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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 2 février 1866

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboomµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 323) M. de Florisone, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Moor, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction eu est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisone, secrétaireµ, présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Le sieur Herpain présente des observations en faveur de la réforme électorale. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi portant modification aux lois communale et provinciale.


« Des habitants de Bruxelles demandent le suffrage universel pour les élections communales et provinciales. »

- Même renvoi.


« Le sieur Pire présente des modifications à la proposition de loi ayant pour but la réduction du cens pour les élections provinciales et communales et prie la Chambre d'examiner la question de savoir s'il ne serait pas inconstitutionnel de porter à l'avoir des électeurs pour les Chambres législatives, les centimes additionnels payés au profit des provinces et des communes. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Feluy demandent le rachat des embranchements du canal de Charleroi. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. Crombez, obligé de s'absenter pour des affaires urgentes, demande un congé. »

- Accordé.

Composition des bureaux des sections

Les sections de février se sont constituées comme suit :

Première section

Président : M. de Theux

Vice-président : M. de Naeyer

Secrétaire : M. Warocqué

Rapporteur de pétitions : M. Dewandre


Deuxième section

Président : M. Julliot

Vice-président : M. Van Overloop

Secrétaire : M. Braconier

Rapporteur de pétitions : M. Van Renynghe


Troisième section

Président : M. David

Vice-président : M. Mascart

Secrétaire : M. T’Serstevens

Rapporteur de pétitions : M. Elias


Quatrième section

Président : M. J. Jouret

Vice-président : M. de Kerchove

Secrétaire : M. Orban

Rapporteur de pétitions : M. de Conninck


Cinquième section

Président : M. Van Iseghem

Vice-président : M. de Moor

Secrétaire : M. de Macar

Rapporteur de pétitions : M. Vander Donckt


Sixième section

Président : M. Magherman

Vice-président : M. Mouton

Secrétaire : M. Delaet

Rapporteur de pétitions : M. Thienpont

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1866

Discussion générale

MpVµ. - La parole est à M. le ministre des travaux-publics.

MtpVSµ. - Messieurs, à la fin de la séance d'hier, j'étais arrivé aux questions qui concernent l'exploitation du chemin de fer de l'Etat. Avant d'aborder succinctement cette matière, je dois réparer un oubli qui m'a été signalé par l'honorable M. Magherman, oubli très involontaire de ma part.

L'honorable M. Magherman m'a demandé où en était le chemin de fer concédé d'Anvers à Douai.

La société vient de se constituer il y a quelques semaines, nécessairement après versement de son cautionnement qui monte, je pense, à 500 ou 600 mille francs. La société s'est mise aussitôt en devoir d'élaborer les plans qu'elle a à soumettre au département ; et une partie de ces plans m'a déjà été adressée, la partie relative à la ligne du côté d'Anvers. Ces plans auraient été approuvés sans délai, n'était qu'il s'élève une difficulté assez grande, celle de savoir si le pont sur le Ruppel peut être placé à l'aval du canal de Willebrocck ou s'il doit l'être en amont.

Cette difficulté a retardé, retarde encore pour un délai très court du reste, l'approbation de ces plans.

Mais je dois faire remarquer que le désir que la société ne cesse de manifester de recevoir ces plans approuvés, est la preuve de son égal désir de mettre immédiatement la main à l'œuvre.

Il est donc certain que dès le début de la campagne le chemin de fer d'Anvers à Douai recevra un commencement d'exécution.

Cela dit, je reviens à l'exploitation du réseau de l'Etat.

Comme je l'ai indiqué hier, je traiterai d'abord de quelques questions relatives aux tarifs et c'est à ce sujet que l'honorable M. Lebeau a critiqué l'exagération des frais de transport pour les courtes distances.

L'honorable M. Lebeau pense que cette exagération est produite par l'application des frais fixes et il plaide l'abolition ou tout au moins la diminution de ces frais fixes pour les courtes distances.

Je crois qu'il n'est plus opportun de parler des frais fixes et des frais variables. Il y a pour les transports un seul fret se composant fictivement, théoriquement de frais variables et de frais fixes. Mais, en réalité, la distinction n'a aucune espèce d'importance. Elle n'a d'importance que vis-à-vis de l'administration et pour établir le décompte pour les relations mixtes, pour les relations avec les sociétés ; pour le reste il y a un prix, et je le répète, il est sans aucune espèce d'utilité de rechercher les éléments de ce prix.

Ainsi l'honorable M. Lebeau parle de l'abus qu'il y a à maintenir pour les courtes distances le franc de frais fixes. Mais, messieurs, il y a des cas où le prix total, frais fixes et frais variables compris, ne monte pas à un franc. Ainsi pour les transports à une lieue, lorsqu'il s'agit du tarif n°3, dernière classe, le prix normal est de 1 fr. 20 c., mais lorsqu'il s'agit des transports effectués en abonnement, comme il y a une prime de 25 centimes par tonne, le total du prix descend à 95 centimes.

Il n'est donc pas question d'un franc de frais fixes, le franc disparaît dans certains cas et en même temps une partie des frais variables.

Lorsque j'ai arrêté le dernier tarif des grosses marchandises, c'est une observation que je me suis faite que, pour les petites distances, le prix est encore trop élevé.

En France, messieurs, il y a un minimum de 60 centimes ; notre minimum est de 1 fr. 20, ou de 95 centimes s'il y a abonnement.

Je suis donc d'accord avec l'honorable M. Lebeau qu'il y a lieu de réduire le tarif pour les courtes distances, mais je dois ajouter que le temps n'est pas venu. Nous devons d'abord réaliser toutes les recettes sur lesquelles nous avons compté. La prudence est d'autant plus commandée que nous ne sommes pas au bout de nos réformes et que nous sommes à la veille de réaliser une réforme importante, dont je vais entretenir la Chambre.

L'honorable M. Dupont a demandé quand le gouvernement compte profiter de la faculté qui lui a été donnée de modifier le tarif des voyageurs. Rien dans les paroles de l'honorable M. Dupont, n'autorise à faire croire qu'il ait manifesté quelque impatience au sujet de cette réforme ; je pense que c'est une simple question qu'il a voulu m'adresser ; j'en suis d'autant plus convaincu que la loi en vertu de laquelle nous pouvons opérer cette réforme, ne date que du mois de juillet 1865. Or, messieurs, il s'agit d'une réforme extrêmement importante, extrêmement difficile, d'autant plus qu'elle n'a d'antécédent dans aucun pays.

Je ferai remarquer de plus que depuis le mois de juillet dernier nous avons introduit une autre réforme, celle du tarif des petits colis, laquelle a été également entourée de très grandes difficultés. Nonobstant cela, la réforme en question, celle du tarif des voyageurs, se trouve dès à présent élaborée et il ne dépend que de mon département de l'introduire dans le délai de quelques semaines.

(page 324) La réforme projetée par mon département repose sur le même principe que celui qui a servi de base à la réforme du tarif des marchandises, c’est-à-dire une large réduction à la distance. Je crois que c'est le principe le plus simple, le plus rationnel, le plus logique que l'on puisse appliquer.

Il est certain que l'on ne peut pas dire qu'un voyageur plus qu'une marchandise coûte à l'administration le double lorsqu'il parcourt une distance double. Il y a, pour un voyageur comme pour une tonne de marchandises, certains frais généraux qui absorbent une partie notable de la dépense que le transport coûte à l'administration. Cette dépense couverte, le reste ne se multiplie pas en raison directe du nombre de kilomètres parcourus. Voilà le principe, voilà la théorie.

Maintenant, en fait, il est certain que le prix de transport grève trop soit un colis soit un voyageur, lorsqu'il est très élevé, d'une manière absolue.

Ainsi pour opérer une bonne réforme dans le tarif des voyageurs, il importe de réduire surtout les taxes les plus élevées. Nous sommes encore là en plein dans le principe de la réduction à la distance.

J'ai naturellement, messieurs, avant de rien arrêter, fait dresser un relevé statistique des plus minutieux du mouvement des voyageurs à toutes les distances de notre réseau.

Or il se trouve qu'une diminution énorme dans le transport des voyageurs se remarque exactement dans la même zone où se rencontre cette diminution pour les marchandises.

A partir de la seizième lieue, le mouvement devient presque insignifiant. II y a certes à de certaines distances dans cette zone quelques exceptions motivées par des faits faciles à constater. Ainsi, par exemple, Bruxelles est distant de Liège de 22 ou 23 lieues : à 22 ou 23 lieues vous avez le mouvement de Liège sur Bruxelles. Ce sont des espèces de taches dans cette zone, généralement terne. Mais d'une manière générale on peut dire, qu'à partir de la seizième lieue le mouvement devient relativement si faible, qu'on peut opérer la réforme impunément pour le trésor, quel que soit le résultat des réductions introduites.

J'ai donc procédé dans cette zone, comme j'avais procédé dans la même zone relativement aux marchandises, c'est-à-dire, de la manière la plus large. J'ai taillé en plein. La difficulté sur ce point était très facile à vaincre. Mais il faut cependant une échelle raisonnable de haut en bas ; on ne peut couper dans une zone et laisser intacte la zone qui précède ; en procédant de cette manière on arriverait à demander un prix plus élevé pour une distance moindre que pour une distance plus grande.

Or, cela est inadmissible. L'évidente difficulté a consisté à établir non seulement une échelle offrant de la symétrie dans la décroissance, mais à ménager les étapes qui sont indispensables pour pousser cette réforme jusqu'au bout. En effet il n'est pas possible de songer à appliquer d'emblée la réforme d'une manière intégrale. Une réforme appliquée d'emblée d'une manière intégrale, s'il n'y avait pas d'accroissement dans le mouvement, donnerait, une perte de 4 millions de francs.

Certainement cette perte serait diminuée du montant de l'accroissement normal qui se manifeste dans le mouvement des voyageurs, mais cet accroissement, quelque considérable qu'il soit, est loin de pouvoir compenser pareille perte. Je dis accroissement normal, quelque considérable qu'elle soit, et j'ouvre ici une parenthèse pour annoncer à la Chambre qu'en I865 l'augmentation du nombre des voyageurs a été de 1,100,000 à 1,200,000.

M. Bouvierµ. - C'est prodigieux !

MtpVSµ. - Oui, c'est prodigieux ; l'accroissement dans les deux années antérieures avait été de 800,000 et c'était un accroissement déjà remarquable par rapport aux accroissements antérieurs. Vous le voyez, la différence est encore très notable en faveur de l'exercice 1865.

Voilà donc la manière dont je procède ; une zone dans laquelle il y aurait une taxe réduite, dès l'origine, à la taxe définitive, une zone qui jouirait d'une taxe transitoire et une zone dans laquelle, à la première étape, on ne ferait rien.

La zone dans laquelle on ne ferait rien, serait celle comprise entre 1 et 35 kilomètres, celle pour laquelle on appliquerait une taxe transitoire serait celle comprise entre 36 et 75 kilomètres, et à partir de 75 kilomètres la taxe serait réduite à ses proportions définitives, définitives pour le moment, car je n'ai pas le droit d'engager l'avenir.

