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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 10 novembre 1863

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1863-1864)

(page 1) Les membres du Sénat et de la Chambre des représentants se réunissent vers midi dans la salle des délibérations de cette dernière assemblée.

La salle est ornée et disposée comme antérieurement à l'occasion de semblables solennités ; le bureau de la présidence et la tribune sont remplacés par un trône surmonté d'un dais garni de draperies en velours rouge ; à gauche de ce trône, s'élève une élégante tribune destinée S. A. R. et I. la Duchesse de Brabant. Des sièges placés derrière les bancs de MM. les députés sont occupés de bonne heure par un grand nombre de dames.

A midi, les tribunes réservées et publiques sont ouvertes et bientôt envahies par le public.

A peu d'exceptions près, tous les membres des deux Chambres sont présents. Les ministres sont à leur banc.

On remarque, dans la tribune qui leur-est réservée, les membres du corps diplomatique et plusieurs de leurs dames.

A midi et un quart, M. d'Omalius d'Halloy, doyen d'âge des deux Chambres, prend place au fauteuil de la présidence. Il est assisté, en qualité de secrétaires, de MM. Bara et Jacobs, les deux plus jeunes membres de l'assemblée.

M. le président donne communication d'une dépêche du maréchal du palais, annonçant que S. A. R. et I. la Duchesse de Brabant, ainsi que LL. AA. RR. le Duc de Brabant et le Comte de Flandre assisteront à la séance.

Il est ensuite procédé au tirage au sort des députations chargées de recevoir S. M. le Roi et la Famille Royale.

La députation chargée de recevoir S. A. R. et I. la Duchesse de Brabant est composée de deux sénateurs et de quatre représentants. Le sort désigne pour le Sénat MM. Zaman et de Tornaco et pour la Chambre des représentants MM. Goblet, Verwilghen, Jamar et Dubois d'Aische.

La députation qui recevra le Roi est composée de six membres du Sénat et de douze membres de la Chambre des représentants. Le sort désigne pour le Sénat : MM. Ozeray, Fortamps, de Pitteurs-Hiegaerts, Hanssens, Stiellemans et Forgeur ; pour la Chambre des représentants : MM. Jacquemyns, Van Volxem, De Fré, Crombez, Pirmez, de Paul, Beeckman, Le Hardy de Beaulieu, de Kerckhove, de Ridder, Tack et Frison.

Ces deux députations se retirent immédiatement pour aller recevoir le Roi et S. A. I. et R. la Duchesse de Brabant.

A une heure moins le quart, S. A. I. et R. la Duchesse de Brabant prend place dans la tribune qui lui est réservée. Elle est accueillie par de vifs applaudissements partis de tous les points de la salle et des tribunes.

A une heure, l'huissier en chef de la Chambre des représentants annonce : Le Roi ! L'assemblée se lève.

Le Roi entre, précédé de la députation, de MM. les questeurs des deux Chambres et accompagné de LL. AA. RR. le Duc de Brabant et le Comte de Flandre. D'unanimes applaudissements et des cris de Vive 1e Roi saluent Sa Majesté à son entrée dans la salle. Sa Majesté s'assied, se couvre et prononce le discours suivant.

Discours du trône

Messieurs,

Après les témoignages d'affection et de dévouement dont J'ai été l'objet et qui M'ont profondément touché, Je suis heureux de Me retrouver au milieu des Représentants de la Nation.

Je continue à recevoir des marques de confiance et de sympathie de la part des gouvernements étrangers.

Depuis la dernière session législative, le pays a vu s'accomplir un événement qui était l'objet de ses légitimes et séculaires aspirations : l'Escaut est irrévocablement affranchi. Opérée de commun accord avec les Pays-Bas, la suppression du péage qui grevait la navigation, fortifie nos bons rapports avec un peuple voisin et ami ; la liberté complète de notre beau fleuve, sanctionnée par toutes les Puissances, fait désormais partie du droit public des États maritimes.

L'abaissement des taxes perçues dans nos ports rend plus efficace encore l'affranchissement de l'Escaut, et une série d'arrangements internationaux stipulent des garanties et des facilités nouvelles destinées à accroître nos relations avec la plupart des marchés du monde.

(page 2) Notre commerce et notre industrie ne laisseront pas stériles les avantages qui leur sont maintenant assurés.

