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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 3 février 1866

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboomµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 335) M. de Florisone, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à î heure et un quart.

M. de Moor, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

M. de Florisoneµ. présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Les conseils communaux de Heers, Ophoers et Basheers demandent que la route pavée de Horpmael vers Tongres aboutisse à la grande route de l'Etat, au centre de la commune de Heers. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Odeurs demande une récompense nationale pour les perfectionnements apportés par lui aux instruments aratoires. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur De Ghelcke demande le rétablissement, à Pâques, d'une session du jury de gradué en lettres, pour les récipiendaires qui ont été ajournés. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« L'administration communale de Mesvin prie la Chambre d'accorder au sieur Dequanter la concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Charleroi, avec embranchement vers Frameries, Mens, Gilly et Lambusart. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1866

Discussion générale

M. Bouvierµ. - Messieurs, dans une séance précédente, l'honorable député de Bastogne a cru convenable de m'interrompre, pour me dire que les engagements de la compagnie du Luxembourg, en ce qui concerne l'embranchement de Bastogne, ne dataient pas de 1862, mais de 1845. Cette interruption, je vais le démontrer, a été très malheureuse, car elle manque d'exactitude.

Je ne viendrai pas faire de la déclamation ni des phrases ; je veux établir par des faits, empruntés aux Annales parlementaires et aux documents officiels, la preuve que le député de Bastogne a dit une contre-vérité, pour ne pas employer une expression qui ne chatouillerait pas agréablement ses oreilles.

Déjà, messieurs, en 1860, avant que l'honorable membre fût né à la vie politique, on s'est occupé de l'embranchement de Bastogne ; et l'homme qui s'en est occupé avec le plus de persévérance, le plus de conviction, le plus de chaleur et la plus grande indépendance de caractère, c'est l'honorable M. d'Hoffschmidt.

Voici ce que M. le ministre des travaux publics de cette époque répondait à l'honorable membre auquel je viens de faire allusion :

« Je vais donner sur-le-champ à l'honorable M. d'Hoffschmïdt les explications qu'il réclame.

« La question est extrêmement simple et je suis heureux d'avoir l'occasion de m'en expliquer.

« Le gouvernement n'use vis-à-vis de la compagnie du Luxembourg, dans cette circonstance ni dans aucune autre, d'aucun genre de complaisance. Il ne lui demande pas l'exécution des embranchements vers l'Ourthe et vers Bastogne, tout simplement parce qu'il croit n'en pas avoir le droit, et c'est là le point que je vais démontrer à la Chambre. »

L'honorable ministre ajoute des considérations que je passe sous silence pour arriver à la partie de son discours où il est déclaré de la manière la plus formelle que la compagnie du Luxembourg n'est pas tenue, en vertu des conventions précédentes à l'année 1860, d'exécuter l'embranchement sur Bastogne.

« Vous voyez qu'il n'est rien dit quant aux embranchements de l'Ourthe et de Bastogne, tandis que tout est prévu quant aux délais d'exécution des autres parties de la ligne.

« Etait-ce une omission due au hasard, une omission imputable à la négligence du gouvernement qui stipulait dans l'intérêt public ? Pas le moins du monde ; c'était une omission motivée par les observations qu'avait faites la compagnie.

« Le gouvernement avait prétendu exiger de la compagnie que les embranchements de l'Ourthe et de Bastogne fussent terminés en même temps que la section de Namur à Arlon. Cependant, dans la convention définitive, ainsi que vous venez de le voir, cette obligation ne figure pas, et cela s'explique par une lettre de la compagnie, que je trouve au dossier et dont je vais donner communication à la Chambre. »

Je dirai au député de Bastogne que cette lettre date du 10 mai 1855. Il remarquera par cette date que je mets les points sur les i.

« D'après la note que vous avez bien voulu m'adresser, nous devons, pendant ce délai, non seulement achever le tronc principal, mais encore les embranchements. C'est là, M. le ministre, une obligation nouvelle qui nous serait imposée et a laquelle nous ne saurions nous soumettre à aucun prix. Aucun délai n'a été fixé pour la construction des embranchements et moins que jamais nous ne saurions en accepter. Par suite des dilapidations de l'ancienne administration, 17 à 18 millions ont été dépensés en pure perte par la compagnie ; il lui reste à peine de quoi atteindre Arlon.

« Ce serait tuer l'entreprise que de l'obliger à exécuter des travaux pour une douzaine de millions et surtout des travaux qui seraient un jour une charge énorme pour l'Etat et dès maintenant une dépense sans compensation pour la compagnie. Les circonstances sont telles, qu'on trouve à peine de l'argent pour faire les choses sérieuses, productives ; comment donc songer à faire ce que tout le monde considère comme une chose sans aucune utilité, un travail dont les frais d'exploitation ne seraient pas même couverts ? Quand une fois la ligne principale aura développé les nombreux éléments de prospérité qui existent dans les pays qu'elle traversera, la construction des embranchements deviendra chose raisonnablement possible, utile au pays, profitable à la compagnie ; mais jusque-là ce ne serait qu'une source de ruine. »

« Ainsi la compagnie répondait au ministre qu'à aucun prix elle ne consentirait à l'obligation d'exécuter les embranchements dans le délai fixé par le tracé principal. (Interruption.) C'est entre la convention de 1852 et la convention de 1855, que cette correspondance fut échangée, et ce n'est qu'à la suite de cette correspondance qu'est intervenue la convention de 1855, dans laquelle, vous venez de le voir, ne figure aucun délai quant à la construction des embranchements.

« Je dis, messieurs, qu'en présence du texte de la convention de 1855, qui fait loi entre la compagnie et le gouvernement, convention qui, je le répète, ne stipule aucun délai pour les embranchements, et en présence surtout de la lettre officielle dont je viens de donner lecture et qui fixe l'esprit de cette convention, le gouvernement ne me semble pas en droit d'exiger la construction immédiate des embranchements. Si la compagnie formulait la prétention inverse, c'est-à-dire de ne construire ces embranchements que quand cela lui conviendrait, est ce que cette prétention serait plus fondée que le prétendu droit du gouvernement d'exiger la construction immédiate des embranchements ? Je ne le crois pas.

« Je crois que la compagnie devra s'exécuter lorsqu'il sera vrai de dire qu'elle est en voie de faire fructifier sérieusement son entreprise.

« Il y a donc une appréciation de circonstances à faire. Je crois que le gouvernement ne pourrait, sans contrevenir à la convention de 1855 et sans manquer à l'équité, exiger que la compagnie s'exécute immédiatement, quant aux embranchements. »

Voilà donc, messieurs, la lettre qui a été produite par la compagnie. Elle prouve surabondamment que la compagnie n'était nullement tenue à construire l'embranchement de Bastogne avant 1860.

Mais en 1862 une convention est intervenue entre le gouvernement et la compagnie du Luxembourg, et dans cette convention un délai a été déterminé. J'en conviens, il existe ; mais est-il vrai que la compagnie du Luxembourg, comme le prétend le député de Bastogne, s'est jouée de cette convention ? A-t-elle porté un défi au gouvernement ? Est-elle un quatrième pouvoir dans l'Etat, comme il l'a proclamé dans la séance d'hier : Mais rien de tout cela n'est vrai. Je me suis aperçu hier que le député de Bastogne avait beaucoup d'imagination et qu'il mettait dans ses paroles beaucoup d'acrimonie et quelque peu de fiel. Nous allons démontrer que la compagnie du Luxembourg ne se joue (page 336) ni de ses engagements ni de ses obligations, et qu'elle est administrée loyalement, honnêtement et convenablement.

Que s'est-il donc passé depuis la convention de 1862 ? Une convention nouvelle est intervenue entre la compagnie du Luxembourg et la compagnie Forcade. Je vais, messieurs, lire l'article 7 de cette convention, qui vous donnera la conviction la plus complète que la société du Luxembourg ne s'est nullement jouée des engagements qu'elle a contractés vis-à-vis de l'Etat.

« Entre le gouvernement belge, représenté par M. Jules Vanderstichelen, ministre des travaux publics, d'une part ;

« Et MM. Eugène Lenoir, entrepreneur de travaux publics, demeurant à Paris, rue Neuve des Mathurins, n°20 ; Eugène Forcade, homme de lettres, demeurant à Paris, boulevard de la Madeleine, n°17 ; etc. »

Viennent plusieurs articles que j'ai hâte d'omettre pour abréger et arriver à l'article 7 qui porte :

« Art. 7. Les contractants de deuxième part auront à s'entendre avec la Grande Compagnie du Luxembourg pour la régularisation de la cession leur profit de l'embranchement vers Bastogne concédé à cette compagnie. Le gouvernement promet tout son concours pour la régularisation de cette cession.

« Toutefois, les contractants de deuxième part renoncent dès à présent, cette cession étant opérée à leur profit, au bénéfice de la garantie d'intérêt accordée à la Grande Compagnie du Luxembourg sur l’embranchement vers Bastogne ; ladite compagnie restera néanmoins engagée vis-à-vis de l'Etat belge, jusqu'à l'entière exécution et mise en exploitation dudit embranchement par les contractants de deuxième part. »

Mais, dit l'honorable député de Bastogne, cette compagnie ne présente aucune espèce de garantie ; il faudrait, dit-il, se boucher les oreilles et fermer les yeux pour croire que cette compagnie présente le moindre caractère de sécurité et de vitalité : ce sont bien vos expressions ?

