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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 24 mai 1865

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1009) M. Thienpont, secrétaire, procède à l’appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants d'Hekelgem demandent la diminution des droits d'accise sur la bière. »

« Même demande d'habitants de Haut-Ittre. »

- Renvoi à la commission permanente d'industrie.


« Le conseil communal de Villers-la-Leue demande que le chemin de fer de Marbehan à Montmédy soit préféré à la ligne projetée d'Arlon à Montmédy. »

M. Bouvierµ. - Je demande le dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi de travaux publics.

- Ce dépôt est ordonné.

Motions d’ordre

M. Couvreurµ. - Dans les premiers mois de cette session un grand nombre de pétitions ont été adressées à la Chambre par des habitants de Bruxelles et des communes rurales demandant une édition flamande des Annales parlementaires. Jusqu'à présent aucun rapport n'a été fait sur ces pétitions. Ce retard s'explique par l'usage considérable qui est fait du droit de pétition auprès de la Chambre. Cependant, comme les pétitionnaires désirent une prompte solution et que la question offre un véritable intérêt, je demanderai à la Chambre si elle verrait des inconvénients à ce que le rapport fat déposé encore dans le cours de cette session.

M. Van Humbeeckµ. - Les pétitions dont parle M. Couvreur sont en mes mains, et je suis à la disposition de la Chambre ; je ferai rapport sur ces pétitions aussitôt qu'elle le désirera.

M. Hymans. - Puisqu'il s'agit des Annales parlementaires, je demanderai la liberté d'attirer l'attention de 1a Chambre sur la feuille qui a été distribuée ce matin.

Je crois que dans une discussion aussi importante que celle qui occupe l'assemblée, il est indispensable que le public puisse se rendre un compte exact de ce qui se dit à la tribune ; je crois surtout que les précédents de cette discussion pouvant être invoqués plus tard, devant l'être même, il est essentiel que le Moniteur ne soit pas émaillé de coq-à-l'âne comme ceux que j'ai constaté ce matin et dont je vais prendre la liberté de donner quelques spécimens à la Chambre afin de prouver que mes plaintes n'ont rien d'exagéré : A la page 1000, M. le ministre s'explique sur la question de complicité ; or je crois que si on demandait à M. le ministre de la justice ce que signifie le discours qu'on lui prête, il serait fort embarrassé de le dire. Vient après cela le discours de M. Delcour.

L'honorable rapporteur déclare que la commission a entendu laisser à la cour de cassation le soin d'appliquer les principes généraux du droit. On lui fait dire que la cour de cassation appliquera les principes généraux du droit.

M. Giroul prononce un discours qu'il termine par la proposition d’un amendement ; les Annales lui font dire : « Il me semble donc qu'il y aurait lieu de modifier l'amendement de M. Van Overloop et de le rédiger de la manière suivante.» Cette manière, je l'ai en vain cherchée, attendu qu'un discours de M. Vleminckx suit immédiatement.

Enfin, vient un discours de M. Orts où, entre deux paragraphes très intéressants relatifs au flagrant délit, je trouve cet alinéa dont j’ai en vain cherché le sens : « Je veux le pouvoir ! » Je ne sais quel est le genre de pouvoir qu’ambitionne mon honorable ami M. Orts, mais à coup sûr il a un droit, celui d'être compris dans les Annales, alors qu'il se fait si bien comprendre dans cette enceinte.

Il est indispensable, dans l'intérêt de la dignité de la Chambre et de l'intelligence de nos débats, que l'on prenne des mesures efficaces pour que de pareilles absurdités ne se reproduisent pas.

Pour le cas spécial et en attendant que nous révisions le règlement des Annales parlementaires, je demanderai qu'on corrige et qu'on réimprime la feuille distribuée ce matin. J'ajouterai qu'elle a été distribuée deux fois, et que la seconde édition contient autant de fautes que la première.

M. Rodenbachµ. - J'appuie la motion faite par l'honorable député de Bruxelles relative aux Annales parlementaires, car il est évident que plus de la moitié du pays parle le flamand. Sans doute, beaucoup d'habitants des Flandres connaissent le français, et cette langue est enseignée dans toutes les écoles des Flandres ; mais enfin il en reste encore un grand nombre qui ne connaissent que le flamand et nous ne devons pas avoir à leur égard les sentiments qui l'on trouve dans un fait posé par la régence de la capitale à propos du monument élevé aux comtes d’Egmont et de Hornes ; ces sentiments ne sont ni assez belges ni assez libéraux ; l'emploi de deux langues est en effet facultatif eu Belgique. Nous devons désirer que dans notre pays tout le monde connaisse les deux langues, mais nous n'en devons pas moins à nos concitoyens la publication des Annales dans ces deux langues.

M. Delaetµ. - Comme la Chambre le sait, la commission des pétitions m'a fait l'honneur de me nommer rapporteur pour les pétitions qui ont trait à la question générale de l'emploi de la langue flamande dans laquelle la question spéciale et restreinte de la traduction des Annales parlementaires en flamand est naturellement comprise. Mais il y a eu des pétitions insistant uniquement sur le point de détail pour lesquelles l'honorable M. Van Humbeeck a été nommé rapporteur.

Jusqu'ici je n'ai pas présenté mon rapport et je dois, à cette occasion, compte à la Chambre du retard qu'a éprouvé le dépôt de ce document.

La question flamande a été agitée très souvent dans cette enceinte ; elle le sera de nouveau probablement à l'occasion du rapport général dans lequel je me propose de faire en quelque sorte l'historique de cette question, de la résumer en entier et de formuler, en mon nom personnel si ce n'est au nom de la commission des pétitions, tous les griefs et toutes les exigences de la population flamande de ce pays. Cette question par elle-même est très vaste ; au point de vue national elle a la plus haute importance. C'est pourquoi, lorsque, tant de questions importantes aussi, mais ayant l’avantage de passionner la Chambre plus que ne le fait la question flamande, étaient portées ou maintenues à notre ordre du jour, je n'ai pas cru devoir déposer un rapport qui n'aurait pu avoir d'autre sort que d'être immédiatement condamné aux oubliettes.

Quand la question flamande se présentera, cette fois, devant la Chambre, j'espère qu'elle sera discutée à fond, largement et loyalement. Bien des choses ont été faites, entre autres par M. le ministre de l’intérieur ; mais bien plus de choses encore restent à faire dans son département et dans ceux de ses collègues. Si la session se prolonge, j'aurai l'honneur de déposer mon rapport cette année même ; si elle devait être close dans peu de jours, je me ferais un devoir de ne le déposer qu'au commencement de la session prochaine, si pourtant la Chambre n'en ordonnait autrement.

MpVµ. - Si j'ai bien compris, M. Van Humbeeck a rédigé son rapport, mais ne l’a pas encore soumis à la commission. M. le président de la commission des pétitions sera donc invité à saisir prochainement la commission de cet objet.

M. Delaetµ. - Je prierai la Chambre de bien vouloir ajourner la question spéciale des Annales parlementaire jusqu'à ce que la question générale soit discutée ; sans cela, nous allons avoir un demi-débat sur chaque objet, et il est à craindre que ce ne soient deux discussions étranglées, ce qui n'est désirable sous aucun point de vue.

M. Couvreurµ. - Je me radie parfaitement à la proposition du l'honorable M. Delaet.

MpVµ. - Il ne sera donc question de cette pétition que quand le rapport sera fait sur la question générale. Quant à l'observation de l'honorable M. Hymans, il y sera fait droit par la réimpression de la feuille des Annales parlementaires dont il a parlé. (C'est cela !)


(page 1010) M. Pirmez. - Messieurs, il y a une dizaine de jours déjà, M. le ministre des finances a déposé sur le bureau un projet de loi portant réduction des péages sur les voies navigables. Jusqu’à présent ce projet de loi n’a pas été distribué. J’ai porté l’attention de MM. les questeurs sur ce point, je les prie de vouloir bien faire accélérer l’impression et la distribution de ce projet de loi autant que cela dépendra d’eux.

MfFOµ. - Messieurs, le projet de loi n'est pas très long ; l'épreuve m'en a été soumise, et la distribution en aura lieu incessamment. Ce qui a pu causer ce retard, c'est que l'on imprime en même temps les procès-verbaux de la commission spéciale qui s'est occupée de cette affaire.

MpVµ. - Ainsi cette distribution sera faite le plus tôt possible.

Nous passons au premier objet à l'ordre du jour.

Projet de loi relatif aux délits commis par les ministres hors de l’exercice de leurs fonctions

Discussion des articles

Article 2

M. Van Overloopµ. - Messieurs, le but que j'ai eu en vue, en proposant mon amendement à l’article 2, sera en grande partie atteint par celui que M. le ministre des finances a proposé. Si ce dernier amendement est adopté par la Chambre. Grâce à l'addition des mots : « sauf le cas de flagrant délit prévu par le paragraphe premier de l'article 41 du code d'instruction criminelle, » nous ne verrous pas au moins le scandale d'un ministre qui, venant de commettre un crime, pourrait, selon la pittoresque expression de l'honorable M. Vleminckx, se promener dans les rues de Bruxelles, les mains dans les poches, sans crainte d’être poursuivi.

Il reste cependant cette grande différence entre mon amendement et le projet de la commission, que, d'après mon amendement, la suspension des poursuites n'aurait lieu que pendant la durée de la session, tandis que d'après le projet de la commission, la suspension des poursuites dépendrait complètement de la volonté arbitraire de la majorité de la Chambre.

Or je demande à la commission s'il convient de laisser dépendre de la volonté arbitraire d'une majorité qu'un crime soit poursuivi ou ne le soit pas ?

Remarquez que l'action publique, du chef d'un crime, se prescrit au bout de 10 ans, et du chef d'un délit au bout de trois ans. Cette prescription pourra-t-elle être interrompue et comment, puisque l'instruction ne peut être commencée sans l'autorisation de la Chambre ?