Grâce aux efforts intelligents de ceux qui s'y adonnent, l'agriculture ne cesse de faire des progrès. Les produits de la terre qui servent à l'alimentation publique sont abondants. Ce résultat favorable est venu adoucir les épreuves que des événements malheureux ont imposées à une partie de nos travailleurs, qui les ont courageusement supportées. Nous pouvons espérer que les dernières traces de cette situation ne tarderont pas à s'effacer par les développements de notre industrie, dont nous aimons à constater la féconde activité, et qui prend un plus vif essor sous l'influence bienfaisante de la libre concurrence.

Un projet de loi ayant pour objet de décréter d'application générale le tarif résultant de nos récentes conventions internationales et d'étendre encore les réformes de notre législation douanière sera soumis à vos délibérations.

Les transports rapides et économiques ont une influence chaque jour plus marquée sur la prospérité des peuples. Les questions qui s'y rattachent ont constamment appelé la sollicitude de mon Gouvernement. Les dernières lois de concession de chemins de fer continuent à s'exécuter. Parmi les lignes qui ont été décrétées, plusieurs seront livrées à l'exploitation dans un prochain avenir, et divers contrats, ayant pour objet des extensions au réseau de nos voies ferrées, seront déférés à la Législature.

Des modifications, favorablement accueillies, ont été apportées aux tarifs des chemins de fer de l'État. Mon Gouvernement s'occupe d'y introduire encore des réductions, en cherchant à concilier les exigences financières avec les intérêts du commerce et de l'industrie.

La situation du trésor est d'ailleurs satisfaisante malgré le surcroît considérable de dépense occasionné par la nécessité de mettre les traitements des employés de l'Etat, de la magistrature, de l'armée et du clergé, en rapport avec le prix des choses nécessaires à la vie.

Afin de laisser de plus en plus sa libre expansion à l'activité individuelle, il importe de mettre nos lois en harmonie avec les progrès que l'expérience a consacrés. Un projet de révision du Code de commerce, élaboré dans cet esprit, vous sera soumis, et en attendant qu'il ait pu être sanctionné, des propositions vous seront présentées, prescrivant de nouvelles règles pour la constitution des sociétés anonymes.

La liberté du prêt à intérêt, implicitement admise dans la révision du Code pénal par la suppression des peines contre l'usure, sera définitivement consacrée dans un projet dont vous serez saisis.

Notre Constitution, ainsi que nos lois organiques, d'accord avec nos traditions, ont assuré à nos communes une grande liberté d'action. Toutefois, diverses mesures ont déjà été prises pour simplifier et accélérer la marche des affaires administratives ; de nouvelles dispositions vous seront proposées, qui, en étendant le pouvoir des députations permanentes des conseils provinciaux, rendront plus facile et plus rapide l'exercice des attributions des communes.

Dès que les Chambres auront arrêté les principes qui doivent régler l'organisation judiciaire, particulièrement en ce qui concerne la formation des cours d'assises, mon Gouvernement achèvera l'œuvre qu'il a entreprise de la révision du Code d'instruction criminelle.

Un projet de Code rural vous sera également présenté.

Ce n'est pas seulement dans l'ordre matériel que nous constatons l'heureuse situation du pays.

L'esprit national anime toutes les classes de la société, et se révèle dans les sentiments de patriotisme qui règnent au sein de la garde civique et de l'armée.

Il y a partout une noble émulation pour contribuer au développement intellectuel et moral du pays.

L'école belge a brillé au premier rang à l'Exposition universelle de Londres. Notre Exposition des beaux-arts, où cependant n'étaient point représentés plusieurs de nos principaux maîtres, occupés à d'importants travaux de peinture monumentale, a montré que les jeunes talents se multiplient. Le pays peut espérer que notre école, continuant à se perfectionner, sera de plus en plus digne dans l'avenir des glorieuses traditions du passé.

L'enseignement public à tous les degrés répond aux vœux des populations. L'instruction populaire, qui excite l'intérêt incessant des pouvoirs publics se répand chaque jour davantage. Dans beaucoup de localités les écoles sont insuffisantes pour le nombre d'enfants qui s'y présentent. Cet état de choses commande des sacrifices constants de la part des communes, des provinces et de l'Etat. De nouveaux crédits vous seront demandés pour aider à la construction et à l'ameublement d'écoles.

Les projets que Je viens d'énumérer et ceux dont Je vous ai précédemment entretenus suffiront à rendre vos travaux fructueux. J'espère, Messieurs, que vous accorderez à mon Gouvernement le concours loyal et efficace qui lui est nécessaire pour atteindre notre but commun.

Après la lecture de ce discours, qui est couvert de longs applaudissements, S. M. le Roi et ensuite S. A. R. et I. la Duchesse de Brabant se retirent au milieu de longues et chaleureuses acclamations. La séance est levée à une heure et demie.