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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 27 janvier 1866

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboomµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 273) M. Thienpont, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart et donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

Il présente ensuite l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur De Smet prie la Chambre de statuer sur les réclamations relatives au droit de patente des moulins à vent. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur des pétitions relatives au même objet.


« Des habitants de Molinfaing prient la Chambre de faire contraindre la grande compagnie du Luxembourg à construire l'embranchement de Bastogne. »

« Même demande d'habitants de Longlier. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur des pétitions relatives au même objet.


« M. de Smedt, obligé de s'absenter pour affaire urgente, demande un congé d'un jour. »

- Accordé.

Projet de loi approuvant la convention additionnelle au traité avec les Pays-Bas

Rapport de la section centrale

M. Lippensµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi relatif à la convention additionnelle au traité avec les Pays-Bas.

- Ce rapport sera imprimé et distribué et le projet de loi sera mis à la suite de l'ordre du jour.

Ordre des travaux de la chambre

MpVµ. - Plusieurs membres demandent que la Chambre aborde en premier lieu la suite de la discussion du budget des travaux publics.

- Plusieurs membres. - Et le projet de loi sur le typhus contagieux ?

MiVDPBµ. - La Chambre a décidé, en effet, hier, qu'elle procéderait aujourd'hui en premier lieu au vote définitif du projet de loi sur le typhus contagieux ; mais je demanderai que l'on veuille bien ajourner ce vote à mardi prochain, attendu qu'il y a une question à examiner en ce qui concerne la prestation de serment des agents qui seront appelés à concourir à l'exécution de la loi.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l'exercice 1866

Discussion générale

M. Moutonµ. - Je viens appeler l'attention du gouvernement sur l'état dans lequel se trouvent quelques stations du réseau de notre chemin de fer. Je ne m'occuperai cependant que de deux d'entre elles qui me sont plus particulièrement connues, les stations d'Ans et de Chênée.

Quant à la station d'Ans, il est devenu indispensable de l'agrandir : le mouvement y est tellement développé que, sans l'extrême prudence et la surveillance active des agents de l'administration, il pourrait arriver des accidents très graves.

Indépendamment des trains de la ligne de Tongres qui viennent y occuper une certaine place plusieurs fois par jour, il y a un encombrement de marchandises qui fait subir du retard à presque tous les trains venant de Bruxelles, à leur entrée dans la station.

Il n'y a en effet que deux voies principales pour le passage des trains de voyageurs, et par suite des nombreuses manœuvres qui s'opèrent il est presque impossible de les tenir libres au moment précis de l'arrivée des convois qui doivent traverser la station. Je crois donc que si l'on veut éviter les accidents et supprimer les causes de retard, il faut que l'administration se décide à l'agrandir le plus tôt possible.

En ce qui concerne la station de Chênée elle présente une grande importance comme trafic, et cependant elle est dépourvue de toutes les dépendances nécessaires.

Pour donner une idée du mouvement considérable de cette station, il me suffira de rappeler quelques chiffres extraits du compte rendu annuel qui nous est distribué.

Je prends les trois dernières années. En 1862 la recette des voyageurs était de fr. 29,387-63, celle des marchandises s'élevait à fr. 108,929-73. En 1863 les recettes montent à fr. 32,421-69 pour les voyageurs et à fr. 158,612-54 pour les marchandises. Enfin en 1864 les recettes s'élèvent à fr. 40,281-11 et à fr. 166,141-72.

Ainsi, messieurs, on constate une augmentation toujours croissante de la recette tant pour les voyageurs que pour les marchandises. Et néanmoins, malgré ce mouvement considérable, la station manque de hangars couverts, de magasins, de grues de forte dimension, de sorte qu'il est impossible de charger en tout temps un certain nombre de produits susceptibles de se détériorer par l'action de la pluie ou de neige. Les industriels sont obligés, pour les expéditions de. ce genre, ou d'attendre un temps favorable, ou de diriger leurs produits sur Liège, c'est-à-dire de faire quatre kilomètres de plus.

Cet état de choses présente, comme vous le voyez, des inconvénients très sérieux, auxquels il est urgent de remédier.

Et remarquez que cette situation doit s'aggraver par suite de l'ouverture prochaine du chemin de fer de l'Ourthe : de nombreuses relations existant entre les localités industrielles voisines de Chênée et la vallée de l'Ourthe, le trafic devant augmenter, l'insuffisance de la station sera encore plus sensible. Déjà l'administration communale de Chênée et les habitants des communes environnantes ont adressé une pétition au département des travaux publics pour lui signaler cette situation fâcheuse,

Si mes renseignements sont exacts, l'administration a acquis les terrains nécessaires pour l'agrandissement' de la station, mais on semble craindre que l'exécution des travaux ne soit indéfiniment retardée, au grand préjudice du commerce et de l'industrie.

Je recommande instamment cet objet à la sollicitude de M. le ministre des travaux publics, la prospérité de notre chemin de fer lui permet de réaliser des améliorations, et j'espère qu'il fera droit à ces réclamations, qui sont parfaitement légitimes.

Puisque j'ai la parole, je signalerai en passant à l'honorable ministre, l'état déplorable des bâtiments de station de la ligne concédée de Liège à Namur.

Sur tout le parcours, même dans les localités les plus populeuses, telles que Huy, Seraing et Longdoz, on n'a élevé que des constructions provisoires, de véritables baraques en planches.

Mes honorables collègues de Huy ont fait entendre à ce sujet dans cette enceinte, et à plusieurs reprises, des plaintes fondées. La compagnie du Nord n'a rien changé à cet état de choses, malgré leurs doléances.

J'engage donc, à mon tour, M. le ministre à tenir sévèrement la main à l'exécution du cahier des charges.

Encore un mot, messieurs, et je termine. Dans la session dernière la législature a voté un crédit pour le raccordement à établir entre la station des Guillemins et le chemin de fer limbourgeois. Depuis lors il est parvenu au département des travaux publics un projet apportant des modifications au plan primitif de ingénieurs du gouvernement. Sans me prononcer sur la valeur de ces modifications, je désire savoir si ce projet a été examiné par les fonctionnaires de l'administration et quel est le résultat de cet examen.

M. Dupontµ. - L'honorable ministre des travaux publics, à l'activité duquel nous rendons tous hommage, a dans ses attributions de nombreux objets à surveiller.

Les postes, les télégraphes, les chemins de fer font l'objet de ses études d'une manière continue.

En ce qui concerne les chemins de fer, l'honorable ministre s'est occupé tout spécialement des tarifs du transport des marchandises ; il a obtenu, dans cet ordre d'idées, de nombreux résultats. Les transports se sont multipliés, le commerce s'est développé, l'industrie a progressé par suite des diminutions qu'il a décrétées avec l'assentiment unanime des Chambres législatives, et ce sera un des plus beaux titres que son administration aura à la reconnaissance du pays.

Le trésor, au lieu de souffrir de ces réductions, en a au contraire profité, de sorte que cette réforme importante a réuni les suffrages des gens les plus difficiles.

(page 284) Les mêmes principes ont été appliqués aux télégraphes et produiront, l'expérience l'a déjà démontré, les mêmes résultats.

En présence de ce succès, dont l'honorable ministre doit être fier, je lui demanderai pourquoi il tarde si longtemps à abaisser le prix du transport des voyageurs. Il a présenté et les Chambres ont voté avec empressement un projet de loi qui lui laisse la liberté la plus entière de réaliser des réformes à cet égard. Jusqu'à présent, rien n'a été fait : un temps assez long aura dû être naturellement consacré aux études sur cette question difficile. Quels sont les principes à suivre ? faut-il une réduction de 30, de 40 ou de 25 p. c ? La réduction s'étendra-t-elle à tous les transports d'une localité à une autre ? ou sera-t-elle appliquée seulement aux transports à d'assez longues distances ?

Cependant, ces études doivent être aujourd'hui assez avancées pour que nous puissions espérer voir dans un délai rapproché l'application de la loi que nous avons votée.

Il y a tout lieu de croire, et M. le ministre des travaux publics est également de cet avis, que la mesure aura des effets aussi heureux que la réduction des tarifs du transport des marchandises. Les prix actuels, à de longues distances, sont, il faut bien le dire, trop élevés ; c'est ainsi que les voyageurs payent entre Liège et Bruxelles, ce qu'exigeait autrefois l'entrepreneur des diligences. Il est cependant désirable que le mode de locomotion employé aujourd'hui ait sur l'ancien, non seulement l'avantage de la rapidité, mais encore celui du bon marché.

Je prierai aussi M. le ministre de hâter l'ouverture de la ligne directe de Bruxelles à Louvain. La construction de cette partie de notre réseau a subi des retards considérables, dus à diverses causes. Il y a quelques jours, j'ai vu encore, à l'occasion d'une adjudication annoncée dans les journaux, que l'époque de l'achèvement de ces travaux était postposée au 1er août 1866. Toute la partie du pays desservie par la ligne de l'Est a le plus grand intérêt à l'achèvement de ce travail, commencé déjà depuis si longtemps : il en résultera tout à la fois une diminution de prix et une plus grande rapidité dans les transports. J'espère donc que M. le ministre ne perdra pas de vue cet important objet,

II est une autre question que je soumets à l'appréciation bienveillante des honorables chefs des départements des travaux publics et de la justice : je veux parler de l'appropriation des locaux destinés au tribunal de première instance de Liège. La Chambre a voté, l'année dernière, un crédit de 400,000 francs pour commencer les travaux de reconstruction de locaux définitifs pour loger, à Liège, l'administration de la justice. En attendant que de nouveaux crédits puissent être sollicités et accordés pour cet objet qui entraînera une dépense de 1,600,000 francs, le gouvernement, faisant droit aux réclamations que j'avais présentées dans la session dernière, a fait approprier les anciens locaux des archives pour y placer deux chambres civiles. Les travaux ont été exécutés avec la plus stricte économie : les salles sont basses, étroites, difficiles à aérer et exposées au midi ; elles sont tellement exiguës qu'il a fallu recourir à des mesures ingénieuses pour parvenir à y établir un bureau pour les cinq personnes qui composent le tribunal.

Quoi qu'il en soit, ces salles peuvent, à la rigueur, servir provisoirement pour des chambres civiles dont les audiences n'attirent pas la foule. Il n'en est pas de même du tribunal correctionnel ; aussi, ne peut-il être question d'affecter l'un des nouveaux locaux à l'administration de la justice répressive. Comme le proposent les ingénieurs chargés du travail, il faut approprier l'ancienne salle de la première chambre civile pour y placer la chambre correctionnelle et lui donner les dégagements indispensables. Il faut également ouvrir un couloir pour permettre la communication entre les locaux nouveaux et ceux qui existent actuellement aux autres services.

En terminant, je me joins complètement aux observations qui viennent d'être présentées par l'honorable M. Mouton et qui concernent les stations d'Ans et de Chênée. J'appuie tout spécialement ses considérations relatives à notre nouvelle station centrale, que Liège a obtenue enfin après de longues années d'attente. On prétend, sans que je puisse en juger, que le projet de M. de Bruyne offre de notables avantages sur celui qui avait été adopté d'abord : notamment, on obtiendrait de cette façon une station qui serait de niveau avec la place et n'obligerait pas les voyageurs à descendre un grand nombre de degrés pour arriver à la voie ferrée.

