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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 16 novembre 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)

(page 33) (Présidence de M. Vervoort, second vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Vermeire, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisone, secrétaire, présente l'analyse des pièces suivantes.

« Des meuniers dans la Flandre occidentale demandent la réduction du droit de patente auquel ils sont assujettis. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. Bailleux adresse à la Chambre 120 exemplaires d'une protestation adressée à M. le ministre des travaux publics au sujet de l'administration des eaux de la Meuse. »

- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.


« M. Royer de Behr demande une prolongation de congé pour cause d'indisposition. »

- Accordé.


« M. de Moor, retenu par un deuil de famille, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.

Projet de loi réduisant les péages sur le canal de Charleroi

Discussion générale

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M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, après ce qui a été dit, dans les trois dernières séances, de la concurrence que les chemins de fer font au canal de Charleroi, il est impossible que je laisse finir cette discussion sans relever quelques-unes des considérations qui ont été soumises à la Chambre à ce sujet.

On a beaucoup accusé les chemins de fer, le chemin de fer de l'Etat et les chemins de fer concédés ; on a prétendu qu'ils faisaient une concurrence ruineuse au canal de Charleroi.

Je veux examiner les faits de près. Il a été aussi beaucoup question de ce qu'on appelle les traités particuliers ; c'est encore un point qui mérité examen et quant au principe de ces traités et quant aux effets qu'ils peuvent avoir exercés sur les produits du canal. Je parlerai d'abord de ce qui regarde le chemin de l'Etat.

L'honorable M. Hymans et l'honorable M. Dechamps ont semblé douter que le chemin de l’Etat eût le droit de consentir des traités par lesquels il accorde des réductions sur le prix ordinaire des tarifs.

L'honorable M. Hymans, - quant à M. Dechamps , il a été beaucoup plus réservé, je le reconnais, - l'honorable M. Hymans a regardé la pratique des traités particuliers comme quelque chose d'exorbitant, de presque monstrueux , et il en a formellement contesté la légalité. Sur ce dernier point l'honorable M. Dechamps n'a pas été loin d'émettre le même avis.

J'avoue, pour ma part, que je ne trouve absolument rien d'exorbitant à des réductions consenties dans certaines conditions ; je les trouve au contraire parfaitement légitimes, éminemment souhaitables, je le proclame d'une manière très nette, et j'exprime l'espoir que la pratique de ces réductions ira croissant, mais sous les réserves que je poserai plus bas.

Je commence par me demander si les traités particuliers faits par l'administration du chemin de fer de l'Etat sont légaux ?

A cet égard il n'y a pas l'ombre d'un doute. Je m'étonne que l’honorable M. Dechamps, ancien ministre des travaux publics, ne l'ait pas reconnu.

Vous savez, messieurs, par quelles dispositions sont régis les chemins de fer, quant aux tarifs. En 1835, comme on était au début de l'exploitation des chemins de fer, et que par conséquent on entrait dans une période de tâtonnements et d'essais, une loi a statué que les tarifs de voyageurs et de marchandises seraient provisoirement réglés par arrêté royal. Quand on a pensé avoir fait une expérience suffisante, on a voulu régler le prix du transport des voyageurs par la loi. Il y a eu une première loi en 1840, si je ne me trompe, et une autre loi en 1844, celle-ci réglant le tarif des trains-express.

Pour ce qui concerne les marchandises, leur prix de transport a continué à être établi par arrêté. Le dernier arrêté est du 8 juin 1853. Voici, quant aux traités particuliers, la disposition qu'il contient.

Je lis à l'article 14 :

« Notre ministre des travaux publics est autorisé, dans des circonstances spéciales exceptionnelles, ou en vue d'un accroissement de produits, à accorder des réductions qui ne pourront excéder 50 p. c. »

Voilà certes une disposition des plus claires ; c'est celle qui est appliquée par l'administration, et qui fonde, sans contestation possible, la légalité des traités particuliers.

Mais l'article 14 de l'arrêté précité a un second paragraphe ainsi conçu :

« Il (le ministre des travaux publics) rendra compte annuellement à la législature de l'usage qu'il aura fait de cette faculté. »

Eh bien, messieurs, à la suite de l'arrêté de 1853, il a été, en effet, rendu annuellement compte à la législature de l'usage qui avait été fait de cette disposition. C'est ainsi que j'ai sous la main le dernier compte rendu des opérations du chemin de fer distribué en 1858 et se rapportant aux opérations de 1857. J'y trouve, à la page 132, un tableau portant pour intitulé : « Relevé des transports effectués en vertu de contrats particuliers du 1er janvier au 31 décembre 1857. »

Ainsi, l'administration est parfaitement en règle. Elle a le droit de faire de certaines réductions de tarifs dans de certaines circonstances, à charge de rendre compte annuellement à la législature de ce qui aura été fait. Elle a fait usage de cette disposition et compte en est rendu à la législature. Dans le travail qui va prochainement être distribué à la Chambre, sur les opérations du chemin de fer pendant l'exercice courant, le même tableau se rencontrera quant aux faits de cette nature posés en 1858.

Le point de légalité, comme je le disais, est donc incontestable. Qu'en est-il pour le point de fait, pour le principe de ces traités ?

Il y a, en matière de transports, une chose qui constitue un axiome : c'est que des transports effectués dans des conditions données ne coûtent pas autant que des transports quelconques. Ainsi, des transports qui se présentent dans des conditions exceptionnelles de régularité ou de quantité, ou les transports qui s'effectuent à de grandes distances, coûtent proportionnellement moins que des transports ordinaires.

Il y a beaucoup d'autres circonstances où les transports coûtent proportionnellement moins. Par exemple, puisqu'il s'agit du transport des charbons, en supposant un mouvement plus ou moins considérable, plus ou moins régulier du Centre ou de Charleroi sur Bruxelles, quel est le fait qui se produit nécessairement ? C'est que les waggons qui ont amené ce charbon retournent le plus souvent à vide. Or, il tombe sous le sens que si l'on avait des transports de retour pour ces waggons, ils pourraient s'effectuer dans de meilleures conditions que s'il s'agissait d'un transport quelconque.

Pour ramener ces waggons à Charleroi ou au Centre, il faut dépenser certaine force, il faut composer des trains, chauffer des locomotives, mettre tout un personnel en mouvement.

Que les waggons soient chargés ou non, l'on a des frais invariables ; ces frais, si les trains circulent à vide, constituent une dépense perdue, stérile ; si on pouvait utiliser cette dépense pour des transports de retour, quelque faible prix qu'on obtienne, ce prix serait tout entier un bénéfice. C'est ce bénéfice que vous faies qui vous permet encore de réduire les tarifs dans l'hypothèse posée.

Je ne veux pas énumérer tous les cas où l'Etat peut ainsi transporter à meilleur marché, tout en remplissant la caisse du trésor, et en rendant en même temps au commerce et à l'industrie des services considérables.

L'occasion s'offrira peut-être une autre fois d'approfondir cette question. Pour le moment je me contenterai de dire qu'il n'y a pas un pays, qu'il n'y a pas une administration, que ce soit celle de l'Etat ou celle d'une compagnie, qui ne fasse usage de traités particuliers, de tarifs spéciaux, ou, pour me servir du terme générique, de remises de prix.

En France, la question a été discutée à fond. Eh bie , là il n'est pas un administrateur qui ne commence par poser comme étant de principe absolu, que sans des réductions de tarifs consenties sous n'importe quelle forme ou quel nom, il n'y a pas moyen de gérer utilement un chemin de fer. Tout le monde est d'accord là-dessus.

Vous connaissez, messieurs, les réclamations qui se sont produites, il y a quelques années, contre l'exploitation du chemin de fer par l'Etat. Je n'apprendrai rien de neuf à personne en disant que ces réclamations avaient acquis un tel poids, qu'elles se produisaient à la fois si vives et d'un si grand nombre de côtés, qu'un instant l'exploitation par l'Etat a semblé compromise à ses partisans les plus convaincus.

L'administration a senti le besoin de chercher énergiquement à faire cesser ces plaintes. Et que prétendait-on ? On prétendait, dans cette Chambre même, que le chemin de fer coûtait trop et ne produisait pas assez. Ce que vous devriez faire, et ce que vous ne faites pas, ce que vous êtes inhabiles à faire, lui disait-on, c’est exploiter le chemin de fer commercialement. Qu'est-ce que cela signifiait, messieurs, exploiter commercialement ? Cela signifiait, faire au commerce et à l'industrie des conditions telles que des transports qui ne s'effectuaient pas par le chemin de fer y fussent attirés.

II n'y a évidemment que des réductions de tarifs dans certaines circonstances qui peuvent conduire à ce résultat ; ou cela pouvait aussi signifier ceci, mais c'était la même chose au fond, le but vers lequel on (page 34) tendait était le même, que l'Etat devait transporter comme font les transporteurs ordinaires, c'est-à-dire les propriétaires de bateaux ou les entrepreneurs de roulage. Or, que font-ils ceux-là ? Eux aussi, dans certaines circonstances, accordent des faveurs sur le prix, font des conditions spéciales.

L'administration du chemin de fer, comme on le pense bien, a été fort sensible au reproche de ne savoir rien faire, et elle a suivi le conseil qui lui était donné : elle a cherché à exploiter commercialement. Elle a fait, mais dans des proposions fort modestes, ce qui se faisait partout dans le pays et surtout hors du pays ; elle a consenti par des traités spéciaux à certaines réductions de tarifs.