Voilà, messieurs, les bases de la réforme projetée et, je le répète, les taxes définitives sont réduites dans des proportions sérieuses, dans des proportions tellement satisfaisantes pour le public, que je crois qu'il n'y aurait plus lieu, après le nouveau tarif, de parler d'une mesure qui a occupé la Chambre et le public, les billets de retour. Je vais dire pourquoi.

Je trouverais la faveur des billets de retour sans objet. Quel est le système qu'on pratique en Angleterre, par exemple ? On accorde une certaine réduction à celui qui prend, en même temps que son billet à l'aller, son billet de retour, mais il faut que le retour s'effectue dans un délai déterminé, dans la journée ou, tout au plus tard, dans les deux jours.

Pourquoi cette faveur accordée seulement à quelqu'un qui n'est retenu dans une localité par ses intérêts que pendant quelques heures et à qui il est permis de revenir dans la journée ou le lendemain, et refusée à celui dont l'absence doit se prolonger ?

Il n'y a aucune raison pour cela, mais il n'y a surtout pas de raison d'accorder une faveur aux billets de retour si l'on introduit le système que je vais vous faire connaître en citant des chiffres pour fixer les idées. Je suppose qu'un billet coûte 5 francs prix actuel ; l'aller et le retour à ce prix ferait donc 10 francs ; je suppose qu'on accorde, comme cela se pratique ailleurs, une diminution de 20 p. c. pour les billets d'aller et de retour ensemble ; cela réduirait le prix total à 8 francs. Or, si je ne demande que 4 francs ou même 3 francs, non lorsqu'on prend deux billets, mais lorsqu'on n'en prend qu'un, ce système est, je pense, bien préférable.

A côté de cette réforme quant au prix, il y a lieu de l'enseigner une autre réforme, celle consistant à ajouter à la plupart de nos trains express des voitures de troisième classe.

L'expérience a constaté qu'avec ce système de ne composer les trains exprès que de voitures des deux premières classes, et avec une surtaxe trop grande imposée sur les trains express, la plupart du temps, sauf les trains internationaux, les trains express sont vides ; ils coûtent énormément au trésor et ne rapportent presque rien.

Il faut donc peupler les trains express, il faut les peupler en ajoutant des waggons de troisième classe, en diminuant un peu la surtaxe. (Interruption.)

Je donne les lignes générales de mon système, je n'entre pas dans les détails, on pourra les discuter ultérieurement. Je me borne à prouver qu'il s'agit d'un système élaboré et que quand j'annonce que ce système peut être introduit prochainement, je n'affirme qu'une chose conforme à la vérité.

Je reviens donc à ma thèse et je dis qu'à mon sens il importe d'ajouter des voitures de troisième classe aux trains express.

Les voyageurs de troisième classe entrent pour une proportion énorme dans le mouvement général. Et que rencontrons-nous dans cet immense nombre de voyageurs de la dernière classe ? Mais des gens pour qui spécialement il est vrai de dire que le temps est de l'argent. C'est donc pour ces voyageurs principalement qu'il faut augmenter, si c'est possible, la rapidité du trajet. Ce sont ces voyageurs qui, plus que d'autres, ont besoin de marcher vite.

Voilà donc un complément de réforme qui, je pense, ne pourra que recevoir les applaudissements du public, un complément qui n'est pas sans importance, et qui favoriserait à la fois lés voyageurs et, je pose en fait certain, le trésor.

Maintenant, messieurs, s'élève une autre question assez délicate et dont je demande la permission de vous entretenir.

Je reviendrai un peu sur le passé et j'exposerai, ce qu'il est très important de faire en ce moment, la position présente à la Chambre. Je lui dirai dans quel sens je compte marcher. Car il convient que le gouvernement soit sur ce point en quelque sorte d accord avec le public, et le public a des représentants légaux ici. En m adressant à la Chambre, je m'adresse donc au public lui-même.

Voici, messieurs, de quoi il s'agit :

Il y a deux manières d'introduire des réformes : l'une est plus sûre mais plus lente ; l'autre présente certains inconvénients, mais elle est infiniment plus prompte.

D'après le premier système, lorsque l'on a une réforme en vue, on prend toutes ses précautions pour que la mise en œuvre de cette réforme n'entraîne aucune espèce de désagréments. Par exemple, veut-on introduire une notable réduction de tarif pour les marchandises ? Comme il est indubitable que cette réforme doit avoir pour résultat un accroissement considérable de transports, il faut se précautionner, il faut agrandir les stations, il faut acheter au préalable tout le matériel voulu, organiser tout le personnel qu'un grand accroissement de transport comporte.

Eh bien, il tombe sous le sens que si l'on veut ainsi se ménager les (page 325) applaudissements du public sans courir aucune chance de critique, on attendra pour réaliser cette réforme parfois un terme de quelques années.

Si le département des travaux publics s'adressait au département des finances, et ici il ne s'agit pas des hommes qui composent le cabinet actuel, car je commencerais par constater que mon honorable collègue M. le ministre des finances est aussi ami du progrès et des réformes que moi ; je parle absolument d'une manière théorique ; si le département des travaux publics, dis-je, s'adressait au département des finances et lui tenait ce langage : Je me propose d'introduire une réforme de tarifs ; il est possible que cette réforme amène une perte dans les recettes ; mais je dois commencer par vous déclarer que, pour l'introduire, il me faut 12 à 15 millions. Messieurs, dans une situation ainsi dessinée, je l'affirme, on ne trouvera jamais l'argent nécessaire pour opérer la réforme.

Mais quand on vient avec des résultats acquis, que l'accroissement du mouvement qu'on pouvait espérer à l'origine se trouve réalisé, quand on est en présence d'une masse de transports telle, qu'il est certain que si le matériel de transport existait, l'on ferait non seulement des recettes brutes, mais des recettes nettes considérables, alors les millions qui ne se seraient pas trouvés à l'origine se trouvent facilement.

Aussi dans toutes les réformes que j'ai été assez heureux de tenter, j'ai toujours aperçu les désagréments auxquels je m'exposais, par l'absence d'installations préalables suffisantes, je les ai acceptés de gaieté de cœur.

Quand des réformes considérables ont été introduites dans les tarifs pour le transport des grosses marchandises, j'ai prévu que dans un temps plus ou moins prochain le matériel serait insuffisant dans des proportions énormes ; on s'est plaint et on a récriminé. Je m'attendais à ces plaintes et à ces récriminations ; et quand elles sont arrivées, je les ai constatées Avec satisfaction, parce qu'en définitive au bout de ces plaintes, il devait se trouver et il s'est trouvé des millions, qui ont été obtenus sans peine de la législature pour l'augmentation du matériel.

La réforme du tarif des petits colis, réforme qui a été aussi très importante quant à la réduction des prix ; cette réforme devait conduire à un encombrement momentané ; il y a eu des retards considérables à l'origine dans la remise des petits colis ; ce service a été très mauvais pendant quelques semaines ; il est loin d'être encore bon à l'heure qu'il est ; mais certainement l'administration ne négligera rien pour l'améliorer et elle y réussira.

Il en est de même pour le tarif des voyageurs. Quelle sera l'augmentation ? Je n'en sais rien ; j'ai fait connaître hier à la Chambre les difficultés que je rencontrais pour l'emploi des 10 millions votés pour l'accroissement du matériel. Messieurs, contrairement à mon attente, il est aujourd'hui certain que je ne pourrai pas avoir en temps opportun, en ce qui concerne le matériel affecté aux voyageurs, le nombre de voitures sur lequel j'avais compté.

Dans cet état de choses, voici la position que je prends : avant d'opérer la reforme, il faut un matériel suffisant pour subvenir aux nécessités certaines. Maintenant je suppose que des nécessités aujourd'hui purement éventuelles se produisent ; nous serons dans l'embarras, le public sera dans l'embarras ; eh bien, je lui demande d'accepter ces embarras sans trop récriminer ; et pourquoi ? Parce qu'ils ne dureront guère, que dans un temps prochain, ils auront disparu et que la réforme sera alors accomplie.

Apres ces explications sur les réformes projetées, un mot d'une question qui a été soulevée par les honorables MM. Dumortier et Allard ; il s'agit d'une surtaxe qui existerait d'une manière générale dans le tarif des voyageurs sur la nouvelle ligne de Bruxelles à Tournai par Hal et Ath.

Messieurs, j'ai vérifié des chiffres qui ont été communiqués par l'honorable M. Dumortier, et bien qu'ils ne soient pas tout à fait exacts, il est vrai qu'il y a une différence entre le prix établi et le prix qu'on devrait établir si la ligne nouvelle tout entière appartenait à l'Etat.

Voici l'explication du fait :

D'après les dispositions encore en vigueur de la loi sur le tarif des voyageurs, tout kilomètre commencé compte pour un kilomètre rempli.

Maintenant la nouvelle lignéede Bruxelles à Tournai se compose de 5 sections : la section de Bruxelles à Hal, qui appartient à l’Etat ; la section de Hal à Ath, qui appartient à une compagnie concessionnaire et la section d'Ath à Tournai, qui appartient également à des concessionnaires.

M. Allardµ. - Et puis la section de Tournai à Lille.

MtpVSµ. - C'est encore autre chose. Il s'agit d'une 4ème société. Ce sont peut-être les mêmes personnes ; c'est peut-être la même société en réalité, mais vis-à-vis de gouvernement, ce sont des sociétés différentes, . On établit donc trois taxes distinctes.

M. Dumortierµ. - Ce n'est pas juste.

MtpVSµ. - Ce n'est pas juste ! Permettez ; vous ne savez pas encore à quoi je vais conclure. (Interruption.)

Je dis qu'on établit trois taxes distinctes. L'honorable M. Dumortier dit que ce n'est pas juste. Mais il n'est pas possible de procéder autrement, excepté du consentement des concessionnaires. Eh bien, c'est ce consentement des concessionnaires que nous devons chercher à nous assurer.

Actuellement, messieurs, la différence est très faible ; mais après les explications que je viens d'avoir l'honneur de vous fournir quant à la réduction à la distance du tarif des voyageurs, cette différence pourrait devenir très forte.

Car, d'après ces explications, si l'on établit le prix isolément sur trois sections qui toutes les trois restent dans la zone ne jouissant provisoirement d'aucune détaxe, le prix futur sera le prix actuel, tandis que si l'on considérait les trois sections comme n'en formant qu'une, l'application du principe de la réduction à la distance aurait lieu et par conséquent il y aurait une réduction finale de prix assez notable.

L'entente avec les concessionnaires est donc d'autant plus requise que nous sommes à la veille de la réforme que je viens de faire connaître. J'aurai soin de faire toutes les diligences nécessaires pour que cette entente soit acquise.

L'honorable M. Hymans a marqué son étonnement quant au régime différentiel appliqué au transport du poisson et au transport des autres denrées alimentaires.

Voici, messieurs, en deux mots l'explication du fait :

Avant l'introduction du service de nuit pour le transport des marchandises, les petits colis étaient transportés par les trains de voyageurs de deux manières : ou prix du tarif n°1, dit de grande vitesse, et au prix du tarif n° 2, dit des messageries.

Ces colis voyageant par les trains de voyageurs, il y avait nécessité à chaque instant de les transborder de la manière souvent la plus inopportune.

Un convoi arrivait dans une station ; le paquet était en destination d'une localité qui n'était pas desservie par le convoi de départ, il fallait le transborder en route, au grand détriment de la célérité des trains.