M. Van Hoordeµ. - Je demande la parole pour un fait personnel.

M. Bouvierµ. - Oui, tout à l'heure vous pourrez prendre la parole pour un fait personnel, car il y a quelque chose de très singulier dans votre manière de faire. (Interruption.)

Vous dites que vous n'avez aucune confiance dans cette compagnie Forcade. Eh bien, ce langage n'est-il pas singulier au moins quand je lis dans le Moniteur le nom des administrateurs de cette même compagnie Forcade, et que je vois figurer dans le conseil d'administration un de vos chefs de file, dont vous êtes l'une des queues, l'honorable M. Royer de Behr ?

M. Van Hoordeµ. - J'ai simplement dit que la compagnie Forcade ne serait pas en mesure de commencer les travaux en temps utile pour l'embranchement de Bastogne.

M. Bouvierµ. - Vous faites une reculade, je l'accepte, mais je ferai ressortir de votre langage que votre conduite est tout à fait contraire aux véritables intérêts de vos commettants.

Je lis dans les statuts de la société Forcade, ce qui suit :

« Sont nommés :

« M. Ferdinand baron De Brou, propriétaire, demeurant à Bruxelles.. .»

J'arrive immédiatement, toujours pour abréger et ne pas abuser de votre extrême obligeance à m'écouter, au n°9.

« Auguste Royer de Behr, industriel, membre de la Chambre des représentants, administrateur de diverses compagnies de chemins de fer et de la compagnie commerciale belge à Anvers, demeurant à Bruxelles. »

Et c'est vous, monsieur le député de Bastogne qui venez dire dans cette enceinte que la compagnie Forcade ne vous inspire aucune confiance !

M. Van Hoordeµ. - Je n'ai parlé qu'au point de vue de l'embranchement.

M. Bouvierµ. - Mon Dieu ! sous et à tous les points de vue, vous avez tort de ne pas avoir confiance dans votre honorable collègue de la droite, que j'estime, moi, quoique n'appartenant pas à son parti et ne partageant en aucune façon ses principes politiques.

Mais cette compagnie est si sérieuse, que déjà un million a été versé entre les mains du gouvernement belge. Hier l'honorable ministre des travaux publics, dans son discours si clair, si lucide, si rempli de faits, si remarquable à tous les points de vue, vous a dit que la même société Forcade a versé entre les mains du gouvernement de Prusse une somme de 1,800,000 fr. Voilà donc près de 3 millions de capital versés pour la ligne internationale dans laquelle M. Royer de Behr se trouve être administrateur.

M. Van Hoordeµ. - Il a dit en même temps qu'elle ne serait pas prête pour l'embranchement de Bastogne.

M. Bouvierµ. - Je répondrai à ce point ; je ne laisserai rien de votre discours. Vous voulez vous donner le facile plaisir de triompher dans votre arrondissement, de vous y faire passer pour l'homme indispensable, pour le créateur de l'embranchement alors, il faut l'avouer avec une certaine franchise, que tout était fait avant vous.

M. Van Hoordeµ. - J'ai déjà répondu à cette allégation qui est aussi injuste qu'inconvenante. Du reste ce n'est qu'une rognure de journal qui n'est pas tous les jours convenable.

M. Bouvierµ. - Tout à l'heure je ramasserai une rognure dans un journal où l'on s'occupe de vous.

MpVµ. - M. Bouvier, nous sommes dans la discussion générale du budget des travaux publics (Interruption.)

M. Van Hoordeµ. - Laissez-le continuer, je vous prie, M. le président.

M. Bouvierµ. - Comment ! on accuse l'administration du chemin de fer du Luxembourg dans la personne d'un de nos collègues les plus éminenis et il ne me serait pas permis de venir défendre ce collègue ! J'en ai le droit et je le maintiens.

Vous voulez argumenter de l'inaction de la compagnie Forcade.

Mais, je vous le demande, cette compagnie est-elle sérieuse, oui ou non ? Si elle est sérieuse, et je n'en doute aucunement, fallait-il que la compagnie du Luxembourg entamât la construction du tronçon de Bastogne ?

D'après la loi du 31 mai 1863, la compagnie Forcade était tenue de construire ces embranchements. Fallait-il donc construire deux lignes parallèles partant de deux points très rapprochés et se faisant mutuellement un tort considérable ? Le gouvernement n'avait-il pas l'intérêt le plus sérieux à l'exécution de cette convention ? Grâce à elle, il s'exonérait de l'obligation de la garantie d'un minimum d'intérêt s'élevant à 70,000 francs par an, dont elle était tenue vis-à-vis de la compagnie du Luxembourg. Il doit donc prêter ses bons offices, comme il l'a promis d'ailleurs, pour faciliter la construction de la ligne dite Forcade.

Ne venez donc pas argumenter de l'inaction de la compagnie du Luxembourg ; cette compagnie devait croire, en présence des honorables administrateurs qui forment le conseil de la compagnie Forcade, que celle-ci était sérieuse et qu'elle aurait exécuté avec loyauté les engagements solennels qu'elle avait souscrits.

Maintenant quel est le dernier argument du député de Bastogne ? Il faut, dit-il, exécuter la compagnie du Luxembourg, il faut la contraindre, lui envoyer des huissiers, des recors.

Et vous croyez que, si le gouvernement avait agi de cette façon, il agirait convenablement dans l'intérêt de vos commettants ? Quel est votre devoir, quel est notre devoir à nous, Luxembourgeois ? C'est de maintenir haut et ferme le crédit, la bonne renommée et la considération dont jouit la compagnie du Luxembourg, car c'est elle qui a construit le chemin de fer de l'Ourthe qui lui a occasionné une dépense de 12 millions, c'est elle qui va faire construire une double voie qui coûtera encore 4 millions, c'est elle qui vient de commander 900 waggons et 23 voitures.

Vous voulez donc troubler, porter atteinte et même anéantir le légitime crédit dont elle est honorée sur le plus vaste marché des capitaux, en Angleterre ? Cela n'est pas d'un véritable Luxembourgeois !

Pour me résumer, je vous dirai et en face que vous venez jouer dans cette enceinte un rôle dont je ne veux vous laisser ni le bénéfice, ni le trop facile triomphe. Vous voulez faire croire, et le journal la Voix du Luxembourg que je tiens en main le proclame, que grâce à vos discours, à vos récriminations, votre arrondissement vous devra la voie ferrée vers Bastogne. Voici d'ailleurs l'extrait de l'article de ce journal.

« Disons bien haut que si jamais cet embranchement se fait, ce sera en dépit de MM. Tesch, de Moor et Cie (de la compagnie, j'en fais probablement partie) ; ce sera grâce à l'énergie et à la persévérance des pétitionnaires, de l'honorable M. Van Hoorde et de la Voix du Luxembourg. »

Eh bien, je veux détromper les habitants de votre arrondissement. L'embranchement sur Bastogne était décrété avant que vous eussiez jamais mis le pied dans cet arrondissement. Il se fera malgré vous et contre vous, ni une heure, ni une minute avant le délai fixé par la convention de 1862 auquel la compagnie du Luxembourg n'a jamais songé à se soustraire.

Elle a pensé et elle devait penser que la compagnie Forcade, qui est plus sérieuse que vous ne l'assurez, remplirait ses engagements. A son défaut, elle fera l'embranchement. Mais je le dis bien haut, vos discours sont des réclames électorales qui ne peuvent produire de l'effet que sur (page 337) certaines personnes qui ont leur siège tout fait et qui se croient des personnages importants en venant enfoncer des portes ouvertes.

M. Vau Hoordeµ. (pour un fait personnel). - Messieurs, le réjouissant député de Virton, qui n'a plus rien à demander pour ses commettants, sans doute depuis qu'il leur a dit publiquement, ici, que leurs recommandations l'ennuient considérablement, met ses loisirs à profit en s'occupant beaucoup de l'arrondissement de Bastogne. Je vais lui faire, à cet égard, une déclaration franche et catégorique.

Chaque fois qu'il se donnera la peine de parler dans l'intérêt de cet arrondissement, je le remercierai et de tout cœur. De quelque côté que le bien nous vienne, nous l'acceptons avec plaisir, et nous sommes reconnaissants à tous ceux qui y ont contribué.

Quand il lui arrivera (et c'est ce qui lui arrive presque toujours, hélas ! voilà deux ans que nous le savons) de dire des choses absolument insignifiantes, je ne les relèverai pas.

Il y a longtemps que j'ai promis à la Chambre de laisser tomber les discours de M. Bouvier, sauf, lorsque d'aventure l'un de ces discours méritera une réponse.

Mais aussi, chaque fois que M. Bouvier s'avisera de faire ce qu'il vient de faire aujourd'hui : méconnaître et attaquer les intérêts du district que je représente, et de tout le Luxembourg, en prenant la défense d'une compagnie qui se soucie beaucoup plus de sa caisse que de la province dont elle porte le nom, alors, je lui répliquerai toujours, sur-le-champ, et avec toute l'énergie dont je suis capable. Je protesterai, mais, comme je vais le faire, en aussi peu de mots qu'il me sera possible. La raison en est, que je ne tiens nullement à voir, le lendemain, tous les journaux de la Belgique apprendre à leurs lecteurs que les tribunes ont joui du spectacle d'une joule oratoire entre celui qu'ils appellent, par antiphrase, le spirituel interrupteur de Virton et moi. On est trop habitué à rire, et à rire beaucoup de toutes les paroles qu'il prononce, pour ne pas faire rejaillir une partie du ridicule qui s'y attache sur ceux qui semblent les prendre au sérieux.