Si donc pendant trois ans la Chambre refuse l'autorisation de poursuivre un ministre, du chef d'un délit, qu'arrivera-t-il ? C'est qu'au bout de ces trois ans, un ministre ne pourra plus être poursuivi ; il y aura prescription.

La commission l'entend-elle ainsi ?

Quant à moi, je préférerais qu'il y eût une limite de suspension déterminée et que Ia prescription au moins ne pût pas être atteinte par l'inertie de la Chambre, si je puis m'exprimer ainsi. Je retirerai donc mon amendement et je me rallierai très volontiers à celui qu'a si bien développé notre honorable collègue M. Giroul, amendement d'après lequel la Chambre devrait déterminer le délai pendant lequel les poursuites devraient être suspendues.

Une autre singularité du projet de loi, singularité qui est assez grande, c'est qu'il dépendra de la volonté du Roi que la loi ait son cours ou ne l'ait pas. Si le Roi veut démissionner un ministre, ce ministre tombe sous le droit commun. Il est immédiatement poursuivi devant les tribunaux ordinaires. Si au contraire le Roi ne démissionne pas son ministre prévenu, qu'arrivera-t-il ? C'est que la loi n'aura pas son cours.

Ainsi nous allons remettre à la volonté du Roi, à la volonté du chef du pouvoir exécutif, la question de savoir si un ministre sera ou ne sera pas poursuivi.

Je ne sais pas, encore une fois, si une telle conséquence est jamais entrée dans les vues du Congrès national.

C'est tout ce que j'avais à dire au sujet de mon amendement, que je retire, puisqu'il y a été fait droit en partie au moyen de l'amendement proposé par l’honorable ministre des finances, et qu'il se confond, quant à un second point, avec celui qui a été développé par l'honorable M. Giroul.

Je ne puis cependant terminer sans faire toutes mes réserves et les réserves les plus complètes, contre la théorie qu'a développée hier l'honorable ministre des finances.

Remarquez, et je ne fais que cette observation, que d’après cette théorie, les ministres ne sont plus les instruments du Roi, mais les représentants du pouvoir exécutif. Ce sont les propres termes employés par M. le ministre des finances.

Eh bien, c’est là une théorie que « les anciens maires du palais n’auraient pas répudiée. »

M. Coomansµ. - J'ai été heureux de voir le gouvernement se séparer de la commission spéciale et se rendre à notre avis en ce qui concerne la nécessité de l’arrestation des ministres en cas de flagrant délit.

Je trouve tout simple que l’honorable M. Vleminckx ait retiré son amendement ; mais je ne crois pas me tromper en supposant que l’honorable député de Bruxelles a eu la ferme intention d'assimiler les ministres aux membres des deux Chambres quant au flagrant délit. Je constate avec empressement un signe d'assentiment que fait l'honorable membre. Dès lors, il faut une explication catégorique.

Si le gouvernement reconnaît que l'interprétation qu'il donne aux mots « flagrant délit » sera la même pour les membres des deux Chambres que pour les ministres, je n'ai rien à ajouter et je serai satisfait.

Le silence du gouvernement me satisferait également, car j'y donnerai une interprétation favorable.

Si, au contraire, il y avait une dissidence d’interprétation, si dans la pensée du gouvernement, les ministres devaient être privilégiés, je m’y opposerais pour différentes raisons et principalement pour l’honneur des principes. Je crois qu’il est tout à fait impossible que nous admettions la moindre différence entre nous et les ministres en ce qui concerne l’immunité dont il s’agit.

Le but principal que j'avais en demandant la parole est d'obtenir à cet égard une explication formelle, nette et franche.

M. Jacobsµ. - Messieurs, tant que la commission maintenait entier son système d'exiger une autorisation pour poursuivre un ministre coupable d'avoir commis un crime ou un délit hors de l’exercice de ses fonctions, elle était logique, aussi logique que moi qui n'en requiers dans aucun cas.

Mais dès qu’on y fait brèche, dès qu'il s'agit de tracer une ligne de démarcation, dès qu’il s'agit d'exiger dans certains cas l'autorisation et de ne pas l’exiger dans d'autres, il surgit autant de propositions que d’orateurs, la discussion s'embrouille et devient confuse.

M. le ministre des finances, dans son discours d'hier, est parti de ce point de départ que les adversaires de l'article premier comme de l'article 2 seraient guidés par l'idée que la commission a eu l'intention de créer un privilège en faveur de la personne des ministres.

Telle n'est pas, messieurs, la raison de mon opposition à ces articles ; je m'élève contre le régime exceptionnel qu'on crée.

Le Congrès a proclamé une règle : l'égalité des Belges devant la loi ; il y a établi plusieurs exceptions : l'article 90, la responsabilité ministérielle ; l'article 45, l'inviolabilité parlementaire ; les tribunaux militaires et les tribunaux de commerce.

Ce sont les seules exceptions déterminées par le Congrès. Je ne l'en blâme pas, mais je ne reconnais pas à la Chambre le droit d'en ajouter d'autres pour les ministres ou pour tous autres citoyens.

Le Congrès n'a pas voulu qu'une autorisation fût requise pour poursuivre les délits commis par les ministres, hors de l'exercice de leurs fonctions ; j'en trouve la preuve dans l'article 45 qui n'étend pas aux ministres la disposition relative aux membres des Chambres, et dans l'article 24 qui porte : « Nulle autorisation préalable n'est nécessaire pour exercer des poursuites contre les fonctionnaires publics, pour faits de leur administration, sauf ce qui est statué à l'égard des ministres. »

Il n'a supposé la possibilité d'une autorisation que pour les faits d'administration.

Je n'examine donc pas s'il y a avantage ou désavantage, pas plus que je n'ai pesé les garanties qu'offraient d'une part la cour de cassation et d'autre part le jury ; je constate que le Congrès n'a pas ajouté ces exceptions aux autres, et c’est là le motif de mon opposition.

M. le ministre a indiqué différentes règles spéciales qu'on suit dans la poursuite de personnes revêtues d'un mandat public, soit dans l'ordre judiciaire, soit dans la législature, soit dans l'ordre administratif, du chef des délits commis par elles dans l'exercice de leurs fonctions. Le magistrat ne peut être pris à partie qu'en suivant des formalités minutieuses. Les membres de la Chambre ne peuvent être traînés devant les tribunaux pendant la durée de la session ; les ministres ne peuvent être décrétés d’accusation que par la Chambre et devant la cour de cassation, mais remarquez, messieurs, que cela ne concerne que les actes posés dans l’exercice des fonctions publiques ; quant aux actes poses hors de l'exercice de ces fonctions, il n'y a qu'une seule exception au droit (page 1011) commun, la nécessité de l’autorisation pour poursuivre un membre de la législature pendant la session. Le Congrès n’en a pas voulu d’autres.

Il se trouvait devant une incontestable nécessité, car l’arrestation de plusieurs membres de la Chambre pourrait y modifier la majorité, pourrait priver certains arrondissements de ceux qui doivent défendre leurs intérêts spéciaux. Pour les ministres, au contraire, je me suis demandé en vain d’où naît la nécessité impérieuse de ne pas les laisser détenir préventivement.

Je comprends qu'il peut y avoir une certaine utilité à ne pas changer de ministre, à ne pas avoir d'intérim, je n'y vois point une de ces nécessités devant lesquelles tout doit plier.

A entendre M. le ministre des finances, les pouvoirs publics doivent être respectivement indépendant l'un de l'autre, et cependant le moyen qu'il appuie n'atteint pas ce but.

Le pouvoir exécutif ne sera pas plus indépendant si l'amendement est adopté que s'il ne l'est pas ; au lieu d'être subordonné au pouvoir judiciaire seul, il le sera au pouvoir judiciaire et au pouvoir législatif. Loin d'être indépendant, il se trouvera sous une double dépendance.

Du reste, messieurs, l’indépendance est impossible et elle ne peut exister pour aucun pouvoir.

Les magistrats sont attraits devant les tribunaux sans aucune garantie spéciale pour les faits commis par eux hors de l'exercice de leurs fonctions. Il en est de même pour les membres de la Chambre en dehors du temps de la session.

Les cultes aussi doivent être libres et cependant les autorités religieuses ne sont pas indépendantes des autorités civiles ; les ministres du culte sont attraits devant les tribunaux civils et l'on peut les appréhender au corps, suivant l'expression de M. le ministre des finances.

MfFOµ. - Ce ne sont pas des pouvoirs.

M. Jacobsµ. - C'est possible, quoiqu'on se serve généralement de l'expression « indépendance réciproque des pouvoirs spirituel et temporel » ; mais ils pourraient se prévaloir de la théorie de M. le ministre des finances pour confondre l'indépendance complète avec la liberté et pour revendiquer des tribunaux ecclésiastiques. (Interruption.)

Je ne le demande pas, mais c'est là une preuve que liberté et indépendance ne sont pas synonymes et que l'indépendance n'est pas plus nécessaire, pas plus possible pour le pouvoir exécutif que pour le pouvoir judiciaire, pour le pouvoir législatif et pour les autorités religieuses.

M. Coomansµ. - Il n'y a que les sauvages qui soient indépendants.

M. Jacobsµ. - Du reste, les exceptions qui entament le principe, de l'aveu de la commission, montrent bien qu'il n'y a pas là une nécessité fatale.

La première exception concerne le flagrant délit, et j'ouvrirai une parenthèse pour m’étonner de ce que les honorables MM. Vleminckx et Orts se soient ralliés à l'amendement de M. le ministre des finances.

La principale raison qu'il ont donnée est un exemple, celui du duc de Praslin. Or, ce cas est précisément celui qu'exclut l'amendement du ministre des finances : le cas de flagrant délit pour lequel les éminents jurisconsultes qui siégeaient à la chambre des pairs ont tous admis que l'arrestation est indispensable, est celui où le coupable est poursuivi par la clameur publique et non celui oh le délit se commet ou vient de se commettre.

Ainsi, première exception pour le flagrant délit, seconde exception pour la contrainte par corps, troisième exception pour l'exécution de la peine d'emprisonnement.