C'est ainsi qu'il y a deux ans, les convois étaient en retard d'une demi-heure, de trois quarts d'heure.

Il a donc fallu supprimer ces transbordements et on l'a fait d'autant plus facilement que le service de nuit avait été perfectionné dans l'intervalle d'une manière suffisante pour assurer dans d'excellentes conditions le transport des petits colis par ces trains de nuit.

On a ainsi successivement éliminé les petits colis des trains de voyageurs et l'on ne fait plus voyager par ces trains que le poisson. Il faudra que le poisson en disparaisse comme les autres colis et qu'il soit transporté par les trains ordinaires de marchandises.

La mesure que j'indique de rejeter dans les trains de marchandises toute espèce de petits colis doit donc recevoir et recevra son complément logique par l'élimination du poisson des trains dé voyageurs. De cette manière nous aurons l'égalité la plus complète, je suppose, à la grande satisfaction de l'honorable M. Hymans et à la mienne.

M. Hymansµ. - Et le consommateur ?

MtpVSµ. - Le consommateur pourra parfaitement se pourvoir et il se pourvoira d'une manière même plus expéditive par le nouveau tarif des petits paquets et parfois à plus bas prix, notez-le bien, que par l'ancien. Sa position n'est pas trop à plaindre.

Enfin l'honorable M. Warocqué m'a demandé s'il n'était pas possible de placer les déchets de laine dans la catégorie des engrais.

L'honorable membre a évidemment voulu parler des engrais communs. Car il y a des engrais, tels que le guano et les engrais chimiques qui payent une taxe plus élevée que la taxe de la dernière classe.

L'honorable membre réclame donc une classification nouvelle pour les déchets de laine et leur assimilation aux engrais communs.

Cette mesure est impossible, parce que les agents de l'administration ne peuvent pas distinguer les déchets de laine qui ont une valeur industrielle des autres. Par conséquent ce serait une véritable faveur qu'on ferait à cette marchandise pour le cas où elle aurait encore une valeur industrielle. Voilà, messieurs pour ce qui concerne les tarifs.

(page 326) Quelques autres questions relatives à l'exploitation du chemin de fer de l'Etat ont été posées par certains membres, je vais en dire deux mots.

L'honorable M. Jouret et l'honorable M. Van Wambeke ont dénoncé l'espèce d'inhumanité qu'il y a à imposer à certains agents de l'administration et spécialement à des ouvriers qui se trouvent sur certaines ligues, un travail exorbitant.

Il y a quelque chose de vrai dans ce reproche fait à l'administration. Lorsque les trains de nuit ont été organisés, on n'a pas prévu l'accroissement énorme qui s'est manifesté dans les transports ; on n'a donc pas placé partout le personnel supplémentaire nécessaire. Il est évident que la situation ne sera bonne que lorsqu'on ne réclamera plus d'aucun agent de l'administration un travail plus considérable qu'il ne peut en fournir. Insensiblement, ou plutôt assez sensiblement, assez promptement, il sera obvié à cet état de choses et l'administration ne croira devoir s'arrêter que lorsqu'il y sera complètement porté remède.

L'honorable M. Reynaert et l'honorable M. Hymans ont applaudi à l'arrêté qui accorde une position spéciale dans l'admission aux emplois aux élèves diplômés. Je suis heureux d'avoir rencontré les suffrages de la chambre dans cette question ; car j'y attachais de l'importance.

Le recrutement au chemin de fer est très difficile à l'heure qu'il est, en ce sens que peu de jeunes gens se présentent ; mais il est également à l'heure qu'il est, et il a toujours été, extrêmement faible. Je parle d'une manière générale. Il est certain qu'il y a des exceptions très honorables, mais d'une manière générale, je dois le dire à regret, les jeunes gens qui se présentent aux examens ont une instruction peu développée. Or l'exploitation du chemin de fer devient une affaire très lourde. Il faut des hommes capables, instruits, et nous allons les chercher où nous avons cru pouvoir les trouver.

Voilà quant au principe de l'arrêté, qui du reste n'a reçu que des éloges.

M. Bouvierµ. - Il faut payer mieux les employés.

MtpVSµ. - Je les paye mieux.

L'honorable M. Reynaert a demandé si l'on ne pourrait pas admettre, à l'égal des diplômés, les élèves des écoles normales. Je crois que cela n'est pas possible. Les écoles normales ont été fondées dans un but déterminé ; il faut, avant tout, que ce but soit atteint Les élèves des écoles normales jouissent de certains avantages, de certaines immunités, mais ces avantages et ces immunités ne leur ont été accordés qu'à raison du but qu'on poursuivait.

Ainsi, la plupart jouissent de bourses, tous sont exempts du service militaire. On peut bien fournir une bourse à quelqu'un, l'exempter du service militaire, pour entrer dans l'enseignement mais non pour entrer au chemin de fer. Le besoin de bons éléments se fait sentir au chemin de fer, mais il se fait bien plus sentir dans les écoles.

Il ne faut donc pas comprendre les élèves des écoles normales dans la mesure qui a été prise. Les élèves des écoles normales, au surplus, sont mis sur la même ligne que les élèves de l'école militaire.

L'honorable M. Hymans a demandé des explications au sujet d'une disposition du même arrêté concernant les examens que devront désormais passer les agents de l'administration pour être promus au grade de commis-chef, chef de bureau ou autres grades analogues.

Il est dit dans cet arrêté que les agents appartenant actuellement à l'administration qui auront passé un examen spécial, pourront concourir, pour ces grades, avec les élèves diplômés.

Si j'ai bien compris l'honorable M. Hymans, il a demandé pourquoi on n'admet pas également à concourir les employés qui n'ont pas encore atteint le grade de premier commis.

Messieurs, cela est ; un 2ème commis, par exemple, qui n'a point passé d'examen, peut concourir pour le grade de 1er commis avec les élèves diplômés.

Pour en finir avec l'exploitation du chemin de fer de l'Etat, je donnerai un dernier mot de réponse à l'honorable M. Debaets qui s'est plaint de la trop grande tolérance de l'administration quant à l'usage du matériel par les compagnies concessionnaires en général et spécialement par les compagnies étrangères.

Messieurs, nous n'usons de tolérance envers personne, nous usons de la plus grande sévérité au contraire pour que le matériel nous soit rendu en temps utile. Il y a à cet égard des conditions uniformes et qui règlent les rapports des compagnies entre elles comme les rapports des compagnies avec l'Etat. Ainsi un waggon de l'Etat se rend sur la ligue du Nord, il a un certain nombre de jours ou d'heures pour rentrer sur le réseau de l'Etat. On prend note de la date de la sortie du waggon et on prend note de la date de la rentrée ; s'il est resté plus longtemps qu'il ne pouvait rester, il y a une amende proportionnée à la durée du retard.

J'aborde, messieurs, le chapitre postes.

Je ne répondrai pas à quelques réclamations de détail qui se sont élevées soit sur le service des malles-postes, soit sur d'autres questions d'intérêt local que je ne puis pas traiter devant la Chambre ; je répondrai à des questions plus générales.

L'honorable M. de Macar s'est plaint de l'insuffisance du service rural ; d'après lui, il faudrait deux distributions par jour dans les campagnes.

Si l'on compare, messieurs, la situation actuelle du service rural à ce qu'elle était il y a dix ou quinze ans, on reconnaîtra que cette comparaison n'est pas même possible. II y a dix ou quinze ans, le plus grand nombre des communes rurales étaient trop heureuses de pouvoir, une ou deux fois par semaine, correspondre avec le reste du pays.

La comparaison n'est pas plus possible entre la Belgique et les autres pays, entre autres l'Angleterre. L'honorable membre ne peut pas ignorer que la réforme qu'il indique coûterait des centaines de mille francs par an.

Je crois, messieurs, qu'en ce moment il faut surtout améliorer le service des postes dans les grands centres, et cela parce que le mouvement des postes se concentre, au moins pour les quatre cinquièmes, dans quelques grandes villes.

Les villes de Bruxelles, de Liège, de Gand et d'Anvers donnent au moins les quatre cinquièmes du mouvement et, par conséquent, de la recette générale.

Mon intention est d'introduire le plus tôt possible et dès cette année si les ressources du budget le permettent, dans ces villes sept distributions par jour. De cette manière, le service sera suffisant, mais il sera encore au-dessous de ce qu'il est dans certaines grandes villes de l'étranger ; ainsi à Berlin il y a une distribution par heure, et il en est de même dans des villes moins importantes, comme Liverpool et d'autres.

C'est donc, à mon sens, sur ce point qu'il faut, en ce moment, porter les efforts du budget et de l'administration.

J'arrive, messieurs, à une autre question qui a passablement préoccupé le public dans ces derniers temps ; c'est la question des timbres-poste soulevée par l'honorable M. Hymans.

Voici, en deux mots, l'histoire de cette petite affaire des timbres-poste. Je commence par dire avec l'honorable M. Hymans et avec tout le monde que les timbres mis en circulation sont aussi laids que possible Si je n'étais pas parfaitement en règle quant aux efforts que l'administration a faits pour arriver à un résultat aussi bon que le résultat réel est mauvais, je serais fort humilié.

Voici, messieurs, ce qui s'est passé. Le timbre qui était en circulation avant celui qui a été émis récemment, a été le premier timbre introduit en Europe. II date de 1847 ou de 1848 ; il avait donc eu le temps de vieillir. Mais il y avait un autre mal, messieurs, c'est que, par les procédés de fabrication qui avaient été employés, ce timbre était on ne peut plus facile à contrefaire. On m'a soumis une contrefaçon du timbre ancien et je déclare que si ce n'est à raison des marques qui servaient à distinguer le timbre authentique du timbre contrefait, il était absolument impossible de les discerner l'un de l'autre. Pour ce double motif il fallait donc un timbre nouveau. La première démarche que j'ai faite, a été de m'adresser à un artiste très distingué, dont je ne citerai pas le nom, pour faire confectionner un coin. Le nom de cet artiste était en quelque sorte indiqué par la place qu'il occupe dans l'appréciation de tout le monde. L'artiste a été prévenu par moi qu'il travaillait à ses risques et périls et que je me montrerais difficile, parce que je voulais avoir quelque chose de très convenable, sur l'œuvre qu'il produirait. Il a accepté ces conditions et, au bout de quelques mois, il m'a soumis à titre d'épreuve un travail, dont lui-même n'était point satisfait.

Je lui ai demandé de pouvoir conserver comme échantillon le timbre imprimé avec le coin qu'il avait gravé. Il s'y est refusé.

Après ce premier insuccès, j'ai ouvert un concours. N'ayant pas réussi avec un artiste déterminé, je me suis adressé à tout le monde. J'ai ouvert un concours avec une prime de 5,000 fr. pour celui qui en sortirait vainqueur.

Une dizaine d'artistes du pays ont pris part à ce concours et, sans vouloir en rien diminuer leur mérite, je dois dire que ce qu'ils ont produit était dénué de toute valeur artistique.

Je parle ici, messieurs, en employant le mot propre parce que j'ai prétendu avoir le droit de garder les épreuves qui m'avaient été livrées pour le concours. Je les ai entre les mains et s'il y avait une réclamation sur la qualification que je viens d'employer, pour toute réponse, je produirais les échantillons.