L'honorable membre vous a apporté une foule de citations des Annales parlementaires. Si je m'étais attendu à cette nouvelle sortie, et si j'avais eu comme lui vingt-quatre heures pour me préparer, je pourrais lui en opposer beaucoup d'autres.

Mais je dois lui répondre immédiatement. Je le fais en lui demandant pourquoi il n'a pas dit mot des documents que j'ai fournis moi-même, pourquoi il n'a rien dit, ni de l'opinion de l'honorable M. d'Hoffschmidt, ni de l'opinion de l'honorable M. de Moor que je vous ai signalées comme conformes à la mienne. Il est vrai qu'à l'époque où il a tenu le langage que j'ai rapporté, ce dernier n'était pas encore administrateur de la compagnie !

Après cela M. Bouvier vous a donné lecture d'un grand nombre de conventions, et il en résulte pour lui que la compagnie du Luxembourg n'a jamais été obligée !

Comment ! il vous parle de quatre ou cinq conventions différentes, relatives au chemin de fer de Bastogne. Ce chemin de fer est encore sur le papier à l'heure qu'il est. Il en conclut, cependant, que la compagnie concessionnaire a satisfait à tous ses engagements. Vraiment M. Bouvier vous allez faire rire de vous plus que jamais ! (Interruption.) L'honorable orateur m'oppose encore que j'insulte la compagnie Forcade, et mon ami M. Royer de Behr, qui est un de ses administrateurs. J'ai dit, la sténographie le prouvera au besoin, j'ai dit et je répète que la compagnie Forcade n'est pas en mesure de commencer ses travaux en temps utile pour l'embranchement de Bastogne.

Sur ce point l'honorable ministre des travaux publics est d'accord avec moi ; il a confirme mes paroles. Mais veuillez remarquer que le délai qui concerne l'embranchement de Bastogne, et qui expire le 6 mai 1867, lie la compagnie du Luxembourg, et non pas la compagnie Forcade. Celle-ci s'est seulement engagée à reprendre l'embranchement s'il est fait par celle-là. Mais, encore une fois, ce n'est pas elle qui est obligée de le construire pour le mois de mars de l'année prochaine.

M. Bouvier ajoute que je comprends très mal les intérêts de l'arrondissement qui m'a élu, et que je les sers plus mal encore. Pourquoi ? Parce que, dit-il, en hâtant l'établissement de l'embranchement nous aboutirons à un résultat fâcheux : celui d'avoir, un jour, deux lignes parallèles. D'après lui, le chemin de fer de Bastogne fera double emploi avec la ligne qui partira de la frontière de France pour arriver à Saint-Vith. Messieurs, cela n'est pas possible. D'abord la compagnie Forcade s'est engagée à reprendre l'embranchement de Bastogne. Ensuite cet embranchement sera une section de la grande ligne, car il doit être construit de manière à faciliter, plus tard, son prolongement vers l'Allemagne,

Mais il y a plus. Si l'embranchement était entrepris aujourd'hui par la compagnie Forcade, elle ne pourrait pas l'établir dans d'autres conditions que la compagnie du Luxembourg.

Il y a, pour la section dont il s'agit, des points déterminés et des stipulations précises, dont ni l'une ni l'autre ne peuvent s'écarter.

Je passe, messieurs, sur l'allégation qui, comme je l'ai dit tantôt en interrompant M. Bouvier, n'est qu'une rognure ramassée par lui dans l'Echo du Luxembourg. Il y a longtemps que j'ai appris à mépriser les cancans de ce journal, et je ne leur réponds plus.

Mais M. Bouvier veut absolument que cette affaire de l'embranchement de Bastogne soit une affaire politique. C'est, de ma part, une réclame électorale !

Et les six cents pétitionnaires qui se plaignent avec moi, et dont vous ne parlez pas, font-ils aussi de la réclame ?

Non, le temps des réclames électorales est passé dans l'arrondissement de Bastogne. Elles y sont inutiles, aujourd'hui. Il est passé le temps où ses électeurs écoutaient la voix des amis de l'honorable membre. Je ne m'en vante pas personnellement, car je le déclare, si le plus illustre des chefs de son parti y entrait en lutte contre le plus humble des soldats du parti catholique, celui-ci l'emporterait.

Le parti libéral a sacrifié trop souvent nos intérêts matériels, et blessé trop profondément nos sentiments les plus chers, pour pouvoir espérer encore des victoires de la nature de celles qu'il a remportées autrefois à Bastogne.

D'ailleurs, si ces six cents pétitionnaires étaient des pétitionnaires catholiques, comme vous le prétendez, j'en serais fier ; car leurs réclamations prouveraient que les catholiques sont dévoués aux intérêts de la province.

En outre, je serais très heureux, je ne le cache pas, si ces six cents signatures, notamment les 160 signatures qui ont été recueillies dans la seule ville de Bastogne, étaient des signatures politiques. Par contre, elles feraient naître, j'en suis certain, d'amères réflexions dans l'esprit de ceux qui ont été les promoteurs de l'enquête parlementaire d'il y a deux ans, et qui sont parvenus à en réunir une demi-douzaine, au plus, dans cette même localité, sur la plainte qui a provoqué cette enquête de fort triste mémoire. Voilà tout ce que j'avais à dire à M. Bouvier.

M. de Theuxµ. - Messieurs, l'honorable ministre des travaux publics, dans une de nos dernières séances, a annoncé l'intention de soumettre encore à l'approbation de la Chambre quelques demandes de concession. Je ne sais si parmi ces demandes est compris un projet de chemin de fer de Malines à la frontière de Hollande vers Eindhoven. Si ce projet n'y était pas compris, j'engagerais fortement M. le ministre des travaux publics à l'y comprendre, attendu que ce projet doit réunir au plus haut degré toutes les conditions que l'honorable ministre a indiquées comme étant nécessaires pour obtenir son assentiment : certitude d'exécution, pas d'exagération de capital ni d'obligations ; pas de concurrence à des intérêts déjà créés, mais création d'intérêts nouveaux très considérables.

En effet, si l'on jette les yeux sur la carte, on voit que c'est la ligne la plus droite d'Amsterdam à Ostende. Cette ligne partirait de Malines, point central des chemins de fer de l'Etat et de plusieurs chemins de fer concédés ; elle arriverait à la frontière de Hollande, pour se rendre à Eindhoven, point central de chemins de fer créés et décrétés sous les auspices du gouvernement des Pays-Bas.

L'exécution de cette ligne serait facile ; il n'y a aucun travail d'art qui doive occasionner une dépense trop considérable ; par contre, cette ligne serait un moyen nouveau de développer le défrichement des landes de la Campine ; elle traverserait ou longerait un très grand nombre de communes très importantes de la province d'Anvers ; elle traverserait ainsi des bruyères de la province du Limbourg.

Après l'exécution de cette ligne, après celles du chemin de fer de Hasselt à Maeseyck, ainsi que celle du chemin de fer de Diest au camp, il ne resterait plus qu'une seule chose essentielle à désirer pour la Campine : c'est le chemin de fer d'Anvers à Düsseldorf qui doit la traverser dans un autre sens.

Alors le défrichement de la Campine sera accéléré d'une manière étonnante ; et cette contrée, aujourd'hui en partie stérile, contribuera alors puissamment à la prospérité du pays, en fournissant à tontes nos industries le bois qui leur est nécessaire.

Il y aura de plus une extension nouvelle de la culture des céréales.

Je recommande instamment ce projet à l'attention de M. le ministre des travaux publics, et j'espère qu'il fera tous ses efforts pour que le projet aboutisse. Je compte sur la bienveillance de l'honorable ministre.

(page 338) J'ai encore un mol à dire relativement à un objet dont l'honorable M. Thonissen s'est occupé. M. le ministre des travaux publics a déclaré hier que, attendu que la commune de Lummen avait retiré le subside de 15,000 francs qu'elle avait volé pour couvrir une partie des frais de la construction d'une route, le gouvernement suspendait l'exécution de ce projet.

Je crois qu'ici il y a un moyen terme que l'équité commande. Lorsqu'une commune peu importante en elle-même, comparativement à un grand nombre de communes de la Belgique, n'a aucune route et qu'elle contribue par un subside, elle est digne de la bienveillance du gouvernement ; si le gouvernement trouve une économie de plusieurs centaines de mille francs, par l'emploi du gravier pour la construction de la roule, n'est il pas juste aussi que le gouvernement consente à ce que la commune n'y contribue pas par un subside qui est. disproportionné à son importance, et que son subside soit réduit dans la même proportion que les dépenses de l'Etat ?

J'ajouterai, dans l'intérêt de la commune de Lummen, que l'autorité publique, il y a deux ans, a ordonné la démolition de l'église de cette localité, et que la commune se trouve, par suite de cette démolition, dans l'obligation de contribuer fortement aux frais d'érection d'une nouvelle église.

Je crois que ces considérations sont de nature à mériter la bienveillance de M. le ministre des travaux publics, et que la commune de Lummen a droit d'y compter. Ce serait une question à traiter administrativement. Il suffira à l'honorable ministre de se faire présenter le budget de la commune de Lummen, et de voir quelles obligations elle a à remplir, pour être convaincu qu'elle mérite toute sa bienveillance.

Je n'en dirai pas davantage dans la discussion générale ; peut-être aurai-je l'occasion de présente encore quelques observations dans la discussion des articles.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, je ne commencerai pas ma réponse à la partie du discours de M. le ministre des travaux publics qui concerne mon arrondissement, sans rendre un juste hommage à la manière remarquable dont il a élucidé les questions nombreuses, diverses et compliquées qui lui ont clé soumises.

