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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 3 mars 1864

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1863-1864)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 315) M. Thienpont, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. de Florisone, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants d'Anvers demandent l'abrogation de la loi sur les étrangers. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants d'Isières demandent que la société concessionnaire du chemin de fer de Hal à Ath établisse une station dans leur commune. »

M. Frisonµ. - Je demande le renvoi à la commission des pétitions avec prière d'en faire l'objet d'un prompt rapport.

- Adopté.


« Des habitants de Rendeux présentent des observations sur les pétitions ayant pour objet une loi qui règle le mode de sépulture. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Spalbeek demandent l'établissement d'une station ou d'une halte dans cette commune sur la ligne du chemin de fer de Diest à Hasselt. »

- Même renvoi.


« Des négociants à Louvain se plaignent que le département des travaux publics a fait assigner cette ville pour l'obliger à baisser les eaux de son canal, afin de faciliter à l'entrepreneur des travaux du chemin de fer de Bruxelles à Louvain, l'exécution d'un pont sur ce canal. »

M. Landeloos. - La pétition dont il vient d'être fait analyse présente un caractère extrêmement urgent. Je demanda donc que la commission des pétitions, à laquelle elle sera sans doute renvoyée, soit invitée à nous présenter un prompt rapport.

- Adopté.


« Des habitants d'Anvers demandent une loi qui règle le mode de sépulture. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les sieurs Ulens, Mélis et autres membres d'une société littéraire, à Hasselt, proposent un projet de loi pour assurer l'égalité des deux langues usitées dans le pays. »

- Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.


« Des habitants de Beauvechain demande une diminution du droit d'accises sur la bière indigène. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.

Composition des bureaux des sections

Les sections de mars se sont constituées comme suit.

Première section

Président : M. Kervyn de Lettenhove

Vice-président : M. Wasseige

Secrétaire : M. Tack

Rapporteur de pétitions : M. Soenens


Deuxième section

Président : M. de Theux

Vice-président : M. Vilain XIIII

Secrétaire : M. Snoy

Rapporteur de pétitions : M. Vermeire


Troisième section

Président : M. le Bailly de Tilleghem

Vice-président : M. Delaet

Secrétaire : M. de Montpellier

Rapporteur de pétitions : M. de Naeyer


Quatrième section

Président : M. Faignart

Vice-président : M. Van Volxem

Secrétaire : M. de Macar

Rapporteur de pétitions : M. Jacquemyns


Cinquième section

Président : M. de Renesse

Vice-président : M. J. Jouret

Secrétaire : M. L. Goblet

Rapporteur de pétitions : M. Vander Donckt


Sixième section

Président : M. Lesoinne

Vice-président : M. Van Leempoel

Secrétaire : M. Mouton

Rapporteur de pétitions : M. Hymans

Ordre des travaux de la chambre (proposition d’ajournement du vote des budgets)

M. Bouvierµ. - Je viens appuyer la proposition de l'honorable M. Orts. Elle est d'ailleurs conforme à nos précédents. Lorsque le ministère actuel vint annoncer, au mois de janvier, qu'il avait offert au Roi sa démission, la Chambre crut conforme aux sentiments de sa propre dignité et aux plus simples convenances parlementaires d'ajourner jusqu'à convocation ultérieure la discussion des budgets, espérant que, pendant cet intervalle, un nouveau ministère aurait pris la place de l'ancien. La situation est restée la même. Six semaines se sont écoulées et la droite, si ardente dans son œuvre de démolition, après tant de délibérations n'a pu parvenir à former un cabinet.

Si je suis parvenu à comprendre l'honorable M. Dechamps dans son discours un peu mystérieux, il semblerait que l'opposition va de nouveau aviser. Nous arriverons peut-être ainsi de délibération en délibération à Pâques ou à la Trinité. Ce sera le cas de s'écrier : Heureuse Belgique, où loin de se disputer, comme cela s'est vu et se voit encore ailleurs, pour la possession d'un portefeuille, c'est à qui se disputera pour n'en avoir point !

Il est cependant du devoir du parti libéral de mettre le parti clérical en demeure d'exercer le pouvoir, et je ne vois d'autre moyen d'y parvenir, pour que le pays sache bien à qui incombe la responsabilité de la situation actuelle, qu'en ne votant que des crédits provisoires. De cette façon aussi nous maintenons intacte la plus précieuse de nos prérogatives, celle qui distingue les pays libres des pays despotiques, le contrôle permanent des actes du gouvernement. Et si la droite, après l'épuisement des nouveaux crédits que vous allez voter ne parvient pas, après de nouvelles délibérations, à former un cabinet, le pays saura que le parti clérical a abdiqué et que son impuissance constatée, ce n'est plus un parti mais une faction.

M. de Theuxµ. - Je n'ai pas bien compris hier la portée de la proposition de l'honorable M. Orts. Entend-il que sa proposition s'applique à tous les budgets qui restent à voter ? En second lieu, quelle serait l'étendue des crédits à voter pour chacun des départements dont les budgets ne sont pas votés ?

J'attendrai l'explication que l'honorable M. Orts voudra bien nous donner sur ces deux points.

M. Ortsµ. - Ma proposition a un double but ; c'est uniquement au but que je tiens, et si, pour l'atteindre, on me demande une concession sur les moyens, je suis tout prêt à y consentir.

Mon but est celui-ci : c'est de ne pas permettre qu'une administration nouvelle se constituant, elle puisse, après sa constitution, se débarrasser de la Chambre sans venir au moins un instant parmi nous pour expliquer sa formation.

Dans ma pensée, des crédits provisoires pour deux mois, ajoutés à ceux qui ont été alloués déjà au département de la justice, permettront à ce département de marcher jusqu'au 1er juillet prochain.

Maintenant, ma proposition ne s'applique qu'au budget de la justice, parce que ce budget étant seul à l'ordre du jour, il ne m'était point permis de l'étendre à d'autres budgets qui n'y figurent pas. Mais j'ai annoncé hier que je renouvellerais cette proposition à l'occasion de chacun des autres budgets, à mesure qu'ils seraient mis en discussion, c'est-à-dire que j'aurais proposé d'accorder également des crédits pour deux mois à chacun des départements dont les budgets ne sont pas encore votés.

Si maintenant on désire faire l'application de ma proposition à tous les budgets à la fois, je n'y vois aucun inconvénient.

M. de Theuxµ. - Pour moi, personnellement, il m'est assez indifférent que la Chambre discute les budgets non encore votés ou qu'elle (page 316) adopte la proposition de l'honorable M. Orts avec l'extension qu'il consent à y donner.

Voici, messieurs, les motifs de mon opinion.

Dans la situation actuelle, il y a deux prérogatives dont on doit tenir compte : il y a la prérogative de la Chambre qui, en votant les budgets, est admise à contrôler aussi la politique du ministère : mais il y a une autre prérogative que nous ne devons par méconnaître non plus : c'est celle de la Couronne. Nous ne pouvons pas tenir la Couronne dans une situation fausse. On n'aurait pas la liberté d'action nécessaire. Si nous avions exécuté la Constitution dans son esprit, il est évident que les budgets des dépenses et des recettes devraient être votés dans l'année qui précède l'exercice auquel ils sont destinés. La loi de comptabilité en fait d'ailleurs la prescription formelle.

L'exercice de la prérogative royale doit se faire sur une situation budgétaire complète ; ce n'est qu'à raison de la difficulté des temps et des circonstances que la Chambre n'a pas rempli son devoir à cet égard ; il est à désirer qu'à l'avenir ce devoir soit régulièrement rempli.

S'il l'avait été, quelle serait la situation ? Nous serions en présence de budgets votés pour l'exercice 1864, nous n'aurions à nous occuper que des budgets des dépenses et des voies et moyens pour l'exercice 1865 ; on pourrait aussi, à cette occasion, examiner la composition du cabinet et de sa politique, mais ce ne serait que relativement aux budgets de 1865 et non de 1864, car si nous étions dans une situation normale, ces budgets auraient été votés.

Si on avait limité la proposition de M. Orts à un seul budget, si on allait restreindre la durée du crédit qu'il propose d'accorder, nous serions dans le cas d'altérer la prérogative royale.

La prérogative royale consiste en deux choses, le choix libre des ministres et la faculté de dissoudre les Chambres. Or, cette faculté pourrait être entravée par des crédits provisoires votés à courts termes. Je ne fais pas d'opposition à la proposition de M. Orts, pour autant qu'elle s'applique à tous les budgets et que des crédits soient votés jusqu'au 1er juillet, car ce n'est qu'alors que les listes électorales sont révisées et que l'on peut dissoudre les Chambres convenablement.

Car si on voulait dissoudre les Chambres avant cette époque, si tant est qu'il y ait lieu de le faire, on ne le pourrait pas ; à moins de faire des élections sur des projets de listes et non sur des listes réelles, puisque les listes ne sont définitivement formées que dans les premiers jours de juin. C'est pour cela que les élections sont toujours fixées au deuxième mardi de juin afin d'avoir des délais suffisants pour réviser les listes.

Il ne faut pas que la représentation nationale soit exposée à être le produit d'élections faites sur des listes informes. Une pareille situation serait indigne du pays et de la Chambre elle-même.

Quant à moi, je ne fais pas d'opposition à la proposition. Si la Chambre veut discuter les budgets, je n'y ferai pas d'opposition non plus ; cela m'est parfaitement égal.

MfFOµ. - Il me semble qu'on est d'accord, et qu'il n'y a pas d'opposition à l'allocation de crédits provisoires. Il convient qu'un projet de loi spécial comprenne l'ensemble des crédits à allouer sur tous les budgets non votés. On n'entend pas, sans doute, voter un crédit provisoire à l'occasion de chaque budget, ce qui serait très long, car il n'y a pas encore de rapport présenté pour chacun des budgets qui restent à voter. On pourrait charger le bureau de préparer ce projet de loi d'accord avec le gouvernement.

M. Rodenbachµ. - Et le budget des travaux publics ?

MfFOµ. - Il y aura également des crédits pour le département des travaux publics, cela va de soi.

Je dois faire remarquer maintenant que mon collègue des affaires étrangères aurait dû proposer un amendement à son budget. Il a été contraint d'acheter deux bateaux à vapeur, et cette dépense doit être régularisée.

Le projet de loi spécial comprendra également le crédit nécessaire à cette fin.

M. de Theuxµ. - On pourrait en faire l'objet d'un projet de loi spécial â raison du mode d'examen qu'il doit subir.

MfFOµ. - C'est comme la Chambre le voudra, mais cela entraînera des retards.

