers placés devant le nouveau cimetière.

Nuit du 2 au 3 Août : Dévastation d'un champ contenant 365 plants de tabac.

Même nuit, incendie d'un chariot contenant 600 gerbes d'avoine, appartenant à M. Emile Seynaeve. Ce chariot était placé sous un hangar touchant le corps de logis et la grange. Le propriétaire n'eut que le temps d'atteler un cheval au chariot et de le conduire sur la voie publique. Si l'éveil n'avait pas été immédiatement donné, la ferme, les récoltes, les bestiaux, tout devenait la proie des flammes.

Pendant la nuit du 2 au 3 août on a brisé encore trois noyers placés à l'entrée du nouveau cimetière.

M. Désiré Glorieux a été bourgmestre de Saint-Genois. C'est sous son administration que l'établissement d'un nouveau cimetière a été décrété.

M. Vanderghinste a également joué un rôle dans les affaires communales. M. Seynaeve est le fils d'un échevin décédé qui faisait partie du collège lorsque M. Glorieux était bourgmestre. Les propriétaires des champs dévastés soutiennent l'administration communale.

Il est certain que les chouans de Saint-Genois poursuivent (page 7) l'exécution d'un plan d'ensemble ; ils veulent frapper dans leurs biens et dans leurs personnes tous ceux qui ont contribué, soit par eux-mêmes, soit par leurs parents à l'établissement du nouveau cimetière. Le fanatisme seul peut enfanter et réaliser de si atroces projets. L'administration communale de Saint-Genois a pris des mesures pour veiller à la sécurité des habitants et des propriétés ; si nos renseignements sont exacts, elle a organisé des patrouilles de nuit. Quant à la justice, elle s'est, à bon droit, émue des crimes qui ont jeté l'épouvante à Saint-Genois ; le parquet de Courtrai a fait plusieurs descentes dans cette commune, mais ses recherches n'ont amené, que nous sachions, aucun résultat. Une véritable terreur règne dans la commune ; il est possible que les auteurs des incendies et des dévastations soient connus, mais nul n'ose les désigner ; le feu du ciel dirigé par les chouans pourrait frapper les bons citoyens qui se permettraient d'ouvrir la bouche ! Cette situation ne peut pas se prolonger ; il faut à tout prix rassurer d'abord les habitants de Saint-Genois, et quand leur sécurité sera à l'abri de toute nouvelle agression, qu'on en soit convaincu, ils parleront, les auteurs des crimes qui se commettent depuis trois semaines, à Saint-Genois, seront découverts, et ils rendront compte des méfaits que le fanatisme leur a inspirés.


L’Echo du Parlement, 16 août 1868 (numéro 229)

Un nouvel incendie vient d'éclater à Saint-Genois. Dans la nuit de lundi, une main criminelle a mis le feu à une meule de colza, appartenant à M. Samain-Masquelier, un des conseillers communaux qui ont voté le déplacement du cimetière. La Vérité de Tournai nous apprend que cette fois la justice a pu mettre la main sur l'incendiaire. La gendarmerie a procédé à l'arrestation d'un individu, tambour de la musique cléricale de l'endroit dite het velleploters musiek (des écorcheurs de peaux).

« Jusqu'à présent, ajoute la Vérité, aucune protestation n'a surgi dans la presse cléricale contre ces brigandages qui déshonorent son parti et lui font donner, à Saint-Genois, le surnom de parti des incendiaires. Après avoir surexcité le fanatisme et lui avoir mis la torche et la faulx dans la main, le clergé assiste impassible à toutes ces scènes, attendant l'effet de la terreur qu'elles doivent jeter parmi les libéraux.

« Inutile d'ajouter que l'administration est résolue à faire son devoir jusqu'au bout et à résister à l'évêque, en dépit des attentats dont ses membres sont victimes.

» Nous ne doutons pas que le parquet ne parvienne à découvrir les coupables et leurs complices.

« En attendant les catholiques qualifient de Jupiter peint en couleur de Garibaldi, le Christ que l'administration a fait placer à l'entrée du nouveau cimetière. »


L’Echo du Parlement, 16-17 août 1868 (numéros 230-231)

Sur la proposition de son collègue de la justice, M. le Ministre de la Guerre vient d'ordonner un cantonnement provisoire de neuf cavaliers de la gendarmerie nationale, à Saint-Genois. Ce détachement y a été installé vendredi.


L’Echo du Parlement, 20 août 1868 (numéro 233)

On lit dans la Vérité de Tournai :

Le bruit court que cette nuit un nouvel incendie a éclaté à Saint-Genois.

Est-ce que le clergé ne songera pas à calmer la rage des incendiaires ?


L’Echo du Parlement, 21 août 1868 (numéro 234)

On nous écrit de Saint-Genois :

Les renseignements que vous avez publiés, d'après un journal de Tournai, sur un nouvel incendie qui a eu lieu dans notre commune, sont exacts ; dans la nuit du 17 au 18 août, une main criminelle a mis le feu à une meule de foin, appartenant à M. Vandendriessche, garde-chasse de M. Vanderghinste. M. Vanderghinste est un ancien échevin de la commune ; son garde-chasse appartient à l'opinion libérale et il a voté aux élections communales en faveur des membres de l'administration actuelle. C'est ce qui fait qu'il a été désigné aux vengeances de nos chouans.

La meule incendiée se trouvait à quelques mètres de distance de la maison d'habitation et de la grange de M. Vandendriessche.

Depuis mardi le procureur du roi et le juge d'instruction de Courtrai sont installés ici, ils se livrent aux investigations les plus minutieuses.

Une prime de mille francs est promise aux personnes qui mettront la justice sur la trace des incendiaires. Espérons que tous ces efforts seront couronnés de succès.


L’Echo du Parlement, 22 août 1868 (numéro 235)

On nous écrit de Saint-Genois :

Un nouveau détachement de gendarmerie, fort de treize hommes, est arrivé dans notre commune, ce qui porte à vingt le nombre de gendarmes cantonnés dans notre localité.

Voici l'avis qui a été affiché dans notre commune et dans les communes limitrophes :

« Le procureur du roi de l'arrondissement de Courtrai a l'honneur de faire connaître que le Gouvernement accordera une récompense de MILLE FRANCS à celui qui signalera à la justice les auteurs ou complices des incendies, dévastations de récoltes et destructions d'arbres qui, depuis le mois de juillet dernier, ont été consécutivement commis dans la commune de Saint-Genois.

« Il invite avec instance toutes les personnes intéressées à l'ordre et au respect des propriétés, à l'aider à découvrir et à convaincre les coupables d'attentats aussi odieux, et à lui révéler tous les indices et renseignements utiles à la manifestation de la vérité.

» Courtrai, le 14 août 1868.

« Le Procureur du Roi, J. Maertens. »


L’Echo du Parlement, 23 août 1868 (numéro 236)

Un nouvel incendie vient d'être allumé à Saint-Genois. C'est le cinquième depuis deux mois ; comme les précédents, il a dévoré la propriété d'un habitant appartenant à l'opinion libérale. Le mobile de ces crimes n'est pas ordinaires. Ce n'est ni le mauvais gré, ni la haine, ni la vengeance, c'est la passion politique, c'est le fanatisme religieux. Il faut se reporter bien loin en arrière pour retrouver des attentats aussi nombreux et ayant une pareille cause. On est saisi d'un sentiment pénible, à la pensée que notre civilisation peut encore être souillée d'aussi abominables forfaits.

Ce qui afflige, ce n'est point tant le crime en lui-même, les pertes qu'il occasionne, c'est l'état de barbarie intellectuelle dans laquelle doit se trouver la population qui en a été le témoin. A part, quelques hommes énergiques dont on ne saurait trop louer le courage, la terreur a gagné tous les habitants. Malgré ses efforts incessants, malgré des promesses d'argent, la justice est jusqu'ici restée impuissante et n'a pu mettre la main sur les coupables.

Ces incendies de Saint-Genois, c'est l'œuvre des prédications furibondes du clergé. Quand la vérité sera connue, quand les coupables auront été découverts, ce qui arrivera bientôt, la justice se trouvera probablement devant quelques malheureux fanatiques qui répondront avoir cru mériter le ciel en incendiant les propriétés et en ravageant les champs des libéraux. Ces malheureux seront au fond bien moins coupables que ceux qui, par leurs sermons, par leurs écrits et par leur silence, ont jeté et laissé développer dans leurs âmes ces ferments de fanatisme et de haine. Criminelle est sans doute la main de l'incendiaire, mais bien plus criminelle encore est la parole qui excite à la haine, qui prêche le mépris de la loi, et qui n'a aucune flétrissure pour le crime, alors qu'elle peut l'arrêter.

Dans la Flandre occidentale, le clergé assume une bien grande responsabilité. Il grise de fanatisme les pauvres campagnards, il détruit chez eux toute intelligence, il leur apprend qu'il ne faut voir que le but et que tous les moyens sont bons, il prêche que le feu du ciel atteindra ceux qui ont assez de courage et de bon sens pour résister à ses folies, il se met en révolte contre les lois et la morale, il défend la suppression d'un cimetière dont la santé publique exige la fermeture, il promet d'autoriser cette suppression si on lui (page 9) fait cadeau du nouveau champ de repos, variant ainsi d'opinion selon les avantages pécuniaires qui lui sont offerts, il refuse les services religieux pour lesquels il est payé par l'Etat, il laisse enterrer les catholiques sans prières, et il courbe sous ses menaces tout ce qui n'a pas la force de lui tenir tête.

C'est ainsi que des paysans honnêtes, mais ignorants et en quelque sorte abrutis par de fanatiques leçons, deviennent d'eux-mêmes et comme s'ils faisaient un acte méritoire, des chouans et des incendiaires. Cela nous rappelle les brigands romains et espagnols qui pillaient, volaient et assassinaient en faisant le signe de la croix et en invoquant la SainteVierge. Voilà les bienfaits de la religion telle qu'elle est comprise et pratiquée dans la Flandre occidentale.

Post-scriptum : Depuis que ces lignes sont écrites nous apprenons que deux nouveaux incendies ont été allumés cette nuit à Saint-Genois ; une meule de froment et une grange sont devenues la proie des flammes. La meule appartient à Mme veuve Everaerd-Glorieux, sœur de l'ancien bourgmestre, et la grange à M. Louis Seynaeve, fils de l'ancien échevin de SaintGenois.


L’Echo du Parlement, 24 août 1868 (numéro 237)

On nous écrit de Saint-Genois :

Voici quelques détails sur les nouveaux incendies qui viennent d'éclater dans nos parages.

Vendredi, vers neuf heures du soir, on a mis le feu à une meule de paille d'avoine, appartenant à Mme veuve Evraert. Mme Evraert est la sœur de l'ancien bourgmestre de Saint-Genois, sous l'administration duquel le déplacement du cimetière a été décrété ; c'est aussi la tante de notre bourgmestre actuel, M. Mullie. La meule incendiée était placée sur le territoire de la commune de Coyghem.

Deux autres incendies ont eu lieu samedi, vers cinq heures du matin, à Saint-Genois. Le feu a été mis à deux meules, l'une de froment et l'autre de paille de froment, appartenant à M. Seynaeve, fils de notre ancien échevin décédé. M. Seynaeve faisait partie de l'administration Glorieux, et il a pris part à l'établissement du cimetière communal.

L'une des meules était située tout près de la ferme ; mais grâce à des efforts énergiques, les bâtiments ont été préservés.

Le parquet a fait procéder à l'arrestation d'un individu sur lequel pèsent, paraît-il, de graves soupçons ; c'est un nommé Jules Depoorter, sabotier, membre de la musique cléricale dite des écorcheurs de peaux (het velleploters musiek.)

Nous sommes ici dans la consternation.


Nous n'accordons pas assez d'attention aux événements de Saint-Genois. C'est de fabrication de miracles qu'il s'agit, et rien n'est plus digne d'étude que cette fabrication, très rare en ces temps. Nous enregistrons aveuglement ces miracles parmi les méfaits et sinistres sans nous en émouvoir beaucoup plus que d'incendies prévus par le code pénal. Cependant ce ne sont nullement des sinistres ordinaires, que ces actes de destruction, se reproduisant coup sur coup dans la même commune, et atteignant invariablement les biens d'administrateurs qui sont en hostilité avec le clergé. Il faut, au contraire, y voir (c'est bien à cela que les destine la volonté qui les dirige), des manifestations éclatantes de la colère et de la vengeance divines, atteignant dès cette vie ceux qui sont rebelles au clergé ou que n'émeut point suffisamment la menace des peines de l'autre monde. Le paysan flamand, dont l'esprit est mieux préparé que le nôtre à pareil enseignement, voit clairement la main divine dans les événements de Saint-Genois, et il hausse les épaules lorsqu'il apprend que procureur du roi et gendarmes en cherchent les auteurs, comme si Dieu pouvait être appelé en cour d'assises pour avoir suspendu les lois physiques qu'il a lui-même établies, et pour avoir momentanément attribué à certains corps la propriété de la combustion spontanée !

L'étude du miracle est des plus intéressantes, et nous comprenons qu'à défaut de savants de l'académie, qui sont tous en vacances, le gouvernement ait envoyé sur les lieux, pour l'examiner et en faire rapport, toute une compagnie de gendarmes. Ce qui fait l'intérêt considérable de cette étude, c'est qu'en aucun temps on n'a été attentif au miracle qui se commettait actuellement, et que toute l'attention a été toujours rétrospectivement réservée aux miracles commis il y a longtemps. La presse catholique elle-même, en présence du miracle actuel, subit je ne sais quel trouble ; elle pousse ses craintes jusqu'à éviter soigneusement d'en prononcer le nom, et jusqu'à ne point oser (tant que les gendarmes étudient l'affaire) montrer la main de Dieu, là où le dernier des vicaires de campagne l'apercevait longtemps à l'avance. Si l'Eglise avait eu en d'autres temps la même faiblesse que nous constatons dans la presse catholique, la plupart des miracles qui remplissent son histoire lui feraient défaut, et, faute de matières, la publication des Acta Sanctorum serait depuis longtemps terminée. (Journal de Gand)


L’Echo du Parlement, 25 août 1868 (numéro 238)

La gravité des faits qui se passent à Saint-Genois nous engage à publier, d'après le Journal de Gand, l'exposé du conflit qui est le point de départ des incendies et des dévastations qui désolent cette commune. Cet exposé ne fait que confirmer du reste les renseignements que nous avons donnés à plusieurs reprises à ce sujet :

Nos lecteurs connaissent les faits de dévastations et d'incendies qui désolent presque journellement la commune de Saint-Genois, et dont sont victimes les personnes qui ont (page 10) contribué à l'établissement d'un cimetière communal. Ces crimes, aussi lâches qu'odieux, ont été précédés de véritables provocations, proférées en pleine chaire de vérité. Leur but est d'exciter le fanatisme, de faire croire à de naïfs campagnards que c'est le Ciel qui se venge sur ceux qu'on présente comme étant en état de révolte contre le clergé, et de forcer l'autorité civile, sous l'empire de la terreur qu'ils inspirent, à souscrire à toutes les exigences de l'évêque de Bruges et d'abdiquer tout pouvoir entre ses mains.

Quarante communes dans la Flandre occidentale seule, se trouvant actuellement dans le cas de devoir déplacer leur cimetière, peuvent, dès lors, se trouver, à un moment donné, dans la même situation que la commune de Saint-Genois. La question acquiert donc une importance capitale. Aussi croyons-nous le moment venu de faire connaître au public l'origine et la nature du conflit soulevé par M. Faict, et les prétentions exorbitantes et incroyables de celui-ci.

Dès 1856, il avait été reconnu qu'il y avait nécessité de bâtir une nouvelle église à Saint-Genois. La démolition de l'ancienne église et la reconstruction de la nouvelle furent décidées par délibération du conseil de fabrique du 6 avril 1856, et par arrêté communal du 12 mars 1857. En même temps, il fut constaté que le cimetière actuel était insuffisant et que l'hygiène publique exigeait son déplacement hors du centre du village. L'évêque Malou, par une lettre du 26 novembre 1858, donna à ce déplacement sa pleine approbation.

Le 5 mars 1861, l'autorité communale, conformément à la loi et sur l'invitation de l'autorité supérieure, fit l'acquisition d'un terrain destiné à servir de cimetière, et le 14 octobre 1862 elle décida que les inhumations auraient lieu dans le nouveau cimetière. Ces diverses délibérations furent approuvées par la députation permanente et par le Roi.

Il ne s'agissait plus que d'obtenir la bénédiction du nouveau cimetière. La commune de Saint-Genois n'était pas exigeante ; elle se soumettait à tout ce que le clergé impose en pareil cas : séparation par culte, coin des réprouvés, etc. ; et elle devait, d'autant moins, s'attendre à un refus de bénédiction que celle-ci avait été accordée au cimetière d'Avelghem, établi dans des conditions identiques à celui de Saint-Genois.

Mais pendant le temps qui s'était écoulé de 1858, l'évêque s'était ravisé, ou plutôt ses prétentions avaient grandies.

Au fond, ce qu'il voulait, c'est que la commune, contrairement à la loi, renonçât à la propriété du nouveau cimetière et que celle-ci fut cédée à la fabrique. Il n'osa cependant tout d'abord afficher ouvertement cette exigence nouvelle. Il colora son refus sur ce que, d'après lui, malgré le rapport de la commission d'hygiène et la décision de l'autorité supérieure, l'ancien cimetière était suffisant, parfaitement salubre, et que, dès lors, il n'y avait aucun motif de supprimer un cimetière chrétien, comme si on avait refusé de donner ce caractère au nouveau cimetière !

M. Malou étant venu à décéder, le collège échevinal espéra être plus heureux auprès de son successeur. A deux reprises différentes il se rendit en députation auprès de M. Faict et sollicita humblement celui-ci de bénir le cimetière de Saint-Genois aux mêmes conditions que celui d'Avelghem. Il n'obtint, à cette demande si raisonnable, qu'un refus sec et absolu.

Sur ces entrefaites arrivent les élections communales de 1866. Le bourgmestre, M. Glorieux, était locataire d'une ferme appartenant à un propriétaire catholique. Depuis longtemps il était persécuté par le clergé. Il est invité à donner sa démission, ce qu'il fait. M. Vanderghinste, échevin, se retire également. Une nouvelle administration entre en fonction, elle n'obtient pas plus que l'ancienne. La situation se tend et les esprits s'aigrissent. Désireuse de faire renaître le calme et la concorde, la fabrique d'église, agissant sous son inspiration propre, adresse le 8 octobre 1867, à la commune, une lettre qui prouve que laissée à elle-même aucun conflit n'aurait jamais existé.

