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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 16 juin 1865

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1189) M. de Moor, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Van Humbeeckµ, secrétaireµ, fait lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moor, secrétaireµ, présente l'analyse suivante des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Le sieur Francis réclame l'intervention de la Chambre pour que son fils mineur Edouard, enrôlé au 5ème régiment de ligne qui, sans l'autorisation paternelle, s'est engagé dans la légion mexicaine, soit rendu à son pays et replacé dans les conditions où il se trouvait avant son départ. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Sesbergen demande la construction d'une nouvelle école communale à Enghien. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Perwez demandent la diminution des droits d'accise sur la bière indigène. »

« Même demande d'habitants de la Hulpe. »

- Même renvoi.


« La veuve Auverputte demande que son fils Alexandre, milicien de la classe de 1861, dont le remplaçant a été incorporé au 6ème de ligne, soit inscrit comme milicien en congé illimité et puisse rester dans ses foyers. »

- Même renvoi.


« Par messages du 15 juin, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté, dans sa séance du même jour, les projets de loi suivants :

« 1° Abrogation du n°2 de l'article 17 et de l'article 21 du Code civil ;

« 2° Etablissement d'un conseil de prud'hommes à Molenbeek-Saint-Jean ;

« 3° Budget des non-valeurs et des remboursements pour l'exercice de 1866 ;

« 4° Crédits extraordinaires au budget du ministère de l'intérieur pour l'exercice de 1865. »

- Pris pour notification.


« M. Joseph Moreau fait hommage à la Chambre d'un exemplaire de la première livraison d'un : Traité de législation pratique des mines. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« M. de Woelmont, obligé de s'absenter, demande un congé. »

- Accordé.

Projet de loi modifiant la loi de 1810 sur les mines

Rapport de la section centrale

M. Pirmez. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi amendé par le Sénat, et portant modification de l'article 11 de la loi du 21 avril 1810.

Projet de loi relatif à l’interprétation des lois

Rapport de la commission

M. Pirmez. - J'ai également l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la commission qui a examiné le projet de loi amendé par le Sénat, et relatif à l'interprétation des lois.

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de la justice

Rapport de la section centrale

M. Thonissenµ. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi portant allocation d'un crédit supplémentaire de 300,000 fr. au budget du ministère de la justice pour l'exercice 1865.

- Même décision.

Projet de loi prorogeant le terme fixé pour la réduction du personnel du tribunal de première instance de Tournai

Rapport de la commission

M. Baraµ. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la commission spéciale qui a été chargée d'examiner le projet de loi prorogeant le terme fixé pour la réduction du personnel du tribunal de première instance de Tournai.

- Même décision.

Projet de loi relatif à l’exécution de certains travaux d’utilité publique

Discussion des articles

Article premier, paragraphe 21

MpVµ. - La Chambre est arrivée à la seconde partie du paragraphe 21 de l'article premier du projet de loi.

A cette partie se rattache l'amendement proposé par la section centrale, et ainsi conçu :

« Construction d'un manège (à condition qu'il sera établi sur un autre emplacement que celui du Palais Ducal) : fr. 200,000. »

M. Vleminckxµ. - Je ne sais si le projet de construire un manège dans le local des écuries date de l'époque à laquelle a été faite l'emprise sur le terrain du palais Ducal, ou si le projet est nouveau, ce qui est plus vraisemblable ; du reste, ancien ou nouveau, cela ne fait rien à l'affaire ; mais ce qui me paraît un peu exagéré, c'est qu'ainsi que cela est dit dans l'exposé des motifs, on puisse vouloir faire servir la construction nouvelle à l'embellissement du palais et de ses abords. Quoi que l'on fasse, on n'obtiendra pas ce résultat. Il n'y a qu'un seul moyen d'embellir le palais et ses abords, c'est d'abattre les écuries ; je sais bien que nous n'obtiendrons pas cela pour le moment, mais ce que je sais très bien, c'est qu'il est en notre pouvoir, dans cette occasion, de ne pas fournir les moyens de les consolider, d'en perpétuer la durée. Or, il n'y pas de doute pour moi à cet égard, acceptez le projet du gouvernement, et vous retarderez indéfiniment le transfert des écuries. La section centrale l'a bien compris, et c'est pour ce motif qu'elle a mis à l'allocation du crédit la condition que vous savez.

Le gouvernement répond à cela : Votez toujours ; le manège sera construit en matériaux qui pourront être déplacés pour ainsi dire sans dépense. Ce motif-là n'a pas satisfait la section centrale et ne vous satisfera pas plus qu'elle. D'ailleurs, messieurs, c'est une grande exagération que de prétendre que, le cas échéant, ce déplacement se ferait sans frais. Soyez assurés que la moitié au moins, si pas plus de la dépense actuelle, serait perdue. Nous savons tous, à cet égard, à quoi nous en tenir.

Messieurs, la population bruxelloise voit avec un grand déplaisir ces écuries placées à front d'un de ses plus beaux boulevards sur lequel toutes les autres constructions sont bâties en retraite. Ce mécontentement est-il légitime, au moins? Mais vous-mêmes, messieurs, vous l'avez trouvé fondé, si j'en juge par l'unanimité ou la presque unanimité des votes que vous avez émis dans les sections sur le crédit qui vous est demandé. Du reste, il vous a suffi de vous promener une seule fois sur ce boulevard, pour vous convaincre que ces écuries sont placées là, comme un informe caillou, au milieu des plus splendides hôtels de la capitale.

Messieurs, la ville de Bruxelles, en tant que capitale du royaume, a d'énormes obligations à remplir. Une d'elles, c'est de la rendre aussi belle, aussi splendide que possible, pour répondre à la haute destination qui lui a été octroyée par le Congrès national. Ailleurs les capitales reçoivent des subsides, comme telles, du trésor public. La Belgique n'a pas admis ce système, et ce n'est pas moi qui m'en plaindrai ; mais, messieurs, si Bruxelles ne vous demande pas de l'argent, il est une chose au moins qu'elle est en droit de réclamer de vous, c'est que, par vos votes, vous ne contribuiez pas à maintenir des constructions qui la déparent.

Et si je pouvais faire intervenir dans cette discussion le prince pour lequel le manège est demandé, je vous dirais que je suis convaincu que lui-même partage entièrement notre manière de voir. Trop souvent le Duc de Brabant a manifesté hautement et vivement (et nous lui en sommes tous reconnaissants) son désir de voir Bruxelles s'embellir le plus qu'elle peut, pour que lui-même ne proscrive pas les écuries actuelles, et voie avec déplaisir que vous donniez votre adhésion à la proposition de la section centrale.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Messieurs, quoique le crédit de 200,000 fr. destiné à la construction d'un manège soit proposé par M. le ministre de l'intérieur, comme le plan de ce manège a été préparé au ministère des travaux publics, je suis un peu plus initié que mon honorable collègue aux détails de cette affaire, et je demande à la Chambre de pouvoir lui fournir, en son lieu et place, quelques explications.

Messieurs, les observations de l'honorable M. Vleminckx manquent de portée pratique.

M. Vleminckxµ. - Répondez à la section centrale.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Je réponds à la section centrale en répondant à votre discours qui vient à l'appui de l'amendement de la section centrale.

Ni l'honorable membre, ni la section centrale n'ont contesté le crédit en principe ; ni l'honorable, membre, ni la. section centrale ne pensent (page 1190) qu'il n'y a pas lieu de faire un manège, ou que la tonne demandée soit exagérée. Nous sommes donc d'accord sur ce point.

Mais la section centrale et l'honorable M. Vleminckx à sa suite subordonnent l'emploi du crédit à la condition que le manège sera construit ailleurs qu'à côté des écuries.

Eh bien, messieurs, quoique au fond ce ne soit pas l'intention de l'honorable préopinant, comme ce n'était pas l'intention de la section centrale, cependant, en fait, cette condition équivaut au rejet du crédit.

Messieurs, je suis sûr que la section centrale et l'honorable M. Vleminckx seraient au regret de faire passer un amendement ayant vraiment cette portée. Leur but serait dépassé.

Je dis qu'au fond l'amendement de la section centrale est le rejet du crédit proposé pour le manège, crédit sur la convenance duquel on est cependant d'accord.

On veut que le manège soit construit sur un autre emplacement que l'emplacement des écuries.

Il y a d'abord quelque chose de fâcheux à séparer le manège des écuries. Le manège est fait pour servir aux écuries et c'est évidemment à côté des écuries qu'il sera le plus utilement placé.

Mais en dehors de cette raison, il y en a une beaucoup plus puissante pour repousser l'amendement de la section centrale.

Vous voulez que le manège soit construit ailleurs. Mais où ? Vous n'en savez rien, ni moi non plus. Cependant il faut qu'il soit construit quelque part. Avez-vous un terrain libre sur lequel vous puissiez construire le manège?

M. Gobletµ. - Oui, il en existe un.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Où ?

M. Gobletµ. - Je m'expliquerai.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - En attendant qu'on nous indique un emplacement, je répète que je n'en connais pas. Je constate de plus que personne n'en a indiqué un jusqu'ici.

Faut-il acquérir un terrain nouveau ? Mais voulez-vous exproprier des maisons ? Voulez-vous, au lieu de 200,000 fr. dépenser 300,000, 400,000 et peut-être 500,000 fr. ?

Je déclare que le gouvernement, qui a accepté une dépense de 200,000 fr., n'est pas disposé à en accepter une de 400,000. Vous tirez en définitive à boulets rouges sur le trésor.

On peut bien consentir à affecter une somme de 200,000 fr. à la construction de ce manège ; mais la Chambre, je le crains, ne voudrait pas suivre Je gouvernement, s'il venait proposer une dépense double.

Le grand argument de l'honorable M. Vleminckx comme de la section centrale est celui-ci :

Vous consacrez le provisoire, vous posez un acte qui aboutira à prolonger l'existence des écuries actuelles. Or, ces écuries forment une construction maussade qui devrait disparaître.

Messieurs, je le veux bien. Moi aussi, je trouve que les écuries actuelles forment une construction très malheureuse, très maussade, très mal placée et je voudrais, pour l'embellissement d'une des plus belles parties de la capitale, qu'elles disparussent. Mais encore une fois, où trouvera-t-on de quoi faire la dépense ? Si l'autorité communale, ayant un intérêt plus grand encore que le gouvernement à ce que la ville s'embellisse, veut faire cette dépense, j’en serai très heureux.

Mais voulez-vous encore mettre cette dépense à la charge du trésor ? S'il fallait acheter des terrains, je ne m'engagerais pas à faire des écuries convenables à moins d'un million. Voulez-vous dépenser ce million ?

En réalité, quand vous critiquez l'aspect extérieur des écuries, vous n'avez rien fait. Ce ne sont pas ces critiques qui amèneront la suppression des écuries ; c'est un crédit considérable. Voulez-vous proposer d'allouer ce crédit ? Le gouvernement ne le prend pas sous sa responsabilité.

Les écuries existent ; c'est malheureusement un fait accompli.

Que proposons nous d'y adjoindre ? Une construction provisoire comme ces écuries, et susceptible d'être facilement démontée, d'être facilement déplacée, de telle façon que si l'on trouve un jour les fonds nécessaires pour déplacer les écuries, la construction du manège ne formera pas obstacle à ce déplacement.

Voilà la situation vraie.