Cependant je dois faire une restriction à cet éloge pour ce qui concerne les intérêts de mon arrondissement qui n'ont pas lieu d'être complètement satisfaits de ce discours.

En ce qui touche la question que j'ai soulevée, par rapport aux engagements de la société du Luxembourg envers la ville de Wavre, je pense que l'honorable ministre des travaux publics s'est trompé s'il a cru qu'il lui suffirait de construire une courbe à ou près d'Ottignies pour satisfaire à ces engagements.

Les droits de la ville de Wavre sont basés sur des fondements beaucoup plus solides et reposent sur la loi même de concession. Cette loi comprend en effet une ligne directe de Bruxelles vers Wavre ; aucun arrêté, aucune convention n'ont pu y contrevenir, et la convention du 13 janvier 1852, confirmée par un arrêté du 30 avril suivant, dont j'ai déjà donné lecture dans mon premier discours, indique d'une façon précise les obligations qui en découlent pour la compagnie.

La ligne du Luxembourg devait, à partir de la vallée de la Lane, se diriger de là vers Wavre. De cette manière, Wavre ne devait être placée qu'à 24 kilomètres de Bruxelles au lieu de 29 à 30, distance actuelle. Et nous n'aurions plus qu'une demi-heure à faire le trajet au lieu d'une heure.

C'est sur cette convention que nous nous basons pour réclamer de la compagnie du Luxembourg l'exécution du travail que lui impose la loi.

Messieurs, je comprends parfaitement bien qu'il n'est possible ni au gouvernement, ni à la compagnie du Luxembourg de remplir cette obligation en quelques semaines ou même en quelques mois de temps. Cependant il est évident qu'il doit y avoir une solution à cette affaire.

J'annonce donc dès maintenant à l'honorable ministre des travaux publics comme à la compagnie du Luxembourg que si, avant la session prochaine, une solution convenable n'est pas intervenue ou au moins l'espoir fondé qu'elle sera prochaine, j'aurai l'honneur de formuler une proposition à cette Chambre qui nous permettra de savoir si les lois ont une valeur en Belgique.

L'honorable ministre n'a pas répondu, et je comprends que ce détail était comparativement peu important, à la question que j'ai soulevée par rapport à la station ou plutôt à la halte d'Archennes ou de Loverval, sur le chemin de fer du Grand Central.

MtpVSµ. - Je n'ai pas eu le temps de vérifier.

M. le Hardy de Beaulieuµ. - Je comprends que c'est une question qui demande examen et j'ai une entière confiance dans la solution que M. le ministre donnera à cette affaire.

Mais il y a un autre point que je n'avais pas soulevé dans mon premier discours, c'est celui du chemin de fer direct de Bruxelles à Charleroi passant à Nivelles.

J'avais voulu laisser à l'honorable ministre des travaux publics l'honneur, je dirai plus, le plaisir de vous informer que cette affaire était en bonne voie de solution et que la ville de Nivelles pouvait compter sur le passage de ce chemin sur son territoire.

J'y comptais d'autant plus que d'après les études qui ont été faites depuis la dernière session et les discours que les représentants de Nivelles ont prononcés à ce sujet, il a été parfaitement démontré que le chemin de fer peut passer par Nivelles ; qu'il n'en résultera qu'un détour insignifiant d'un millier de mètres et qu'une dépense de 600, 700 ou 800,000 fr. au maximum.

Les intérêts de la ville de Nivelles et ses droits dans cette question sont évidents. La ville de Nivelles donne actuellement lieu un mouvement de 5,000 à 6,000 waggons de marchandises et un mouvement de 25,000 à 30,000 voyageurs. Par un chemin direct, ces chiffres seraient doublés.

Par conséquent, que la ligne soit faite par une compagnie ou qu'elle soit faite par l'Etat, il y a un intérêt réel, évident, à la faire passer par Nivelles. L'avenir de cette ville y est attaché, Le dépense en plus qui pourrait en résulter sera largement compensée par les produits spéciaux à Nivelles.

J'attends donc, comme mes honorables collègues de l'arrondissement de Nivelles, une solution favorable à cette ville et j'espère que cette solution ne se fera pas longtemps attendre.

M. Dumortierµ. - Messieurs, je n'ai pas demandé la parole, comme la plupart des orateurs qui m'ont précédé dans cette longue discussion, pour réclamer du gouvernement des travaux se rattachant à un service public.

Je dois le dire, ce qui m'a occupé, c'est d'abord et avant tout les demandes faites de tous côtés de réductions de recettes et les résultats qui peuvent en résulter pour le trésor public. Nous voyons tous les jours, et c'est un fait excessivement regrettable, d'honorables membres de cette Chambre qui se proclament les défenseurs des principes de l'économie politique, se montrer en même temps les plus âpres à la curée.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Pas du tout.

M. Dumortierµ. - A une exception près.

M. Bouvierµ. - Et encore ! (Interruption.)

M. Dumortierµ. - Et encore ! Quand il s'agit d'avoir des subventions du gouvernement, des subsides du gouvernement, des réductions de péages du gouvernement, en un mot, toute espèce de privilèges de par l'Etat, ils ne cessent de réclamer, et cela afin d'obtenir ce qu'ils refusent aux autres.

Autrefois, quand nous avions un régime protecteur en Belgique, dans l'ordre de ce régime protecteur, l’Etat avait surtout en vue de protéger le Belge contre l'étranger, de protéger le travail national contre le travail étranger ; aujourd'hui, comme vous l'avez vu hier par le discours de l'honorable M. Braconier, nos tarifs établissent la protection pour le travail étranger contre le travail national.

MtpVSµ. - C'est une erreur.

M. Dumortierµ. - C'est l'exacte vérité et j'ai plus d'une fois réclamé dans cette Chambre contre cet abus. Vous répondrez à l'honorable M. Braconier, M. le ministre, mais je crois qu'il vous sera très difficile de réfuter ses chiffres.

Il y a plusieurs années que les fabricants de Gand se sont plaints de ce que les fils de coton et les fils de lin fabriqués à Gand étaient transportés en Allemagne à un prix plus élevé que les fils de coton et de lin arrivant d'Angleterre. Ces réclamations sont vieilles dans cette enceinte, mais jamais on n'en avait mieux prouvé et déduit le fondement que ne l'a fait hier l'honorable M. Braconier.

MtpVSµ. - Nous verrons cela.

M. Dumortierµ. - Je serais fort curieux de voir comment vous parviendrez à nous démontrer qu'il y a moins de privilèges pour l'étranger que pour le Belge. Si M. le ministre nous prouve que l'industriel étranger n'a pas une prime au détriment de l'industriel belge, je dirai que ces observations sont sans fondement, mais tous les faits et tous les tarifs jusqu'ici ont prouvé qu'elles étaient vraies.

(page 339) J'entends tous les jours, messieurs, les libre-échangistes, les plus passionnés des libre-échangistes venir demander ici les faveurs de l'Etat, des retraits ou des réductions de péage et toute espèce de jolies choses de ce genre.

M. Sabatierµ. - Il ne s'agit pas là de prime.

M. Dumortierµ. - Vous répondrez, M. Sabatier, et je crois que vous pouvez prendre une petite part de ces observations comme plusieurs de vos amis.

Quand il s'agissait d'une petite prime en faveur des pauvres pêcheurs, je ne crois pas que l'honorable M. Sabatier était de ceux qui la votaient.

M. Sabatierµ. - J'en ai demandé la suppression.

M. Dumortierµ. - Mais quand vous réclamez la suppression des péages au profit des industriels que vous représentez, c'est une prime que vous demandez ; seulement vous la demandez par millions et vous repoussez la prime de quelques centaines de francs.

M. Sabatierµ. - Voyez les recettes du chemin de fer.

M. Dumortierµ. - Nous y viendrons tout à l'heure.

Vous aviez une petite prime pour la construction des vaisseaux «n Belgique, et pour ma part, j'ai toujours regretté et je continue à regretter très vivement que cette prime ait été supprimée.

M. Mullerµ. - Qu'est-ce qu'elle a produit ?

M. Dumortierµ. - Nous n'avons point de marine nationale et certainement pour un pays industriel comme la Belgique ce qu'il faut avant tout ce sont des moyens d'exportation et par conséquent une marine nationale.

On dit : Qu'est-ce que la prime a produit ? Elle a produit quelques résultats ; elle n'a pas donné tout ce qu'elle devait donner, mais cela tient à d'autres circonstances, par exemple, à toutes les faveurs que vous continuez à accorder au transit. Vous avez réduit votre magnifique port d'Anvers à n'être plus qu'un port de courtiers et de commissionnaires, tandis qu'il devait être un port de commerce, un port d'importation et d'exportation.

Quand il s'agit des dépenses de l'Etat, on n'examine plus rien, on demande des millions et, en résumé, qu'est-ce que tous ces millions ? C'est un système de primes que vous vous accordez. Mais si vous êtes les hommes de l'économie politique, admettez en matière d'industrie votre principe : laissez faire, laissez passer, et ne venez pas demander à l'Etat la réduction de ses revenus.

Il y a ici deux choses diamétralement opposées : les maximes et les faits ; quand il s'agit des autres, on supprime toute espèce d'avantage, même cette petite prime qui était accordée à la pêche ; mais quand il s'agit de demander des réductions de tarifs ou des dépenses considérables à la charge de tout le monde, alors l'économie politique est laissée de côté, les appétits voraces arrivent et remplacent l'économie politique.