(page 327) Après ce second insuccès, que pouvais-je faire ? Je pouvais successivement ou simultanément m'adresser à d'autres artistes belges, car veuillez bien le remarquer, plusieurs de ces artistes n’avaient pas voulu concourir. Pourquoi ? Je n’en sais rien. Parce que, disaient quelques-uns, ils ne voulaient pas s’exposer à être primés par d’autres.

C'est un sentiment qui peut être légitime, mais je n'ai pas à apprécier des sentiments, j'ai simplement à tenir compte des faits.

Plusieurs donc n'avaient point pris part au concours.

Je pouvais m'adresser à eux simultanément, pour le cas, bien entendu, où ils auraient voulu accepter cette position ; simultanément c'était les condamner tous définitivement, sauf un.

Il y avait une autre manière de procéder, c'était de m'adresser successivement à eux, comme je m'étais adressé isolément au premier en leur disant : Voulez-vous travailler à vos risques et périls ? S'ils avaient accepté, l'administration risquait de chercher pendant des années à faire fabriquer un timbre, car notez qu'il fallait à chacun des mois pour fabriquer un coin et si l'on avait dû attendre plusieurs fois plusieurs mois, on risquait de se trouver sans timbre pendant des années.

Qu'ai-je fait ? Vu les difficultés constatées de l'œuvre, il me répugnait de prendre, de voler en quelque sorte le temps de nos honorables concitoyens. Je me suis donc adressé à une maison étrangère qui a la spécialité de la fabrication des timbres, qui en a fabriqué je ne dirai pas pour l'Europe entière, mais pour le monde entier et qui en fabrique tous les jours en quantité. Je lui ai fait la même proposition de faire un timbre à ses risques et périls, pour le même prix qui avait été offert au concours.

Cette maison a accepté et après quelques mois elle m'a fourni un coin qui est une vraie perfection. Je l'ai montré à quelques membres de la Chambre, entre autres à l'honorable M. Hymans, et je suis sûr qu'ils ne me contrediront pas.

J'ai fait plus. J'ai eu occasion de le montrer au premier graveur auquel je m'étais adressé, et je dois lui rendre ce témoignage qu'il a déclaré que le travail était parfait.

Voilà, messieurs, ce qui est arrivé. Je demande, après cela, si la marche que j'iii suivie n'a pas été bonne, si elle ne sauvegardait pas le légitime amour-propre des artistes belges.

Maintenant comment se fait-il que ce coin fourni à l'administration, et qui est une véritable perfection, je le répète, donne le résultat que vous savez ? Il n'y a à cela qu'une seule explication, c'est que nous ne savons pas nous servir de ce coin, c'est que l'administration qui doit imprimer parce que la fabrication des timbres est une fabrication de monnaie et une fabrication importante, que nous devons donc faire en ménage, c'est que l'administration, dis-je, ne sait pas assez bien imprimer. Elle l'apprendra peut-être, mais ce n'est pas sûr, car il paraît que c'est un art difficile.

M. Rodenbachµ. - On le fait bien en Angleterre.

MtpVSµ. - M. Rodenbach nous dit : On le fait bien en Angleterre ; justement.

L'artiste dont je parlais tout à l'heure qui avait échoué et qui cependant a eu assez de loyauté pour me dire : l'œuvre de celui que vous m'avez préféré est admirable, a ajouté : elle est peut-être trop parfaite. Elle est peut-être burinée avec trop de finesse et c'est pour ce motif que l'impression donne des empalements. Cela pourrait être vrai s'il n'y avait pas la même finesse dans le timbre anglais et si l'impression des timbres fabriqués en Angleterre n'était pas excellente. Tout est donc là : nous devons apprendre à imprimer, et alors nous aurons des timbres convenables, supérieurs à tous les timbres de l'Europe.

Maintenant vaut-il la peine de chercher par des moyens nouveaux à faire un meilleur usage de ce coin alors que nous devons bientôt remplacer l'effigie de Léopold Ier qui s'y trouve par celle de Léopold II. Je crois quant à moi qu'il n'en vaut pas la peine. Mais n'était cette circonstance, je prendrais les mesures nécessaires pour qu'on arrive à tirer tout le parti possible de l'œuvre distinguée qui m'a été fournie.

Pour en finir avec la question postes, je répondrai encore à l'honorable M. Hymans qui s'est plaint de l'insuffisance du local des postes à Bruxelles, que cette insuffisance est reconnue, qu'il faut y obvier et que s'il n'y a pas été obvié jusqu'ici, c'est à raison de cette circonstance que depuis plusieurs années la ville de Bruxelles a offert à l'administration de lui réserver un local pour la poste dans la bourse qu'elle projetait.

L'administration a tenu cette offre en délibéré, mais il ne s'agit plus de cette combinaison dans le projet soumis en ce moment au gouvernement et à la commune pour la construction d'une bourse, comme corollaire du boulevard à construire sur la Senne.

M. Hymansµ. - Et l'hôtel des monnaies ?

MtpVSµ. - Il n'est pas disponible en ce moment. (Interruption.) Le propriétaire, c'est le département des finances qui a fait objecter, avec raison, que la fabrication des monnaies a soulevé de vives réclamations dans le quartier de la Monnaie, auxquelles on est parvenu à mettre un terme et qu'il serait imprudent d'en provoquer de nouvelles sur un autre point. (Interruption.) Notez que l'hôtel de la Monnaie doit se trouver au centre.

M. Hymansµ. - Personne n'y va jamais.

MtpVSµ. - Ce n'est pas à raison de ses relations avec le public, mais à raison des conditions de sécurité dans lesquelles il doit être établi ; on ne peut le placer au loin. Il doit être établi au cœur de la ville

Enfin, l'honorable M. Debaets a parlé de l'utilité d'établir des succursales du bureau principal des postes à Gand, comme à Bruxelles.

Non seulement ces succursales doivent être établies à Gand, mais elles seront établies au même titre dans les deux autres grandes villes du pays à Anvers, et à Liège.

Un mot maintenant des télégraphes.

L'honorable M. de Borchgrave a plaidé en faveur de l'extension des lignes télégraphiques. Tous les bureaux de poste, a-t-il dit, devraient constituer des bureaux télégraphiques et nous sommes dépassés, sous ce rapport, par l'étranger.

Il est clair que c'est le contraire que l'honorable membre a voulu dire.

Non seulement nous ne sommes pas dépassés, mais c'est nous qui dépassons l'étranger ; nous sommes en avant de presque tous les pays du continent quant au nombre des bureaux télégraphiques et quant à la taxe.

Je dis quant au nombre des bureaux bien entendu proportionnellement à la population ; quant à la taxe, je n'ai pas besoin de le dire, nous sommes plus bas qu'aucun pays du monde. Il n'existe qu'une taxe de 50 centimes, c'est à Paris, mais elle ne fonctionne que dans la circonscription de Paris même.

- Une voix. - Et en Suisse ?

MtpVSµ. - En Suisse, il n'existe pas généralement à coup sûr de taxe de 50 centimes. La taxe générale la plus basse est celle du Wurtemberg, elle est de 75 centimes.

M. de Borchgraveµ. - Tous les bureaux de poste sont reliés entre eux dans ce pays ; par conséquent il nous devance.

MtpVSµ. - Je vous demande pardon ; vous êtes mal renseigné ; je vais vous donner à l'instant les chiffres officiels. La taxe en Saxe est de 80 centimes, dans le duché de Bade 62 centimes, dans le royaume de Bavière de 75 c. à 2 fr. 25 c.

La taxe la plus basse qu'on rencontre est donc une taxe de 62 centimes dans le duché de Bade, c'est-à-dire, dans un pays qui n'a pas l'importance du nôtre au point de vue des relations épistolaires.

Quant au nombre des bureaux télégraphiques, puisque l'honorable M. de Borchgrave insiste, voici le relevé officiel ; j'établis la proportion quant à la population. Il y a en Belgique 1 bureau pour 15,500 âmes, En Angleterre 1 pour 21,700, en Autriche 1 pour 57,000, en Espagne 1 pour 69,000, en France 1 pour 26,000.

Il y a deux pays seulement où il y a un nombre de bureaux proportionnel à la population plus avantageux qu'en Belgique ; nous venons de voir qu'en Belgique il y a 1 bureau pour 15,300 âmes ; en Bavière il y a 1 bureau pour 14,600 ; c'est donc une simple différence de quelques centaines En Suisse il y a un bureau pour 9,925 âmes. Tous les autres pays ont une proportion très désavantageuse par rapport à la Belgique. Je viens de donner les chiffres.

J'ai donc le droit de dire que sous tous les rapports, y compris le rapport proportionnel des bureaux à la population, nous sommes en avant de presque tous les pays de l'Europe quant à notre organisation télégraphique. Je crois au surplus que, pour les télégraphes bien plus que pour les postes, il s'agit aujourd'hui beaucoup moins d'étendre que de perfectionner ce que nous avons. Il faut se mettre à même de subvenir à l'accroissement notable de mouvement que ne peut manquer de provoquer l'abaissement énorme de taxe qui a été décrété récemment.

Déjà, pour le mois de décembre, le premier mois d'application du (page 328) nouveau tarif, il y a une augmentation de 102 p. c. par rapport au mois correspondant de l'année antérieure. Et notez que le public ne savait pas généralement qu'il y eût une réduction de taxe pour les télégraphes. Beaucoup parmi ceux qui venaient déposer un télégramme au guichet, déposaient en même temps un franc et comprenaient à peine pourquoi on leur rendait 50 centimes. Cela prouve combien on peut attendre de l'avenir quant au développement du mouvement. Il faut se préparera cet accroissement de mouvement. Quant à moi, je trouve qu'il faut, de préférence à l'extension du réseau télégraphique, porter ses efforts sur l'amélioration du réseau actuel, car nous avons déjà 150 bureaux télégraphiques qui ne donnent pas en moyenne un télégramme par jour.

Je me hâte d'arriver à la direction des ponts et chaussées et, de crainte d'abuser des moments de la Chambre...

- Voix nombreuses. - Non, non.

MtpVSµ. - ... je vais parcourir très rapidement les divers points que j'ai à toucher.

L'honorable M. Thonissen m'a parlé de la route de Kermpt à Tessenderloo et m'a demandé pourquoi on y avait remplacé le pavage par le gravelage. Voici ma réponse : S'il fallait paver cette route et d'autres projetées dans le Limbourg, il faudrait faire une dépense de 1,500,000 fr. en 15 ans, tandis que si au pavé on substitue, le gravier, on pourra faire le même nombre de lieues de route pour 500,000 fr. à dépenser en 3 ans.

Ainsi donc différence d'un million quant à la dépense et de 12 ans, quant au temps d'exécution. Ma réponse est dans l'énoncé de ces chiffres.

Je dirai en passant que la réclamation soulevée par l'honorable M. Thonissen m'était déjà parvenue administrativement ; elle m'avait été soumise par la commune de Lummen, qui ayant promis un subside de 16,000 francs pour aider à la construction de certaine route qu'il s'agissait de paver, a déclaré retirer son subside lorsqu'elle a appris que le gravelage était substitué au pavage.

J'ai eu l'honneur de faire savoir à la commune de Lummen que, vu le retrait de son subside, le gouvernement renonçait à construire aucune route sur son territoire et qu'il appliquera en faveur d'autres parties de la province l'argent qu'il avait projeté de lui consacrer.