Je suis donc en droit de contester cette nécessité, et s'il ne s'agit que d'imaginer des hypothèses invraisemblables, je supposerai un général en chef, un commandant d'armée duquel dépendrait jusqu’à un certain point la sécurité du pays, il peut cependant se trouver sous le coup d'un mandat d'arrêt et aurait devant un juge d'instruction. Que ne crée-t-on une exception pour lui ? Si vous ne le faites, c'est que vous devez admettre que vos hypothèses, comme celles que je viens de faire, sont impossibles et en dehors de la réalité des faits. Ce qui prouve qu'elles sont peu pratiques, c'est que dans d'autres pays on n'a pas éprouvé la nécessité de les établir et qu’aucun abus ne s’est produit.

J’ai déjà cité l’exemple de l’Angleterre et M. le ministre des finances m’a répondu en citant l’exemple de l’Amérique. L’un est aussi concluant que l’autre l’est peu.

Je disais qu'en Angleterre, même pour certains faits commis par les ministres dans l'exercice de leurs fonctions, aucune autorisation n'était nécessaire, qu'elle ne l'était pas pour une arrestation arbitraire, qu'il n'y avait accusation politique que pour haute trahison, malversation ou concussion.

En voici un exemple :

Vers le milieu du siècle dernier, un membre du parlement, nommé Wilkes, député de Westminster, avait attaqué le souverain dans un journal.

Lord Halifax, secrétaire d’Etat, lança un mandat général, general warrant, contre lui ; et son secrétaire M. Wood présida à la saisir des papiers de Wilkes. Celui-ci assigna Wood devant la cour des plaids communs et le fit condamner à 1,000 guinées de dommages-intérêts.

Le solicitor général, l'un des deux officiers du ministère public, ou plutôt de la couronne en Angleterre, dans sa plaidoirie s'exprima en ces termes :

« Si la Constitution a été attaquée d'une matière aussi audacieuse, pourquoi ne pas amener devant la cour le secrétaire d'Etat lui-même ? »

L'officier de la couronne constatait donc le droit d'attraire, pour des faits posés dans l'exercice de leurs fonctions, les ministres eux-mêmes devant les tribunaux ordinaires sans autorisation préalable.

Je répète que je ne vais pas jusque-là ; je laisse en dehors les faits commis dans l'exercice des fonctions ; je ne demande la suppression de l'autorisation que pour les crimes et délits commis par les ministres comme individus et non comme ministres.

M. Frère-Orban a cité plusieurs lettres de Jefferson, desquelles il résulte que ce président de la grande fédération américaine avait refusé de comparaître en justice comme témoin ailleurs que dans la capitale de la Confédération ; qu'en outre, il avait refusé de remettre aux tribunaux tous les papiers d'Etat indistinctement. M. le ministre des finances, assimilant le président de la république aux ministres constitutionnels, tirait argument de ce fait.

Je lui retondrai que si parfois on a admis dans les républiques la responsabilité du président, parfois aussi on ne l'a pas admise : les consuls n'étaient pas responsables, le président de la république de 1848 l’était ; mais ce qui toujours a été admis, c'est qu'à côté des présidents, responsables ou non responsables, il y a des ministres responsables ; le président ne peut donc pas être assimilé au ministre d'une monarchie constitutionnelle.

MfFOµ - Il n'y a pas de ministres responsables aux Etats-Unis ; les ministres dans ce pays sont les simples secrétaires du président.

M. Jacobsµ. - Puisque M. le ministre des finances conteste ce que j'avance, je vais lui donner lecture de la quatrième section, article 2, de la Constitution des Etats-Unis :

« Les présidents, vice-présidents et tous les fonctionnaires civils pourront être renvoyés de leurs places, si à la suite d’une accusation, ils sont convaincus de trahison, de dilapidation du trésor public et d'autres grands crimes. »

MfFOµ. - Vous vous trompez encore ; qu'est-ce qu'un fonctionnaire aux Etats-Unis ?

M. Jacobsµ. - Tous les fonctionnaires civils aux Etats-Unis peuvent être accusés et traduits par la Chambre des représentants devant le Sénat pour les faits de responsabilité politique que je viens de lire. Cette responsabilité aux Etats-Unis est donc étendue plus loin qu'en Belgique.

M. Baraµ. - Ce n'est pas la responsabilité ministérielle.

M. Jacobsµ. - Pardon !

MfFOµ. - Mais non !

M. Jacobsµ. - Il s'agit évidemment d'une responsabilité politique.

MfFOµ. - Il s'agit de fonctionnaires qui tiennent leurs pouvoirs de l'élection.

M. Jacobsµ. - Le même article règle la responsabilité du président, du vice-président et des fonctionnaires, parmi lesquels les ministres, c'est la généralisation de la responsabilité politique qui, loin de se concentrer sur le président, s'étend à tous les fonctionnaires.

Ne cherchez pas à établir entre notre régime et la république un abîme, J'en appelle aux souvenirs des autres membres du Congrès, lorsqu'il s'est agi dans cette assemblée de faire choix d'une forme de gouvernement on hésitait entre la monarchie constitutionnelle et la république.

On considérait ces deux régimes comme séparés seulement par une nuance e M. Jean-Baptiste Nothomb qui pris une grande part aux discussions, qualifiait la monarchie représentative de monarchie républicaine.

En 1848, lorsque l’orage grondait à nos portes, ne disait-on pas que nous étions une république héréditaire, que la seule différence entre notre monarchie et la république était l’hérédité ?

M. le ministre des finances objecte que le président de la république (page 1012) américaine peut être destitué par le sénat et ensuite jugé comme un simple particulier.

Il ne m’est pas démontré que nous soyons totalement privé de ce droit vis-à-vis de la couronne. Lors de la révolution braançonne, les Etats ont déposé Joseph II ; en 1814, le sénat impérial a déposé l’empereur ; en 1830, nous avons prononcé la déchéance des Nassau.

MfFOµ. - Nous avons ce droit-là !

M. Jacobsµ. - Vous vous en étonner, M. le ministre. (Interruption.) Nous nous sommes lancés dans les hypothèses les plus invraisemblables, permettez-moi d'en faire également.

N'oubliez pas qu'au Congrès national, lorsque l'article 63 relatif à l'inviolabilité de la couronne a été discuté, une modification de rédaction a été proposée par M. Masbourg et adoptée par l'assemblée, précisément dans le but de ne pas trancher la question de déchéance possible. A cette occasion, M. Raikem, qui la combattait, s'exprimait ainsi :

« Un ancien législateur n'a pas voulu porter de peine contre le parricide parce que, selon lui, le parricide ne devait pas être prévu. Ne prévoyons pas dans la Constitution les cas de déchéance ; la responsabilité ministérielle bien établie doit nous suffire. Si la Constitution est violée, les ministres seront punis sans que le chef de l'Etat pût être atteint, à moins qu'il ne sorte lui-même de ses pouvoirs constitutionnels ; mais alors il ne serait qu'un simple particulier et ce que nous aurions pu prévoir dans la Constitution serait inutile. »

J'aurais voulu ne pas prévoir cette éventualité, mais enfin puisqu'on a cherché à établir une différence radicale entre le chef d'une république et celui d'une monarchie telle que la nôtre, puisqu'on a assimilé nos ministres à des présidents de république, j'ai bien le droit de dire qu'au Congrès on a réservé à la Belgique monarchique comme à l’Amérique républicaine le droit de prononcer la déchéance du chef de l'Etat et qu'on n'a pas résolu cet immense conflit possible entre la couronne et le pays.

MfFOµ . - C'est demander si on peut faire des révolutions.

M. Jacobsµ. - Qu'y puis-je faire ? On l'a demandé au Congrès, je le constate.

M. Dolezµ. - Le Congrès était pouvoir constituant.

M. Jacobsµ. - Pour revenir au cas qui nous occupe, je ne conçois pas que l'autorisation de la Chambre soit requise pour poursuivre les crimes et délits commis par les ministres hors de l'exercice de leurs fonctions.

Je n'admets pas, en matière non politique, cet empiétement de la Chambre sur les attributions du pouvoir judiciaire.

J'ai cité Benjamin Constant qui se servait pour qualifier cette immixtion d'un terme que je n'ai pas voulu m'approprier. Il déclarait qu'il était absurde que la Chambre autorise la poursuite d'un ministre qui aurait commis un crime en dehors de l'exercice de ses fonctions. Je me crois en compagnie assez libérale et démocratique pour ne pas craindre de desservir la liberté par mon amendement et j'espère que la Chambre voudra bien s'y associer.

M. Vleminckxµ. - M. Coomans m'a demandé si dans ma pensée mon amendement s'appliquait également aux membres de la représentation nationale. Je n'ai pas hésité à répondre qu'il ne pouvait pas en être autrement. (Interruption.)

Je m'étonne de ces interruptions car la Chambre l'a décidé en votant le titre II, chapitre II du Code pénal, dans lequel les mots « flagrant délit, » étaient entendus dans le même sens pour les ministres que pour les députés. (Interruption.)

J'ai dit que la Chambre et le gouvernement l'ont entendu ainsi ; c'est la seule observation que je fais. La Chambre l’a voté, je le lui rappelle. Si elle ne doit plus l'entendre dans le sens où elle l'a entendu naguère, le gouvernement voudra bien s'expliquer.

M. Giroulµ. - Avant de procéder au vote sur les divers amendements déposés, je tiens à ce que la question que la Chambre est appelée a résoudre soit bien élucidée.

Personne n'a combattu l'amendement que j'ai présenté ; personne n'a signalé des inconvénients pouvant résulter de son adoption et l'honorable rapporteur de la commission a gardé un silence prudent sur la portée de l'article 2 du projet tel qu'il est libellé.