« Maintenant que la fabrique est sur le point de devoir recourir à la justice, elle s'est demandée et elle vous demande aussi, messieurs, s'il n'entrerait pas dans vos vues de voir terminer, sans intervention judiciaire, les diverses contestations qui nous divisent. En nous attachant ainsi à donner à l'amiable, avec modération et loyauté, satisfaction à deux intérêts respectables, nous aurions, de part et d'autre, acquis des titres à la reconnaissance publique ; car l'apaisement donné au sentiment religieux et à l'esprit public de la population, porterait des fruits salutaires et tendrait sans doute à faire cesser une guerre fratricide si préjudiciable au bonheur et à la prospérité de la commune. »

L'administration communale accepta avec empressement cette proposition. Deux entrevues eurent lieu et un projet d'arrangement fut adopté à l'unanimité de tous les membres présents.

Ce projet d'arrangement donnait pleine et entière satisfaction aux deux parties, et terminait en ce qui concerne l'ancien cimetière, le presbytère, la reconstruction de l'Eglise, les différends qui existaient entre la fabrique et la commune.

Quant au nouveau cimetière, il avait été stipulé comme suit : « Les membres de la fabrique feront les démarches nécessaires auprès de Mgr l'Evêque de Bruges pour qu'il veuille bien bénir ce cimetière dans les mêmes conditions que celui d'Avelghem ; la solution de cette question prime toutes les autres. »

Le conseil communal approuva sans retard la convention. Il n'en fut pas de même de l'évêque.

A la communication du projet d'arrangements, aux supplications de la fabrique, il répond, le 28 octobre 1867, la plus incroyable des lettres. On y lit :

« Je tombe de mon haut en lisant le projet de convention que vous me soumettez par votre lettre d'hier. J'ose bien (page 11) espérer que M. le curé est resté étranger à ces stipulations... La proscription du cimetière existant et son remplacement par un cimetière communal constituerait la violation la plus flagrante possible des principes catholiques. C'est assez vous dire que je ne pourrai faire aucun accueil à la proposition de bénir ; et que la commission ferait bien de renoncer à toute démarche tendant à obtenir ce que ma conscience me défend d'accorder. » (Etrange conscience qui trouve illégitime à Saint-Genois, ce qu'elle trouve légitime à Avelghem).

» Veuillez dire à ces messieurs que j'ai la conviction d'être aussi conciliant qu'eux. Qu'ils fassent que le nouveau terrain devienne la propriété de la fabrique, je passerai volontiers sur le reste. On voit que lorsque l'évêque s'adresse à la fabrique il abandonne les prétextes pour dire carrément ce qu'il veut. »

La fabrique, malgré la forme cavalière de la lettre épiscopale, revient néanmoins à la charge :

« Monseigneur,

« Au reçu de votre lettre nous avons cru inutile de vous supplier encore dans le but d'obtenir la bénédiction du cimetière de ce lieu, dans les mêmes conditions que celui d'Avelghem ; mais la réflexion nous a donné la confiance que peut être, en vous exposant le malheureux état où se trouve notre localité, nous serions parvenus à vous engager à faire pour notre commune, ce que les motifs expliqués dans votre lettre du 28 octobre dernier vous avaient engagé à faire pour celui d'Avelghem. Et, en effet, Monseigneur, Saint-Genois se trouve dans un bien pire état qu'Avelghem ; sous peu on peut s'attendre à voir supprimer, dans tous les cas, l'ancien cimetière, et nous devons le constater ici, le public accepte bien vite aujourd'hui une question de ce genre, quand elle est passée en fait accompli. Nous nous trouvons à la veille d'entamer une action judiciaire avec la commune, et Dieu sait ce que coûtera ce procès et quand il sera fini. Qui peut prévoir surtout dans l'état où le tout se trouve aujourd'hui, quelle sera la décision des derniers juges et l'influence qui en ressortira pour la propriété des cures de tout le royaume. Nous reconnaissons que l'église peut encore servir à sa destination pendant quelques années, mais en est-il de même du clocher et de la toiture ; et si nous voulons améliorer extraordinairement l'église, n'aurons-nous pas besoin de l'approbation de l'autorité civile ? l'obtiendrons-nous ? inutile de répondre, la négative est certain.

« D'un autre côté, bénir le cimetière, Monseigneur, c'est rendre l'harmonie, l'union entre les trois administrations publiques, c'est donner au clergé toute l'influence nécessaire au bien-être de la religion, c'est, en un mot, faire cesser une guerre fratricide qui existe déplorablement depuis quelques années.

« La fabrique, pour pouvoir vous donner plus d'explication encore, aurait désiré obtenir, non pour la commission, mais pour quelques-uns de ses membres, une audience de Votre Grandeur, et elle espère que vous daignerez la lui accorder sous peu. »

Vaines supplications, l'évêque a bien souci que l'union et la concorde règnent à Saint-Genois et qu'un terme soit mis à une guerre fratricide ! Ce qu'il veut c'est que le conseil communal revienne sur sa décision et que le cimetière communal devienne propriété de la fabrique. Il le déclare dans sa lettre à la fabrique, du 7 vovembre. Il ne cèdera pas, « est-ce que le Saint-Père a cédé, ajoute-t-il, parce que pendant longtemps tout semblait présager sa défaite et sa ruine temporelle ? FAIS CE QUE DOIS, ADVIENNE QUE POURRA. »

Adrienne que pourra !

Mot terrible et sinistre quand on songe à ce qui est advenu à Saint-Genois !

Cependant, le gouvernement, comme c'était son devoir, insistait, auprès de l'autorité communale de Saint-Genois, pour qu'une solution fut donnée à une affaire qui datait depuis dix ans, et pour que le cimetière insalubre fût enfin abandonné.

L'un des membres du conseil de fabrique en fut officieusement informé. Sur son conseil, le collège, à la date du 23 juillet 1868, fit une nouvelle démarche auprès de M. le doyen, et celle-ci n'ayant pas abouti, il eut la faiblesse de demander encore, le 5 mai, une audience à l'évêque. Celle-ci fut crûment refusée.

Les gens les plus modérés, les plus catholiques mêmes, mais qui sont d'avis que notre gouvernement constitutionnel ne doit pas être transformé en une théocratie, que l'autorité civile a des devoirs qu'elle doit accomplir et des droits qu'elle doit faire respecter, reconnaîtront que dans une question absolument étrangère à la religion, la commune de Saint-Genois avait excédé, depuis longtemps, les bornes de la longanimité. Depuis huit ans l'administration et l'autorité de la loi avaient été tenues en échec par le caprice d'un évêque !

Dans l'intérêt de sa dignité, dans celui de la salubrité publique, dans celui même du culte, l'Eglise tombait en ruines et devait être rebâtie ; l'administration communale résolut enfin d'agir.

Le 9 mai 1868, elle prit un nouvel arrêté portant suppression du cimetière actuel, à partir du 9 juin suivant, et ordonnant, qu'à partir de cette date, les inhumations seraient faites au nouveau cimetière.

Cet arrêté est motivé, entre autres, « sur les rapports de la commission médicale, qui signalent l'insalubrité du cimetière actuel et l'impérieuse nécessité de le supprimer dans l'intérêt de l'hygiène publique. »

Il fut porté à la connaissance de l'évêque, lequel fut une dernière fois invité à le bénir et, en outre, informé, qu'en tout cas, le conseil communal autorisait sur le nouveau cimetière toutes les cérémonies du culte que M. le curé jugerait utile d'y accomplir. »

Un évêque belge du XIXe siècle, même quand il a tort, ne consent pas à laisser à l'autorité laïque le dernier mot. Au risque de jeter dans la commune, où son devoir pastoral était de maintenir la paix et la fraternité chrétienne, de (page 12) nouveaux ferments de discorde et de haine ; au risque de pousser la guerre fratricide qui lui avait été signalée par le conseil de fabrique, à tous les excès qu'une guerre civile provoquée et alimentée par le fanatisme peut conduire, il jeta l'interdit sur le nouveau cimetière. « Adrienne que pourra ! »

Aussi longtemps, dit-il dans sa lettre pastorale du 12 juin 1868, et chaque fois que l'arrêté susdit, de faire enterrer les chrétiens défunts dans le soi-disant nouveau cimetière, sera appliqué, aussi longtemps et chaque fois aussi les corps ne seront point reçus à l'église, et il n'y aura ni prières, ni cérémonies religieuses.

Nos lecteurs savent le reste.

L'autorité communale de Saint-Genois a tenu bon. Les enterrements se sont faits dans le nouveau cimetière, sans les prières du clergé, mais avec le respect qui convient devant la mort. Tout allait bien. La commune était paisible et tranquille, lorsque le dimanche 28 juin, un vicaire auquel sans doute ce calme ne convenait pas, fit retentir l'église de plaintes et de récriminations, et termina son sermon en annonçant que « Dieu punirait la commune de Saint-Genois de la même manière qu'il avait puni Sodome et Gomorrhe. » Advienne que pourra ! Un journal flamand, qu'on assure être rédigé par des prêtres, renchérit encore sur la menace.

Depuis lors, des malfaiteurs qui semblent obéir à un mot d'ordre qu'un pouvoir occulte semble protéger et rendre insaisissable, exécutent la menace faite et saccagent par la dévastation et l'incendie, les champs, les récoltes et les maisons des libéraux de Saint-Genois.

Le clergé garde le silence et laisse faire.

Les faits que nous venons d'exposer, sont pleins d'enseignements. Ils montrent combien sont insolentes les prétentions toujours plus excessives du haut clergé et par quels moyens, lorsque l'autorité civile ne se soumet pas, il entend avoir raison de sa résistance. Il ne recule devant rien, même quand il est averti, que du conflit qu'il soulève peut sortir la plus déplorable des guerres civiles et provoquer tous les excès du fanatisme.


L’Echo du Parlement, 25 août 1868 (numéro 238)

On nous écrit de Saint-Genois, le 23 août :

Les habitants sont plongés dans la consternation : depuis dimanche dernier, nous en sommes au troisième incendie. Le premier a eu lieu lundi dernier, vers neuf heures et demie du soir, pour ainsi dire sur les talons de la gendarmerie qui venait de passer ; le feu a été mis à une meule de foin appartenant au Sieur Ange Vandriessche, garde-chasse de M. Vandeghinste, ancien échevin (l'un des premiers incendiés) ; elle n'était pas assurée et valait 150 francs, ce qui, vu la position de l'incendié, constitue une perte notable ; cet incendie dénote chez nos fanatiques incendiaires une grande audace, la meule se trouvant au coin d'un bois, où presque toujours il y a un poste de douaniers ; outre qu'une patrouille de gendarmes ne venait que de passer, le sieur Vandriessche, à cette époque qui était la veille de l'ouverture de la chasse, était lui-même presque toutes les nuits sur pied.

Tous ces crimes répétés ont pour effet d'activer encore chez les particuliers la surveillance de leurs propriétés, et de stimuler l'activité des gendarmes qui ont été installés ici, il y a huit jours, et au zèle desquels il est juste de rendre hommage ; mais, malgré tout cela, le 21, vers dix heures du soir, un nouvel incendie éclate ; cette fois, c'est une grande meule de paille qui brûle. Elle se trouvait à proximité des granges remplies des récoltes de l'année et des étables de la belle ferme de Mme veuve Everaert-Glorieux, à Coeyghem. Cette ferme est située sur les confins de notre commune ; Mme Everaert-Glorieux est la sœur de notre ancien bourgmestre Glorieux-Delemazure, la tante de l'ancien échevin Vandeghinste et du bourgmestre actuel, M. Mullie, et parente d'autres membres de l'administration, qui ont voté l'érection du cimetière nouveau. Ses sympathies et celles de ses fils pour la majorité de l'administration sont connues dans la localité, aussi personne n'hésite-t-il à attribuer ce nouvel incendie à un acte de vengeance politique. A propos de cet incendie l'on fait la remarque suivante :

Le curé de Coeyghem est un digne et paisible vieillard ; on lui a adjoint, en qualité de coadjuteur, un jeune prêtre, qui s'est permis, il y a quelques semaines, en chaire, une violente attaque contre l'érection du nouveau cimetière de Saint-Genois et ceux qui y avaient mis la main. Il s'est emporté à tel point, que séance tenante, et avant de descendre de la chaire, il lui en a pris comme un remords, et il a jugé prudent de demander sur un ton larmoyant pardon aux familles qu'il aurait pu avoir blessées pendant son sermon. Le curé, indigné de la conduite de son coadjuteur, a exigé son déplacement, et l'abbé Van Speybroeck a été immédiatement remplacé par un autre jeune prêtre. Voilà pour cet incendie.

L'on espérait de la part des incendiaires quelque répit, mais hier matin, vers cinq heures, la cloche d'alarme est venue douloureusement éveiller les habitants. Deux grandes meules, l'une de froment en gerbes et l'autre de paille, appartenant à M. L. Seynaeve, meunier à Saint-Genois, ont été dévorées par les flammes. On évalue les dégâts de 2,500 à 3,000 francs. Ces meules se trouvaient à quelques mètres des écuries et des étables de la ferme, et le vent poussait les flammes dans cette direction ; aussi n'est-ce que grâce aux efforts combinés de la gendarmerie et des habitants, que l'on est parvenu à préserver les bâtiments. Ici encore on remarque que l'incendiaire ou les incendiaires ont fait preuve d'une audace inouïe. La gendarmerie, qui toute la nuit a veillé, n'a quitté les abords de cette ferme que vers quatre heures et demie du matin, et le fermier lui-même, après avoir commandé l'ouvrage à ses ouvriers, a, vers la même heure, fait le tour de sa ferme sans rien remarquer d'insolite.

Il faut donc conclure que c'est presque en plein jour que ces meules ont été incendiées.

M. Louis Seynaeve est le fils de Jean-Baptiste Seynaeve, (page 13) échevin, décédé l'année dernière et qui n'est pas encore remplacé ; il a pris, de concert avec ses collègues, des mesures relatives au déplacement du cimetière.

Cet incendie est le premier dans lequel on a constaté la présence d'un prêtre. Le vicaire Van Eecke y a été vu pour un moment, mais il s'est assez vite éclipsé, quand il a entendu faire appel aux hommes de bonne volonté pour travailler à la préservation des bâtiments ; c'est le même vicaire qui, dans un sermon, avait prédit à Saint-Genois le sort de Sodome et de Gomorrhe.

Quant à l'attitude du clergé pendant cette dernière semaine, la voici :

Le curé Vanschoebeke a, pour la première fois, déploré en chaire, le 15 août (Assomption), les crimes qui se commettaient à Saint-Genois, en invoquant Dieu qu'il fasse connaître les coupables, afin que des poursuites et des soupçons à l'égard des innocents cessent.

Le vicaire Verschuere s'en est tenu à dire qu'il célébrerait une messe en l'honneur de Saint-Antoine de Padoue afin de pouvoir découvrir les coupables.

Le vicaire Van Eecke n'a pas parlé des crimes, il a dit qu'en présence de la situation de la commune si quelqu'un avait un malade à administrer : « Zy moeten my zenden, om my te vergezelschappen, twee mannen die gekend zyn voor treffelyk. » Comme cette recommandation coïncide avec un article du Journal de Courtrai, où l'on avance qu'à peu près tous les libéraux sont des fripons, l'on craint que l'on soit obligé, à Saint-Genois, d'aller en paradis sans avoir reçu les saints sacrements. Il est à remarquer que jamais le vicaire Van Eecke n'a eu à se plaindre d'aucun mauvais traitement.

Le parquet de Courtrai se trouve à Saint-Genois en permanence depuis mardi dernier ; les magistrats instructeurs ont pu constater l'incendie de la meule Vandendriessche. Lors de l'incendie chez Mme Everaert, ils étaient sur le théâtre du sinistre qu'ils n'ont quitté qu'à minuit, et le lendemain ils se trouvaient les premiers chez M. Seynaeve ; ils ont fait sur les lieux mêmes les premières recherches. Tout porte à croire que leurs efforts aboutiront.

Ils ont mis hier, après interrogatoire, en état d'arrestation, le sieur Jules De Poortere, sabotier, trombone de notre musique cléricale.

Aujourd'hui, dimanche, nous arrivent à l'instant même six gendarmes à cheval et huit gendarmes à pied, commandés par le lieutenant Ceulemans. Ce détachement est parti de Bruxelles, samedi, à minuit ; il a été transporté par chemin de fer jusqu'à Courtrai.

Le lieutenant Ceulemans a pris le commandement des diverses brigades réunies ici.


L’Echo du Parlement, 25 août 1868 (numéro 238)

On lit dans l'Organe de Courtrai :

L'Etoile belge s'étonne du rôle passif que joue l'autorité dans la répression des actes de brigandage commis par le parti fanatique de Saint-Genois contre les propriétés de ceux qui ont pris une part plus ou moins directe au déplacement du cimetière de cette commune.

Il est probable que l'Etoile n'a pas fait attention à tout ce que nous avons publié, dès le début de la querelle suscitée par l'évêque de Bruges à l'administration communale de Saint-Genois, car elle y aurait vu que cette administration est composée d'hommes aussi énergiques que modérés, aussi fermes que calmes et raisonnables, et qui n'ont manqué à aucun de leurs devoirs malgré les circonstances les plus difficiles où jamais administration communale ait été placée.

Les incendies et les dévastations que le fanatisme et la superstition, les plus terribles fléaux du genre humain, ont promenés à travers la commune, ne les ont pas fait faiblir. Le Gouvernement et la justice sont accourus à leur secours, une récompense de 1,300 francs est offerte aux dénonciateurs, mais la terreur noire étouffe leur voix. Un détachement de gendarmes campe dans la commune et la parcourt la nuit dans tous les sens. Le parquet de Courtrai y est en permanence, et tous ceux qui connaissent l'honorable magistrat qui est à sa tête, ne se demanderont certes pas s'il y reste inactif... malgré cela on brûle encore, la chouannerie continue à y faire régner la terreur..., c'est d'un bon exemple, disent les fanatiques, car les communes qui seraient tentées d'imiter Saint-Genois en ouvrant de nouveaux cimetières malgré la défense de l'évêque, verront ce qu'il en coûte de transgresser les ordres de Monseigneur. Quoiqu'il arrive, l'effet est produit..., il en cuit aux libéraux de Saint-Genois, et la bonne presse épiscopale ajoute bénignement que ce sont les libéraux eux-mêmes qui mettent le feu à leurs propriétés pour pouvoir en rejeter la faute sur leurs adversaires...

Cette supposition est fondée sur cet axiome indiscutable, au dire du Journal de Courtrai, « que si le libéralisme n'est pas entièrement composé de fripons, il est néanmoins vrai que la plupart des fripons se trouvent dans les rangs du libéralisme. »

Voilà le langage du Moniteur officiel de l'Hôtel-de-Ville de Courtrai.


L’Echo du Parlement, 25 août 1868 (numéro 238)

Les sycophantes du parti clérical font maintenant circuler un bruit qui trouve beaucoup de croyance parmi les bigotes et la classe ignorante. D'après ce bruit, l'auteur des incendies, celui qui parvient à échapper à toutes recherches, ne serait autre qu'un revenant, l'esprit d'Antoine Lenencre ; le premier enterré dans le cimetière maudit se vengerait ainsi du déplaisir que lui cause son séjour actuel.

Le même revenant serait-il aussi l'auteur des dévastations de récoltes ? On ne le dit pas jusqu'ici.