Je demande comment, dans cette situation, on peut, à cause des écuries, se refuser à la construction du manège à l'endroit indiqué.

Il ne s'agit pas d'une construction en maçonnerie, d'une construction permanente. Le déplacement de ce manège, j'insiste sur ce point, est prévu si les écuries venaient à disparaître. Il s'agit d'une construction en fer qu'on peut déplacer sans autre peine et sans autre dépense que la peine nécessaire et la dépense voulue pour la démonter.

Je le demande, messieurs, les observations de l'honorable M. Vleminckx, comme les craintes de la section centrale, se trouvent-elles fondées dans les circonstances que nous venons de déterminer itérativement ?

Il serait vraiment regrettable, messieurs, que le but de la section centrale et de l'honorable préopinant fût dépassé et que dans ce projet considérable de travaux publics qui va sans doute être voté par la grande majorité de l'assemblée, attendu que les débats n'ont porté que sur la nécessité de l'élargir encore, il serait regrettable, dis-je, qu'un seul article, portant sur un chiffre de 200,000 fr., fût excepté de l'adhésion de la grande majorité à l'ensemble du projet de loi, alors surtout que ce chiffre n'est pas même contesté, quant au fond.

Je demande que la chambre veuille bien adopter l'article tel qu'il se trouve formulé au projet du gouvernement.

M. Gobletµ. - Je ne pense pas que l'honorable ministre des travaux publics ait complètement raison dans son argumentation. Il a eu l'air de trouver étonnant qu'on puisse découvrir un terrain pour bâtir ailleurs un manège.

Il y avait cependant un terrain communal qui aurait maintenant fait face à la rue du Trône et à celle qui vient de la station du Luxembourg-. Il y avait là un massif d'arbres qu'on a abattus et sur l'emplacement duquel on a bâti une grande partie des écuries du palais de la rue Ducale.

De plus, messieurs, la servitude dont l'honorable M. Vleminckx a touché un mot, existe.

Elle existe cependant par la volonté unique du prince d'Orange. Quand il a fait bâtir son palais, il a obtenu que les maisons, que les hôtels qu'on avait bâtis sur les remparts fussent frappés d'une servitude sur une étendue de terrain de onze mètres, qui lui laissait gratuitement des arbres, des fleurs et des vues en privant des citoyens du bien légitimement et complètement acquis.

Maintenant, messieurs, le palais qu'on a achevé et les écuries qu'on a construites en dehors de l'alignement imposé à tous les citoyens, car si je parle de cette servitude, je puis la connaître et l'apprécier, on vous a dit dans les premiers contrats de vente : « Démolissez et bâtissez sur les remparts. »

Puis, cinq ans après, on est venu imposer un nouvel alignement qui vous prenait la plus belle partie de votre terrain sur une largeur de 11 mètres.

Le prince a eu assez d'influence, à cette époque, pour faire changer le conseil communal contrairement aux droits de ceux qui avaient acheté des terrains des remparts sur l'invitation de ces mandataires qui leur avaient promis par contrat de protéger tous leurs droits.

C'est une question que je ne veux pas discuter, parce que j'ai perdu mon procès et qu'on m'a imposé une servitude qui ne résultait pas de l'acte primitif de vente, mais qui résultait seulement d'un acte subséquent du conseil communal.

Cette décision était contraire à tous les actes de vente, puisque pour tous les actes des ventes faites aussi bien au boulevard du Régent qu'au boulevard de la porte de Namur et plus loin encore, la justice voulait qu'on respectât l'acte écrit. Les habitants de la rue du Cerf, les habitants de la rue aux Laines avaient des terrains qui s'étendaient jusque sur les boulevards ; il eu était de mène de ceux qui s'étendent de la rue de Namur au Palais du roi ; ceux-là ont pu se vendre contre le boulevard et voir leurs acheteurs y bâtir des demeures.

Toutes ces conventions devaient être respectées l'une aussi bien que l'autre. Mais au lieu de cela on ne les a pas observées, tantôt pour plaire au Prince Royal, tantôt pour laisser aux propriétaires la jouissance des terrains qu'ils avaient achetés.

Les écuries ne sont pas bâties en retraite. Elles n'ont pas de fenêtres et occupent un territoire communal, qui n'a pas été payé.

J'ai à différentes reprises critiqué les changements qu'on avait faits au palais du prince d Orange comme j'ai critiqué la construction de ces écuries. J'ai fait ces critiques non pas à cause de l'importance des sommes indiquées, mais à cause des inconséquences peu louables qui se passent tous les jours dans nos travaux publics.

J'ai blâmé cette installation, non pas d'un monument, mais d'une vilaine borne qui entrave la circulation. Pourquoi ne pas bâtir vos écuries derrière le palais là où l'on met les neiges, les boues et les ordures en hiver ? Pourquoi ne pas faire disparaître cette grande baraque qui déshonore le boulevard et que l'on cherche de plus en plus à cacher aux regards du public ?

(page 1191) M. Hymans. - Je ne demande la parole que pour expliquer l'amendement de la section centrale qui, me semble-t-il, a été mal compris par M. le ministre des travaux publics et, je le crains, par une partie des membres de la Chambre.

L'honorable ministre des travaux publics nous dit que l'amendement de la section centrale implique le rejet du crédit.

Certes il n'a pas été dans l'intention de la section centrale d'amener directement ou indirectement ce rejet du crédit. L'amendement pour eux est tout simplement une garantie que le manège que nous considérons comme utile, ne sera construit que lorsque les écuries pourront être déplacées.

Nous ne voulons pas séparer le manège des écuries ; nous croyons que les écuries et le manège doivent être déplacés en même temps. Or, ce déplacement n'est pas impossible, puisque le gouvernement lui-même l'a prévu.

En effet, dans la réponse que l'honorable ministre de l'intérieur a faite à la section centrale, il a dit que le fer sera employé en grande quantité dans la construction projetée, de telle sorte que si plus tard on se décide à opérer le déplacement des écuries, les matériaux pourront être remis en œuvre sans perte pour le trésor. Le déplacement des écuries n'est donc pas une chose impossible, puisqu'il est représenté comme admissible et possible par le gouvernement lui-même.

Tout le monde est d'accord, paraît-il, et il ne peut en être autrement, sur le caractère fâcheux de l'architecture de ces écuries. L'honorable M. Goblet les appelle une borne ; l'honorable ministre des travaux publics trouve qu'elles ont un caractère maussade ; d'autres ont trouvé qu'elles ressemblent à un bastion placé au milieu d'une des plus belles promenades de Bruxelles ; personne ne désire les conserver.

Il est évident que les crédits que nous votons aujourd'hui ne seront pas tous immédiatement dépensés, nous pouvons parfaitement voter le crédit avec la réserve que la section centrale a inscrite dans le libellé de l'article, de telle façon que le gouvernement n'ait pas besoin plus tard de demander de nouveaux crédits pour la construction d'un manège.

La réserve de la section centrale n'implique en aucune façon le rejet du crédit et si le gouvernement a besoin de nouveaux crédits plus tard pour la construction d'écuries convenables sur un autre emplacement, la Chambre et les députés de Bruxelles spécialement se montreront très disposés à la voter. Sous ce rapport, les inquiétudes de l'honorable ministre sont donc sans fondement.

M. de Brouckereµ. - Je reconnais tout ce qu'il y a de fondé dans les observations critiques qui viennent d'être présentées par les honorables préopinants. Il est incontestable que les écuries du Palais ducal sont loin d'être un ornement pour nos beaux boulevards, et qu'elles ont, au contraire, d'un effet très disgracieux ; aussi je désire, avec les honorables préopinants, que ce bâtiment maussade, comme l'a appelé M. le ministre des travaux publics, puisse être démoli dans un bref délai et que les écuries puissent être transférées ailleurs.

Mais tout le monde avouera que ce transfert n'est pas possible pour le moment : d'un autre côté, on est d'accord pour reconnaître que la construction d'un manège est une chose nécessaire et personne n'a contesté l'utilité du crédit de 200,000 fr. La question se résume donc de la manière suivante : La construction d'un manège à l'emplacement des écuries est-elle de nature à empêcher ou à retarder la démolition des écuries ? Si le ministre répond d'une manière négative, quel obstacle voyez-vous à accorder le crédit de 200,000 fr. ? Le manège sera construit en fer ; le déplacement pourra donc en être effectué à très peu de frais. Dès lors, la construction du manège ne sera pas un obstacle à la destruction des écuries et il ne retardera pas même cette destruction lorsqu'on aura trouvé un emplacement convenable pour les écuries. Par toutes ces considérations, je crois que nous pouvons voter le chiffre sans crainte.

M. Coomansµ. - C'est une perte de 70 p. c.

M. Guilleryµ. - Puisque nous sommes tous d'accord pour désirer le déplacement des écuries, je ne sais pas pourquoi nous ne sommes pas tous d'accord pour employer le moyen le plus prompt et le plus sûr d'arriver à ce résultat.

Le moyen le plus prompt, le plus sûr, c'est celui que propose la section centrale. Les écuries sont affreuses, elles déparent le boulevard ; faisons ce que nous pouvons pour qu'on les déplace le plus tôt possible, et le moyen qu'on les déplace le plus tôt possible, c'est de ne plus accorder un centime pour y ajouter quoi que ce soit.

L'honorable M. de Brouckere a eu, qu'il me permette de le dire sans vouloir le désobliger, la naïveté de demander à M. le ministre des travaux publics si la dépense de 200,000 francs retardera en rien le déplacement de ce malheureux bâtiment,.

M. le ministre des travaux publics répond que non ; d'où l'honorable M. de Brouckere conclut que nous pouvons impunément voter la dépense. Evidemment, messieurs, plus on dépensera d'argent, plus on entassera de centaines de mille francs dans cette malheureuse et abominable construction, plus aussi on en retardera le déplacement ; et si l'on dépensait un million au lieu de 200,000 fr., le déplacement serait retardé d'une manière plus certaine encore.

Il faut vouloir ou ne pas vouloir ; si nous donnons au gouvernement le moyen d'embellir ces écuries, d'y ajouter un manège, de les rendre supportables, nous retarderons le jour du dépècement.

La section centrale propose une chose bien simple : c'est de dire ce que nous voulons et ce que nous avons le droit et le devoir de vouloir. Ce n'est pas une fantaisie de notre part ; c'est un devoir. Comment ! nous dépensons des sommes considérables pour l'embellissement de la capitale, pour l'embellissement des villes en général, pour la construction de monuments ; et on nous demande maintenant 200,000 francs pour faire précisément le contraire, pour déparer le plus beau quartier de la ville.

Est-il donc si urgent de construire ce manège ; y a-t-il péril en la demeure ? Il existe actuellement un manège appartenant à l'Etat, rue du Musée ; qu'on s'en serve provisoirement. Il n'est pas du tout indispensable, je pense, que le manège soit à la porte des écuries : Messieurs, les chevaux voudront bien nous faire l'honneur de se transporter, avec les moyens de locomotion que la nature leur a donnés, depuis leurs écuries jusqu'au manège ; je crois qu'ils n'en seront pas plus malades, car il ne s'agit que de chevaux, veuillez ne pas le perdre de vue. S'il s'agissait des cavaliers, je comprendrais qu'il fût désirable que le manège fut à proximité de leur logement. Mais tant d'égards pour les chevaux, voilà ce que je ne puis pas comprendre.