L'administration communale de Liège a transmis ce projet au gouvernement avec prière de l'examiner et de rechercher si son exécution était possible. Il serait vivement à désirer que l'honorable chef du département des travaux publics fît promptement procéder aux études nécessaires, afin que si l'exécution du plan de M. de Bruyne ne présente pas de difficultés insurmontables, Liége soit, dans un délai rapproché, dotée d'une station située au centre de la ville et dans de bonnes conditions d'accès. Dans tous les cas, je signale à M. le ministre des travaux publics la nécessité de créer des haltes sur le parcours ; de cette manière, le tronçon que l'Etat à construire deviendra, pour Liège, un véritable chemin de fer de ceinture et produira les plus heureux résultats.

M. Van Overloopµ. - La discussion du budget des travaux publics n'est, en général, que le développement des sollicitations que les divers arrondissements adressent au ministre dispensateur par excellence des avantages matériels. Je me permettrai donc à mon tour d'appuyer les demandes de quelques localités de l'arrondissement de Saint-Nicolas ; et, pour aller vile, je commencerai par la poste.

La commune de Calloo vient la première dans l'ordre d'idées que je veux suivre.

Un service de malle-poste a été établi récemment entre les stations du chemin de fer du pays de Waes à Beveren et la commune de Doel.

Il a été fait droit, par cet établissement, à nos vives instances, et nous en témoignons toute notre gratitude à l'honorable chef du département des travaux publics.

Cette malle, pour aller de Beveren à Doel et vice versa, doit nécessairement traverser la commune de Calloo, dont la moyenne des lettres dépasse celle de la commune de Doel. Et cependant Calloo n'a qu'une seule distribution, tandis que Doel en a deux !

Autre observation. Le facteur de Beveren à Calloo arrive dans cette dernière commune un quart d'heure après le passage de la malle-poste, et les lettres de Doel à destination de Calloo sont transportées d'abord à Beveren, quoique la malle doive passer par Calloo pour arriver à Beveren.

Ne pourrait-on pas remédier à cet état de choses soit par l'établissement à Calloo d'un facteur qui prendrait les lettres au passage de la malle, soit en autorisant le facteur de Calloo à voyager par la malle-poste ?

Je soumets ces observations à M. le ministre des travaux publics qui, j'en suis sûr, les examinera avec sa bienveillance habituelle.

Je passe à la commune de Kieldrecht.

La commune de Kieldrecht, dont la population est de 2,965 habitants, demande depuis longtemps, avec instances, un bureau de distribution de lettres et une malle-poste sur Saint-Nicolas. Cette malle desservirait les communes de Verrebroek, de Vracene et de Nieukerke, qui ont une population, la première de 1,344 habitants, la deuxième de 3,890 habitants et la troisième de 2,584 habitants.

Il me paraît qu'il serait juste de faire pour Kieldrecht ce qui a été fait pour Doel.

Kieldrecht a un bureau de contributions directes et de douanes avec une brigade de douaniers commandée par un sous-lieuyenant.

Kieldrecht n'est éloigné que de dix minutes d'un bureau de douanes hollandaises.

L'établissement d'une malle-poste entre Kieldrecht et Saint-Nicolas serait d'ailleurs une mesure d'équité et compenserait jusqu'à un certain point l'absence de toute ligne ferrée du côté de Kieldrecht. Cette commune par le malheur de sa situation, à l'extrémité nord du pays, ne sera vraisemblablement jamais appelée à jouir des bienfaits d'un chemin de fer. Eh bien, puisque les habitants de Kieldrecht ont contribué de leurs deniers à la construction du railway national, il me semble qu'il serait juste de leur donner l'espèce de compensation qui résulterait de l'établissement d'une malle-poste entre cette commune et la ville de Saint-Nicolas.

La commune de Sinay, à son tour, a des réclamations à adresser au gouvernement relativement à la poste.

La commune de Sinay, qui compte. 4,500 habitants, et qui est à la fois industrielle et commerçante, se plaint de n'avoir qu'une distribution de lettres par jour et de se trouver dans la presque impossibilité de répondre le même jour aux lettres reçues.

Il paraît que l'administration du chemin de fer du pays de Waes se propose de bâtir à l'endroit dit Mille pommes, point central entre Sinay, Belcele et Waesmunster, une salle d'attente avec habitation pour le chef de station.

La commune de Belcele a une population de 3,167 habitants ; celle de Waesmunster a une population de 5,541 habitants.

Le gouvernement ne pourrait-il pas s'entendre avec l'administration du chemin de fer du pays de Waes pour établir dans les nouvelles constructions de Mille pommes un bureau de perception ?

(page 285) L’établissement de ce bureau pourrait procurer trois distributions par jour aux communes dont je viens de parler.

Ce serait un véritable service rendu à l'industrie et au commerce du pays.

Encore une fois, je soumets cette demande à l'honorable ministre des travaux publics, et j'espère qu'elle sera examinée soigneusement.

Je crois devoir appeler aussi l'attention de l'honorable ministre sur la situation de la Durme. Cette rivière est dans un état pitoyable au point de vue de la navigation.

Cet état de choses doit être attribué, paraît-il, à un défaut d'entente entre l'Etat et la province de la Flandre orientale. Ce défaut d'entente a produit ce résultat que la Durme est complètement négligée. Elle s'envase de plus eu plus, et l'on dit même que la navigation pourrait y devenir dangereuse.

Je pense qu'il serait avantageux de rectifier ce cours d'eau ; ce travail aurait pour conséquence évidente, d'abord, de donner des facilités à la navigation et ensuite de mettre à la disposition de l'agriculture une quantité assez considérable d'excellentes terres, car la Durme se distingue par la multitude de ses méandres.

Enfin la rectification de ce cours d'eau aurait encore pour résultat de permettre, au moyen du reflux de l'Escaut amenant des eaux grasses, l'amélioration des terres situées en amont de Lokeren, sur le territoire des communes d'Exaerde, de Moerbeke et d'autres localités.

Je sais que cette question ne peut être tranchée immédiatement ; mais j'espère que M. le ministre aura égard à mes observations et qu'il chargera le corps des ingénieurs d'étudier quels travaux d'utilité publique on pourrait exécuter à la Durme au triple point de vue que j'ai indiqué.

Puisque je parle de la Durme, je dois adresser un mot de remerciement à M. le ministre des travaux publics.

Depuis longtemps, le pays de Waes a réclamé un pont entre Exaerde et Sinay. Le projet de budget constate que le gouvernement a résolu de prendre la construction et l'entretien de ce pont à sa charge, moyennant l'intervention du département de l'intérieur, de la province de la Flandre orientale et des deux communes intéressées dans les dépenses de construction. C'est ce dont j'ai à remercier l'honorable ministre.

Il me reste, messieurs, un dernier mot à dire au sujet de l'assainissement de nos polders. Je suis heureux d'avoir, le 22 décembre dernier, attiré l'attention de la Chambre sur la nécessité d'assainir les polders du pays de Waes. Mon interpellation a eu pour résultat l'excellent discours que l'honorable M. Vleminckx a prononcé dans la séance du 25 de ce mois.

Je témoigne à l'honorable député de Bruxelles toute ma reconnaissance de ses excellentes paroles.

J'espère que ce discours aura convaincu l'honorable ministre des travaux publics de la haute importance des travaux dont nous demandons l'exécution, et je suis sûr que cette conviction ne tardera pas à se traduire en fait, car l'honorable ministre ne recule jamais lorsqu'il s'agit d'un but éminemment utile à atteindre, et certes, il n'y en a pas de plus noble que celui de faire disparaître des causes certaines de mortalité.

(page 293) M. Lebeauµ. - Messieurs, je croîs devoir adirer l'attention très sérieuse de l’honorable ministre des travaux publics sur un point qui intéresse grandement le commerce et l'industrie et qui est digne de la sollicitude constante du gouvernement.

Je veux parler, messieurs, de l'exploitation des chemins de fer concédés.

Les plaintes surgissent de toutes parts contre l'insuffisance du matériel de ces chemins de fer.

Presque toujours ils se trouvent, faute de matériel, dans l'impossibilité de satisfaire à toutes les nécessités du service qui leur est confié, et je crois pouvoir dire qu'à de rares exceptions près, jamais ils ne sont en état d'effectuer les transports au fur et à mesure qu'ils en sont requis par les intéressés.

Le commerce et l'industrie se plaignent, avec raison de cette situation, et les chambres de commerce se font l'écho de ces plaintes. Déjà le département des travaux publics a été saisi de réclamations à cet égard, et la Chambre elle-même a reçu une pétition qui a été renvoyée à la section centrale dont j'avais l'honneur de faire partie. A son tour, la section centrale a reconnu la justice de ces plaintes, malheureusement trop bien fondées.

Elle a posé à l'honorable ministre une question à laquelle il a bien voulu répondre ; elle lui a demandé : « En présence de l'état fâcheux dans lequel se trouve l'industrie, faute de moyens de transport par chemin de fer, quelle attitude il comptait prendre vis-à-vis des sociétés concessionnaires qui n'ont pas un matériel suffisant pour répondre aux besoins du commerce et de l'industrie. » Je dois l'avouer, la réponse qui a été faite par l'honorable ministre des travaux publics ne nous a pas satisfaits. D'après lui, le défaut de matériel des sociétés concessionnaires ne serait en quelque sorte qu'accidentel et ne daterait que de quelques mois. Or, c'est là, messieurs, une erreur profonde. Depuis un grand nombre d'années les industriels se plaignent de l'insuffisance du matériel des chemins de fer, principalement de celui des sociétés concessionnaires.

Ce n'est donc pas le surcroît momentané de transports, comme le pense l'honorable ministre, qui en serait la cause. Cette pénurie date de plus longtemps. Je pourrais citer des chemins de fer concédés qui, exploités depuis plus de dix ans, ont toujours été dans l'impossibilité de satisfaire aux légitimes exigences du public. Les choses en sont arrivées à ce point que des industriels ont été obligés d'intenter une action à des sociétés, afin de se faire indemniser des pertes qu'ils subissaient faute de pouvoir faire transporter leurs produits en temps utile. Cet état de choses ne peut durer plus longtemps ; il faut que le gouvernement intervienne auprès des sociétés concessionnaires pour le faire cesser.

En ce moment, la pénurie est telle sur toutes les lignes, même sur celles de l'Etat, que si nous avions eu de la gelée cet hiver, si les canaux avaient été fermés, plusieurs usines auraient dû chômer faute de combustibles. Il faut que le gouvernement tienne la main à l'exécution des cahiers des charges des sociétés concessionnaires.

Les clauses de ces cahiers des charges sont positives à cet égard : les compagnies sont tenues d'avoir toujours à la disposition des industriels un matériel suffisant. Elles sont obligées d'établir un nombre de convois toujours en rapport avec les besoins du public et d'effectuer les transports au fur et à mesure qu'elles en sont requises. Or, c'est ce qui n'a jamais lieu.

Dira-t-on que le gouvernement n'a pas de moyens d'action ?

Evidemment non, car ces moyens d'action sont inscrits dans tous les cahiers des charges en ces termes : Le gouvernement a le droit, quand une société concessionnaire a été mise inutilement en demeure de remplir ses engagements, principalement en ce qui concerne le matériel, le gouvernement, dis-je, a le droit de s'emparer des recettes et de les employer à l'acquisition du matériel nécessaire. Je m'étonnerais, du reste, que le gouvernement dût en venir à cette extrémité, car si les sociétés concessionnaires, si les actionnaires eux-mêmes entendaient bien leurs intérêts, ils consacreraient pendant quelques années leurs bénéfices à l'acquisition du matériel qui leur est nécessaire, parce que ce n'est qu'à l'aide de bons moyens de transport qu'on peut obtenir d'un chemin de fer les résultats qu'une sage exploitation est en droit d'en attendre.