Messieurs, je le dis sans hésitation, la chose au fond était excellente. J'accepte pour ma part toute la responsabilité du principe, mais ce principe a péché par la forme suivant laquelle il a été mis à exécution. Le mode suivant lequel les réductions de tarifs étaient consenties, soulevait deux graves objections, dont il était impossible de méconnaître le fondement.

D'abord ces réductions étaient secrètes ; ensuite elles étaient ou au moins paraissaient être arbitraires.

Ainsi dans les limites fixées par l'arrêté de 1853, les réductions variaient dans les limites de 50 p. c ; on accordait tantôt 10, tantôt 20, tantôt 30 et jusqu'à 50 p. c.

Le public ne pouvait pas toujours apprécier les motifs de ces différences en fait ; elles pouvaient être plus ou moins justifiées, quoique je ne l'affirme pas pour tous les cas, mais enfin, les réductions avec leurs variations nombreuses avaient, comme je l'ai dit, tout ou moins l'air d'être arbitraires, et cela ne devait pas être, une administration publique étant la première intéressée à éviter avec soin le reproche, fût-il immérité, de céder quoi que ce soit au favoritisme.

La seconde objection juste, élevée contre les traités différentiels, c'est que ces traités étaient secrets.

Ainsi on m'a cité un fait curieux que je n'hésite pas à faire connaître à la Chambre. Deux industriels étaient établis l'un à côté de l'autre. L'un d'eux avait une clientèle en France. Cette clientèle vint à leur faire défaut. Il apprit que le voisin avait pris sa place, et il l'avait prise, parce qu'il avait obtenu un traité particulier. Tout en vendant au même prix il faisait une meilleure position à son acheteur par cette faveur secrète sur le transport.

C'étaient là des vices très graves qu'on pouvait signaler dans la pratique des traités telle qu'elle était suivie. Aussi si depuis 1856, époque à laquelle les traités ont été introduits, si on ne les a pas abolis, on ne s'est jamais fait faute non plus de constater que les objections que je viens d'indiquer étaient extrêmement sérieuses et qu'il fallait même, pour sauver le principe, un système qui les fît disparaître.

Trois ou quatre fois les traités ont été prorogés. Enfin mon honorable collègue des finances, pendant son intérim au département des travaux publics, a stipulé d'une manière, expresse, dans tous les traités qu'il a faits ou qu'il a renouvelés, qu'ils viendraient à cesser d'une manière définitive le 31 octobre 1859.

Il fallait que dans l'intervalle on cherchât une solution aux difficultés qui s'étaient présentées, aux griefs réels qu'on pouvait articuler contre les traités. Quand je suis arrivé au département, j'ai trouvé cette question épineuse encore à résoudre.

Le 31 octobre les traités venant à échoir, il a fallu prendre un parti. Voici les motifs de la conduite que j'ai cru devoir tenir.

Par un arrêté royal, il a été statué que les traités en cours d'exécution et ceux qui seraient frits ultérieurement courraient sans échéance jusqu'à leur dénonciation, laquelle pourrait être faite à chaque instant, les traités dans ce cas venant à prendre fin un mois après la dénonciation. Mais l'arrêté prévoit un autre cas, c'est celui où les traités seront remplacés par des tarifs spéciaux.

En stipulant, messieurs, que les traités viendraient à cesser dans le mois après leur dénonciation, voici quel était mon sentiment. Je pensais que la question viendrait devant la Chambre, et si la Chambre condamnait le principe des réductions, je pouvais, en vertu de la clause résolutoire, faire cesser les traités. Au contraire, pour le cas où la Chambre n'aurait pas condamné le principe, je me suis réservé, si je ne rencontre pas, dans l'examen ultérieur de cette affaire, des objections inaperçues, des difficultés invisibles, de remplacer les traités particuliers, qui ne sont consentis qu'à quelques industriels, par des tarifs spéciaux pouvant naturellement être invoqués par tout le monde. De cette manière, messieurs, nous aurions des tarifs d'une catégorie à part, reposant sur le principe des traités particuliers, mais généraux dans leur application, et constituant quelque chose de beaucoup plus équitable que le système des traités.

L'industrie y trouverait son compte, le trésor public y trouverait le sien, et l'on n'aurait plus cette objection qu'il s'agirait de faveurs spéciales ; il s'agirait au contraire d'une mesure dont tous les industriels seraient appelés à profiter.

La question, messieurs, en est là. Il y a progrès en ceci : Depuis 1857 jusque dans le courant de cette année, on a constamment renouvelé les traités sans savoir dans quelle voie l'on se dirigerait pour obvier aux inconvénients que les traités entraînent ; aujourd'hui on marche dans une voie bien déterminée ; on sait où l'on tend.

L'honorable M. Dechamps a reproché à mon honorable collègue des finances l'identité des traités particuliers avec les remises consenties dans le temps par la société de Dendre-et-Waes et qui ont été si vivement attaquées.

Eh bien, messieurs, il n'y a pas entre ces deux choses la moindre analogie ; ce qu'on a critiqué dans la conduite de la société de Dendre-et-Waes, ce ne sont pas les remises qu'elle faisait, ce sont les remises qu'elle faisait sans autorisation préalable du gouvernement. Le gouvernement a toujours prétendu que la société de Dendre-et-Waes n'avait pas le droit de faire des remises sans le consulter, sans avoir obtenu son consentement.

C'était la liberté entière que revendiquait la société de Dendre-et Waes et le danger était, selon le gouvernement, que la société pouvait corrompre ainsi le contrat intervenu entre elle et l'Etat, c'était, notamment, que le société aurait été ainsi à même d'opérer des détournements ou des fractionnements de transports destinés à des stations de l'Etat.

Cette question était tellement grave en principe, et c'était si peu le fait matériel des remises qui était en jeu, que lorsque le tribunal l'eut décidée en faveur du gouvernement, des tarifs spéciaux ont été introduits en peu de temps sur le chemin de fer de Dendre-et-Waes ; je veux parler, la Chambre le comprend, des tarifs établis en faveur des transports de houille sur Zele et sur Lokeren. (Interruption.)

L'affaire, du reste, n'a été jugée qu'en première instance ; les droits des parties restent réservés quant à l'appel.

Le jugement condamnant la compagnie de Dendre-et-Waes est intervenu en 1855 ; en 1857, elle a fait constater que si elle n'avait pas certains transports, la ligne de Dendre-et-Waes, à partir de Termonde jusqu'à Zele et Lokeren, ne produirait presque rien. C'est ainsi que, dans une dépêche du 29 janvier 1857, par laquelle la compagnie, se conformant au jugement intervenu, demande au gouvernement l'autorisation d'accorder certaines remises, je remarque notamment ce fait très intéressant que les convois de Termonde à Zele et Lokeren ne transportaient pas, en moyenne, une seule tonne de marchandises.

Les relevés du mouvement de la ligne prouvent encore que pendant l'année 1857, on a réalisé, en fait de marchandises, ou pour Zele : 2,057 francs, au mois de mars ; 1,703 francs au mois d'avril ; pour Lokeren, 5,398 au mois de mars, et 3,447 francs au mois d'avril.

L'Etat transportait dans des conditions onéreuses et la société de son côté perdait dans des proportions plus grandes encore ; l'Etat et la compagnie ont reconnu qu'il y avait mieux à faire dans l'intérêt de l'un et de l'autre : c'était d'accorder des remises de commun accord. Mais dès lors le gouvernement était garanti contre tout détournement. C'est ce qui a eu lieu.

On a, à titre d'essai, admis un prix uniforme et réduit pour le charbon transporté vers Zele et Lokeren. L'essai a été couronné de succès. En 1858, il y a eu vers Zele un mouvement de 2,597 tonnes, et vers Lokeren un mouvement de 16,801 tonnes ; total 19,598 tonnes.

Notez que d'après l'arrangement intervenu, l'Etat touche toujours, pour sa part, la quotité qui lui est dévolue en vertu de la convention de 1852, soit 25 p. c. du prix plein.

La remise est exclusivement prélevée sur la part de la compagnie. Et quel a été le résultat de cette combinaison ? C'est qu'alors que les années antérieures l’Etat et la société ne percevaient rien du chef des grosses marchandises dirigées vers ces deux localités importantes, la société en 1858 a eu pour sa part 47,983 francs et l'Etat pour la sienne 39,308 francs.

Il s'agit de savoir aujourd'hui s'il n'y a pas lieu de généraliser le système sur les stations concédées à Dendre-et-Waes. La société demande l’autorisation au gouvernement de faire, un tarif spécial pour toutes les stations. Je pense que si la société consent à accorder une participation plus grande à l'Etat dans le produit que celle qui est fixée par le contrat de concession, et si je trouve de mon côté des moyens efficaces propres à empêcher la société de s'approprier des transports qui n'appartiendraient pareillement à sa ligne, je pense, dis-je sous cette double réserve, qu'il n'y a pas lieu de repousser a priori, les propositions que pourrait faire la société.

Voilà les quelques considérations que j'avais à présenter à la Chambre sur les traités particuliers. Il s'agit maintenant d'examiner en peu de mots dans quelle proportion les traités particuliers peuvent avoir nui au canal de Charleroi.

S'il est vrai, comme on l'a articulé, que la concurrence aurait été faite au canal par la pratique des traités, voyons dans quelles limites cette concurrence a été exercée.

Le compte rendu de 1858 n'ayant pas encore paru, je vais en donner une connaissance anticipée à la Chambre pour ce qui concerne les traités qui ont eu cours pendant cette période pour les transports de charbons ; vous verrez, messieurs, si les traités ont pu nuire au canal de Charleroi.