Quoi qu'il en soit, le crédit n'ayant pas été jusqu'à présent soumis à la signature du Roi : il faudra nécessairement attendre que le projet lui ait été présenté.

MpVµ. - Il s'agit donc de voter une question de principe applicable à tous les budgets. Quant aux chiffres, ils feront l'objet d'une proposition spéciale déterminant pour chaque budget la quotité du crédit provisoire.

Il me semble que c'est ainsi que la question doit être posée.

M. Lesoinne. - D'après les dispositions de la Chambre, on voterait pour tous les budgets des crédits provisoires. Mais on a mis à l'ordre du jour des sections le budget des travaux publics. Il me paraît inutile de faire cet examen en sections.

M. de Theuxµ. - Messieurs, puisque la Chambre est réunie, à moins qu'elle ne s'ajourne immédiatement, je crois qu'il vaudrait mieux continuer l'examen du budget des travaux publics qui ne renferme rien de politique.

La Chambre peut fixer pour la discussion du budget l'époque qui lui conviendra, mais pour l'examen en sections, je n'y vois aucune espèce de difficulté.

M. Lesoinne. - Je demande que la Chambre se prononce sur cette question, à savoir si l'on examinera le budget des travaux publics en sections ou non. Il me paraît que cet examen est inutile.

MpVµ. - Puisque la proposition est faite, je dois la mettre aux voix.

- Il est procédé au vote par assis et levé sur la proposition de M. Lesoinne. Elle n'est pas adoptée.

MpVµ. - On s'occupera donc, dans les sections réunies sur convocation des présidents, de l'examen du budget des travaux publics.

- La discussion est ouverte sur l'ajournement.

Personne ne demandant la parole, la discussion est close.

MpVµ. – Il doit être bien entendu, à moins d'opposition, que la proposition de l'honorable M. Orts comprend tous les budgets et que le bureau est chargé de présenter un tableau des chiffres en conformité de la décision prise.

M. Ortsµ. - Messieurs, il se présente une question qui pour moi n'avait pas fait doute. Mais d'après ce que je viens d'entendre de quelques-uns de mes honorables collègues, tout le monde n'a pas compris la chose comme moi.

Il est évident qu'en donnant à l'administration les crédits nécessaires jusqu'à l'époque pour laquelle nous nous sommes mis d'accord, j'ai entendu donner à l'administration le moyen d'exécuter la loi précédemment votée sur les augmentations de traitement dont la proportion se règle par les budgets.

Il est bien compris que le gouvernement est autorisé à dépenser les crédits provisoires sur ce pied.

- Plusieurs membres. - Certainement.

MjTµ. - Du moment que la chose est ainsi entendue, il est indispensable de le dire dans le projet de loi que le bureau est chargé de préparer.

La Chambre sait que dans la loi relative à l'augmentation des traitements de l'ordre judiciaire, il est dit que la proportion de cette augmentation sera déterminée annuellement par la loi du budget. Il m'était impossible de faire mandater les augmentations dont la magistrature devait jouir cette année, parce qu'il n'y avait pas de loi de budget.

Il sera donc nécessaire de dire, dans le projet de loi que le bureau présentera, que sur ces crédits pourra être imputée l'augmentation votée par la loi en date de... De cette manière, tout sera régularisé.

MpVµ. - Le bureau se mettra d'accord avec MM. les ministres pour former le tableau dont il est question.

Je mets aux voix la proposition de M. Orts, entendue d'après les explications qui viennent d'être données.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi qui ouvre au département des finances un crédit de 600,000 francs pour pourvoir aux dépenses d'exécution de la révision des opérations cadastrales

Dépôt

MfFOµ. - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre :

1° Un projet de loi qui ouvre au département des finances un crédit de 600,000 francs pour pourvoir aux dépenses d'exécution de la révision des opérations cadastrales ;

Projet de loi ouvrant au département des travaux publics des crédits supplémentaires et complémentaires, à concurrence d'une somme de 1,660,620 fr. 65 c.

Dépôt

2° Un projet de loi ouvrant au département des travaux publics des crédits supplémentaires et complémentaires, à concurrence d'une somme de 1,660,620 fr. 65 c. ;

Projet de loi qui ouvre au département de la justice des crédits supplémentaires, à concurrence d'une somme de 103,000 francs

Dépôt

3° Un projet de loi qui ouvre au département de la justice des crédits supplémentaires, à concurrence d'une somme de 103,000 francs.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ces projets de loi ; la Chambre en ordonne l’impression et la distribution et les renvoie à l'examen des sections.

Projet de loi relatif à l’incorporation du bois de la Cambre, de son avenue et des zones latérales au territoire de la capitale

Discussion générale

MpVµ. - M. le ministre se rallie-t-il aux amendements proposés par la section centrale ?

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Oui, M. le président.

MpVµ. - C'est donc sur le projet de la section centrale que s'ouvre la discussion.

- La discussion générale est ouverte.

M. Vandeµ. - Messieurs, j'ai examiné avec soin l'exposé des motifs et le rapport de votre section centrale sur l'incorporation d'une partie de la commune d'Ixelles à la ville de Bruxelles, je ne puis pas accorder mon appui à ce projet de loi.

Déjà on vous a fait la demande de l'incorporation de six faubourgs à la ville de Bruxelles.

Ce projet, comme vous le savez, messieurs, a été rejeté et enterré.

A cette époque, on a fait valoir des considérations qui existent encore aujourd'hui et qui me semblent de nature a faire rejeter encore le projet qui nous est aujourd'hui soumis et qui n'est qu'un diminutif du grand projet d'incorporation des six faubourgs. Ce qu'alors on n'a pas pu obtenir de la Chambre in globo, on vient le demander aujourd'hui par pièces et par morceaux et successivement.

Cette assertion, du reste, est confirmée par l'opinion émise au conseil provincial, que la demande d'incorporation formulée aujourd'hui par l'administration communale de Bruxelles n'est qu'un acheminement vers l'incorporation totale des communes suburbaines.

Cette partie de la commune d'Ixelles dont on demande aujourd'hui l’incorporation à la ville de Bruxelles, forme une espèce de queue qui se prolonge jusqu'au bois de la Cambre. L'administration de la ville était déjà si difficile quand on a demandé la première incorporation, à l'époque ou l’on a décrété l'incorporation du Quartier-Léopold, et l'honorable bourgmestre d'alors le comprenait parfaitement. Voici en effet ce que je trouve à cet égard dans un rapport, où ce magistrat disait :

« Voilà trois ans que j'écarte cette question, parce que je trouve que la police d'une ville de 150 mille habitants et d'un périmètre tel que celui que nous avons ; le contact direct que doit avoir le chef de l'administration avec une pareille population est déjà une tâche assez rude.

« Et que deviendrait Bruxelles sous le rapport de la police si les prévisions de M. Fortamps émises au Sénat venaient à se réaliser ? »

Eh bien, messieurs, aussi un homme si éminent, aussi actif que l'honorable M. de Brouckere reculait déjà devant les grandes difficultés qu'il y avait à administrer et à faire observer la police dans l'étendue de la ville, augmentée du Quartier-Léopold, combien ces difficultés ne seront-elles pas augmentées si l'on ajoute à la ville un quartier éloigné dont la police est aujourd'hui, d'ailleurs, parfaitement observée par l'administration de la commune d'Ixelles.

On dit que la commune d'Ixelles ne pourrait pas y suffire, mais la commune d'Ixelles s'engage à y suffire. Elle a déjà pris des mesures pour cette éventualité, et elle y suffira avec le concours de la ville de Bruxelles, et avec le concours du gouvernement.

.Le motif pour lequel on demande l'incorporation n'est réellement qu'un prétexte ; c'est un acheminement à l'incorporation de tous les faubourgs. Or, messieurs, vous vous rappelez tous combien d'hommes éminents, à l'époque de la proposition de l'incorporation des faubourgs ont fait valoir des motifs péremptoires contre cette proposition. Je citerai entre autres, M. le ministre des affaires étrangères, les honorables MM. David, Laubry, Verhaegen, notre ancien président, si regretté.

Eh bien, messieurs, tous ces hommes ont été unanimement d'accord pour repousser l'augmentation du territoire de la ville de Bruxelles.

Messieurs, quand ou établit, relativement à l'étendue respective du pays, une comparaison entre la ville de Bruxelles et celle de Paris dont l'importance est considérée comme beaucoup trop forte pour une population de 36 millions, on ne sera nullement amené à désirer que le territoire de la ville de Bruxelles s'augmente par l'incorporation de ses faubourgs. Déjà on trouve que la capitale a trop d'importance, eu égard à l'étendue da pays, et que, même, sans qu'elle obtienne de nouveaux accroissements, elle peut être, dans un cas donné, un grand embarras pour le gouvernement.

Je crois que, dans l'intérêt général, on ne doit pas augmenter l'importance de la ville de Bruxelles ; cette importance atteindrait un degré tel que la capitale pèsera outre mesure sur le gouvernement, de façon à et travers l'administration et à la compromettre gravement.

Messieurs, outre ces considérations qui sont d'intérêt général, je puis invoquer des considérations particulières qui se rattachent aux habitants d'Ixelles qu'on veut faire changer de localité. Ces habitants veulent rester Ixellois ; c'est contre leur gré qu'on provoque aujourd'hui l'incorporation à la ville de Bruxelles d'une partie de la commune d'Ixelles.

Messieurs, on a éprouvé des scrupules constitutionnels, quant à l'exercice de la police le long de l'avenue de la Cambre par l'administration de Bruxelles. Mais je crois que l'on doit éprouver des scrupules constitutionnels beaucoup plus sérieux à arracher violemment à une commune une partie de son territoire pour l'incorporer au territoire d'une autre commune.

Il ne s'agit pas ici d'une rectification de limites, d'une séparation de commune ; il s'agit d'une véritable spoliation.

La commune d'Ixelles n'a pas trop de son territoire actuel pour couvrir les frais de son administration. Eh bien, vous lui portez un préjudice notable en lui prenant une partie de ce territoire.

En ce qui concerne les habitants, il y a d'autres motifs qui sont encore bien plus péremptoires. Ainsi, dans la ville de Bruxelles, l'habitant paye, par tête, une contribution moyenne de 42 francs, tandis qu'à Ixelles, l'habitant ne paye que 11 francs. Vous imposez donc à ce nouvel habitant de Bruxelles, une augmentation d'impôt de 31 francs. Il a donc raison de se plaindre, il est fondé à vous réclamer des indemnités de ce chef.

Il y a plus : on paye dans la ville de Bruxelles 2 fr. 33 c. par porte et fenêtre.