Si les actionnaires ont le tort de vouloir prélever les bénéfices à mesure qu'on les réalise, sans en consacrer aucune partie au complément de leur matériel, sans vouloir se meubler, si je puis me servir de cette expression, il est évident qu'ils en seront les premières victimes. Je sais que les conseils d'administration sont souvent débordés par les actionnaires et que ceux-ci exigent qu'on leur partage tous les bénéfices, à mesure qu'ils se réalisent, mais le gouvernement a le moyen de mettre un terme a cet état de choses ; il a le droit d'obliger les sociétés concessionnaires à se pourvoir d'un matériel suffisant, et, à leur défaut, d'acquérir le matériel pour leur compte et à leurs frais.

Remarquez, messieurs, que le gouvernement peut, quand bon lui semble, s'assurer de la position des sociétés concessionnaires : en effet, aussi bien dans son intérêt que dans l'intérêt de l'industrie en général et je dirai même dans l'intérêt des actionnaires, le gouvernement, en vertu des cahiers des charges, a le droit de nommer un agent, payé aux frais des compagnies, chargé de surveiller non seulement l'état de la voie ferrée, mais l'exploitation tout entière. Eh bien, si un agent était nommé, s'il était en fonctions, s'il faisait bien son service, il est évident que l'administration de l'Etat comme l'administration de la société seraient toujours renseignées sur la manière dont se fait l'exploitation et sur la situation du matériel. Je crois que si ces agents faisaient des rapports consciencieux et circonstanciés tant aux sociétés concessionnaires qu'au gouvernement, ils rendraient service à tout le monde.

Je voudrais plus, messieurs, je voudrais que les rapports de cet agent fussent publiés, afin de mettre le public au courant de la position des sociétés concessionnaires.

II me semble, messieurs, que la surveillance que je réclame est assez importante pour mériter de faire l'objet d'un service spécial.

Le gouvernement a tout un corps d'ingénieurs chargés de surveiller avec le plus grand soin l'exploitation des mines. Eh bien, je demande s'il n'y a pas une analogie parfaite entre l'exploitation des mines et l'exploitation du chemin de fer. Je dirai même que. si une préférence devait être établie entre l'une ou l'autre, c'est en faveur de la surveillance de l'exploitation des chemins de fer concédés qu'il faudrait se prononcer, car il s'agit ici d'un service qui intéresse une bien plus grande partie du public, il s'agit de sauvegarder un intérêt vraiment général et de veiller à ce que la sécurité d'un nombre, immense de voyageurs ne puisse être compromise.

La surveillance de l'exploitation des mines est basée sur les mêmes motifs : on surveille cette exploitation pour qu'elle ne puisse nuire à l'intérêt public, pour que les travaux soient consolidés de manière à ne causer aucun dommage aux propriétés de la surface, et enfin pour que la vie des ouvriers ne soit pas compromise.

Vous voyez que, dans un cas comme dans l'autre, il s'agit de sauvegarder l'intérêt général et l'intérêt privé, et de garantir la sécurité des voyageurs ou des ouvriers.

Le gouvernement surveille ses propres chemins de fer à ces divers points de vue ; eh bien, je me demande pourquoi il ne surveillerait pas également d'une manière permanente. l'exploitation des chemins de fer concédés ; d'autant, plus que cette exploitation a pris une telle importance, qu'on peut, à mon avis, la considérer comme un service public rempli par les compagnies au lieu et place du gouvernement, sinon pour son compte, au moins pour ainsi dire en son nom et sous sa responsabilité.

Quels arguments pourrait-on invoquer pour repousser la nécessité de cette surveillance si nécessaire tant au point de vue de la sécurité des voyageurs, qu'à celui des intérêts du commerce et de l'industrie mis journellement en jeu par les chemins de fer dans de si vastes proportions ? Serait-ce la nécessité de créer un personnel nouveau ? Mais l'Etat a, je crois, assez d'ingénieurs pour organiser facilement cette surveillance, et, d'ailleurs, fallût-il en nommer quelques-uns de plus, il n'en résulterait, qu'une bien légère dépense.

Au surplus, je dois rappeler que d'après les cahiers des charges des concessions de chemins de fer, les compagnies sont tenues de payer au gouvernement une indemnité précisément en vue de couvrir ces frais de surveillance, de sorte que, sous ce rapport, le gouvernement serait parfaitement indemne.

N'est-il pas étrange d'ailleurs de voir le gouvernement charger des commissaires spéciaux de veiller à ce qu'on exécute rigoureusement le statut des sociétés anonymes, et cela uniquement dans l'intérêt des actionnaires, alors qu'il abandonne presque entièrement la surveillance bien autrement importante de l'exploitation des chemins de fer concédés ? La vie des milliers de voyageurs qui se confient chaque jour aux chemins de fer et les intérêts du commerce et de l'industrie du pays tout entier peuvent-ils, aux yeux du gouvernement, sembler moins importants que l'intérêt privé des actionnaires ? Evidemment non, et poser une semblable question c'est déjà la résoudre.

(page 294) J’appelle donc la très sérieuse attention de M. le ministre des travaux publics sur la nécessite de contraindre les compagnies concessionnaires de chemin de fer à se fournir, dans le plus délai, du matériel nécessaire à une bonne exploitation et sur l'utilité qu'il y aurait à organiser, pour la surveillance des lignes concédées, un service spécial analogue à celui qui existe déjà pour les concessions de mines.

Je dois maintenant aborder un autre point, je veux parler du tarif en ce qui concerne le droit fixe.

A mon avis, il y a sous ce rapport une véritable anomalie dans le tarif. Je m'explique : le droit fixe est d'un franc et il s'accroît de 20 centimes par tonne-lieue.

Ainsi, pour la première lieue on paye fr. 1-20 et seulement fr.1-40 pour les deux premières lieues.

En règle générale, pour le transport à de grandes distances des marchandises ordinaires, je comprends qu'on approuve ou qu'on critique cette base du tarif ; mais je n'admets pas que cette base soit juste en ce qui concerne les marchandises pondéreuses d'un même bassin transportées à une petite distance, d'une usine à une autre. Il y a, selon moi, une flagrante injustice et une anomalie choquante dans les tarifs de l'Etat comparés à ceux des compagnies concessionnaires.

Lorsque le gouvernement concède des embranchements industriels, il ne permet de charger les produits que d'un droit fixe de 12 centimes, lequel croît proportionnellement à la distance.

Ainsi, par exemple, au chemin de fer de Charleroi à Louvain, on paye 12 centimes de droit fixe pour le transport du charbon d'un bassin à l'autre, plus 7 1/2 centimes par tonne-kilomètre. Voilà le tarif que le gouvernement a imposé dans l'intérêt du producteur comme du consommateur ; et cela pour arriver à remplacer le transport par voiture par le transport par chemin de fer. Ce tarif établit une situation bien différente dans l'arrondissement de Charleroi entre les établissements qui se trouvent reliés au chemin de fer de l'Etat. Ceux qui sont desservis par un embranchement industriel ne payent que le droit fixe de 12 centimes par tonne, plus 7 1/2 centimes par kilomètre, soit 19 1/2 centimes par tonne, pour la première lieue et 87 centimes pour la seconde lieue, tandis que ceux qui sont desservis par le chemin de fer de l'Etat payent respectivement 1 franc 20 centimes et 1 fr. 40 cent, pour les mêmes parcours.

Il résulte de là une injustice pour les industriels qui se trouvent le long du chemin de fer de l'Etat et qui sont froissés dans leurs intérêts, en faveur de ceux qui sont desservis par les embranchements.

Il me paraît dès lors que le gouvernement devrait, non pas supprimer le tarif, mais le modifier, de manière à le mettre en rapport avec celui des embranchements industriels en ce qui concerne le transport des matières pondéreuses et des matières premières, d'usine à usine.

Je ne dirai plus qu'un mot. Je demanderai à M. le ministre des travaux publics où en sont les études du chemin de fer de Châtelineau à Bruxelles. Ces études sont commencées depuis près d'un an. Je pense que le gouvernement doit mettre la main à l'œuvre le plus tôt possible pour donner satisfaction aux nombreux intérêts qui attendent avec une légitime impatience que ce chemin de fer soit exécuté.

(page 285) M. Maghermanµ. - Messieurs, d'après le rapport de la section centrale, la question que voici a été posée à M. le ministre des travaux publics :

« Où en est le projet du barrage sur l'Escaut à Synghem (Flandre orientale) ? »

A cette question il a été répondu de la manière suivante :

« Le conseil communal et plusieurs propriétaires de Synghem ont adressé au département des travaux publics des requêtes à l'effet d'obtenir la construction d'un barrage avec pont sur l'Escaut, entre Synghem et Nederzwalm-IIermelgem.

« Il ne pouvait pas y avoir lieu pour le gouvernement de construire, aux frais de l'Etat, cet ouvrage d'art s'il ne devait servir qu'à faciliter les irrigations des prairies riveraines et les communications entre les deux rives du fleuve.

« Ce ne sont là, en effet, que des intérêts privés et locaux. Mais il pourrait se faire que le barrage dont il est question présentât aussi de l'utilité au point de vue de la navigation.

« C'est en vue d'être mis à même d'apprécier cette question, en parfaite connaissance de cause, que le département des travaux publics a ordonné une étude complète de la canalisation de l'Escaut, par écluses à sas, sur le territoire de la province de la Flandre orientale.

« L'étude prescrite se poursuit avec activité. »

Messieurs, il semblerait résulter de cette réponse que les craintes que j'ai exprimées plusieurs fois dans cette enceinte, à savoir que, dans les travaux que le gouvernement se propose d'exécuter à l'Escaut, les intérêts de l'agriculture ne soient sacrifiés à ceux de la navigation, n'étaient que trop fondées.

En effet, il résulte de la réponse du gouvernement à la section centrale qu'un barrage ne sera établi dans la commune de Synghem que pour autant que ce barrage présente en même temps de l'utilité au point d vue de la navigation ; l'intérêt des prairies, c'est-à-dire de l'agriculture, et celui de la communication entre les deux rives sont rejetés à l'arrière-plan, ne sont considérés que commodes intérêts secondaires.

Il est cependant à remarquer que les prairies qui longent l'Escaut à Synghem étaient autrefois de toute première qualité, qu'elles sont imposées comme telles, et payent des contributions très élevées ; qu'aujourd'hui elles sont converties en partie en terres arables et que celles qui ne le sont pas ne produisent presque rien à défaut d'être convenablement irriguées ; enfin, que cette situation est due en grande partie aux travaux qui ont été exécutés tant en France qu'en Belgique.

Je ne m'occuperai pas des travaux exécutés en France, ils ne sont pas le fait de notre gouvernement ; néanmoins il pouvait former des réclamations contre ces travaux en tant qu'ils pouvaient nous être nuisibles ; il est certain qu'ils ont diminué le volume d'eau que charrie l'Escaut. Mais dans notre pays, le creusement du canal de l'Espierre, celui du canal de Bossuyt à Courtrai, le premier alimenté exclusivement, le second en majeure partie par les eaux de l'Escaut, ont enlevé à ce fleuve une portion notable de ses eaux, et ont par conséquent contribué à produire la situation fâcheuse dont se plaignent à juste titre les riverains de l'Escaut à Synghem.