J'appuie donc la proposition de la section centrale. La volonté de la Chambre doit être ferme ; elle doit vouloir ce qu'elle veut.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Moi aussi, messieurs, je crois que la volonté de la Chambre doit être ferme, comme l'est celle du gouvernement ; et que cette volonté doit être de ne pas s'engager trop avant dans des dépenses, utiles peut être, mais non nécessaires.

Nous avons, dans le projet de loi que nous discutons, été dans la triste obligation, nous gouvernement, de nous opposer à des demandes d'augmentation de crédit, d'introduction de crédits nouveaux parfaitement justifiés. Et pourquoi avons-nous dû repousser ces demandes ?

Parce que nous n'avons pas d'argent. Voilà ce qu'à notre grand regret, nous avons dû répondre aux auteurs de ces propositions, et nous avons notamment refusé des travaux de canalisation, nous avons refusé beaucoup d'autres travaux, tandis que nous devrions accepter des dépenses d'embellissement qui, après tout, n'incombent même pas à la rigueur au gouvernement.

Je ne trouve pas cela juste et je crois que le pays ne trouverait pas non plus cela équitable. Je crois qu'il protesterait contre cette manière de faire.

L'honorable M. Guillery est d'avis, comme tout le monde, que les écuries sont d'un désagréable aspect.

« Le seul moyen de les faire disparaître, dit-il, c'est de ne pas voter un centime pour la construction qu'on veut faire. »

La preuve que l'honorable membre a tort, c'est la seule réponse qu'il puisse faire à cette question : Je suppose que la Chambre rejette le crédit qui lui est demandé ; croyez-vous que le gouvernement viendra vous demander un million peut-être pour le déplacement des écuries ?

Le gouvernement se croisera les bras, et les écuries resteront. Donc, le manège à construire ne change eu rien la position.

J'ai demandé tout à l'heure si l'on pouvait indiquer au gouvernement un autre emplacement, en supposant qu'il soit raisonnable de construire un manège loin des écuries. L'honorable M. Goblet a indiqué la place du Trône. Je trouve à cela une double impossibilité. Aujourd'hui il s'agit d'englober le manège, sur un plan modeste, dans une construction qui existe ; mais s'il fallait faire un manège isolé sur la place du Trône, il serait nécessaire de faire un petit monument ; et alors ce ne serait plus avec 200,000 francs, mais avec 400,000 ou 800,000 francs qu'on pourrait faire ce travail.

De plus, ce serait empêcher qu'on ne fasse dans l'avenir de la place du Trône l'objet d'un embellissement considérable pour le boulevard.

Pour le manège, annexé aux écuries, il s'agit simplement d'appuyer sans emprendre sur le jardin du Palais Ducal, un léger édifice en fer, sur les murs latéraux en donnant à cet édifice un aspect agréable à l'extérieur.

En résumé, la question est de savoir si le crédit demandé aura pour (page 1192) conséquence d'empêcher le déplacement des écuries ; Je dis que le crédit n'aura aucune influence sur la solution de cette question.

M. Guilleryµ. - Messieurs, l'honorable ministre des travaux publics vient de tenir un langage qui, je l'avoue, m'a singulièrement étonné. C'est le procès fait à tous les édifices par lesquels on a cru qu'il fallait donner satisfaction au désir d'orner une capitale par de beaux monuments, aux idées artistiques, aux idées de grandeur, aux idées les plus élevées qui doivent guider les artistes dans l'exécution des travaux d'art.

Comment, dit M. le ministre des travaux publics, si nous demandons un crédit pour le déplacement des écuries, ceux à qui on a refusé un canal ou un chemin de fer ne voteraient-ils pas aujourd'hui contre ce crédit?

Ce langage me paraît singulièrement imprudent et inconsidéré. Ne comprenez-vous pas que si vous pouvez tenir ce langage , on peut le retourner contre vous ; ne pourra-t-on venir vous dire: « Comment! vous nous refusez de l'argent pour un canal, et vous construisez des palais ; vous nous refusez un chemin de fer, et vous venez demander à la Chambre de voter 200,000 fr. pour la construction d'un manège ! »

Je le répète, le langage de M. le ministre des travaux publics est imprudent et inconsidéré ; je ne comprends pas que, pour s'entêter à refuser son adhésion à l'amendement de la section centrale, l'honorable ministre en vienne à prononcer d'aussi imprudentes paroles. (Interruption.)

Ce que je dis est l'exacte vérité. Vous avez ouvert la porte au langage le plus passionné et le plus inconsidéré qui se puisse présenter dans une discussion ; on peut vous opposer votre langage, pour le crédit que vous demandez pour le palais du Roi, comme pour celui que vous demandez pour les écuries.

On pourra vous dire : « Nous vous refusons ces crédits, parce que vous nous avez refusé des crédits pour un chemin de fer, pour un canal. »

Moi, messieurs, je prends la défense des travaux publics, je prends la défense des monuments, je prends la défense du projet de loi, je dis qu'il est des convenances à observer, qu'il y a des nécessités de différents ordres auxquelles il faut satisfaire dans la mesure du possible.

Mais le langage tenu par l'honorable ministre des travaux publics révèle encore autre chose.

L'honorable ministre a dit : « Si la Chambre refuse les 200,000 fr., croit-on que le gouvernement viendra proposer un million pour le déplacement des écuries ? Si vous vous bercez de l'espoir de voir un jour ce déplacement, renoncez-y ; c'est une illusion trompeuse. »

Comment ! si nous refusons les 200,000 francs, vous ne déplacerez pas les écuries ; et d'un autre côté, vous dites que si on accorde les 200,000 francs, les écuries pourront être déplacées un jour ; conciliez ce langage, si vous pouvez ; pour moi, ce me serait impossible.

Je ne comprends rien à l'attitude du gouvernement en présence du langage si modéré et si digne de la section centrale, en présence d'un amendement qui donne satisfaction à tout le monde.

Vous dites que le manège ne retardera en rien le déplacement des écuries, et voici ce que je lis à la page 29 de l'exposé des motifs : « L'utilité de cette construction étant maintenant bien reconnue, il y a lieu de pourvoir à son exécution. Ce manège, d'un style d'architecture en rapport avec celui du quartier du Parc, aura d'ailleurs pour effet d'embellir les abords du Palais. »

Ainsi donc vous vous préoccupez de donner à cette construction un style d'architecture en rapport avec celui du Parc, et vous venez nous parler du déplacement des écuries !

Du reste, cette contradiction est insignifiante, après l'énorme contradiction que j'ai signalée tout à l'heure.

En résumé, tout le monde sera d'accord pour dire qu'il faut au plus vite déplacer les écuries ; tout le monde sera aussi d'accord pour reconnaître qu'il ne s'agit pas là d'une dépense de première urgence ; j'ai démontré tout à l'heure qu'il existe un moyen de parer aux nécessités actuelles et nouvelles, que ce moyen consiste à faire emploi du manège parfaitement convenable qui se trouve rue du Musée.

Messieurs, les écuries du Palais Ducal sont affreuses ; elles gâtent une des plus belles promenades de la capitale ; il faut qu'elles disparaissent ; quant à moi, je ferai tout ce qui dépendra de moi pour amener ce résultat.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Messieurs, je suis très décidé à ne pas me passionner pour cette affaire ; il m'est donc impossible de répondre à l'honorable préopinant sur le ton qu'il a jugé convenable de prendre. Il a trouvé moyen d'introduire dans cette discussion le personnel de l'administration.

Je n'aperçois pas clairement la relation. Nous demandons 200,000 fr. pour un manège après avoir accordé 6 millions de dépenses annuelles pour augmenter les traitements des employés.

M. Guilleryµ. - J'ai dit que l'on pourrait, si l'on admettait votre système, tenir ce langage. Quant à moi, je le repousse.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - On ne pourrait pas tenir ce langage, parce que nous proposons à la Chambre de réduire le crédit pour le manège dans les limites les plus restreintes possibles et qu'on veut forcer le gouvernement à l'augmenter dans des proportions qui ne me paraissent pas raisonnables. C'est donc le gouvernement qui est dans le juste, qui y met la mesure qu'il faut introduire dans ces sortes de choses.

Je l'ai dit, si l'on repousse le crédit, il n'y aura pas de manège. Mais il y aura toujours les écuries, le gouvernement étant bien décidé à ne pas apporter devant la Chambre une demande de crédit qui serait considérable pour le déplacer. Il trouve que ce n'est pas le moment et que de plus ce n'est pas son rôle.

Vous voulez embellir un quartier de Bruxelles. Eh bien, que la ville l'embellisse si cela lui convient.

M. Guilleryµ. - Ne l'enlaidissez pas.

MfFOµ. - Les écuries existent.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Ne l'enlaidissez pas ! Est-ce que nous voulons bâtir les écuries ? Non, elles y sont. Que voulons-nous faire ?

Nous voulons faire une construction que nous élèverons dans les meilleures conditions, qui sera plus élégante que ce qui existe. Mais si cette construction plus élégante n'est pas élevée, ce qui existe n'existera pas moins.

Messieurs, toute cette discussion part d'une idée essentiellement fausse : c'est qu'on pourrait faire que ce qui est ne soit pas, mais c'est là quelque chose de tout à fait chimérique. Tournez-vous comme vous voulez, les écuries y sont. Elles sont détestables, je les qualifie également ainsi ; mais enfin elles y sont.

Qui fera la dépense de déplacement ? Le gouvernement déclare que ce ne sera pas lui, il déclare qu'il trouverait très inopportun de venir demander en ce moment une somme considérable pour le déplacement de cette construction. Il trouve de plus que cela n'est pas dans ses attributions.

La Chambre décidera. Si elle croit devoir rejeter le crédit, encore une fois les écuries n'en existeront pas moins ; toute la question est là.

- Plusieurs membres. - La clôture !

M. Gobletµ. - Je demande à répondre quelques mots à M. le ministre des travaux publics. J'ai parfaitement le droit de parler deux fois, comme mon honorable ami M. Guillery.

M. le ministre des travaux publics a eu soin de ne pas rencontrer mon observation fondée, que les écuries actuelles obstruaient non seulement la rue du Trône, mais aussi la rue du Luxembourg. Tirez une ligne droite dans l'axe de ces rues et vous verrez que la bifurcation vient se faire sur vos écuries.

C'est un fait qu'il est facile de constater. Maintenant oh voulez-vous placer votre manège, qui vous coûtera 2.00,000 fr.? Voici deux réponses que vous avez faites à la action centrale et qui prouvent que vous n'en savez rien, ou que, si vous le savez, vous voulez maintenir les écuries. La section centrée demande : « Quelle est la somme déjà dépensée pour les écurie au palais de la rue Ducale ? »

Le ministre des travaux publics répond : Une somme de 163,428 fr. a été employée à l'exécution des travaux de restauration, d'amélioration et d'agrandissement desdites écuries. La section centrale pose une seconde question et prie M. le ministre de lui dire : « Le subside actuel suffira-t-il pour les achever ? »

Le ministre s'empresse d'énoncer : Le crédit de 200,000 fr. sera positivement suffisant pour terminer tous les travaux.

De cela, ne résulte t-il pas, pour tout homme impartial, que l'on compte bien établir pour toujours les écuries où elles sont.