L’Echo du Parlement, 25 août 1868 (numéro 238)

On dit que l'évêque serait sur le point de reculer. L'effet moral de ce qu'il en coûte lorsqu'on trangresse ses ordres étant produit. Monseigneur consentirait enfin à bénir le nouveau cimetière ; le curé et les vicaires actuels seraient (page 14) remplacés et tout rentrerait dans l'ordre. Nous ne publions cet on-dit que sous toutes réserves.


L’Echo du Parlement, 26 août 1868 (numéro 239)

Le Bien public jette feu et flamme, parce que les journaux libéraux se sont avisés de trouver dans la conduite du clergé de la Flandre occidentale la cause des incendies de Saint-Genois. Rien n'est plus vrai cependant ; c'est le clergé qui doit être moralement rendu responsable de l'état de barbarie dans lequel se trouve cette commune ; Saint-Genois, en effet, est un gras pâturage selon le cœur des évêques ; c'est une de ces communes flamandes où le prêtre domine.

La religion, telle qu'on la comprend et l'enseigne dans certaines régions, est la panacée universelle ; c'est le bouclier contre l'ignorance, c'est le frein de toutes les passions et de tous les vices ; un bon prêtre vaut dix gendarmes. Voilà ce que l'on répète tous les jours ; eh bien, c'est précisément là où toutes ces maximes trouvent leur plus complète application que nous voyons fleurir le fanatisme stupide et criminel, et que les brigandages les plus abominables désolent la population. Grâce à ce fanatisme, on a dû mettre vingt gendarmes à côté du curé.

Le Bien public reconnaît que les incendiaires de Saint-Genois ne sont pas des malfaiteurs ordinaires. Il avoue que la cause de leurs crimes est dans un sentiment religieux égaré. mais c'est précisément ce que nous avons dit et ce dont nous nous plaignons. Aussi le Bien public ferait-il mieux, au lieu d'injurier les journaux libéraux, de blâmer vivement avec nous ceux qui ont égaré le sentiment religieux des incendiaires de Saint-Genois. Puisque ces malheureux, pour servir la religion, se croient obligés de descendre jusqu'au plus lâche des crimes, apparemment ils doivent être d'une soumission sans bornes envers leurs directeurs et les chefs de la religion. Peut-on penser qu'ils se croient en opposition avec la volonté de ceux dont ils reconnaissent l'autorité ? Ou plutôt ne doit-on pas croire qu'ils ont compris par les prédications de leurs pasteurs, qu'ils plairaient à Dieu en se livrant à l'incendie et à la dévastation ?

Ce ne sont pas les articles des journaux libéraux, les appels qu'ils ont faits à la tolérance qui ont égaré ces pauvres têtes, ce sont les sermons où l'on annonce que le feu du ciel tombera sur Saint-Genois, ce sont les articles des journaux qui disent que cette commune périra comme Sodome et Gomorrhe. Que le Bien public flétrisse ces sermons et ces articles, il fera bien plus pour éteindre les incendies de Saint-Genois qu'en attaquant les libéraux et en défendant le clergé.

Mais non, devant ces scandales et ces crimes, on trouvera encore moyen de faire de la politique, on insultera les libéraux dont on brûle les propriétés et dont on ravage les champs, et l'on criera à la persécution du clergé et des évêques. Pendant que la désolation sera dans toute une commune, que la torche incendiaire sera promenée de ferme en ferme, que la justice fera mille efforts pour atteindre le crime et rassurer les honnêtes gens, on encensera l'évêque dans le diocèse duquel tout cela se passe, et on le représentera comme un martyr des calomnies libérales. Voilà l'histoire d'après les Loriquet de la presse épiscopale !


L’Echo du Parlement, 26 août 1868 (numéro 239)

On lit dans le Journal de Gand :

Le Bien public s'est enfin résigné à rompre le silence sur l'affaire Saint-Genois.

Nous prenons acte d'une double déclaration qu'il fait en rechignant.

La première, c'est que les dévastations et les incendies dont les libéraux de Saint-Genois sont victimes, quoiqu'ayant un caractère mystérieux, ne sont pas produites par une action surnaturelle, mais sont bien l'œuvre de la main des hommes.

La seconde, que ces faits sont criminels et que l'intolérance et le fanatisme ne les excusent pas.

Les habitants de Saint-Genois sauront donc que la vengeance du Ciel n'a rien à voir dans cette affaire, que nous sommes loin de Sodome et de Gomorrhe, et qu'il ne reste plus qu'à appliquer le Code pénal aux auteurs et aux complices du plus lâche des crimes. Nous sommes heureux de la double déclaration du Bien public, parce qu'il est probable, surtout si le clergé emprunte le langage de son organe, qu'elle aura pour conséquence de rassurer de naïfs campagnards, que la terreur jusqu'ici rendait muets, et de calmer le stupide fanatisme des malfaiteurs.

Cela est donc bien.

Ce qui ne l'est pas de la part du journal épiscopal, c'est d'affirmer que la commune de Saint-Genois ait pris vis-à-vis de feu M. Malou l'engagement de maintenir l'ancien cimetière et de ne pas créer un cimetière communal ; c'est de présenter ensuite les autorités de Saint-Genois comme s'étant mises en état de révolte contre l'évêque ; c'est de prétendre enfin que M. Faict, avant de lancer sa lettre pastorale interdisant de recevoir à l'église les défunts qui seraient enterrés dans le cimetière communal, ait épuisé toutes les voies de la conciliation.

Il est faux que la commune de Saint-Genois ait pris aucun engagement vis-à-vis de M. Malou. Nous défions le Bien public d'en produire une preuve quelconque. Au surplus, pareil engagement serait nul comme contraire à la loi. Le déplacement des cimetières est un droit qui appartient à l'autorité laïque seule, et c'est une obligation stricte, quand ils sont insuffisants, nuisibles à la santé publique et situés au centre d'une commune. D'ailleurs, ce qui est vrai, c'est que M. Malou avait consenti (voir sa lettre du 26 novembre 1858) au transport du cimetière hors de l'aggloméré. S'il a changé d'avis en 1862, cela ne modifie rien au fond de l'affaire.

Nous avons fait connaître hier à nos lecteurs les principaux incidents du conflit qui s'est élevé entre l'évêque de Bruges et la commune. Nos lecteurs ont pu se convaincre (page 15) que, loin qu'il y ait eu, de la part de cette dernière, un acte quelconque de révolte contre l'évêque, elle a au contraire poussé la condescendance jusqu'aux plus extrêmes limites. Obligée de par la loi, dans l'intérêt de la salubrité publique, de supprimer l'ancien cimetière et d'en établir un nouveau, elle a sollicité l'évêque de bénir celui-ci, absolument comme quelque temps avant il avait béni le cimetière communal d'Avelghem, créé dans des conditions identiques. M. Faict ne pouvait donc avoir aucune bonne raison pour refuser la bénédiction. Loin donc d'un acte de révolte, il n'y a eu en tout ceci de la part de la commune qu'une complète et excessive soumission.

L'évêque, affirme-t-on enfin, a épuisé tous les moyens de conciliation. Ce qui est vrai, nous l'avons démontré hier, c'est qu'il les a repoussés tous avec une dureté, une hauteur, une arrogance qui indigne.

Il a traité les membres du collège échevinal comme on ne traite pas des vassaux, il leur a refusé des audiences qu'ils sollicitaient beaucoup trop humblement, il est resté sourd aux pressantes sollicitations de la fabrique d'Eglise, et, averti de ce que la situation avait de grave, de la guerre fratricide qui divisait les habitants de Saint-Genois, et qu'il pouvait faire cesser en ne refusant pas à cette commune ce qu'il avait accordé à Avelghem, il n'a pas hésité à lancer ses foudres épiscopales, advienne que pourra.

Nous avons tenu à redresser les faits, non pas qu'au point de vue constitutionnel un évêque ne soit pas libre d'accorder ou de refuser ses prières et ses bénédictions, c'est son affaire, mais parce que nous avons voulu montrer l'évêque de Bruges, d'un côté, les événements de Saint-Genois, de l'autre, sous leur véritable aspect.

Les autorités communales sont averties, désormais, que chaque fois qu'elles créeront un cimetière communal, quelle que puisse être leur soumission, l'évêque refusera de le bénir, et qu'il les punira, étrange justice, en privant les morts, fort innocents du fait, des prières de l'Eglise. Soit, le public s'y fera ; mais avant tout, il faut que force reste à la loi. Et qu'on ne craigne pas le renouvellement des actes de brigandage dont Saint-Genois est le théâtre : la mèche est éventée aujourd'hui ; la vigilance et le concours des autorités publiques et de la force armée, les peines exemplaires réservées aux coupables, feront trembler les fanatiques et feront tomber la torche de leurs mains.


L’Echo du Parlement, 27 août 1868 (numéro 240)

Le Journal de Bruxelles intervient dans les déplorables affaires de Saint-Genois. Il fait une charge à fond contre les journaux libéraux. Trêve, s'il vous plaît, à ces élans d'indignation ! Vous dites qu'il « ne suffit pas d'instruire le travailleur sur les bienfaits de l'économie et de l'épargne, mais qu'il faut surtout songer à lui enseigner les lois de la morale. D'accord, mais faites donc cette leçon au clergé de la Flandre occidentale qui prêche que le feu du Ciel atteindra la commune de Saint-Genois, et dont les sermons sont suivis de sept incendies.

Vous dites qu'il faut faire comprendre à l'ouvrier que les préceptes de l'Eglise lui font un devoir d'être un bon citoyen. D'accord, mais apprenez cela à votre confrère en journalisme qui a dit que Saint-Genois périrait comme Sodome et Gomorrhe.

Sont-ce des libéraux qui ont fait ces sermons et ces articles incendiaires ? Sont-ce les libéraux qui poussent au fanatisme religieux ? Sont-ce les libéraux qui ont autorité sur les paysans égarés de Saint-Genois ? Voilà des questions auxquelles le Journal de Bruxelles ferait bien de répondre. Cela vaudrait mieux que de feindre une hypocrite indignation devant des gens qui sont victimes des forfaits du fanatisme religieux.


L’Echo du Parlement, 28 août 1868 (numéro 241)

On nous écrit de Saint-Genois :

Le clergé catholique se lave les mains comme Ponce-Pilate ; il n'est pour rien dans les incendiés et les dévastations qui ont désolé notre commune ; loin de là, il les blâme, il les réprouve, et il dit des messes à l'intention de Saint-Antoine de Padoue pour que la justice mette la main sur les auteurs des attentats criminels qui ont été commis depuis l'ouverture du cimetière communal. Vous verrez qu'on finira par tout nier ; s'il n'y avait pas eu des centaines d'auditeurs, on nierait jusqu'au fameux sermon du vicaire Van Eecke, dans lequel il a prédit à notre commune le sort de Sodome et de Gomorrhe. Voici pourtant un petit document dont on ne parviendra pas à contester l'authenticité. Vous savez que la première personne enterrée dans notre nouveau cimetière est le nommé Antoine Delencre. Eh bien, voici le souvenir pieux qui vient d'être distribué à l'occasion de cette inhumation. Le recto représente l'image du Christ avec une prière à laquelle est attachée une indulgence plénière. Au verso se trouve ce qui suit :

« A la douloureuse mémoire d’Antoine Delencre,

« célibataire,

« né à Saint-Genois et y décédé le 10 juin 1868, à l'âge de 60 ans,

« qui, contrairement à sa volonté formelle et en opposition à celle de sa famille et de l'autorité ecclésiastique, a été enfoui, le premier, par ordre de la police locale, au cimetière non bénit appelé cimetière des gueux (geuzen-kerkhof) de Saint-Genois. »

Comment trouvez-vous cet « enfouissement » dans le cimetière des gueux par ordre de la police locale. Comme cela est bien fait pour ramener le calme au sein d'une population fanatisée.

(page 16) Les extraits des livres saints ne sont pas moins remarquables :

« ANTOINE, où êtes-vous. (Gen. 3, 9.)... Je cherche mes frères. (Gen. 37, v. 16.)

« Quand Jacob vit que la mort approchait, il appela son fils Joseph et lui dit : « Donnez-moi une marque de cette bonté que vous avez pour moi de me promettre avec vérité que vous ne m'enterrez point en Egypte ; mais que je reposerai avec mes pères, que vous me transporterai hors de ce pays et que vous me mettrez dans le sépulcre de mes ancêtres. » Joseph lui répondit : « Je ferai ce que vous me commandez. » (Gen. 47, v. 29 et 30.)

« Mon père ! pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font. (Luc. 23, 34.) »

On voit avec quelle intention perfide ces versets ont été choisis. Delencre se plaint d'être enfoui dans le cimetière des gueux ; il se plaint de ne pas reposer au milieu de ses frères, malgré le désir formel qu'il en avait exprimé, ainsi que l'avait fait Jacob ; tout cela est mis sous le couvert de la Genèse et de Saint-Luc. Vous devez bien penser que ce n'est pas la famille de Delencre qui a trouvé toutes ces belles choses ; la Genèse et les Evangiles ont été compulsés par des gens qui ont l'habitude de manier les livres saints ; cela se voit du reste.

Depuis que le parquet est venu s'installer ici, si les incendies n'ont pas cessé il y a du moins progrès sous d'autres rapports. C'est ainsi que les enterrements se font avec plus de décence. Dans le principe on voulait exciter la population par la manière dont on procédait aux inhumations. En veut-on un exemple ? Vers le milieu du mois de juillet, une orpheline du couvent des Sœurs de la Charité - car il va de soi que nous avons ici un couvent - une orpheline, dis-je, vient à mourir ; on ne prend seulement pas le soin de faire recouvrir le cercueil d'un drap mortuaire, notez que le couvent en possède un et on le dépose dans cet état... à la porte du cimetière. Après l'arrivée du parquet les choses se passent autrement. Une orpheline du couvent meurt à la fin de juillet. Cette fois, le corps, recouvert du drap mortuaire de l'établissement, est porté par les domestiques du couvent jusqu'à l'endroit où la fosse avait été creusée et les domestiques aident le fossoyeur à mettre le corps dans sa dernière demeure ! On commence à comprendre qu'il n'est pas convenable de traiter les chrétiens comme des chiens. C'est toujours cela de gagné.

Ne désespérons, du reste, pas de voir le clergé revenir à des sentiments tout-à-fait humains. On m'assure que déjà l'évêque de Bruges a dépêché auprès de notre administration communale un de ses confidents, M. le chanoine Maes, et qu'il ne demanderait pas mieux que d'entrer dans la voie de la conciliation. Après s'être comparé au Pape et avoir, avec tant de hauteur et de dédain, repoussé les ouvertures qui lui avaient été faites, Monseigneur viendrait à résipiscence ! Certes, ce serait un acte méritoire de sa part, et ce serait le cas de redire avec Boileau :

« Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable. »


L’Echo du Parlement, 28 août 1868 (numéro 241)

Nous extrayons les renseignements suivants d'une correspondance adressée à l'Economie de Tournai :

Le quartier général du camp improvisé à Saint-Genois est installé chez M. l'échevin Delbecque, l'un des chefs actifs du courageux parti libéral de Saint-Genois, qui a, toute affaire cessante, donné les renseignements et aidé l'autorité par tous les moyens possibles ; c'est là que M. le Procureur du Roi interroge, reçoit et expédie les ordres nombreux que nécessite la mystérieuse affaire des incendies de Saint-Genois.

Sans vouloir tirer aucune conséquence du fait, les hommes de patrouille ont fait cette remarque qu'alors que toutes les fermes des libéraux sont soigneusement gardées par leurs maîtres qui veillent toutes les nuits, celles des cléricaux ne le sont nullement et leurs propriétaires font la nuit bonne. Pour vous donner une idée du fanatisme que l'on a su inculquer à cette population ignorante et abrutie, on vient de condamner, à Courtrai, à huit jours de prison, pour menaces, un individu qui avait tenu publiquement ce langage en flamand : « Si je perdais mon frère, et qu'on l'enterrât dans le cimetière non béni, je brûlerais la cervelle à l'échevin Delbecque. »

Et le malheureux croirait alors avoir gagné le paradis !


L’Echo du Parlement, 28 août 1868 (numéro 241)

A notre exposé, net, précis et concluant des faits qui se sont passés à Saint-Genois, le Bien public ne trouve de réponse que sur un point tout-à-fait accessoire. Il prétend que M. Faict aurait écrit, le 3 juin 1868, à M. le doyen d'Avelghem, que M. Glorieux, le bourgmestre-président, aurait donné, à M. Malou, l'assurance formelle que le cimetière de Saint-Genois était suffisant et salubre.

Outre,que l'évêque de Bruges ne produit à l'appui de cette allégation aucune pièce écrite, tous les faits connus et M. Malou lui-même donnent à M. Faict un démenti complet.

Comment M. Glorieux aurait-il pu tenir un tel langage alors que depuis plus de dix ans la commission médicale avait signalé l'insalubrité du cimetière et la nécessité de le supprimer ; alors que, depuis 1858, tous les actes émanés de l'administration communale concernant ce point, n'ont eu d'autre objet que de réaliser, conformément aux ordres de l'autorité supérieure, la nécessité signalée par la commission médicale ?

M. Malou, dans sa lettre du 26 vovembre 1858, n'a-t-il pas dit :

« L'orientation est d'autant plus facile que l'on se propose de transférer le cimetière hors de l'aggloméré des maisons et que l'on peut disposer de l'ancien cimetière tout entier ? »

La circonstance atténuante invoquée par le Bien public vient donc à tomber, et il n'existe rien qui puisse diminuer la lourde responsabilité qui, en toute cette affaire, incombe à M. Faict. C'est la prétention du haut clergé d'empêcher la (page 17) commune de se conformer à la loi qui, la fabrique de l'église l'affirme, a allumé à Saint-Genois une guerre fratricide ; c'est son entêtement, son besoin de domination qui l'a alimentée, c'est l'ordre de refuser les prières pour les morts, ce sont les prêches fanatiques d'un vicaire, les articles infâmes du journal 't Jaar dertig, qui ont eu, que leurs auteurs l'aient ou ne l'aient pas voulu, pour conséquence les faits qui terrifient Saint-Genois. Il n'y a pas là cette complicité que prévoit le Code pénal, mais la presse catholique oserait-elle prétendre qu'il n'y ait là aucune complicité morale ? (Journal de Gand.)