Nous avons des doctrines très belles, très larges et nous avons des faits qui sont diamétralement opposés à ces doctrines.

J'entends l'honorable M. Sabatier qui me dit : Mais les revenus du trésor public augmentent. Je crois que l'honorable membre n'a point examiné avec sa sagacité habituelle les documents qui nous ont été communiqués ; s'il les avait examinés, il aurait vu que les revenus du trésor public, au lieu d'augmenter, paraissent diminuer considérablement. (Interruption.)

C'est la question que je voulais examiner parce que, en définitive, nous ne sommes pas ici pour faire les affaires des étrangers.

L'honorable M. Frère dit : « La fortune des particuliers et l'intérêt du trésor public sont deux choses tout à fait différentes ; les particuliers peuvent s'enrichir, mais nous, nous sommes ici pour veiller aux intérêts généraux, aux intérêts du trésor public. »

Je vois, à la page 37, que l'on nous présente, pour les chemins de fer, postes et télégraphes, des augmentations de dépenses s'élevant au chiffre de 2,729,500 fr.

MtpVSµ. - C'est pour les lignes nouvelles. C'est pour la ligne de Bruxelles à Tournai, pour la ligne de Bruxelles à Louvain,, et pour la ligne de Braine le-Comte à Gand.

M. Dumortierµ. - Nous verrons cela tout à l'heure. Je continue mon argumentation.

Il y a donc une demande d'augmentation de 2,729,500 fr. et ce n'est pas tout : déjà, quand on vous a présenté le budget, on demandait une augmentation de dépenses de 1,200,000 fr. ; de telle sorte que les services dont il s'agit et que nous discutons principalement en ce moment, offrent une augmentation de dépenses réelles de 3,900,000 fr.

Examinons maintenant si nous aurons ces grands avantages dont on parle.

Dans le tableau que le gouvernement nous a remis, page 51, je vois que la part du Trésor était, il y a deux ans, de 16,400,000 fr. et qu'elle était, l'an dernier, de 16,900,000 fr. Maintenant, si de cette somme je déduis les 3,900,000 fr. d'augmentation de dépenses que je viens d'indiquer, j'arrive à ce résultat que le bénéfice net, au lieu d'être de 16,900,000 fr. n'est plus que de 13 millions.

On me dit que ces 3,900,000 fr. sont demandés pour les lignes nouvelles, qui nécessiteront de très grandes dépenses. Eh bien, messieurs, il n'en est rien ; une faible partie de ces 3,900,000 fr. reviendra aux lignes nouvelles ; elles n'exigent certainement pas 4 millions, et s'il en était ainsi, ce serait une chose extrêmement regrettable.

Il faut tenir compte aussi de ce que votre matériel est complètement détraqué, de ce que vos employés sont sur les dents ; ils ne pourront pas continuer le service, il leur est impossible d'y satisfaire, tous les services sont en retard, les petits paquets et même les télégrammes n'arrivent plus comme par le passé. II faudra donc qu'une grande partie de la somme soit employée à créer de nouveaux employés.

Maintenant, messieurs, j'ai toujours eu cette pensée, je sais bien que ce n'est pas celle de M. le ministre des travaux publics, mais il me permettra d'avoir la mienne comme je respecte la sienne.

J'ai toujours professé cette opinion que, lorsque l'Etat rendait aux particuliers des services que les particuliers ne pouvaient obtenir de l'industrie privée aux mêmes conditions, si l'Etat faisait un bénéfice, c'était tant mieux pour les finances publiques.

II y avait certainement quelque chose à faire, quand M. le ministre des travaux publics a introduit une réduction considérable dans le transport des grosses marchandises. Il rendait évidemment là un véritable service à l'industrie sans diminuer considérablement les recettes. Et pourquoi ? Parce que les grosses marchandises étant transportées en vrac, il n'y a pas de camionnage et que tout ce que le gouvernement reçoit lui est acquis. Mais quand on est arrivé aux petits paquets, il n'en a pas été de même ; il a réduit des 2/5 environ le revenu du trésor ; il a laissé la plus grande partie de là somme aux camionneurs et il en résulte que le trésor n'a presque plus rien.

Autrefois on expédiait les petits paquets d'une extrémité de la Belgique à l'autre, à raison de 50 centimes. Etait-ce trop ? Personne ne se plaignait. L'Etat payait le camionnage, et il lui restait un très beau bénéfice. Mais aujourd'hui sur les 30 centimes que l'on perçoit, dans beaucoup de localités, il y en a 20 pour les camionneurs, de manière qu'il n'en reste à l'Etat que 10.

Je comprendrais un pareil état de choses pour une administration comme celle de Van Gend qui a son camionnage et qui opère la remise à domicile à très peu de frais, mais quand l'Etat doit recourir à l'industrie privée pour la remise à domicile, il est évident que cette remise à domicile vient réduire considérablement les revenus du trésor.

Pour mon compte, je crois que c'est un grand danger que de se lancer dans un pareil système de réductions et si je fais ces observations c'est pour engager l'honorable ministre des travaux publics à la plus extrême prudence.

Je dois dire que si j'avais eu à opter, si une nouvelle réduction avait dû être faite après celle des grosses marchandises, j'aurais préféré la voir porter sur les voyageurs que sur les petites marchandises, et pourquoi ? Parce qu'il n'y a rien au monde de plus avantageux à l'Etat que le transport des voyageurs. Il ne faut pas de camionneur pour transporter le voyageur à la station. Arrivé à sa destination, le voyageur monté sur ses jambes s'en va seul. Tout ce que l'Etat a reçu demeure acquis comme pour les marchandises en vrac.

Veuillez remarquer, messieurs, qu'une partie des dépenses faites pour travaux publics est hypothéquée sur les excédants des budgets. Nous avons fait des anticipations de recettes considérables et si les recettes font défaut, comment marcherez-vous ? Tous vos travaux publics seront enrayés.

Je pense donc qu'il est impossible de mettre trop de prudence dans ces réductions que demandent les économistes, je le sais, mais qui ne font pas le compte du trésor public ni même des principes de l'économie politique.

Je crois, messieurs, que ce qu'il y avait de mieux à faire, c'était de s'en tenir à la première disposition prise pour les grosses marchandises.

Autrefois vous transportiez un petit paquet d'un bout à l'autre de la Belgique pour 50 centimes. C'était raisonnable. Le paquet était remis immédiatement à domicile. Mais maintenant par suite de la réduction à 30 centimes, les bureaux des stations sont tellement encombrés qu'aujourd'hui les paquets n'arrivant plus à destination que trois au quatre (page 340) jours après. II valait mieux payer 20 centimes de plus et avoir le paquet à temps.

M. de Naeyerµ. - Vous pouvez encore l'avoir à temps.

M. Dumortierµ. - Oui en doublant le prix du transport.

M. de Naeyerµ. - Non, en payant 50 centimes.

M. Dumortierµ. - Il est toujours certain que pour pourvoir à cet encombrement il est nécessaire de créer un personnel nouveau, car encore une fois les employés sont sur les dents.

J'ai entendu dire que certains machinistes étaient pendant une bonne partie de la semaine tenus 20 heures par jour.

Si un pareil état de choses se prolongeait, il constituerait un acte d'inhumanité. Le petit personnel est exténué ; il est temps d'alléger sa besogne et si vous alliez encore demander une nouvelle réduction des prix de transport, ce serait excessivement déplorable.

Il ne m'est pas démontré du reste que nous aurions encore un accroissement de recettes et je tiens beaucoup à conserver les excédants que nous avons. Le trésor en Belgique ne peut marcher qu'au moyen des excédants des chemins de fer. Le chemin de fer est devenu aujourd'hui par la bonne administration de l'honorable ministre des travaux publics, auquel je rends volontiers hommages une des meilleures branches de recettes du trésor.

J'ai d'autant plus de répugnance à diminuer les revenus, que l'on nous demande toujours des dépenses nouvelles.

Si l'on ne trouve pas les ressources dans les services que l'Etat rend au public, il faudra recourir à l'impôt, et c'est la pire des choses que de créer des impôts nouveaux.

Je pense que dans la Chambre, pas plus à gauche qu'à droite, on ne serait en disposition de voter de nouveaux impôts. Ceci, messieurs, me mène à vous dire deux mots de dépenses d'un autre ordre.

L'an dernier, nous avons voté des sommes considérables pour des travaux de diverses espèces. Nous avons voté des stations intérieures, et pour mon compte je donne volontiers mon vote à ces stations.

Il y a, messieurs, deux intérêts diamétralement opposés en matière de chemin de fer : l'intérêt de MM. les ingénieurs et de ceux qui tracent des chemins de fer et l'intérêt du public.

Ce à quoi nous devons veiller avant tout, c'est à l'intérêt des habitants, qui sont nos commettants.

Partout, en Angleterre, en Belgique surtout, le besoin de stations intérieures se fait sentir. D'abord comment a-t-on procédé dès l'origine à propos de stations ? Quand nous fîmes la loi des chemins de fer, le gouvernement adopta une ligne de conduite et se dit : Je conduirai les stations jusqu'aux abords des villes. Si une ville veut avoir une station à l'intérieur, elle fera la dépense que nécessite l'acquisition des terrains de sa station.

Plusieurs de nos villes ont consenti à faire cette dépense, principalement dans l'Ouest de la Belgique. Je pourrais citer Gand, Bruges, Tournai. J'ignore le chiffre de la dépense qu'ont faite les villes de Gand et de Bruges, mais Tournai a dépensé 200,000 francs pour avoir une station à l'intérieur.