Afin que la Chambre puisse apprécier l'importance du vote qu'elle va émettre si elle adopte l'article 2 après avoir rejeté les divers amendements, je demanderai à l'honorable rapporteur de nous éclairer sur quelques points qui sont demeurés parfaitement obscurs, dans le rapport à l'aide auquel il cherche à justifier la disposition exorbitante, exceptionnelle dans notre législation, qui fait l'objet de l'article 2. L'honorable rapporteur s'exprime comme suit :

« Il est sans doute de l'intérêt gérerai que le ministre coupable d'un crime ou d'un délit soit livré aux tribunaux, car, comme je l’ai dit plus haut, personne ne peut prétendre à l'impunité en Belgique. Mais à côté de cet intérêt général vient se placer un autre intérêt public non moins respectable, celui de la complète liberté du ministre pour l'administration delà chose publique à un moment donné. C’est la Chambre des représentants qui est juge de ce dernier intérêt, devant lequel le premier paraît devoir céder dans certaines circonstances. Je suppose que le ministre de la guerre ait commis un délit ; la situation du pays est critique, lui seul peut pourvoir convenablement à sa défense. Ne faut-il pas, dans une situation aussi grave, que la Chambre des représentants puisse faire céder l'intérêt de la justice devant cet autre intérêt public plus puissant encore, l'intérêt de la défense de l'Etat et du salut public ? »

Ainsi, la seule justification de l'article 2 que puisse trouver l'honorable rapporteur consiste à dire que l'intérêt de la justice doit céder, dans certaines circonstances, à l'intérêt de la défense de l'Etat et du salut public.

J'ai dit hier et je répète aujourd'hui que je partage parfaitement sa manière de voir à cet égard, et je voterais même l'article 2 s'il se bornait à consacrer de telles dispositions. Mais il n'en est rien, messieurs ; cet article exige pour la poursuite ou pour qu'une instruction puisse être commencée, une autorisation de la Chambre sans limite de durée, sans qu'il soit spécifié dans quel but cette autorisation sera accordée ou refusée, en un mot, on prétend qu'il y a similitude avec l'article 45 de la Constitution relative aux prérogatives des membres des Chambres.

Messieurs, il n'y a ici aucune espèce d'assimilation possible ; pour les membres des Chambres, on suspend le cours de la justice pendant toute la durée de la session : pendant ce temps la prescription de l’action publique, selon moi, est suspendue ; elle appartient de nouveau au ministère publie, le lendemain du jour où la session est close ; l'action du ministère public reprend dès ce moment toutes ses prérogatives.

L'action judiciaire n'est donc que suspendue dans un intérêt social déterminé, en vertu d'une disposition constitutionnelle parfaitement justifiée, et le lendemain du jour où ce temps limité vient à cesser, l'action judiciaire commence. Les trois ans ou les dix ans pendant lesquels l'action publique peut s'exercer selon qu'il s'agit de délits ou de crimes, ne commencent, selon moi, que du jour où la session est close.

Or, d'après l'article de la commission, lorsque la Chambre aura refusé son autorisation, l'action publique cessera-t-elle complétement ?

N y aura-t-il plus lieu à revenir sur cette décision ; cette résolution de la Chambre statuant sur un crime ou sur un délit, se substituant à l'autorité judiciaire, empiétant sur les attributions de ce pouvoir et amenant la confusion de pouvoirs la plus complète qu'on puisse imaginer, cette intervention de la Chambre enrayera-t-elle complètement l'action de la justice ?

Voilà une première question que je soumets à l'honorable rapporteur de la commission et sur laquelle il importe qu'une explication nous soit donnée.

En outre, si l'action de la justice n'est pas complètement enrayée, si la décision de la Chambre ne fait que suspendre le droit de poursuites de la part du ministère public, quand cette suspension viendra-t-elle à cesser ?

Dans cette hypothèse, la prescription pénale prévue par le code d'instruction criminelle aura-t-elle son empire pendant tout le temps de la suspension, pendant tout le temps où la Chambre refusera son autorisation ?

Voilà une seconde question que je pose à M. le rapporteur et dont la solution est de nature à influencer considérablement le vote de la Chambre.

Je lui soumets une troisième question : si un ministre, en supposant que la Chambre décide que l'action publique peut se prescrire pendant le temps que durera le refus d'autorisation, un ministre vient à perdre ses fonctions ministérielles avant que la prescription de l’action publique soit arrivée à son terme, l'action judiciaire reprendra-t-elle son cours ?

Voilà une troisième question que je pose à l'honorable M. Delcour. S'il la résout affirmativement, s'il vient vous déclarer que, conformément à son exposé des motifs, il ne veut que suspendre momentanément l'action de la justice et qu'il ne veut pas la livrer complètement à l'arbitraire de la Chambre ; s'il vient dire que l'intérêt social est suffisamment sauvegardé dans cette hypothèse, alors il y a lieu de changer la rédaction de l'article, et mon amendement est parfaitement d'accord avec le sien, seulement mon amendement a l'avantage d'exiger que la Chambre détermine (page 1013) d'une manière claire et précise : en premier lieu, que c'est dans un intérêt social qu'elle assure momentanément l’impunité d’un ministre, ce qui est toujours un fait excessivement regrettable, nous ne pouvons pas nous le dissimuler. Mon amendement demande ensuite que ce privilège exceptionnel soit déterminé quant à sa durée et quant à ses motifs.

En outre, dans ma pensée, cette situation exceptionnelle créée par la Chambre laisse à l'action judiciaire le droit absolu d'agir. Après te temps pendant lequel cette suspension aura lieu, la prescription ne court pas ; en un mot l'action publique commence seulement à avoir cours légal, à dater du jour où la suspension vient à cesser.

Telles sont, messieurs, les questions sur lesquelles je crois qu'il est nécessaire qu'une explication franche et catégorique ait lieu, parce que, comme l'article est libellé, comme il semble devoir être compris à première lecture, il assure de la manière la plus complète le privilège de l'impunité pour les ministres.

Il suffira qu'une majorité complaisante, parfois on peut en trouver, décide qu'un ministre, manifestement coupable d'un crime ou d'un délit, ne doit pas être poursuivi et cela par des motifs qu'elle n'aura pas même à déterminer.

Une telle situation, messieurs, ne me semble point possible ; selon moi, nous ne pouvons édicter une pareille disposition dans une loi belge.

M. Delcour, rapporteurµ. - Il y a quelques jours, messieurs, on vous disait que le projet de la commission était une loi d'irresponsabilité ministérielle ; hier, l'honorable M. Vleminckx, reproduisant la même pensée, disait que le projet consacre l'impunité des ministres.

On vient de répéter, il n'y a pas un instant, que nous voulons l'inviolabilité des ministres. En vérité, messieurs, ces reproches m'étonnent, car à chaque page du rapport, la commission affirme de la manière la plus formelle et la plus précise qu'elle entend que le ministre prévenu d'un délit ordinaire reste sous l'empire du droit commun.

A la page 3, la commission expose le premier système d'interprétation auquel l'article 90 de la Constitution a donné lien.

C'est le système d'après lequel le ministre qui a commis un délit hors de l'exercice de ses fonctions ne peut, avant la loi spéciale qui doit être faite, être accusé par la Chambre des représentants, ni poursuivi par le magistrat auquel la loi a confié l'exercice de l'action publique. « Votre commission, dit le rapport, a repoussé, à l'unanimité, cette interprétation, qui conduirait à assurer l'impunité d'un ministre coupable d'ua délit ordinaire : tous les Belges sont égaux devant la loi, et la loi pénale est la même pour tous. La personne du Roi seule est inviolable en Belgique.»

Cette première citation établit de la manière la plus formelle quelles ont été les intentions de la commission.

A la page 8, le rapport ajoute :

« Il est sans doute de l'intérêt général que le ministre coupable d'un crime ou d'un délit soit livré aux tribunaux, car, comme je l'ai dit plus haut, personne ne peut prétendre à l'impunité en Belgique. »

Plus loin encore, se trouvent les paroles suivantes :

« La Chambre exprime cette souveraineté nationale à laquelle le ministre doit compte de ses actes et qui est seule juge, au point de vue de l'intérêt social, des nécessités qui pourraient exiger de suspendre le cours ordinaire de la justice. »

Peut-on être plus explicite ? Il est donc clair comme le jour que votre commission a voulu que le ministre qui a commis un crime ou un délit hors de l'exercice de ses fonctions soit placé sous l'empire de la loi commune.

Quelle était, messieurs, la mission de votre commission ? Mais de régler la juridiction compétente, d'établir les règles qui seront suivies devant cette juridiction ; le projet que nous avons eu l'honneur de vous proposer n'a pas d'autre but.

Dans la séance du 18 mai, j'ai exprimé la même pensée en ces termes :

« Il y a, messieurs, deux grands intérêts en présence.

« L'intérêt de la justice. Personne, quelque haut placé qu'il soit, ne peut se soustraire à la loi. Si un ministre enfreint la loi, il sera puni de la même peine que le dernier des citoyens. Ce principe nous l'avons maintenu ; le rapport en fait foi. »

Vous voyez, messieurs, par ces citations, combien est peu fondé le reproche qui a été adressé à votre commission. Non, elle n'a pas voulu l’impunité du ministre ; elle l'a laissé sous l'empire de la loi pénale commune.

Ce principe posé, quelles propositions étions-nous appelés à vous faire ? Nous devions, messieurs vous présenter un projet de loi ayant uniquement pour objet de déterminer la juridiction compétente. Et, dans la séance d'hier, la Chambre a décidé à une forte majorité que les crimes et délits commis par les ministres hors de l'exercice de leurs fonctions seraient déférés à la cour de cassation.

Restait un second point à régler : convient-il, en cas de poursuite, de laisser les ministres sous l'empire des règles ordinaires ? Ne faut-il pas au contraire leur accorder certaines garanties dictées par l'intérêt public, commandées par la haute position qu'ils occupent dans l'Etat ?

Votre commission a pensé, messieurs, que les ministres ont droit a des garanties spéciales, et elle vous a proposé de ne permettre leur mise en jugement sans l'autorisation de la Chambre des représentants.

- Un membre. - Nous sommes d'accord.

M. Delcour, rapporteurµ. - Je vous demande pardon ; je suis d'accord avec l'honorable M. Giroul et en partie avec l'honorable M. Van Overloop ; mais je suis en dissentiment complet avec l'honorable M. Jacobs.