L’Echo du Parlement, 29 août 1868 (numéro 242)

Nous avons dit, et avec raison, que le Bien public reconnaissait que les attentats odieux commis à Saint-Genois étaient le fait de catholiques égarés. Il ne fallait pas cet aveu du Bien public pour que tout le monde fût convaincu que les incendies ont été allumés par des fanatiques. Voici qu'aujourd'hui le Bien public se récrie et prétend que nous avons complétement falsifié sa pensée. Citons le Bien public du dimanche 23 août. Après avoir fait remarquer « que les faits graves, criminels, mystérieux et jusqu'à présent inexpliqués qui se sont passés à Saint-Genois se sont produits après la mise à exécution du mandement de Mgr l'Evêque de Bruges supprimant les cérémonies religieuses en cas de décès, » et après avoir ainsi nettement avoué la corrélation qu'il y a entre ce mandement qui fut comme un signal de dévastation, et les incendies qui en furent les conséquences, le Bien public ne fait aucune difficulté d'accepter l'hypothèse toute naturelle émise par les journaux libéraux que ces crimes étaient l'œuvre de fanatiques, et il s'exprime ainsi à ce sujet :

« Supposons, comme l'affirme la presse libérale, que ces dévastations, que ces incendies sont des représailles exercées par des catholiques douloureusement blessés dans leurs croyances et dans leurs affections les plus chères. Eh bien ! ces représailles n'en restent pas moins coupables. La vengeance n'a jamais été une arme chrétienne. Mieux vaut subir patiemment l'injustice et l'oppression que d'y répondre par des actes condamnés par les lois divines avant de l'être par les lois humaines. »

Ce langage est clair. Le Bien public admettait les suppositions de la presse libérale, et les tenait pour si bien fondées qu'il s'empressait de se substituer au clergé de Saint-Genois et de faire un sermon aux incendiaires cléricaux. Que maintenant le Bien public trouve ses aveux compromettants, cela nous inquiète fort peu. Quoi qu'il dise et quoi qu'il fasse, l'opinion publique est fixée sur la cause des incendies de Saint-Genois. La responsabilité morale en remonte à ceux qui ont poussé toute une population dans le fanatisme, qui ont supprimé les exercices religieux, qui ont annoncé que le feu du Ciel consumerait Saint-Genois, et qui ont prédit à cette commune le sort de Sodome et de Gomorrhe.

Si la presse cléricale a des ménagements infinis pour les incendiaires de Saint-Genois ; si elle les répudie du bout des lèvres, elle réserve toutes ses fureurs contre les journaux libéraux qui flétrissent les chouans et leurs complices.

« Il y a des provocations à la guerre civile dans cette ignoble et inhumaine polémique, s'écrie la Patrie en parlant des journaux libéraux. Si de pareils excès devaient avoir lieu dans un pays où l'opinion publique est plus inflammable, où l'on connaît moins bien les misérables journaux qui déshonorent la liberté, le sang coulerait et une guerre fratricide répondrait à leurs incessantes provocations. »

Ce qui est certain, c'est que ce n'est pas la presse libérale qui a mis la torche aux mains des incendiaires de Saint-Genois. mais si l'on veut voir des provocations à la guerre civile, aux attentats qui s'accomplissent dans cette malheureuse commune, qu'on lise la presse catholique flamande. Nous avons sous les yeux la traduction littérale d'un article du 't Jaar dertig, paru le 11 juillet. Ce bon journal a pour sous-titre : « Indicateur politique des honnêtes gens. »

Voici quelques extraits de cet article :

« En Flandre, Flamands ! Tout le pays flamand se lève, le lion flamand secoue ses chaînes et rugit contre la canaille libérale. Les Chambres sont ouvertes, on y parle pour le flamand et contre le libéralisme ; les états provinciaux ont commencé et il y a là des hommes dont le cœur est flamand, dont la bouche parle flamand, et dont les ennemis sont les libéraux. Tout ce qui est flamand est dans le plus grand espoir que bientôt toute la Belgique sera flamande et catholique, et tendre une main amicale à nos frères, les wallons, pour combattre ensemble la tyrannie et la franc-maçonnerie et replacer en Belgique la vieille devise : l'Union fait la force.

« Et vous, Saint-Genois, enfant de la Flandre flamande, qui veillez et priez aussi sous la croix, qui aviez des pères qui sentaient dans le cœur la liberté et la bravoure, et qui étaient toujours chrétiens et flamands, pourquoi êtes-vous maintenant esclave de tout ce qui est faux, de tout ce qui est corrompu et franc-maçon ?

« Ne savez-vous pas que ceux-là qui sont à votre tête, sont si orgueilleux qu'ils refusent d'obéir à notre mère la Sainte-Eglise, qu'ils veulent être eux-mêmes l'Eglise et qu'ils veulent la diriger ; plutôt qu'être enfant libre et franc de l'Eglise, ils sont les esclaves des francs-maçons.

« Lorsqu'on profanait et qu'on déblayait votre cimetière béni pour laisser rouler plus facilement dans vos communes les voitures libérales et franc-maçonnes, vous ne parliez pas, et c'était persécution contre tout ce qui était chrétien et flamand.

« Lorsqu'on établissait une école d'adultes, frais inutiles de plus, vu que l'école dominicale croissait et fleurissait toujours, vous ne parliez pas et c'était persécution contre tout ce qui était chrétien et flamand.

« Lorsqu'on laissait invectiver votre curé par cet étranger là des environs, sur le bord de la tombe d'un des membres (page 18) les plus considérables de votre commune, en présence de centaines de personnes, du conseil communal et de plusieurs prêtres. Vous ne parliez pas, et c'était persécution, etc.

« Lorsque le bourgmestre, cette grande lumière de notre siècle, disait qu'il avait plus d'humanité que l'Eglise et venant troubler les prêtres dans leur saint ministère, donnait la défense d'enterrer au cimetière béni et ordonnait d'enfouir au cimetière des gueux de Saint-Genois, non seulement les gueux, mais aussi toutes les personnes catholiques et romaines, juste comme ce fermier qui enterre ou enfouit derrière sa grange une vache crevée, vous ne parliez pas, etc. » Lorsque ces chefs vendus corps et âme à la franc-maçonnerie, conservant cependant un sentiment mesquin d'honneur, envoyaient leurs enfants dans une autre commune, pour qu'ils ne fussent pas témoins du mauvais exemple de leur mère, attelaient leurs femmes au char funèbre pour traîner le cadavre de cette pauvre femme-là, déshonorant et humiliant ainsi leurs épouses, vous ne parliez pas, etc.

« Lorsque ce charpentier-là, que vous connaissez de nom, de prénoms et de réputation, vous disait qu'ils allaient enfoncer l'église, que les leviers étaient prêts à la maison communale, ainsi que les hommes, vous vous leviez enfin et vous parliez. J'ai le ferme espoir que vous continuerez à parler. Nous irons chercher nos frères de ce cimetière profane, nous en ôterons la croix, et nous y mettrons un obélisque en pierre de taille, en souvenir perpétuel de la grande action des chefs de Saint-Genois, où figurera le symbole des francs-maçons : le triangle et la truelle. Sur les quatre côtés, il y sera inscrit ce qui suit. Sur le premier côté la canaille franc-maçonne a régné trois semaines à Saint-Genois, etc.

« A l'entrée du cimetière, il y aura encore deux piliers pour y tailler les noms des bourgmestre et échevins de Saint-Genois, qui ont fait la plus malheureuse paroisse de la paroisse la plus heureuse de l'évêché. Ainsi il ne suffit pas de parler ; il nous faut encore de l'argent pour ériger ce souvenir. »

En présence de ces excitations contre les libéraux et les autorités civiles, est-il étonnant que des fanatiques aient recours au crime, pour prouver que leur bouche et leur cœur sont flamands, et qu'il ne suffit pas de parler, mais qu'il faut agir ?

Et ils ont agi, on sait comment ! (Vérité)


L’Echo du Parlement, 30 août 1868 (numéro 243)

On nous écrit de Saint-Genois, le 28 Août :

Depuis dimanche dernier nous n'avons eu à constater aucun méfait nouveau en cette commune. La surveillance incessante de la population, activement secondée par les gendarmes, permet aux habitants de respirer un peu.

Le parquet de Courtrai, dans la matinée du 26 courant, est revenu sur les lieux poursuivre ses laborieuses investigations, à la suite desquelles il a fait procéder à l'arrestation d'une ouvrière de notre commune, la veuve Morel. Cette femme est accusée par le vacher de Mme Everaert de Coeyghem, d'être l'auteur de quelques-uns des incendies qui ont éclaté ici ; selon la rumeur publique, il paraît que ce vacher a donné des explications si claires et si précises sur la manière dont cette femme s'y est prise pour incendier, que le parquet a cru bon de le faire arrêter aussi ; dès avant l'arrivée du parquet il avait fait des confidences à un autre ouvrier avec qui il travaillait. Ce vacher a des allures très simples qui le font passer pour une espèce d'idiot ; mais la précision de ses réponses et des détails qu'il fournit sont loin de dénoter un fou ; aussi la population, encore anxieuse, espère-t-elle que les efforts des magistrats pour découvrir tous les coupables dans cette ténébreuse affaire, seront enfin couronnés de succès.

Je crois utile de dire quelques mots du degré d'instruction répandu dans les différentes classes de notre population. Il existe ici une école communale où l'on enseigne toutes les branches de l'instruction primaire. On est occupé en ce moment à construire de nouveaux bâtiments pour les classes et une habitation pour l'instituteur.

Deux autres petites écoles existent dans des hameaux écartés du village ; aux enfants qui les fréquentent jusque l'âge de la première communion, l'on n'enseigne rien que le catéchisme.

Pour compléter tout cela, nous avons encore le couvent des Sœurs de la Charité, où l'on se borne à peu près au même cours que dans les deux écoles précédentes, l'enseignement du catéchisme. La plupart des enfants sortant de ces trois établissements sont enrôlés dans des congrégations où de temps en temps ils entendent les sermons d'un vicaire ou d'un missionnaire quelconque. L'on remarque que c'est parmi les congréganistes que l'on rencontre le plus d'exaltation contre l'ouverture du nouveau cimetière.


L’Echo du Parlement, 30 août 1868 (numéro 243)

Voici quelques détails qui montrent de quel esprit sont animés nos congréganistes :

Le sieur L. S..., dans le but de veiller à la sécurité des propriétés du voisinage, s'adresse à un de ses voisins et l'invite à coopérer à cette surveillance. Ce dernier refuse, alléguant que les incendies étant une punition céleste, « il est inutile de veiller, qu'il se croit beaucoup mieux préservé en faisant une prière en croix, afin que Dieu détourne de lui ce fléau. » L'on prête, le propos suivant à la femme qui vient d'être mise en arrestation. « On ne fait pas plus de mal en incendiant les propriétés des libéraux, que ceux-ci n'en font en enterrant au nouveau cimetière. »

Enfin, chez la plupart des jeunes gens de nos congrégations, la croyance existe qu'il est dans la puissance du curé ou du vicaire de faire cesser un incendie et de commander aux vents de prendre une autre direction afin de préserver (page 19) des bâtiments menacés, et ces messieurs ne les détrompent pas, au contraire.

L'administration communale, dans le but de remédier un peu à un pareil état de choses, a voté la création d'une école d'adultes. Le curé Vanschoebeke, quand il a connu la chose, a, en chaire de vérité, réprouvé cette institution, la présentant comme irréligieuse, attentatoire aux droits du clergé, et il n'a même pas ménagé ses propos à l'égard de l'instituteur communal, qui jouit ici de l'estime de tous. Voilà comment le clergé soutient les plus utiles mesures mises en avant par l'autorité civile.


L’Echo du Parlement, 1er septembre 1868 (numéro 245)

On nous écrit de Saint-Genois, le 30 août :

La femme arrêtée sur la dénonciation du sieur Vandeputte, vacher de Mme veuve Everaert, se nomme, comme je vous le disais dans ma lettre du 28, Virginie Tacke, veuve Morel. Hier, le parquet a mis en état d'arrestation préventive le sieur Vandeputte lui-même, qui, depuis deux jours, était gardé à vue à la maison communale. Vandeputte a fini par avouer qu'il avait aidé la veuve Morel à commettre plusieurs incendies ; il donne pour excuse qu'il a agi sous l'empire de la crainte que lui inspirait la femme Morel, qui a la réputation d'être sorcière. Avant de partir pour la maison de détention, il a dit à l'un des gendarmes préposés à sa garde que dorénavant il n'y aurait plus d'incendies, qu'il était inutile de veiller encore, que les gendarmes pouvaient en toute sécurité dormir la nuit.

Aujourd'hui l'on a lu au prône une lettre pastorale de l'évêque de Bruges, qui déplore les crimes de Saint-Genois, en ajoutant qu'il faudrait remonter jusqu'aux troubles excités jadis dans notre pays pour retrouver de pareils forfaits. Monseigneur dit encore dans son mandement que les confesseurs ordinaires ne peuvent remettre des crimes de cette gravité, mais que samedi prochain, à l'occasion de la fête de la Nativité, il y aura exposition du Saint-Sacrement et, qu'à cette occasion, il enverra des confesseurs étrangers munis de pouvoirs spéciaux, Monseigneur espère que tous les paroissiens accompliront leurs devoirs religieux et que Dieu permettra que la justice mette la main sur les vrais coupables.

Notre bourgmestre, M. Mullie, a eu hier, à Bruges, une conférence avec M. le chanoine Maes, qui était venu dernièrement, d'après les ordres de l'évêque, faire ici une espèce d'enquête à la suite de laquelle il avait manifesté l'intention d'entrer en négociation avec l'administration communale. Il faut croire que l'évêque a trouvé que tout était pour le mieux, puisqu'il a fait savoir à notre bourgmestre, par l'intermédiaire de M. le chanoine Maes, que lui et son conseil étaient décidés à ne rien céder de leurs prétentions dans la question du cimetière. Le contraire nous eût singulièrement étonnés.

Le Bien public semble presque accuser la presse libérale de fabriquer des correspondances et des dépêches sur l'affaire de Saint-Genois.

« La presse libérale continue, dit-il, à se faire envoyer de Saint-Genois des bulletins, des dépêches, des correspondances particulières, toutes destinées à incriminer les catholiques et le clergé de cette paroisse et à les rendre moralement responsables des sinistres qui se sont produits. »

Ce journal ajoute qu'on ne produit ni l'ombre d'un fait, ni le plus mince argument ; mais il nous semble que nous n'avons pas d'argument à produire ; que des incendies multipliés, frappant exclusivement des propriétaires libéraux, mêlés de près ou de loin au conflit, sont des faits suffisamment déplorables, qui parlent d'eux-mêmes, et que quant aux arguments, il y en a d'assez forts dans l'exposé absolument vrai que nous avons fait de l'affaire de Saint-Genois.

Nous manquons de preuves, dit-il ; là-dessus, en présence des arrestations faites, on comprend notre réserve, qui a été très marquée dans notre dernier bulletin de nouvelles, et le motif délicat qui nous faisait ménager la position des personnes arrêtées. Sur la dernière arrestation, entr'autres, nous avons été très réservé, non seulement sur cette arrestation, mais la prévention même ; le Bien public, loin d'imiter cette prudence, va extrêmement loin et nous semble compromettre gravement la femme arrêtée, puisqu'il la présente comme en aveu, ce que nous n'avons pas dit, et qu'il indique même les motifs qui l'auraient poussée au crime.

On voit par là que le Bien public ne se fait pas faute d'avoir aussi ses correspondants sur l'affaire de Saint-Genois, de publier prématurément des nouvelles de son cru, et de se prononcer, alors qu'il serait convenable de réserver l'action de la justice, de façon à ne pas influencer cette action même.

Il nous dit, et aucun journal ne l'a mentionné jusqu'ici, que Virginie Tacke est une vieille femme, qu'elle a été dénoncée par un vacher et qu'elle se servait de poudre à tirer pour l'exécution de ses desseins. Il affirme qu'elle n'a rien de commun avec le parti clérical, « qu'elle est une mégère, qu'elle n'est pas le moins du monde suspecte de fanatisme, de bigotisme, et, (ici se montre l'esprit de la feuille des Jésuites) que les présomptions qui pèsent sur elle la feraient plutôt ranger parmi les partisans du droit nouveau. »

Nous laissons aux honnêtes gens à apprécier ce trait infâme. Poursuivons toutefois.

« Elle serait, dit-on, en aveux, et la vengeance aurait été l’unique mobile de ses méfaits. Elle aurait incendié les meules de blé du bourgmestre parce que ce fonctionnaire aurait provoqué une condamnation pour vol prononcée contre son mari, elle aurait aussi porté l’incendie chez les personnes qui l’auraient renvoyée, mal payée, etc., etc. »

(page 20) Ces et-cætera » sont dignes du reste. L'instruction judiciaire est, à ce qu'il paraît, déjà faite pour les catholiques ; une femme est arrêtée avant-hier, ils l'ont déjà interrogée, ils ont son aveu, ils connaissent ses motifs, qu'ils acceptent sans preuve, bien que le prévenu qui s'accuse lui-même (à supposer que ce soit le cas de cette femme) ne doive pas être cru même sur son aveu, dont il importe de rechercher très attentivement les circonstances qui, dans une telle affaire, pourraient être graves et compliquées ; de plus, la prévenue est une mégère, et en tant qu'incendiaire, partisan du droit nouveau.

Quand nous employons pour qualifier tout cela le mot d'infamie, le terme n'est pas trop fort. Donc, l'accusateur, c'est le Bien public et, sauf que ce sont les libéraux qui ont vu leurs biens incendiés pendant que les catholiques, demeurant dans une sécurité profonde, ne se gardaient même pas, ces libéraux seraient au fond les vrais coupables.

Selon le Bien public, qui a son siège tout fait, c'est la vengeance qui a poussé cette mégère, qui, « partisan du droit nouveau, c'est-à-dire libérale, » ne met le feu qu'aux biens des libéraux, et qui, ayant des rancunes d'ancienne date, et avec divers et-cætera les a toutes satisfaites en même temps, attendant patiemment pour les satisfaire toutes à la fois, afin, sans doute, que la coïncidence en fût moins remarquée, et différant des mois, des années peut-être, jusqu'au jour où un conflit s'engage, où le pouvoir ecclésiastique lance imprudemment de graves provocations, où la commune est menacée du sort de Sodome et de Gomorrhe. Voilà ce qui peut s'appeler un enchaînement logique de faits, et infiniment vraisemblable à tous égards.

Cependant, malgré l'habileté que mettent le Bien public et ses honnêtes correspondants dans cette instruction criminelle, nous ne nous rendons pas, pensant que la justice saura débrouiller ce mystère et examiner tout de près, jusqu'à ces aveux mêmes, tout circonstanciés qu'ils sont et si exactement connus du Bien public. Les affirmations et les contradictions extraordinaires qu'il renferme commandent l'attention, (Journal de Gand.)


L’Echo du Parlement, 2 septembre 1868 (numéro 246)

Voici le texte de la lettre pastorale qui a été lue au prône dimanche dernier, 30 août, à Saint-Genois :

« CHERS PAROISSIENS DE SAINT-GENOIS !