Il est donc au moins équitable que le gouvernement, dans les travaux à exécuter à l'Escaut, tienne grandement compte de cette situation et qu'il ne se préoccupe pas exclusivement des intérêts de la navigation. J'ajouterai que la navigation de l'Escaut a perdu immensément de son intérêt depuis l'ouverture du chemin de fer Hainaut et Flandres qui dessert les mêmes populations avec une promptitude et une régularité à laquelle il n'est pas donné à la navigation d'atteindre.

Pour ce qui concerne la communication à établir à Synghem entre les deux rives de l'Escaut, elle est d'une importance plus que locale, car entre la ville d'Audenarde et le pont de Gavre, sur une étendue de deux lieues, il n'existe aucune communication régulière entre les deux rives de l'Escaut ; il y a là donc un intérêt considérable.

J'ajouterai que M. le ministre des travaux publics ayant promis l'exécution aux frais de l'Etat (ce dont je le remercie ici publiquement) d'une route pavé de Cruyshautem à Nederzwalm Hermelgem, route qui passera nécessairement à Synghem, on ne conçoit pas l'exécution de ce travail, sans la construction d'un pont sur l'Escaut.

Je pense qu'il ne sera pas difficile de combiner les travaux à exécuter à l'Escaut, de manière à satisfaire à la fois les intérêts de l'agriculture, ceux des communications faciles à établir entre les deux rives de ce fleuve et enfin ceux de la navigation.

En tout cas, j'engage M. le ministre à se préoccuper, dans l'exécution de ce grand travail, autant des intérêts de l'agriculture que de ceux de la navigation.

Je dois me constituer ici l'organe d'une autre plainte.

Les chemins de fer concédés qui aboutissent à des stations de l'Etat sont desservis dans ces stations par les employés de l'Etat. Cela doit être pour empêcher la confusion et des conflits ; mais aussi lorsque l'Etat assume une obligation, il doit s'en acquitter convenablement et desservir le public qui a recours pour ses transports aux chemins concédés, tout comme celui qui fait opérer ses transports par les lignes de l'Etat. D'ailleurs le public n'a pas le choix entre les chemins de fer de l'Etat et les chemins de fer concédés, car ces voies desservent des intérêts distincts.

Il arrive cependant fréquemment que les intérêts des lignes concédées sont négligés dans les stations de l'Etat. Je citerai notamment la station de Gand. Les populations desservies par le chemin de fer Hainaut et Flandres se plaignent beaucoup des lenteurs qu'éprouve l'expédition des marchandises remises à la station de cette ville. Je n'en fais pas un grief aux employés de cette station ; cela peut tenir à l'insuffisance numérique du personnel, ou à toute autre cause. Je prie M. le ministre de vouloir en faire l'objet d'un examen et y porter remède, car le commerce s'en plaint beaucoup,

M. de Woelmontµ. - Messieurs, la discussion du budget des travaux publics me donne l'occasion de venir présenter à la Chambre les (page 286) légitimes réclamations que fait entendre une partie des habitants de l’arrondissement que j'ai l'honneur de représenter dans cette assemblée,

Loin de moi l'idée de vouloir critiquer la conduite de M. le ministre des travaux publics, auquel je rends un juste tribut d'éloges pour toutes les améliorations qu'il a introduites dans les diverses branches de son département.

Cependant bien des choses restent encore à faire, et, dans notre province surtout, d'immenses progrès restent à réaliser, tant sous le rapport des voies ferrées que sous celui des routes pavées et empierrées.

Que de localités dans le Limbourg demeurent éloignées des chemins de fer et ne jouissent pas des avantages que la locomotion à vapeur donne aux autres communes de la Belgique !

Ce ne sont pourtant pas les demandes sérieuses, ni les projets qui font défaut. Qu'il me soit permis d'entretenir un moment cette assemblée d'un projet qui, tout en ayant l'avantage de tirer l'un des plus riches cantons du Limbourg de l'isolement dans lequel il est placé, aurait, en outre, celui de rattacher à la capitale plusieurs grands centres populeux des provinces de Brabant et de Liège.

Depuis quelques années, l'idée de relier directement les villes de Bruxelles et d'Aix-la-Chapelle, a été présentée à l'approbation du gouvernement ; mais jusqu'à présent elle n'a pu être réalisée pour bien des raisons, et les bienfaits qu'elle devait répandre se font encore attendre plus impérieusement que jamais.

Après vous avoir fait connaître le tracé du chemin de fer direct de Bruxelles à Aix, je pourrai ensuite vous exposer les raisons qui militent en sa faveur, ainsi que celles qui paraissent en retarder la réalisation.

Le tracé que j'ai l'honneur de préconiser, et dont l'idée appartient à M, Poussel de Tongres, part de Bruxelles pour se diriger vers Tervueren, bourg qui est appelé à redevenir une résidence royale.

De Tervueren la ligne incline vers Weert-Saint-Georges pour arriver à Tirlemont, où elle coupe celle de l’Etat pour atteindre ensuite la ville de Léau.

Cette ancienne cité qui se trouve à la limite du Brabant n'est, pour ainsi dire, pas encore reliée à son chef-lieu de province.

De Léau on arrive à Saint-Trond, grand centre d'industries agricoles, pour passer ensuite par la ville de Looz, chef-lieu de canton, dont les produits agricoles constituent une des principales bases de sa richesse.

De Looz, le projet dont il s'agit fail passer la ligne par Tongres pour atteindre la vallée de la Meuse à la hauteur de Visé, où elle passe la rivière au moyen d'un pont en fer, auquel le gouvernement pourrait, peut-être, adjoindre une seconde voie pour les piétons et les voitures.

En quittant Visé, le tracé se dirige vers Aubel en traversant les communes des Trois-Fouron et gagne ensuite Aix-la-Chapelle en desservant le Bleyberg-Moresnel.

Et vous voulez, messieurs, vous convaincre du mérite de cette entreprise, tracez sur une carte de la Belgique une ligne droite entre Bruxelles et Aix-La-Chapelle et vous verrez que cette ligne passera par toutes les localités que je viens de citer.

Si M. le ministre voulait bien accorder une promesse de concession provisoire à l'auteur de ce projet, qui du reste s'offre de verser soit le cautionnement de cent mille francs exigé par la loi, soit celui d'un million, les motifs des réclamations dont j'ai eu l'honneur de me faire l'organe, à différentes reprises, cesseraient immédiatement ; car nous ne tarderions pas à être dotés, comme le reste du pays, d'un nombre suffisant de voies ferrées.

Une objection que le département des travaux publics ne manquera pas de soulever, à propos de l'établissement de ce chemin de fer, consistera probablement à prétendre qu'il portera préjudice à la ligne de l'Etat.

Or, messieurs, le gouvernement a-t-il le droit de monopoliser les transports, et aurait-il le pouvoir d'empêcher la concurrence, qui est un des grands stimulants de l'époque ? Non, cette prétention a déjà été condamnée par cette Chambre en décrétant la construction des lignes de Denderleeuw, de Gand à Anvers, de Bruxelles à Tournai, d'Anvers à Hasselt, et d'autres, que j'omets pour ne pas augmenter le nombre de mes citations.

D'autre part, les appréhensions du gouvernement seraient, à mon avis, d'autant moins fondées que le réseau de l'Etat se trouve dans une situation de prospérité exceptionnelle.

C'est ainsi que les recettes de la ligne de Bruxelles vers l'Allemagne atteignent le chiffre de 45,000 fr. par kilomètre, tandis que la moyenne du produit des lignes concédées n'est que d'environ vingt à vingt-cinq mille francs.

En présence d'une situation aussi avantageuse, la création d'une ligne de chemin de fer qui ne traverse qu'une seule localité, desservie par la ligne de l'Etat, serait-elle de nature à diminuer les recettes de celle-ci ? Evidemment, non.

Du reste, en serait-il ainsi, que ce ne serait pas encore là une raison pour suivre d'anciens errements, et laisser une grande partie du pays en dehors du mouvement général du progrès.

De plus, pour terminer, messieurs, veuillez remarquer que la ligne proposée par M. Pousset raccourcirait, même après l'achèvement de la ligne directe vers Louvain, le parcours entre Bruxelles et Aix de trente kilomètres, soit d'une diminution de trajet d'une heure et demie.

Je prierai donc M. le ministre de vouloir bien examiner d'une manière toute spéciale le tracé en question, persuadé uen reconnaîtra toute l'importance et l'impérieuse nécessité.

Puisque j'ai la parole j'en profiterai pour recommander à la bienveillance du gouvernement le projet de route de Gelinden à Tongres par Horpmael et Vechmael et la prompte exécution de celle décrétée entre Waremme et St-Trond.

M. Bouvierµ. - Messieurs, le discours que je vais prononcer chatouillera, je n'en doute pas, agréablement les oreilles de l'honorable ministre des travaux publics, puisque je ne réclame rien, absolument rien pour l'arrondissement de Virton, si ce n'est l'exécution de la promesse formelle qui nous a été faite l'année dernière, à l'occasion de la discussion du projet de loi des 60 millions, de relier l'arrondissement de Virton, ainsi que celui de Maeseyck, qui sont deux chefs-lieux d'arrondissement, au réseau général des chemins de fer. Vous voyez, messieurs, que je ne demande rien, que je ne formule aucun vœu à novo. J'espère que M. le ministre des travaux publics voudra bien me tenir compte de cette extrême réserve et proposer le projet de raccordement de Virton au chemin de fer du Luxembourg lorsqu'il présentera à la sanction de la législature un autre projet de loi très important et quelque peu lourd pour les finances de l'Etat, celui qui aura pour objet l'assainissement de la ville de Bruxelles et qui se traduira en chiffre capital de plusieurs millions.

Ce sera une occasion toute favorable, toute trouvée pour l'honorable ministre des travaux publics, de déposer le projet de loi qu'il nous a promis, qui est indispensable et qui ne peut plus être différé si l'on ne veut taxer les millions d'injustice et d'impartialité.

J'ai encore quelques mots à dire sur un autre objet. Bien que j'aie quitté l'arrondissement de Virton, je resterai cependant dans la province de Luxembourg, province qui nous est chère à plus d'un titre.

Par la loi du 31 mai 1863, la société Forcade a obtenu une concession considérable, peut-être trop considérable ; elle s'est engagée à établir dans notre province un réseau de chemins de fer qui doit nécessairement développer ses richesses agricoles, industrielles et minières. Ici je vous fais grâce d'une tirade qui pourrait être plus ou moins éloquente et que votre bienveillante imagination voudra bien suppléer.

Un cautionnement d'un million a été versé entre les mains du gouvernement ; et si mes renseignements sont exacts, la Compagnie a déjà réuni, eu exécution de son contrat, une somme de plus de 10 millions pour exécuter le réseau dont il s'agit.

Ce réseau doit prendre son origine à la frontière française près de Bouillon, traverser l'arrondissement de Bastogne, et s'arrêter quelque part du côté de St-Vith, avec des embranchements vers Willz d'une part et Hotton d'autre part.

Je vous fais grâce, pour abréger et surtout pour ne pas abuser de votre attention et de vos précieux moments, de la série d'embranchements et de raccordements dont ce premier réseau est orné.