L'amendement de cet honorable membre porte que nulle autorisation préalable n'est nécessaire pour exercer des poursuites contre des ministres pour faits étrangers à leurs fonctions.

Votre commission, messieurs, est d'un autre avis. Elle ne pense pas que vous puissiez permettre la poursuite d'un ministre, que vous puissiez permettre aucun acte d'instruction avant l'autorisation de la Chambre.

L'unique question qui se présente est celle-ci : Avons-nous bien fait, en exigeant l'intervention de la Chambre ? Avons-nous fait une chose utile, en plaçant le ministre sous la protection de règles spéciales ?

Je n'hésite pas, messieurs, à répondre affirmativement. Je comprends des divergences d'opinion sur ce point d'organisation ; mais j'espère vous démontrer que le projet de loi répond à des motifs d'un ordre supérieur.

Nous nous sommes posé une première question ici : si la Constitution ne permet ni d'arrêter ni de poursuivre en matière répressive, et pendant la durée de la session, les membres de l'une et de l'autre Chambre qu'avec l'autorisation de la Chambre dont ils font partie, n'existe-t-il pas des raisons analogues en faveur des ministres ? L'affirmative nous paraît certaine.

Mais, dit l'honorable M. Van Overloop, l'article 45 de la Constitution limite le privilège des membres de la Chambre à la durée de la session ; dès que la session est close, la loi commune reprend son empire, et le membre de la Chambre peut être mis en jugement comme tout autre citoyen.

Si la position des ministres était la mène que celle des membres des Chambres, tous n'aurions pas hésité de vous proposer de leur appliquer l'article 45 de la Constitution, mais il y a, entre ces deux situations, une différence immense. Pourquoi le .Congrès a-t-il proclamé le principe de l'inviolabilité des membres des deux Chambres ? Vous le savez tous, messieurs, c'est précisément afin de protéger les membres de la législature contre les tracasseries du pouvoir exécutif ; c'est surtout afin d'empêcher qu'un membre d'une des deux chambres ne soit, dans un moment donné, peut-être lorsque sa présence ou son vote serait de nature à déplaire au gouvernement ou à déplacer la majorité, ne soit arraché de son banc et traduit en justice. Eh bien, cette considération puissante n'a de valeur que pendant la durée de la session.

Dès que la session est close, le motif tombe et la raison du privilège cesse également.

En est-il ainsi des ministres ? Sans doute, pendant la durée de la session, les Chambres peuvent requérir les ministres, leur demander des explications. Mais, messieurs, je ne puis assez insister sur ce que les ministres ne sont pas de simples agents du pouvoir, sur ce qu'ils représentent le pouvoir exécutif, le gouvernement.

Le gouvernement est de tous les jours, de tous les instants ; l'exception doit donc être générale, et comprendre non seulement le temps de la session, mais le temps de la durée des fonctions ministérielles.

Je le répète, messieurs, on peut ne pas vouloir de l'autorisation de la Chambre ; mais je tiens à déclarer qu'aux yeux de votre commission, l'autorisation est un des principes essentiel du projet du loi ; rejeter ce principe, c'est faire, tomber le projet.

M. Jacobsµ. - Qu'il tombe !

M. Delcour, rapporteurµ. - On dit : Que le projet de loi tombe ! Je le veux bien ; mais l'opinion du mon honorable interrupteur n'est pas celle de la majorité de la Chambre. Rappelez-vous, messieurs, le vote d'hier sur le principe fondamental de la loi, principe qui a été admis par une majorité considérable ; qu'on ne vienne donc pas dire : Que le projet de loi tombe ! j'espère, moi, que la Chambre le maintiendra, et ne le laissera pas tomber.

Messieurs, on m'a posé différentes questions.

L'honorable M. Coomans vient de prier la commission de s'expliquer (page 1014) sur l’amendement de M. le ministre des finances, relatif au flagrant délit. Eh bien, je déclare, sans hésiter, que l’amendement a toutes les sympathies de votre commission. Quoique j’ai personnellement combattu le principe de l’amendement, je viens aujourd’hui pour vous donner une nouvelle preuve de l’esprit de conciliation qui m’anime, en présence de l’opinion qui s’est manifestée sur tous les bancs de la Chambre, vous dire que je m’y rallie. L’amendement de M. le ministre donne une pleine satisfaction à l’honorable M ? Vleminckx et à l’honorable M. Coomans.

Cependant, puisque je parle de flagrant délit et que j'ai été mis personnellement en cause, je vous prie, messieurs, d'écouter un instant quels ont été mes motifs.

Le premier de mes motifs a été la définition légale du flagrant délit donnée par le Code d'instruction criminelle. Cette définition va si loin qu'elle est considérée par des criminalistes des plus distingués comme contraire à la vraie théorie du droit, et comme dépassant le but que le législateur s'est proposé d'atteindre.

En présence d'une définition aussi dangereuse, pouvions-nous accorder au premier agent de la force publique venu le droit d'arrêter un ministre en flagrant délit de crime ?

A ce premier motif, j'en ajouterai un second, c'est celui de l'intérêt général ; je n'hésite pas à déclarer que la disposition du code criminel peut amener des résultats désastreux.

L'amendement de M. le ministre des finances lève toute incertitude. Nous savons quel flagrant délit ne peut être que celui qui se commet actuellement ; au moyen de cette définition, toutes les craintes que j'ai exprimées viennent à disparaître.

J'arrive aux questions spéciales.

Je tiens à bien vous faire connaître le rôle que joue l'autorisation de la Chambre dans la procédure.

Lorsque la Chambre est appelée à se prononcer sur la poursuite d'un ministre prévenu d'un délit étranger à ses fonctions, que fait-elle ? La Chambre se borne à autoriser la poursuite, mais elle ne juge pas, elle n'examine pas les faits, elle ne recherche pas la culpabilité des ministres ; elle n'apprécie pas les charges. Elle prononce sur ce seul point : Y a-t-il lieu, oui ou non, à autoriser la poursuite ?

Vous le voyez donc, messieurs, ce n'est pas un jugement que la Chambra est appelée à rendre. Le pouvoir judiciaire conserve toute la plénitude de son action et de son indépendance. L'autorité judiciaire recherchera les faits, elle recherchera si les faits imputés au ministre réunissent les conditions légales qui constituant le crime ou le délit.

La Chambre intervient donc exclusivement pour sauvegarder le grand intérêt national. Convient-il que le ministre soit mis en accusation, qu'il soit poursuivi dans telle ou telle circonstance ? Voilà tout ce que la Chambre a à décider.

Le caractère de l'autorisation bien compris, il est clair que toutes les questions de l'honorable M. Giroul disparaissent.

Encore une fois, nous ne préjugeons rien. Là est l'erreur dans laquelle verse l’honorable M. Giroul. Il s'imagine que l'autorisation de la Chambre préjuge la culpabilité du ministre : Il n'en est rien ; il n'y a ni instruction, ni jugement. L'autorisation est une mesure de protection organisée par la loi dans un but d'intérêt public.

Messieurs, ce n'est pas la première fois qu'on demande l'autorisation de certaines autorités pour exercer des poursuites contre les agents de la force publique.

Eu France, aucun agent du gouvernement ne peut être mis en jugement sans l'autorisation du conseil d'Etat ; mais il n'est jamais entré dans la pensée d'aucun jurisconsulte de considérer cette autorisation comme un jugement.

M. Giroulµ. - C'était un privilège.

M. Delcour, rapporteurµ. - C'était un privilège. Mais le même privilège est écrit dans la Constitution en faveur des membres de l'une et de l'autre Chambre. L'autorisation de la Chambre change-t-elle de nature, parce que nous vous proposons de l'appliquer aux ministres ? Evidemment non. Elle reste ce qu'elle doit être en vertu de la Constitution, ce qu'elle doit être en vertu des principes généraux du droit.

Je crois, messieurs, avoir répondu complètement aux observations de l’honorable M. Giroul. Je comprends que l'honorable membre n'admette pas mes observations, car il se trouve dans un tout autre ordre d'idées. Mais il n'en est pas moins vrai que dans le système de la commission, tout se tient, tout se lie.

L'honorable M. Giroul demande encore : Qu'arrivera-t-il si l'autorisation de la Chambre n'intervient pas ? Si l'autorisation n'est pas accordée, aucun acte d'instruction ne pourra avoir lieu.

M. Giroulµ. - D’une manière absolue ?

M. Delcour, rapporteurµ. - Permettez-moi. Le projet décide qu'on ne pourra faire aucun acte d'instruction, aucun acte de poursuite avant l'autorisation. En le décidant ainsi, le projet reste fidèle aux principes généraux du droit criminel. Car, vous savez aussi bien qui moi, messieurs, qu'une fois l'action publique engagée, aucune puissance ne peut plus l'arrêter. Il faudrait donc une règle absolue, afin d'empêcher la confusion des pouvoirs.

Je répondrai à un dernier peint.

L'honorable M. Giroul s'est demandé enfin : Je suppose que le ministre cesse de remplir ses fonctions avant d'avoir été mis en jugement, que décidera-t-on ?

Si le ministre cesse de remplir ses fonctions avant que la prescription de l'action publique se soit accomplie, conformément aux règles du code d'instruction criminelle, je dis qu'il tombera sous l'application du droit commun. Car le privilège de juridiction que le projet lui accorde, est un privilège personnel ; nous l'attachons aux fonctions ministérielles, la cause cessant, l'effet doit également cesser.

Il ne me reste plus qu'un mot à répondre à mon honorable ami, M. Jacobs.

M. Jacobs nous reproche d'avoir commis une inconséquence. Vous voulez bien, dit-il, protéger le ministre contre les poursuites en matière répressive ou contre une arrestation préventive, et lorsqu'il s'agit de la contrainte par corps, vous ne décidez plus rien.

Je suis étonné, messieurs, de ce reproche de mon honorable ami.