« Informé des tristes circonstances que vous traversez, et des dangers auxquels pourraient se trouver exposés vos dignes prêtres, si, en présence des dispositions peu bienveillantes de certaines personnes, ils voulaient, en ce moment, vous exhorter et vous avertir, avec toute la liberté qui est propre à leur ministère, Nous croyons qu'il est de notre devoir de venir Nous-mêmes vous adresser quelques paroles. Avant tout, qu'il nous soit permis de vous ouvrir notre cœur d'évêque et de vous dire les sentiments qui nous oppriment. Chers habitants de Saint-Genois ! notre âme déborde de tristesse et notre visage se couvre de honte, à la pensée des tristes méfaits qui, depuis quelques jours, souillent votre si bonne et si religieuse paroisse. Jamais et nulle part rien de semblable ne s'est produit, dans notre diocèse ; et il faut remonter jusqu'aux temps les plus malheureux de l'histoire, pour trouver des exemples des ravages et des incendies qui vous désolent.

« Il faut que les auteurs de ces attentats sachent que, ainsi qu'il arrive presque toujours, ils seront dévoilés tôt ou tard ; dussent-ils, subjugués par le remord, aller se dénoncer eux-mêmes.

« Que si, par impossible, ils réussissaient à se soustraire à la justice humaine, ils savent bien, et, pourvu qu'ils aient conservé un reste de foi, ils sentent au fond de leur âme que Dieu a été témoin de leur crime, et qu'ils n'échapperont ni à la sévérité de ses jugements, ni aux rigueurs terribles de sa justice. Nous frémissons en songeant au sort éternel de ces malheureux, s'ils venaient à être pris en flagrant délit et que la mort vînt les frapper au moment même du crime.

« En effet, le péché d'incendie est un péché énorme ; au point que, dans ce diocèse, il constitue un cas réservé à l'évêque, dont, par conséquent, l'évêque seul et les confesseurs spécialement délégués par lui ont le pouvoir d'absoudre. L'incendiaire est en outre rigoureusement tenu à la réparation de tout le dommage qu'il a causé.

« Nous ne saurions vous dire, religieux habitants de Saint-Genois, combien il nous en coûte de vous entretenir de ces vérités, mais notre devoir nous y oblige, et il faut bien que vous-mêmes, vous aidiez à répandre partout ces mêmes vérités, afin d'arriver plus sûrement ainsi à inspirer aux coupables une frayeur et un repentir salutaires.

« Nous devons vous rappeler, en outre, que, dans des circonstances aussi graves, vous êtes tous obligés de seconder et de faciliter, en toute sincérité et constance, les justes efforts de la justice. Dites la vérité, telle qu'elle vous est connue, toute la vérité et rien que la vérité ; et gardez-vous, avec un soin extrême, de tout faux témoignage et faux serment, qui, ainsi que vous ne l'ignorez pas, sont des péchés fort graves et constituent à l'instar de l'incendie volontaire, autant de cas réservés à la juridiction épiscopale.

« Plein de confiance que nous n'aurons pas élevé la voix en vain, et qu'à dater de ce jour, grâce à la bonne volonté et à la coopération de tous, nous aurons la consolation de voir à jamais disparaître les noirs attentats qui vous désolent, nous bénissons, de tout notre cœur, et vos personnes et vos familles et vos biens et vos demeures.

« Et sera la présente lue au prône, à toutes les messes, les deux Dimanches qui en suivront la réception.

« Donné à Bruges, le 24 Août 1868.

« JEAN-JOSEPH, évêque de Bruges. »

(page 21) Hélas ! c'est bien tard. Voilà près de deux mois que des fanatiques, excités par des sermons furibonds et des écrits violents, jettent la consternation dans la commune de Saint-Genois. L'évêque savait que ces crimes avaient pour cause le sentiment religieux égaré, et il a attendu que les coupables fussent entre les mains de la justice pour élever la voix. Ce n'est pas le 30 août que Mgr l'évêque de Bruges devait user de l'autorité de sa parole, c'est le lendemain des premiers incendies. Que fait aujourd'hui son mandement ? L'œuvre de la haine et du fanatisme est accomplie, et la justice, sans l'aide du clergé, saura bientôt faire connaître toute la vérité. Mgr l'évêque de Bruges cherche sans doute à faire croire qu'il a été pour une part dans le succès des efforts de la justice, mais il ne parviendra pas à ses fins. Il restera acquis qu'il n'a prêté son concours, sollicité par tout le monde, qu'alors qu'il était inutile ; qu'il a fallu, pour lui faire rompre le silence, que plus de quinze crimes contre les propriétés aient été consommés ; que son mandement n'a été lu qu'après l'occupation de la commune de Saint-Genois par le parquet et vingt gendarmes, qu'après la cessation des méfaits et l'arrestation des coupables.

Nous ne pouvons finir sans protester énergiquement contre la première phrase de la lettre de l'évêque de Bruges. Ce prélat insinue qu'il ne prend la parole que parce que « les dignes prêtres de Saint-Genois, en présence des dispositions peu bienveillantes de certaines personnes, ne pourraient exhorter les habitants de cette commune avec toute la liberté qui est propre à leur ministère. » C'est toujours le même système : les persécuteurs deviennent, sous la plume des évêques et des journalistes cléricaux, des persécutés. Le vicaire qui a prédit à Saint-Genois le sort de Sodome et de Gomorrhe est un digne prêtre qui ne jouit pas en ce moment de la liberté propre à son ministère. Quant à l'autorité communale, à la justice et aux victimes des incendies, elles doivent remercier le Ciel de n'être accusées par Mgr Faict que de dispositions peu bienveillantes. En tenant un tel langage, l'évêque de Bruges sait à qui il parle et sait qu'il sera cru ; il a confiance dans le fanatisme des habitants de Saint-Genois.


L’Echo du Parlement, 3 septembre 1868 (numéro 247)

Le Journal de Bruxelles, s'occupant une seconde fois de la scandaleuse affaire de Saint-Genois, soutient que nous retirons ce que nous avons écrit au sujet de la responsabilité morale encourue par le clergé de la Flandre occidentale. Nous renvoyons le Journal de Bruxelles à notre article d'hier et nous lui déclarons que nous ne rétractons pas un mot de nos appréciations. Quant aux révélations que le Bien public et les feuilles cléricales font au sujet de l'instruction judiciaire, nous ne saurions trop mettre le public en garde contre leur exactitude. On comprend parfaitement que la justice n'envoie pas le résultat de ses recherches aux journaux libéraux ou catholiques. Les feuilles cléricales usent en ce moment d'une petite tactique pour innocenter la conduite du clergé, et elles donnent comme certains des renseignements incomplets ou qu'elles inventent elles-mêmes. Nous observerons une plus grande réserve, et nous attendrons, nous, que la justice ait parlé.


L’Echo du Parlement, 3 septembre 1868 (numéro 247)

Notre correspondant de Saint-Genois nous a annoncé que le jour de la Nativité de la Sainte-Vierge, des confesseurs étrangers envoyés par Mgr l'Evêque de Bruges devaient se rendre à Saint-Genois munis des pouvoirs nécessaires pour absoudre les cas réservés. Nous ne nous expliquons pas le but de cette confession, et il nous semble qu'elle est de nature à entraver l'œuvre de la justice. Evidemment les confesseurs ne pourront signaler aux parquets les coupables ou les complices qui se seront fait connaître à eux dans le secret du confessionnal, la loi religieuse et la loi civile s'y opposent formellement. Or, si ces confesseurs ont mission de pardonner et d'absoudre, et évidemment ils ne peuvent avoir d'autre but, les coupables et les complices qui auront recours à leur ministère, rassurés quant à leur salut, cesseront d'avoir la conscience bourrelée par le remords et se garderont d'apprendre à la justice ce que celle-ci a le droit et le devoir de connaître. Nous pensons donc que cette confession, qui a pu être ordonnée dans de bonnes intentions, ne peut qu'être nuisible.


L’Echo du Parlement, 3 septembre 1868 (numéro 247)

Voici l'explication donnée par la presse catholique des crimes commis à Saint-Genois :

« La justice vient de mettre la main sur une personne qui paraît devoir être la vraie coupable des incendies et des ravages de Saint-Genois. C'est une femme pauvre demeurant dans une hutte au milieu des propriétés qui ont souffert de ces sinistres.

« Un vacher de ferme, jadis élevé par cette femme qui, jusqu'à ce jour, avait soigné son petit troupeau, aurait été au secret des entreprises de sa singulière protectrice. Alléché par cette somme de 1,000 francs promise au dénonciateur, il a révélé le fait au procureur du roi. Ses premières dépositions ont été trouvées suffisantes pour arrêter incontinent la femme en question. Le jeune homme est également gardé par l'autorité judiciaire.

« Au dire du délateur, la femme n'a eu d'autre mobile qu'une vengeance personnelle. Elle en voulait à tel fermier parce que sa fille n'avait pu y rester en service, à tel autre parce que son mari en avait essuyé un affront ; à un troisième parce que, comme maître des pauvres, il lui aurait refusé un pain ; et ainsi de suite. »

Ces faits font dire immédiatement à la presse cléricale que la politique est restée complétement étrangère aux attentats qui ont été signalés. Nous ne sommes pas si pressés ; et nous attendrons le résultat de l'instruction judiciaire.

Cependant nous observerons 1° que les journaux (page 22) catholiques ont été bien vite instruits des réponses réelles ou présumées de la vieille femme arrêtée ;

2° Qu'il serait étrange, si la politique n'a pas armé l'auteur ou les auteurs des attentats, que ces attentats eussent été commis au détriment des seuls libéraux, des administrateurs ou des parents des administrateurs qui ont été mêlés à l'affaire du cimetière ;

3° Qu'il est non moins étrange que les attentats aient suivi de près la célèbre prédiction et l'allusion à Sodome et Gomorrhe, ainsi que certains articles du 't Jaar ;

\4. Qu'en supposant la vieille femme comme l'auteur de tout le mal, comment concevoir qu'elle ait imaginé, illettrée comme elle est, ce tour des lettres anonymes et comminatoires, datées de Verviers.

5° Qu'enfin, si le Bien public et la Patrie soutiennent que les crimes n'ont pas été provoqués par la superstition et la révolte du sentiment religieux, le Journal de Courtrai, qui se dit bien informé, prête à la femme le propos suivant : « Ceux qui incendient les propriétés des libéraux ne commettent pas un crime aussi grand que ceux qui enterrent les morts dans la terre des gueux. »

Ce propos, s'il est exact, renverserait la thèse de la presse cléricale. Mais attendons, en espérant que la justice parviendra à débrouiller cette lamentable affaire et à la mettre en pleine lumière. (Vérité.)


L’Echo du Parlement, 6 septembre 1868 (numéro 250)

On nous écrit de Saint-Genois, le 4 septembre :

Depuis les dernières arrestations, nous n'avons plus eu d'incendie ; l'on espère que la justice a pu enfin mettre la main sur les auteurs des forfaits qui ont pendant près de deux mois jeté la terreur dans notre commune, et l'on espère aussi que la justice n'épargnera pas ceux qui ont inspiré ces criminels attentats.

Je crois utile, pour ceux qui s'occupent un peu de notre pauvre commune, de dire quelques mots sur ce qui s'est passé lors de la formation de la seconde société de musique, qui a été gratifiée du sobriquet de Velleplotters musiek. Il y a quatre ou cinq ans, les prêtres, assistés par l'un des chefs du parti clérical en cette commune, organisèrent tout un système de persécution contre ceux qu'ils soupçonnaient d'appartenir de près ou de loin au parti libéral. L'on menaça le bourgmestre d'alors, M. Glorieux-Delemazure, de ne pas renouveler le bail de sa ferme s'il maintenait sa candidature au conseil communal ; des boutiquiers, des cabaretiers, des bouchers, des charpentiers, des peintres en bâtiments, etc., se virent retirer non seulement la clientèle des prêtres, mais encore celle d'autres habitants de la localité ; des cultivateurs furent privés des terres qu'ils avaient en location ; le couvent des Sœurs de Charité se mit de la partie ; il acheta des terres et il en prit en location ; les occupeurs prévenus de libéralisme furent impitoyablement sacrifiés. C'est alors aussi que la même coterie essaya d'anéantir l'ancienne société de musique dont les membres étaient réputés appartenir au parti libéral ; la coterie cléricale organisa en concurrence une société nouvelle, et mit tout en œuvre pour décider les musiciens de l'ancienne musique à entrer dans la nouvelle, mais ils eurent le bon sens de résister, à peu d'exceptions près ; c'est ensuite de toutes ces persécutions que le mot velleplotters a été donné au chef et aux hommes du parti clérical. Velleplotter veut dire « écorcheur de peaux », qui empêche de vivre, qui persécute jusqu'à tout prendre, même la peau. Voilà la signification que l'on attache ici à ce mot, et dans quelles circonstances il a été appliqué.


L’Echo du Parlement, 7 septembre 1868 (numéro 251)

On écrit de Bruxelles au Journal de Liége :

On a rapporté qu'une tentative de conciliation avait été faite par M. l'évêque de Bruges pour ramener le calme dans la commune de Saint-Genois ; mais on n'a pas dit quelle a été l'issue de cette démarche. Voici, d'après une lettre de cette trop fameuse localité, ce qui se serait passé à ce sujet.

Un cultivateur de Saint-Genois, proche parent d'un des chanoines épiscopaux, a reçu la visite de cet ecclésiastique, qui a fait prier le bourgmestre de se rendre auprès de lui. Cette entrevue a eu lieu et on paraissait très près de s'entendre.

Cependant le chanoine n'avait pas de pouvoirs pour prendre une décision quant à l'objet principal du conflit : la bénédiction du cimetière. Il s'est borné à faire connaître que l'évêque était maintenant tout disposé à y faire procéder aux conditions antérieurement acceptées par le conseil communal.

Mais, au lieu d'une décision en ce sens, est arrivée, deux jours après, une impérieuse missive de l'évêché, enjoignant au bourgmestre et à l'un des conseillers de se rendre immédiatement auprès de monseigneur. Le chef de l'administration communale n'a pu, on le comprend, se prêter à cette fantaisie épiscopale, qui ne pouvait avoir pour but que de consacrer l'ascendant du clergé et d'arracher à la commune de nouvelles concessions, après celles déjà si larges qui avaient été faites dans l'espoir d'obtenir que le cimetière serait béni.


L’Echo du Parlement, 8 septembre 1868 (numéro 252)

On écrit de Saint-Genois à la Vérité de Tournai, que le calme commence à renaître dans la commune ; les habitants se persuadent maintenant qu'il n'y a rien de miraculeux dans les incendies qui ont frappé coup sur coup les électeurs libéraux. Le clergé s'est aperçu à son tour qu'il jouait un jeu de dupe en refusant les honneurs funèbres aux paroissiens morts dans la religion catholique, puisqu'il perdait par le fait même les honoraires que les services lui (page 23) rapportent. Il ne consent pas encore, il est vrai, à recevoir le corps dans l'église ; le décret de monseigneur s'y oppose ; mais il commence à dire des services pour le repos de l'âme des décédés.

C'est ainsi que, lundi dernier, un service funèbre a été célébré pour le repos de l'âme du sieur Delencre celui qui, d'après le souvenir pieux qui lui est consacré, a été le premier enfoui dans le « cimetière des gueux ». Vous comprenez, nos prêtres veulent bien aider à ameuter la population contre l'administration communale et ceux qui la soutiennent, mais ils ne peuvent pas tout perdre.


L’Echo du Parlement, 13 septembre 1868 (numéro 257)

Le Bien public s'est fait écrire un jour de Saint-Genois que les incendies qui ont désolé cette commune n'avaient pas été allumés par le fanatisme, mais qu'ils avaient pour cause la vengeance. Ce récit dont le bon sens seul démontre l'invraisemblance et la fausseté, et qui a été démenti presque aussitôt, est devenu pour ce journal un article de foi. C'est toujours ainsi que cela se passe dans le monde clérical. Un fait le gêne-t-il, il en donne une explication de son invention, et puis la chose se passe à l'état de vérité incontestable. Voici comment le Bien public s'explique au sujet de l'affaire de Saint-Genois :

« Nous ne parlerons pas de l'affaire de Saint-Genois qui a si piteusement tourné contre les calomniateurs du clergé de cette commune. On sait aujourd'hui que les tisons du fanatisme ne sont pour rien dans les incendies si bruyamment dénoncés par la presse libérale. »

On sait, mais nous demandons au Bien public quel est cet « on ». Nous lui demanderons en outre ce qu'il sait et comment il le sait ? Nous le prions instamment de nous répondre. Puisqu'il prétend que nous avons calomnié le clergé en l'accusant d'être la cause morale des incendies de Saint-Genois, ce que nous répétons encore aujourd'hui, puisqu'il soutient que le fanatisme n'est pour rien dans ces déplorables événements, qu'il nous donne les preuves de ces assertions. Qu'il ose affirmer que l'instruction judiciaire a confirmé la sotte et ridicule version qu'il a imaginé. Si les dossiers de la justice sont à sa disposition, il doit parler et nous confondre, puisque nous maintenons aujourd'hui tout ce que nous avons écrit sur l'affaire de Saint-Genois.


L’Echo du Parlement, 13 septembre 1868 (numéro 257)

On nous écrit de Saint-Genois, le 11 septembre 1868 : L'instruction des incendies se poursuit activement ; entre-temps il ne se commet plus de crimes. Je me bornerai aujourd'hui à raconter un petit incident qui pourra vous démontrer quel est l'esprit qui anime notre clergé :

Virginie De Beurme est une jeune personne de trente ans : elle est née au village d'Ingoyghem, mais elle habite Saint-Genois depuis neuf ans ; elle y est domiciliée, et sert en qualité de domestique chez M. Delporte, qui est connu comme appartenant au parti libéral. Cette fille donc s'est présentée à la cure avec son futur pour demander à M. le curé qu'il voulût bien publier ses bans. Ce dernier, après avoir interrogé les futurs époux, sut que la jeune personne était domestique chez M. Delporte, prétendit qu'elle n'avait aucun domicile fixe, et qu'il ne pouvait ni publier ses bans, ni la marier. Elle insista ainsi que son futur, mais M. le curé, M. Van Schoebeke, n'a voulu rien entendre ; il s'est emporté et a terminé la discussion par ce propos : « Vous n'êtes qu'un chiffon (vodde) et je ne ferai rien pour vous. » Voilà un fait entre mille qui pourra vous édifier sur le saint esprit de tolérance qui règne parmi nos prêtres politiques.


L’Echo du Parlement, 15 septembre 1868 (numéro 259)

Le Bien public, sommé de nous faire connaître sur quelles preuves il s'appuie pour soutenir contre toute vraisemblance que le clergé de la Flandre occidentale n'a pas une part de responsabilité morale dans les incendies de Saint-Genois, nous répond par des injures. Il voudrait faire croire que nous avons attribué à ce clergé la perpétration de ces crimes abominables et que nous l'avons désigné aux poursuites de la justice ; c'est là une pure calomnie, nous n'avons jamais soutenu que les prêtres de Saint-Genois aient allumé les incendies, mais nous avons dit et nous maintenons que leurs sermons et les articles des journaux cléricaux ont tellement surexcité le fanatisme des habitants que quelques-uns, croyant obéir à une inspiration religieuse, se sont faits des incendiaires. Comment pourrait-on croire le contraire ? Quand les incendies ont-ils éclaté ? Immédiatement après le conflit entre l'évêque et le conseil communal, immédiatement après le refus par l'évêque de faire célébrer les cérémonies funèbres. A quel genre de crimes les fanatiques se sont-ils livrés ? A des incendies, parce qu'un vicaire en chaire avait déclaré que Saint-Genois périrait comme Sodome et Gomorrhe et parce que le Jaar dertig avait prédit que le feu du Ciel dévorerait cette commune.