Vous ayez déjà compris que la province de Luxembourg, notamment l'arrondissement de Bastogne, a le plus grand intérêt à l'exécution de la concession Forcade, et cet arrondissement a d'autant plus d'intérêt à l'exécution des engagements contractés par cette Compagnie, que déjà la Société du Luxembourg est tenue, en vertu d'une convention qui date de 1862, à faire cet embranchement.

M. Van Hoordeµ. - Elle date de 1845 et non pas de 1862.

M. Bouvierµ. - Puisque vous voulez bien m'interrompre, je reconnais avec vous qu'effectivement la convention remonte à l'époque où 'honorable M. d'Hoffschmidt était représentant de Bastogne et où il mettait au service de cet arrondissement toute son activité, toute son intelligence et tous ses soins.

Je remercie M. Van Hoorde de son interruption, et je vois que, malgré ce qui a été dit dans certains journaux, qui insinuent que le représentant actuel de l'arrondissement de Bastogne se fait et tient à honneur de doter cet arrondissement d'un embranchement dont l'honorable M. d'Hoffschmidt doit recevoir tout le prix.

(page 287) Par la date qu'il vient d'indiquer avec tant d'à-propos il détruit lui-même ce laborieux échafaudage.

Je le remercie encore une fois. C'est d'ailleurs une vertu essentiellement évangélique que la reconnaissance : l'ingratitude n'entrera jamais dans l'âme du représentant actuel de Bastogne, son interruption le démontre surabondamment.

Pour revenir à ce que je disais, il y a un moment, l'arrondissement de Bastogne a le plus grand intérêt à voir la concession Forcade devenir une réalité.

Je demanderai donc à M. le ministre des travaux publics où en est cette concession ; je lui demanderai si cette compagnie a déposé les plans, comme elle y était tenue ; si, en un mot, la convention va aboutir. J'espère que l'honorable ministre des travaux publics voudra bien nous donner quelques éclaircissements sur ce point, attendu que ce réseau, ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire au commencement de mon discours, intéresse toute la province de Luxembourg.

M. Lippensµ. - J'appellerai l'attention de M. le ministre sur l’état et le régime du canal le Moervaert.

Ce canal communique au canal de Gand à Terneuzen par l'écluse à sas de Roodenhuise dont le radier est à 1 m 17au-dessus du 0 (des eaux) de l'échelle de Gand ou de la basse mer à Terneuzen. Cette hauteur de radier oblige à des manœuvres ; il faut alléger aux deux tiers ou aux trois quarts même suivant la hauteur des eaux, tous les bateaux dits wallons, qui amènent les charbons, la chaux, les grès dans ce canal ; la navigation du Moervaert ne permettant, dans la situation normale, qu'un enfoncement d'un mètre vingt centimètres. Les frais qui résultent de ces transbordements sont énormes, mais ils ne peuvent pas être évités dans l'état actuel des choses, tandis que ceux qui résultent de l'application des tarifs de passage à l'écluse sont vexatoires. En effet, les droits d'écluse ont été abaissés dans tout le pays ; on perçoit sur l'Escaut 6/10 a 8/10 de centime par tonne ; le maximum à Gand est de 4 centimes. A Roodenhuise, par contre, on applique encore l'ancien tarif hollandais, 6 cents, soit 13 centimes : on les perçoit non seulement sur chaque allège, aller et retour, parce qu'on ne permet pas aux bateaux de passer le sas pour séjourner dans le bassin en aval, mais en outre sur le tonnage complet du bateau allégé, ce qui fait que le droit effectivement payé s'élève souvent à 25 centimes par tonne de charge réelle. Cette exigence est un abus ou une erreur d'application ; il me suffira, je crois, d'en signaler l'existence pour que M. le ministre fasse justice de ce grief.

Il existe sur le même canal un pont, dont l'entretien est à charge d'un particulier ; on y perçoit un droit de navigation. Sous le régime de nos lois, je crois cette perception inconstitutionnelle. La navigation devrait être exonérée de ces frais.

Le Moervaert alimente quatre canaux à petites sections, la Langeleede et le canal de Stekene, qui mènent aux riches terres des polders ; la Zuidleede et le canal de Saffelaere, qui se dirigent vers l'intérieur, et permettent la navigation pour les approvisionnements et les besoins de l'agriculture, tout en servant de moyen d'irrigation pour les prairies qui les bordent. Ce dernier canal de Saffelaere a été tout a fait négligé dans ces derniers temps ; les communes intéressées ont voté des fonds pour son dévasement, elles demandent une part d'intervention à l'Etat. Je ne doute pas que M. le ministre ne leur accorde un subside, car, en strict droit, ce recreusement incomberait à l’Etat, puisqu'il est propriétaire du fond par les mêmes motifs et au même titre que le canal la Zuidleede, comme propriété domaniale, reconnue et déclarée telle par jugement en appel.

Mais un fait récent menace tout ce réseau de canaux dans son existence même, si l'Etat ne prend pas de promptes mesures à cet égard. Je parle du règlement arrêté le 18 avril dernier sur les conclusions de la commission chargée de régler l'écoulement des eaux du canal de Gand à Bruges et de surveiller les manœuvres des écluses et déversoirs, il est bien dit dans les considérants de cet arrêté royal que :

« L'eau, dont il serait possible de disposer en sus de celle nécessaire pour maintenir constamment un mouillage convenable dans le canal de Gand à Ostende, devrait être répartie suivant une proportion à déterminer en tenant compte de la situation antérieure avant les travaux exécutés au canal de Gand à Bruges. »

Mais l'article 2, paragraphe 2, porte :

« Que les manœuvres faites sous la direction de M. l'ingénieur en chef de la Flandre occidentale devront maintenir l'eau dans le canal de Bruges à Gand à une hauteur correspondante à la cote XVIII pieds qui passe à 3 m 53 au-dessus du buse amont de la nouvelle écluse de la porte de Damme à Bruges, »

Et l'article 6, énumérant tous les canaux dont on ne peut tirer de l’eau sous quelque prétexte que ce soit, ce qui revient à dire dont les eaux devront être maintenues à l'étiage, en désigne sept dans la Flandre occidentale et un seul dans la Flandre orientale, le canal de Gand à Terneuzen.

Vient alors l'article 7 qui s'insinue sans bruit sous une forme anodine, il porte :

« Il est expressément enjoint à toutes les autorités et à tous les fonctionnaires et agents que cela concerne, de tenir strictement la main, chacun dans la sphère de ses attributions, à ce qu'il ne soit pratiqué aucune prise d'eau soit permanente, soit temporaire, tant au bassin de Gand qu'au canaux mentionnés à l'article précédent sans une autorisation en due forme délivrée par qui de droit. »

Or, l'on sait, et il n'est douteux pour personne, que depuis la dérivation des eaux de rouissage de la Lys, l'Escaut est seul appelé â alimenter tous les canaux des deux Flandres ; que, malgré l'habileté et la parcimonie des manœuvres, ces eaux sont insuffisantes pour desservir les intérêts mentionnés à l'article 6, et, qu'en été, à de rares heures près, je ne dis pas toujours, il est impossible de maintenir les différents étiages indiqués. L'article 7 est, par conséquent, l'arrêt de mort de tous les autres canaux que le bassin de Gand doit alimenter dans la Flandre orientale.

En effet, voyons ce règlement dans la pratique. Le Moervaert, qui s'alimente par le canal de Gand à Terneuzen, a été construit en vue de l'irrigation comme pour la navigation ; il peut être barré en divers endroits, au moyen de poutrelles ; trois fois, sur un parcours de quatre lieues, de Roodenhuise à Dacknam, en amont de Lokeren ; il peut donc former trois biefs. Si ces barrages ne sont pas employés, les eaux d'alimentation se déversent immédiatement dans l'Escaut, mais, au moyen de ces manœuvres, ce canal peut servir temporairement et partiellement à la navigation ou à l'irrigation, sans grandes pertes d'eau.

Eh bien, dans l'arrière-saison 1865, les fabriques de sucre de betteraves de Wynkel et de Zelzaete avaient à Wachlebeke, au hameau Oudenburgsche Sluis, à l'origine de la Langeleede, plus de 2,000,000 de kilogrammes de betteraves, provenant des polders, et qui devaient être mis en bateaux pour pouvoir, par la Langeleede et le Moervaert, être amenés dans le canal de Terneuzen aux portes de ces établissements.

Par application de l'article 7 du règlement précité, les manœuvres de l'écluse de Roodenhuise n'ayant plus lieu hebdomadairement, comme de coutume, le Moervaert n'avait qu'un mouillage de 50 centimètres ; ces industriels étaient dans l'impossibilité de prendre livraison, et, menacés de subir une perte considérable, ils s'adressèrent à l'autorité et réclamèrent l'étiage ordinaire. La commission des eaux fut assemblée, et malgré la proposition de barrer le Moervaert au pont de Wachtebeke, à 500 mètres en aval de l'origine de la Langeleede, la commission décida qu'il n'y avait pas lieu d'accueillir cette demande, parce que ce principe une fois enfreint, il aurait fallu céder à toute réclamation ultérieure. Heureusement que les pluies et les hautes marées remirent, à temps, les eaux dans le canal.

Mais, par sa composition, cette commission n'est-elle pas juge et partie dans sa cause ? ne confisque-t-elle pas franchement et net la propriété des faibles, le droit d'autrui, pour conserver toute facilité au haut commerce ?

En supprimant tacitement et de fait la navigation du Moervaert, ne ruine-telle pas le commerce et l'agriculture de ce groupe de neuf communes, comprenant plus de 29,000 habitants, plus de 20,000 hectares ? Car le passage à Roodenhuise est de plus de 90,000 tonnes par an au moyen de 5,000 bateaux et barquettes, et sans canal, pas d'opérations suivies, pas d'industries ; sans eau plus d'irrigations, plus de prairies ; diminution de bétail, appauvrissement du sol, décadence et ruine pour cette lisière de terres maigres et sablonneuses.

La direction de la wateringue de ces vallées s'est émue de son côté de l'application de ce règlement ; elle a déjà réclamé contre cet état de choses, et fait ses réserves parce qu'elle y voit ce qui s'y trouve réellement, la confiscation de sa propriété, de son droit de jouissance d'eaux d'irrigation dont elle a toujours été en possession et qui, enlevées aujourd'hui, rendront stériles les améliorations apportées depuis nombre d'années à plus de mille hectares de prairies, et inutiles les dépenses échelonnées, faites légalement depuis plusieurs années aux frais de la généralité des propriétaires.

Telle qu'elle est, la position de la population et des propriétaires de cette vallée est désastreuse, intolérable, elle réclame des mesures immédiates. La canalisation, au moyen d'un double sas, afin d'empêcher la (page 288) perte des eaux du Moervaert dans la Durme est le seul remède possible aujourd'hui, économique, applicable à la situation pour sauvegarder tous les intérêts. Sans rendre justice complète à ces populations, il atténuera du moins les pertes qu'elles éprouvent par suite d'une trop longue tolérance et de trop de condescendance pour le rouissage dans la Lys, auquel on a sacrifié déjà tant de droits et d'intérêts et qu'on sera obligé enfin de compte de supprimer du 15 juillet jusqu'au 1er octobre.

J'espère que M. le ministre fera examiner mûrement cette question, et que, dans sa justice, il fera porter un remède immédiat à cet état de choses.