Il y en a en tout quinze. Le nombre total de ces traités, pour tous transports de toute nature, n'est non pas plus aussi considérable qu'on le pense, il n'est que de soixante-cinq. Pour les charbons, voyons dans (page 35) quels parcours les transports se sont effectués. Le premier a pour objet des transports d'Ans à Louvain. Dans quelles conditions ce traité a-t-il été fait ? Jusqu'en 1856, quand le chemin de fer de Charleroi à Louvain n'était pas ouvert, le bassin de Liège était en possession d'une grande partie du marché de Louvain.

Pour conquérir tout ce marché, sur lequel Charleroi n'arrivait que difficilement, la compagnie du chemin de fer de Charleroi-Louvain a abaissé son tarif d'un franc ; et c'est pour rétablir l'égalité dans le prix de transport que le chemin de fer de l’Etat a abaissé, de son côté, son tarif d'un franc ; voilà le motif qui a amené quatre ou cinq autres traités de même nature. Il s'agissait de rendre au bassin de Liège ce qui lui appartenait. Il est bien évident que ce premier traité, ni tous ceux qui sont calqués sur celui-là, ne portent un préjudice quelconque au canal de Charleroi.

Les autres ont pour objet des transports de Farciennes et de Tamines à Quiévrain et à Hermalle, de Jemmapes à Bruxelles, du bassin de Liège à Viroux, d'Espérance à Vroor-Aval, de Courcelle à Mons, de Tamines à Ougrée. Voilà la liste complète, sauf un, le traité avec la ligne d'Anvers à Rotterdam, qui mérite une mention spéciale.

Je demande si aucun de ces traités peut avoir enlevé un kilogramme de charbon au canal de Charleroi, excepté celui qui se rapporte à la ligne de Rotterdam à Anvers.

Il a donc été fait un traité avec la ligne de Rotterdam à Anvers et il a eu pour résultat, du 1er juin au 31 mai 1858, un transport de 15,710 tonnes de charbon , mais c'étaient des charbons de toute provenance ; tous les bassins du pays étaient intéressés dans ce traité et l’Etat pour sa part a reçu, du chef de ce traité, 70,182 fr.

Ainsi en fait de traité, tout le préjudice qui peut avoir été causé au canal de Charleroi ne peut provenir que de celui qui a été contracté avec le chemin hollando-belge et la compagnie de Dendre-et-Waes.

La ligne de Dendre-et-Waes, je vous l'ai dit, messieurs, a transporté 19,398 tonnes, mettons 20 mille ; le chemin de fer de Rotterdam 15,700 en tout 35 à 36 mille tonnes.

Et en supposant que tout ce charbon provînt de Charleroi et du Centre, ce qui n'est pas, voilà tout ce qui a été transporté par le chemin de fer de l'Etat et en vertu de traités différentiels.

Il faut donc reconnaître que les traités consentis par l'Etat ont été absolument nuls quant au canal de Charleroi.

Examinons maintenant les transports à prix pleins. J'ai encore ici des renseignements positifs et intéressants à communiquer à la Chambre.

J'ai mis les relevés officiels en regard de ce que j'appellerai les récriminations contre le chemin de fer, et le résultat est encore le même. Ces récriminations sont sans fondement. En effet, il est arrivé aux stations du Midi et de l'Allée Verte (Etat) 75 mille tonnes de charbon en 1855 ; après l'ouverture des chemins de fer de Manage à Wavre, de Charleroi à Louvain et de Beaume à Erquelinnes, ce mouvement tombe à 40 mille tonnes ; en 1858 il se relève à 49 mille et en 1859, en calculant les deux derniers mois à courir sur le même pied que les deux derniers mois de 1858, il restera à 49 mille tonnes ; c'est tout ce qui arrive aux stations du Midi et de l'Allée-Verte pour l'alimentation de Bruxelles.

C'est dans ces limites seulement qu'on peut dire que le chemin de fer de l'Etat a fait concurrence au canal.

Je demande donc si un tel transport ajouté aux transports à prix réduits peut être considéré comme étant de quelque importance comparé aux transports qui s'effectuent par le canal ! En tout il n'y en a pas 80 mille tonnes qui soient réellement enlevées au canal, car il faut tenir compte des provenances ; dans les charbons amenés à Bruxelles, ou dirigés sur la Hollande ou Dendre-et-Waes, il y a certes, en effet, des charbons du Couchant de Mons.

Il est vrai que les sociétés concessionnaires transportent aussi des charbons.

Mais examinons ce qu'elles transportent et surtout ce qu'elles ont le droit de transporter.

Il y a une chose évidente, c'est que quand l'Etat a accordé certaines concessions, elles devaient avoir pour conséquence de détourner certain trafic des voies antérieurement suivies. Il y avait là un fait prévu ; la question est de savoir s'il a eu lieu dans des proportions exorbitantes, s'il est sorti des limites qu'on devait prévoir dès l'origine.

On prétend que les chemins de fer concédés ruinent le canal. Mais l'inverse pourrait très bien se présenter, si l'on diminuait les péages au-delà d'une certaine quotité. Le canal pourrait ruiner les chemins de fer concédés. La Chambre a à voir jusqu'à quel point cette hypothèse ne pourrait pas se réaliser, et si elle était à craindre, il y aurait certainement des précautions à prendre contre ce fait déplorable. Car enfin, on a dépensé un capital énorme pour continuer les chemins de fer qu'on savait bien devoir faire concurrence au canal. Quand on a construit la ligne de Charleroi à Louvain, on n'ignorait pas qu'elle transporterait beaucoup de charbon de Charleroi ; on savait que cette ligne ne pouvait vivre sans ces transports.

Quand on a construit la ligne du Centre, la ligne de Beaume à Erquelinnes, on savait encore qu'elle devait avoir pour élément, presque pour élément unique le transport du charbon. Le chemin de fer de Manage à Wavre était de son côté le prolongement d'une ligne essentiellement industrielle, et l'on savait qu'il ne pouvait vivre que du transport du charbon.

Ainsi on n'est pas admis aujourd'hui à s'étonner que ces lignes ont un grand trafic de charbon. La question est de savoir si ces transports vont au-delà de ce qui avait été prévu à l'origine. C'est aux chiffres à répondre.

Mais je dois faire une observation préalable, c'est que ces lignes, quel que soit leur trafic, ne distraient pas, du canal de Charleroi, des charbons au point d'être dans une grande prospérité.

Sauf la ligne de Charleroi à Louvain, les autres, que je sache, ne font pas de bénéfices considérables. Ainsi la ligne de Manage à Wavre n'est pas dans une situation des plus prospères, et il n'en est pas autrement de la ligne de Beaume à Erquelinnes.

Voyons donc en chiffres ce qu'ont été les transports, et ici encore je dois en revenir aux arguments de l'honorable M. Dechamps.

L'honorable M. Dechamps compare l'année 1858 à l'année 1856, et il tire de cette comparaison la conclusion que le canal de Charleroi est en décadence. En effet, en 1856, le canal a transporté 803,000 tonnes et en 1858, il n'a transporté que 805,000 tonnes. Il en résulte que le produit a été, en 1856, de 1,452,000 fr., et en 1858, de 1,407,000 fr. ; différence, 45,000 fr.

Or, voici comment cette différence est interprétée par l'honorable M. Dechamps. Il a dit dans son discours de vendredi : « En 1856, la recette du canal de Charleroi a été de 1,452,000 fr., et en 1858, elle n'a été que, de 1,407,000 fr. Il y a donc eu une décroissance dans les produits. »

Cela est évident si vous comparez ces deux années. Mais je demanderai à l'honorable M. Dechamps pourquoi il fait seulement porter la comparaison sur 1856 et 1858. Il y a là une lacune : c'est le produit de 1857. Pourquoi l'honorable membre n'établit-il pas la comparaison entre les années 1856 et 1857, et entre les années 1857 et 1858 ? La raison m'en paraît très simple, c'est qu'en 1858 il y a eu un produit supérieur à celui de 1857. Mais s'il était vrai qu'on pût ainsi calculer seulement d'une année à l'autre pour tirer certaines déductions, on serait tout aussi bien admis à établir la comparaison entre les années 1857 et 1858 qu'entre les années 1856 et 1858. Ou ne peut pas raisonner ainsi.

Ce qu'il faut faire, surtout en matière de produits d'un canal, c'est de prendre une moyenne. Ainsi en 1843,1e canal produit l,369,000 fr. ; en 1844, il produit 1,277,000 fr., soit 100,000 fr. de moins ; en 1845, 1,568,000, soit 300,000 fr. de plus ; en 1846, 1,367,000, soit 200,000 fr. de moins. Et ainsi de suite pour les années subséquentes. Il y a donc là des alternatives extrêmement remarquables.

Il faut, je le répète, messieurs, calculer sur une moyenne ; or, voici des moyennes.

Le tonnage moyen de 1850 à 1852 a été de 659,244.

Le tonnage moyen de 1853 à 1855 a été de 698,729 ; et dans la période de 1856 à 1858, lorsque tous les chemins de fer, tant le chemin de fer de l'Etat que les chemins de fer concédés, étaient en pleine exploitation, le tonnage a été de 801,072.

Si donc je remonte à neuf ans, si je partage ces neuf ans en trois périodes égales, et si je prends la moyenne du tonnage, je constate pour la seconde période une augmentation sur la première de 39,485 tonneaux ; et pour la troisième une augmentation sur la seconde de 102,543 tonnes.