Que demande M. Jacobs ? Il demande qu'on applique au ministre le droit commun dans toute sa plénitude.

Eh bien, messieurs, nous qui faisons une loi pénale exclusivement relative aux crimes et délits commis par les ministres hors de l'exercice de leurs fonctions, pouvions-nous nous occuper de tous les cas d'arrestation qui peuvent se présenter ? Non, nous ne le pouvions pas.

Loin de critiquer le projet sur ce point, l'honorable M. Jacobs aurait dû se féliciter du silence que nous avons gardé, puisque, en l'absence d'une disposition formelle, le droit commun conservait son empire.

M. Lelièvre. - L'honorable M. Giroul a posé quelques questions qui ne me semblent pouvoir faire naître aucune difficulté sérieuse.

Si l'on exige l'autorisation de la Chambre comme une condition essentielle pour commencer les poursuites contre un membre, il est évident que la prescription ne peut courir jusqu'au moment où l'autorisation est accordée.

En effet la condition qui seule autorise la poursuite ne se réalisant qu'à cette époque, il n'est pas possible que la prescription coure alors que la partie publique ne peut exercer l'action en justice répressive. Il y a empêchement légal, et le principe admis à cet égard en matière civile est également applicable aux matières criminelles. Le cours de la prescription est suspendu dès qu'il y a impossibilité d'agir de la part des agents chargés de l'exercice de l'action publique.

M. Giroul a soulevé une autre question. Il demande si le ministre ayant commis un délit et venant à donner sa démission sera encore soumis à la juridiction privilégiée. L'affirmative me semble évidente. C'est l'état de choses existant au moment du délit qui seul doit être pris en considération et ce n'est pas un événement postérieur qui peut venir changer le régime créé par le délit.

La jurisprudence a consacré ce système. C'est ainsi que les magistrats, qui sont justiciables de la cour d'appel, aux termes de l'article 479 du Code d'instruction criminelle, continuent à jouir de la juridiction privilégiée, alors même que postérieurement ils auraient donné leur démission et perdu la qualité de magistrats.

Le même cas s'est présenté en France en 1830. Le comte de Kergorlay, pair de France, avait commis, par la voie de la presse, le délit d'offense envers la personne du roi. Postérieurement, il refusa le serment au gouvernement de Juillet et cessa d'appartenir à la pairie. Eh bien, la cour des pairs se déclara compétente pour connaître du fait imputé au prévenu, parce que c'est l'état de choses existant, lorsque le fait a été commis, qui règle la compétence et la voie à suivre sans qu'un événement postérieur, dépendait de la volonté du prévenu, puisse venir changer la juridiction. Sans cela, il dépendrait d'un inculpé de changer l'ordre des juridictions. Sur ce point, je ne puis partager l'opinion de l'honorable M. Delcour.

- Plusieurs membres. - La clôture !

M. Coomansµ. - Nous sommes en désaccord sur plusieurs points graves. Expliquons-nous.

Nous avons tous entendu avec intérêt les explications de l'honorable M. Delcour, mais je dois dire qu'il en est deux sur lesquelles je suis obligé de revenir. M. Giroul a demandé avec raison si le ministre ne (page 1015) pourra plus être poursuivi après le renvoi de la Chambre d’autoriser les poursuites ; si je comprends bien l’honorable M. Delcour, le refus de la Chambre n’empêche pas toute poursuite (un mot illisible). (Interruption)

Comment donc ! Quand(quelques mots illisibles) loi est rejetée, il est vrai que nous ne pouvons (quelques mots illisibles) dans la même session, mais nous pouvons la représenter dans la session suivante.

M. Delcourµ. - J’ai dit que c’était une simple autorisation.

M. Coomansµ. - Je sais bien que c’est pas un jugement. Dieu me garde d’aller si loin ; je sais bien que la Chambre se bornera à autoriser les poursuites sans rien préjuger ; mais je demande si le ministère public pourra dans la session suivante, lorsque la Chambre peut-être se sera repentie, lorsque le scandale aura pris des proportions extraordinaires, si le ministère public pourra reproduire la demande d’autorisation.

MfFOµ. - Ce sont là des choses évidentes.

M. Coomansµ. - Alors nous sommes d'accord.

Il est un deuxième point sur lequel je n'ai pas obtenu d'explications de la part de l'honorable M. Delcour, c'est celui de savoir s'il y aura un privilège, quant au flagrant délit, en faveur des ministres vis-à-vis des membres de la Chambre.

Cette question est fondamentale, je ne consentirai jamais à établir un privilège pour les ministres envers les membres de la Chambre, alors que, selon moi, il y a beaucoup moins de raisons pour établir ce privilège en faveur des ministres que pour l'établir en faveur des membres de la Chambre et j'en ai dit les motifs.

Il faut donc que l'on s'explique sur ce point : Le flagrant délit sera-t-il entendu dans le même sens pour les ministres que pour les membres de la Chambre ? (Interruption.)

Les uns disent : oui, les autres disant : non ; expliquons-nous. Il ne s’agit pas de faires des lois par prétérition et de fournir encore un aliment nouveau à la chicane avocassière.

Je crois vraiment que le gouvernement y met de l'amour-propre et cette fois-ci un amour-propre déplacé... (interruption) puisqu'il déclare lui-même qu'il ne se trouvera jamais dans le cas d'être poursuivi, et je suis bien certain que cette prévision est fondée pour les membres du cabinet comme pour nous tous.

Mais alors je demande qu'on ne nous accorde pas d'une main avare les garanties que nous demandons, et avouez qu'il nous est impossible de consentir à diminuer nos droits constitutionnels.

J'ajouterai, messieurs, avec l'honorable M. Jacobs, dont j'approuve pleinement l'excellent discours, que je ne crois pas que nous ayons le droit d'étendre un privilège inscrit dans la Constitution ; nous ne vivons pas dans un pays de privilèges, il y en a déjà trop dans la Constitution. Il n'y a que le pouvoir constituant qui puisse établir des privilèges nouveaux.

M. Giroulµ. - Les explications données par l'honorable M. Delcour justifient complètement mon amendement, et prouvent que j'ai eu raison de poser à la commission différentes questions, et que le texte de la loi tel que la commission l'avait libellé laissait à désirer.

II résulte en effet des explications de M. Delcour, rectifiées par M. le ministre des finances, que ce n'est que dans un intérêt social, et pour un temps limité, que l'autorisation est nécessaire pour poursuivre les ministres.

Mon amendement donne satisfaction complète aux garanties que l'on peut exiger sous ce rapport.

Il nous a dit que l'action publique pouvait être suspendue dans l'intérêt social, et rectifiant ce qu'il avait dit précédemment, il admet que dans une série successive de session, l'on pourra représenter toujours la demande d'autorisation à raison du même crime ou du même délit. (Interruption).

M. le ministre des finances a dit qu'on pourra représenter la demande d'autorisation, pour le même fait.

MfFOµ. - Je suis d'accord sur ce point avec M. Delcour, c'est d'ailleurs l’avis de tout le monde.

M. Giroulµ. - Mon amendement a pour but, en second lieu, de consacrer dans la loi l'explication de l'honorable M. Delcour sur un autre point. Il se peut, dit-il, que l'intérêt de l'Etat exige que l'action judiciaire soit suspendue ; nous ne jugeons point, nous apprécions seulement, au point de vue de l’intérêt général de la société, si l’autorisation doit être accordée.

Mais le libellé de l’article de la commission a un tort immense, c’est de ne pas dire ce que M. Delcour explique si bien. L’article ne dit pas que le refus d’autorisation de la Chambre aura uniquement pour mobile l’intérêt de l’Etat ; il ne dit pas que le refus d’autorisation sera limité au temps nécessaire pour sauvegarder les nécessités importantes du gouvernement.

Le projet de li ne dit pas davantage que le procureur général pourra représenter la même demande à son gré. Il n’indique pas que le ministre cessant ses fonctions ministérielles, l’action judiciaire reprend son empire. Tout cela est dit dans mon amendement.

Je ne veux pas, messieurs, prolonger la discussion, mais je constate de nouveau qu’il y a un abîme entre les explications de M. Delcour et le texte formulé par la commission et qu’il y a encore les explications de M. Delcour et mon amendement une concordance complète.

Il ne s’agit plus ici que d’une simple différence de rédaction ; il s’agit de mettre dans la loi ce que M. Delcour a dit dans son discours.

M. de Brouckereµ. - Messieurs, je ne crois pas que nous soyons tombés dans la confusion signalée par l’honorable M. Coomans ; il me semble, au contraire, que la discussion à laquelle la Chambre s'est livrée, et particulièrement les explications si lucides données par M. le rapporteur de la commission spéciale, ont singulièrement éclairci les questions que la Chambre a à décider. Nous sommes d'ailleurs bien près d’être d'accord, et je vais vous le démontrer.

L'honorable M. Giroul reconnaît qu'il faut soumettre à l’autorisation préalable de la Chambre la faculté d'intenter des poursuites contre les ministres ; il va plus loin, il reconnaît avec l'honorable rapporteur que dans des cas exceptionnels, pour des raisons d'Eta.t, la Chambre peut refuser l'autorisation de poursuivre un ministre alors même qu'il y aurait des charges sérieuses contre lui.

Mais l'honorable M. Giroul pose plusieurs question d'un ordre secondaire.

Ainsi, par exemple, il demande su la Chambre, par des considérations spéciales, refuse l’autorisation de poursuivre un ministre, bien qu'il existe des charges contre lui, ce refus sera-t-il définitif et le procureur général, le ministère public ne pourra-t-il plus revenir à la charge auprès de la Chambre ?

L’honorable rapporteur de la section centrale lui répond négativement ; il dit non ; le refus ne sera pas définitif et le procureur général pourra représenter sa demande dans un moment plus opportun.

L'honorable M. Giroul ne se tient pas pour satisfait, et dit : Mettez cela dans votre loi.

Je ne crois pas qu'il faille prévoir dans une loi tous les cas qui peuvent se présenter.