J'appellerai aussi l'attention de M. le ministre sur un autre fait. Lors de la construction du canal de Gand à Terneuzen, en 1827, le gouvernement promit aux communes de Wynkce et d'Evergem de construire un pont au hameau Terdonck, à l’endroit où le canal coupait la route qui reliait Wynkel et Wachtebeke par Evergem à Gand. Le gouvernement n'exécuta pas sa promesse ; il établit un pont à Langerbrugge (Evergem), un autre à Zelzaete, à trois lieues de distance l'un de l'autre. Des réclamations s'élevèrent, elles furent souvent renouvelées, mais en vain, lorsque en 1852 M. le ministre répondit que l'Etat aurait construit un pont le jour que les deux routes qui aboutissent à ce pont auraient été pavées. Les communes se sont exécutées, et réclamèrent de nouveau. L'Etat répondit alors que l'industrie privée devait se charger de ce travail et qu'il était disposé à intervenir par voie de subside.

Telle a été la solution de la question. L'intervention de la province et de l’Etat a permis de réaliser cette construction, mais au détriment de qui ? Au détriment de la population riveraine et de celle des communes voisines. En effet, ce travail n'a coûté que 24 à 25 mille francs aux actionnaires, tandis que le droit de passage sur le pont (la navigation est libre), rapporte 5,000 francs environ. Un seul établissement industriel, une fabrique de sucre de betterave, doit payer plus de 500 francs l'an pour droit de passage de ses ouvriers : une station du chemin de fer Gand-Terneuzen est établie à ce point, le produit du péage doit nécessairement augmenter encore et frapper plus rudement la population.

Cet impôt est injuste ; les communes avaient droit, d'après la promesse du gouvernement des Pays-Bas, à une voie de communication ; elles usaient librement de leur route, et si l'Etat, dans un intérêt étranger à la localité, a jugé convenable de la couper, il était tenu en toute justice de leur procurer un autre passage sans exiger de péage. N'en agit-il pas partout de même en Belgique ? Sur la Meuse, la Dendre, les canaux de Zelzaete et de Schipdonck, en Campine, dans toutes les localités où le besoin s'en fait sentir, mais surtout lorsque, par son fait, les communes sont privées de leurs communications ?

Or, à Wynkel-Evergem, les travaux de l'Etat ont coupé la route qui reliait les centres de ces deux communes, et ces communes sont restées à plus de 7,000 mètres d'un pont pour traverser le canal ! En équité, l'Etat devrait reprendre ce pont ; il le peut, il l'a prévu dans l'acte de concession, les actionnaires ayant dû justifier toutes leurs dépenses ; d'autre part, ceux-ci ne se refuseraient certes pas à cette cession, car c'est par dévouement, après les refus persistants du gouvernement, qu'ils se sont chargés de l'exécution de ce travail. J'espère donc que M. le ministre voudra examiner cette affaire avec bienveillance et que justice sera rendue à ces populations.

Un mot encore, messieurs, sur l'assainissement. Après les paroles si éloquentes, si sympathiques pour les populations de nos polders et du littoral de la mer, que mon honorable collègue M. Vleminckx a prononcées dans une de nos dernières séances, je me crois obligé de lui prêter mon concours pour la réalisation de son vœu.

Oui, beaucoup a été fait par l'Etat et par les particuliers, chacun dans sa sphère, personne n'a failli à son devoir, mais beaucoup reste à faire.

La difficulté ne réside pas tant dans la désignation des travaux qu'il faut nécessairement exécuter, que dans l'imperfection de nos lois en matière de polders et de wateringues : celles-ci exigent tout de l'Etat, tandis que l'Etat, fort de la position exceptionnelle faite par la Constitution aux polders et wateringues, leur refuse tout concours.

Eh bien, le vrai est comme toujours entre les deux ; chacun doit apporter sa pierre à l'édifice !

A l'Etat incombe l'étude des plans d'ensemble, la création de la voie principale d'assainissement, du canal, des écluses qui jettent nos eaux paludéennes à la mer. Aux polders, aux particuliers, le changement des travaux d'écoulement dans l'intérieur de chaque polder et de chaque wateringue ; à eux les travaux d'aqueducs et d'écluses pour se relier à la voie de l'Etat ; à eux les expropriations et tous les frais dans leur circonscription. Ainsi, et pour en fournir un exemple, à l'Etat le prolongement à petite section, puisqu'elle serait suffisante, du canal de Zelzaete depuis l'Oesterput à Bouchaute par Assenede à Zelzaete ; aux propriétaires des vingt polders qui en profiteraient, tous les travaux d'appropriation pour les y mener. De même pour les polders du pays de Waes, pour les wateringues de la Flandre occidentale où les jalousies de personnes, les rivalités de position et de dignité font souvent exécuter les travaux les plus contradictoires, les plus nuisibles, les plus inutiles. Oui, une main ferme, la main de l’Etat devrait présider aux travaux d'ensemble. Ses conseils, une influence exercée avec mesure et prudence sur les principaux propriétaires obtiendraient, sans nul doute, en peu d'années des résultats dont nous serions tous heureux et dont le pays recueillerait immédiatement les bienfaits.

M. Van Wambekeµ. - Messieurs, je viens, à mon tour, présenter quelques observations à l'honorable ministre des travaux publics, sur quelques points qui intéressent spécialement l'arrondissement d'Alost.

Vous avez, messieurs, décrété, il y a plusieurs années, la création de trois lignes qui traversent l'arrondissement d'Alost ; la ligne de Braine-le-Comte à Gand, celle de Denderleeuw à Courtrai, et celle d'Anvers à Douai, passant par Alost. Je pense que la première de ces lignes est pour ainsi dire achevée et que nous pouvons espérer la voir inaugurer dans le cours de 1866.

L'année dernière, dans la discussion du budget des travaux publics et à l'occasion de quelques pétitions adressées à la Chambre, nous avons eu l'honneur de faire observer à M. le ministre des travaux publics qu'à quelques kilomètres de la ville de Grammont, une commune populeuse et centre d'une agglomération notable, celle de Steenhuyze-Wynhuyze, demandait l'établissement d'une station à l'endroit dit Smissenhoek. M. le ministre a accueilli cette demande avec faveur. Je crois inutile de répéter ce que nous avons dit alors, et j'espère qu'il voudra avoir égard à cette juste demande. J'ajouterai que dans les premières années cet établissement présentait, par suite de l'élévation du terrain, des difficultés que les entrepreneurs ont fait disparaître.

Quant aux deux autres lignes, celle de Denderleeuw à Courtrai et celle d'Anvers à Douai, nous désirons savoir si nous pouvons espérer de voir commencer les travaux dans le cours de cette année. Pour l'arrondissement d'Alost, ces lignes ont une importance très grande ; elles traversent des localités qui ne sont en communication avec aucun chemin de fer.

Je dirai aussi quelques mots, messieurs, relativement à la station de la ville d'Alost. La station d'Alost est évidemment trop petite, et il est indispensable de l'agrandir. Les observations que l'honorable M. Reynaert a faites pour l'agrandissement de la station de Courtrai, sont en tous points applicables à Alost.

L'agrandissement de cette station étant nécessaire, il conviendrait de ne pas tarder, car on établit, à droite et à gauche, des constructions, et si les expropriations ou acquisitions se font plus tard, elles seront beaucoup plus coûteuses qu'elles ne le seraient aujourd'hui.

Nous avons voté dernièrement une somme majeure pour le matériel de chemin de fer. Tout le monde a applaudi à cette mesure, d'abord parce que ce matériel était indispensable pour les besoins du commerce, ensuite parce qu'il faut espérer que les recettes continueront à progresser lorsqu'on pourra satisfaire à tous les intérêts. Mais, messieurs, il est une observation que je crois devoir faire ici. Depuis quelque temps, les nécessités du service sont devenues telles, qu'on exige de plusieurs employés inférieurs un travail qui va jusqu'à 16 a 18 heures par jour. C'est là, messieurs, un véritable abus qui se fait au détriment de la santé de ces employés.

Il y a là quelque chose à faire, et je pense que quand un employé travaille 10 ou 12 heures, on ne peut pas exiger davantage.

Je dois aussi, messieurs, parler des gardes-convoi. J'ai assisté depuis l'année dernière à deux malheurs qui m'ont singulièrement affecté, et je crois qu'on ne doit pas exiger ce passage continuel des gardes-convoi d'une voiture à l'autre. Je ne puis pas comprendre surtout pourquoi on l'exige pour les trains directs ou express. Il me semble qu'il n'y aurait rien de si facile que d'exiger l'exhibition des billets au moment de l'entrée en voiture ou de la sortie. On éviterait ainsi ces pérégrinations continuelles, qui sont si dangereuses.

J'espère que M. le ministre des travaux publics pourra me donner une réponse favorable aux questions que j'ai eu l'honneur de lui faire en commençant.

M. Crombezµ. - Messieurs, je me joins à l'honorable préopinant en ce qui concerne la construction plus ou moins prochaine de la ligne (page 289) d'Anvers à Douai, niais ce n'est pas sur cet objet que j'ai demandé la parole,

Il me paraît que les vicissitudes qui ont pesé sur la compagnie Hainaut-Flandres sont finies et que des jours plus heureux vont luire pour cette compagnie.

D'après ce que j'ai vu dans les journaux, une convention serait intervenue entre elle et la société d'exploitation qui serait chargée de construire les lignes qui restent à exécuter et qui ont été concédées à la compagnie Hainaut et Flandres.

Je demanderai à M. le ministre des travaux publies, si, enfin, après tant d'années que nous attendons, nous aurons la section de Péruwelz à Tournai. Voilà je ne sais combien de fois que nous réclamons l'intervention du gouvernement pour ce chemin de fer. J'espère que maintenant son exécution ne se fera plus attendre.

Puisque j'ai la parole, je demanderai à M. le ministre des travaux publics de vouloir bien examiner, avec bienveillance, les demandes de concession qui lui sont faites d'un chemin de fer de Tournai à Audenarde, passant par Pecq et la rive gauche de l'Escaut. Deux demandes de concession ont été déposées ; je n'ai pas à me prononcer entre ces demandes ni à appuyer l'une plutôt que l'autre ; mais ce tronçon de chemin de fer intéresse des populations nombreuses et répond à des besoins très urgents ; je prie M. le ministre des travaux publics, lorsqu'il présentera un projet portant concession de chemin de fer, de ne pas oublier les demandes qui lui ont été' adressées.

M. Julliotµ. - Messieurs, ainsi que l'honorable M. Lebeau, je trouve que les chemins de fer concédés ne sont pas assez surveillés.

J'éviterai d'entrer dans des détails, à cet égard, qui prouvent que quelques exploitations se font avec peu de surveillance, et qu'il y a une grande différence entre le service de l'Etat et celui des petites compagnies en particulier.

En général, on fait 100 kilomètres sur la ligne de l'Etat avec plus de sécurité que 50 kilomètres sur quelques lignes concédées.

Je ne vois pas ce qui s'oppose à ce que l'on charge les ingénieurs des ponts et chaussées, dans leur résidence respective, de la surveillance des chemins de fer concédés.

Ce serait un véritable progrès dans la voie de la sécurité et de l'amélioration en général de ce service.

Messieurs, je viens également appuyer les considérations émises par l'honorable baron de Woelmont.

Il est évident qu'il n'est pas de raison plausible générale pour refuser des concessions de chemin de fer qui ne demandent aucun concours du gouvernement.

Je sais qu'il répugne à l'honorable ministre des travaux publics d'accorder de nouvelles concessions partant de Bruxelles et je connais la réponse à l'avance ; on me dira : Je dois sauvegarder les intérêts de l'Etat en conservant pour moi les transports de la station de Bruxelles, et ne pas en céder une part au premier venu.