D'autres villes, Liège notamment, ont refusé de faire cette dépense ; c'est ce qui explique qu'elles n'ont point eu, à cette époque, de stations à l'intérieur. Mais le temps a marché et depuis lors ces villes ont réclamé des stations intérieures. Ces stations sont indispensables ; aussi l'an dernier je me suis empressé de voter le chiffre demandé pour les stations intérieures à établir à Liège, Anvers, Gand, Ostende ; j'ai même appuyé de ma parole et de mon vote la demande d'une station intérieure pour la capitale.

Cette station qui n'est pas encore établie se fera un jour, car plus on éloigne les stations des villes, plus on appelle la nécessité de stations centrales. C'est ce qui arrive pour Liège. Or, alors que partout on crée des stations intérieures, j'ai vu avec une peine profonde que le gouvernement a pris un arrêté qui enlève à la ville de Tournai la station intérieure qu'elle possède et qu'elle a payée de ses deniers. Si le déplacement de la station s'accomplit, si la nouvelle station est placée à l'endroit indiqué dans le plan que j'ai vu à l'hôtel de ville de Tournai, il y a quinze jours, j'aurai le droit de dire que l'avenir industriel de Tournai est sacrifié. On ne pourrait pas, en effet, placer la station dans des conditions plus détestables.

La ville de Tournai se trouve à peu près dans la même position que Bruxelles ; d'un côté une colline, de l'autre une plaine avec un bras de l'Escaut. Il n'est pas possible d'établir des manufactures sur une colline, or la station que l'on veut créer à Tournai et qui n'a pas moins de mille mètres de longueur, va absorber l'unique terrain sur lequel la ville, peut s'étendre en manufacture. On supprime les remparts de la ville, mais après les avoir supprimés, on en crée d'autres plus infranchissables ; on établit une station de mille mètres de longueur ; on ferme deux portes principales de la ville qui n'auront plus même de communication directe avec l'extérieur ; on fera une troisième porte qui va se rouvrir par la démolition des fortifications.

Quant à la quatrième porte de la rive droite on y établira un chemin de fer à 200 mètres de la ville ; tout un côté de la ville aura des passages à niveau et se trouvera dans l'impossibilité de s'étendre.

Ces faits sont incontestables ; il suffit de jeter les yeux sur les plans pour en être convaincu.

Ce n'est pas tout. La station actuelle a le grand avantage d'être en rapport avec les rues les plus marchandes ; eh bien, on exproprie toutes les rues du passage de la station qui ferait leur prospérité ; et cela pour aller établir la station dans le voisinage de terrains vagues, de jardins maraîchers où l'on ne rencontre personne.

Par suite des travaux que l'on fait faire en ce moment, la station des voyageurs se trouve séparée de celle des marchandises, et cependant la station des voyageurs est beaucoup plus large qu'aucune station couverte de Belgique ; elle est plus large même que la station du Nord de Bruxelles, qui est la station la plus fréquentée de la Belgique entière. Ainsi Tournai a une station intérieure et on la lui enlève dans le moment précisément où l'on dépense des millions pour donner des stations intérieures aux autres villes. Je demande si cela est sérieux ; je demande si l'on peut admettre qu'une ville ait avantage à se voir enlever sa station intérieure.

Je n'ignore pas qu'un avis favorable au déplacement de la station a été donné par la majorité du conseil communal, mais je sais aussi que la Chambre a été saisie de nombreuses réclamations, de pétitions extrêmement fortes de la part d'un grand nombre d'habitants de Tournai.

Et à ce propos, je rappellerai à M. le ministre des travaux publics ce qu'il disait hier avec tant de raison : Il importe, disait-il, que le gouvernement soit d'accord avec le public en matière de travaux publics.

S'il en est ainsi, il faudrait bien tenir un peu compte des pétitions adressées par toute une population.

On n'exproprie pas les habitants d'une ville sans soulever des réclamations ; aussi je dois dire que quand les plans ont été déposés à l'hôtel de ville, il y a quelques jours, un grand mouvement s'est fait dans Tournai. Chacun se disait : Ce n'est pas possible, on ne peut exécuter ce plan ! Quelques-uns ajoutaient : Cela est d'autant moins possible qu'on exécute en ce moment à la station des travaux qui la rendront suffisante. D'ailleurs si elle est insuffisante, rien n'est plus facile que d'y porter remède. Que le gouvernement exproprie quelques parties de maisons, qu'il fasse une voie de raccordement entre la ligne de Bruxelles et la ligne de Gand ; une contre-courbe suffirait pour les trains qui ne devraient pas s'arrêter.

On éviterait ainsi une dépense considérable. Si vous voulez dépenser des millions, appliquez-les à Liège, à Anvers, à Louvain, appliquez-les dans les villes qui vous demandent des stations, mais ne prenez pas contre Tournai une disposition qui met cette ville dans l'impossibilité absolue de s'étendre, car les noms de ceux qui auront pris cette disposition seront un jour un objet d'exécration pour la population. Pourquoi donc ne propose-t-on pas de mettre hors de la ville la station de Gand ? Si une station peut être déplacée, c'est bien la station de Gand ; noter bien que je ne la demande pas...

Mais je me sers de cet exemple : Si le déplacement d'une station était nécessaire, ce serait le déplacement de la station de la ville de Gand. Car, remarquez-le, cette station est éloignée de 2,000 à 3,000 mètres du point de jonction des deux lignes ; par conséquent, il y a là une cause de retard, et de retard considérable. Eh bien, que M. le ministre des travaux publics propose à la ville de Gand de faire pour cette ville ce qu'il fait pour Tournai, et je voudrais bien savoir si notre honorable collègue, bourgmestre de Gand, approuverait cette proposition. Il connaît trop bien les intérêts de sa ville natale, je lui rends cet hommage, pour admettre une pareille proposition. Il comprend trop bien l'importance des stations intérieures, et il aurait parfaitement raison.

Je supplie donc, par tout ce que je puis avoir de plus fort au monde, M. le ministre des travaux publics de ne rien précipiter dans cette question. Je l'adjure, au point de vue des intérêts tournaisiens, de ne rien faire avant de s'être parfaitement renseigné sur tous les conséquences de sa décision.

Comment ! c'est au moment où nous avons deux députés de Tournai sur le banc ministériel que l’on viendra ainsi exproprier notre ville.

(page 341) - Un membre. - Ils ne sont pas présents.

M. Dumortierµ. - Peu importe ; ils sont au ministère ; et c'est alors que l'on viendrait priver la ville de Tournai de sa station intérieure, station qu'elle a payée. Et lorsque vous aurez changé la station, rembourserez-vous à la ville de Tournai les 200,000 fr. qu'elle a payés ? Car, remarquez-le bien, si vous invoquez la résolution du conseil communal de Tournai, cette résolution est subordonnée au remboursement des 200,000 fr. que la ville a payés. Les rembourserez-vous ? Et si vous ne les remboursez pas, pourquoi ne pas laisser la station où elle est ?

Encore une fois, avec le quart de la somme que l'on veut dépenser on peut laisser une station intérieure à la ville de Tournai comme aux autres villes.

Cette question, je le répète, est immense pour la ville de Tournai. Car cette ville ne peut s'agrandir en manufactures que d'un seul et unique côté, celui qui se trouve près du bras de l'Escaut. La ville peut avoir des manufactures de ce côté parce qu'on y trouve de l'eau et l'industrie a besoin d'eau pour vivre. Cette station de 1,000 mètres d'étendue vient donc prendre la place, l'unique place où l'industrie peut se développer.

- M. le ministre de la justice entre dans la salle.

M. Dumortierµ. - Je vois avec plaisir entrer l'honorable M. Bara. Il sait fort bien que beaucoup de pétitions sont arrivées à la Chambre pour demander le maintien de la station actuelle de Tournai, et il doit savoir que la population s'occupe beaucoup de cette affaire.

Messieurs, ce n'est pas tout, en laissant la station où elle est, on pouvait faire des travaux pour canaliser la petite rivière et pour rendre un service immense à l'Escaut. cette canalisation de la petite rivière, ce canal de ceinture, le gouvernement était d'autant plus en droit de le faire qu'il a fait la même chose pour la plupart des villes qui se trouvaient dans une situation semblable, et sans avoir les mêmes motifs. Le gouvernement a créé des canaux de ceinture à Ath, à Ypres ; à Mons, il a fait un vaste bassin. Partout on a utilisé la démolition des fortifications pour faire des ouvrages hydrauliques favorables à l'industrie.

Le gouvernement a les fonds nécessaires ; ces fonds sont votés depuis trois ans. Un million et demi se trouve encore en caisse, dont le gouvernement pouvait disposer pour canaliser la petite rivière et il arrivait à ce résultat que les terrains, qui sont aujourd'hui en dehors des murs, devenaient disponibles pour l'industrie, que des fabriques pouvaient s'y établir.

Au lieu de cela, qu'ai-je entendu ? Je ne sais si je suis bien informé, mais si ce qui m'a été dit est exact, un autre préjudice serait sur le point d'être porté à la ville de Tournai.

Au lieu de faire pour Tournai ce qu'on a fait pour Ath, pour Ypres, pour Mons, pour plusieurs autres villes, au lieu d'établir un canal de ceinture, il serait question d'établir un bassin à une demi-heure de Tournai, de manière que tous les avantages que celle-ci pouvait obtenir vont lui échapper, et que tandis qu'on aura rendu des services considérables aux autres villes, on aura détruit tout l'avenir de Tournai.