A Ixelles on paye 85 centimes seulement, comme dans les autres communes rurales ; c'est assez vous dire, messieurs, que le préjudice résulterait, sous ce rapport encore, pour les habitants d'Ixelles à devenir habitants de Bruxelles.

Et ce préjudice pécuniaire, messieurs, n'est pas le seul qu'ils éprouveraient : il existe, dans un autre ordre d'idées, une foule de charges, celles notamment qui résultent des devoirs qu'impose la tenue de l'état civil et d'autres devoirs qui incombent aux citoyens envers l'autorité communale, charges qui aggraveraient singulièrement la position de habitants d Ixelles s'ils devenaient citoyens de la capitale ; sous le rapport de la perception du droit de patente, Bruxelles se trouve au premier rang et sa banlieue au sixième ; tel commerce serait taxé dans le Keyenveld au même droit de patente que dans la rue de la Madeleine, alors qu'exercé à quelques pas de la porte de Namur il ne payerait que le tiers ou le quart.

On propose d'indemniser la commune d'Ixelles, mais quelle indemnité accorderait-on à ces habitants qu'on arrache violement à leur commune pour les incorporer à Bruxelles et qui subissent par là un préjudice notable sous le rapport de la contribution personnelle, des patentes et autres charges énumérées plus haut ?

M. Verhaegen, à une autre époque, nous a donné les raisons les plus péremptoires pour s'opposer à la réunion des faubourgs à la capitale et c'est à cette occasion que l'honorable M. Rogier nous disait, en plaidant la cause des faubouriens :

« Il y a autre chose dans une commune que l'état civil, des mariages, des décès et des naissances : tous les jours il y a un grand nombre de devoirs qui nous appellent à la maison communale : certificats de vie, passe-ports, inscriptions pour la milice et pour la garde civique, demandes d'autorisations de tous genres. »

Je ne veux pas de l'annexion dit en se résumant M. Verhaegen parce que pour donner des garanties au pouvoir exécutif, je devrais sacrifier des libertés qui font la gloire et le bonheur de mon pays. Je ne veux pas de l'annexion parce qu'elle ferait de Bruxelles une dixième province à côté de la province de Brabant et effacerait ainsi la capitale de la liste des communes de la Belgique.

Je repousse de toute la force de mes convictions, de toute l'énergie de mon devoir de mandataire du pays le projet d'annexion parce que je le considère comme inconstitutionnel dans son principe, comme subversif en fait |des prérogatives communales, ca substituant le privilège, l'injustice et la spoliation aux garanties de nos institutions fondamentales.

Par ces divers motifs, que je pourrais développer longtemps encore si je voulais faire valoir toutes les raisons qui s'opposent à une pareille spoliation, je voterai contre le projet de loi dont l'adoption rendrait beaucoup plus irrégulière encore la circonscription de la commune d'Ixelles et de la capitale.

M. de Naeyer. - Dans ma manière de voir, le projet de loi qui est soumis à notre examen est très important, et je regrette qu'il doive (page 318) être discuté dans un moment où la Chambre, sous l'empire de certaines préoccupations, n'est peut-être pas très disposée à en faire l'objet d'une discussion approfondie.

Quoique, en section centrale, le projet de loi ait été adopté par six voix contre une, il est cependant vrai de dire que l'examen préparatoire qui en a été fait dans les sections, ne lui a pas été extrêmement favorable.

En effet les procès-verbaux des sections constatent que 46 membres seulement ont pris part à cet examen, c'est-à-dire les deux cinquièmes de la Chambre ; et sur ces 46 membres, 22 seulement se sont prononcés en faveur du projet de loi ; 11 se sont prononcé formellement contre et 15 se sont abstenus. Deux sections l'ont positivement rejeté. Cet examen préparatoire ne préjuge donc rien quant à l'opinion définitive de la Chambre.

Le projet de loi me paraît important sous le rapport du principe et sous le rapport des conséquences qui en résultent naturellement. D'un autre côté, je crois qu'il n'est pas justifié par des raisons bien sérieuses.

Je n'ai pas besoin de vous le dire, le respect pour l'autonomie communale est un des traits les plus saillants de notre caractère national : c'est un sentiment essentiellement belge et il n'est pas toujours compris par les étrangers, qui vont jusqu'à le traiter de scrupule ; c'est ce sentiment qui a dicté l'article 3 de notre Constitution qui porte ce qui suit :

« Les limites de l'Etat, des provinces et des communes ne peuvent être changées ou rectifiées qu'en vertu d'une loi. »

Messieurs, on aurait tort de voir dans cet article une disposition qui nous permet de changer arbitrairement les limites des communes. Les termes mêmes dans lesquels l'article est conçu prouvent que le pouvoir constituant a voulu nous imposer l'obligation formelle de veiller avec soin à l'intégrité des territoires communaux, et de ne pas permettre qu'il y soit apporté des changements pour des considérations d'un ordre secondaire.

Et la preuve de ce que j'avance, je la trouve en ceci : c'est que cet article de la Constitution place sur la même ligne le territoire des communes et le territoire de l'Etat. L'un et l'autre sont placés sous la sauvegarde de la législature.

Eh, messieurs, si de tels changements pouvaient s'opérer pour de simples convenances administratives, on n'aurait pas requis aussi impérieusement l'intervention de la loi : ces convenances administratives pourraient être appréciées par le gouvernement. Mais jamais, en Belgique, les communes n'ont été un simple rouage administratif, qu'on modifie et remanie suivant les besoins variables du service. Elles sont quelque chose de plus grand, de plus noble et de plus respectable ; elles sont des personnes morales dont l'existence et l'inviolabilité sont garanties tout à la fois par nos mœurs, par nos traditions nationales et par notre Constitution.

L'honorable rapporteur de la section centrale rend parfaitement hommage à ces principes, et cependant il n'hésite pas à admettre un projet de loi qui enlève à une commune le quart de son territoire, malgré l'opposition formelle de l'autorité communale, malgré l'opposition également formelle du conseil provincial. Il me semble que cela revient à proclamer de très beaux principes tout en posant des actes diamétralement opposés.

J'ai dit au sein de la section centrale et je répète devant la Chambre que ce qu'on nous propose est sans précédent ; une atteinte aussi grave à l’autonomie communale, à la personnalité des communes est absolument sans exemple en Belgique.

Quelle est la règle qu'en général on suit, lorsqu'il s'agit d'opérer des changements à la circonscription des territoires communaux ? Avant tout, on consulte les intérêts et les vœux des habitants qu'il s'agit de faire passer sous un autre régime. Voilà la règle.

Eh bien, cette règle est complètement mise de côté, on n'a ici en vue que les convenances de la commune qu'il s'agit d'agrandir, car l'honorable M. Vander Donckt vous a prouvé à la dernière évidence que l'intérêt des habitants d'Ixelles n'est nullement d'être annexés à la capitale. Sous le rapport pécuniaire, sous le rapport des charges publiques, cela est clair comme le jour, et sous le rapport administratif, leur portion serait également aggravée puisqu'ils seraient séparés désormais par une distance d'une lieue et même d'une lieue et demie du siège de l'administration communale avec laquelle ils ont des relations si fréquentes non seulement pour les actes de l'état civil proprement dit, mais pour une foule d'autres affaires qu'il est inutile d'énumérer.

Aussi l'honorable rapporteur de la section centrale n'a-t-il nullement répondu à cette observation en disant : Mais voyez ce qui se pratique au Quartier Léopold ; là, on ne se dérange plus pour les naissances ni pour les décès.

Je réponds, d'abord, que cet inconvénient n'est pas le seul et j'ajoute que si les habitants ne sa dérangent plus pour l’accomplissement des formalités relatives aux actes de naissance, c’est en contrevenant formellement à une disposition du code civil qui veut bien positivement que les enfants nouveau-nés soient présentés à l'officier de l'état civil dans un délai prescrit.

Donc ici la règle que je citais est mise de côté ; on n'a consulté que les convenances et l'intérêt de la commune dont il s'agit d'agrandir le territoire, et l'on s'écarte ainsi complètement de tous nos précédents.

On pourrait citer tout au plus un seul fait ayant quelque analogie avec celui qu'on veut nous faire poser aujourd'hui, ce fait c'est l'incorporation du Quartier-Léopold qui a eu lieu en 1853.

Cependant entre ce qui s'est fait alors et ce qui nous est proposé aujourd'hui, il y a des différences très considérables qu'il importe de faire ressortir ; en 1853, il s'agissait pour la ville de remplir une obligation que la loi lui impose et qu'il lui était impossible d'exécuter sur son territoire ; elle avait à fournir pour la garnison un terrain d'exercice, et avant de mettre la main à l'œuvre, avant de commencer les travaux, la ville stipulait franchement et loyalement comme condition essentielle et sine qua non, la cession du territoire sur lequel elle allait faire des dépenses, tandis que dans le cas actuel les travaux ont été entrepris sans la moindre réserve, sans même faire allusion à un agrandissement de territoire.

Quelles étaient d'ailleurs les conséquences de l'annexion opérée en 1853 ?

On enlevait à la commune d'Etterbeek 65 hectares, tandis qu'on veut enlever aussi à la commune d'Ixelles 225 hectares, et veuillez remarquer que la commune d'Etterbeek ne formait pas opposition à la cession de cette partie de son territoire, elle se bornait à demander une indemnité qui lui fut accordée ; il y eut donc un arrangement à l'amiable. La commune de Saint-Josse-ten-Noode persista à former opposition, mais on ne lui enlevait que la trentième partie de son territoire, et si j'ai bonne mémoire, les habitants qu'il s'agissait d'annexer à la ville réclamaient formellement l'annexion.

En 1853, le conseil provincial avait donné un avis favorable, à une immense majorité ; et l'honorable M. Piercot, alors ministre de l'intérieur, s'appuyait beaucoup sur cette considération, en faisant observer avec raison qu'en pareille matière l'avis du conseil provincial, qui est le tuteur naturel des communes, doit exercer une très grande influence. Au contraire, l'annexion qui nous est proposée a été rejetée par le conseil à une immense majorité, par 83 voix contre 16.

Et ce qui est très remarquable, quatre membres seulement de la députation permanente ont pris part au vote et tous sans exception ont voté contre l'annexion. Evidemment ce sont là des circonstances qui doivent exercer une influence prépondérante sur la décision que nous avons à prendre.