Je vous demande si l'on peut dire que le chemin de fer de l'Etat et les chemins de fer concédés, ceux-ci construits principalement pour transporter du charbon, sont venus faire une concurrence ruineuse au canal de Charleroi ! Evidemment les chiffres répondent assez haut.

Quand on a à signaler de pareilles augmentations sur des périodes aussi rapprochées, on doit reconnaître que la concurrence des chemins de fer, quels qu'ils soient, n'a pas eu la conséquence qu'on y attribue.

La proportion entre les recettes est évidemment la même ; seulement elle frappe peut-être plus par la manière dont elle se formule. Ainsi de 1850 à 1852, la recette a été 1,175,818 fr. ; dans la seconde période, de 1853 à 1855, elle a été de 1,286,008 fr., soit en plus sur la première période 110,190 fr. ; et dans la troisième période, de 1856 à 1858, la recette a été de 1,416,459 fr., soit en plus sur la seconde période 130,451 fr.

Je répète que quand on a recueilli des augmentations successives aussi considérables, on ne peut pas dire que le canal de Charleroi soit en décadence, pas plus qu'on ne peut dire que cette décadence serait la conséquence de la concurrence des chemins de fer.

Il est vrai que l'honorable M. Dechamps raisonne d'une manière différente. Il dit : Il est possible qu'il y ait progression, mais malgré cette progression il y a décadence, et le motif en est que la progression n'est pas aussi forte qu'elle devrait l'être.

Ceci ne me paraît pas très concluant. Je ne crois pas qu'on puisse affirmer qu'il y a décadence, alors qu'on doit avouer qu'il y a progression. On peut dire qu'il y a moindre progrès que par le passé, mais ou ne peut pas dire que ce progrès constitue une décadence.

C'est cependant ce qu'a prétendu l'honorable M. Dechamps ; et voici son raisonnement : Le canal de Charleroi transporte une certaine quantité de produits venant du Centre et du bassin de Charleroi. A (page 36) cette époque, le montant de ces transports était d'autant ; depuis cette époque, la progression dans l'exploitation des deux bassins a été d'un tiers sur l'extraction totale, soit un million de tonnes, l'extraction qui était de trois millions de tonnes s'étant élevée à quatre millions ; s'il y a un tiers d'augmentation dans l'extraction, il devrait y avoir aussi un tiers d'augmentation dans les transports du canal ; sinon la progression sur le canal n'a pas suivi la progression dans l'extraction.

Messieurs, encore une fois, je ne trouve pas que cet argument soit bien sérieux. Je le répète, il peut y avoir moindre progrès, mais il suffit qu'il y ait progrès pour qu'on ne soit pas autorisé à dire qu'il y a décadence.

De 1853 à 1858, l'augmentation du tonnage a été de 141,828 tonnes. La moyenne du transport total pour la période de 1850 à 1852 ayant été de 659,244 tonnes, l'augmentation proportionnelle n'est pas, en effet, du tiers, mais de 21,50 p. c. Ainsi pendant cette période prétendument néfaste qui a suivi l'ouverture du chemin de fer concédé, le canal de Charleroi a continué à progresser, seulement il n'a pas progressé de 35 p. c., quantité tout à fait arbitraire indiquée par l’honorable M. Dechamps.

Mais il y a un autre point à examiner. L'honorable M. Dechamps peut-il déterminer d'une manière exacte la portion que le canal aurait dû prendre dans l'extraction des deux bassins ? Il dit que la progression aurait dû être du tiers d'un côté comme de l’autre. Mais il n’est pas certain que le tiers d’augmentation dans l’extraction fût destiné aux localités desservies par le canal. Si la plus grande partie de ce tiers a été expédiée vers la France, je demande en quoi le canal de Charleroi peut en profiter. Et ici ce n’est pas une hypothèse que je pose ; c’est un fait que je constate. Il est certain que le débouché de la France va croissant ; que nous exportions proportionnellement plus en France que par le passé.

Le canal de Charleroi ne pouvait donc avoir la part proportionnelle d'accroissement indiquée par l'honorable M. Dechamps.

Il y a une cause tout accidentelle qui est venue arrêter l'essor du canal ; ce n'est pas la concurrence des chemins de fer, c'est une cause qu'il n'a pas dépendu de nous de faire disparaître ; c'est la sécheresse extrême dont toutes les voies navigables souffrent depuis trois ans. C’est la pénurie d'eau ; si le canal avait été suffisamment pourvu d'eau, l'augmentation de la période de 1856 à 1858, relativement à la période 1853 à 1855, n'eût pas été de 102,000 tonnes, elle eût été probablement du double.

Car, vous le savez, si toutes les voies navigables ont souffert de la pénurie d'eau, le canal de Charleroi, alimenté en partie artificiellement, a dû souffrir dans une proportion plus forte que les autres voies. Voici un fait qui le prouve.

Lorsque, à la suite du chômage de cette année, il a fallu remplir le canal, cette opération, qui prend ordinairement quelques jours, trois, je pense, a exigé trois semaines*. Eh bien, ces entraves se sont rencontrées pendant la période de trois ans qui vient de s'écouler et principalement pendant l'année courante. Je demande ce que la progression dans les transports du canal aurait été, si cet accident, contre lequel nous ne pouvions rien, ne s'était pas produit ? Je le répète, et cela est évident, la progression que je constate aurait été beaucoup plus considérable.

J'en conclus de nouveau que les chemins de fer n'ont pas fait au canal le mal que l'on prétend.

Je devrais poser la question d'une autre manière et demander si l'Etat particulièrement a bien transporté tout ce qu'il pouvait transporter. Cette question, je ne veux pas la résoudre affirmativement, mais je crois que, depuis longtemps, nous aurions dû adopter un système de tarifs beaucoup plus en harmonie avec les besoins, avec l'intérêt public. Je crois, pour ne citer qu'un exemple, qu'il n'est pas rationnel que le chemin de fer de l'Etat ne puisse transporter un seul kilog. de charbon ni à Anvers ni à Gand, qui sont deux centres importants de consommation. Je dis qu'il y a là quelque chose qui n'est pas rationnel, qui demande une modification essentielle, et c'est cette modification que je chercherai à introduire sans, du reste, porter de préjudice appréciable à personne, c'est-à-dire avec prudence et avec circonspection. Cette modification me semble même urgente.

Je dis que je ne porterai préjudice à personne. J'ai la conviction qu'il y a deux clientèles en fait de charbons ; par exemple, une pour les chemins de fer et une pour les voies navigables. Je crois que l'Etat aurait tort de vouloir enlever à la navigation ce qui appartient à la navigation. Mais j'ajoute qu'il a le droit et le devoir de chercher à maintenir au chemin de fer ce qui appartient au chemin de fer. Je suis sûr que sur ce point il y a encore dans l'avenir beaucoup de progrès à réaliser. Je serais heureux d'y contribuer dans quelque mesure pour ma part.

M. Ch. Lebeau. - Messieurs, en prenant part à cette discussion, au point où elle en est arrivée, je n'ai certes pas la prétention d'apporter des arguments absolument nouveaux. Je me bornerai à vous soumettre quelques observations qui me paraissent digues de fixer l'attention de la Chambre.

Il est un point, messieurs, sur lequel tout le monde est d'accord, c'est celui-ci : Les péages du canal de Charleroi sont trop élevés ; il y a lieu de les réduire.

Quel doit être le chiffre de la réduction ? C'est le point sur lequel on n'est pas encore fixé.

Le gouvernement a d'abord soumis à l'appréciation d'une commission, nommée par lui, différentes questions de péages, et à la suite de l'avis de cette commission, il vous a présenté un projet de loi proposant de réduire les péages sur le canal de Charleroi de 25 p. c. Ce projet, soumis à vos sections, a été adopté quant au principe de la réduction ; quant au chiffre, presque toutes les sections, cinq sur six, je pense, ont adopté le chiffre de 40 p. c. La section centrale à son tour a adopté ce dernier chiffre.

Ce chiffre, messieurs, n'est pas, comme on vous l'a déjà établi précédemment, celui qui devrait être fixé. La réduction devrait être plus forte, et comme nous avons vu que le gouvernement ne voulait pas se rallier au chiffre de 40 p. c. nous avons, plusieurs de nos honorables collègues et moi, proposé une réduction de 60 p. c. Le chiffre de 25 p. c. proposé par le gouvernement, est tout à fait arbitraire ; il ne repose, en réalité, sur aucune base ; aucune raison ne le justifie. On a proposé 25 p. c, on pouvait tout aussi bien proposer 20, proposer 15.

Le chiffre que nous proposons dans notre amendement répond à cette idée que le péage doit être uniforme sur tous les canaux similaires, c'est-à-dire sur tous les canaux qui, comme le canal de Charleroi, servent au transport des charbons vers les centres de consommation du pays ou de l'étranger. Voilà, messieurs, le motif qui nous a guidés lorsque nous avons proposé une réduction de 60 p. c.

Cependant, messieurs, je dois le dire, si le gouvernement avait voulu franchement se rallier au chiffre de 40 p. c. qui a été adopté par la section centrale, je pense que les auteurs de l'amendement s'y seraient ralliés également par forme de transaction.

Messieurs, sans insister beaucoup sur le chiffre de 60 p. c, qui sera soumis à votre appréciation, je crois cependant pouvoir le justifier en quelques mots.

Le gouvernement combat à la fois et le chiffre de 40 p. c. et le chiffre de 60 p. c. Quand on lui fait remarquer qu'il n'y a pas de raison pour fixer arbitrairement à 2 francs le péage sur le canal de Charleroi tandis que l'on perçoit beaucoup moins sur les autres canaux, le gouvernement répond qu'il est propriétaire d'un domaine et qu'il a le droit d'en disposer et d'en jouir comme il lui plaît.