Cela n'est pas nécessaire. Une loi serait démesurément longue et diffuse, s'il fallait prévoir tous les cas possibles. Je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point, l'honorable M. Giroul, le rapporteur de fa section centrale et tous les orateurs qui ont pris la parole sur cette question. Il ne peut donc y avoir de doute à cet égard.

L'honorable M. Lelièvre, répondant à l'honorable rapporteur de la section centrale, pense que si un ministre, ayant résigné ses fonctions, était poursuivi par le ministère public, il faudrait encore que le ministère public vînt demander l'autorisation de la Chambre et que les poursuites eussent lieu devant la cour de cassation.

Eh bien, messieurs, je crois que l'honorable M. Lelièvre se trompe. Pourquoi exige-t-on l'autorisation préalable d« la Chambre pour la poursuite d'un ministre, et pourquoi décidons-nous que le ministre sera renvoyé devant la cour de cassation ?

Est-ce à raison de la matière ou est-ce à raison de la personne ? Evidemment, c'est à raison de la personne. C'est à cause des fonctions qu'occupe l'homme qu'il s'agit de poursuivre.

Cet homme n'occupant plus les mêmes fonctions, les mesures exceptionnelles prises pour le protéger n'existent plus ; le ministre en cessant d'être ministre rentre dans le droit commun, par conséquent il peut être poursuivi sans autorisation de la Chambre devant la juridiction ordinaire même pour des délits qu'il aurait commis étant ministre, mais en-dehors de ses fonctions.

Enfin l'honorable M. Coomans a dit : Avant de voter la disposition que l'on nous propose, je voudrais savoir si elle sera applicable aux membres de la Chambre.

Nous ne faisons pas une loi qui soit destinée à être appliquée aux membres de la Chambre, nous ne nous occupons dans la loi actuelle que des ministres. Les membres de la législature sont protégés par la Constitution et dans la loi que nous faisons nous n'avons à nous occuper que les ministres.

- Plusieurs membres. - Aux voix !

- La discussion est close.

MpVµ. - A l’article 2 se rattachent plusieurs amendements.

Il y a d'abord celui de M. Jacobs ainsi conçu :

« Nulle autorisation préalable n'est nécessaire pour exercer des (page 1016) poursuites contre un ministre pour faits étranger à son administration. »

Il doit être mis aux voix le premier puisqu’il s’éloigne le plus du projet de la commission.

- Cet amendement est mis aux voix. Il n'est pas adopté.

MpVµ. - Vient maintenait l'amendement de M. Giroul.

M. Giroulµ. - En présence des explications données par les honorables MM. Delcour et de Brouckere sur le sens et la portée de l’article 2, explications qui sont les commentaires législatifs de cet article et qui semblent du reste ne pas être contestés par la Chambre, je crois que le but de mon amendement vient à disparaître et je le retire.

MpVµ. - L'amendement de l'honorable M. Van Overloop ayant également été retiré, il ne reste plus que l'amendement de l'honorable ministre des finances au paragraphe 2 et quelques changements de rédaction proposés par la commission.

L'amendement de M. le ministre des finances est ainsi conçu :

« § 2. Sauf le cas prévu par le paragraphe premier de l'article 41 du Code d'instruction criminelle, l'arrestation, etc. »

- Cet amendement est mis aux voix et adopté.

L'article ainsi amendé est adopté.

Article 3

« Art. 3. Le procureur général près la cour de cassation est chargé de la poursuite, à moins que la Chambre des représentants ne délègue un ou plusieurs commissaires. Ces commissaires exercent toutes les attributions du ministère public.

MpVµ. Il y a un amendement de l'honorable M. Vleminckx, qui consiste a réduire l'article à ces mots :

« Le procureur général près la cour de cassation est chargé de la poursuite. »

M. Vleminckxµ. - Je serai court. La Chambre, je le sens, est pressée d'en finir, je n'ai d ailleurs que quelques mots à dire sur ma proposition. Lorsque je l’ai présentée, je crois avoir eu l'honneur de dire à la Chambre que l'honorable rapporteur ne s'était pas expliqué dans son rapport sur les motifs qui avaient inspiré le texte du projet de la commission.

L'honorable rapporteur n'a pas été plus explicite dans la réponse qu'il a faite à la demande que j'avais formulée. Voici comment il s'est exprimé :

« ... Il peut se présenter des circonstances où l'administration de la justice elle-même se trouvera plus ou moins gênée dans son action. On a prévu plusieurs cas dans la discussion. Je ne les rappellerai pas. Cependant le cours de la justice ne peut être suspendu. Si donc de telles circonstances que nous aurons à éloigner se présentaient, le projet accorde à la Chambre le droit d'ordonner d'office la poursuite du ministre.

« Non, messieurs, la proposition de faire nommer par la Chambre des commissaires n'est pas une proposition inconstitutionnelle. Elle découle même du pouvoir que la Constitution accorde à la Chambre. »

Voilà tout.

Je n'ai pas dit que cette proposition fut inconstitutionnelle, et bien moins encore qu'elle ne découle pas du pouvoir que la Constitution accorde à la Chambre. Je vais tâcher d'être plus clair.

De deux choses l'une, ou le procureur général, informé qu'un délit ou un crime a été commit par un ministre, demandera l'autorisation de poursuivre ou ne la demandera pas.

S'il la demande, la Chambre est certaine que l'accusation sera soutenue, comme elle doit l'être, devant te cour de cassation. S'il ne la demande pas, la Chambre, usant alors du droit qu'elle va se conférer, prendra l'initiative de l'accusation ; mais pour cela, le délit ou le crime devra être d'une telle évidence et entouré de tant de preuves, qu’il sera impossible que le parquet ne se range pas à son avis. (Interruption.)

Comment pourrait-on croire qu'il hésite à accuser en face de l'évidence du crime ? Craignez-vous sa faiblesse ? Mais n'oubliez pas qu'il s'agit du parquet le plus élevé du royaume (nouvelle interruption) et que ce parquet lègue de nobles exemples à ses successeurs. Je ne veux pas raviver des rancunes éteintes, mais faut-il vous rappeler ce mémorable réquisitoire, monument de logique et d'indépendance, dans une affaire récente contre un membre du gouvernement ? Laissons la Chambre dan. la sphère élevée où l'a placée la Constitution ; ne la commettons pas dans l'arène des débats judiciaires, à propos de délits ordinaires, de faits de la vie privée d'un ministre. Cette ingérence, sans être inconstitutionnelle, n'est pas prudente et c'est pour ce motif que je demande la suppression du second paragraphe de l'article.

M. Dolezµ. - Quand votre commission a eu l'honneur de proposer l'article que vient de discuter M. Vleminckx, il a été bien loin de sa pensée de donner un témoignage de défiance au parquet si élevé, si digne de respect, de la cour de cassation.

Nous avons dans ce parquet, comme dans la cour elle-même, une confiance profonde que l’un et l’autre méritent à tous les titres possibles.

Mais nous avons pensé qu’en aucun cas, les prérogatives de la Chambre ne pouvaient être laissées dans l’ombre, et c’est au nom de ces prérogatives, que nous avons voulu tenir intactes, que nous avons présenté la proposition que l’honorable M. Vleminckx a combattue.

Votre commission a pensé qu’il pouvait se présenter des cas où il serait indispensable que la Chambre produisît elle-même devant la cour de cassation l’accusation qu'elle aurait considérée comme nécessaire contre un membre du cabinet.

C’est ainsi qu’il pourrait arriver que le parquet de la cour de cassation crût qu'il n'y a pas lieu à poursuivre alors que la Chambre aurait la conviction contraire ; dans une telle éventualité, il importe à la dignité même de la Chambre qu'elle pusse charger ses délégués de produire devant la cour suprême l'accusation qu'elle aurait autorisée, bien que les magistrats du parquet ne fussent pas de cet avis.

C'est précisément parce que nous n'avons pas voulu que les crimes et les délits commis par les ministres pussent rester impunis que nous avons pris des mesures efficaces pour en assurer la poursuite.

L'honorable M. Vleminckx peut donc être parfaitement rassuré sur le caractère et la portée de notre proposition.

J'espère que la Chambre y verra une preuve de plus de la pensée constante qui a animé la commission, de veiller à ce que la loi pénale soit applicable aux ministres, comme à tous les autres citoyens. Cette disposition est une réponse péremptoire aux appréhensions imméritées que quelques orateurs avaient manifestées à cet égard. La Chambre voudra bien ne pas perdre de vue que la commission spéciale était composée précisément des auteurs de la proposition, qui a demandé qu'il fût avisé aux mesures à prendre pour que les faits du 8 avril ne restassent pas impunis.

Le fait même de l'initiative que nous avons prise atteste à la Chambre et au pays, que la commission ne pouvait pas lui présenter une proposition qui aurait eu pour résultat l'impunité de ces faits. J'invite donc la Chambre à faire à la disposition qu'elle examine en ce moment l'accueil qu'elle a fait déjà aux autres propositions de la commission spéciale.

M. Coomansµ. - L'honorable rapporteur de la commission spéciale a cru pouvoir dire de son œuvre qu'elle forme un tout logique dans toutes ses parties. Je ne puis accepter cette appréciation que sous certaines réserves. En effet, l'honorable rapporteur a déclaré avec force que la Chambre ne mettait pas en accusation, qu'elle se bornait à autoriser les poursuites sans rien préjuger. Mais alors pourquoi transformer la Chambre en ministère public ? Lorsque la Chambre aura délégué des commissaires, elle se sera engagée directement dans une procédure où il lui sera forcément nécessaire de prendre parti. Il y a donc ici contradiction formelle. Vous voulez, avec raison, que la Chambre se borne à empêcher les abus en matière de personnes, et cependant vous voulez la transformer non seulement en un juge, mais en un accusateur. Je ne puis adhérer à cette manière de voir.

L'explication qu'on donne à l'appui de cette disposition exorbitante ne me paraît guère fondée et sur ce point j'appelle l'attention des auteurs mêmes du projet de loi. Ils ne veulent pas, disent-ils, qu'un fait considéré comme digne de poursuites ne soit pas poursuivi et c'est pour cette éventualité qu'ils se réservent la désignation de commissaires.