J'ajouterai en outre qu'en 1853 le vent était en quelque sorte aux annexions ; on se berçait de ce rêve assez grandiose d'avoir une administration unique pour une population de 400 mille ou même 500 mille habitants. Mais l'année suivante cette idée qui avait paru merveilleuse au premier abord fut examinée à fond, elle ne résista pas à l'examen ; l'idée d'une incorporation générale fut repoussée en 1854 par la Chambre des représentants à une immense majorité, tandis que l'année précédente elle avait contribué beaucoup à faire adopter l'incorporation du Quartier Léopold qui était considérée comme une mesure préparatoire, car il est à remarquer qu'en examinant en 1853 le projet d'incorporation du Quartier Léopold, cinq sections sur six avaient demandé formellement la réunion générale de tous les faubourgs ; on était encore subjugué en quelque sorte par le prestige de cette idée qui a été condamnée solennellement en 1854, c'est-à-dire une année plus tard.

Vous voyez que ce qui a été fait pour l'incorporation du Quartier Léopold ne peut eu rien justifier ce qu'on propose aujourd'hui.

Evidemment, il n'y avait pas une atteinte aussi violente portée à l'autonomie communale ; la mesure avait obtenu l'appui du conseil provincial à une grande majorité, et était appuyée par des considérations autrement puissantes que celles qu'on invoque aujourd'hui.

Messieurs, l'honorable rapporteur de la section centrale voudrait qu'on examinât ce projet de loi, abstraction faite de l'idée d'une incorporation générale. Mais c'est vouloir l'impossible. En voyant le gouvernement autoriser un nouvel empiétement sur nos faubourgs, comment voulez-vous qu'on ne se demande pas quand et où cela s'arrêtera ?

On se montre donc bien injuste à notre égard quand on nous accuse en quelque sorte d'exciter la méfiance dos faubourgs contre la ville. Non, messieurs, ce n'est pas nous qui excitons cette méfiance, nous la constatons au contraire comme un fait fâcheux et déplorable, parce que ainsi que l'honorable rapporteur de la section centrale le reconnaît, l'entente entre (page 319) la ville et les faubourgs est non seulement utile, mais nécessaire, indispensable pour le développement régulier de l'agglomération bruxelloise ; mais cette méfiance est évidemment le résultat de l'intention annoncée par le gouvernement d'étendre de nouveau le territoire de la capitale en empiétant sur celui des communes suburbaines.

Comment, d'ailleurs, pourrait-on faire cesser cette méfiance ? Pourrait-on dire aux communes suburbaines : Soyez tranquilles ; on fait encore une entaille sur votre territoire, mais ce sera la dernière ! Evidemment,, cette observation ne leur paraîtrait pas sérieuse, on répondrait probablement : Oui aujourd'hui on invoque l'incorporation du Quartier Léopold pour justifier celle d'une partie du territoire d'Ixelles, et plus tard, pour opérer une troisième annexion d'une partie quelconque du territoire des faubourgs, on s'appuiera tout à la fois sur ce qui a été fait à l'égard du Quartier Léopold et à l'égard de la commune d'Ixelles.

Le principal argument de l'honorable rapporteur de la section centrale consiste à dire que nous nous trouvons dans une véritable impasse à laquelle il n'y a d'issue possible que par l'adoption du projet de loi, et cette impasse résulte d'un engagement que nous aurions pris envers la ville de Bruxelles.

Suivant lui, lorsque en 1861 nous avons consenti à ce que le gouvernement cédât à la ville de Bruxelles le bois de la Cambre, nous nous sommes engagés à abandonner à la ville la police de ce bois et de l'avenue, n'importe à quelles conditions et alors même qu'il serait nécessaire de réunir à la ville une partie considérable du territoire d’Ixelles.

Eh bien, messieurs, cet engagement n'existe en aucune façon. Je ne conçois vraiment pas comment arapporteur oit pu en faire la base principale de son argumentation. Pour prouver ce que j'avance, il suffit de faire en peu de mots l'historique de la loi de 1861, invoquée dans le rapport de la section centrale.

Voici ce que je lis dans l'exposé des motifs qui nous a été présenté par le gouvernement, dans la séance du 13 mai 1861 :

« MM. les bourgmestre et échevins de la ville de Bruxelles, en invoquant la nécessité de transformer le bois de la Cambre en promenade publique, comme conséquence de l'avenue qui se fait aux frais de l'Etat et de la commune, demandent que ce bois soit cédé gratuitement à la ville ou tout au moins moyennant une rente perpétuelle fixée à un taux fort modéré, à la charge par l'administration communale d'exécuter tous les travaux d'appropriation, et sous la condition que le bien cédé ne pourra jamais recevoir une autre destination. »

Ce passage nous indique clairement l'objet du projet de loi ; on a voulu poser un acte de bienveillance envers la ville de Bruxelles, mais dans tout l'exposé des motifs, que j'ai lu et relu plusieurs fois, il n'est pas un mot relatif à une cession de territoire ; pas même un mot relatif à la cession d'une autorité de police. Rien !

Et cependant le gouvernement nous dit qu'il nous présente ce projet de loi sur les instances faites par l'administration de la ville de Bruxelles. C'est la ville de Bruxelles qui demandait à pouvoir utiliser le bois de la Cambre comme promenade publique et n'y mettait aucune condition quelconque quant à une extension de territoire, ni quant à une extension de juridiction.

Maintenant ce projet qui se résumait en deux mots : Faire un cadeau à la ville de Bruxelles, nous fut présenté à la fin de la session, le 15 mai, et si j'ai bonne mémoire c'est le 17 ou le 18 du même mois que la Chambre a tenu sa dernière séance de la session de 1861.

Ce projet de loi a donc été déposé à la fin de la session, comme cela se fait en général pour les projets qui ne sont pis destinés à trancher des questions de quelque importance. Il fut si bien considéré comme tel, qu'il fut renvoyé non pas en sections, mais à une commission spéciale.

Dans cette commission on a effectivement soulevé la question de police et l'on en est arrivé à présenter un amendement qui était conçu, si je ne me trompe, à peu près en ces termes : qu'il serait attribué à la ville un droit de police sur le bois et sur l'avenue, comme si le terrain sur lequel ces promenades étaient établies faisaient partie du territoire de la ville.

Il n'était aucunement question d'une cession de territoire ; il n'y avait autre chose que l'attribution d'un droit de police.

Voici ce que proposait la commission, et elle le justifiait en très peu de mots, en disant que la ville de Bruxelles était chargée de la surveillance et de la police de la promenade, que par conséquent, il était nécessaire qu'elle pût exercer cette surveillance et cette police à titre d'autorité.

Messieurs, il y avait dans cette considération plus d'une erreur.

D'abord, il aurait fallu distinguer entre l'avenue et le bois. Aucune disposition quelconque ne mettait à charge de la ville la dépense pour la police de l'avenue, qui était, en réalité, étrangère au projet de loi, la disposition du projet de loi qui mettait à charge de la ville les frais de surveillance et de police se rapportant exclusivement au bois de la Cambre.

Ensuite, dire que la dépense est à la charge de la ville ou dire que la ville est chargée de la police, ce sont deux choses essentiellement différentes. Vous allez le comprendre.

Dans le régime forestier par exemple, les frais de surveillance des bois communaux sont à la charge de la commune, et cependant ce n'est pas la commune qui est chargée de la police, c'est le gouvernement qui l'exerce pour elle, qui fait l'avance des frais et qui se fait rembourser par la commune propriétaire.

Vous voyez donc qu'il y avait des objections à faire contre les motifs indiqués par la commission. Cela n'eut pas lieu, parce que l'amendement fut retiré et que dès lors la discussion eût été sans objet, et à la fin des sessions surtout on n'est pas disposé à discuter sans nécessité.

Mais comment peut-on raisonnablement soutenir que la Chambre ait pris un engagement quelconque en vertu d'un amendement qui a été retiré ?

On insiste cependant et l'on vous dit : Mais le gouvernement et la commission, organe de la Chambre, ont été d'accord pour faire la déclaration suivante : « Il faut que la police du bois de la Cambre et de l'avenue appartienne à la ville de Bruxelles, et il y aura une loi pour régler ce point. »

Supposons qu'il en soit ainsi ; mais je me demande où est l'engagement de la Chambre. On nous dit que la commission était l'organe de la Chambre, mais il s'agit de s'entendre à cet égard.

Une commission chargée d'examiner un projet de loi n'est aucunement l'organe de la Chambre pour contracter des engagements. Elle n'a aucune qualité quelconque pour lier la Chambre. Elle n'a qu'un seul mandat, qu'une seule mission, celle de préparer les solutions et de les soumettre à la Chambre, qui les adopte ou les rejette.

Et dans le cas dont il s'agit la Chambre n'a pas eu à se prononcer sur les propositions faites par la commission spéciale puisque ces proportions ont été retirées. Comment donc y aurait-il, de sa part, quelque chose qui ressemble à un engagement ?

Il n'y a, en réalité, qu'un seul engagement et il a été rempli. C'est celui qu'a pris le gouvernement de présenter un projet de loi.

Mais parce que la Chambre a entendu en silence la déclaration faite par le gouvernement qu'un projet de loi serait présenté, vous me direz qu'implicitement elle s'est engagée à voter ce projet de loi ! Cela n'est pas soutenable. Avec une pareille doctrine, les attributions de la Chambre n'auraient plus rien de sérieux.

Ainsi donc cet argument est absolument dénué de fondement.

Le gouvernement lui-même semble en être convaincu, car dans l'exposé des motifs il n'a pas insisté sur cette considération à laquelle l'honorable rapporteur a donné une importance qu'elle ne mérite pas, dont il a fait la base de toute son argumentation.

Messieurs, l'honorable M. Jamar a reconnu, ce qui était d'ailleurs évident, que les conditions relatives à la construction de l'avenue ont été complètement réglées par une convention intervenue entre le gouvernement et la ville au mois de janvier 1859 et que dans cette convention il n'y a rien qui puisse donner un titre quelconque à la ville de Bruxelles pour réclamer soit une extension de territoire, soit une extension de juridiction.

La ville n'a en aucune façon élevé cette prétention à cette époque. Elle ne l'a pas élevée non plus, lorsqu'il s'est agi d'obtenir du gouvernement la cession du bois de la Cambre, et sous ce rapport j'avais parfaitement raison de dire que les considérations que l'on avait fait valoir étaient des considérations ex-post facto qui s'appuient uniquement sur des faits accomplis, et pas autre chose.

En définitive, il ne reste qu'un seul argument, c'est celui tiré des nécessités de la police. Eh bien, cet argument n'est pas plus sérieux que les autres.

D'abord veuillez remarquer que sous ce rapport on ne doit pas confondre l'avenue et le bois. On a toujours l'adresse de confondre ces deux choses, qui sont essentiellement distinctes quant aux nécessités de police.