L'honorable M. Lippens a parlé du rachat du pont de Terdonck, C'est ici une question de principe et je dois saisir l'occasion de déclarer qu'à mon sens il n'y a pas lieu de racheter des routes ou des ponts concédés frappés de péages, attendu que le rachat serait ruineux pour le trésor.

Or, quand on ne fait pas une chose pour l'un, on ne peut pas la faire pour l'autre. Le rachat du pont de Terdonck serait un précédent que ne manqueraient pas d'invoquer ceux qui se trouvent dans une situation analogue.

Il faut racheter tout ou rien ; tout est impossible, dès lors rien est un devoir. Aussi, messieurs, à peine l'honorable M. Lippens avait-il parlé du pont de Terdonck, pour lequel le gouvernement, je dois le rappeler, a payé une subvention de 25,000 fr., que l'honorable M. Debaets s'est levé et a parlé d'un autre pont situé à l'extrémité de la ville de Gand ; et il est bien certain que si cette réclamation avait pu réussir, immédiatement vingt membres de cette Chambre se seraient levés pour réclamer qui l'abolition des péages sur telle route, qui l'abolition du péage sur tel pont ; et ils auraient eu parfaitement raison.

L'honorable M. de Macar a parlé des plantations sur les routes. Il m'a recommandé de faire abattre les arbres qui se trouvent le long des routes à mesure que leur développement est de nature à porter un préjudice sérieux aux riverains. Il m'a recommandé aussi de procéder avec ordre, avec méthode, avec circonspection, en ce qui concerne le choix des essences à planter.

Messieurs, il est satisfait depuis longtemps à l'un et à l'autre vœu. Une commission instituée il y a quelques années à mon département a déterminé les essences à planter suivant la nature du terrain des diverses provinces, et ses indications sont toujours suivies.

Quant à abattre les arbres préjudiciables aux riverains, c'est un vœu auquel il est aussi satisfait.

L'honorable M. de Conninck s'est occupé de l'utilité d'établir une écluse sur l'Yser au Bertegat.

L'honorable M. de Smedt s'est déjà chargé de répondre en mon lieu et place. Il a fait connaître à la Chambre que cette question, loin d'être instruite, venait à peine de naître et que, loin que cette construction soit recommandée par tout le monde, elle est vivement combattue par plusieurs catégories d'intéressés.

Les renseignements donnés par l'honorable M. de Smedt sont parfaitement exacts. Il est vrai que de très vives protestations se sont élevées contre ce projet.

L'honorable M. Van Overloop a parlé de la nécessité de rectifier la Deurne. Je répondrai simplement que la Deurne, dont l'honorable M. Van Overloop a plaidé la cause, est un cours d'eau provincial, qui ne rentre par conséquent pas dans les attributions d'un département quelconque de l'Etat.

L'honorable M. Magherman a critiqué la réponse que le gouvernement a faite à la section centrale concernant le barrage, à établir à Synghem. L'honorable membre a prétendu et dit en propres termes que décidément les intérêts de l'agriculture étaient sacrifiés à ceux de la navigation.

Je ne sais pas ce que l'honorable membre entend dans cette circonstance par sacrifier les intérêts de l'agriculture. Qu'avons-nous dit ? Que le département des travaux publics interviendra si, au point de vue de la navigation, il y a utilité d'établir un barrage à Synghem. Voilà tout ? Nous n'avons donc rien refusé ni rien promis. Mais il me semble que l'honorable M. Magherman émet la prétention de faire effectuer, au moyen du crédit qui a été alloué pour l'amélioration de la navigation sur l'Escaut, des travaux exclusivement destinés a favoriser les irrigations.

Messieurs, c'est une chose que je n'ai pas le droit de faire ; je n'ai pas le droit d'affecter à un autre but les fonds votés par la Chambre dans un but déterminé. Je ne puis faire des travaux destinés à favoriser l'agriculture au moyen des sommes qui ne m'ont été allouées que pour améliorer le régime de l'Escaut au point de vue de la navigation. Si le barrage à établir à Synghem pour améliorer le régime de l'Escaut pouvait nuire aux riverains, et si je persistais à établir ce barrage, l'honorable membre pourrait avoir raison en disant que je sacrifie les intérêts de l'agriculture à ceux de la navigation. Mais s'agit-il de cela ? Je ne projette rien de semblable. Je ne sacrifie donc pas les intérêts de l'agriculture ; seulement, et pour autant que ce barrage ne présente rien de profitable à la navigation, je vous réponds : je ne puis employer les fonds mis à ma disposition que suivant le vœu du législateur, suivant le texte de la loi, non seulement je suis dans mon droit en parlant ainsi, mais je remplis mon devoir.

L'honorable M. Lippens a parlé de l'exagération des péages sur le canal du Moervaert. Cette exagération est réelle, et il sera obvié à cet état de choses dans un avenir très prochain.

Il a parlé aussi du recreusement du canal de Safffelaere. Un subside a été promis par mon département pour ce travail.

Enfin, l'honorable membre a parlé de la nécessité de construire une écluse à l'extrémité du Moervaert, à raison de l'appauvrissement dans l'alimentation de ce cours d'eau, appauvrissement résultant de l'application du nouveau règlement sur la manutention des eaux dans le canal de Bruges à Gand. L'honorable membre prétend que ce règlement est essentiellement défavorable à la Flandre orientale, à la ville de Gand, aux cours d'eau alimentés par le canal de Terneuzen, au Moervaert spécialement.

Je reçois exactement les mêmes reproches de la Flandre occidentale. La Flandre orientale prétend que je l'ai sacrifiée à la Flandre occidentale, et la Flandre occidentale prétend que je l'ai sacrifiée à la Flandre orientale. Je crois que ces reproches sont mal fondés d'où qu'ils viennent.

La Flandre orientale est en possession, et le règlement a eu précisément pour but de maintenir cette possession. Mais que se passe-t-il ? Nous traversons une série d'années d'une sécheresse exceptionnelle et l'on dit : nous n'avons pas d'eau dans nos canaux, depuis la mise en vigueur du règlement ; par conséquent c'est la faute du règlement. Moi je pense que c'est la faute des circonstances climatériques. Qui a raison ? Je n'affirme pas que j'ai raison. Je demande d'attendre l'expérience d'une année normale. Si, dans une année normale, vous constatez les mêmes inconvénients, alors je commencerai à croire avec vous que la cause que vous avez signalée est bien la cause réelle de la disette dont vous souffrez. Jusque-là, je ne dis pas que vous avez tort. Je dis : Il faut attendre.

L'honorable M. Vleminckx a soulevé une question générale, celle de la nécessité de prendre des dispositions de nature à faciliter dans les terrains marécageux par tout le pays, l'écoulement des eaux, et a signalé tous les effets désastreux des fièvres paludéennes.

Messieurs, je ne serais pas originaire de la Flandre, si je n'avais pas été à même de' constater personnellement tout ce que cette affection a de grave, de pénible ; tout ce que la situation qu'a dépeinte éloquemment l'honorable M. Vleminckx commande de soins, de sollicitude de la part du gouvernement.

Il y a quelque chose à faire ; il y a beaucoup à faire, mais ce qu'il faut surtout, c'est, je crois, de la bonne volonté.

(page 329) J'accède donc volontiers au vœu qu'a exprimé l'honorable membre. Mais il faut nous entendre : voici comment je pense qu'il faut procéder ; voici les points qu'on peut décider, voici les points que l'on doit tenir en réserve.

Je trouve que le département des travaux publics peut charger ses agents techniques de constater sur toute la surface du pays, mais principalement dans les deux Flandres et dans la province d'Anvers, dans quelles localités il y a des eaux stagnantes ; le résultat de ces investigations préliminaires devrait être résumé par les autorités supérieures, qui seraient de plus chargées de rechercher et d'indiquer les travaux propres à faciliter l'écoulement de ces eaux.

Une fois ce travail terminé, il devrait être rendu public ; de cette manière, tous les intéressés, Etat, provinces, communes et particuliers, seraient mis en demeure d'appliquer le remède qui aurait été indiqué c'est-à-dire le creusement d'égouts, de rigoles, cours d'eaux, enfin des travaux quelconques de nature à obvier au mal.

Il faudrait donc un travail d'ensemble. S'il n'y a pas quelqu'un de compétent qui se charge de ce travail d'ensemble, voici ce qui arrivera : ceux qui souffrent du mal, en souffriront en silence : Ce qui se rencontre très souvent. Il n'est pas rare qu'un malade soit indifférent à son propre sort et ne trouve pas en lui-même assez de ressort pour chercher à sortir par un effort énergique de la situation dans laquelle il se trouve. Il faut donc travailler en son lieu et place.

Mais il ne suffit pas de constater qu'à tel endroit il y a des eaux stagnantes ; il faut encore avoir une science technique suffisante pour indiquer le moyen de faire écouler ces eaux. C'est donc un travail d'ingénieur.

M, Van Overloopµ. - On pourra se servir de la carte topographique exécutée par l'état-major de notre armée.

MtpVSµ. - Avec cette carte et avec l'étude sur les lieux, on pourra arriver à un travail d'ensemble, éminemment utile, et commandé, comme l'a dit l'honorable M. Vleminckx, par les intérêts les plus sacrés de l'humanité : C'est ce travail que nous devons faire au département des travaux publics...

- Des membres. - Très bien...

MtpVSµ. - Des ordres sont donnés ; j'ai recommandé la diligence ; mais on comprend qu'il faut un temps moral pour faire un travail d'une pareille étendue. Dès qu'il sera terminé, j'en mettrai les résultats sous les yeux de la Chambre, et alors s'élèvera la question de la répartition des dépenses, question provisoirement réservée.

Je crois que je puis m'arrêter à ces explications sur la question si importante et si intéressante qu'a soulevée l'honorable M. Vleminckx. Je suis d'accord avec lui, toutes réserves faites quant à la répartition des dépenses.

L'honorable M. J. Jouret a parlé du rachat des embranchements du canal de Charleroi. Je pourrais répondre que le moment de soulever cette question ne me paraît pas absolument opportun. Les réclamations qui ont été si vivement soutenues par l'honorable membre, en ce qui concerne ce rachat, ont eu surtout pour raison la construction du chemin de fer direct de Bruxelles à Châtelineau ; or, il faudra encore un certain nombre d'années avant que ce chemin de fer ne soit terminé ; je dirai cependant que dès aujourd'hui le gouvernement examinera avec soin les propositions qui pourront lui être soumises, quant au rachat des embranchements.

Messieurs, en ce qui touche la construction des barrages en amont de Namur, l'adjudication en aura lieu dans quelques semaines.

Les plans se dressent en ce moment suivant un programme définitif et désormais inflexible. Il ne s'agit donc plus que d'un travail d'exécution. C'est le nouveau système français qui sera appliqué... (interruption), et provisoirement dans la limite des crédits dont nous disposons.

Les honorables MM. Bricoult et Martin Jouret ont soulevé une question relative à un bras de la Dendre traversant la ville d'Ath ; ils prétendent imposer au gouvernement la charge de curer ce bras de la Dendre. Je suis tout disposé à accéder à leur vœu, à la condition qu'ils veuillent bien me dire comment on pourrait justifier l'intervention du département des travaux publics dans cette circonstance. Il s'agit d'un bras de rivière qui, de l'aveu des honorables membres, n'est ni flottable,, ni navigable...