Quelles sont les victimes de ces attentats ? Ce sont des libéraux, ce sont ceux qui, dans la question du cimetière, ont résisté aux prétentions du clergé. Et, devant un pareil concours de circonstances, le Bien public viendra nous raconter que le mobile de ces crimes odieux n'est pas le fanatisme ! Personne ne le croira, et le Bien public lui-même est convaincu du contraire. Il n'a qu'un but, c'est de détourner d'un clergé imprudent et fanatique le juste blâme que tout le pays lui inflige ; mais, quelle que soit la crédulité de certaines âmes, il n'y parviendra pas.

Le Bien public nous oppose l'arrestation de la femme Morel, que sur la foi de nous ne savons quels renseignements, il déclare coupable et fait passer pour une libre-penseuse. Mais qui a dit au Bien public que cette femme était coupable ? N'y a-t-il que cette femme en prison ? N'y a-t-il pas au contraire deux autres personnes arrêtées dont (page 24) l'une est, assure-t-on, en aveu ? Au surplus, au sujet de cette femme, ne peut-on dire que si elle a pris part aux incendies, c'est qu'elle a cédé aux inspirations du fanatisme ? Voici, en effet, ce que dit l'Organe de Courtrai dans son numéro d'hier :

« Les virtuoses des velleplotters sont toujours encore sous les verrous ainsi que Vandeputte et la femme Morel ; tout le monde à Saint-Genois regarde cette dernière comme une fanatique exaltée : elle roulait toujours un chapelet entre ses doigts et répétait sans cesse en marmottant des prières : « Goed is God ! Goed is God ! » Avant son arrestation, elle disait que brûler les propriétés des libéraux n'était pas un aussi grand crime que d'enterrer les catholiques au geuzenkerkhof. »

Nous réitérons donc nos demandes au Bien public. Nous lui demandons s'il ose affirmer que l'instruction judiciaire a confirmé ce que nous continuerons à appeler sa sotte et ridicule version. S'il ne peut nous répondre, qu'il attende que la justice se fasse jour pour ne pas se ménager de cruelles déceptions.


L’Echo du Parlement, 23 septembre 1868 (numéro 267)

On nous écrit de Saint-Genois, le 21 septembre :

Le parquet de Courtrai s'est rendu de nouveau dans notre commune aujourd'hui, lundi, et il procédé à l'arrestation des deux frères Delplancke, tous deux clercs de notaire, l'un chez le notaire Opsomer, de Saint-Genois, et l'autre chez le notaire Vandenstapele, de Berchem.


L’Echo du Parlement, 24 septembre 1868 (numéro 268)

On nous écrit de Saint-Genois, le 22 septembre : L'attitude intolérante qu'a prise notre clergé par suite de la publication de la lettre pastorale de l'évêque de Bruges, relativement aux inhumations dans le nouveau cimetière communal, ne se modifie pas. Nous avons assisté hier à un incident curieux, au sujet duquel je crois devoir vous dire quelques mots.

Le sieur Eugène Vande Meulebroecke, en son vivant brigadier garde-champêtre pensionné, est mort ici vendredi dernier, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans. Dans les modestes fonctions qu'il a exercées ici depuis 1817, il a su conquérir l'estime générale. Aussi le cite-t-on constamment comme un modèle à ses camarades. Ancien soldat de l'Empire, caractère loyal et énergique, il a pris lui-même les dispositions relatives à son enterrement, qui, selon son désir, devait avoir lieu tout militairement. Il avait, quelques jours avant son décès, fabriqué lui-même les cartouches qui devaient servir pour les salves d'artillerie, qu'il avait arrangées pour son inhumation. Il a donné lui-même le texte du memento à distribuer après sa mort. Sa femme, en conformité de ses désirs, avait demandé pour l'enterrement les cérémonies religieuses par la lettre que voici :

« Saint-Genois, 18 septembre 1868.

« Monsieur le curé Vanschoebeke,

« C'est avec la plus grande douleur que je prends la respectueuse liberté de vous faire part du décès de mon époux Eugène Van Meulebroecke, en son vivant brigadier garde-champêtre pensionné.

« Je saisis cette occasion, monsieur le curé, pour vous informer en même temps que l'inhumation aura lieu lundi prochain, à trois heures de relevée, et pour vous prier de célébrer un salut sur le corps, lesdits jour et heure.

« A cet effet, le corps sera présenté à l'église.

« Je suis avec respect,

« Votre très humble servante,

« (Signée) Régine de Tollenaere. »

Donc, le jour de l'enterrement arrivé, le cortège funèbre se forma devant la maison mortuaire, la Société de fanfares de Sainte-Cécile, dont le défunt était membre honoraire, prit la tête du cortège ; le corps, porté par des voisins, suivit, entouré de tous les gardes-champêtres des villages voisins ; immédiatement après prirent rang une quinzaine d'anciens frères d'armes de l'Empire, puis des membres de diverses sociétés locales, la famille, l'administration communale, quelques agents de police, puis le peuple. La foule était énorme. Après une décharge d'artillerie tirée par les gardes champêtres, la levée du corps se fit et le cortège s'ébranla lentement, la musique exécutant des morceaux funèbres, les différentes sociétés avec leurs drapeaux revêtus d'insignes de deuil, la foule compacte, son silence respectueux, l'ordre parfait du cortège, formèrent un spectacle imposant. On se' rendit vers l'église, mais on en trouva les portes closes, et après avoir, pendant un certain temps, vainement attendu leur ouverture, on dut s'acheminer vers le nouveau cimetière, en constatant une fois de plus l'incompréhensible entêtement du clergé à refuser les cérémonies religieuses à ses plus dignes paroissiens. Malgré cette abstention, le reste de la cérémonie n'en a pas été moins digne ; le cortège s'est rendu avec un ordre et un recueillement parfait, vers le nouveau cimetière, où la descente du corps a eu lieu en présence d'une foule innombrable, qui ne s'est pas départie un instant de son attitude respectueuse. Quelques paroles d'adieu, qui ont impressionné les auditeurs, ont été prononcées sur la tombe ; puis après une dernière salve d'artillerie, et un morceau funèbre exécuté par la Société des fanfares, la foule s'est retirée silencieuse et recueillie, comme elle était venue. Voilà, monsieur le directeur, comment s'est passé cet enterrement dont on parlera longtemps en notre commune. Je ne puis passer sous silence que, immédiatement après l'inhumation, une liste de souscription pour l'érection d'un petit monument sur la tombe du défunt, a été mise en circulation, et, en moins de deux heures, il Ꭹ avait pour à peu près 200 francs de souscriptions. Je crois que tout cela dénote (page 25) assez clairement quel est l'esprit qui anime notre population ; aussi tout le monde ici blâme-t-il hautement l'attitude du clergé dans la question du cimetière, et l'on trouve que l'évêque de Bruges, au lieu de publier sa dernière lettre pastorale par laquelle il invite les habitants à se confesser et à faire des prières pour la découverte des incendiaires, alors que la justice était probablement déjà sur leurs traces, eût beaucoup mieux fait d'ordonner simplement la bénédiction du cimetière, il eut rendu, en faisant cela, un bon service à la commune.

P. S. Au moment de fermer ma lettre j'apprends l'arrestation du sieur Camille Delplancke, ancien clerc du notaire Opsomer, et de son frère Arthur, comme prévenus de participation aux crimes de Saint-Genois. Ces deux jeunes gens sont membres influents de la musique cléricale d'ici, dite Velleplotters musiek. L'un des deux frères a été arrêté à Berchem, dans la maison du notaire Vanderstaepele ; l'autre chez le notaire Opsomer. Le clerc du notaire Vanderstaepele est un ancien clerc du notaire Opsomer, et celui-ci est le secrétaire de la fabrique de l'église de Saint-Genois.


L’Echo du Parlement, 28-29 septembre 1868 (numéro 272-273)

Nous lisons dans le Westvlaming, journal hebdomadaire qui se publie à Bruges :

Au moment de mettre sous presse, nous apprenons que les magistrats de notre parquet, assistés du commissaire de police en chef, M. Moenaert, ont fait, ce matin, une visite domiciliaire dans les bureaux des journaux de l'évêché : 't Jaar dertig et de Katholyke Zondag.

On assure que cette descente se rattache à l'affaire de Saint-Genois.

On nous écrit de Bruges :

Lesieur Vandenberghe, imprimeur-éditeur du Jaar dertig a été arrêté à son domicile et écroué à la prison.

On parle dans nos établissements publics de l'arrestation du curé d'une des communes voisines de Saint-Genois, mais je ne puis rien préciser à cet égard.


L’Echo du Parlement, 30 septembre 1868 (numéro 274)

Arrestation d'un journaliste épiscopal.

Samedi dans la matinée, les membres du parquet de Courtrai sont arrivés en notre ville. Assistés de M. Devos, procureur du roi, de M. De Gottal, juge d'instruction, de M. Moenaert, commissaire de police en chef et de plusieurs agents, ils ont fait une descente judiciaire chez le sieur Tremmery-Van Becelaere, éditeur du journal épiscopal De Katholyke Zondag.

Après une perquisition qui a duré plus de deux heures, ces magistrats se sont rendus au domicile du sieur Vandenberghe-Denaux, imprimeur-éditeur d'un autre organe de l'évêché, 't Jaar dertig. Vers 2 heures, la perquisition était terminée et Vandenberghe a été mis immédiatement en état d'arrestation et écroué à la prison.

L'autorité judiciaire s'est ensuite transportée au hameau Vyve-Cappelle (commune de Sainte-Croix-lez-Bruges) et a fait une descente au domicile de M. l'abbé Van Becelaere, desservant, beau-frère de l'éditeur du Katholyke Zondag et rédacteur avoué de ce journal. La justice y a saisi, nous assure-t-on, de nombreux écrits ; toutefois, le bruit qui courait hier en notre ville de l'arrestation de ce prêtre, n'est pas fondé.

Ces perquisitions et cette arrestation se rattachent bien certainement aux affaires de Saint-Genois, car le lendemain, c'est-à-dire hier à huit heures du matin, Vandenberghe a été transféré à la prison de Courtrai.

Nos lecteurs connaissent suffisamment le rôle joué par ces deux journaux, rédigés par des prêtres notoirement connus ; le Katholyke Zondag á publié une série d'articles sur Saint-Genois dans lesquels il attribuait les incendies à une vengeance céleste ; quant au 't Jaar dertig, il a fait dans son numéro du 11 juillet des prédictions sinistres, qui ne se sont malheureusement que trop réalisées quelques jours plus tard.

Il y a quelques jours à peine, la Patrie et ses échos se plaignaient de ne voir divulguer aucuns détails de l'instruction de cette affaire. Cette absence de renseignements donnait à l'organe épiscopal la conviction que pas un ecclésiastique ou personnage quelconque touchant de près ou de loin à l'évêché n'était compromis dans les crimes de Saint-Genois et, à cette occasion, ces pieux écrivains prodiguaient l'outrage aux journalistes libéraux qui étaient qualifiés d'infâmes calomniateurs. Aujourd'hui la Patrie n'est plus en droit de se plaindre de l'absence complète de détails, et si cela continue, l'organe de M. Faict sera servi à souhait.

Quant à nous, nous ne tirons aucune conséquence des faits que nous enregistrons ; la justice, quoi qu'il arrive, saura faire son devoir. (Impartial de Bruges.)


L’Echo du Parlement, 2 octobre 1868 (numéro 276)

On nous écrit de Saint-Genois, le 30 septembre :

Depuis ma dernière lettre au sujet de l'enterrement du brigadier Vande Meulebroecke, les inhumations se poursuivent ici au nouveau cimetière et se font avec ordre et régularité, mais toujours le clergé s'abstient ; cependant presque à chaque décès il est invité à prêter son concours aux enterrements, et je tiens à vous le signaler c'est l'autorité communale qui conseille aux familles qui perdent un des leurs, de demander les cérémonies religieuses et de présenter les morts à l'église. Je crois cette circonstance digne d'être remarquée, parce qu'on se demande si c'est pour ce motif que l'on traite cette autorité de libre penseuse, de solidaire, etc., et que les journaux cléricaux ont épuisé contre elle le vocabulaire de leurs injures.

(page 26) Quoi qu'il en soit, le clergé local, de son côté, met tout en œuvre pour engager les habitants à ne pas demander les cérémonies religieuses lors des enterrements. Nous avons entendu le vicaire Van Eecke dire en chaire qu'il était mal de demander, soit verbalement, soit par écrit, l'intervention des prêtres pour les inhumations au nouveau cimetière. Nous avons vu le vicaire Verschueren aller à la rencontre du convoi funèbre de l'enfant Pierre Dooms et dire au père qu'il commettrait un péché mortel s'il présentait le corps de son enfant à l'église, et qu'il commettrait encore un plus grand péché s'il plaçait une croix sur la tombe. Voilà donc un bourgmestre, un échevin, accusés d'être hérétiques ou des solidaires, qui conseillent la demande des cérémonies religieuses pour les enterrements, et des prêtres catholiques romains qui poussent au mépris de ces mêmes cérémonies. Cela n'est-il pas curieux ? M. le curé Vanschoebeke, qui probablement apprécie tout l'odieux des procédés imposés au clergé, s'en lave les mains. Il a dit dimanche dernier en chaire : « Qu'il a le cœur attristé chaque fois qu'il y a un enterrement, qu'en ces circonstances l'on parle beaucoup des prêtres, mais qu'il ne dépend pas de lui de remédier à la situation actuelle, qu'il n'est qu'un inférieur, et qu'en tout ceci il doit obéir à l'évêque de Bruges. » Voilà pour les inhumations et ce qui y a rapport.

Les chefs du parti clérical, par forme de protestation contre l'érection du cimetière, ont poussé quatre membres du conseil communal à donner leur démission, ce qui réduit le conseil à six membres, car il y a un décédé. Les membres restants convoqués à cet effet, ont courageusement répondu à cet espèce de défi en arrêtant que le conseil, vu les circonstances exceptionnelles dans lesquelles se trouve la commune, serait immédiatement complété. Nous aurons donc une élection mardi prochain 6 octobre. Il y a tout lieu d'espérer que la cause du bon sens remportera ici encore une victoire sur les prétentions ridicules d'un autre âge.


L’Echo du Parlement, 2 octobre 1868 (numéro 276)

Au moment de mettre sous presse, nous apprenons que l'éditeur du Jaar dertig vient d'être relâché. (Bien public.)


L’Echo du Parlement, 3 octobre 1868 (numéro 277)

La presse cléricale, espérant tromper l'opinion publique et arrêter le cours de la justice, a fait beaucoup de bruit au sujet de l'arrestation de M. Vandenberghe, éditeur du Jaer 30, journal ultra-clérical qui, au sujet de l'affaire de Saint-Genois, a publié des articles provoquant à l'incendie. Nous avons à diverses reprises engagé la presse cléricale à se montrer prudente et à attendre le résultat de l'instruction qui se poursuit avec vigueur et intelligence, malgré les entraves de mille espèces qu'elle rencontre. Il est à regretter qu'au lieu de se taire, les journaux cléricaux lancent contre la magistrature les accusations les plus sottes pour ne point dire les plus odieuses.

Force nous est de rapporter les quelques renseignements que nous avons pu recueillir et que nous n'eussions pas publiés si nous n'y avons été forcés pour prémunir le public contre les calomnies et les inventions de la presse cléricale. Le Jaer 30 a provoqué aux crimes qui ont désolé Saint-Genois ; c'est après ces articles que l'incendie a éclaté. Son éditeur a été arrêté comme responsable de ces articles, parce qu'il n'en a pas voulu désigner l'auteur, depuis son arrestation le sieur Vandenberghe a fait connaître que l'auteur de ces articles incriminés était le sieur Van Eecke, vicaire à Saint-Genois, le prêtre qui a annoncé en chaire. que Saint-Genois périrait comme Sodome et Gomorrhe. L'autour connu, la responsabilité de l'éditeur cessait, et le sieur Vandenberghe a été mis en liberté. Le manuscrit de l'article du vicaire Van Eecke a été saisi à Bruges, chez l'avocat Bouten, neveu de l'évêque, à qui l'épouse Vandenberghe l'avait confié. Immédiatement après, un mandat d'amener a été lancé contre le vicaire Van Eecke ; mais malgré les plus actives démarches à Saint-Genois, à Poperinghe et à Bruges, cet ecclésiastique n'a pu être encore retrouvé ; il a disparu de Saint-Genois depuis dimanche. En donnant ces renseignements qui coupent court à toutes les questions, nous ne pouvons qu'engager de nouveau les journaux cléricaux au silence ; toutes les manœuvres auxquelles ils se livreront, seront considérées avec raison par l'opinion publique comme des moyens pour entraver l'action de la justice.


L’Echo du Parlement, 5 octobre 1868 (numéro 279)

On nous écrit de Bruges :

Il est positif que le sieur Vanden Berghe, éditeur du Jaer 30, a été mis en liberté.


L’Echo du Parlement, 5 octobre 1868 (numéro 279)

On nous écrit de Saint-Genois, le 3 octobre :

Hier soir a eu lieu ici une imposante réunion d'électeurs dans laquelle ont été acclamés comme candidats définitifs pour l'élection de mardi, 6 courant :

1° Glorieux-Delemazure, Désiré ;

2° Van Ootoghem, Isidore ;

3° Van de Gheinste, Edouard ;

4° Cruycke, Xavier ;

5° Descamps, Ivon.

Tous ccs candidats sont d'honnêtes cultivateurs ; ils appartiennent à la classe indépendante. Tout nous présage que ces noms sortiront de l'urne avec une forte majorité.


L’Echo du Parlement, 5 octobre 1868 (numéro 279)

On lit dans le Progrès, d'Ypres :

Le Journal d'Ypres annonce qu'une visite domiciliaire a été faite par la justice chez « l'abbé Van Becolaere, prévôt du hameau de Vive-CapeIle et rédacteur du Katolyke (page 27) Zondang. L'aveu est précieux, le noble pamphlet nommé Katholyke Zondag est donc rédigé par un prêtre ! et bientôt sans doute nous apprendrons que l'infâme Jaer 30 et l'ignoble Nieuwsblad d'Ypres sont aussi rédigés par des ecclésiastiques.

On nous assure que l'on traduit en français toute une série d'articles du Journal 't Jaer 30 et d'autres petites feuilles flamandes imprimées dans l'évêché de Bruges. Cet intéressant volume serait distribué aux membres de la législature lors de la rentrée des Chambres.

Ces spécimens de la littérature politique des cléricaux de notre Flandre permettront de constater de quels sentiments sont animés les rétrogrades flamands et à quelles injures sont exposés les plus honnêtes gens de notre province.