Quant à l'avenue, il est stipulé formellement, dans l'acte du mois de janvier 1859 que je viens de citer, qu'elle appartient à la grande voirie.

Sous ce rapport, elle rentre dans la même catégorie qu'une foule d'autres routes faisant partie de la grande voirie et aboutissant à la capitale ; or ces voies de communication, en général, sont soumises à l'autorité du gouvernement en ce qui concerne la police du roulage et de la voirie, et sous tous autres rapports à la police exercée par les autorités locales. Il y a cette seule différence : c'est que l'avenue sera une route plus large que les autres. Dès lors la circulation y sera plus facile, et il y aura moins de précautions de police à prendre ; il n'y a donc rien ici qui (page 320) nécessite un régime spécial et qui soit de nature à légitimer une extension de juridiction de la part de la ville de Bruxelles.

Mais, dit-on, vous reconnaissez vous-mêmes l'insuffisance de la police locale, puisque vous allez jusqu'à dire qu'il faudra de temps à autre requérir la gendarmerie et même la garnison pour maintenir le bon ordre. On a, sous ce rapport, exagéré beaucoup la portée de mes observations, et je crois que l'honorable M. Jamar a voulu plaisanter un peu quand il dit : « Mais il sera sage alors, quand le soleil brillera le matin à l'horizon, les dimanches et les jours de fête, de requérir ces utiles auxiliaires (la gendarmerie et la garnison), car pendant les belles journées du printemps, de l'été et de l’automne, la population se portera en foule vers le bois. »

Je le répète, c'est là une exagération. J'admets parfaitement que dans les circonstances que l'honorable membre indique, une très grande foule se portera vers le bois de la Cambre. Mais cette foule sera composée en général de gens paisibles, dominés par le désir de jouir des agréments de la campagne et qui auront à leur disposition un espace de terrain considérable qui leur permettra de se promener sans encombre et de circuler librement ; il serait parfaitement inutile et même ridicule d'étaler un grand luxe de police pour empêcher cette multitude de promeneurs de troubler l'ordre public.

Je n'avais évidemment en vue que les circonstances tout à fait extraordinaires et exceptionnelles qui ne pourront se présenter que très rarement, et j'ai dit qu'alors la commune d'Ixelles pourrait faire ce que fait la ville de Bruxelles et demander aussi l'assistance de la gendarmerie ou de la garnison ; il ne s'agit donc en aucune manière de changer ce qui se pratique aujourd'hui ni de faire retomber les frais de police à la charge du gouvernement. C'est une interprétation forcée que mes observations n'autorisaient aucunement.

D'ailleurs, la commune d'Ixelles reconnaît formellement la nécessité d'augmenter le personnel de sa police pour faire face aux nouveaux besoins résultant de l'avenue de la Cambre ; une résolution très positive a été prise à cet égard.

Mais, dit-on, Ixelles n'a pas de ressources pour donner suite à cette résolution. Eh bien, je n'hésite pas à déclarer que cette objection n'est pas sérieuse, et pour en faire justice il suffit de faire remarquer que d'après les renseignements mêmes consignés dans le rapport de la section centrale le fonds communal seul procure chaque année à la commune d'Ixelles un accroissement de ressources de 15 à 16 mille francs.

Mais ce qui est vraiment étonnant, c'est qu'en ce qui concerne les nécessités de la police, dont on parle tant, on ne fasse pas attention aux inconvénients on ne peut plus grands qui résulteront de la circonscription territoriale si bizarre qui nous est proposée. D'abord vous avez deux enclaves, condition détestable sous le rapport de la police et que l'on s'est efforcé partout de faire disparaître ; ensuite la partie de terrain qu'on veut annexer à Bruxelles n'a presque pas de largeur et se prolonge à trois quarts de lieue ou même à une lieue de distance de la ville.

Les agents chargés de faire la police sur cette languette de territoire seront complètement isolés de leur centre d'action, et quand ils auront besoin de secours, ils ne pourront pas même appeler la police du voisinage, qui serait sans qualité pour leur venir en aide.

Ensuite, il y a cette bizarrerie que l'honorable rapporteur lui-même a fait ressortir, à l'entrée de l'avenue, au Quartier-Louise, la chaussée et les deux trottoirs qui la bordent seront soumis à trois polices différentes ; la chaussée, proprement dite, appartiendrait à la police de Bruxelles, l'un des trottoirs à la police de Saint-Gilles, et l'autre à la police d'Ixelles. Loin donc que l'intérêt d'une bonne police puisse être invoqué en faveur du projet de loi, cette considération devrait aussi nous déterminer à le rejeter.

Messieurs, j'ai parlé de l'avenue en particulier, et je dis que sérieusement l'on ne peut pas soutenir que la commune d'Ixelles ne soit pas à même de faire la police. Au contraire, il est évident qu'elle se trouve, à cet égard, dans des conditions plus favorables que Bruxelles.

Quant au bois, c'est une position tout à fait spéciale, je l'admets. Mais tout propriétaire de bois sait que ce genre de propriété est soumis à des frais particuliers de surveillance et de police, qu'à cet égard on ne peut pas se contenter de la police locale ordinaire, mais qu'on est obligé de s'imposer des sacrifices pour instituer des gardes particuliers ; de manière donc qu'on n'a fait qu'appliquer les dispositions du droit commun en disant dans la loi de 1861 que Bruxelles aurait à subvenir aux dépenses de surveillance et de police du bois de la Cambre, on n'a fait que stipuler une condition inhérente à ce genre de propriété. Il n'y a là rien d'extraordinaire, rien surtout qui puisse légitimer une annexion de territoire.

Mais, dit-on, il faut que la ville de Bruxelles soit à même d'exercer cette police dont elle doit supporter les frais, et, sous ce rapport, l'annexion est indispensable. D'abord, si cette observation était fondée, elle s'appliquerait uniquement au bois et en aucune manière à l'avenue, et puisqu'on ne recule pas devant les enclaves, il faudrat faire alors dubois de la Cambre une enclave appartenant à la ville de Bruxelles ; mais il est évident que nous ne sommes pas réduits à cette extrémité ; car enfin, il n'est pas possible, il ne serait pas raisonnable de supposer que la commune d'Ixelles refuse jamais d'agréer les agents que la ville de Bruxelles jugera convenable d'instituer pour surveiller le bois de la Cambre.

Je crois qu'il faudrait tout au moins attendre qu'une pareille éventualité se présente, et elle ne se présentera pas, car elle est par trop contraire au bon sens ; mais indépendamment de cela, il y a moyen de remédier à tous les inconvénients qui ont été signalés et de mettre la ville de Bruxelles à même de surveiller parfaitement le bois de la Cambre sans recourir à cette mesure extrême et odieuse d'une annexion et voici comment :

On doit évidemment considérer, comme formant une catégorie à part, les propriétés d'agrément que les communes possèdent en dehors de leur territoire et qui sont mises à l'usage du public ; eh bien, on pourrait faire une loi destinée à soumettre ce genre de propriétés à un régime particulier, ayant certaine analogie avec le régime forestier qui s'applique aussi spécialement aux bois communaux situés même en dehors du territoire des communes propriétaires. Ce régime particulier serait basé sur les principes suivants :

1° Les communes possédant ce genre de propriétés régleraient toutes les conditions quelconques auxquelles le public aurait à se soumettre ;

2° Ces conditions réglementaires seraient soumises à l'approbation du gouvernement, qui serait autorisé à leur imprimer le caractère de règlements de police, en établissant, suivant la gravité des faits prévus, des pénalités contre les contrevenants ;

Et 3°, le gouvernement serait encore autorisé à agréer, même sans l'intervention di l'autorité locale, les agents nommés par la commune propriétaire ou usufruitières, et ces agents seraient ainsi investis d'une véritable autorité qui leur permettrait non seulement d'exercer la police, mais même de requérir au besoin la force publique, ainsi que cela a lieu pour les agents forestiers.

Ce système, qui ne peut soulever aucun scrupule de constitutionnalité, donnerait même à la ville de Bruxelles plus de garanties pour la bonne surveillance du bois, que l'annexion, puisque les agents seraient ainsi investis d'une autorité plus étendue et plus efficace. Les pénalités, au besoin, pourraient aussi être plus élevées.

Vous voyez donc, messieurs, que la nécessité que l'on invoque et qui pourrait seule justifier une atteinte aussi violente à l'autonomie communale, que cette nécessité n'existe en aucune manière et que sans annexion il y a moyen de régler le point qui a été tenu en réserve, c'est-à-dire de conférer à la ville la police du bois.

L'honorable rapporteur termine son travail par une hypothèse qui est en quelque sorte une menace. Que feriez-vous, dit-il, si la ville ne voulait pas continuer les travaux, si elle laissait cette magnifique promenade inachevée ?

Ici, messieurs, distinguons encore une fois entre l'avenue et le bois. Quant à l'avenue, la ville n'a pas le droit d'abandonner les travaux, elle est tenue de les achever, en vertu d'un engagement très formel, en vertu de l'arrêté royal de 1859, qui accorde à la ville un subside considérable ; la ville a accepté toutes les conditions stipulées dans cet arrêté et s'est engagée incontestablement à exécuter tous les travaux nécessaires à l'avenue, suivant les indications du gouvernement, suivant les plans approuvés par le gouvernement. Il y a même à remarquer que la ville est un peu en retard, car, aux termes de cet arrêté, les travaux devraient être achevés depuis plus de deux ans. Voici, en effet, ce que porte l'article 4 de la convention dont je viens de parler :

« Les travaux seront complètement achevés dans le délai de trois années à dater du présent arrêté. »

Eh bien, messieurs, ces trois années sont révolues depuis le 11 janvier 1862. C'est en 1859 que l'engagement a été pris. Je dis que si le gouvernement voulait intenter à la ville une action en dommages-intérêts, cette action serait beaucoup mieux fondée que celle que l'honorable M. Jamar voudrait intenter à la législature.

M. Ortsµ. - On a intenté l'action à la ville de Bruxelles, et la ville a obtenu gain de cause. (Interruption.) Il y avait la même convention et la ville a gagné son procès.

M. de Naeyer. - La ville a accepté la convention ; elle doit l'exécuter et étant mise en demeure elle ne pourrait pas reculer. Je ne connais pas les arrangements faits avec des particuliers, mais vis-à-vis de (page 321 l'Etat l'engagement est positif et ne saurait être sujet à la moindre contestation sérieuse.

M. Jamar, rapporteur. - Nous sommes d'accord, quant à l'avenue sur l'obligation où la ville se trouve de continuer les travaux.