M. Bricoultµ. - C'est une dépendance de la rivière.

MtpVSµ. - Je le répète, c'est un bras de la rivière qui n'est ni flottable, ni navigable, et dès lors la dépense est à charge de la commune et de la province...

M. Bricoultµ. - La commune peut donc lever les vannes.

MtpVSµ. - La ville n'a pas le droit de déverser des immondices dans une rivière ou dans un canal (il s'agit d'une rivière canalisée) qui ne lui appartient pas ; la ville a le droit de faire à l'intérieur tout ce qui lui convient, par exemple, de supprimer ce bras de la rivière ; mais ce qu'elle n'a pas le droit de l'aire, c'est d'imposer au département une dépense que je ne pourrais justifier. Ce n'est pas le chiffre de cette dépense qui m'arrêterait, puisqu'il ne s'agit que d'une somme de 3,000 à 4,000 fr., chaque fois qu'il y aurait lieu de curer ce bras de la Dendre. Mais, je le répète, il est impossible de justifier cette dépense...

M. Bricoultµ. - Pourquoi le gouvernement a-t-il fait placer des vannes dans ce bras de la Dendre ?

MtpVSµ. - C'est là. un point complètement indépendant de la question que nous agitons en ce moment : de votre aveu, il s'agit d'un bras de rivière qui n'est ni flottable, ni navigable ; par conséquent il ne rentre pas dans les attributions du département des travaux publics ; il ne fait pas partie du domaine de l'Etat ; il fait partie du domaine provincial et du domaine communal, et à ce titre, c'est vous qui êtes chargés de son entretien...

M. Bricoultµ. - Vous n'avez pas le droit d'en déposséder l'Etat.

MtpVSµ. - Messieurs, l'honorable M. Delcour a appelé de nouveau mon attention sur le canal de jonction entre le canal de Louvain et le Demer.

Dans une discussion trop récente pour que je puisse lui annoncer un résultat, j'ai promis à l'honorable membre de faire étudier cette question ; elle sera étudiée et le département des travaux publics prendra une décision dès que les résultats de cette étude lui parviendront.

Messieurs, je n'ai plus que quelques mots à dire par rapport aux bâtiments civils.

L'honorable M. Dupont a rappelé l'urgence d'approprier dans le palais de Liège les locaux destinés au tribunal de première instance et à la cour d'appel.

Un crédit de 400,000 francs a été mis à la disposition du département des travaux publics par la loi de juillet 1865. Cette somme sera absorbée en majeure partie par l'acquisition de plusieurs maisons, longeant le palais, du côté de la rue Sainte-Ursule, si je ne me trompe ; le crédit ne sera pas même suffisant pour l'acquisition de toutes les maisons ; on commencera par en acquérir quelques-unes ; et avec la quotité disponible, on entreprendra la construction des locaux qui doivent servir à la magistrature. Il a été annoncé à la Chambre que, pour achever tous les travaux que réclame le palais de Liège, il faudra un crédit complémentaire de 1 million 600,000 francs ; on exécutera ces travaux, à mesure que des fonds seront votés.

Enfin, et ici je termine ce second discours qui, de même que celui que j'ai prononcé hier, dépasse de beaucoup mes prévisions, l'honorable M. Hymans m'a demandé si l'on démolirait le mur extérieur du manège au Palais Ducal, et pourquoi on avait construit ce manège d'une manière aussi simple ; l'honorable membre a dit que, dans sa pensée, on avait voulu démontrer que le manège, établi dans ces conditions, n'était qu'une construction provisoire.

Oui, messieurs, ainsi que je l'ai déclaré lors de la discussion de la loi de 1865, cette construction a un caractère essentiellement provisoire et le crédit de 200,000 francs qui a été alloué pour la construction de ce manège n'a été absorbé qu'à concurrence de la moitié.

On n'a pas voulu utiliser la somme entière dans la crainte que la construction élégante que l'on pouvait élever avec la somme de 200,000 fr. qui a été votée, ne donnât l'appréhension mal fondée qu'il s'agissait d'une construction définitive.

Messieurs, j'ai fait, dans la discussion qui s'est élevée, à ce sujet, la déclaration réitérée qu'il ne pouvait s'agir que d'une construction provisoire ; eh bien, l'architecture primitive que l'on a suivie dans la construction du manège est la confirmation en mortier et en briques de cette déclaration que j'ai faite ici à la. Chambre, Ça qu'on a fait n'était pas ce (page 330) qu'on projetait. On a fait infiniment moins, afin de prouver mieux qu'on démolira aussitôt que possible.

Quant au mur extérieur, je suis aussi d'avis qu'il est ignoble. Je pense donc que, comme complément du manège, il y a lieu de remplacer le plus tôt possible ce mur par quelque chose de convenable.

Projet de budget de la chambre de l’exercice 1866

Rapport de la commission

M. de Kerchoveµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de comptabilité sur le budget de la Chambre pour l'exercice 1866.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

M. Allardµ. - Je demande à la Chambre de bien vouloir mettre cet objet à l'ordre du jour immédiatement après le budget des travaux publics. Il est temps que tous les budgets soient votés, et ainsi le Sénat pourra, comme la Chambre, voter le budget des dotations.

- La proposition de M. Allard est adoptée.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1866

Discussion générale

M. Braconierµ. - Messieurs, l'honorable ministre des travaux publics, répondant aux observations qui lui ont été présentées relativement à la station intérieure de Liège par mes honorables collègues et amis MM. Mouton et Dupont, n'a pu faire connaître encore la décision à la quelle s'arrêterait son département, le rapport sur le nouveau projet élabore par M. Debruyne ne lui étant parvenu qu'avant-hier.

Je comprends que l'honorable ministre soit dans l'impossibilité de nous dire auquel des deux tracés la préférence sera donnée, attendu qu'il n'a pas eu le temps de les examiner ; mais ce que je demande, c'est que la solution de cette affaire ne se fasse pas longtemps attendre.

La question de la station intérieure remonte à trente ans, il est temps qu'elle reçoive une solution conforme aux intérêts de la ville de Liège.

Il ne faut pas se le dissimuler, si la ville a toujours insisté pour l'exécution de la promesse qu'on lui avait faite et pour que le gouvernement remplisse ses engagements, c'est que cette question est pour elle d'un intérêt majeur.

A l'heure qu'il est, l'affaire est près d'aboutir ; deux projets sont en présence, le projet primitif dressé par l'administration et le projet de M. Debruyne.

Il est évident qu'ils doivent être examinés tous deux avec la plus sérieuse attention et que, pour cet examen, l'honorable ministre doit s'en ourer de tous les éléments d'appréciation qu'il pourra recueillir. C'est pourquoi je pense qu'il serait utile de demander à la ville de transmettre au gouvernement un rapport de l'ingénieur directeur des travaux sur cette question, rapport qui serait examiné en même temps que celui de M. l'ingénieur en chef.

Je crois que M. le ministre ne verra pas d'inconvénient à procéder de cette manière.

Il donnera ainsi à la ville une preuve évidente de son désir d'examiner cette affaire avec tout le soin que mérite son importance et de ne prendre de décision qu'en parfaite connaissance de cause.

Messieurs, après cette question d'intérêt local, je me permettrai de traiter devant la Chambre une question d'un intérêt plus général.

Dans la discussion du projet de loi relatif à l'augmentation du matériel de chemin de fer, j'ai dit un mot du tarif de transit : j'ai dit que ce tarif, dans des cas très nombreux, favorisait les producteurs étrangers au détriment des producteurs du pays.

Dans la réponse qu'il m'a faite, l'honorable ministre a dit que je n'avais pas envisagé la question à son véritable point de vue, que le tarif de transit n'avait pour conséquence que d'attirer sur les lignes belges et de faire circuler sur nos chemins de fer des marchandises qui, sans les réductions qui leur sont accordées, prendraient une autre direction.

J'ai ajourné les observations que j'avais à faire à ce sujet à la discussion du budget des travaux publics, pensant qu'elles devaient y trouver plus naturellement leur place. Je viens donc soumettre à la Chambre quelques considérations.

La base du tarif de transit est complètement différente de celles de nos tarifs intérieurs. Ce tarif est rigoureusement proportionnel à la distance,

il est de 4 centimes par tonne kilométrique, quelle que soit la nature de la marchandise transportée. II n'y a donc pas, comme dans les tarifs intérieurs, quatre classes différentes.

Il est dès lors difficile d'établir d'une manière absolue la différence d'un tarif avec l'autre sans prendre une base fixe, une donnée sur laquelle on puisse raisonner.

Comme base de mon raisonnement, je prendrai la distance de 150 kilomètres, qui ne semble être une moyenne convenable pour les transports en transit, d'autant plus que c'est la distance entre Anvers et Herbesthal, notre principal ligne de transit.

Pour 150 kilomètres, les marchandises en transit payent 6 fr. par 1000 kilogr. Si ces marchandises étaient transportées au tarif ordinaire, elles paieraient : la 1ère classe 16 fr. par 1,000 kilomètres, le deuxième 8 fr. 50 et la troisième 6 fr. 25.

Quant à la 4ème classe, je n'en fais pas état, et voici pourquoi : la 4ème classe comprend en général une nature spéciale de marchandises : ce sont les matières premières, les engrais, la chaux, etc. Toutes ces matières donnent lieu à peu d'opérations en transit.

J'aurais voulu pouvoir calculer d'une manière exacte le prix moyen qu'aurait coûté la marchandise transportée en transit, si elle avait été transportée au tarif ordinaire, mais dans le dernier compte-rendu des opérations du chemin de fer, les renseignements font défaut et on ne voit pas à quelles classes appartiennent les marchandises transportées en transit. J'ai donc dû faire une supposition qui, je crois, se rapproche assez de la réalité. J'ai pris le mouvement général de la station d'Anvers ; j'ai pris la quantité générale de marchandises transportées pour chaque classe et j'ai supposé que les transports en transit étaient dans la même proportion.

La station d'Anvers a expédié en 1864 : 68,000 tonnes de marchandises de la première classe, 75,000 tonnes de la deuxième classe et 56,000 tonnes de la troisième classe.

Je crois donc n'être pas loin de la vérité en supposant qu'il y a eu 1/3 de marchandises de première classe, 1/3 de marchandises de deuxième classe et 1/3 de marchandises de troisième classe.

En admettant que les transports en transit ont suivi la même proportion, nous arrivons à établir que le prix moyen de la tonne de marchandises expédiée en transit, si elle avait été taxée au taux du tarif ordinaire, aurait payé en moyenne 10 fr. 25 c.

Il en résulte que ces marchandises ayant été transportées à 6 fr., la réduction qui leur a été accordée, en moyenne, est de 40 p. c.

La question me paraît devoir être examinée à deux points de vue différents, 1° au point de vue des recettes du chemin de fer, 2° au point de vue des conséquences que ces réductions peuvent avoir en favorisant la producteur étranger au détriment du producteur belge.

J'examine la première proposition.

Nous venons de voir que le taux auquel sont transportées les marchandises en transit constitue une réduction de 40 p. c. sur les tarifs ordinaires.