J'ajouterai que je ne sais pas comment vous voulez faire un manège devant coûter 200,000 fr. au moyen de poutres en fer et d'une voûte s'appuyant sur les murs des écuries.

Je ne comprends pas qu'à moins d'appuyer cette voûte sur les murs du palais lui-même, vous puissiez faire un manège ou l'on puisse promener et fatiguer les chevaux du Due de Brabant.,

- La discussion est close.

L'amendement de la section centrale est ainsi conçu :

« Pour 1a construction d'un manège, à la condition qu'il soit établi sur (page 1193) un autre emplacement que celui du Palais Ducal : fr. 200,000fr. »

- Le vote par appel nominal sur cet amendement est demandé.

Il y est procédé, en voici le résultat :

83 membres prennent part au vote.

39 votent pour l'amendement.

43 votent contre.

1 (M. Coomans) s'abstient.

En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.

Ont voté l'adoption :

MM. Dewandre, Funck, Giroul, Goblet, Guillery, Hayez, Hymans, Jacobs, Janssens, Landeloos, Le Hardy de Beaulieu, Nélis, Notelteirs, Reynaert, Sabatier, Snoy, Thonissen. T'Serstevens, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Overloop, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Vleminckx, Warocqué, Beeckman, Bricoult, Couvreur, de Conninck, de Kerchove, Delaet, de Macar, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Rongé et de Ruddere de Te Lokeren.

Ont voté le rejet :

MM. de Terbecq, Devroede, Dolez, Dupont, Elias, Frère-Orban, Grosfils, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M Jouret, Julliot, Lange, Lebeau, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Orts, Pirmez, Rogier, Tack, Tesch, Thienpont, Valckenaere, A. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Allard, Bara, Crombez, David, C. de Bast, de Brouckere, De Fré, de Haerne, Delcour, de Mérode et E. Vandenpeereboom.

M. Coomansµ. - Messieurs, je n'ai pas voté pour l'amendement de la section centrale, parce qu'elle s'est abstenue d'en indiquer les conséquences financières, dont je crains l'exagération. D'autre part, je n'ai pas pu voter la destination que le gouvernement veut donner au crédit, parce que je la trouve assez malheureuse.

- La rédaction proposée par le gouvernement est mise aux voix par appel nominal et adoptée par 58 voix contre 26.

Ont voté l'adoption :

MM. de Terbecq, de Vrière, Dewandre, Dolez, Dupont, Frère-Orban, Grosfils, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Janssens, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Lange, Lebeau, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Notelteirs, Orban, Orts, Pirmez, Rogier, Sabatier, Snoy, Tack, Tesch, Thienpont, T'Serstevens, Alp. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Van Overloop, Verwilghen, Warocqué, Allard, Bara, Crombez, David, de Bast, de Brouckere, De Fré, de Haerne, de Kerchove, Delcour, de Macar, de Mérode, de Moor, de Muelenaere, de Rongé, de Ruddere de te Lokeren et E. Vandenpeereboom.

Ont voté le rejet :

MM. Devroede, Elias, Funck, Giroul, Goblet, Guillery, Hayez, Jacobs, Landeloos, Le Hardy de Beaulieu, Reynaert, Thonissen, Valckenaere, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Wambeke, Vermeire, Vleminckx, Beeckman, Bricoult, Coomans, Couvreur, de Conninck, Delaet et de Naeyer.

Article premier, paragraphe 22

« § 22. Subsides pour travaux de voirie vicinale et d'hygiène publique : fr. 2,000,000. »

M. Verwilghen. - Messieurs, l'arrondissement qui m'a fait l'honneur de m'envoyer dans cette enceinte attache, avec raison, une haute importance au travail dont mon honorable ami M. Van Overloop a entretenu la Chambre et qui a pour objet l'amélioration du régime des eaux dans les polders du pays de Waes. Vous comprendrez aisément l'intérêt que la bonne solution de cette question présente pour les populations de notre arrondissement, lorsque vous saurez qu'il s'agit d'obtenir l'assèchement d'une étendue de 7 à 8 mille hectares de terres arables, et qu'une population agricole de 15 à 20 mille habitants recueillera directement les bienfaits que cette œuvre est destinée à produire.

Dans le cours de la discussion du projet de loi qui nous occupe, un honorable député de Bruxelles et un honorable député de Gand ont soutenu, avec une énergie et un désintéressement qui les honore, les réclamations produites dans l'intérêt de nos commettants.

Je les remercie de ce bon procédé et j'espère que, lorsque la question se représentera plus tard devant cette assemblée, élucidée par les études auxquelles le département des travaux publics va bientôt se livrer, nous pourrons avec confiance faire un nouvel appel à leur concours intelligent et sympathique.

Avant de vous présenter les considérations que je désirerais ajouter à celles qui ont été précédemment développées ; je tiens à dissiper une erreur commise par M, le ministre des travaux publics.

Les travaux qu'il s'agit d'exécuter dans nos polders ne sont en aucune manière une dépendance des travaux effectués par le département de la guerre au fort Sainte-Marie, et s'ils ont pour but d'atténuer la charge des servitudes militaires, ce n'est que d'une manière tout à fait indirecte et accessoire.

Ce qui le prouve à la dernière évidence, c'est que, dès 1856, les wateringues intéressées chargèrent feu M. Wolters, ingénieur en chef de la Flandre orientale, de faire les études nécessaires et de dresser les plans des travaux à exécuter pour obtenir un écoulement des eaux plus abondant et plus régulier.

Or, ce n'est que trois ans plus tard, en 1859, si je ne me trompe, que le génie militaire commença l'agrandissement du fort Sainte-Marie. Vous voyez donc, messieurs, que ce ne sont pas les travaux entrepris par le département de la guerre qui ont éveillé la sollicitude de l'administration de nos wateringues.

Déjà depuis plusieurs années, elles étaient vivement préoccupées de la mauvaise situation dans laquelle elles se trouvaient au point de vue de l'écoulement des eaux et elles avaient décidé de porter remède à leurs maux, au moyen de leurs propres ressources.

L'ingénieur en chef de la province, consulté à ce sujet, proposa la construction d'une troisième écluse de mer et l'élargissement du bassin du Melkader.

Ces travaux, si importants, si éminemment utiles, allaient être exécutés, lorsque tout à coup le département de la guerre dresse les plans de l'agrandissement du fort Sainte-Marie et procède aux expropriations nécessitées par ces travaux. On ne tarda pas à se convaincre que le fort jadis insignifiant de Sainte-Marie, occupant maintenant une surface de 36 à 40 hectares, allait acquérir l'importance d'une véritable citadelle.

Dès lors aussi l'autorité militaire avait à prendre des précautions nouvelles pour mettre cette position stratégique à l'abri d'un coup de main ; elle devait pourvoir à la défense par un vaste système d'inondation garantissant la garnison contre toute attaque de vive force, et pour atteindre ce but, elle devait nécessairement s'emparer du Melkader et de ses écluses.

Que font les administrateurs de nos polders en présence de ces exigences nouvelles du département de la guerre ? Ils se déclarent prêts à abandonner au gouvernement et les écluses et le bassin du Melkader, insuffisants d'ailleurs pour assurer convenablement l'écoulement des eaux, et admirablement disposés d'autre part pour rendre la garnison maîtresse de l'inondation qui doit la couvrir et la protéger. Mais en échange de cette concession, ils demandent que le gouvernement intervienne, d'une manière large et généreuse, dans la construction d'un bassin nouveau et d'écluses assez puissantes, pour prévenir désormais les inondations désastreuses, qui désolent périodiquement une grande partie du pays de Waes.

C'est ainsi, messieurs, que nous nous trouvons aujourd'hui en présence de travaux hydrauliques assez considérables, dont l'exécution produirait pour tout l'arrondissement d'incalculables bienfaits au point de vue de l'agriculture, mais surtout au point de vue de l'hygiène publique.

Je ne saurais admettre que, dans ces circonstances, le gouvernement se refuse à nous venir en aide. Certes on ne nous accusera pas d'invoquer sans cesse en notre faveur l'intervention de l'Etat, et, si je ne me trompe, le département des travaux publics en particulier n'a jamais eu à se plaindre de nos importunités. C'est une raison de plus, pour que, dans l'occurrence, il s'empresse de mettre à la disposition de nos wateringues les lumières et l'expérience de ses ingénieurs.

En les chargeant des études préliminaires, le ministre des travaux publics ferait faire un grand pas à la question, et il épargnerait notamment aux nombreux intéressés une perte da temps considérable.

En effet, si ces derniers étaient de nouveau forcés de prendre l'initiative de ces études, les plans et devis devraient toujours, en fin de compte, arriver au ministère des travaux publics, les ingénieurs de l'Etat auraient à les examiner, à les apprécier, à les remanier peut-être, ce qui pourrait amener de longs et regrettables retards dans l'exécution.

Enfin, dans l'hypothèse où des travaux de cette importance seraient directement exécutés par les soins du département des travaux publics, sous sa surveillance et sa responsabilité, l'assèchement et l'assainissement de nos polders s'effectueraient dans les meilleures conditions et avec toutes les garanties désirables ; car la solution du problème ne viendrait plus se compliquer d'une question de dépenses plus ou moins élevées à couvrir.

Messieurs, il est au pouvoir du gouvernement de donner aux travaux dont il s'agit des proportions beaucoup plus vastes et d'autre part aussi une utilité beaucoup plus grande, beaucoup plus étendue. Il recommande tout spécialement ce point aux méditations de ceux qui seraient éventuellement chargés des études préparatoires.

Il existait autrefois une voie navigable qui constituait, pour les populations du nord de la Flandre, un moyen de communication facile et économique d'une part avec la capitale de la province, de l'autre avec la (page 1194) Zélande par le bas Escaut. Ce canal avait été creusé d'après les ordres du duc de Parme, Alexandre Farnèse, lorsque ce grand capitaine entreprit le siège mémorable de la ville d'Anvers. Les assiégeants reçurent par cette voie, pendant toute la durée de ce long siège, leurs approvisionnements de vivres et de munitions.

Mais les troubles sanglants qui, pendant une longue suite d'années, continuèrent à désoler nos provinces, compromirent bientôt l'œuvre si utile réalisée par le duc de Parme ; à défaut d'entretien convenable, le canal s'envasa sur plusieurs points et la navigation dans la direction de l'Escaut ne tarda pas à être complètement interrompue.

Il y aura bientôt trois siècles que les populations du nord de la Flandre sont restées privées de l'excellente voie navigable dont le gouvernement espagnol les avait dotées.

N'aurions-nous pas le droit d'espérer, en considérant la merveilleuse prospérité dont jouit le pays, que le jour de la réparation arrivera bientôt pour nous, et que le gouvernement nous restituera les précieux avantages que des circonstances de force majeure nous ont jadis enlevés ? , Veuillez remarquer que l'arrondissement de Saint-Nicolas n'est pas le seul intéressé au rétablissement de l'ancien canal d'Alexandre Farnèse. Les arrondissements d'Eecloo et de Gand en profiteraient dans une large mesure, et ont sous ce rapport un puissant intérêt à soutenir ce projet et à réclamer ta prompte exécution.

Dans mon opinion, la reconstruction de cette voie navigable, qui n'aurait pas même 18 kilomètres de longueur, et ne devrait être établie qu'à petite section, permettrait d'atteindre à la fois un triple but des plus importants.