M, de Naeyerµ. - Ainsi donc, sous ce rapport, il n'est pas à craindre que les travaux ne s'achèvent pas.

Maintenant vous me direz qu'il n'en est pas de même pour le bois et l'honorable M. Jamar nous demande sérieusement : « Que fera le gouvernement de ce parc inachevé ? Reboisera-t-il les avenues, les pelouses ; remblayera-t-il les pièces d'eau ? »

D'abord, messieurs, je ferai remarquer en passant que ces pièces d'eau n'existent pas encore et que dans tous les cas il ne serait pas nécessaire de les remblayer, car si je suis bien informé elles seront à sec à moins d'être alimentées continuellement par les eaux de la ville qui, à ce qu'il paraît, sont sur le point de devenir insuffisantes pour les usages aux quels elles étaient primitivement destinées.

Mais, messieurs, il y a, sous ce rapport, une réponse péremptoire : L'obligation qui incombe incontestablement à la ville d'achever la construction de l'avenue est une garantie bien suffisante, qu'elle ne laissera pas en souffrance les travaux relatifs à la transformation du bois. Car ne le perdons pas de vue, la ville elle-même a réclamé la cession du bois pour le transformer en promenade publique comme conséquence de l'avenue. Ceci est dit textuellement dans l'exposé des motifs de 1861, et encore une fois, il n'était pas question alors d'une cession de territoire.

S'il en était autrement, il faudrait supposer qu'on a spéculé en quelque sorte sur l'annexion du territoire, sans oser le dire d'abord et que cette idée ne s'est fait jour qu'à la longue, qu'elle ne s'est produite que lorsqu'on a pu croire que la menace de ne pas achever les travaux servirait de passe-port à l'annexion.

Eh bien, une pareille supposition n'est évidemment pas admissible, et je suis, pour ma part, pleinement convaincu que la ville ne se mettra pas ainsi en contradiction avec elle-même et qu'elle ne fera pas l'avenue, obligation à laquelle elle ne peut se soustraire, sans faire également ce qu'elle considérait comme le complément en quelque sorte indispensable de l'avenue ; elle ne poserait pas un pareil acte d'administration, qui serait critiqué à juste titre.

Je crois donc que cette hypothèse ou menace ne doit en aucune façon nous préoccuper. Pour ma part, je ne lui trouve aucun caractère sérieux.

En définitive, il n'existe aucune nécessité quelconque de poser un pareil précédent pour la première fois ; car jamais nous n'avons songé à enlever une commune le quart de son territoire, malgré ses protestations, malgré l'avis défavorable du conseil provincial. Un pareil précédent serait fâcheux en Belgique, parce qu'il ferait douter de notre respect pour l'autonomie communale que nous devons tous considérer comme un principe sacré.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, je prends immédiatement la parole pour tâcher de ramener la question sur son véritable terrain. L'honorable orateur qui vient de se rasseoir a traité des questions de principe que personne ne songe à contester, mais qui ne trouvent pas spécialement leur place dans le débat actuel.

Il s'agit ici, avant tout, d'une question de bonne foi.

Le projet de loi soumis à la Chambre en ce moment est, si je puis m'exprimer ainsi, un projet de loi d'exécution.

En effet, messieurs, ce projet n'a d'autre but que de rendre possible l'exécution complète de la loi du 2 juin 1861, qui a cédé à la ville de Bruxelles le bois de la Cambre pour en faire un parc et une promenade publique ; mais il s'agit d'exécuter cette loi conformément à son esprit et conformément à ce qui a été entendu lors de la discussion de 1861. En examinant le projet de loi dont elle est saisie, la Chambre doit donc tenir compte de ce qui s'est passé avant le vote de la loi primitive.

Quoi qu'en dise l'honorable M. de Naeyer, des précédents existent et ils ne peuvent être ni oubliés ni niés. Le rapport de la section rappelle nettement ce qui a eu lieu dans cette enceinte lorsque la loi primitive a été mise en discussion.

Permettez-moi, messieurs, de vous relire quelques passages de cette discussion et vous serez convaincus, comme moi, que la Chambre doit tenir compte des précédents.

En 1861, la commission chargée de l'examen du projet de loi sur la cession du bois de la Cambre, proposa un amendement. Cet amendement est ainsi conçu :

« La forêt concédée et l'avenue qui y conduit seront, en ce qui concerne la police, soumis à l'autorité communale de Bruxelles, comme si le terrain que ces promenades, occupent faisait partie du territoire de Bruxelles. »

M. de Naeyer. - Cet amendement a été retiré.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Oui ; mais nous verrous tout à l'heure pourquoi.

Cet amendement était clair ; le bois de la Cambre et l'avenue qui y conduit étaient, quant à la police, soumis à l'autorité communale de Bruxelles.

L'honorable ministre des finances demanda, il est vrai, que cet amendement ne fût pas adopté, mais il fit cette demande non parce qu'il ne partageait pas, quant au fond, l'opinion de la commission, mais pour un tout autre motif. Mon honorable collègue déclara en termes formels qu'il était bien entendu que la police du bois et de l'avenue qui y conduit appartiendrait à la ville de Bruxelles, comme si ce bois et cette avenue faisaient partie du territoire de la capitale.

M. de Naeyer. - Sauf l'approbation de la Chambre ; la Chambre n'est pas liée.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Sans doute. Je ne conteste pas l'omnipotence de la Chambre, je rappelle les précédents ; je laisse la Chambre juge de la question de savoir si, eu égard à ces précédents, on veut venir changer aujourd'hui ce qui a été admis alors, au moins tacitement.

Je disais donc que le gouvernement admettait en principe la proposition de la commission ; s'il en demanda l'ajournement, ce fut par suite d'un scrupule constitutionnel. L'honorable ministre des finances disait :

« Quant à la disposition qui tend à conférer un droit de police à la ville de Bruxelles, le gouvernement a des scrupules constitutionnels sur le caractère de cette disposition et il prie la commission de vouloir retirer cet amendement.

« Il y aura lieu à une loi particulière pour régler ce point. »

Or, messieurs, c'est aujourd'hui que nous faisons la loi particulière pour régler ce point, et j'espère vous démontrer tout à l'heure que ce point ne peut être réglé autrement que par la loi que nous vous avons présentée.

L'honorable ministre des finances ajoutait :

« Je reconnais qu'il est indispensable que la police soit exercée dans le bois de la Cambre et l'avenue par la ville de Bruxelles. »

Enfin l'honorable rapporteur de la commission, répondant à M. le ministre des finances, disait :

« Le gouvernement et la commission spéciale sont parfaitement d’accord qu'il faut que la police du bois de la Cambre et de l'avenue appartienne à la ville de Bruxelles. Mais ils ne sont pas d'accord sur le moyen propre à atteindre ce but...

« Dans cet état de choses, et devant la déclaration du gouvernement qu'il présentera à la session prochaine une loi spéciale destinée à trancher cette question dans un moment plus opportun, la commission retire l'article additionnel qu'elle avait proposé. »

Ainsi donc, il y avait accord entre le gouvernement et la commission spéciale. L'amendement n'a pas été mis aux voix ; il a été retiré en présence de ces déclarations, et pas une parole de protestation n'a été prononcée dans cette Chambre. Si l'on peut, dans une circonstance quelconque, appliquer le principe « Qui ne dit mot consent », on peut dire qu'ici la Chambre a ratifié tacitement l'espèce d'entente qui s'était établie entre le gouvernement et la commission.

A droite comme à gauche, sur tous les banes, on a paru d'accord sur ce point, que la police du bois et de l'avenue qui y conduit serait exercée par la ville de Bruxelles. Et c'est après ces déclarations, sanctionnées en quelque sorte par le silence de la Chambre, que la ville de Bruxelles, de bonne foi, loyalement et honnêtement, s'est engagée dans des dépenses considérables et qui, si je ne me trompe, s'élèvent déjà aujourd'hui à près de deux millions, tant pour le bois que pour l'avenue.

Après cette discussion et le vote de la loi de 1861, qu'a fait le gouvernement ? Mon honorable prédécesseur, M. Rogier, s'est empressé de se conformer à ce qu’il croyait être les intentions de la législature, au moins de la Chambre des représentants, car avant même que la loi fût soumise au Sénat, l'honorable M. Rogier écrivit à la ville de Bruxelles pour l’engager à faire dans le plus bref délai possible une demande d'incorporation du bois de la Cambre et de l'avenue ; cette demande fut formulée ; on la soumit au conseil provincial qui n'émit pas un avis favorable.

Depuis cette époque et ensuite de ce vote, le cabinet actuel, et moi en particulier, nous avons cherché par quel moyen il serait possible de nous conformer aux intentions de la Chambre, c'est-à-dire de donner à la ville de Bruxelles l'autorité et la police sur le bois et sur l'avenue ; nous avons recherché surtout s'il serait possible, constitutionnellement, de faire face à ces nécessités sans recourir à l'incorporation. Car, messieurs, permettez-moi de vous le dire, nous ne sommes pas plus que vous partisans (page 322) du système des annexions plus ou moins violentes d'une partie de commune à une autre.

Si nous avions trouvé un autre moyen de donner à la capitale l'autorité qui lui est nécessaire, nous l'eussions certainement adopté de préférence à l'incorporation.

Nous avons examiné la question sous toutes ses faces ; j'ai, quant à moi, consulté les jurisconsultes les plus habiles, et tous m'ont déclaré qu'il n'existait aucun moyen constitutionnel de donner à la ville de Bruxelles juridiction, autorité et police sur un territoire autre que le sien.

MjTµ. - Cela est évident.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Nous avons cherché ce moyen ; nous ne l'avons pas trouvé.

On a indiqué plusieurs expédients, car les moyens que l'honorable M. de Naeyer vient encore de proposer ne sont pas autre chose.

On a dit d'abord : Qu'on nomme des gardes-bois, ils feront la police. Mais, messieurs, les gardes-bois ne peuvent faire qu'une police limitée, spéciale, déterminée, relative, celle qui incombe en quelque sorte à leur emploi. D'un autre côté, le droit de nommer des gardes-bois n'implique pas une autorité absolue et spécialement le droit de réglementation.

Or, il est évident que la ville de Bruxelles doit avoir la puissance de faire des règlements communaux pour la surveillance de l'avenue et du bois. Elle doit avoir le droit, par exemple, de déterminer les heures d'ouverture et de fermeture du bois, les conditions dans lesquelles la promenade sera accessible aux voitures. Eh bien, on peut avoir le droit de nommer des gardes-bois sans avoir pour cela le droit de réglementation, qui est indispensable.