Je pense que dans ces conditions l'Etat ne doit pas bénéficier beaucoup sur ses transports.

J'admets avec l'honorable ministre que si l'on supprimait la réduction accordée, une partie des marchandises qui passent par la Belgique passerait ailleurs ; mais il n'y en aurait qu'une partie, et par conséquent la diminution de recette ne serait aussi que partielle.

Or, on nous dit tous les jours que le matériel est insuffisant, qu'on ne peut pas l'augmenter immédiatement, qu'il faut encore longtemps avant qu'il puisse être en rapport avec l'importance des transports.

Le matériel qui deviendrait disponible serait très utile à l'industrie belge et donnerait à l'Etat des produits plus considérables que ceux qu'il perçoit actuellement. Je crois, du reste, de quelque manière qu'on envisage la question, que le trésor y est très peu ou n'y est point du tout intéressé.

J'aborde maintenant la question de savoir si dans certains cas les réductions accordées ne le sont pas au détriment des producteurs du pays.

L'examen de cette question doit se faire en s'appuyant sur des faits. Ainsi, les laines qui servent à alimenter les fabriques d'Aix-la Chapelle, sont transportées à meilleur marché d'Anvers à Aix-la-Chapelle que d'Anvers à Verviers. Evidemment, il y a là une faveur accordée au producteur étranger, au détriment du producteur belge.

(page 331) Messieurs, il y a encore une anomalie que je dois faire ressortir. Savez-vous, par exemple, quel est le moyen le moins coûteux d'expédier des marchandises de la première classe venant de l'étranger à Verviers ? C'est de les envoyer à Heresthal et de les faire revenir à Verviers.

Une tonne de marchandises de la première classe coûte, d'Anvers à Verviers, de 14 à 15 francs. Cette même tonne est rendue à Herhersthal, en transit, à 6 francs ; il faut 2 fr. 30 c. pour la faire revenir à Verviers, total, 8 fr. 30 c. Voilà certainement un singulier moyen d'arriver à des transports économiques.

Je suppose maintenant des marchandises se trouvant à Anvers et qui doivent être transportées sur le marché allemand ; si ce sont des marchandises étrangères, elles seront transportées dans des conditions bien plus avantageuses que si ce sont des marchandises belges.

J'arrive à un antre exemple. Il se transporte depuis quelque temps de grandes quantités de fontes, venant du grand-duché de Luxembourg et de la Moselle française vers la Hollande ou vers la Prusse.

Les prix sont fixés de la manière suivante : de Sterpenich, frontière du grand-duché, jusqu'à Visé, frontière hollandaise, soit une distance de 233 kilomètres, à 7 fr. 65 c. par tonne, tandis que les minerais de fer de Sterpenich à Ougrée, distance 212 kilomètres, payent 8 fr. 20 c. par tonne.

Ainsi, grâce au tarif de transit, on transporte les fontes du grand-duché de Luxembourg à la frontière hollandaise à meilleur marché que l'on ne transporte les minerais de fer servant à alimenter nos hauts fourneaux à une distance moindre de 21 kilomètres.

M. le ministre pourra me faire observer que le fait ne regarde plus le chemin de fer de l'Etat, mais bien des lignes concédées.

Mais il se fait aussi des expéditions de fontes de Sterpenich à destination d'Aix-la-Chapelle. Ces transports empruntent la voie de l'Etat entre Liège et Herbesthal, sur une distance de 39 kilomètres ; or, au taux de 4 c. par tonne kilométrique, l'Etat perçoit de ce chef 1 fr. 56 c. par mille kilogrammes.

Voyons ce que perçoit l'Etat quand il s'agit de transporter des fontes belges pour le même parcours de Liège à Herbesthal : D'Ougrée à Herbesthal, le prix de transport est de 3 fr. 55 c. la tonne. La moitié des frais fixes revient à la compagnie du Nord, ainsi que sa part proportionnelle dans les frais variables, soit en somme 80 c. par mille kilogrammes. Reste donc pour l'Etat 2 fr. 75 c.

Ainsi, nous arrivons à cette conséquence que l'Etat transporte les fontes venant de l'étranger et se dirigeant sur l'Allemagne à 1 fr. 56 c., tandis que pour le même parcours les fontes belges payent 2 fr. 75 c, soit environ une faveur de 80 p. c. pour les fontes étrangères.

MtpVSµ. - Et il a raison.

M. Braconierµ. - Vous me le démontrerez, M. le ministre, mais en attendant vous me permettrez de croire le contraire.

Je pense, messieurs, avoir démontré, par les faits que j'ai cités, que les réductions accordées pour le tarif du transit, ont très souvent pour résultat de favoriser l'industrie étrangère au détriment de l'industrie belge, sans bénéfice pour le trésor. J'appelle sur cette question toute l'attention de l'honorable ministre des travaux publics et j'attends qu'il me démontre que sous d'autres rapports ce tarif présente des avantages qui balancent les inconvénients que j'ai signalés.

M. Van Hoordeµ. - Messieurs, hier, quand je me suis fait inscrire pour lui répondre, l'honorable ministre des travaux publics a manifesté de l'étonnement. Mais je crois que, réflexion faite, son étonnement serait beaucoup plus grand, et lui semblerait plus légitime, si je laissais sans protestation les paroles qu'il a prononcées relativement à l'embranchement de Bastogne.

Loin d'être de nature à calmer l'inquiétude et le mécontentement des arrondissements de Bastogne et de Neufchâteau, le langage qu'il a tenu va les aggraver.

Avant tout, qu'il me soit permis d'élaguer, en quelques mots, un élément qui est tout à fait étranger au débat, quoiqu'il occupe une large place dans le discours de l'honorable ministre. Il a beaucoup parlé de la convention qui est intervenue en 1855 entre le gouvernement et la compagnie du Luxembourg.

Mais, messieurs, cette convention de 1855 n'existe plus, et je n'en avais entretenu la Chambre que d'une manière tout à fait incidente, et uniquement pour répondre à une sortie assurément fort injuste, qu'avait faite le représentant de Virton.

Cette convention de 1855, dont on s'obstine à dénaturer le sens et la portée, a été remplacée par la convention de 1862, qui seule nous importe aujourd'hui.

L'examen de. celle-là devrait être laissée à ceux qui s'aviseront peut-être, quelque jour, d'écrire la curieuse histoire de cette grande compagnie du Luxembourg, qui a toujours agi comme si elle était le quatrième grand pouvoir de l'Etat, et qui a audacieusement méconnu, je le maintiens, ses engagements de 1855, comme elle avait inconnu, jadis, ses engagements de 1845, 1847, 1851 ; et comme elle méconnaîtra demain, si l'on n'y prend garde, ses engagements de 1862 !

Quand j'ai dit qu'elle avait méconnu ses engagements de 1855, je n'ai fait que répéter ce que beaucoup d'autres avaient dit, avant moi - et parmi eux l'un de ses administrateurs. Le 20 janvier 1860, M. de Moor s'exprimait en ces termes : « Je suis convaincu que d'ici à peu de temps les caisses de l'Etat n'auront plus à payer de minimum d'intérêt. Eh bien, le jour où l'exploitation de la ligne principale produira ce résultat, nous pourrons réclamer, et je crois, avec succès, l'exécution des embranchements. » (Annales parlementaires, page 523.) Le payement du minimum d'intérêt ayant cessé à la fin de 1859, dès cet instant, le gouvernement pouvait s'armer de la convention que lui avaient léguée ses prédécesseurs. Mais non ! On a ergoté, on a chicané (ce sont les termes dont s'est servi l'honorable M. d'Hoffschmidt) pour s'affranchir d'engagements sérieux et solennellement contractés, bien que tout concourût à en démontrer la parfaite évidence : et des droits acquis depuis quinze ans, et les déclarations des auteurs de la convention, et le simple bon sens qui se révolte à l'idée d'une obligation sans sanction.

Mais, encore une fois, peu importe tout cela, aujourd'hui. Les Chambres ont passé l'éponge sur cette convention de 1855, et sur toutes celles qui l'ont précédée. Nous n'avons plus qu'à songer au contrat de 1862, qu'à empêcher qu'il ne devienne lettre morte, à son tour. C'est au gouvernement qu'incombe ce soin. Je lui recommande d'y veiller. Il a promis, l'année dernière, de prendre en temps opportun toutes les mesures nécessaires. Je lui rappelle sa promesse. Que répond-il ?

II nous dit : De quoi vous plaignez-vous ? La grande compagnie du Luxembourg se rend. Les plans sont à l'étude. Que demandez vous de plus ?

De quoi nous nous plaignons, M. le ministre ? Nous nous plaignons de ce que, jusqu'à présent on n'ait encore rien, absolument rien fait pour être en mesure de livrer la ligne à l'exploitation à l'époque que vous avez indiquée. Ce que nous demandons ? Nous demandons qu'aux paroles, aux correspondances, aux promesses, aux avant-projets, succèdent des actes, c'est-à-dire des plans définitifs approuvés par le gouvernement, de» achats de terrains, l'adjudication des travaux ; en un mot, qu'on mette la main à l'œuvre. Nous demandons qu'à défaut par la compagnie de s'exécuter, vous usiez des pouvoirs que le cahier des charges vous donna pour avoir raison de son mauvais vouloir.

M. de Moorµ. - Vous enfoncez des portes ouvertes.

M. Van Hoordeµ. - Oh ! nous avons été trop souvent déçus dans notre attente, trop souvent trompés par les apparences pour nous y fier encore. Qu'importe maintenant que de temps en temps, à des longs intervalles, quelque ingénieur, soit de la compagnie Forcade, soit de la compagnie du Luxembourg, apparaisse sur le terrain, y plante de jalons, y dessine des croquis ! qu'importe cela à des hommes qui savent d'avance, instruits qu'ils sont par l'expérience, que tout se bornera là. Soyons sincères ! Ces mots : « à l'étude » que vous m'opposez ici, comme une réponse victorieuse, qu'ont-ils de si rassurant en définitive ? Mais ces mots ne sont-ils pas l'épitaphe ordinaire des questions enterrées ?

Quatre-vingt dix fois sur cent ne signifient-ils pas précisément, exactement le contraire de ce qu'ils semblent dire, et n'ont-ils pas uniquement pour but d'écarter une difficulté, en donnant l'air honnête au refus que l'on oppose à sa solution ? Eh bien, j'en suis convaincu, aussi longtemps que la compagnie du Luxembourg n'aura pas été contrainte...

M. de Moorµ. - Elle n'a pas besoin d'être contrainte....

M. Van Hoordeµ. - Je ne dois pas vous dire que je serais trop heureux si l'événement démentait mes paroles. Aussi longtemps que la compagnie du Luxembourg n'aura pas été contrainte, soit par le gouvernement, soit, si celui-ci recule devant elle, par les particuliers lésés dans leurs droits civils, nous aurons des apparences, sans plus. Nous continuerons à devoir nous payer d'apparences, et nous n'aurons pas de chemin de fer.

Pour les particuliers, ce serait un procès long, dispendieux et qui ne pourrait aboutir qu'à des dommages-intérêts. Mais pour le gouvernement (page 332) rien ne serait plus facile. Il a tant de moyens de coercition entre les mains, qu'il n'éprouverait que l'embarras du choix.