D'abord, on servirait de la manière la plus efficace l'intérêt si élevé de la salubrité publique ; ensuite par le drainage et l'assèchement de 7 à 8 mille hectares de terrains d'alluvion ; on augmenterait dans des proportions énormes les forces productives de l'agriculture ; enfin, les 3,900 bateaux qui, en 1863, ont navigué sur le Moervaert, au lieu de se trouver arrêtés à Stekene, comme dans un véritable cul-de-sac, seraient mis ainsi en communication directe avec l'Escaut et les eaux intérieures de la Hollande.

A ce point de vue, le problème à résoudre mérite évidemment de fixer la sérieuse attention du gouvernement et d'éveiller toute sa sollicitude.

Et que l'on ne s'effraye pas des dépenses que la voie navigable dont je préconise la construction pourrait entraîner pour le trésor public. Le chiffre en sera minime, pour ne pas dire insignifiant ; surtout, si on le compare aux millions dépensés dans les autres parties du pays dans le but d'étendre et d'améliorer la navigation.

Que l'on ne perde pas de vue que le canal pourrait être construit à petite section et que, à l'exception du point de jonction avec l'Escaut, il n'y aura aucun ouvrage d'art important à établir sur tout son parcours.

Je croirais abuser des moments de la Chambre si, après les discours si intéressants et si concluants de l'honorable M. Vleminckx et de l’honorable M. Jacquemyns, j'insistais encore sur les bienfaits immenses que l'établissement du canal déverserait sur nos laborieuses populations des polders au point de vue de la salubrité publique.

La compétence toute spéciale des deux honorables préopinants en cette matière est universellement reconnue, et j'ai été heureux de constater que les considérations qu'ils vous ont présentées ont produit une profonde impression sur vos esprits.

La science médicale reconnaît donc aujourd'hui, de la manière la plus positive, que les fièvres intermittentes dites paludéennes sont directement provoquées par la stagnation des eaux.

Or, ce fait étant incontestable, il est de la plus haute importance de combattre le mal dans son principe, d'en détruire autant que possible les effets pernicieux en extirpant leur cause.

Puisque des expériences nombreuses et décisives ont démontré, que le drainage et l'assèchement des terrains palustres anéantissent complètement la source de ces fièvres malignes, qui exercent tant de ravages, je conjure le gouvernement de leur appliquer, sans retard, le remède que les savants indiquent et qu'ils considèrent comme infaillible.

Je m'associe de tout cœur aux paroles sympathiques par lesquelles l'honorable M. Vleminckx terminait son discours.

« De tous les travaux, nous disait-il, qu'un pays puisse entreprendre, les plus utiles et les plus productifs sont incontestablement les travaux hygiéniques, puisqu'ils ont pour résultat infaillible de tripler, de quadrupler la force productive et d'augmenter, par conséquent, dans une proportion considérable le bien-être et la prospérité des populations. Dans notre Belgique, ces travaux ne sont pat seulement une nécessité, mais l'accomplissement d'un grand devoir.

« Un million de dépenses pour l'assainissement de notre littoral produirait des effets cent fois plus utiles que l'ouverture de quelques routes dans certains arrondissements, qui, rigoureusement parlant, n'en ont peut-être pas besoin. »

Messieurs, l'honorable ministre des travaux publics, dans son premier discours, énumérait, avec une fierté parfaitement légitime, l'énorme quantité de millions qu'il avait successivement obtenus et qu'il sollicitait encore aujourd'hui dans l'intérêt des diverses parties du pays.

En y comprenant le projet de loi soumis en ce moment à nos délibérations, l'addition de l'honorable ministre atteignait, si je ne me trompe, le chiffre bien respectable de 142 millions.

Cette revue rétrospective, qui mettait en lumière l'activité et le zèle déployés dans l'administration du département des travaux publics, m'a suggéré, je l'avoue, une réflexion pénible.

En considérant la proportion qui existe entre la population de l'arrondissement de Saint-Nicolas et celle de tout le royaume, je me suis demandé sur quelle somme nous aurions pu légitimement élever des prétentions, dans l'ensemble des répartitions de travaux publics successivement proposés. Et j'ai acquis la conviction que si le gouvernement nous avait alloué pour notre part une somme de quatre millions, il serait rigoureusement resté dans les limites d'une justice égale pour tous ; et personne dans cette enceinte n'aurait pu nous accuser d'être trop favorablement traités. Or quelle a été notre part ? Je l'ignore ; et si j'étais chargé de l'établir, je me trouverais fort embarrassé.

Messieurs, je tiens à le rappeler en terminant, l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter n'a pas l'habitude, Dieu merci, d'importuner le gouvernement et de solliciter des faveurs. S'il élève aujourd'hui la voix, c'est pour rappeler que, tous les Belges étant égaux quand il s'agit d'alimenter par l'impôt les ressources du trésor public, doivent être égaux aussi quand on propose de distribuer an pays d'opulentes et splendides largesses.

M. Giroulµ. - Messieurs, si j'avais eu à apprécier le projet au point de vue des intérêts de mon arrondissement, j'aurais pu élever des plaintes plus légitimes bien certainement que celles qu'ont fait entendre les députés du Luxembourg et du Limbourg, à propos de la part qui leur a été faite dans les 60 millions de travaux d'utilité publique.

En effet, messieurs, l'arrondissement de Huy ne se trouve compris, pour aucune espèce de travail particulier, dans le projet dont nous nous occupons et cependant, ainsi que l'a démontré dans une précédente séance mon honorable collègue et ami M. de Macar, des besoins très sérieux existent, qui demandent à être satisfaits dans le délai le plus rapproché. J'ajouterai qu'à un autre point de vue et pour un fait particulier à la ville de Huy, nous nous trouvons encore dans une situation qui mérite la sérieuse attention du gouvernement ; je veux parler de l'état réellement déplorable dans lequel se trouvent la prison, le palais de justice et le local de la gendarmerie de la ville de Huy. A cet égard, une instruction a été faite au ministère de la justice, et l'honorable ministre qui préside ce département a reconnu la nécessité de parer aux inconvénients qui existent actuellement.

La prison de Huy est une prison commune, contraire par conséquent au système préconisé d'une manière si énergique et si claire, dans une récente discussion, par l'honorable ministre de la justice ; tous les inconvénients de la prison commune y existent ; les locaux du tribunal ont du être étançonnés dernièrement, ils se trouvent dans un état de vétusté el qu'il y a danger à les laisser dans cette situation. Je pense donc qu'il y a lieu de procéder à des travaux immédiats de consolidation et de chercher le moyen d'arriver à la reconstruction complète des trois édifices dont je viens de parler et qui forment un seul ensemble, je veux parler de la nouvelle prison, du palais de justice et du local de la justice de paix et de la gendarmerie. A cet égard, un avant-projet a été conçu, l'emplacement actuel pourrait suffire, selon l'architecte, et si l'objection présentée à cet égard dans l'instruction venait à être considérée comme admissible, eh bien, il existe actuellement et prêt à être mis à la disposition du département de la justice par l'administration communale, un nouvel emplacement d'une étendue très considérable et de nature à permettre les constructions les plus vastes, les développements les plus complets que l'on puisse désirer.

Dans ces circonstances, messieurs, je ne viens pas demander une allocation spéciale sur les 60 millions proposés, mais je viens seulement appeler l'attention de l'honorable chef du département de la justice sur cette situation qui lui est commune et demander en même temps si, dans le délai le plus rapproché possible, et lorsque l'instruction préliminaire sera complètement achevée, nous pouvons espérer qu'un crédit à imputer sur les fonds de son budget sera alloué à la ville de Huy pour la reconstruction des locaux dont je viens de parler ; et cela, bien entendu (page 1195) dans les limites de l'intervention ordinaire de l'Etat ; c'est-à-dire, pour la prison, la dépense totale, et pour les autres constructions, des subsides.

Nous ne demandons pas de faveur, nous demandons la stricte justice. Dans ces termes, je crois que la réponse de l'honorable chef du département de la justice ne peut que nous être favorable.

Après ces réclamations qui concernent mon arrondissement, j'arrive au paragraphe 22 : « Allocation pour la voirie vicinale et travaux d'hygiène. »

Nous avons, de concert avec les honorables MM. Lelièvre, Jouret et Bricoult, présenté un amendement qui tend à augmenter d'un million le crédit affecté.

L'honorable M. Bricoult vous a exposé déjà les motifs qui militent en faveur de l'adoption de notre amendement. Permettez-moi d'y ajouter quelques considérations.

Je n'entrerai pas, messieurs, dans des considérations générales sur l'importance de l'agriculture, sur la nécessité, tant au point de vue social, qu'au point de vue de l'équité, sur la nécessité qu'il y a pour le gouvernement de lui accorder une large part dans les faveurs de l'Etat.

Tout cela est admis d'une manière unanime par la Chambre. Je ne ferais que chercher à persuader des personnes qui partagent déjà complètement ma manière de voir.

Mais qu'il me soit permis de faire remarquer que, quelle que soit la bonne volonté du gouvernement à l'égard de l'agriculture, la part qui lui est faite dans le projet de loi est excessivement minime. En effet, dans la somme globale de 60 millions, l'agriculture n'est comprise que pour 4 millions et les 7 provinces principales ne participent à cette somme que pour un peu plus de 2 millions.

Nous avons pour l'agriculture 2 crédits ; un crédit de 2 millions pour construction de routes par l'Etat et un crédit de 2 millions pour travaux de voirie vicinale et d'hygiène publique.

Le crédit de 2 millions pour construction de routes par l'Etat est aujourd'hui affecté d'une façon spéciale.

Messieurs, les Luxembourgeois ont crié beaucoup et sont parvenus ainsi à obtenir une part privilégiée dans la distribution de cette allocation ; ils ont un million. Le Limbourg obtient encore une part toute particulière sur ce crédit de 2 millions.

Il ne restera donc, pour les sept provinces les plus importantes au point de vue de la population et de l'agriculture, qu'une part de 300,000 à 600,000 fr. peut-être.

Restent donc en réalité les 2 millions pour les travaux d'hygiène et de voirie vicinale. Je dis que la répartition n'est pas équitable.

Il me paraît qu'en ajoutant la somme que nous demandons, qui pourrait être affectée sur les premiers excédants des budgets et par conséquent ne nécessiterait pas un emprunt nouveau, ni des mesures financières nouvelles, nous n'exagérons rien et nous n'allons pas au delà d'une demande juste et modérée.

Je considère les travaux de voirie vicinale comme d'une importance majeure. Ce n'est pas seulement l'agriculture qui en profite, c'est le pays tout entier.

D'un autre côté en accordant 2 millions pour la voirie vicinale, vous mettez le pays à même de construire pour 6 millions de routes. En effet, la voirie vicinale se fait par l'intervention des communes, de la province et de l'Etat.

L'Etat intervient pour un tiers ordinairement. Je voudrais le voir intervenir dans une plus large mesure en cette matière.

Je ne suis pas partisan, en thèse générale, de l'intervention de l'Etat en matière de travaux publics, bien que je ne partage pas complètement, les théories absolues de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu ; mais, en matière de routes, de canaux et de chemins de fer, je pense que l'Etat doit, en tout état de cause, intervenir de la manière la plus complète, parce que ce sont des travaux qui profitent à l'universalité des citoyens et que l'industrie privée ne pourrait dès lors jamais exécuter.