Mais, nous dit-on, avec l'honorable M. de Naeyer : « Que la ville de Bruxelles nomme les agents de police, et que la commune d'Ixelles les agrée. » Messieurs, c'est là un moyen purement factice, et ce moyen n'est pas admissible. Comment voulez-vous qu'une commune soit en quelque sorte subordonnée à l'autorité du bon vouloir d'une autre commune, quant à l'admission de ses agents de police ? Je ne pense pas que jamais en Belgique on consente à faire une telle position à aucune commune.

Il y aurait là pour l'autorité communale vassale quelque chose d'humiliant ; le système pourrait même être insuffisant, car, dans un cas donné, la commune d'Ixelles, par exemple, pourrait parfaitement refuser d’agréer tels ou tels agents nommés par la ville de Bruxelles ; il y aurait donc là une source de conflits que nous croyons devoir prévenir et qu'on ne pourrait éviter.

L'honorable M. de Naeyer nous dit encore : Mais qu'on fasse une loi spéciale ; que, par une loi spéciale, on donne à la ville de Bruxelles l'autorité, la police et la surveillance.

M. de Naeyer. - Je n'ai pas dit cela.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Vous dites que l'on pourrait édicter des peines par une loi. Eh bien, je crois que cela serait impossible et parfaitement inconstitutionnel. Il est impossible de donner à une commune le droit d'exercer la police sur le territoire d'une autre commune, car les citoyens qui habitent celle-ci n'auraient aucune action sur l'administration qui exercerait sur eux la police.

Dans notre système communal, messieurs, la principale garantie des administrés c'est l'élection ; or, si une commune étrangère venait à un titre quelconque faire la police chez une autre, quelle action auraient les habitants de celle-ci contre l'administration de cette commune étrangère dont les membres seraient élus par des électeurs étrangers ? Tous les expédients sont donc inefficaces.

Comme je l'ai dit en commençant, messieurs, je pense qu'il s'agit avant tout ici d'une question de bonne foi ; et que, pour la juger sainement, il faut tenir compte de tous les antécédents. Je ne prétends pas que la Chambre soit liée ; je ne prétends pas qu'elle ne puisse pas revenir sur ce qui a été fait, mais je persiste à croire qu'il faut tenir grandement compte de ce qui a été fait ; je dis qu'il faut surtout tenir compte à la ville de Bruxelles des immenses sacrifices qu'elle s'est imposés sous la garantie en quelque sorte de ce qui s'est payé à l'origine de cette affaire.

Le gouvernement même, avant de vous présenter ce projet de loi, a cherché, comme je l'ai dit, s'il n'y avait pas d'autre moyen de donner la police à la capitale ; il a fait plus, il a cherché à concilier les communes intéressées ; pour ma part, j'ai secondé des négociations assez nombreuses avec les administrations communales de Bruxelles et d'Ixelles. Ces négociations n'ont pas abouti ; je le regrette vivement, car il m'eût été infiniment plus agréable de pouvoir vous présenter un projet de loi accueilli par toutes les parties intéressées, Mais n'ayant point réussi, le gouvernement a pensé qu'il fallait en finir de cette question fort importante et qui laisse en souffrance de très grands intérêts.

Messieurs, l'honorable M. de Naeyer a présenté plusieurs objections qui, comme de coutume du reste, doivent avoir fait une certaine impression sur la Chambre. Je demanderai la permission de les rencontrer brièvement.

Dans une note insérée au rapport de la section centrale, on se plaint vivement de la configuration qu'aura le territoire de Bruxelles.

On nous dit ; Vous adaptez une longue queue (le mot y est) à la ville de Bruxelles ; cette queue va s'élargissant à mesure qu'on s'éloigne de Bruxelles et fait ressembler cette ville à une comète. J'avoue, messieurs, que sur le plan la configuration nouvelle de la capitale est peu régulière ; j'avoue encore qu'il eût mieux valu pouvoir éviter cela. Mais quel a été notre but ? lia été, comme je l'ai dit, d'incorporer à la ville de Bruxelles le moins possible du territoire d'Ixelles. Ainsi, d'après le premier projet d'annexion, la configuration du territoire de Bruxelles eût été beaucoup meilleure ; mais il comportait l'incorporation de 500 à 600 hectares.

Aussi le gouvernement a-t-il préféré un plan plus rationnel à un plan plus régulier ; et il a choisi celui qui ne donnait à la capitale que la zone de terrains strictement nécessaire.

On nous dit encore : Ixelles proteste, Ixelles ne veut pas qu'on lui prenne une partie de son territoire ; vous proposez une mesure de violence.

Mais, qu'il me soit permis de le demander aux honorables membres qui siègent ici depuis longtemps, est-ce que jamais un démembrement de commune a eu lieu sans protestation de la part de cette commune ? Quand il s'est agi du Quartier-Léopold, dont on parlait tout à l'heure, il y a eu aussi des réclamations nombreuses.

Mais la législature, en pareil cas, juge s'il y a des raisons d'un ordre supérieur pour déroger aux principes ordinaires. C'est ainsi que l'annexion du Quartier Léopold, malgré l'opposition très vive qu'elle rencontrait, a été votée par 75 voix contre 5.

L'honorable membre nous dit encore qu'il n'y a pas d'analogie entre l'incorporation du bois de la Cambre et celle du Quartier-Léopold ; que l'annexion actuelle serait bien plus considérable, que l'on veut enlever à la commune d'Ixelles le quart de son territoire.

Je ferai remarquer d'abord que le territoire que l'on propose de donner à Bruxelles se compose de campagnes, d'un territoire purement rural ; et ensuite que dans le territoire à incorporer est compris le bois lui-même, où il n'y a aucune habitation ; c'est à-dire qu'on n'incorpore que la partie du bois de Soignes cédée à la ville et une partie rurale destinée à une promenade publique qui doit servir à tout le monde.

Le conseil provincial, je le sais, n'a pas, dans cette circonstance, comme dans d'autres, émis un avis favorable. Mais veuillez remarquer, messieurs, que le projet de loi que nous soumettons à la Chambre est bien différent de celui qui a été rejeté par le conseil provincial. Par ce dernier projet on annexait à Bruxelles, la station du Midi avec les terrains y contigus, une partie du territoire de Saint-Gilles ; et la commune de Saint-Gilles demandait à être annexée tout entière.

L'annexion qu'on proposait était une annexion qu'on pourrait appeler générale et en tout cas considérable. Entre le projet présenté aujourd'hui et celui-là il n'y a pas la moindre analogie. On craint que le projet présenté ne soit un acheminement à l'incorporation de tous les faubourgs à la ville de Bruxelles, cette crainte est chimérique et ce qui se passe en ce moment devrait rassurer tout le monde à cet égard.

Le gouvernement réduit autant que possible les terrains à incorporer à la ville de Bruxelles ; la Chambre s'est déjà prononcée sur l'incorporation générale et je ne pense pas qu'on soit disposé à revenir là-dessus. Aujourd’hui l'incorporation générale aurait très peu de chances de réussir.

M. Ortsµ. - Je voterais contre.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - La ville de Bruxelles a-t-elle intérêt à incorporer les communes suburbaines ?

Qu'aurait-elle à y gagner ? Ce qu'elle gagnerait en étendue territoriale, elle le perdrait en liberté. Il n'entrera dans la pensée de personne de maintenir la ville de Bruxelles aussi étendue sous le régime communal actuel ; la ville de Bruxelles perdrait donc son caractère de commune, elle devrait être soumise à un régime spécial ; elle perdrait une partie de ses libertés, de ses prérogatives. La ville de Bruxelles, mue par ces considérations, n'insisterait pas pour obtenir une incorporation plus générale.

La ville de Bruxelles, dit-on, est rapace, elle veut voir augmenter le produit de ses impôts. Il n'est rien messieurs. La ville, en acceptant le (page 323) lourd cadeau du bois de la Cambre, a compris que, comme capitale, elle avait des devoirs spéciaux ; elle a voulu les remplir, et je l'en félicite.

Il n'y a dans la demande de la capitale aucune idée d'intérêt mesquin. Son but est de faire une œuvre digne d'elle, digne de la capitale de la Belgique,

Mais, dit-on, quand on exproprie un particulier pour cause d'utilité publique, on lui donne une juste indemnité. Vous expropriez Ixelles, donnez-lui une compensation ; vous ne lui donnez rien ! C'est là une erreur, messieurs. D'abord Ixelles reçoit la capitalisation des impôts qu'elle perd par l'annexion ; elle recevra un capital et elle n'aura plus aucune charge. Ce capital sera, je pense, de 60 à 80 mille francs.

Ensuite cette promenade magnifique, grande artère, donnera une plus-value considérable aux terrains contigus à l'avenue ; les terres qui se vendaient il y a cinq ou six ans 25 à 50 c. le pied, se vendent aujourd'hui 2 fr. 50 à 5 fr., tt même au-delà ; les terres arables qui se vendaient de 15,000 à 20,000 fr. l’hectare, se vendront de 200,000 à 300,000 fr. quand ces terrains arables deviendront des terrains à bâtir ; et puis lorsqu'on aura élevé des bâtisses sur les terrains aujourd'hui cultivés, le produit des impôts communaux s'augmentera dans des proportions considérables, il en résultera pour Ixelles une amélioration très réelle, très grande de sa situation financière.

Aujourd'hui déjà l'ouverture imparfaite de l'avenue exerce sur les finances d'Ixelles une notable influence ; sa part dans le fonds communal s'est élevée de 75,000 à 108,000 francs en trois ans, et si l'on compare cette progression à celle des autres communes du pays, on voit que la progression pour Ixelles est plus rapide que pour les autres localités du royaume.

A quoi cette augmentation est-elle due ? Evidemment aux constructions nombreuses qui s'élèvent aux abords de la nouvelle avenue et du bois transformé en parc.

La Chambre, qu'elle me permette d'insister sur ce point, ne peut oublier aujourd'hui ce qui s'est passé lors du vote de la loi portant cession du bois de la Cambre à la ville de Bruxelles ; elle ne peut méconnaître non plus qu'il y a des raisons d'équité qui commandent de tenir compte des sacrifices énormes que la capitale fait dans l'intérêt général.

Les faubourgs de leur côté et Ixelles surtout ne doivent pas se montrer égoïstes en présence de pareils fails. Placés à la porte de la capitale, les faubourgs jouissent gratuitement de tous les avantages que Bruxelles peut offrir à ses habitants ; les communes suburbaines, loin de se mettre en opposition contre la ville de Bruxelles, devraient comprendre que cette ville, comme capitale du royaume, doit jouer un rôle important, qu'elle a des obligations spéciales, et qu'il faut l'aider à les remplir.