Ne pourrait-il pas, invoquant l'article 26 du cahier des charges, se faire autoriser à construire l'embranchement d'office, aux frais du concessionnaire ? Certainement, il le pourrait. Cet article 26 accorde au gouvernement, dans l’intérêt public, un droit de surveillance active et incessante pendant toute la durée des travaux. Si un ouvrage quelconque était construit contrairement aux prescriptions de ce cahier des charges, si un simple aqueduc, un simple viaduc étaient établis d'une manière vicieuse, le gouvernement pourrait intervenir et, d'office, faire construire, démolir et reconstruire, afin que tout soit en parfait état à l'époque convenue. A plus forte raison, peut-il intervenir lorsque non seulement les travaux ne sont pas conduits et achevés comme ils doivent l'être, mais ne sont pas même commencés après trois années d'attente et qu'il est certain qu'ils ne seront pas terminés, volontairement, dans les délais fixés. cette certitude existe dès à présent : je le démontrerai de nouveau tout à l'heure.

Mais il n'est pas nécessaire d'aller aussi loin. Les articles 14 et 15 suffisent, si le gouvernement consent à notifier régulièrement à la compagnie qu'il a l'intention bien arrêtée d'en faire usage.

La concession de la ligne de l'Ourthe et la concession de l'embranchement de Bastogne sont connexes. Celle-là sert de garantie à celui-ci.

En outre les deux derniers cinquièmes du cautionnement d'un million qui a été déposé dans les caisses de l'Etat, doivent s'y trouver encore.

Or, toutes les sommes qui n'ont pas été restituées, tous les travaux déjà faits sont notre gage. Le gouvernement pourra en disposer en cas de déchéance, et la déchéance aura lieu de plein droit par la seule expiration du terme prescrit.

Eh bien, que M. le ministre fasse savoir à la compagnie qu'il est bien décidé à ne fléchir devant aucune sollicitation ni aucun prétexte, qu'il appliquera ces articles 14 et 13 dans toute leur rigueur, et la Grande Compagnie, j'en réponds, daignera se soumettre à la loi ! D'ailleurs l'honorable ministre des travaux publics ne peut pas nous refuser cela. Il est tenu par les promesses qu'il nous a faites ici.

L'année dernière il n'admettait pas même la possibilité d'un doute relativement à la stricte application de la loi. Une première pétition émanée de l'arrondissement de Bastogne demandait si la loi de 1862 serait rigoureusement maintenue.

Sa lecture mécontente l'honorable ministre. Il s'écrie : Comment ! on me demande à moi si la loi sera exécutée ! Mais n'en-suis-je pas le gardien ? Personne n'a le droit de mettre ma vigilance en doute. Puis répondant à une question que j'avais eu l'honneur de lui faire, il ajoute : Que ferez-vous, me dit l'honorable membre, si la compagnie ne s'exécute pas ? Ce que je ferai ? J'exécuterai le cahier des charges !

Veuillez répéter cette déclaration, M. le ministre, veuillez-la communiquer régulièrement au Grand Luxembourg, afin qu'il ne puisse pas prétexter qu'il est resté dans l'ignorance des dispositions dans lesquelles vous vous trouvez. Ce n'est pas grand-chose, et cependant c'est tout ce que nous vous demandons, en ce moment.

Les situations exceptionnelles autorisent les mesures exceptionnelles. Il n'y a pas d'exemple d'une loi de concession dormant depuis 21 ans dans les cartons du ministère, et il n'existe aucun motif pour prolonger encore le privilège dont la loi de concession de l'embranchement de Bastogne a joui jusqu'à présent.

La situation financière du Grand-Luxembourg s'améliore continuellement, ses recettes s'accroissent dans des proportions inespérées, et l'on assure que le chiffre de ces recettes pour 1865 dépasse de 1 million 750,000 francs le chiffre de 1864, bien que celui-ci fût déjà fort élevé.

C'est à tort que le chef du département des travaux publics prétend trouver une circonstance atténuante pour la compagnie du Luxembourg dans le contrat intervenu entre le gouvernement et la compagnie Forcade. D'après lui, la première pouvait croire que celle-ci exécuterait l'embranchement, et tel serait le motif principal du retard que j'ai signalé. Mais, messieurs, il y a fort longtemps que chacun sait que la compagnie Forcade serait dans l'impossibilité d'agir en temps utile pour l'embranchement. Il y a deux ans que cette impossibilité n'est plus un secret pour personne : il fallait se fermer les yeux et se boucher les oreilles pour l'ignorer. II y a un an, je l'ai dit à la Chambre, et je n'ai été contredit par personne, ni dans cette enceinte, ni au dehors. Or, du moment que cette certitude a été acquise, la loi de 1863 n'ayant opéré aucune novation, il était du devoir de la compagnie du Luxembourg de se mettre en mesure de remplir ses propres engagements. Elle n'en a rien fait parce qu'elle entend agir à son heure et à sa guise, ou plutôt ne pas agir du tout ! Encore un point, messieurs, et je finis.

Tout en reconnaissant que la compagnie du Luxembourg devra faire d'énergiques efforts pour terminer l'embranchement de Bastogne dans les délais fixés, l'honorable ministre affirme que ce travail est possible.

Messieurs, je n'en ai pas contesté la possibilité matérielle. J'ai dit seulement que la compagnie du Luxembourg ne le ferait pas si elle n'y était pas contrainte.

J'ai prié M. le ministre d'user des moyens de coercition dont il dispose afin que l'embranchement soit exécuté au 6 mars 1867, date pour laquelle nous pouvons faire notre deuil de cet embranchement, ai-je dit, si le gouvernement ne prend pas des mesures immédiates.

Et désirant établir que nous ne devons pas nous attendre à une exécution volontaire dans un délai aussi court, j'ai demandé à l'honorable ministre de me citer l'exemple d'une compagnie quelconque ayant accompli, en Belgique, en treize mois, une entreprise de la nature de celle qui incombe, en ce moment, à la compagnie du Luxembourg.

Je suis certain, ai-je ajouté, qu'il n'y en a pas, car travailler avec tant de précipitation dans des conditions pareilles, c'est perdre de l'argent, et jamais on n'en perd de propos délibéré.

J'attends encore l'exemple que j'ai demandé.

Il est vrai que M. le ministre a parlé d'un chemin de fer du Limbourg, de Hasselt à Eyndhoven, si j'ai bien entendu. Je n'ai pas pu vérifier si j'ai bien compris, car les Annales n'ont pas paru aujourd'hui.

Puisqu'il s'agit de cette ligne, je dirai qu'elle ne prouve rien du tout. D'abord elle n'est pas encore en exploitation, ce qui démontre qu'elle n'est pas achevée. En outre, on m'assure qu'il y a beaucoup plus de treize mois que tous les plans définitifs sont faits, et tous les terrains achetée pour son établissement.

Or, notez que nous sommes dans une situation différente. Quant à nous, tout cela est encore à faire. Aucun plan n'est arrêté, aucune acquisition n'est opérée. et certes, je ne serai pas taxé d'exagération en portant à trois mois le temps que prendront ces préliminaires. Voilà donc le temps qui restera pour les travaux proprement dits réduit à une dizaine de mois. Remarquez ensuite qu'en ce qui concerne ces travaux, il n'y a aucune analogie. Le chemin de fer de Hasselt à Eyndhoven parcourt un pays parfaitement uni. Dans tout le Limbourg les différences de niveau sont insignifiantes : elles ne sont jamais que de quelques mètres, d'après les chiffres que j'ai recueillis dans l'exposé de la situation du royaume.

Or, j'ai dit que la compagnie concessionnaire de l'embranchement de Bastogne aurait autre chose à faire qu'à placer des rails sur un terrain plat, qu'elle aurait à effectuer des remblais et des déblais considérables. M. le ministre est d'avis que je suis dans l'erreur, qu'il y aura bien quelques travaux de terrassement, mais fort peu, parce que l'arrondissement de Bastogne n'est pas accidenté. Jugez-en, messieurs, par les chiffres suivants que j'ai pris également dans l'exposé de la situation. Le nivellement officiel n'indique pas tous les villages, mais on y trouve les noms de quelques communes qui doivent être traversées par l'embranchement, et cela suffit.

M. le ministre nous a donné à entendre que l'embranchement partirait de Libramont. Puisque j'en ai l'occasion, je le prierai instamment de veiller à ce que la stipulation relative au point de départ de l'embranchement soit respectée. La loi de 1862 a eu soin de déterminer les deux points extrêmes entre lesquels il devra se trouver : Longlier et Recogne. Nous avons le plus grand intérêt à être en communication aussi directe que possible avec Neufchâteau. Les cantons les plus importants de l'arrondissement administratif de Bastogne dépendent de l'arrondissement judiciaire de Neufchâteau et c'est avec cette ville que nous avons le plus de relations. Il est donc essentiel que le raccordement n'ait pas lieu plus bas que Libramont, mais qu'il soit aussi rapproché que faire se peut, de Longlier.

En supposant que la ligne parte de Libramont-Recogne, voici les mouvements de terrain qu'elle rencontrera.

Recogne est à 489 m 15 au dessus du nive au de la mer. Le territoire de la commune de Morhet que l'embranchement parcourra probablement immédiatement après, est à 440 m. 62. Voila donc une descente de 48 mètres 53 centimètres. Puis l'on remonte et dans la commune de Sibret le niveau s'élève de 440 m 62 à 517 m 65, soit de 77 mètres !

Voyez, en outre, quelles différences présente quelquefois le (page 333) territoire d'une même commune. À un point de la commune de Sibret, à l'aqueduc d'Ile-le-Pré, se rattache le niveau que je viens d'indiquer : 517 m. 65. Et à un autre point de cette commune, a l'aqueduc de Belle-Eau, le niveau est plus has d'environ 31 mètres.

L'arrondissement de Bastogne est tellement accidenté que dans quelques localités, par exemple à Noville qui est au delà de Bastogne, il y a, d'une section de la commune à une autre, un écart de plus de cent mètres d'élévation. Il a des cantons, par exemple, celai de Houffalize, où la différence des niveaux se calcule non par cent, mais par trois cents mètres.

Si la ligne partait de Longlier, il y aurait, d'après l'exposé de la situation, une différence de quatre-vingts mètres entre le point de départ et le point d'arrivée.

Je signalerai cependant que le repère pour Bastogne est à l'hôtel de ville qui est placé à mi-côte. La différence doit être beaucoup plus grande pour le haut de la ville, qui se trouve précisément du côté de Longlier.

Vous voyez donc, messieurs, que je n'ai rien à retrancher de ce que j'ai dit, samedi dernier. En faisant connaître toute la vérité à l'honorable ministre des travaux publics, j'ai rempli mon devoir. C'est à lui maintenant de remplir le sien.

Projet de loi accordant un crédit au budget de la dette publique

Dépôt

MfFOµ. - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau un projet de loi qui ouvre au budget de la dette publique un crédit de 104,500 fr. destiné à acquitter les engagements pris par l'Etat envers la société anonyme des bateaux à vapeur transatlantiques .

- Il est donné acte à M. le ministre du dépôt de ce projet de loi qui sera imprimé et distribué et envoyé à l'examen des sections.

La séance est levée à 4 heures et demie.