Mais pourquoi ne pas accorder une ligne de Tirlemont à Aix-la-Chapelle par Visé, avec réserve que les concessionnaires auront la préférence pour continuer la ligne jusqu'à Bruxelles, si un jour le gouvernement se décide à donner cette concession ?

Je pense que le demandeur en concession se contenterait de cette réserve. Ce serait donner du bien-être aux contrées traversées, sans nuire à d'autres intérêts.

J'engage donc M. le ministre à jeter un regard favorable sur le projet et à nous doter d'un bienfait que nous attendons avec impatience, car, pour aller de Liège à Saint-Trond, il faut aujourd'hui parcourir le double de la distance que présenterait la ligne directe de Liège à Saint-Trond par Tongres, avec la concession demandée.

Nous espérons donc aboutir aussitôt que le moment sera favorable. J'ai dit.

M. Van Hoordeµ. - Messieurs, les questions relatives aux chemins de fer qui sont d'un intérêt tout à fait actuel pour la province de Luxembourg, concernent non pas la compagnie Forcade qui n'a pas d'obligations à remplir immédiatement, mais la compagnie du Luxembourg, dont la conduite soulève d'unanimes réclamations.

Je ne parlerai que de l'embranchement de Longlier à Bastogne, qui doit être construit par elle.

Au risque d'importuner l'honorable ministre des travaux publics, j'appellerai sa sérieuse attention sur les nombreuses pétitions, revêtues de plus de six cents signatures, que nous ont adressées deux arrondissements particulièrement intéressés à son établissement.

C'est pour la cinquième ou la sixième fois que j'aurai l'honneur de l'entretenir de ce tronçon de voie ferrée qui menace de rester éternellement sur le papier, bien qu'il soit d'une importance vitale pour une grande partie de la province.

Mais je prie. M. le ministre de croire que je me serais abstenu de revenir sur cet objet, et de renouveler encore les mêmes recommandations, si je n'y voyais pas l'accomplissement d'un devoir auquel doivent céder le pas, ici, et ses convenances et les miennes.

Les pétitions que nous avons reçues constatent un désappointement général ; elles révèlent une irritation profonde, qui, malheureusement, n'est que trop justifiée, La société concessionnaire paraît avoir oublié ses engagements récents, comme elle a oublié ses engagements anciens, et on dirait qu'elle a l'intention de se jouer de la loi de 1862 comme de toutes les lois antérieures qu'elle avait acceptées, notamment celle de 1855.

J'ai eu l'occasion de m'occuper de cette loi de 1855, il y a deux ans, en répondant à quelques orateurs qui, comme, tous ceux qui entreprennent de soutenir une thèse insoutenable, avaient senti la nécessité de déplacer la question que j'avais soulevée. Ils avaient cherché à faire diversion au présent, qui était pour nous d'un intérêt réel et sérieux, en s'occupant du passé qui n'avait plus qu'un intérêt historique. Ils s'étaient attachés à démontrer que la convention de 1855 était mauvaise ; que le ministère d'alors avait eu un tort immense qui cependant, en définitive, se serait réduit à avoir eu confiance dans la loyauté de la compagnie du Luxembourg, que c'était à ce ministère que nous devions adresser tous nos reproches, parce qu'il était seul responsable des longs retards dont nous nous plaignions.

J'ai fait justice alors de ces récriminations. Et comment l'ai-je fait ? En rappelant les discussions qu’avait soutenues, dans cette enceinte, l'honorable M. d'Hoffschmidt. Loin d'avoir jamais cherché à le faire oublier, comme m'en accusait tout à l'heure l'orateur auquel je réponds en ce moment, j'ai remis en lumière les efforts de mon honorable prédécesseur. J'ai même reproduit ses paroles. Il en résultait qu'à ses yeux la convention de 1855 était claire comme le jour, qu'elle n'était susceptible que d'une seule interprétation, celle d'après laquelle l'obligation de construire l'embranchement de Bastogne était évidente, incontestable pour la compagnie du Luxembourg, depuis le moment où la progression de ses recettes lui avait permis de se passer de la garantie d'intérêt.

L'honorable M. Tesch me fait un signe négatif. Il doit cependant savoir, comme moi, que beaucoup d'hommes considérables partageaient la manière de voir de l'ancien représentant de Bastogne. Je ne veux pas les nommer tous : je n'en citerai qu'un seul, un honorable ancien président de cette Chambre, M. Verhaegen, qui n'a jamais caché à personne l'indignation que lui causait l'inaction de la grande compagnie.

Quoi qu'il en soit, messieurs, il est dès à présent certain pour tout le monde, pour tous ceux, du moins, qui ne ferment pas les yeux à l'évidence, que notre chemin de fer ne sera pas construit pour l'époque à laquelle il aurait dû l'être, bien que la convention de 1855 ait été remplacée par une autre convention en 1862 accordant de nouveaux délais.

D'après cette convention de 1862, l'embranchement doit être achevé et livré à l'exploitation pour le 6 mars 1867.

Nous ne sommes plus éloignés de cette date que par treize mois, dont la moitié sont des mois d'hiver pendant lesquels les travaux sont lents et difficiles, le plus souvent impossibles.

Or, aucun travail n'est commencé. Il y a plus. Aucune expropriation n'est encore faite ni même poursuivie. On ne parle d'aucune espèce d'adjudication. Les plans, qui auraient dû être approuvés avant la fin de 1863, ne sont pas arrêtés, c'est à peine s'ils sont ébauchés.

En un mot, tout est encore dans le néant ! La compagnie du Luxembourg persiste dans une inaction qui ressemble à un défi. Défi aux populations qui ont un droit acquis depuis 1845 ! Défi à la loi qui consacre ce droit de la manière la plus claire, la plus précise, la plus formelle ! Défi jeté au gouvernement lui-même qui, à diverses reprises, a promis de tenir la main à son exécution rigoureuse ! Comme le disent et le demandent les pétitionnaires, il est plus que temps que le gouvernement se souvienne de cette promesse, et qu'il relève ce défi, en usant de tous les moyens de contrainte que le cahier des charges met à sa disposition.

Je ne sais pas si l'on me répondra encore que rien ne presse, comme on l'a fait l'année passée lorsque j'ai prévu l'hypothèse qui se réalise aujourd'hui, le défaut d'exécution eu temps opportun de la convention de 1862. J'en doute, car cette phrase qui était acceptable alors, ne pourrait plus être prononcée sérieusement à l'heure qu'il est. Cependant, si l'honorable ministre avait l'intention de s'en servir, je lui demanderais (page 290) formellement de l'appuyer d'un exemple. Je n'en demanderais qu'un, mais s'il ne pouvait pas me citer un seul chemin de fer d'une étendue et dans des conditions analogues à celles du chemin de fer de Bastogne, c'est-à-dire, d'une trentaine de kilomètres et dans une localité accidentée, ayant été construit et mis en exploitation en un peu plus d'une année, je maintiendrais qu'il se trompe, et que, loin d'avoir encore trop de temps devant nous, nous pouvons dès à présent faire notre deuil de l'embranchement de Bastogne pour le mois de mars 1867. Il est fort facile de dire « rien ne presse et il est possible d'établir un chemin de fer de trente kilomètres, en moins de quatorze mois. » En un sens, tout est possible ; et je sais bien qu'en triplant et quadruplant le nombre des ateliers et des tranchées, et par conséquent, la dépense, on peut arriver à un résultat pareil. Mais là n'est pas la question. Il s'agit d'examiner la réalité des faits. La question est de savoir si cette chose possible a déjà eu lieu.

En supposant qu'elle ait eu lieu, il est encore fort probable que la compagnie du Luxembourg n'agira pas ainsi. Elle est trop bien administrée au point de vue de ses actionnaires pour jeter jamais leur argent par portes et fenêtres. Mais enfin, je ne veux pas m'attacher à cette probabilité ; et je demande uniquement qu'on me cite l'exemple d'une compagnie quelconque, qui a mené à bonne fin, en un peu plus de treize mois, en Belgique, une entreprise de la nature de celle qui est obligatoire pour la compagnie du Luxembourg.

Qu'on ne dise pas qu'elle est dans une position tout à fait exceptionnelle, car s'il est vrai qu'elle ne sera pas arrêtée souvent par des travaux d'art, elle aura toutefois à effectuer des remblais et des déblais considérables. Elles aura autre chose à faire qu'à placer des billes sur un terrain parfaitement uni. Et j'insiste sur ce point pour qu'on ne dénature pas ma pensée. Nous sommes en présence d'une entreprise qui n'est encore aucunement préparée ; il n'y a encore ni plans, ni expropriations. Absolument rien n'est fait.

M. Bouvierµ. - Et la compagnie Forcade ?

M. Van Hoordeµ. - Je n'ai pas à m'occuper d'elle, car la compagnie du Luxembourg seule est obligée pour l'année prochaine.

Je bornerai là mes observations, pour le moment, me réservant de les étendre, si, contre toute attente, l'honorable ministre des travaux publics ne partageait pas la manière de voir des pétitionnaires. Mais ma réserve est inutile ; j'en suis sûr.

Je serais surpris, si prenant parti pour la compagnie du Luxembourg, contre le pays qu'elle doit desservir, il voulait tenter une justification impossible ; d'autant plus qu'il nous a déclaré naguère que la loi qui la lie sera strictement et rigoureusement observée, que d'ailleurs il tient à honneur d'agir vis-à-vis de cette compagnie avec sévérité, avec plus de sévérité même qu'à l'égard de toute autre. Il pensera donc, comme moi, j'espère, qu'il n'y a qu'une seule réponse à faire à ces nombreuses pétitions qui sont toutes appuyées par les noms les plus honorables, qu'il n'y a qu'un seul parti à prendre pour avoir raison de l'inexcusable et incompréhensible obstination du Grand-Luxembourg ; la mettre en demeure, et lui notifier, régulièrement cette fois, l'intention qu'a le gouvernement d'appliquer au besoin les articles 14, 15 et 20 du cahier des charges.

M. J. Jouretµ. - Messieurs, je ne prolongerai pas cette discussion générale, déjà bien longue. Je me bornerai à demander à M. le ministre des travaux publics quelques renseignements que, j'espère, il voudra bien me donner.

Vous vous rappellerez que, dans le courant de la session dernière, j'ai réclamé avec un peu de vivacité, eu égard à la position qu'on nous avait faite dans le rapport du projet de loi décrétant un chemin de fer direct de Charleroi à Bruxelles, le rachat des embranchements du canal de Charleroi. Je ne répéterai pas les observations que j'ai fait valoir à cette époque. J'espère que vous n'aurez pas perdu de vue combien elles étaient justes et fondées, et combien il était absolument inévitable d'y faire droit.

Vous vous rappelez que M. le ministre des travaux publics nous a promis d'une manière formelle de s'occuper avec une sérieuse et bienveillante attention de cet objet, et c'est le premier point sur lequel je désire avoir quelques renseignements. M. le ministre aura l'obligeance de nous dire si l'examen bienveillant et sérieux qu'il a fait de cette question, nous autorise à en espérer la prochaine solution ?