L’Echo du Parlement, 6 octobre 1868 (numéro 280)

Le Journal de Bruxelles représente la lettre que nous a adressée M. Boutens, comme une preuve de notre mauvaise foi. Il faut avoir l'esprit fait d'une façon toute particulière pour apprécier de la sorte une explication qui est à peine une rectification.

Quoi qu'il en soit, nous recevons à propos de cette lettre la correspondance suivante :

« Bruges, le 4 octobre 1863.

« Monsieur le rédacteur,

« Dans la lettre que M. Boutens vous a adressée, ce neveu de l'évêque s'intitule avocat de M. et Mme Vandenberghe. Or, M. Boutens est membre de la députation permanente et partant il ne peut pratiquer comme avocat. Ce n'est donc pas en cette dernière qualité que le manuscrit en question lui a été confié.

« Agréez, monsieur, etc.

« X. »

Le même correspondant nous écrit à la même date :

« Le sieur Vandenberghe, éditeur du Jaer 30 est arrivé ce matin à Bruges ; il a été reçu à la station par quelques membres de la Concorde.


L’Echo du Parlement, 7 octobre 1868 (numéro 281)

La Patrie, de Bruges, publie les deux lettres suivantes :

1er octobre 1868.

Monsieur le rédacteur de la Patrie,

Je vous écris d'un pays étranger où je me suis rendu pour me soustraire au mandat d'arrestation lancé contre moi. Les scènes de Bruges, que vous avez racontées et si énergiquement flétries m'avaient mis sur mes gardes. Plutôt que de subir les rigueurs de la détention préventive et les outrages d'une instruction judiciaire, provoquée contre moi par les calomnies et les mensonges de la presse libérale, qui a dénaturé avec une perfidie ignoble mes actes et mes paroles, je me suis décidé à passer la frontière, pour y attendre en liberté le moment où je pourrai confondre solennellement, devant la justice de mon pays, les odieuses et fausses accusations sous le coup desquelles je me trouve.

Je vous prie, monsieur, d'insérer dans votre estimable journal, en même temps que ces lignes, la lettre ci-jointe que je viens d'adresser à M. le procureur Maertens, de Courtrai. J'espère que vous voudrez bien aussi prier toute la presse catholique de reproduire ma lettre afin que le pays sache que ce n'est pas la peur qui m'a fait prendre la fuite, mais uniquement le désir d'échapper aux sévérités injustes et imméritées de l'emprisonnement préventif. Il fallait à tout prix un prêtre catholique ! Il y aurait eu bonhomie de ma part de me livrer bénévolement aux exigences haineuses de la passion politique.

Voici ma lettre textuellement.

Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mon entier dévouement.

A. Van Eecke, vic.


L’Echo du Parlement, 7 octobre 1868 (numéro 281)

1er Octobre 1868.

M. le Procureur du Roi, près le Tribunal de première instance à Courtrai.

J'ai l'honneur de vous informer que, si j'ai pris le parti de quitter mon domicile et mon pays, c'est uniquement pour échapper à la détention préventive dont je me voyais menacé.

Attaqué dans mon honneur de citoyen et dans mon caractère de prêtre par d'infâmes accusations, loin de la redouter j'appelle de tous mes vœux une instruction judiciaire, pourvu qu'elle soit honnête et loyale, et je vous garantis que si, par impossible, la calomnie et le mensonge, qui m'ont poursuivi avec tant d'acharnement, pouvaient susciter contre moi des présomptions suffisantes pour me faire renvoyer devant la justice répressive, j'irai, au jour fixé pour les débats, établir publiquement mon innocence. Veuillez agréer, M. le Procureur du Roi, l'expression de mes sentiments distingués.

(Signé) A. Van Eecke, Vic.

Nous enregistrons ces deux lettres à titre de documents, et laissons à chacun le droit de les apprécier à sa convenance. La qualité de prêtre catholique, invoquée par M. Van Eecke pour se mettre à l'abri de la loi commune, nous laisse assez indifférents, d'ailleurs, on ne se douterait guères, en lisant ces lettres émaillées d'injures et de gros mots, qu'elles émanent d'un ministre de Dieu. C'est bien là le langage du prêtre fanatique qui a prédit à la commune de Saint-Genois le sort de Sodome et de Gomorrhe, en même temps qu'il écrivait la prose nauséabonde du pamphlet 't Jaar 30. Il y aurait, en effet, « bonhomie » de notre part, de nous attendre à autre chose de cet ecclésiastique qui est d'avis qu'il doit mettre la frontière entre lui et le martyre.


L’Echo du Parlement, 8 octobre 1868 (numéro 282)

(page 28) Nous lisons dans le Bien public :

Puisque la magistrature-Bara semble avoir perdu la notion des immunités constitutionnelles de la presse, nous allons lui donner une petite leçon de droit public.

Elle ne pourra certes récuser le professeur que nous lui offrons. Ce professeur est l'un des siens, tout dévoué au parti doctrinaire, M. Schuermans, ancien professeur du Roi à Hasselt, aujourd'hui conseiller près la cour d'appel de Liége.

Voici comment s'exprime ce magistrat, dans son ouvrage intitulé Code de la presse, et en commentant l'article 78 du Code pénal nouveau, en vertu duquel a été poursuivi l'éditeur du Jaar 30.

« Par suite de l'adoption de l'art.icle78 qui contient le mot directement, le principe de la punition de la seule provocation ayant un rapport nécessaire avec le délit, est définitivement celui de notre législation. On ne verra donc chez nous ni ces procès de tendance, leviers qui ont tant de fois soulevé l'opinion, ni ces condamnations d'un Dupoty et autres, pour avoir publié des articles dans lesquels on trouvait, après coup, des rapports avec des délits qui n'avaient été ni dans les désirs ni même dans les précisions des auteurs de ces articles. (Page 122.) »

Cette simple citation suffit à faire justice des procédés criants de la magistrature de Bruges et de Courtrai à l'égard de l'éditeur du Jaar 30.

Il semble, au contraire, que ladite citation fait justice des attaques dont la magistrature est en ce moment l'objet. Le parquet, pour agir comme il a fait, doit évidemment avoir la conviction qu'il y a un rapport nécessaire entre le délit supposé et les articles du Jaar 30.

D'autre part, on serait fort embarrassé de prétendre que les incendies de Saint-Genois n'étaient conformes ni aux désirs ni surtout aux prévisions du vicaire auteur de ces articles en même temps que du sermon dans lequel il prédisait à la commune de Saint-Genois le sort de Sodome et de Gomorrhe.

Voici, du reste, un extrait de M. Schuermans (p. 124), qui a bien son prix ;

« En proscrivant les procès de tendance, on a voulu empêcher les incriminations d'articles n'ayant qu'un rapport éloigné et problématique avec le délit commis, mais non pas interdire de fournir la preuve de la culpabilité d'un accusé, en mettant au jour ses actes antérieurs pouvant expliquer sa conduite actuelle. »


L’Echo du Parlement, 8 octobre 1868 (numéro 282)

La Patrie de Bruges nous apprend que M. le commissaire de police de Thourout a fait une descente au couvent des religieuses de cette ville, où l'on croyait que le vicaire Van Eecke s'était réfugié.


L’Echo du Parlement, 8 octobre 1868 (numéro 282)

Le Journal de Bruxelles approuve la conduire prudente et ... digne de M. le vicaire Van Eecke. - Prudente aurait suffi.


L’Echo du Parlement, 8 octobre 1868 (numéro 282)

Monsieur le Directeur de l'Echo du Parlement,

Pour répondre à la lettre de M. X. de Bruges, parue dans votre numéro de ce matin, je n'ai qu'à citer les articles 97 et 98 de la loi provinciale. « Art. 77. Ne peuvent être membres de la députation permanente... les avocats plaidants. Art. 98. Les avocats membres de la députation permanente, ne pourront consulter dans les affaires qui sont de nature à être soumises à la députation ou dont elle a autorisé la poursuite. »

La conclusion de votre correspondant vaut ses prémisses.

Vous avez loyalement inséré ma première lettre ; je vous prie de faire à celle-ci le même accueil.

Agréez, Monsieur le Directeur, etc.

P. Boutens, avocat et membre de la députation permanente. Bruges, 6 octobre 1868.


L’Echo du Parlement, 10 octobre 1868 (numéro 284)

Le Bien public est habile à jouer sur les mots et à donner le change sur les situations qui l'embarrassent. En reproduisant les quelques lignes que nous avons empruntées à M. Schuermans, il s'exprime en ces termes :

Ou cette citation ne signifie rien, ou elle donne à entendre que ce n'est pas un délit de presse, mais « la conduite actuelle » du sieur Vanden Berghe-Denaux, à l'époque des poursuites, qui a motivé les procédés des parquets de Bruges et de Courtrai.

Or, M. Vandenberghe, au moment de son arrestation, était paisiblement à Bruges, occupé de son industrie d'imprimeur. Il n'a sans doute jamais mis le pied à Saint-Genois. Quels faits lui rapproche-t-on ? Quelle participation lui est imputée dans les incendies qui ont provoqué l'instruction ?

L'Echo du Parlement ne cherche pas même à articuler une accusation aussi visiblement calomnieuse, il se borne à de vagues et lâches insinuations.

Au surplus, si c'est pour « sa conduite actuelle » que M. Vanden Berghe a été préventivement arrêté, pourquoi l'a-t-on exclusivement interrogé sur l'article du Jaer 30 et sur un prétendu délit de presse ?... Pourquoi enfin a-t-il été relâché, tardivement il est vrai, lorsque l'auteur de l'article a été connu ?

La thèse de l'Echo du Parlement n'est donc pas soutenable. Il s'agit bien d'une poursuite en matière de presse et d'une poursuite odieuse et illégale, au dire de M. Schuermans lui-même, puisque la publication incriminée ne peut pas même avoir « un rapport éloigné et problématique avec le délit commis. »

(page 29) Dans ces conditions, les procédés de la magistrature-Bara ne sont justifiables à aucun titre, et la presse tout entière, frappée dans la personne des journalistes interrogés ou arrêtés à Bruges, a droit de demander un compte sévère de l'atteinte portée à sa liberté et à sa dignité.

Pour bien saisir la portée de cette protestation du Bien public, il faut relire le texte de M. Schuermans :

« En proscrivant les procès de tendance, dit cet auteur, on a voulu empêcher les incriminations d'articles n'ayant qu'un rapport éloigné et problématique avec le délit commis, mais non pas interdire de fournir la preuve de la culpabilité d'un accusé, en mettant au jour ses actes antérieurs pouvant expliquer sa conduite actuelle. »

Or, quel est provisoirement l'accusé dans cette circonstance ? D'après ce que nous ont appris nos correspondants, et d'après ce qui résulte de la mise en liberté même de M. Vanden Berghe, l'accusé serait non pas ce dernier, mais le vicaire Van Eecke, qui s'est soustrait par une fuite prudente et digne, à l'instruction judiciaire.

Il paraît prouvé que ce vicaire est l'auteur des articles du Jaer 30. Le manuscrit du vicaire se trouve entre les mains du juge d'instruction, auquel M. Boutens, avocat de l'éditeur, l'a remis. En confiant ce manuscrit à son conseil, au lieu de le détruire, M. Vanden Berghe se réservait le moyen d'abriter sa responsabilité derrière celle de l'auteur, et il aura aidé de la sorte « à fournir la preuve de la culpabilité de l'accusé, en mettant au jour ses actes antérieurs > pouvant expliquer sa conduite actuelle. »

Il est probable que si M. Vanden Berghe avait remis le manuscrit à la justice quand elle le lui a demandé, il n'aurait pas été arrêté. S'il ne croyait pas devoir le remettre, pourquoi l'a-t il fait après coup ? Sans doute pour recouvrer sa liberté. Et la liberté lui a été rendue sur le champ.

Qu'y a-t-il dans tout cela qui ressemble à un procès de tendance, ou même à une poursuite en matière de presse ? Depuis quinze jours les feuilles cléricales nous chantent sur tous les tons que le journal Jaer 30 est une victime de l'arbitraire, et que ses articles, s'ils renfermaient une provocation directe, auraient dû être poursuivis depuis trois mois.

Or, qui leur dit que ces articles soient incriminés ? De tout ce que nos correspondances nous ont appris jusqu'à ce jour, il paraît résulter que le vicaire Van Eecke est compromis dans les incendies de Saint-Genois, et que l'on a fait une descente dans les bureaux du Jaer 30 quand on a su, peut-être par lui-même, qu'il était l'auteur des articles incendiaires ; quand le parquet, comme nous l'avons dit, a eu la conviction qu'il y avait « un rapport nécessaire entre › le délit supposé et les articles du Jaer 30. »

On le voit, c'est le vicaire de Saint-Genois qui est en cause et non pas l'éditeur du journal clérical. - On voudrait le faire oublier et donner les apparences d'un procès de presse ce qui n'est qu'une instruction de droit commun dirigée contre un ecclésiastique.

Voilà ce qui nous paraît résulter des faits connus, et la liberté de la presse, jusqu'à mieux informé, n'est pas plus en cause dans l'affaire du Jaer 30 que la liberté des cultes dans les opérations césariennes.


L’Echo du Parlement, 10 octobre 1868 (numéro 284)

On nous écrit de Saint-Genois, 8 octobre :

Ainsi que vous l'annoncez dans votre numéro de ce jour, les libéraux l'ont emporté dans l'élection d'hier. Il y a ici 170 électeurs communaux. 86 ont pris part au vote, 84 votes ont été donnés aux candidats libéraux, les deux autres bulletins étaient nuls. Les cléricaux qui ont poussé à cette élection se sont abstenus ; l'on ne s'explique ici cette abstention, que parce qu'ayant la certitude d'être battus, ils tâcheront de faire valoir en leur faveur les 84 absents. Cependant la vérité est que parmi ces absents, 6 ou 8, s'ils étaient venus, auraient voté pour les libéraux ; puis il y en a encore une vingtaine d'autres, malades absents et neutres qui ne votent en aucun cas. Le résulta probable en cas de lutte eût été celui-ci :

Libéraux, 90 votes.

Cléricaux, 58 votes

Neutres et absents, 22 votes.

Total, 170 votes.

Je m'étends peut-être un peu trop sur ces détails qui ne peuvent intéresser ceux qui ne connaissent pas notre commune ; ce qui importe, c'est de remarquer qu'avant leur démission les cléricaux avaient cinq des leurs au conseil communal, tandis que maintenant il se trouve composé de dix libéraux et d'un clérical. Voilà où a abouti pour les catholiques cette bataille électorale provoquée par eux-mêmes.

Les nouveaux élus sont de bons libéraux, très bien vus, et qui dans la question du cimetière soutiennent le collège échevinal chaleureusement ; leur élection est acclamée par les habitants comme une victoire dont les résultats porteront les fruits les plus heureux pour la paix et la prospérité de la commune.

Il me semble que hormis la question judiciaire, ce que l'on nomme l'affaire de Saint-Genois se simplifie, et que l'élection qui vient d'avoir lieu remet les choses en leur place ; l'on espère que l'évêque de Bruges lèvera l'espèce d'interdit qu'il a jeté sur les enterrements et enfin se décidera à remplir les vœux de notre population qui, en définitive, ne demande qu'à être traitée comme ses voisins d'Avelghem, quant à la bénédiction du cimetière.


L’Echo du Parlement, 10 octobre 1868 (numéro 284)

La réunion des journalistes cléricaux, provoquée par le Bien public, a eu lieu hier au bureau du Journal de Bruxelles, sous la présidence de M. Neut, directeur de la Patrie de Bruges, et l'on y a voté la protestation suivante, (page 30) rédigée, à ce qu'on nous assure, par M. Verspeyen, membre du comité de rédaction du Bien public :

« Les journalistes catholiques belges, réunis en assemblée générale à Bruxelles, font la déclaration suivante :

« Des actes graves, et dont l'opinion publique s'est émue, viennent de s'accomplir à Bruges.

« Au nom de la justice et dans le but apparent de découvrir les auteurs et les provocateurs d'incendies commis à Saint-Genois, des visites domiciliaires, des perquisitions rigoureuses, des interrogatoires prolongés, des saisies de registres et de manuscrits, une arrestation préventive enfin ont eu lieu dans les bureaux de journaux catholiques brugeois.

« Si ces mesures, malgré leur rigueur, étaient légalement justifiables, si elles étaient de nature à favoriser la recherche impartiale de la vérité, nous respecterions la magistrature dans l'exercice de ses légitimes attributions ; mais l'évidence des faits le proclame et le texte des lois le crie : les procédés dont on a usé à l'égard des éditeurs du Jaar 30 et du Katholyke Zondag, comme à l'égard du rédacteur de cette dernière feuille, violent les immunités constitutionnelles de la presse et ne se relient par aucune connexité rationnelle ou juridique aux crimes commis à Saint-Genois.

« Le décret de 1831, les lois subséquentes qui le complètent et le modifient, déterminent nettement le cas où l'arrestation préventive en matière de presse devient légale : il faut un délit qui comporte une peine plus grave que celle de l'emprisonnement ; il faut, de plus, que la provocation. à ce délit ait été directe. Or, il est radicalement impossible de découvrir dans l'article du Jaar 30 une provocation indirecte à un délit quelconque, encore moins une provocation directe, c'est-à-dire des instructions, des conseils, des insinuations même tendant à engager des tiers à commettre une infraction aux lois.

« C'est assez dire que nous considérons l'arrestation préventive de l'éditeur du Jaar 30 comme ordonnée au mépris de la liberté de la presse et de la liberté individuelle, et nous réputons ce fait d'autant plus grave, que la détention de M. Van den Berghe-Denaux s'est prolongée même après que l'auteur de l'article incriminé était connu de la justice.

« Par le même motif, nous protestons contre les visites domiciliaires, les perquisitions vexatoires et les saisies opérées chez le même éditeur du Jaar 30, chez l'éditeur du Katholyke Zondag et du Franc de Bruges, chez M. le prévôt Van Becelaere.

« Le domicile est inviolable ; » c'est un des grands principes de notre droit public, et ce principe ne doit fléchir que si un intérêt majeur, la sécurité sociale, le commande.

« Or, cet intérêt qu'a-t-il de commun avec les mesures que nous signalons à l'attention du pays ? Qu'importait-il à la justice de connaître les noms de correspondants dont les lettres sont à l'abri de toute incrimination sérieuse ? Qu'importait-il d'être fixé sur l'organisation intime de telle ou telle publication, sur ses rédacteurs, sur ses propriétaires ? Qu'importait-il, enfin, de parcourir et de saisir des registres d'abonnements ?

« Ce déploiement de rigueurs judiciaires exercées contre la presse revêt, au surplus, un caractère d'autant plus grave, qu'il se produit après la mutilation légale du principe constitutionnel de l'inamovibilité de la magistrature, et dans des circonstances singulièrement faites pour provoquer l'étonnement et la défiance.