Encore une fois, j'adjure l'honorable ministre, par tout ce que j'ai de plus cher au monde, de ne pas décider une pareille question sans s'être bien enquis de l'esprit de la ville de Tournai. Je ne parle pas de la résolution de la majorité du conseil communal qu'on m'objectera. Car si j'avais à disséquer cette résolution, en un seul mot j'aurais qualifié une décision par laquelle on est venu dire que le centre d'un cercle est en dehors de ce cercle. Il suffit d'énoncer une pareille affirmation pour qu'elle soit condamnée ; et c'est ce qu'on est venu affirmer lorsqu'on a dit qu'une station établie en dehors des murs d'une ville était une station centrale. Que M. le ministre examine ce seul argument et il verra ce que c'est que cette décision du conseil communal de Tournai.

En général, messieurs, ces questions de déplacement de station ne sont souvent rien autre que des questions d'intérêt privé, et l'intérêt privé joue ici un rôle plus grand qu'on ne pense.

Messieurs, croyez-vous que les populations dont on va exproprier le commerce par ce déplacement de la station seront satisfaites ? Mais si vous transportiez le mouvement de la population de Bruxelles, de la rue de la Madeleine et de la Montagne de la Cour, dans le bas de la ville, le quartier de la place Saint-Géry (et c'est quelque chose du même genre qu'on veut faire à Tournai), pensez-vous que les habitants de ces localités en seraient heureux, qu'ils vous adresseraient des félicitations ? Non, vous auriez des réclamations considérables, et ce sont ces réclamations qu'on entend aujourd'hui à Tournai.

Il y a une autre question très importante : c'est celle de savoir s'il sera possible de raccorder le chemin de fer d'Anvers à Tournai avec le plan qui est présenté aujourd'hui pour le déplacement de la station. Ce qu'il y a de certain, c'est que la ligne venant de Renaix tombe perpendiculairement sur le flanc de cette station, de manière que l'on ne pourra y entrer et en sortir qu'en faisant une courbe considérable et au moyen d'une voie nouvelle établie aux portes de Tournai. Ainsi la moitié de la ville de Tournai aura une voie de chemin de fer établie à l'entrée de ces portes.

Vous déplacez la station de Tournai, parce que vous dites qu'elle entrave la circulation et dans le même moment vous venez entraver par des lignes ferrées la circulation aux portes de la ville. Cela n'est pas raisonnable. Il faut être conséquent, et j'engage fortement M. le ministre des travaux publics qui connaît très bien cette question, à résister fortement à la demande qui lui est faite. Qu'il s'informe de l'esprit de la population de Tournai ; qu'il jette les yeux sur les pétitions que la Chambre a renvoyées à son départemental il verra que la population sérieuse est contraire à ce système, et lui est contraire, parce qu'elle y voit l'avenir de la ville compromis pour toujours, car le jour où vous aurez supprimé les murs de Tournai pour établir une station de 1,000 mètres de largeur, à 100, 150 ou 200 mètres de ces murs, la ville ne pourra plus s'agrandir en manufactures ; cette ville, une des plus manufacturières de la Belgique, sera frappée d'une stérilité permanente, et cela par le fait de cette station.

J'engage donc M. le ministre des travaux publics à examiner ces deux questions. Il ne sera pas dit, alors que la ville de Tournai compte deux représentants sur les bancs du ministère, il ne sera pas dit qu'on causera à cette ville un tel préjudice, dans un moment surtout où nous voyons toutes les villes de la Belgique qui n'ont pas de station intérieure, en obtenir une ou du moins avoir la promesse d'en recevoir une ; vous faites de grands travaux pour Liège, pour Anvers, pour Gand, pour une foule d'autres villes encore ; n'allez donc pas enlever à la ville de Tournai ce qu'elle possède maintenant, ce qu'elle a elle-même payé ; ne lui enlevez pas la station intérieure ; ne lui enlevez pas le bénéfice de la navigation.

(page 345) M. Van Iseghemµ. - Messieurs, l'administration du chemin de fer avait jusqu'ici transporté aussi le poisson frais par les trains ordinaires de voyageurs au prix du tarif n°2. L'honorable ministre a annoncé hier l'intention de retirer cet avantage, qui avait été accordé jusqu'ici au transport du poisson frais.

Voici ce que contient le règlement qui accompagne le tarif pour les transports intérieurs.

« Art. 11. Les huîtres, le poisson frais et la levure sont expédiés aux prix et conditions du tarif n°2, à moins que l'expéditeur ne demande sur la lettre de voiture l'application des prix et conditions du tarif n°1 ou du tarif n°3 petite vitesse. »

II y a donc pour ces marchandises une position acquise.

Messieurs, nous sommes à une époque où le gouvernement est entré largement dans la voie de la réduction des tarifs, et c'est précisément ce moment que l'honorable ministre choisit pour nous annoncer que la faveur dont jouissaient quelques transports de poisson frais va leur être retirée.

On nous a dit qu'en supprimant la prime pour la pêche, on accorderait des compensations à cette malheureuse industrie : c'est une mesure diamétralement contraire que M. le ministre des travaux publics a l'intention de prendre.

Par suite de cette décision, le prix du transport du poisson frais par train ordinaire de voyageurs sera augmenté, il est vrai qu'hier M. le ministre des travaux publics nous a dit que le poisson serait expédié à meilleur marché et plus vite pour quelques destinations qu'en ce moment ; mais comme le discours de l'honorable ministre n'est pas aux Annales parlementaires de ce matin, il m'est très difficile de répondre à cette partie de son discours.

Cependant je me suis livré à des calculs et je vais vous en dire les résultats.

Voici le tarif et les distances. Je prends la distance la plus grande entre le littoral et l'extrémité du pays.

D'Ostende à Verviers il y a 48 lieues, et le prix du tarif n°2 est de fr. 4-12 par 100 lui., tandis que si on prend le tarif n°1 express, 10 c. prix uniforme par kil., le transport coûtera 10 fr., soit une augmentation de fr. 5-88 par 100 kil.

Maintenant voyons les exportations d'Ostende sur Liège et Bruxelles.

Sur Liège 43 lieues fr. 3-92 au lieu de 10 fr., différence fr. 6-08, et sur Bruxelles 26 lieues fr. 2-88, différence fr. 7-12.

Je sais, messieurs, que pour le camion de marchandise qui part le soir, il n'y aura aucun changement, ni pour les tarifs internationaux, et que la plus grande partie du poisson part le soir, mais il y en a aussi qui est expédié le matin et à midi, et c'est pour ces expéditions qu'il y aura une augmentation considérable.

Du reste, je serais très heureux si M. le ministre des travaux publics pouvait me donner la conviction que, par le nouveau système, il y aura avantage pour le transport du poisson frais.

Mais, si, comme c'est mon opinion, le nouveau système rendra plus onéreux le transport du poisson frais, et si le prix de cette denrée doit, par suite, renchérir, les consommateurs crieront de nouveau que le poisson est trop cher, et alors l'honorable M. Julliot aura de nouveau l'occasion de dire que les Ostendais plument les consommateurs. J'ai protesté immédiatement contre ces paroles et je le fais de nouveau en ce moment. Qui gagnera maintenant par la nouvelle mesure ? Ce sera l'intermédiaire, et c'est en grande partie le consommateur qui payera l'augmentation ; le pêcheur y perdra aussi.

Pour ma part, je prie instamment M. le ministre des travaux publics de ne pas donner suite à la mesure qu'il a l'intention de prendre, et de conserver à l'industrie de la pêche cette faible compensation dont elle jouit maintenant.

En France, on accorde à cette industrie d'autres faveurs : le poisson frais transporté par le chemin de fer du Nord, quand il arrive des ports français, paye moins, par kilomètre, que celui qui vient de l'étranger. Voilà des faveurs nouvelles. Ajoutez à cela les droits de douane et voyez comment nous sommes traités en France. La chambre de commerce d'Ostende a prié M. le ministre des travaux publics de vouloir bien faire des démarches auprès de la compagnie du Nord pour faire disparaître ce tarif différentiel.

Un honorable député de Liège, M. Braconier, a parlé hier du transit. Je crois que le transit procure un certain bénéfice au pays ; s'il n'en était pas ainsi, je ne comprendrais nullement pourquoi la Hollande et la France font tant d'efforts pour nous enlever ce commerce. En Hollande, on fait les plus grands sacrifices pour le conserver ; sur le Rhin, on a supprimé le droit fixe et les péages ; c'est bien une preuve que le transit procure quelques avantages au pays, même avec le tarif actuellement en vigueur. On a beaucoup de peine à conserver ces transports, et le tarif procure encore du bénéfice à l'Etat.

Messieurs, le transit est nécessaire pour donner un certain mouvement aux ports de mer. Toutes les marchandises qu'on transporte en transit ne sont pas similaires à celles que la Belgique produit.

Pour le marché d'Anvers, par exemple, les marchandises transportées en transit sont très nécessaires. Il arrive qu'une partie d'une cargaison est vendue pour l'étranger et expédiée en transit, si vous augmentez le tarif de transport, les négociants allemands donneront par préférence leurs ordres en Hollande.

Des services réguliers de bateaux à vapeur sont établis sur les affaires de transit ; si l'on fait en sorte d'écarter ces marchandises du pays, le commerce indigène aura une occasion en moins de recevoir les marchandises dont il a besoin.

Pour l'exportation des marchandises, la même chose se présente.