Dans ces conditions, je voudrais donc voir l'Etat venir en aide d'une manière beaucoup plus large aux provinces et aux communes en matière de voirie vicinale.

L'idée émise en section et que la section centrale a repoussée sans donner beaucoup de raisons et qui consistait à demander un emprunt spécial pour la voirie vicinale dans tout le pays, me sourirait beaucoup ; elle serait de nature à réaliser un grand bien et à faire face à des besoins nombreux. Voici textuellement ce que dit à ce propos la section centrale.

« La section centrale ne s'est pas ralliée à cette idée dont l'application aurait pour premier résultat d'augmenter considérablement les dépenses de construction des chemins de fer vicinaux. »

Je me demande comment, parce que l'Etat, au lieu de 2 ou 3 millions, aurait à sa disposition 10 millions, les frais de construction des chemins vicinaux seraient augmentés.

Je pense qu'on en ferait plus, que l'on déploierait une plus grande activité pour satisfaire à tous les besoins, mais ce n'est pas parce que le gouvernement aurait à sa disposition des sommes plus considérables que la dépense de construction de ces chemins serait augmentée.

Je voudrais une intervention plus large de l'Etat, parce que je voudrais en même temps qu'il pût imposer certaines conditions à l'allocation de ces subsides.

L'agriculture réclame depuis longtemps et avec instance l'abolition d'un impôt qui pèse largement sur elle, l'impôt, des barrières.

On y arrivera bien certainement, comme on est arrivé à l'abolition d'autres impôts bien autrement difficiles à faire disparaître. Je ne citerai que l'admirable réforme de l'abolition des octrois pour prouver qu'avec de la bonne volonté, de l'énergie et un ministre des finances comme l'honorable M. Frère, on peut arriver à réaliser des réformes bien autrement difficiles que celle de l'abolition des barrières, à laquelle nous arriverons dans un temps qui, je l'espère, ne sera pas éloigné. Il faudrait dès maintenant éviter de multiplier les difficultés qui, le jour de la réforme, seront à vaincre.

Qu'arrive-t il maintenant ? C'est que les provinces et les communes, après avoir créé des chemins vicinaux, établissent de nouvelles barrières. C'est là ce que je voudrais empêcher.

Je voudrais la combinaison des deux choses : une intervention plus large de l'Etat dans les allocations à accorder aux provinces et aux communes pour la construction et l'amélioration des chemins vicinaux et l'interdiction d'établir des droits de barrières sur les routes qui seront construites à l'avenir.

Ce serait un acheminement vers l'abolition et ce serait, dans tous les cas, empêcher que, le jour où l'on voudra introduire la réforme, on ne se trouvât devant des difficultés plus grandes.

Quant à mon amendement, je me demande si réellement il peut soulever la moindre objection dans cette enceinte. J'indique un excédant pouvant servir à parer aux difficultés financières ; d'un autre côté,. le crédit de 3 millions qui figure au projet de travaux publics ne sera pas dépensé immédiatement. Nous nous trouverons donc en présence de ressources suffisantes pour que la décision prise puisse être mise à exécution sans amener un découvert dans le trésor.

Telles sont les considérations que je crois devoir ajouter à celles qui vous ont été présentées par M. Bricoult. C'est une satisfaction que nous réclamons pour les campagnes, mais dont le pays tout entier profitera. Dans ce sens je crois qu'il n'y a pas de motifs sérieux à faire valoir contre l'adoption de notre amendement.

MjTµ. - J'ai à répondre quelques mots à une question spéciale que vient de m'adresser l'honorable député de Huy. Il a appelé mon attention sur la nécessité de reconstruire le palais de justice, la justice de paix, la gendarmerie et la prison de Huy.

L'honorable M. Giroul gagnera assez facilement son procès vis-à-vis du gouvernement et si j'avais un avis à lui donner je lui conseillerais d'appliquer ses efforts à convaincre les autres autorités auxquelles incombe la charge de faire reconstruire les bâtiments dont il s'est occupé.

Il s'agit d'abord du palais de justice et de la gendarmerie. Or ces locaux ne concernent pas le gouvernement: c'est à la province à pourvoir à leur établissement, et il y a quelques jours encore j'appelais la sérieuse attention de M. le gouverneur de la province de Liège sur la nécessité de procéder à ces constructions.

J'engage M. Giroul à unir ses efforts à ceux de ce fonctionnaire afin de déterminer la province à faire faire ces travaux que je considère, quant à moi, comme indispensables : il m'éviterait ainsi de porter d'office au budget de cette province les sommes nécessaires pour y pourvoir.

M. Giroul nous a aussi parlé de la justice de paix. Je dois faire remarquer que les locaux de la justice de paix concernent la commune, et je ne puis qu'engager M. Giroul à faire en sorte que l'administration communale de Huy pourvoie aux charges que la loi lui impose.

Quant à la prison, il sera pourvu aux besoins dans un très court délai. Les subsides que le gouvernement accorde d'ordinaire pour la construction des justices de paix et des palais de justice, seront alloués à la ville de Huy dans la même proportion qu'aux autres localités.

M. Giroulµ. - Nous ne demandons pas autre chose.

MjTµ. - C'est à la province de Liège et à la ville de Huy que vous devez vous adresser, car il est bon, puisqu'on parle toujours centralisation et décentralisation, de ne pas centraliser toutes les demandes à l'adresse du gouvernement.

(page 1196) M. Giroulµ. - Je n'ai nullement demandé au gouvernement de se substituer à la commune a à la province ; j'ai dit, au contraire, que je ne demandais son intervention que dans les limites déterminées par la loi. J'ai même insisté sur ce point. Quant aux efforts à faire auprès des autorités à qui incombe le soin des intérêts dont j'ai entretenu la Chambre, M. le ministre peut se rassurer, la ville de Huy insiste depuis plus d'une année pour obtenir la construction d'un palais de justice. Le conseil provincial sera saisi d'une demande dans ce sens dès l'ouverture de la session et tout porte à croire que cette assemblée reconnaîtra comme M. le ministre l'urgence des travaux sollicités.

Mais j'avais surtout appelé l'attention de M. le ministre sur l'état de la prison. La prison de Huy se trouve englobée dans le même local que le palais de justice et la gendarmerie ; il m'était donc impossible de parler de la prison sans parler aussi du palais de justice.

M. le ministre nous promet de faire disparaître, quant à la prison, l'état de choses actuel, je me déclare satisfait.

M. De Fré. - La Chambre a ordonné le dépôt sur le bureau, pendant la discussion, d'une pétition de l'administration communale d'Ixelles. L'objet de cette pétition concernait l'embellissement de l'agglomération bruxelloise, et c'est à ce titre que je viens la recommander à la bienveillante attention du gouvernement. L'administration communale d'Ixelles réclame l'intervention du gouvernement, et je crois sa demande fondée. La commune d'Ixelles a établi sur son territoire un quartier nouveau appelle Quartier Marie-Henriette ; elle s'est adressée au gouvernement pour obtenir un subside de ce chef ; le gouvernement a promis d'accorder des subsides à condition que les plans d'alignement et de nivellement fussent changés.

Le gouvernement invoquait, pour justifier ce changement, la nécessité de créer de grandes voies de communication entre Bruxelles et les faubourgs, afin de donner à l'agglomération bruxelloise un caractère agréable et grandiose.

Voici dans quels termes le gouvernement s'est exprimé :

« L'administration communale d'Ixelles a demandé à M. le ministre des travaux publics un subside pour l'aider dans les dépenses qu'exige l'ouverture de la rue Sainte-Croix, reliant la route de Wavre au Bas-Ixelles.

« n examinant cette pétition, M. l'ingénieur en chef, directeur des ponts et chaussées, a été amené à remarquer dans le projet certains défauts qu'il s'empresse de signaler, persuadé qu'il est temps encore d'y apporter un remède.

« L'examen du plan, dit l'ingénieur en chef, m'a fait regretter que les rues qui y sont tracées aient été presque exclusivement projetées au point de vue du quartier qu'elles traversent et que l'on ait négligé les grandes voies de communication traversant les faubourgs de Bruxelles et dont le besoin se fait tant sentir.

« Je crois devoir faire remarquer à ce sujet que toutes les rues se dirigent du plateau sur lequel sont situés le faubourg Léopold et la commune d'Ixelles vers l'est de la capitale, la rue de la opi seule franchit la vallée du Maelbeck en remblai, toutes les autres rues descendent jusqu'au fond de celte vallée. Il en résulte que plus tard, lorsque la ville de Bruxelles se sera développée, non seulement sur le versant droit du Maelbeek, mats aussi sur le plateau qui domine ce versant, il faudra nécessairement descendre dans le vallon, puis en sortir par des rues qui auront six centimètres d'inclinaison au moins par mètre.

« Ainsi que je le disais, la rue de la Loi fait exception à cette règle et j'ai toujours pensé que l'on réservait la même destination à la rue du Trône.

« Le développement qu'a pris la ville de Bruxelles à l'est a amené la suppression d'un grand nombre de campagnes situées de ce côt , et pour satisfaire aux besoins des habîtants, il est indubitable que, par spéculation, on ne tardera pas à construire de nouvelles villas sur le plateau qui domine la ville et qui s'étend de la route de Louvain jusqu'à la route d'Alsemberg ; les routes qui traversent ce plateau et celle en projet de la Chasse-royale à Vleurgat faciliteront singulièrement l'établissement de ces villas. Mais il serait très regrettable, au double point de vue de la facilité des communications et de l'embellissement de la capitale et de ses faubourgs, que, pour se rendre de Bruxelles vers le plateau précité, il fallût nécessairement, à défaut de grandes artères, descendre dans le fond du Maelbeek, si l'on ne veut suivre la rue de la Loi.

« Dans la situation actuelle des lieux, la rue du Trône se présentait de manière à pouvoir devenir une de ces grandes artères ; elle se trouve à cet effet très bien située, puisqu'elle partage à peu près également l'espace compris entre la rue de la Loi et l'Avenue de la Cambre. Cette rue prolongée vient nécessairement rencontrer la route projetée de la Chasse-Royale vest Vleurgat qui sera dirigée de manière à passer en viaduc au-dessus du chemin de fer da Luxembourg ; établie dans de bonnes conditions, elle offrirait conséquemment tous les avantages d'une grande et belle voie de communication.

« Mais, pour obtenir ce résultat, il faut que ce projet de rues nouvelles adopté par l'administration communale d'Ixelles soit remanié et comme il en est temps encore, je crois devoir appeler sur ce point toute votre attention.

« En terminant je crois devoir vous faire remarquer, M. le gouverneur, que le plan ct-joint, qui a reçu l'approbation de l'autorité supérieure, décide que la rue du Trône sera prolongée en pente : or, d'après les travaux effectués en ce moment, ce prolongement s'effectue en rampe d'une inclinaison qui me paraît susceptible d'une critique sérieuse.