Eh bien, messieurs, c'est là une erreur ; le propriétaire d'une chose a sans doute le droit d'en user et d'en jouir comme il l'entend ; mais quand c'est une chose qui est dans le domaine public, quand c'est une chose à l’usage de tout le monde, le gouvernement ne peut pas faire payer aux uns plus qu'il ne fait payer aux autres. Ainsi, messieurs, il y a de Charleroi à Bruxelles une route, il y en a une également de Mons à Bruxelles. De Charleroi à Bruxelles il y a un chemin de fer, il y en a un aussi de Mons à Bruxelles.

Je demanderai au gouvernement s'il aurait fixé un tarif différent sur les routes et sur les chemins de fer de Charleroi à Bruxelles, que sur les routes et les chemins de fer de Mons à Bruxelles ? Evidemment, messieurs, cela ne serait venu à la pensée de personne. Pourquoi en est-il autrement du canal ? Sur le même canal on n'oserait pas établir deux péages différents pour deux catégories de citoyens. Pourquoi le péage du canal de Charleroi est-il plus élevé que le péage des canaux de Mons ?

Remarquez, messieurs, que le canal de Charleroi est le plus défectueux du pays ; c’est celui où l'on rencontre le plus de difficultés. Et c'est celui-là qui est surtaxé !

Nous ne demandons pas, messieurs, qu'on élève le péage sur les canaux de Mons ; dans notre opinion il faut dégrever autant que possible les canaux et les chemins de fer, afin de faciliter la transport à prix réduit des matières premières de l'industrie des lieux de production aux lieux de consommation.

On a fait une observation dans l'exposé des motifs pour chercher à établir qu'il devait exister une différence entre le canal de Charleroi et les canaux de Mons : on a dit que le canal de Charleroi aboutissait à Bruxelles, grand centre de consommation ; mais, messieurs, le canal de Charleroi à Bruxelles transporte en moyenne environ 600,000 tonnes par année, tandis que le canal de Mons à Coudé transporte un million de tonnes.

Je ne vois donc pas de motifs, messieurs, pour que le canal de Charleroi supporte un péage plus élevé que le canal de Mons à Condé.

Notez bien, messieurs, que le canal de Charleroi a plusieurs concurrents, c’est d'abord le chemin de fer de l'Etat, c'est ensuite le chemin de fer de Charleroi à Louvain. En 1849, le nouveau tarif du chemin de fer de l'Etat a amené le gouvernement à réduire le péage du canal de Charleroi de 35 p. c. et en cela il n'a pas cru faire une faveur à ceux qui se servent du canal de Charleroi ; cette réduction était amenée par la force même des choses, par la nécessité de rétablir l'harmonie entre le péage du chemin de fer et le péage du canal.

Lors de la présentation de la loi du 1er mai 1834, il a été bien entendu qu'il y aurait toujours harmonie parfaite entre les péages du chemin de fer et les péages des canaux. Eh bien, messieurs, aujourd'hui cette harmonie qui devait exister et que le gouvernement lui-même cherchait à rétablir, en 1849, en abaissant de 35 p. c. le péage sur le canal, cette harmonie n'existe plus, et le gouvernement se trouve en présence d'un nouveau concurrent qui va enlever au canal une grande partie de ses transports.

(page 37) Tous les charbonnages qui emploient le canal doivent transporter leurs produits jusqu'aux rivages, et ils doivent dépenser ainsi un franc par tonne en sus du fret du transport pour Bruxelles ; tandis que pour arriver du charbonnage à Bruxelles par le chemin de fer, on ne paye que 4 fr., on paye 5 francs pour le charbon transporté de Charleroi à Bruxelles par le canal, y compris les frais de transport des fosses au rivage et la mise à bateau.

Ou a dit que même une réduction de 40 p. c. n'était pas assez sensible pour pouvoir profiter aux consommateurs ; cela, a-t-on ajouté, ne ferait que 80 c. Or, dans les 80 c, le producteur prend sa part ; le marchand de charbon prend la sienne ; il ne restera donc que fort peu pour le consommateur.

C'est là une erreur. Le producteur vend son charbon pris à la fosse même ; conséquemment celui qui doit payer le fret, c'est le consommateur et le consommateur seul.

« Mais, dira-t-on, c'est le marchand de charbon qui profitera de la réduction. » Il n'en est rien. Le nombre des marchands qui se font concurrence est tel, que s'il y a réduction sur le prix des transports, elle profitera à tous les marchands de charbon, et il est naturel qu'elle arrive indirectement jusqu'au consommateur.

En effet, si un marchand de charbons, qui a de bons clients, ne veut pas réduire le prix des charbons du montait de la réduction du péage, s'il veut profiler de cette réduction il aura immédiatement pour concurrent un autre marchand de charbon qui consentira à faire cette diminution.

La concurrence doit donc avoir pour effet de faire que les consommateurs profitent presque seuls de la différence.

L'argument présenté par M. le ministre des finances nous amènerait naturellement à une plus grande réduction encore ; car s'il était vrai, comme il le disait, que 80 centimes de réduction ne fussent pas une somme suffisante pour pouvoir aller jusqu'aux consommateurs, les 50 centimes qu'il vous propose sont encore une somme moindre, donc, pour amener le charbon aux consommateurs à meilleur marché, il faudrait opérer une réduction plus considérable ; parlant, cet argument ne peut pas tenir.

L'honorable M. Hymans avait dit que les bateliers souffraient considérablement des droits élevés qui existaient sur le canal de Charleroi, que souvent ils étaient réduits à transporter à des prix tellement minimes qu'ils n'avaient pas de quoi se nourrir eux et leurs familles ; on avait répondu que les bateaux n'appartenaient pas aux bateliers ; mais on a reconnu depuis lors que c'était une erreur ; cependant on a dit qu'un tiers seulement des bateaux appartenaient aux bateliers. Or, d'après les renseignements qui m'ont été fournis par des personnes que je crois bien informées, je me permets d'avancer qu'un nombre beaucoup plus considérable de bateaux appartiennent aux bateliers.

Voici comment les choses se passent. Les constructeurs de bateaux, les marchands de charbons et les exploitants vendent leurs bateaux aux bateliers moyennant un amortissement de tant par année. Les bateaux restent en leur nom, c'est vrai ; mais c'est pour avoir une garantie que le prix leur en sera payé par l'amortissement actuel. Quand il n'en était pas ainsi, voici ce qui arrivait : les bateliers qui sont de pauvres gens, lorsqu'ils avaient le malheur de faire quelques dettes et qu'ils étaient poursuivis en justice, se voyaient saisir leurs bateaux, et comme ces bateaux en réalité ne leur appartenaient pas en entier, puisqu'ils n'étaient pas complètement payés, il arrivait que le vendeur perdait la partie du prix qui lui était due.

C'est pour prévenir ces inconvénients qu'aujourd'hui les propriétaires des bateaux vendus par eux aux bateliers les laissent en leur nom et leur garantie jusqu'à parfait payement du prix. C’est ainsi que les choses se passent dans la pratique, et voilà comment il se fait que plus des deux tiers des bateaux appartiennent aux bateliers, quoiqu'ils restent inscrits sous le nom des propriétaires primitifs.

Messieurs, veuillez remarquer que le canal de Charleroi sert principalement à transporter les charbons de Charleroi, mais ces charbons viennent à Bruxelles en concurrence avec les charbons du Centre et même avec ceux de Mons, qui peuvent y venir au moins par chemin de fer.

Cette concurrence leur est faite non seulement à Bruxelles, mais encore à Anvers, à Gand, dans toutes les Flandres.

Or, l'intérêt général ne commande-t-il pas que sur un lieu de consommation donné, il y ait le plus grand nombre de producteurs en concurrence ? Evidemment.

Ce n'est pas tout : le bassin de Charleroi est encore en concurrence avec les produits étrangers sur le littoral ; il est de l'intérêt général de favoriser le transport à prix réduit de ces matières de première nécessité, puisque les frais de transport entrent pour une bonne part dans le prix de revient de ces matières chez le consommateur.

Messieurs, le canal de Charleroi a toujours été frappé d'un péage exorbitant ; il n'a pas été construit par l'Etat ; il l'a été par une compagnie concessionnaire. La concession a été accordée pour un terme de 34 ans seulement. Quand on a fixé le péage à l’origine, on avait en vue d'amortir en 34 ans le coût de la construction, les intérêts et les bénéfices que devait faire naturellement l'entrepreneur ; de plus, le péage représentait les frais d'entretien et d'administration.

Si on avait fait une concession pour 90 ans, comme cela est d'usage, le péage eût été moindre, parce que l'amortissement aurait dû s'effectuer, non en 34 ans, mais en 90 ans.

Le péage a été fixé, en conséquence, à un chiffre très élevé. Il a été même tellement élevé qu'il a eu pour résultat de faire amortir en vingt-sept ans deux fois le capital et les intérêts.

Et aujourd'hui que nous demandons au gouvernement de réduire une bonne fois les péages de les réduire dans la proportion de la taxe qu'on perçoit sur les autres canaux similaires du pays, le gouvernement, qui sait que nous avons été frappés injustement d'un péage exagéré pendant un grand nombre d'années, le gouvernement, dis-je, vient encore nous marchander la réduction de 40 p. c. ! Mais le gouvernement insiste faiblement, il est vrai, sur son chiffre de 25 p. c. ; je dis faiblement, car M. le ministre des finances a semblé vouloir s'en rapporter, quant à ce chiffre, à la sagesse et à la justice de la Chambre : ce qui prouve qu’il n’est pas bien convaincu de la bonté de sa cause ; je crois que le gouvernement aurait dû se rallier plus catégoriquement au chiffre de 40 p. c., qui eût été, je pense, accepté par tout le monde comme transaction.