Messieurs, ne vous exposez pas, en rejetant la loi, à faire ajourner des travaux utiles dont l'achèvement est désiré par tous ; ce serait un fait regrettable à tous les points de vue. J'espère donc que la Chambre voudra bien donner son assentiment au projet tel qu'il est amendé par la section centrale.

M. Delaet.µ. - D'après les explications que, vient de donner M. le ministre de l'intérieur, nous ne serions pas régulièrement saisis du projet de cession.

Répondant à l'honorable M. de Naeyer, qui a dit que le projet de loi qui avait été repoussé par le conseil provincial, l'honorable ministre de l'intérieur a dit qu'il ne s'agissait pas du tout du projet de loi que nous discutons, mais d'un projet de loi comprenant l'incorporation de la station du Midi et de la commune de Saint-Gilles tout entière et de l'avenue du bois de la Cambre.

Or l'article 83 de la loi provinciale dit : « Le conseil provincial donne son avis sur les changements proposés pour la circonscription de la province, des arrondissements, cantons et communes et pour la désignation des chefs-lieux. »

Je crois donc que pour voter régulièrement ce projet de loi, il serait utile, nécessaire même de le renvoyer au conseil provincial pour avis spécial.

MfFOµ. - C'est une très fausse application de la loi.

MpVµ. - La motion d'ordre de M. Delaet tend à ajourner le projet de loi et à le renvoyer au conseil provincial.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, la proposition que fait l'honorable M. Delaet ne me semble pas motivée. Ou je me suis mal expliqué ou j'ai mal compris. J'ai dit que la circonscription soumise aujourd'hui à la Chambre n'était pas exactement celle qui avait été soumise au conseil provincial. Cela est très vrai, le conseil provincial a été consulté sur un projet plus étendu.

M. Delaetµ. - Sur un autre projet.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Et il l'a rejeté. Mais il ne faut pas que l'avis du conseil provincial soit conforme à la proposition faite par le gouvernement. La Chambre n'est pas liée par l'avis des conseils provinciaux.

Dans le système de l'honorable M. Delaet, le droit d'amendement de la Chambre serait lui-même mise en cause. (Interruption.)

Ainsi, nous présenterions un projet de loi. Un membre, en vertu de son initiative, proposerait de l'étendre ou de le réduire et l'on dirait : Non, il faut d'abord consulter le conseil provincial.

Ce n'est pas ainsi, messieurs, que la loi provinciale doit être entendue.

MfFOµ. - Cela n'est pas sérieux.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - En tous cas, il vaut mieux ne pas admettre le projet de loi que de l'ajourner. La motion de l'honorable M. Delaet est en réalité une motion d'ajournement ; pas autre chose. Or, il est désirable que cette question soit tranchée. Elle peut l'être légalement et je crois que l'administration communale de Bruxelles doit désirer que cette affaire, qui traîne depuis quatre ans ait une fin.

Je prie donc l'honorable M. Delaet de retirer sa motion et de voter plutôt contre la proposition.

M. Delaetµ. - Je répondrai à M. le ministre de l'intérieur que j'ai fait ma proposition dans l’intérêt de la loi et non pas dans un but d'ajournement. Je préférerais, moi aussi, que la question fût vidée, et je votera contre le projet de loi.

Seulement M. le ministre de l'intérieur a dit que le projet de loi qui nous est soumis en ce moment n'a aucun rapport avec celui qui a été soumis au conseil provincial. J'ai pris bonne note de ses paroles, on peut les vérifier par la sténographie.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je me suis mal exprimé.

MfFOµ. - C'est une modification, un amendement.

M. Delaetµ. - On pourrait donc ainsi, si l'on voulait, se passer toujours de l'avis du conseil provincial, avis que nous ne devons pas suivre, mais que la loi nous oblige à demander.

Le gouvernement pourrait toujours déterminer le vote du conseil provincial soit en étendant, soit en réduisant les projets de loi qu'il a l'intention de présenter aux Chambres. (Interruption.)

Il est évident qu'il dépend du gouvernement d'induire le conseil provincial en erreur.

Ce n'est pas un simple amendement que de prendre le territoire de Saint-Gilles, la station du Midi et puis d'y annexer, en guise de queue, comme le disait l'honorable M. de Naeyer, l'avenue du bois de la Cambre.

Il est évident que si le conseil provincial avait été consulté seulement sur l'annexion de l'avenue du bois de la Cambre, nous aurions un avis sérieux, soit que le conseil repousse le projet, soit qu'il l'eût admis.

Aujourd'hui nous n'avons pas l'avis sérieux du Conseil provincial et je crois que par respect pour nos institutions provinciales, nous ne pouvons voter un proj-e de loi qui, selon moi, porte une atteinte grave â l'autonomie communale.

Nous porterions atteinte à deux principes à la fois, à l'autonomie communale et à la loi provinciale.

M. Jamar, rapporteur. - Messieurs, je pense, que l'honorable M. Delaet ne connaît pas bien les précédents mêmes du conseil provincial. L'honorable membre suppose que le conseil provincial n'a émis qu'un seul vote et il aurait, dans ce cas, parfaitement raison de dire que, dans ces condition-, le projet de loi qui nous est soumis contient des différences telles, qu'il serait sage de provoquer un avis du conseil provincial ; mais, je le répète, l'honorable M. Delaet perd complétement de vue que le conseil provincial s'est prononcé sur le projet de loi qui nous est soumis.

Deux ou trois votes ont été émis au conseil provincial.

Il y avait d'abord l’incorporation totale de Saint-Gilles, du bois de la Cambre et du hameau de Ten-Bosch. Il y a eu sur ce point un avis défavorable. Puis la question qui nous occupe en ce moment a été également soumise au conseil provincial, il a encore émis un avis défavorable.

Quant aux modifications apportées au projet par M. le ministre, elles ne me semblent pas assez importantes pour nécessiter un nouveau renvoi au conseil provincial.

M. de Naeyer. - Je voulais présenter une observation sur la proposition de l'honorable M. Delaet.

Les explications données par l'honorable rapporteur sont exactes. Il est vrai que le projet de loi qui a été présenté au conseil provincial était plus étendu que celui dont nous sommes saisis en ce moment, mais on a procédé au conseil provincial par division. Il y a eu un vote spécial pour (page 324) l’incorporation de Saint-Gilles, un vote spécial pour l'incorporation de l'avenue et du bois de la Cambre.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je l'ai encore réduit dans les limites du strict nécessaire.

M. de Naeyer. - Puisque vous avez dit que c'était une question de borne foi, pouvez-vous de bonne foi douter un seul instant du rejet de votre projet par le conseil provincial s'il eût été conçu comme il l'est en ce moment ? Je dis, moi, qu'il n'y a pas le moindre doute à cet égard.

MfFOµ. - Vous pouvez le supposer.

M. de Naeyer. - Ce n'est pas une supposition, mais une certitude.

- Plusieurs voix à gauche. - Soit, nous l'admettons.

M. de Naeyer. - Je voulais seulement faire remarquer qu'en nous disant que le projet de loi n'était pas le même que celui qui avait été soumis au conseil provincial, M. le ministre de l'intérieur voulait établir que le rejet de ce projet par le conseil provincial eût été douteux.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Vous pouvez croire que le conseil provincial ne l'adopterait pas. Moi, je puis croire qu'il l'adopterait.

MfFOµ. - Cela ne fait rien à la question.

M. de Naeyer. - La proposition spéciale d'incorporation du bois de la Cambre, de l'avenue et de ses abords a été rejetée.

MfFOµ. - Donc, il n'y a pas lieu à ajournement.

M. de Naeyer. - Si vous aviez eu des motifs de doute, vous auriez consulté de nouveau le conseil provincial. Vous avez pu le faire à la session de 1863.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Pour vous faire plaisir, nous n'en doutons pas. Nous admettons que la proposition eût été rejetée.

M. de Naeyer. - Il est donc vrai que vous enlevez à une commune le quart de son territoire malgré l'opposition de cette commune et malgré l'opposition du conseil provincial.

Je dis que cela est sans précédents, que c'est pour la première fois que cela se fait en Belgique.

Messieurs, je ne sais pas si l'incident est clos et si je puis continuer.

MpVµ. - Vous avez la parole.

M. de Naeyer. - Je n'ai plus rien à dire sur l'incident.

M. Delaetµ. - J'aurai l'honneur de faire observer à la Chambre que si réellement il y a eu un vote de division au conseil provincial et que par conséquent je me suis trompé, c'est simplement sur la foi de l'affirmation très formelle de l'honorable ministre de l'intérieur qui nous a dit que son projet n'avait aucun rapport avec celui qui avait été soumis au conseil provincial.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Soit, j'admets que je me suis trompé.

M. Delaetµ. - En ce cas, et sur cette affirmation nouvelle, je retire ma motion ; maos j'ai à faire observer que l'argument principal de M. le ministre de l'intérieur tombe en même temps que ma motion d'ordre.

MpVµ. - La discussion générale continue. La parole est à M. Le Hardy de Beaulieu.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je compte répondre avec assez d'étendue au discours de M. le ministre de l'intérieur. Je suis contraire au projet de loi et je voudrais entrer dans d’assez longs développements. L'heure me paraît trop avancée pour prendre aujourd'hui la parole.

- Plusieurs voix. - A demain.

Motion d’ordre

M. Soenensµ. - A la séance de mardi, il vous a été donné cornmunication d'une pétition qui nous a été adressée par les habitants de Poelcapelle.

Je n'ai pas eu connaissance avant aujourd'hui de cette pétition, sur laquelle je prends la liberté de rappeler l'attention de la Chambre, çt demander à son égard un prompt rapport. Les habitants de Poelcapelle y réclament l'érection de leur hameau important en commune distincte.

- Plusieurs membres. - Il y a eu décision.

M. Soenensµ. - On m'a dit que les précédents de la Chambre permettaient de faire revenir là-dessus.

MpVµ. - Cette pétition pourra venir avec le temps.

Projet de loi allouant un crédit de 449,450 fr. au département de la guerre pour la confection de fusils

Dépôt

MfFOµ. - J'ai l'honneur de déposer un projet de loi qui alloue un crédit de 449,450 fr. au département de la guerre pour la confection de fusils.

C'est le remploi de fonds provenant de l'aliénation de fusils hors d'usage.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi ; la Chambre en ordonne l'impression et la distribution, et le renvoie à l'examen des sections.

- La séance est levée à quatre heures et demie.