« Les observations de M. l'ingénieur en chef, directeur des ponts et chaussées, me paraissent d'une importance telle, que je ne saurais assez vous recommander, monsieur, de les communiquer, dans un bref délai, à l'administration communale d'Ixelles et à l'inspecteur voyer des faubourgs. »

La commune se conforme aux instructions du gouvernement. Elle fait faire un plan nouveau, elle en informe le gouvernement, et M. Rogier, alors ministre de l'intérieur, répond ainsi à l'administration communale d'Ixelles :

« En réponse à votre lettre du 10 de ce mois, j'ai l'honneur de vous informer que je viens de soumettre à l'avis de la députation permanente du conseil provincial du Brabant la délibération du conseil communal d'Ixelles, en date du 4 octobre, ainsi que les plans qu'elle tend à substituer au plan général approuvé par arrêté royal du 20 février 1861, pour l'établissement du quartier Marie-Henriette. Dès que j'aurai reçu l'avis de la députation permanente relativement à l'ensemble du nouveau projet, je m'empresserai de soumettre à mon collègue, M. le ministre des travaux publics, votre demande tendante à ce que le prolongement de la rue du Trône soit décrété de grande voirie et exécuté aux frais de l'Etat. »

MpVµ. - Il est question de voirie vicinale, M. De Fré.

M. De Fré. - C'est aussi de voirie vicinale que je m'occupe, M. le président. L'administration communale d'Ixelles a fait un travail de voirie vicinale ; elle s'est adressée au gouvernement pour qu'il intervienne dans la dépense qu'entraînerait ce travail. Le gouvernement lui a répondu: Faites une voie plus large et j'interviendrai. L'administration communale d'Ixelles s'est conformée à l'avis du gouvernement, et maintenant qu'elle a élargi la voie, le gouvernement n'intervient pas. L'administration communale d'Ixelles se trouve maintenant dans une position fort difficile ; elle n'a pas les moyens de continuer les travaux, et c'est dans ces circonstances qu'elle s'adresse à la Chambre.

S'il ne s'agissait ici que des intérêts de la commune d'Ixelles, je ne viendrais pas entretenir la Chambre de cette pétition, mais il s'agit de l'embellissement de l'agglomération bruxelloise et de l'engagement que l'Etat a pris et que l'Etat doit exécuter.

C'est donc au nom de l'embellissement de l'agglomération bruxelloise que je recommande cette pétition à l'examen bienveillant de M. le ministre des travaux publics et surtout de l'honorable ministre des finances qui tient les clefs du trésor .lls voudront bien, au prochain budget, allouer un crédit pour le prolongement de la rue du Trône, afin qu'elle soit exécutée aux frais de l'Etat.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - D'après l'honorable M. De Fré, le gouvernement manquerait de parole vis-à-vis de certaines communes et après les avoir engagées à faire de folles dépenses, il leur refuserait purement et simplement les subsides promis.

Messieurs, lorsque la commune d'Ixelles a témoigné l'intention de prolonger la rue du Trône, le gouvernement lui a conseillé de faire les choses convenablement et lui a promis son bienveillant concours, lorsque les travaux seraient terminés ; mais il ne pouvait être question alors que d'un subside minime, d'un subside s'élevant, si j'ai bonne mémoire, à une somme de 10,000 ou 15,000 francs.

La commune d'Ixelles veut faire des dépenses considérables.et comme plusieurs des communes suburbaines de la capitale, elle voudrait que le gouvernement intervînt pour une somme de 300,000 à 400,000 francs. (Interruption.)

Je n'exagère pas ; les subsides sollicités par les communes voisines de la capitale pour travaux de voirie urbaine s'élèvent à plusieurs millions, et l'on voudrait que moi j'impute ces subsides sur les crédits de la voirie vicinale destinés aux pauvres petites communes rurales qui n'ont que cela ! (Interruption.)

Eh bien, je le déclare, et j'espère que la Chambre m'approuvera, que pas (page 1197) un centime des crédits destinés à la voirie vicinale ne sera consacré à l'embellissement ou à l’établissement de rues formant les agglomérations soit des villes soit mêne des bourgs.

Les crédits votés pour la voirie vicinale sont la dotation des communes rurales et seront exclusivement consacrés à l'amélioration de la voirie vicinale.

- Voix diverses. - Très bien !

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je tenais à donner cette explication à la Chambre, parce qu'il importe que l'on soit bien fixé sur ce point. L'appétit vient en mangeant.

On a d'abord accordé quelques minimes subsides à des villes et aux communes suburbaines de la capitale ; puis les prétentions sont allées en augmentant, si bien que si l'on n'y mettait pas obstacle, ces communes absorberaient tous les crédits affectés à la voirie vicinale.

Je considère, messieurs, comme un devoir de m'opposer d'une manière radicale à ces prétentions. Mais le gouvernement ne fera-t-il rien pour la commune d’Ixelles ? M. le ministre des travaux publics, à la demande du département de l'intérieur, est disposé à reprendre la rue du Trône dès qu'elle sera achevée, puis à l'entretenir à ses frais, la commune n'aura donc plus rien à payer de ce chef.

Quant aux frais de construction de cette nouvelle voie, la commune ne les supporte pas seule, attendu qu'elle impose aux riverains une taxe à peu près égale à la dépense à faire. L'établissement du viaduc reste seul tout entier à la charge de la commune.

Puisque j'ai la parole, messieurs, j'ai un mot à répondre à l'honorable M. Giroul, qui veut faire absolument au ministre de l'intérieur un cadeau d'un million pour la voirie.

Je lui répondrai, comme je l'ai fait dans une circonstance analogue, que je considère ce cadeau comme inopportun. Je n'en pourrais faire usage pour le moment.

Le gouvernement a demandé deux millions par le projet de loi actuel et il a obtenu un million au budget de 1865 pour la voirie vicinale.

Voilà donc 3 millions qu'on pourra affecter à ce service public et je doute fort que les communes et les provinces fussent en mesure de nous suivre si l'on voulait aller plus vite.

M. Giroulµ. - Tout dépend de l'intervention de l'Etat.

MfFOµ. - Voilà de la centralisation.

M. Giroulµ. - Sans doute, mais celle-là, je ne la trouve pas mauvaise.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Evidemment pour la voirie vicinale l'intervention de l'Etat se justifie ; mais encore faut-il la contenir dans une certaine mesure ; et surtout il faut empêcher que cette intervention n'ait pour effet de transformer des chemins vicinaux en véritables routes de l'Etat.

D'abord, la part de l'Etat n'était que d'un cinquième, bientôt on est arrivé au tiers, aujourd'hui on va jusqu'à la moitié.

M. de Naeyer. - Arrêtons-nous au tiers.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Aller plus loin serait un véritable abus ; et je répète que les 3 millions dont nous disposons suffisent pour faire face à toutes les demandes.

L'honorable M. Giroul nous dit qu'il approuve ce genre de centralisation ; mais en même temps qu'il veut faire augmenter le crédit pour la voirie vicinale, il propose de supprimer le droit de barrière.

En d'autres termes donc, il propose tout à la fois une augmentation de dépenses et une réduction de recettes ; et si nous ajoutons l'honorable M. Coomans, qui propose tout simplement une réduction général de tous les impôts de l'Etat, nous voilà dotés de tout un système fort beau sans doute, mais parfaitement impraticable.

Un ministère nouveau qui se présenterait devant cette Chambre avec un pareil programme aurait des chances d'être parfaitement accueilli, mais je serais curieux de savoir comment il parviendrait à le réaliser.

Je considère donc comme tout à fait inutile - car je ne saurais pas l'employer actuellement, - le million qu'on nous offre ; quand le moment sera venu, le gouvernement ne manquera pas de demander de nouveaux ' crédits.

M. Coomansµ. - J'ai été désagréablement surpris d'entendre l'honorable M. De Fré nous demander de rogner le maigre crédit dévolu à la voirie vicinale.

M. De Fré.µ. - Du tout ; c'est une erreur ; vous m'avez très mal compris.

M. Coomansµ. - Vous avez parlé à propos de la voirie vicinale et votre but était de diminuer la part de l'agriculture, des communes rurales, au profit des faubourgs de la capitale.

M. De Fré. - C'est une erreur ; ja demande la parole.

M, Coomansµ. - Si telle n'était pas votre intention, vous avez très mal tracé votre discours. M. le président vous avait accordé la parole sur le crédit de 2 millions ; j'ai cru et la Chambre entière a dû croire que votre intention était de prendre une part de ce crédit pour une rue d'Ixelles.

M. De Fré. - Encore une fois, c'est une erreur ; j'ai dit tout la contraire.

M. Coomansµ. - Telle a cependant été aussi l'impression de M. le ministre de l'intérieur qui, lui aussi, a désapprouvé la réclamation de l'honorable M. De Fré et qui a eu la bonté de déclarer qu'il ne distrairait pas un centime du crédit de la voirie vicinale au profit de l'agglomération bruxelloise, qui a déjà été assez bien traitée. Autant le langage de l'honorable AM De Fré m'a déplu, autant celui de M. le ministre de l'intérieur m'a fait plaisir.

M. De Fré. - Cela m'arrive très souvent vis-à-vis de vous.

M. Coomansµ. - C'est votre droit de me le dire, sauf réciprocité.

Eh bien, je dis que ma reconnaissaice m'oblige à proclamer le plaisir que m'a fait cette fois M. le ministre de l'intérieur.

MfFOµ. - Messieurs, l'on vient encore de répéter que le projet de loi que nous discutons n'accorde qu'une maigre part de travaux utiles à l'agriculture.

M. Coomansµ. - Oui, très maigre.

MfFOµ. - Dans la séance d'hier, mon honorable collègue des travaux publics a déjà démontré d'une maniére péremptoire et irréfutable, je pense, que la moitié des crédits compris dans le projet de loi tourneront, soit directement, soit indirectement, au bénéfice de l'agriculture ; cela est incontestable.

M. Coomansµ. - Je le conteste, moi.

MfFOµ. - Soit ! Vous pouvez le contester, comme vous pouvez nier l'évidence pour l'utilité de votre thèse. Mais on est bien obligé de reconnaître, quand on examine le projet de loi sans prévention, sans parti pris, que des sommes considérables sont affectées à des travaux qui intéressent l'agriculture.

L'honorable M. Giroul, en développant l'amendement qu'il a déposé avec quelques autres honorables membres, et par lequel il demande une allocation plus considérable pour la voirie vicinale, a paru contester cette vérité. Déjà mon honorable collègue, M le ministre de l'intérieur, a fait observer qu'eu égard à l'importance des subventions à fournir par les communes et par les provinces, il ne pourrait pas consacrer au service de la voirie vicinale une somme plus forte que celle qui est indiquée dans le projet de loi.

L'honorable M. Giroul prétendait qu'aucune bonne raison ne pourrait être alléguée contre son amendement. En voilà cependant qui me paraissent assez péremptoires ; mais il en est encore une que je considère comme plus puissante que les autres.

L'honorable M. Giroul offre au gouvernement un million de plus à dépenser. C'est assurément fort généreux. Malheureusement, lorsqu'on lui fait de semblables cadeaux, le gouvernement se trouve singulièrement embarrassé par une petite difficulté : c'est que l'on oublie de lui indiquer où il pourra trouver les sommes dont on veut le gratifier. On lui offre le pouvoir de faire une dépense, mais on ne s'occupe nullement de lui procurer les ressources nécessaires pour y faire face.

A la vérité, l'honorable membre nous dit : « Vous aurez les excédants futurs. »

Mais j'ai déjà eu l'occasion de faire remarquer que nous avons disposé de ces excédants futurs. Je crois avoir soumis à la Chambre un exposé très clair, très simple, de notre situation financière, que chacun de vous peut apprécier facilement et qui se résume en quelques chiffres.