Mais, messieurs, je ne vois pis que la Chambre doive dans ce but prendre des précautions excessives.

Si le parquet ne poursuit pas, nous nous en prendrons au ministre da la justice et si le ministre de la justice ne force pas le parquet à poursuivre, nous nous en prendrons au ministre lui-même, et c'est lui que nous mettrons en accusation.

Ce mode de procéder me paraîtrait beaucoup plus simple que celui qu'on nous propose.

Ce ne serait vraiment que dans le cas de mauvais vouloir manifeste que la Chambre désignerait des commissaires. Hors de ce cas-là, il y a lieu à responsabilité ministérielle ou tout au moins à démission du fonctionnaire qui se serait refusé à l'exécution loyale de la loi.

M. Lelièvre. - Je partage complètement l’avis de M. Vleminckx. Je pense que quand il s'agit d'un fait commis par un ministre hors de l'exercice de ses fonctions, il ne faut pas associer la Chambre à l'exercice de l'action publique. En effet, les faits dont il s’agit échappent complètement à l'appréciation de la Chambre qui n'est appelée ni à en connaître ni à les contrôler. Ces faits n’ont pas un autre caractère parce qu’ils ont été commis par un ministre au lieu de l'être par les citoyens ordinaires.

(page 1017) Je comprends l'intervention de la Chambre lorsqu'il s'agit de faits commis par les ministres dans l'exercice de leurs fonctions ; alors il s'agit d'actes qui rentrent dans l'application de la première partie de la disposition de l'article 90. On conçoit à cet égard la Chambre associée à l'action publique, parce qu'il s'agit de faits rentrant dans les attribuions de la Chambre et de nature à être contrôlés par elle ; il s'agit de faits intéressant l'Etat, dont la Chambre des représentants peut avoir à poursuivre la répression. Mais lorsqu'il s'agit de faits étrangers aux fonctions ministérielles, les ministres ne relèvent pas à cet égard de la Chambre, et il serait exorbitant de conférer à ce corps politique un droit d'accusation qui n'appartient qu'aux officiers du ministère public. Sous ce rapport, je ne puis voter l'article 3 tel qu'il est énoncé an projet.

- La discussion est close.

L'amendement de M. Vleminckx est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'article 3 du projet de la commission est mis aux voix et adopté.

Articles 4 à 6

« Art. 4. La Chambre des représentants peut toujours d'office ordonner la poursuite. »

- Adopté.


« Art. 5. Sur la réquisition du procureur général ou celle des commissaires délégués, la cour désigne un ou plusieurs de ses membres pour entendre les témoins ou procéder à tous autres actes d'instruction. »

- Adopté.


« Art. 6. L'instruction terminée, l'affaire est portée devant la cour de cassation, soit par le procureur général, soit par les commissaires délégués pour y faire telle réquisition qu'il appartiendra. »

- Adopté.

Article 7

« Art. 7. L'action civile résultant du crime ou du délit ne peut être poursuivie que devant la cour de cassation et en même temps que l'action publique. »

M. Van Overloopµ. - La Chambre paraît désireuse d'en finir du projet de loi sur la responsabilité ministérielle. Cependant l'article 7 a une grande importance. Il donnera inévitablement lieu à une longue discussion. Il constitue, à mes yeux, un point essentiel. A quoi bon le discuter aujourd'hui, puisqu'il ne peut pas être question de l'exercice de l'action civile à l'occasion de l'événement du 8 avril dernier ?

Je propose donc de renvoyer l'examen de cet article à l'époque bien rapprochée oh nous nous occuperons du projet général sur la responsabilité des ministres. De cette manière, nous pourrons terminer aujourd'hui l'examen du projet de loi ; tandis que, dans le cas contraire, il serait à craindre que la discussion ne se prolongeât.

MpVµ. - A cet article se rattache un amendement de M. Pirmez, ainsi conçu...

- Plusieurs membres. - Il y a une proposition préalable.

M. Van Overloopµ. - J'ai fait la proposition d'ajourner la discussion de l'article 7 ; c'est donc une proposition préalable qui doit être mise aux voix avant toute autre.

M. de Brouckereµ. - Nous demandons la lecture de l'amendement de M. Pirmez.

MpVµ. - C'est ce que j'allais faire tout à l'heure. Voici cet amendement :

« Lorsqu'un ministre aura été mis en accusation, l'action civile résultant du crime ou du délit ne peut être poursuivie que devant la cour de cassation et en même temps que l'action publique. Si l'action civile a été portée antérieurement devant les tribunaux civils ordinaires, et qu'elle ne soit pas définitivement jugée, elle sera dévolue à la cour de cassation.

« La partie civile ne pourra être condamnée aux frais de l'action publique. »

M. Guilleryµ. - Il me paraît qu'il faut, avant tout, voter sur la proposition de l'honorable M. Van Overloop, parce que si elle était adoptée, comme tout permet de le croire, nous n'aurons pas à discuter maintenant les questions très importantes et très graves que soulèvent l'amendement et l'article en discussion.

MpVµ. - L'ajournement a la priorité.

M. de Brouckereµ. - L'ajournement à quand ?

M. Pirmez. - Je rappellerai à la Chambre que lorsque j'ai fait ma proposition c'est parce qu'on avait soulevé plusieurs questions sur la portée de l'action civile. M. Mouton et la commission s'y sont ralliés ; si nous revenons à la discussion de ces questions, je ferai remarquer qu'en retranchant l'article vous décidez tout simplement qu'il n'y a pas d'action civile.

M. Baraµ. - Messieurs, je ne puis admettre l'interprétation que l'honorable M. Pirmez donne à la proposition de l'honorable M. Van Overloop. Nous avons déjà voté un grand nombre de dispositions ; parmi ces dispositions, il en est que je n'aime pas ; mais je les ai votées, parce que, dans ma pensée, il s'agit d'une loi exceptionnelle, uniquement applicable au fait du 8 avril, c'est-à-dire que si l'amendement de l'honorable M. De Fré, qui sera mis tout à l'heure aux voix, était rejeté, je voterais contre la loi.

Ainsi, la suppression de l'article 7, telle que la propose l’honorable M. Van Overloop, n'a pas du tout pour conséquence de consacrer qu'il n'y aura pas d'action civile en général.

Je constate seulement pour ma part, qu'en ce qui concerne le fait du 8 avril, il n'y a pas d'action civile, et que, dès lors, nous n'avons pas à nous occuper de cela pour le moment. Mais tout est réservé.

M. Coomansµ. - J'appuierai la motion d'ajournement pour ce seul motif : c'est qu'elle me fait espérer que nous aurons à compléter notre œuvre dans un délai assez court. Conformément au règlement, je propose l'ajournement à la session prochaine dans laquelle j'espère que nous serons appelés à discuter un projet de loi complet sur la responsabilité ministérielle.

- La discussion est close.

La Chambre, consultée, décide que l'article 7 est ajourné à la session prochaine.

Articles 8 et 9

« Art. 8. La cour de cassation observe les formes prescrites par la Code d'instruction criminelle. »

- Adopté.


« Art. 9. Les contraventions commises par des ministres sont jugées par les tribunaux et dans les formes ordinaires. »

- Adopté.

Article 10

« Art. 10. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. Elle sera révisée dans les trois ans à partir de ce jour. »

MpVµ. - A l'article 10 se rattache d'abord l'amendement de M. De Fré, amendement qui est ainsi conçu :

« La présente loi ne sera obligatoire que pour le terme d'une année à dater de sa publication. »

M. Jacobs a présenté de son côté, à l'article 10, l'amendement suivant :

« La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. Elle sera applicable à toutes les infractions commises avant cette date, mais, dont les poursuites ne seraient pas encore commencées. »

M. Jacobsµ. - Messieurs, j'ajouterai quelques mots à ce que j'ai dit, dans une séance précédente, à l'appui de cet amendement.

J'entends quelques membres de cette Chambre taxer l'amendement d'inutile ; à mon avis, il ne l'est pas. Lorsqu'il s'est agi de la mise en vigueur du Code d'instruction criminelle, une disposition rétroactive de ce genre a été prise par le décret du 23 juillet 1810.

Ma proposition a pour but de bannir tout doute et d'empêcher surtout, comme nous le voulons tous, l'impunité du fait du 8 avril.

M. Vleminckxµ. - Messieurs, je me lève uniquement pour déclarer, comme l'honorable M. Bara, que si l'amendement de l'honorable M. De Fré ne passait pas, je devrais voter contre la loi.

- La discussion est close.

L'amendement de M. Jacobs est mis aux voix. Il est adopté.

L'amendement de M. De Fré est ensuite mis aux voix et adopté.

Ordre des travaux de la chambre

MpVµ. - Nous sommes arrivés à la fin de la loi. Plusieurs articles ont été amendés ; il y a lieu à un second vote. Je propose à la Chambre de mettre cet objet en tête de l'ordre du. jour de vendredi.

M. Pirmez. - J'appelle l'attention de la Chambre sur la question de savoir s'il y a lieu d'avoir séance vendredi et samedi. Je ne fais aucune proposition.

M. Hymans. - Je pense que la Chambre pourrait voter encore aujourd'hui les petits projets qui sont à l'ordre du jour ; puis elle s'ajournerait à mardi.

MpVµ. - L'ordre du jour est très chargé. Rien n'empêche que la Chambre ne se réunisse vendredi.

- La Chambre consultée décide qu'elle se réunira vendredi à 2 heures et qu'elle s'occupera d'abord du second vote du projet de loi sur les délits ordinaires des ministres, et puis du projet de loi sur les travaux publics.

Projet de loi prorogeant la loi sur les correspondances télégraphiques

Rapport de la section centrale

M. de Moorµ. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale qui a examiné la loi de prorogation concernant les correspondances télégraphiques.

- Impression, distribution et mise à la suite de l’ordre du juur.

La séance est levée à 4 heures.