» L'article incriminé du Jaar 30 a paru le 4 juillet : il a été immédiatement dénoncé par l'organe habituel du cabinet ; on le poursuit seulement deux mois et demi plus tard, alors que les premières phases de l'instruction semblent déjouer les calculs politiques que le parti ministériel rattachait aux incendies de Saint-Genois. Singulier retard ! Etrange coïncidence ! Comment se fait-il que cette prétendue provocation se révèle après un si long délai, et tout juste pour donner aux espérances du doctrinarisme l'aliment qui leur manquait ? On a pu, du reste, dans tout le cours de cet incident, remarquer entre la presse officieuse et le parquet une constante identité de vues, qu'il faut beaucoup de bonne volonté pour attribuer aux caprices du hasard.

» Toutes ces circonstances et bien d'autres encore, sur lesquelles il n'est point nécessaire d'insister ici, nous font un devoir de protester énergiquement contre les procédés des parquets de Courtrai et de Bruges.

« Nous revendiquons l'intégrité des garanties constitutionnelles de la presse ; nos prétentions ne vont pas au-delà du droit commun, mais nous l'exigeons dans toute sa plénitude, comme on le reconnaissait naguère encore dans la personne de deux journalistes traduits devant la cour d'assises du Brabant et acquittés par elle.

« Si les actes qui viennent d'être consommés à Bruges devaient se réitérer et prendre les proportions d'un système, c'en serait fait de la liberté de la presse, et nous en reviendrions à ces procès de tendance, à ces poursuites vexatoires, à ce régime dont l'arbitraire exécré n'était pas le moindre grief de nos devanciers contre le gouvernement néerlandais. Il importe donc d'arrêter, à ses débuts, cette tentative de restauration du régime Van Maanen, à laquelle on a affecté de donner un éclat particulier par un appareil vraiment théâtral et par un déploiement inusité de force publique.

« C'est le but de cette protestation calme, réfléchie, mais que le sentiment énergique de notre droit saura bien rendre efficace. Lorsque le plus humble éditeur de journal, lorsque le plus modeste écrivain est lésé dans les droits que la Constitution et les lois lui garantissent, tous les journalistes sont du même coup frappés dans leur liberté et dans leur dignité. La cause d'un seul devient la cause de tous, et c'est leur devoir, leur honneur, leur intérêt, de la défendre.

« Ce devoir, nous venons le remplir.

« Nous adressons notre protestation tout d'abord au pouvoir responsable dont relèvent les magistrats de Bruges et de Courtrai. Il est le véritable auteur de nos griefs, et c'est de lui que nous requérons satisfaction.

« Nous faisons appel aux Chambres législatives, gardiennes naturelles de la Constitution et des lois du peuple belge, et nous leur demandons de sauvegarder les droits imprescriptibles de la presse.

« Nous en appelons également au pays, qui juge la justice elle-même, comme il fait et défait les ministres.

« En terminant, nous nous faisons un devoir de témoigner notre gratitude aux trop rares journaux libéraux qui ont bien voulu défendre, dans la personne de leurs adversaires, des droits que nous tenons de la loi commune à tous les Belges.

« Fait à Bruxelles, le 11 octobre 1868. »

Comme il fallait s'y attendre, la protestation qu'on vient de lire n'est que la répétition des articles et des arguments qui remplissent depuis quinze jours les colonnes de la presse cléricale. On trouve parmi les noms des signataires, ceux de l'éditeur du Jaar 30 et de M. le curé Van Becelaere, prévôt de Vyves, qui s'intitule rédacteur du Katholyke Zondag. Il n'y manque que celle du vicaire Van Eecke, correspondant du Jaar 30, qui ne manquera pas d'envoyer son adhésion de Londres, de France, ou du couvent de Belgique où il s'est réfugié.

On remarquera que dans cette déclaration « calme et réfléchie » la justice est accusée d'agir dans le but « apparent » de découvrir les auteurs d'incendies commis à Saint-Genois ; on y ajoute qu'à propos de ces incendies « la sécurité sociale » n'est pas en cause, et enfin la magistrature est déclarée suspecte, à cause de la loi sur l'éméritat.

Ces trois chefs d'accusation rentrent dans le domaine des griefs habituels et chroniques de la presse cléricale. Nous ne perdrons pas un temps inutile à les discuter.

Le seul point qui nous préoccupe c'est la question des « immunités constitutionnelles de la presse » dont les signataires de la protestation s'attribuent bénévolement la défense, et se constituent solennellement les gardiens.

Ces messieurs ont fait leur siégé à leur fantaisie. Ils affirment ex cathedra qu'il n'y a dans l'affaire du Jaar 30 ni délit, ni provocation directe, ni indirecte ; que l'arrestation du sieur Van den Berghe est illégale au même titre que la visite domiciliaire pratiquée chez lui, le tout sans savoir s'il s'agit ou s'il ne s'agit que, dans l'espèce, d'une poursuite en matière de presse.

Quant au vicaire Van Eecke, qui paraît être le principal accusé dans l'affaire et en même temps l'auteur des articles, on a soin de n'en pas faire mention, de peur, sans doute, de laisser supposer qu'il pourrait y avoir, en tout ceci, une poursuite ordinaire, et non pas un procès de presse.

Et, en effet, les délits communs, prévus par le Code pénal, quoique commis par la voie de la presse, restent soumis aux règles ordinaires. La loi a voulu protéger la liberté de la presse, c'est-à-dire le droit de manifester ses opinions dans des écrits imprimés ; elle n'a pas voulu que l'emprisonnement préventif fût un moyen d'arracher un éditeur à son journal et d'empêcher ce dernier de paraître, à raison de délits d'opinion qui y auraient vu le jour ; mais elle n'a pu avoir pour but de protéger les délinquants qui, tout à fait accidentellement, se seraient servis de la presse pour perpétrer des méfaits de l'ordre commun où la liberté d'opinion n'est pas engagée.

Nous ne faisons que citer ici un passage du Code de la Presse de M. Schuermans, invoqué par le Bien public lui-même à l'appui de sa thèse.

Le Bien public sait aussi bien que nous que le législateur, en accordant des immunités spéciales pour les délits de presse, n'a pas voulu les étendre aux délits ordinaires auxquels la presse a servi d'instrument.

Et toutefois dans l'ignorance où nous sommes, aussi bien que nos adversaires, des incidents de l'instruction, nous ne prétendons pas justifier la conduite du parquet. Nous nous bornons à dire qu'il faut attendre, et qu'elle n'est pas nécessairement arbitraire et illégale.

On aura beau jeter les hauts cris et faire parade d'indignation et de fureur, on ne parviendra pas à nier qu'il y ait eu des incendies commis à Saint-Genois. Il plaît aux journalistes cléricaux de prétendre que ces incendies sont le fait du hasard ou le crime d'un insensé. S'il est vrai, au contraire, comme le parquet semble le croire, qu'ils soient le fruit de la passion politique surexcitée par le fanatisme, nous serions bien naïfs de voir une atteinte à la liberté de la presse, dans une instruction criminelle entreprise au nom de l'intérêt social.


L’Echo du Parlement, 15 octobre 1868 (numéro 289)

Il est temps d'en finir avec les ridicules accusations que la presse cléricale nous adresse tous les jours à propos de l'affaire de Saint-Genois. Nous sommes représentés comme des dénonciateurs et des « mouchards », comme les instigateurs des mesures prises par les parquets de Bruges et de Courtrai, et ces accusations répétées chaque jour par toutes les feuilles orthodoxes, nous font jouer un rôle qu'il ne nous convient pas d'accepter.

Nous avons relu tout ce qui a paru dans l'Echo du Parlement à propos de l'affaire de Saint-Genois, et nous défions la presse cléricale de trouver dans nos colonnes un mot, une syllabe, un iota qui justifie ces accusations.

C'est l'<Organe de Courtrai qui, au commencement de juillet publia le premier quelques lignes énigmatiques au sujet d'un incendie qui avait éclaté à Saint-Genois. Nous demandâmes des explications à notre confrère courtraisien. Il les donna et elles furent reproduites par nous le 21 juillet, en mêmes temps que celles du Mémorial de la même ville. Ces deux journaux faisaient ressortir la coïncidence qui existait entre les incendies, les articles du Jaer 30 et les sermons prêchés à Saint-Genois. Nos confrères annonçaient en même qu'une instruction judiciaire était ouverte.

(page 32) Le 4 août, l'Organe de Courtrai nous apprit que la justice continuait ses investigations.

Le 11, le même journal signala de nouveaux incendies. Jusque-là pas un mot de notre rédaction.

Le 12 août, dans un article de fonds, nous constatâmes que les incendies atteignaient précisément les propriétés de ceux qui avaient contribué à l'établissement du cimetière de Saint-Genois, et nous engageâmes la justice à persévérer dans la recherche des auteurs de ces crimes qui paraissaient excités par le fanatisme religieux.

Le 14, nous publiâmes, d'après des renseignements reçus directement de Saint-Genois, la statistique des incendies, et nous disions : « Le fanatisme seul peut enfanter et réaliser de si atroces projets. »

Le 16 août, nous annonçâmes un nouvel incendie, d'après la Vérité, de Tournai.

Le 21, une lettre d'un correspondant de Saint-Genois, qui est un de nos amis politiques et qui nous a toujours envoyé ses lettres signées, nous annonçait l'arrivée du procureur du roi et du juge d'instruction dans la commune et l'offre d'une prime de mille francs à ceux qui feraient découvrir les coupables.

Le 22, on nous envoyait le texte de l'avis renfermant 'cette promesse et qu'on venait d'afficher » à Saint-Genois.

Le 23, nous annoncions deux nouveaux crimes, et nous disions « Ces incendies de Saint-Genois sont l'œuvre des prédications furibondes du clergé. »

Le 24, on nous écrit qu'un membre de la musique de Velleplotters vient d'être arrêté, et nous reproduisons un article du Journal de Gand qui dit qu'en d'autres temps le clergé aurait représenté les incendies de Saint-Genois comme des miracles et des effets de la vengeance céleste.

Le 25, nous empruntons au Journal de Gand l'exposé des faits qui ont amené la situation ; nous publions une lettre de notre correspondant de Saint-Genois qui décrit les derniers incendies, et un article de l'Organe de Courtrai, d'après lequel l'instruction se continue activement.

Le 26, réponse au Bien public, qui nous accuse de mettre les crimes de Saint-Genois, sur le compte du fanatisme religieux.

Le 27, réponse au Journal de Bruxelles sur le même sujet.

Le 28, extraits du Journal de Gand et de l'Economie, de Tournai, à propos de la question du cimetière, et reproduction d'un souvenir pieux distribué dans la commune de Saint-Genois, à la mémoire d'un habitant qui vient d'être « enfoui » dans le « cimetière des gueux. »

Le 29, reproduction d'un article de la Vérité. Réponse au Bien public qui nie la responsabilité morale du clergé dans les crimes de Saint-Genois.

Le 30, publication d'une lettre de notre correspondant, qui rapporte l'arrestation de la veuve Morel, traitée de libre penseuse par le Bien public.

Le 1er Septembre, nouveaux détails sur cette arrestation. Reproduction d'une réponse du Journal de Gand à un article du Bien public, qui nous accuse de fabriquer nos correspondances. Il représente la veuve Morel comme une mégère, imbue des idées libérales, et instrument d'une vengeance particulière.

Le 2, texte de la lettre pastorale de l'évêque de Bruges.

Le 3, nous mettons le public en garde contre l'exactitude des renseignements publiés par la presse cléricale. Cet article se termine par ces mots : « Nous observerons une plus grande réserve et nous attendrons que le justice ait parlé. »

Le 4, lettre de notre correspondant qui nous communique des détails sur la société de musique, les Velleplotters.

Le 7, reproduction d'une lettre de Bruxelles adressée au Journal de Liége sur la question du cimetière de Saint-Genois.

Le 8, reproduction d'une lettre adressée de Saint-Genois à la Vérité, et d'où il résulte que le calme commence à renaître dans la commune.

Le 13, nous demandons au Bien public comment il sait que les incendies sont le résultat d'une vengeance particulière.

Le 15, nous lui posons de nouveau cette question à laquelle il n'a pas répondu.

Le 21, on nous mande de Saint-Genois l'arrestation des frères Delplancke.

Le 24, récit de l'enterrement civil de l'ancien garde-champêtre de Saint-Genois.

Le 28, nous empruntons au West Vlaming, de Bruges, la nouvelle de la descente faite dans les bureau du Jaer 30 et l'arrestation de l'éditeur de ce journal.

Le 30, nous publions le récit de cette arrestation d'après l'Impartial, de Bruges.

Le 1er octobre, nous annonçons, d'après la Patrie, une nouvelle visite dans les bureaux du Jaer 30.

Le 2, correspondance de Saint-Genois au sujet des inhumations et reproduction de deux lignes du Bien public annonçant que l'éditeur du Jaer 30 vient d'être relâché.

Le lendemain le fait se trouve être inexact ; et pour avoir eu trop de confiance dans la nouvelle du Bien public nous sommes accusés d'avoir reçu des communications officieuses.

Une lettre de Bruges, que nous avons conservée, nous annonce en même temps la disparition du vicaire Van Eecke.

De tout ce que nous avançons il n'y a pas un détail que nous ne soyons à même de prouver par des pièces authentiques.

Vient ensuite la polémique relative aux raisons de l'arrestation du sieur Vandenberghe. Ici l'on nous accuse de contradiction, parce que nous avons eu jour par jour à fonder nos appréciations sur des récits de la presse cléricale dont rien ne garantit l'exactitude. Nous n'avons sur l'instruction aucun détail précis et nous ne savons pas où la presse cléricale va chercher les siens. Aujourd'hui, comme le 3 septembre, nous disons qu'il faut attendre, et nous sommes (page 33) forcés de raisonner sur des hypothèses, absolument comme tous nos confrères.

La preuve de l'incertitude qui plane sur ce débat, résulte d'un fait annoncé par la Patrie d'hier. L'éditeur du Jaer 30 vient d'être cité à comparaître comme accusé, alors que l'on soutient qu'il ne pouvait être arrêté comme témoin.

Quoiqu'il en soit, nous venons de démontrer de la façon la plus péremptoire que les injures quotidiennes de la presse cléricale à notre adresse, à propos de l'affaire de Saint-Genois, les épithètes de dénonciateurs, de mouchards, les accusations d'agir en quelque sorte de connivence avec le parquet, gratuitement outragé en cette circonstance, ne constituent qu'une stupide mystification organisée par la presse cléricale, qui ne saurait pas trouver dans nos colonnes, depuis l'origine de cette affaire, le détail le plus minuscule à l'appui de ses invectives.

Ces explications peuvent sembler inutiles à nos amis. Elles n'empêcheront pas nos adversaires de nous injurier. mais dans l'intérêt de la vérité, il n'était pas inutile de rétablir les faits dans leur vrai jour, et de confondre d'une façon éclatante les calomniateurs qui nous insultent pour mieux dissimuler leur impuissance à se tirer du guêpier dans lequel ils se débattent depuis trois mois.


L’Echo du Parlement, 15 octobre 1868 (numéro 289)

Nous lisons dans la Patrie, de Bruges :

M. Van den Berghe, éditeur de 't Jaar 30, sa femme ; son maître-ouvrier ; M. Gezelle, vicaire à Sainte-Walburge, à Bruges, et M. l'avocat Boutens, ont reçu hier une assignation à comparaître aujourd'hui devant le juge d'instruction de Courtrai ; le premier comme accusé, les autres comme témoins.


L’Echo du Parlement, 15 octobre 1868 (numéro 289)

M. l'abbé Van Becelaere nous adresse la lettre suivante :

« Sainte-Croix, 13 octobre 1868.

« Monsieur le rédacteur,

« Je viens de voir, un peu tard, il est vrai, que, dans un article qui a paru dans l'Echo du Parlement il y a quelques jours, se trouvent ces mots : « L'ignoble pamphlet le Katholyke Zondag est donc rédigé par un prêtre. » Deux lignes plus haut vous aviez donné mon nom en toutes lettres. Votre loyauté vous engagera à admettre ma réponse dans les colonnes de votre journal.

« La manière la plus bénigne d'expliquer cette appréciation ridicule par sa fausseté, c'est de dire que la personne qui l'a écrite n'a jamais lu dix lignes du Katholyke Zondag.

« Cette publication ne traite d'ordinaire que des questions de morale ou de religion, et incidemment elle s'occupe de questions politiques ou matérielles. L'interdiction du cimetière catholique de Saint-Genois était connexe avec le but de notre feuille : nous ne pouvions pas ne pas en parler. Nous avons donc relaté les faits et gestes de messieurs les libéraux de Saint-Genois, et nous les avons stigmatisés comme nous pensions qu'ils le méritent.

Vous croyez, monsieur, avoir fait une grande découverte, parce que les tracasseries judiciaires de ces derniers jours vous ont révélé que je suis collaborateur au Katholyke Zondag. Sachez que, sur les quatorze années de son existence, pendant treize ans, chacun de ses numéros a été signé de mon nom en toutes lettres. Curieuse découverte que celle que vous avez faites-là, n'est-ce pas ?

« Je proteste, monsieur, contre la qualification injurieuse que vous avez donnée au Katholyke Zondag, et je vous défie de prouver ce que vous avez avancé de désobligeant pour cette publication.

« Agréez mes salutations sincères.

« A. Van Becelaere, prévôt. »

La lettre de M. Van Becelaere se trompe d'adresse. La phrase qu'il incrimine appartient à la rédaction du Progrès, d'Ypres, que nous avons cité dans notre numéro du 5 octobre.

Voici la citation :

On lit dans le Progrès, d'Ypres :

« Le Journal d'Ypres annonce qu'une visite domiciliaire a été faite par la justice chez « M. l'abbé Van Becelaere, prévôt du hameau de Vive-Capelle et rédacteur du Kaholyke Zondag. » L'aveu est précieux, l'ignoble pamphlet nommé Katholyke Zondag est donc rédigé par un prêtre ! et bientôt sans doute nous apprendrons que l'infâme Jaar dertig et l'ignoble Nieuwsblad d'Ypres sont aussi rédigés par des ecclésiastiques. »

Si M. l'abbé Van Becelaere n'a connu que le 13 octobre les lignes publiées le 5 dans l'Echo du Parlement, il est plus extraordinaire qu'il ait ignoré l'article du Progrès, d'Ypres. Or, celui-ci recueillait lui-même le précieux aveu qu'il enregistrait, dans le Journal d'Ypres, qui est une feuille cléricale.

M. l'abbé Van Becelaere nous dit que le Katholyke Zondag ne traite d'ordinaire que des questions de morale ou de religion. Il s'occupe incidemment de politique. Il a « stigmatisé » entre autres les faits et gestes de messieurs les libéraux de Saint-Genois. Un journal qui s'occupe ordinairement de religion et surtout de morale, se fût assurément mieux conformé à son rôle, s'il avait stigmatisé les faits et gestes des incendiaires de Saint-Genois. mais c'est la seule chose dont il ne convienne pas à la presse cléricale de s'occuper dans cette affaire.

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