Comme je l'ai dit, le canal de Charleroi a été surtaxé pendant un grand nombre d'années, je crois le moment venu de fixer une bonne fois les péages, d'une manière définitive mais équitable. Si l'on accordait une réduction de 60 p c, jamais les réclamations ne se reproduiraient, puisque cette réduction aurait pour base le péage du canal de Mons à Condé et de Pommerœul à Antoing.

Telle a été jusqu'à ce jour la mauvaise position du canal de Charleroi vis-à-vis des autres canaux similaires, qui servent également au transport des charbons des lieux de production aux lieux de consommation.

Or, je ne pense pas qu'on puisse placer sur un pied différent les producteurs du bassin de Charleroi que ceux du bassin de Mons. La Chambre ferait donc bonne justice en adoptant le chiffre de 60 p. c.

S'il n'en était pas ainsi, il me paraît évident qu'elle doit adopter le chiffre de 40 p. c. proposé par la section centrale.

M. Moncheur. - Messieurs, au point où en est arrivée la discussion, ne craignez pas que je vienne faire un discours sur les péages ; tout ce qui pouvait être dit pour justifier l'abaissement des tarifs l'a été, je pense, et quelque favorable que je sois à toute réduction de péages et surtout à celles qui sont proposées pour les canaux de Charleroi et de la Campine, je ne pourrais que retomber dans des redites.

Mais ayant fait partie de la commission mixte, nommée par le gouvernement pour examiner toutes les questions relatives aux péages sur les canaux et les rivières, je crois devoir, en motivant brièvement mon vote, faire mes réserves et protester d'avance contre les inductions qu'on pourrait tirer d'une certaine phrase qui se trouve dans l'exposé des motifs du gouvernement.

Je déclare donc tout d'abord que, dans la commission, j'ai voté pour la réduction la plus large qui y ait été proposée pour les péages du canal de Charleroi, persuadé que je n'arrivais pas même ainsi à établir le régime de ce canal sur un pied d'égalité avec d'autres canaux similaires, notamment avec les canaux de Pommerœul.

Cette réduction était de 70 p. c, je voterai donc et à plus forte raison ici pour celle de 60 p ; c, si elle est mise aux voix.

J'aborde à présent la réclamation que je viens d'annoncer concernant un énoncé de l'exposé des motifs.

On lit, à la page 10, ce qui suit :

« On peut juger par l'absence de toute proposition d'abaissement de droits autres que ceux des canaux de Charleroi et de la Campine, que les tarifs actuels, sauf ces deux exceptions, sont maintenant réduits à un taux tellement bas, qu'ils échappent à toute critique et ne peuvent soulever aucune plainte. »

II paraîtrait encore d'après cette phrase qu'une fois la double proposition faite d'opérer un dégrèvement sur le canal de Charleroi et sur celui de la Campine, tous les membres de la commission se seraient trouvés parfaitement satisfaits, et auraient jugé que tout était pour le mieux en fait de péages sur toutes les voies navigables de la Belgique.

Mais cette conséquence n'est ni logique ni conforme aux faits, ainsi que vous l'a déjà dit hier M. Sabatier.

Elle n'est pas logique et vous allez le comprendre facilement.

Réunis en commission par le gouvernement, au nombre de dix personnes pour examiner les questions de péages, y arrivant tous avec des intérêts divers à défendre et avec des idées, soit différentes, soit même diamétralement opposées à faire prévaloir, en matière de tarifs, nous nous sommes trouvés, comme tous les membres des commissions de ce genre, en présence de deux partis à prendre : ou bien de nous séparer dès la première séance eu déclarant que notre réunion ne pouvait avoir aucun résultat, ou bien de prendre dès l'abord la résolution de nous faire mutuellement de larges concessions, afin d'arriver à une conclusion pratique dans le moment et les circonstances où nous nous trouvions.

En hommes pratiques nous-mêmes, c'est ce second parti que nous avons adopté.

Ce n'est donc que par esprit de transaction que deux propositions seulement de réduction de péages ont été faites d'une manière officielle par la commission mixte. Celle-ci tenait surtout à ne présenter au gouvernement que des conclusions que celui-ci pût accepter immédiatement, (page 38) sans difficulté comme sans modification ; la commission s'est donc tenue dar s les bornes d'une modération telle, que le gouvernement ne pouvait pas, selon elle, ne pas accepter entièrement ses propositions.

J'ai vu avec peine et surprise qu'il n'en avait pas même été ainsi, mais quoi qu'il en soit, la formule des propositions adoptées par la commission n'implique nullement que plusieurs de ses membres ne pensassent point qu'il y eût beaucoup de choses encore à faire et notamment des réductions plus nombreuses et plus larges à opérer pour arriver non point à la perfection, en matière de tarifs de péages, mais à un état de choses moins défectueux et moins injuste.

Ainsi, messieurs, l'honorable M. Sabatier et moi avons formulé, dans le sein de la commission, une proposition tendante à abaisser le tarif des péages sur la Sambre canalisée. En effet, les péages sur la Sambre canalisée sont encore excessifs ; ils sont de 20 p. c. plus élevés que ceux des canaux industriels de Condé et de Pommerœul. Nous avons voulu faire cesser cet état de choses injuste et qui ne peut, selon nous, se perpétuer. Mais dans la commission on nous a objecté que les péages actuels de la Sambre étant égaux à ceux qui seront établis sur le canal de Charleroi à Bruxelles lorsque le dégrèvement sera opéré, nous ne pouvions avoir la prétention d'obtenir pour la Sambre un dégrèvement plus considérable que celui que la commission croyait pouvoir proposer pour le canal de Charleroi. Vouloir aller au -delà de cette limite, nous disait-on, c'est vouloir l'impossible. En présence de ce parti pris, nous n'avons pas cru devoir exposer notre proposition à un rejet, mais nous avons gardé notre conviction et nous attendons du temps et de la force même des choses le redressement de nos griefs à cet égard.

Une autre considération, assez puissante, il est vrai, nous était en outre présentée par nos collègues de la commission. Nous sommes en présence, disait-on, de projets de travaux publics au nombre desquels figure l'approfondissement de la Sambre canalisée ; or, ce travail utile équivaudra en quelque sorte à un abaissement de tarif, puisqu'il permettra la navigation avec des bateaux d'un plus fort tonnage. Et en effet, messieurs, Je gouvernement a proposé un travail d'approfondissement de la Sambre, mais un travail incomplet. La partie seule de la Sambre qui est en amont de Mornimont, point distant de trois lieues de l'embouchure de cette rivière à Namur, serait approfondie ; de sorte que l'avantage en vue duquel la commission mixte des péages pensait qu'il n'y avait pas lieu de demander hic et nunc un dégrèvement sur la Sambre, ne serait point obtenu sur cette partie considérable de la rivière.

Ce sera là, je n'en doute pas, une considération puissante de plus pour le gouvernement pour satisfaire à sa promesse en nous présentant le plus tôt possible et, en tout cas, pendant cette session, un projet pour compléter l'approfondissement de la Sambre.

Ce travail, nous a dit M. le ministre des travaux publics, dans la discussion du mois d'août dernier, est connexe avec celui de la canalisation de la Meuse ; eh bien, je l'admets ; mais nous attendons aussi le projet pour la canalisation de la Meuse, et je demande que dès que ce travail sera décrété, on le commence par l'établissement d'un premier barrage en aval de l'embouchure de la Sambre, afin de permettre également l'approfondissement de celle-ci.

Ce ne sera que lorsque ce résultat sera obtenu que le motif le plus puissant pour lequel la commission n'a pas cru devoir proposer un abaissement de péage sur la Sambre existera réellement.

Messieurs, c'est encore par esprit de transaction et afin d'arriver à un résultat pratique et immédiat que la commission a dès l'abord déblayé le terrain de plusieurs questions théoriques et générales. La question de l'uniformité et de l'égalité des péages, qui avait été mise en avant et qui aurait pu être défendue par les meilleurs arguments, a été écartée sans difficulté, parce que la commission s'est trouvée en présence de faits tellement opposés à cette égalité, que si elle avait proposé (erratum, page 51) la consécration de ce principe d'une manière absolue, elle se serait heurtée contre une impossibilité actuelle. Mais il ne résulte nullement de cette abstention de la commission que ses membres ne croient pas ce principe vrai, juste et équitable, et qu'ils aient renoncé à le faire prévaloir un jour.

Quant à moi, je suis convaincu que tôt ou tard on devra en arriver à l'égalité des péages. Cette question a même fait, dans la présente discussion, un très grand pas. En effet, il est acquis à la discussion que les péages sont un impôt. M. le ministre des finances pense, quant à lui, que c'est là le meilleur des impôts. D'autres peuvent avoir à cet égard une idée moins favorable, mais tant il y a que de l'avis de tous, c'est là un véritable impôt ; or, si les péages sont un impôt, il doit être réparti uniformément, équitablement et surtout également.