En second lieu vous vous rappelez qu'antérieurement à cet objet la concession d'un chemin de fer de Goegnies à Jurbise et à Soignies a été accordée,. Cette concession, qui était vivement attendue, a fait aux populations qui doivent en retirer les bénéfices, un plaisir extrême. Malheureusement jusqu'ici nous ne savons quelle exécution elle a reçue, et je désirerais connaître si les populations intéressées, notamment les populations de Rœulx qui sont complètement séparées de notre réseau de chemin de fer, peuvent espérer y être bientôt rattachées. Elles ont à cela un immense intérêt et je suis persuadé que si M. le ministre des travaux publics a quelques bons renseignements à nous donner, ces populations en seront enchantées.

En troisième lieu, il y a quelque temps encore, on a accordé la concession d'un chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai. A différentes reprises, la société concessionnaire a fait concevoir l'espoir que cette ligne allait s'exécuter avec une certaine rapidité. Des matériaux étaient amenés à pied d'œuvre ; le personnel qui devait diriger les travaux avait été nommé. Malheureusement un changement notable a eu lieu, je pense, dans la situation de la société intéressée. On nous assure que ce changement n'est pas de nature à nous faire perdre l'espoir de voir bientôt s'exécuter les travaux. Je serai encore reconnaissant envers M. le ministre des travaux publics, s'il peut nous donner quelques renseignements à cet égard.

La ligne de Braine-le-Comte à Courtrai traverse des pays assez étendus qui ont été jusqu'ici privés de toute communication avec le réseau des chemins de fer. Les populations, notamment celle de la ville de Lessines, attendent avec impatience l'exécution de la concession.

Ces renseignements demandés, il ne me reste que peu d'observations à faire à M. le ministre des travaux publics.

Des pétitionnaires nombreux lui ont demandé de vouloir transformer la station de Bois-du-Luc sur la ligne de Mons à Manage, qui n'a été jusqu'ici qu'une station destinée aux marchandises, en station de voyageurs. Je n'ai pas sous les yeux les pétitions en question, mais les motifs qu'elles font valoir sont des plus remarquables, sont saisissants. Elles démontrent que les populations qui pourront se servir de la station de Bois-du-Luc comme station de voyageurs, sont extrêmement nombreuses.

J'espère qu'il sera possible de donner à ces populations la satisfaction qu'elles réclament.

Une dernière observation : elle a rapport à ce qu'a dit l'honorable M. Van Wambeke du petit personnel des chemins de fer.

Quand le service de nuit a été organisé sur le chemin de fer, on a voulu l'organiser d'une manière économique. C'était très louable et j'ai approuvé en tous points les efforts de M. le ministre des travaux publics.

Pour parvenir à organiser ce service de nuit d'une manière économique, on n'a pas donné à certaines parties des chemins de fer un petit personnel double ; on a pensé qu'il était possible de pourvoir à tous les besoins au moyen du petit personnel existant.

Je crois que cela n'était pas absolument impossible au moment où l'on a organisé le service de nuit.

Mais, depuis, chacun le sait, des convois plus nombreux ont dû s'établir, et le petit personnel n'a pas été augmenté dans la même proportion, de sorte qu'il est maintenant tout à fait accablé, et je crois que l'honorable M. Van Wambeke n'a pas été assez loin en disant qu'il a jusqu'à 16 heures de travail par jour.

Je déclare de la manière la plus formelle qu'il est à ma connaissance que certains ouvriers du petit personnel peuvent avoir tout au plus 2 ou 3 heures de sommeil par nuit quand les choses se passent d'une manière régulière et qu'ils sont complètement privés de repos dès qu'il se produit le moindre embarras sur la ligne.

Il est absolument indispensable de faire cesser cet état de choses. Le service de nuit est certainement une excellente chose, mais il faut qu'on le fasse de manière à ne pas troubler le personnel.

On a dit quelquefois à ceux qui se plaignent : Mais si votre position au chemin de fer ne vous convient pas, vous êtes libre de vous en aller.

Mais qu'on ne perde pas de vue que ces ouvriers étaient des ouvriers hors ligne, des ouvriers de choix, car il a fallu de bons ouvriers pour en faire des garde-freins par exemple, et que leurs occupations antérieures étaient lucratives.

On ne peut donc pas leur parler ainsi. Cela est du reste inhumain, et je suis convaincu que M. le ministre des travaux publics n'approuvera jamais une pareille manière de faire.

Il y a lieu, messieurs, de compléter le service de manière que ces gens ne continuent pas d'être abîmés. Du reste, si l'on ne prend pas les mesures que réclame la situation, il arrivera, dans un temps donné, que les ouvriers quitteront en masse sur certaines lignes, bien qu'il doive en (page 201) résulter pour un préjudice, en ce sens qu'ils ne pourront pas trouver immédiatement une autre position.

J'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre des travaux publics. Je suis convaincu que la justice et l'humanité réclament, à cet égard, de promptes mesures.

M. Allardµ. - Messieurs, la ligne d'Ath à Hal sera ouverte aux voyageurs le ler février.

La réduction des prix pour Tournai ne sera que de 40 centimes sur la 2ème classe et de 60 ou 80 centimes sur la 1ère. Il doit y avoir là une erreur, et en effet je ne conçois pas une diminution si faible, alors que le parcours présente une différence en moins de 25 à 30 kilomètres.

Je demanderai à l'honorable ministre des travaux publics de faire vérifier s'il n'y a pas une erreur dans la fixation des prix.

Puisque j'ai la parole, j'appellerai l'attention de M. le ministre des travaux publics sur le démantèlement de la place de Tournai en ce qui concerne la rive droite.

Dans quelques mois, nos vieux remparts seront démolis sur la rive gauche, mais il n'en sera pas de même sur la rive droite.

Le département de la guerre a mis tous les terrains militaires ainsi que les remparts du côté de la rive droite à la disposition du département des travaux publics. Une grande partie de ces terrains sera employée à la création de la nouvelle station ; la ville de Tournai sera ainsi privée de ces terrains qu'on lui aurait abandonnés pour en faire des boulevards, si la station n'avait pas dû y être établie.

Je demanderai donc à M. le ministre des travaux publics si, en exécutant le déplacement de la station, il ne fera pas établir des quais, à droite et à gauche de la petite rivière et s'il ne fera pas raser les remparts. Les terres qui en proviendraient pourraient être utilisées à combler les marais qui se trouvent entre l'Escaut et l'emplacement de la nouvelle station et les pierres pourraient être employées aux fondations des bâtiments de la station et aux pierrées des talus. Ce serait une grande économie pour le gouvernement, parce qu'il pourrait ainsi mettre en vente les terrains des remparts, qui se vendraient très cher.

Je crois que c'est la seule occasion qui pourrait se présenter de faire disparaître les remparts, non seulement sans frais, mais même avec bénéfice pour l'Etat.

M. Dolezµ. - Messieurs, je ne demande pas la parole pour longtemps ni pour dire à la Chambre quelque chose de neuf, mais je tiens à revenir, avec une insistance qui ne se lassera jamais, sur la demande que j'ai déjà faite différentes fois à M. le ministre des travaux publics de supprimer enfin le tunnel de Braine-le-Comte.

M. Dumortierµ. - Oui, très bien.

M. Dolezµ. - Il y a quelques mois, un horrible malheur a failli s'accomplir dans ce tunnel, et je ne comprends pas, en vérité, comment, quand il s'agit d'aussi graves intérêts et d'une dépense aussi minime, l'administration persiste à ne pas faire droit à d'aussi légitimes réclamations.

J'insiste donc plus vivement que jamais pour que ce tunnel dont l'inutilité était déjà connue à l'époque où il a été construit, ne continue pas plus longtemps à exposer la vie des voyageurs, en même temps qu'à apporter des entraves à la régularité du service.

Le mouvement sur cette ligne, messieurs, va s'accroître encore par l'ouverture de deux lignes parlant de Braine-le-Comte.

Comment ne comprend-on pas qu'une seule voie, ne fût-ce que sur une partie du parcours, est un danger, alors surtout qu'il s'agit d'une circulation aussi active que celle qui existe sur cette ligne ?

Je fais donc appel à la haute intelligence dont M. le ministre des travaux publics n'a cessé de donner des preuves. S'il rencontre dans ses bureaux quelques résistances résultant de l'habitude ou de la routine, il lui appartient de les vaincre et de faire droit à de justes réclamations' qui deviennent de jour en jour plus pressantes et qu'il faut enfin finir par écouler.

M. Dumortierµ. - J'ai été heureux d'entendre mon honorable collègue M. Dolez parler comme il vient de le faire, et je me joins à lui de tout mon cœur pour obtenir la démolition de ce tunnel.

Mardi dernier j'ai passé encore sous ce tunnel et je disais aux personnes qui se trouvaient dans le même compartiment que moi que je ne comprenais pas comment les députés de Mons, dont la population doit toujours passer par ce tunnel, n'en exigeaient pas la démolition.

Je suis heureux que l'honorable membre reproduise la demande qu'il a faite déjà à plusieurs reprises.

On a beau dire le contraire, ce tunnel est dangereux. Lorsqu'on a fait des fêtes jubilaires, la ville de Charleroi ou les environs s'étaient chargés d'envoyer un de ces chars que nous avons vus figurer dans la cavalcade. C'était, je pense, une locomotive avec sa cheminée. On avait pris d'avance la hauteur du tunnel pour que le char pût y passer. Eh bien, lorsqu'il s'est trouvé à mi-chemin du tunnel, il a fallu, le faire revenir en arrière et le démonter pour pouvoir le faire passer.

Il est évident qu'il y a là un affaissement considérable.

On nous dira qu'il y a des inspecteurs qui y passent souvent ; je répondrais à cela que, quand on inspecte tous les jours, on finit par ne plus inspecter du tout.

Il est indispensable de faire disparaître ce tunnel, et j'ajouterai avec l'honorable député de Mons qui vient de parler, qu'il était de la plus complète inutilité.

En effet à Braine-le-Comte les eaux s'écoulent à droite et à gauche du mamelon pour venir à Bruxelles.

Il ne s'agissait que de suivre le cours de la Senne soit le cours de l'autre vallée pour éviter cette dépense. Mais les ingénieurs qui ont fait ce tunnel ont voulu faire voir qu'ils savaient faire un tunnel, et on a prouvé précisément qu'on ne savait pas en faire, car le tunnel de Braine-le-Comte est tout ce qu'il y a de plus dangereux. Quand on se trouve sur la hauteur, on sent un ébranlement considérable chaque fois qu'un convoi de marchandises passe. Ce fait m'a été affirmé par des personnes qui en avaient fait l'expérience. Qu'un jour un de ces ébranlements continue à disjoindre le tunnel et une catastrophe épouvantable se produira. Quant à moi, je me félicite d'être probablement passé dans ce tunnel pour la dernière fois. La semaine prochaine nous allons avoir la route directe vers Tournai, et je vous déclare que je me garderai bien, à l'avenir, de prendre une autre voie. Mais si je ne passe plus sous le tunnel mes honorables amis continueront d'y passer, et il me suffit que des dangers existent pour que je joigne ma voix à celle de M. Dolez pour adjurer le gouvernement de faire disparaître ce tunnel qui est un véritable danger pour la sûreté publique.

M. J. Jouretµ. - Si dorénavant M. Dumortier ne passera plus sous le tunnel de Braine-le-Comte, les habitants de Soignies que j'ai l'honneur de représenter devront y passer longtemps encore si on ne défère pas à la demande de MM. Dolez et Dumortier. Je me joins donc à eux et j'appuie les observations qu'ils ont présentées.

- Voix nombreuses. - A mardi !

- La séance est levée à 5 heures 3/4.