Nous avons à pourvoir à un arriéré de 45,000,000 de francs, que nous comptons éteindre précisément au moyen des excédants futurs de cinq ou six années ; et nous faisons un emprunt de 60 millions que nous appliquons à des travaux nouveaux.

Ce mode d'opérer est très économique, parce que nous employons une très grande partie de l'emprunt à des dépenses qui sont déjà en cours d'exécution, réservant pour faire face aux autres dépenses, dont l'échéance ne se produira que successivement, les excédants que nous espérons obtenir annuellement sur les budgets ordinaires.

Mais, messieurs, il ne faut pas excéder une juste mesure dans cette manière d'opérer ; nous comptons sur des excédants, nous espérons les obtenir ; mais ils peuvent ne pas se produire.

Nous avons supposé, d'après une expérience acquise et d'après des prévisions que je crois très rationnelles ; nous avons supposé, dis-je, que toutes choses se maintenant dans de bonnes conditions, nous aurions (page 1198) environ 10 millions d'excédant de recettes annuellement. Sur ces 10 millions, nous prenons trois millions pour l’amortissement et les intérêts de l'emprunt de 60 millions ; il nous reste environ sept millions qui doivent servir à éteindre l'arriéré de 45 millions dont je viens de parler.

Or, si l'on surchargeait ce passif, s'il surgissait des événements qui vinssent nous empêcher de récupérer les excédants que nous espérons ; s'il éclatait, par exemple, une crise industrielle ou alimentaire, le trésor se trouverait dans une situation très fâcheuse. II faut agir avec beaucoup de circonspection en cette matière ; c'est ce que nous avons toujours fait, et je pense que la Chambre et le pays nous rendront cette justice de reconnaître que nous avons apporté, dans la gestion des finances de l'Etat, un esprit de prudence que les faits ont justifié.

En 1859, lorsque nous avons proposé à la Chambre un plan financier qui différait de celui qui lui est soumis en ce moment en ce sens qu'à cette époque, nous faisions un emprunt et que nous escomptions en même temps les excédants futurs ; en 1859, dis-je, les plaintes que vous entendez aujourd'hui se sont également produites. Il semblait que c'était la dernière grande loi de travaux publics dont l'on eût à s'occuper. Mais le projet qui est en ce moment soumis à vos délibérations est venu prouver que ces appréhensions n'étaient rien moins que fondées ; le nouveau plan est venu à son heure.

Et il y a plus, messieurs : en 1859, nous avons indiqué les excédants sur lesquels nous comptions pour acquitter les dépenses que nous proposions à la Chambre de décréter. Or, il s'est trouvé que nos espérances ont été dépassées. Immédiatement le gouvernement a fait de nouvelles propositions à la législature ; et il lui a soumis non plus un projet d'ensemble, mais successivement toute une série de projets isolés ; de 1860 à 1864, les Chambres ont voté 67 millions de crédits nouveaux qui ont reçu notamment la destination suivante :

Travaux publics, 24,000,000

Matériel du chemin de fer, 15,000,000

Télégraphe électrique, 727,000

Eh bien, si, comme nous pouvons l'espérer, les ressources réalisées se trouvent être plus considérables que les ressources probables sur lesquelles nous croyons prudemment pouvoir compter, nous soumettrons aux Chambres de nouvelles propositions pour faire droit, dans une mesure juste et raisonnable, aux réclamations que l'on a fait valoir, et notamment en ce qui concerne la voirie vicinale.

Tout le monde reconnaîtra que cet important service n'a pas cessé un instant d'être l'objet de la plus vive sollicitude du gouvernement et que chaque fois que la nécessité en a été démontrée, il n'a pas hésité à demander aux Chambres des crédits considérables, comme il l'a fait pour la construction de maisons d'école.

Il est donc chimérique de craindre que les crédits proposés en ce moment à la Chambre ne soient les derniers ; nous aurons encore à lui en demander, mais nous serons en mesure de lui indiquer alors les moyens de les couvrir.

M. Hymans. - Messieurs, je demande la permission de dire deux mots à l'appui des observations qui ont été présentées par l'honorable M. De Fré et qui ont été mal comprises et par la Chambre et par M. le ministre de l'intérieur, à qui même elles ne s'adressaient pas ; elles allaient à l'adresse de M. le ministre des travaux publics.

Il s'agit d'un travail d'une utilité incontestable ; il s'agit de créer, aux portes de la capitale, tout un quartier nouveau, de tracer une grande voie parallèle à la rue de la Loi extérieure et à l'avenue de la Cambre.

Vous vous rappellerez, messieurs, que l'Etat est intervenu dans les travaux de la rue de la Loi extérieure, ainsi que dans ceux de l'avenue de la Cambre ; nous demandons que l’Etat intervienne au même titre dans les travaux que la commune d'Ixelles doit exécuter.

M. le ministre de l'intérieur a dit tout à l'heure que la commune d'Ixelles, en 1861, avait projeté un travail de peu d'importance, dans lequel le gouvernement avait promis d'intervenir pour un subside modeste, mais convenable ; l'honorable ministre regrette que la commune d'Ixelles ait donné plus tard à ce travail des proportions plus considérables qui ont empêché le gouvernement d'intervenir dans une mesure égale.

Mais l'honorable ministre de l'intérieur se trompe complètement ; la commune d'Ixelles avait en effet projeté le prolongement d'une rue dans des proportions très modestes ; c'est sur le désir exprimé officiellement par M. le gouverneur du Brabant, par M. l'ingénieur en chef de la province et par toutes les autorités consultées, qu'elle a donné à son projet des proportions plus vastes, les autorités compétentes ne voulant admettre l'intervention de l'Etat qu'à la condition que le travail serait un embellissement pour l'agglomération bruxelloise ; il s'agit de relier par une grande voie de communication la capitale au plateau le plus pittoresque et le plus salubre des environs.

L'honorable M. De Fré s'est borné à recommander cette affaire à M. le ministre des travaux publics. Il y a, de la part du gouvernement, un engagement, moral et même plus qu'un engagement moral d'intervenir ; la pétition déposée sur le bureau de la Chambre le prouve.

Nous n'avons pas l'intention d'enlever un centime au crédit demandé pour la voirie vicinale.

Nous avons présenté nos observations à l'occasion de cet article, parce qu'il nous eût été difficile de les présenter à l'occasion d'un autre objet. L'essentiel était que ces observations fussent produites, et je suis convaincu que M. le ministre des travaux publics voudra bien examiner l'affaire avec bienveillance.

Nous pourrons y revenir, du reste, lors de la discussion du prochain budget.

M. Giroulµ. - M. le ministre des finances est parti d'une idée que je n'ai pas émise. Je n'ai pas supposé que le projet de loi actuel serait le dernier présenté par le ministère actuel ou présenté ultérieurement. Je n'ai pas prononcé une parole qui pût laisser supposer chez moi une opinion semblable.

J'ai seulement fait remarquer que sur les 85 millions qui allaient être alloués par le projet actuel, l'agriculture proprement dite, la voirie vicinale et l'hygiène publique n'auraient qu'un peu plus de deux millions.

J'ai trouvé cette part extrêmement petite ; j'ai cru qu'il y avait lieu de l'augmenter, et j'ai indiqué dans quelles limites.

Il m'est fait une objection financière par l'honorable ministre des finances, et une autre objection par M. le ministre de l'intérieur. Elles consistent à dire que mon amendement est inutile. Cependant je ne sache pas que les deux millions allons par le projet actuel seront de nature à satisfaire à tous les besoins qui existent actuellement.

Selon la théorie de M. le ministre des finances, on ne pourrait pas savoir à quelle époque un nouveau crédit sera sollicité pour la voirie vicinale, parce que, dit-on, les ressources financières ne le permettent pas.

MfFOµ. - C'est une question de temps.

M. Giroulµ. - Il est toujours utile de faire des chemins ; c'est là un des premiers intérêts sociaux. Par conséquent ce n'est pas une question de temps.

Dans ces termes, la question me paraît digne d'une attention aussi sérieuse que les travaux à faire aux écuries du Palais Ducal, ou que les travaux à faire au palais du Roi et beaucoup d'autres que nous avons votés.

Je ne comprends pas que, parce qu'il faudrait augmenter la dette flottante d'un million, vous veniez m'opposer une fin de non-recevoir, alors qu'il s'agit d'un intérêt aussi sérieux que celui de l'agriculture.

Je crois donc qu'il n'y a pas lieu de s'arrêter aux objections qui m'ont été faites et j'espère que la Chambre adoptera mon amendement.

- La discussion est close.

L'amendement tendant à porter le crédit à 3 millions est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Le paragraphe, tel qu'il figure au projet, est adopté.

Article premier, paragraphe 23

« § 23. Subsides aux communes pour construction et ameublement d'écoles : fr. 5,000,000. »

M. Julliot. - L'honorable M. Thonissen a dû partir ; il se proposait de présenter quelques observations, il m'a laissé ses notes et je demande à parler.

- Plusieurs membres. - Non ! non ! Aux voix !

M. Julliot. - Si la Chambre désire voler immédiatement, je demande à faire insérer les observations aux Annales parlementaires.

MpVµ. - La Chambre décidera ; mais je crois qu'il ne convient pas d'insérer aux Annales parlementaires des discours qui n'ont pas été prononcés en séance, et si j'avais, un conseil à donner à la Chambre, je l'engagerais à ne pas admettre de pareilles demandes.

M. Julliot. - Messieurs, vous n'êtes pas tolérants. Je n'ai pas ouvert la bouche dans cette discussion et j'ai écouté en silence plus d'un discours soporifique. (Interruption.)

MpVµ. - Vous ne pouvez parler pour un collègue absent.

M. Julliot. - Eh bien, je demande la parole pour mon compte.

MpVµ. - Vous avez la parole.

(page 1199) M. Ortsµ. - Je demande la parole pour une motion d'ordre ou plutôt pour un rappel au règlement.

La Chambre entend toujours très volontiers ceux de ses membres qui veulent bien lui communiquer leurs observations, mais à une condition, c'est que ce soient leurs observations. Or, l'honorable M. Julliot vient de nous dire que ce qu'il propose de communiquer à la Chambre, c'est le discours d'un de ses collègues.

Je demande que nous nous bornions à prononcer nos propres discours ; c'est bien assez comme cela.

MpVµ. - Vous avez la parole, mais pour votre propre compte.

M. Julliot. - Les communes opulentes sont bien pourvues d'écoles, mais celles qui sont dénuées de ressources restent sans enseignement.

D'après les règles suivies, le gouvernement intervient dans la dépense de construction pour 3/5 et la province pour 2/5.

Or, le Limbourg et le Luxembourg ne savent pas fournir cette quote-part, et M. le ministre de l'intérieur par une circulaire du 20 décembre 1859 a fait connaître que quand la province manquait de fonds, l'Etat pouvait dépasser la proportion établie. Eh bien, pour couper court à toute impatience, j'invite l'honorable ministre de l'intérieur à se reporter à cette circulaire de son prédécesseur et à nous traiter de manière à nous permettre d'arriver à généraliser l'enseignement dans ma province.

- Le paragraphe est mis aux voix et adopté.

L'ensemble de l'article premier est adopté.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.