C'est là une prescription constitutionnelle. L'inégalité des péages est donc une violation flagrante et permanente de la disposition constitutionnelle d'après laquelle tous les Belges doivent être également frappés par l'impôt. Comment ! messieurs, l'Etat possède un genre de domaine public qu'on appelle des canaux, domaine sur lequel des péages sont établis, et sur certaines parties de ce domaine les Belges qui s'en servent sont astreints à une contribution, tandis que sur certaines autres parties, les Belges qui en usent ne payent aucun droit, aucun impôt. Cela est inconstitutionnel et injuste ! Je ne jalouse pas le sort de ceux qui ne sont pas soumis à l'impôt des péages, mais je désire que, par des réductions successives, nous nous rapprochions le plus tôt et le plus possible de l'égalité de cet impôt comme de tous les autres.

Je désire que nous en venions en outre ainsi à l'application des véritables principes d'économie politique qui veulent qu'un canal ne soit imposé que tout au plus en proportion de ses frais d'entretien et de l'amortissement du capital employé pour sa construction. Je disais tout à l'heure aussi qu'en votant pour la réduction de 60 p. c. sur le canal de Charleroi, je n'espérais même pas encore établir ce canal sur un pied d'égalité avec les autres canaux similaires, et en effet, le canal de Charleroi n'est qu'un canal à petite section sur lequel on ne peut naviguer qu'avec des bateaux de 70 tonnes, tandis que sur les autres canaux du Hainaut, on navigue avec des bateaux jaugeant jusqu'à 250 tonnes.

C'est pourquoi, après ce dégrèvement, il y aura encore pour le gouvernement un devoir très sérieux à remplir ; ce sera d'améliorer la navigation sur le canal de Charleroi à Bruxelles. Il devra le faire de plusieurs manières : en y amenant un volume d'eau plus considérable ; car il est prouvé maintenant que cela est possible , en doublant les écluses ou en les élargissant ; enfin en organisant un service de nuit pour le halage et le passage aux écluses.

Moyennant ces améliorations le gouvernement doublera la possibilité des transports ; et par suite il doublera les revenus du canal ; il rendra un grand service non seulement au bassin de Charleroi, et aux consommateurs de la capitale, mais encore aux bassins de la Meuse et de la basse Sambre ; car le canal de Charleroi est l’artère par laquelle les pays de la haute Meuse et de la basse Sambre sont mis en communication avec les Flandres et les ports d'Anvers et d'Ostende.

Permettez-moi, avant de finir, messieurs, un dernier mot sur les traités particuliers dont M. le ministre des travaux publics nous a parlé tout à l'heure.

L'année dernière, lorsqu'il a été question de ne plus renouveler les traités particuliers, que l'administration des chemins de fer avait conclus avec différents industriels et négociants, je me suis élevé très fortement, dans cette enceinte, contre l'idée de supprimer ces traités, qui, comme vous l'a dit M. le ministre des travaux publics, ne sont que des réductions de tarifs pour des quantités considérables de transports effectués à de longues distances.

Je suis, en effet, convaincu que l’inflexibilité des tarifs quant aux marchandises est une véritable absurdité. Il n'existe pas une administration quelque peu intelligente d'un chemin de fer qui proscrive les réductions de tarifs qui profitent à tous, et qui ne nuisent à personne.

La compagnie du Nord transporte la houille de Charleroi à Paris à raison de 3 1/2 c. la tonne kilométrique ; eh bien, messieurs, c'est là l'application de la réduction des tarifs pour de fortes quantités et de longues distances. C'est par ces arrangements que la compagnie du Nord réalise des bénéfices énormes, et qu'elle rend en même temps de grands services aux consommateurs parisiens, et aux producteurs des bassins de Charleroi, du Centre et de Mons auxquels elle permet d'alimenter de leurs produits le plus grand centre de consommation du continent. Il en est de même dans les cas qui ont été cités par M. le ministre des travaux publics, et qui justifient l'application de ce système.

Certainement, il ne faut pas abuser de ces réductions de tarif, il ne faut pas qu'elles soient arbitraires, ni qu'elles aient un caractère de favoritisme.

Il faut qu'elles aient pour but l'intérêt du consommateur, du producteur, et de la caisse du chemin de fer. Le ministre doit agir sous sa responsabilité.

Je pense donc que cette question est suffisamment élucidée et qu'il ne peut plus être question de supprimer les réductions de tarifs opérées par des traités particuliers dans des conditions qui les justifient.

M. Jacquemyns. - Je me suis souvent demandé pourquoi l'industrie des Flandres se trouvait relativement à celle d'autres pays dans des conditions d'infériorité. La question que nous discutons nous en révèle une cause. J'ai examiné dans quelques établissements le prix de revient du combustible. La houille que l'on consomme à Gand revient, sur les lieux de la production, de 5 fr. 50 à 7 fr. les 1,000 kilog.

Ce prix vient à doubler par l'effet du transport, et c'est une cause notable d'infériorité. Le fret de Charleroi à Gand est, en effet, de 7 fr. les mille kilogrammes.

Or, sur ce prix de 7 fr., il y a un péage de 2 fr. pour le canal de Charleroi, et il est tels de nos établissements cotonniers qui consomment annuellement trois millions, trois millions et demi, quatre, cinq millions de kilog. de houille. Eh bien, rien que les péages sur le canal de Charleroi forment pour ces établissements un impôt annuel de 6, 7 à 8 mille francs.

Il y a plus ; nos principaux établissements liniers à Gand payent l'un 15,0u0, l'autre 24,000 fr. par an pour péages du canal de Charleroi.

Je viens donc, messieurs, au nom des consommateurs, au nom des industriels gantois, demander également une réduction sur ces péages.

Il est certain que si le canal de Charleroi appartenait encore à une société particulière, il ne se passerait pas une session du parlement que les députés gantois ne fussent obligés de demander au gouvernement d'employer des moyens pour mettre la compagnie à la raison. On lui dirait : Vous avez, à une demi-heure de la France, des mines de houille (page 39) qui produisent d'énormes quantités de combustible. Ce combustible est l'aliment de notre industrie ; la houille est le pain de l'industrie. Eh bien, au lieu de permettre que la plus grande partie de ce combustible soit exportée vers la France, qu'elle y forme une source de richesse et de prospérité, employez tous les moyens possibles pour que ce combustible alimente l'industrie belge et féconde les sources de notre prospérité.

On fait payer 2 fr. par tonneau de houille sur le canal de Charleroi ; c'est exorbitant. Employez des moyens pour que la compagnie réduise ses prétentions. Ce sera un service signalé que vous rendrez à l'industrie des Flandres.

Mais le canal appartient au gouvernement ; le péage entre dans la caisse de l'Etat, que devons-nous faire ?

Je comprends très bien qu'il est utile pour le trésor que l'on paye beaucoup pour la houille au gouvernement. Mais parce qu'un impôt quelconque rapporte beaucoup au gouvernement, est-ce une raison pour le maintenir ? Or, l'impôt dont nous nous plaignons frappe une des choses les plus indispensables à l'industrie.

On s'est élevé dans le pays avec raison contre le droit d'entrée sur les céréales. Le pain à bon marché ! c'était le cri unanime. Mais, messieurs, la houille à bon marché est tout aussi nécessaire pour l'industrie, est aussi nécessaire pour l'ouvrier que le pain à bon marché, parce qu'à mesure que le combustible diminue de prix, l'industrie se développe. Partout où le combustible est à bon compte, l'industrie prend son essor, mais du moment où il est cher, toutes les spéculations industrielles sont entravées. Cet impôt de 2 fr. aux 1,000 kil. de houille est une entrave véritable pour l'industrie des Flandres.

M. le ministre des finances consent à une réduction de 25 p. c, mais il s'oppose à la réduction de 40 p. c sur les péages du canal de Charleroi, et il trouve entre ces deux propositions, l'une du gouvernement, l'autre de la section centrale, une différence de 4 millions de capital. En effet, la différence est de 200,000 fr. par an.

Mais il y a une différence essentielle entre un revenu de 200,000 fr. par an, aussi précaire que celui du canal de Charleroi, et un capital de 4 millions. Le revenu du canal de Charleroi est tout aussi précaire que l'était autrefois le revenu des canaux des Flandres. Il y a eu des péages sur les canaux des Flandres ; ces péages ont été successivement réduits et aujourd'hui on ne paye plus rien ou presque rien.

M. de Haerne. - C'est selon les canaux. On paye sur la Lys.

M. Jacquemyns. - Peu de chose.

M. de Haerne. - Beaucoup.

M. Jacquemyns. - Je vais arriver à ce point. Je remercie l'honorable membre de son interruption.

M. de Haerne. - On paye sur la Lys plus du double de ce qu'on paye sur l'Escaut.

M. Jacquemyns. - Je vais arriver aux péages de l'Escaut et on les doublera pour la Lys.

Il y a deux causes pour que les péages diminuent, et notamment, sur le canal de Charleroi.

La première cause, c'est que les moyens de transport se perfectionnent de jour en jour, tandis que la navigation sur les canaux demeure une industrie stationnaire. Le dernier mot des chemins de fer n'est pas dit, on l'a répété cent fois. Tous les jours on les perfectionne, on arrive à transporter plus économiquement.

Dans le principe, lors de la construction du canal de Charleroi, on n'avait à lutter que contre les rouliers et l'on disait alors qu'un péage de fr. 3-64 était convenable.

En effet, je comprends que lorsque la navigation sur le canal n'avait à lutter que contre les rouliers, ce péage pût paraître convenable. A cette époque, j'ai eu la curiosité de parcourir les bords du canal, et les rouliers se moquaient du canal. Au moyen de voitures de 6 à 8 chevaux ils faisaient la concurrence au canal.

Peu à peu les rouliers ont eu le dessous, et lorsque le chemin de fer a commencé à faire la concurrence au canal, il a fallu réduire les péages. On est arrivé d'un péage de 3 fr. 64 à un péage de 3 fr. 6 c. Mais les chemins de fer concédés ont été établis, et sur le chemin de fer de l'Etat, on a trouvé avantageux de transporter à meilleur compte. Nouvelle réduction de 35 p. c sur les péages.

Or, à mesure que les moyens de transport qui sont en concurrence avec les transports sur le canal, se perfectionnement, il faudra que les péages soient réduits.

D'un autre côté les bateliers ne peuvent plus vivre avec la somme qui leur suffisait il y a vingt ou trente ans. Les salaires augmentent dans tout le pays. Toutes les denrées alimentaires ont subi une augmentation de prix. La main-d'œuvre est plutôt demandée qu'offerte. Il en résulte que le batelier doit gagner un peu plus. On ne peut donc plus payer des frais de transport aussi élevés ; ces frais de transport, je le répète, devront être successivement réduits à mesure que les autres moyens de transport seront perfectionnés, et d'un autre côté, les salaires pour le transport par bateaux augmentent progressivement.

De plus, le nombre des voyages a été réduit d'environ un tiers, et les bateliers ne transportent plus que 800 tonneaux, tandis qu'ils en transportaient 1,200 par an chacun.

Il faut nécessairement, messieurs, perfectionner le canal, comme on cherche à perfectionner les transports sur le chemin de fer.

On a beaucoup parlé de l'égalité des péages et ou s'est beaucoup récrié sur ce qu'on ne paye rien sur les canaux des Flandres. Ces canaux, messieurs, se sont trouvés dans le même cas que le canal de Charleroi et avec le temps il est très probable que les mêmes circonstances qui se sont présentées pour les canaux des Flandres se présenteront pour le canal de Charleroi.

Les canaux des Flandres avaient d'abord à concourir avec les transports sur les routes non pavées ; à mesure que les voies sont devenues plus parfaites, il a fallu diminuer les péages sur ces canaux. Aujourd'hui les péages sont nuls ou presque nuls, et pourtant nos bateliers ne se louent pas extrêmement de la prospérité de leur industrie ; au contraire, la navigation fluviale semble diminuer sensiblement.

A certaines époques il y avait des réclamations extrêmement vives contre les péages sur l'Escaut. Alors on a convoqué une commission pour examiner l'opportunité de réduire ce péage et apprécier les plaintes relatives aux grands frais de la navigation de l'Escaut.

Je faisais partie de cette commission. Le péage était de 8 p, c. à peu près des frais fixes, et le seul moyen que nous ayons trouvé de permettre à la navigation fluviale de continuer, c'était de substituer au halage par les hommes, le halage par les chevaux.

Maintenant, messieurs, voulez-vous établir l'égalité des péages, les péages des canaux des Flandres ne rapporteront rien, par la bonne raison que, même en présence d'un péage très peu élevé, la navigation fluviale souffre encore. Vous ne pouvez donc songer à établir l'uniformité qu'en supprimant tout péage quelconque.

Quanta moi, messieurs, je me borne, pour le moment, à demander, pour le canal de Charleroi, la plus forte réduction possible et j'ai la confiance que la Chambre votera tout au moins la réduction de 40 p. c, sinon celle de 60 p. c. que je préférerais, dans l'intérêt de l'industrie des Flandres.

M. Muller. - Messieurs, comme plusieurs honorables collègues, j'ai fait partie de la commission qui a été chargée, par le gouvernement, d'examiner la question de la réduction des péages des canaux, non seulement en ce qui concerne celui de Charleroi, mais en ce qui intéresse tous les canaux qui peuvent et doivent être dégrevés, en envisageant la question à un point de vue équitable.

L'opinion que j'ai défendue au sein de cette commission n'ayant mis personnellement en cause, ce dont je n'ai pas lieu de me plaindre, je dois, messieurs, vous rendre compte en quelques mots de la position que j'ai prise et des motifs qui l'ont déterminée.

Après avoir entendu le pour et le contre, j'ai été convaincu qu'il y avait un fondement de légitimité dans les réclamations qui étaient adressées depuis si longtemps au gouvernement contre les péages du canal de Charleroi, et s'il m'est permis de m'expliquer en termes familiers, j'ai pu constater dans cette circonstance qu'il y a du vrai dans le proverbe qui nous dit : « Qu'il n'y a pas de fumée sans feu. »

En effet, si les plaintes étaient marquées au coin d'une exagération incontestable, mais qui s'explique, il est impossible de méconnaître qu'elles avaient, au fond, une cause réelle.

J'ai donc, messieurs, avec la majorité de la commission, travaillé à amener une solution qui pût être accueillie au sein de la Chambre, à laquelle j'espérais aussi voir se rallier le gouvernement.

Lorsqu'on a proposé 70 p. c, 60 p. c, 50 p. c., je les ai repoussés successivement, parce que je désirais arriver à des conclusions acceptables aux yeux des hommes pratiques, qui se préoccupent, non sans raison, des faits existants, et que j'avais la conviction que nous n'obtiendrions pas de résultat sérieux en proposant des réductions qui seraient considérées comme exorbitantes au point de vue de l'intérêt du trésor. Je me suis donc arrêté, après y avoir mûrement réfléchi, à la réduction de 40 p. c, qui sera, je l'espère, accueillie favorablement par la Chambre.

Un de nos honorables collègues vous a appris hier, messieurs, que mon vote avait déterminé la majorité de la commission, ce qui lui avait fait supposer, a-t-il ajouté, que M. le ministre des finances s'y rallierait. Certes, les paroles prononcées à cet égard par mon honorable ami M. Jouret, n'ont rien eu pour moi que de bienveillant, et lorsqu'il a fait ainsi allusion à la communauté politique et à la vieille amitié qui me lient à M. le ministre des finances, je ne pouvais qu'en être flatté, car cette communauté politique et cette amitié de longue date m'honorent et j'espère ne jamais les voir se démentir.

Seulement, je ferai remarquer que j'émets mes opinions et mes votes comme représentant, agissant avec une pleine indépendance, mais n'engageant que moi-même, je n'avais pas à exercer une influence sur M. le ministre des finances, pas plus qu'il n'avait songé à en exercer sur moi-même. Mais j'aurais vu avec satisfaction qu'il se départît du chiffre trop rigoureux de 25 p. c. pour se rallier à celui de 40 p. c.

Messieurs, un motif grave, abstraction faite de toute considération se rattachant au fond de la question des péages du canal de Charleroi, me portait et me porte encore à écarter et la proposition trop restreinte du gouvernement et l'amendement exagéré dans un tout autre sens qu'elle a provoqué dans cette enceinte. Il est de ces questions dans (page 40) lesquelles de nombreux intérêts matériels, ayant un caractère de popularité, se trouvent engagés, et qui, lorsqu'elles restent trop longtemps sur le tapis, conduisent aune irritation très difficile à déraciner et à faire complètement disparaître.

Le moment est venu, me semble-t-il, d'en finir avec les péages du canal de Charleroi, que je range dans cette catégorie, et de donner une satisfaction aussi raisonnable qu'il est possible de le faire, dans les circonstances actuelles, aux intérêts engagés dans ce débat qui pourrait ultérieurement trop passionner les uns et les autres.

Voilà, messieurs, un point de vue sur lequel je me permets d'attirer l'attention sérieuse de la Chambre et qui ne fera persister à appuyer une réduction de 40 p. c.

Il me reste quelques observations spéciales à présenter. Appartenant à l'arrondissement de Liège, ne pouvant méconnaître l'importance des intérêts du bassin houiller de la province dont j'ai l'honneur d'être un des représentants, et qui a aussi droit à se plaindre de l'énormité des péages de certains canaux ; je n'ai pas voulu, cependant, mêler à l'objet qui est aujourd'hui débattu, la question de nos griefs trop fondés, en ce qui concerne le canal de Liège à Maestricht et celui de la Campine, qui intéressent également les provinces d'Anvers et du Limbourg. Je m'en suis abstenu par un motif péremptoire, c'est que je ne tiens pas à compliquer et à embrouiller inutilement les discussions.

Je ne tiens pas à apporter des entraves à la satisfaction légitime que d'autres populations peuvent réclamer ; mais je rappellerai, pour en prendre acte comme d'une chose acquise sans contradiction, qu'il résulte de l'exposé des motifs du projet de loi en discussion et du rapport de la section centrale, qu'il est bien entendu que, le jour où l'abaissement des péages du canal de Charleroi aura lieu, un abaissement équitable de 50 p. c. sera également décrété pour les canaux de Liège à Maestricht et de la Campine, en vertu d'un arrêté royal qu'une loi en vigueur autorise le gouvernement à prendre.

Et, en effet, messieurs, nous avons exactement les mêmes motifs de nous plaindre que tous ceux qui usent du canal de Charleroi : nous payons 15 centimes par tonne-lieue, de Liège à Maestricht, 10 centimes pour le chargement et 5 centimes pour le retour à vide.

Sur les canaux de la Campine, le péage est de 10 centimes par tonne-lieue de chargement.

Evidemment il y a là un taux inabordable, exorbitant ; aussi les transports de produits et les recettes du trésor sont des plus faibles. Quand je suis entré dans la commission des péages, quand j'ai pu examiner les situations respectives des divers canaux du pays, convaincu d'avance qu'il y avait injustice envers nous, je n'ai pu ni voulu contester la légitimité des réclamations identiques qui partaient d'ailleurs.

- La suite de la discussion est remise à demain à 2 heures.

La séance est levée à 4 heures et demie.