Aussi, il arrive que nos industriels n'ont pas assez de marchandises pour charger entièrement un navire. Si l'on obtient de l'étranger des produits pour remplir le bâtiment, l'expédition devient possible, et nos industriels trouvent par conséquent une occasion d'exécuter les ordres qu'ils ont reçus.

Je bornerai là mes observations, et j'espère, répèterai-je en terminant, que M. le ministre des travaux publics me donnera une réponse satisfaisante, en ce qui concerne la mesure dont il veut frapper le poisson frais.

(page 341) M. Hymansµ. - Messieurs, j'ai écouté, avec un vif plaisir, le discours de M. le ministre des travaux publics. J'ai été, comme toute la Chambre, séduit par le charme de sa parole, et néanmoins je dois dire qu'il ne m'a pas convaincu sur tous les points, et entre autres sur le point spécial dont l'honorable M. Van Iseghem vient de dire quelques mots.

M. le ministre des travaux publics, en annonçant hier la modification qu'il allait introduire relativement à cet objet, disait que cette réforme se ferait à ma grande satisfaction.

C'est une erreur : j'ai éprouvé, en entendant la déclaration de l'honorable ministre, une satisfaction tout à fait négative. Je n'avais pas demandé qu'on supprimât la faveur accordée au poisson frais : je ne comprenais pas la raison pour laquelle on refusait une faveur égale à d'autres articles analogues, tels que la viande fraîche, le gibier, la volaille. M. le ministre des travaux publics me répond en me déclarant qu'il supprimera la faveur accordée au poisson, et il en conclut que je dois me tenir pour satisfait.

C'est le cas de dire : Summum jus, summa injuria.

Le poisson jouissait d'une faveur parfaitement justifiée ; j'en réclame l'extension à d'autres denrées similaires ; si j'avais pu supposer qu'on l'enlèverait au poisson, pour ne pas l'accorder à la viande, je n'aurais, certes, pas fait une interpellation ; et j'aime à croire que ce n'est pas elle qui a engagé M. le ministre des travaux publics à prendre la décision.

MtpVSµ. - Vous voulez l'égalité dans le privilège.

M. Hymansµ. - Je demande l'égalité, et, je crois, avec raison... (interruption) l'égalité relative. De tout temps on a accordé des faveurs aux denrées alimentaires qui se détériorent facilement.

Cette faveur n'a jamais paru un privilège à personne, attendu qu'elle était accordée dans l'intérêt de tout le monde, dans l'intérêt du consommateur. Et si nous ne vivions pas aujourd'hui sous le régime de la trêve des partis (interruption), s'il m'était permis de faire une petite digression politique à propos de ce détail, je dirais que dans cette question du poisson le ministère n'est pas tout à fait homogène. En effet, l'honorable ministre des affaires étrangères fait des efforts, dont le pays doit lui savoir gré, pour arriver à amener une diminution du prix du poisson, pour stimuler en même temps la production ; il a institué une enquête â cet effet, et au moment où il prend ces mesures, M. le ministre des travaux publics, agissant dans un sens tout à fait contraire, veut augmenter le tarif de transport du poisson. Cela n'est évidemment pas logique.

(page 342) L'honorable ministre nous a dit que le transport de ces colis était une cause de retard pour les trains. Il y a certes d'autre causes de retard que celle là.

L'année dernière, c'était la cloche ; aujourd'hui, c'est le poisson. On parle des transbordements. Mais si l'on admet le poisson dans les trains express, y aura-t-il des transbordements ? Là où les trains ne s'arrêtent pas, il n'y a pas de transbordements à faire, et si l'on n'a pas d'autre objection que celle-là, il sera facile de la prévenir en n'admettant ces colis que pour les grandes distances.

On n'aura pas de transbordements à faire dans les stations intermédiaires et l'on rendra service au public par la rapidité du transport, là où elle est le plus nécessaire.

L'argument n'est donc pas péremptoire. Comme l'honorable M. Van Iseghem, je n'ai pas parfaitement saisi l'avantage que l'honorable ministre nous a promis, en disant que le poisson serait expédié à meilleur marché qu'autrefois.

Quoi qu'il en soit, du reste, je crois impossible que la mesure annoncée par l'honorable ministre soit longtemps maintenue.

Je crois que les réclamations du public l'obligeront avant peu à revenir sur la rigueur qu'il nous a annoncée.

Passant à un autre point, je prends acte avec plaisir de la déclaration que M. le ministre a faite hier au sujet de la façon dont il interprète le règlement des employés, en ce qui concerne le concours des employés inférieurs avec ceux qui possèdent un diplôme. Je suis heureux de cette déclaration, parce que j'avais des raisons de craindre que tout le monde n'interprétât point le règlement dans le même sens que M. le ministre. Je le remercie donc de sa déclaration.

Deux mots, messieurs, sur la question des timbres-poste.

Je rends hommage aux efforts que M. le ministre des travaux publics a faits pour doter la Belgique d'un timbre-poste convenable. Ces efforts n'ont malheureusement pas abouti.

M. le ministre nous dit, et il a raison de nous le dire, car il en a la preuve en main, que le coin qu'on a fabriqué en Angleterre est parfait, mais que l'on ne sait pas imprimer les timbres-poste en Belgique. Or, on m'assure que la Hollande fait imprimer ses timbres-poste en Belgique.

M. Jamarµ. - Elle les a fait graver ici.

M. Hymansµ. - J'avais compris qu'elle les faisait aussi imprimer chez nous, et je n'insiste pas sur cette observation. Mais je demande la permission de dire à la Chambre que la perfection du coin n'est pas une garantie de la bonté de l'impression. Ce n'est pas sur le coin que l'on imprime : on ne tire pas un timbre à la fois, mais une feuille de deux ou trois cents timbres, et cela sur des clichés qui peuvent être défectueux.

Je demande pardon à la Chambre d'insister sur ce point, mais comme nous allons avoir un nouveau timbre à fabriquer à l'effigie de Léopold II, je désire qu'on prenne toutes les mesures pour faire en sorte qu'il soit convenable et que l'on puisse l'exécuter en Belgique.

Les explications de M. le ministre des travaux publics ont convaincu la Chambre qu'il avait usé de tous les moyens en son pouvoir pour arriver à un résultat excellent. Je dois cependant lui faire observer qu'il y a eu quelque chose d'irrégulier dans la manière dont le concours a été, Sinon établi, tout au moins jugé.

M. le ministre nous dit que dix ou douze graveurs ont été admis à un concours et qu'ils ont tous fabriqué des timbres ridicules. Je veux bien le croire, j'ai grande confiance dans le goût de l'honorable ministre, et je suis persuadé que s'il nous dit que ces timbres-poste sont ridicules, ils le sont en effet. Mais, en général, lorsqu'on institue un concours, on nomme un jury ; ce jury fait un rapport et l'on donne au public les éclaircissements nécessaires pour qu'il soit à même de juger ce qui s'est passé. Je regrette qu'il n'en ait pas été ainsi dans cette circonstance.

Messieurs, à propos de l'hôtel des postes à Bruxelles, M. le ministre a déclaré que l'insuffisance du local était depuis longtemps reconnue, et en vérité, il eût été difficile de le contester. Cette insuffisance devient tous les jours plus notoire ; et pour ne citer qu'un fait, depuis qu'on a organisé un service de petites malles qui voyagent à travers la ville, afin de servir plus rapidement les bureaux des faubourgs, on est obligé de faire stationner ces voitures vis-à-vis de la Banque Nationale dans un angle de l'église Sainte-Gudule, faute d'espace dans l'hôtel des postes.

Celui-ci est situé dans un des endroits les plus dangereux de Bruxelles au point de vue de la circulation. Il est à ma connaissance que l'administration communale a plus d'une fois appelé l'attention de l'administration sur ces dangers.

M. le ministre des travaux publics me répond que le retard qu'on apporte au déplacement de l'hôtel des postes dépend en partie de la ville de Bruxelles.

MtpVSµ. - Non ! non !

M. Hymansµ. - J'ai cru entendre que la solution de la question dépendait de la ville de Bruxelles, qu'elle avait proposé au gouvernement de placer la poste dans le local futur d'une Bourse, dont la construction aura peut-être lieu aux calendes grecques.

J'ai alors interrompu M. le ministre en lui disant qu'il y avait à Bruxelles un local qui répondait admirablement aux besoins de la situation.

C'est l'hôtel des Monnaies.

MfFOµ. - Où mettriez-vous l'hôtel des Monnaies ?

M. Hymansµ. - Permettez-moi d'abord d'indiquer les immenses avantages de cet emplacement pour un hôtel des postes. L'hôtel des Monnaies est situé au cœur de la ville ; il est sur une place ; il est entre les deux grandes artères qui mènent l'une à la station du Midi, l'autre à la station du Nord. Il est situé à côté de la Bourse, c'est-à-dire que l'on pourrait, en établissant là le bureau central des postes, établir un guichet du côté de la Bourse, de telle sorte que les négociants pourraient, comme à Anvers, recevoir les dépêches en Bourse et y répondre. Le bureau centrai des télégraphes serait là dans d'excellentes conditions.

Mais, disait hier l'honorable ministre des travaux publics, l'hôtel des Monnaies est occupé et son propriétaire s'y trouve bien ; le propriétaire, messieurs, c'est l'Etat et je suis d'avis que l'Etat, ayant à Bruxelles une propriété magnifique pour y placer un service de première nécessité, ne doit pas hésiter à l'y transférer, au lieu de faire servir ce local à l'exercice d'une industrie qui peut s'exercer partout, et n'a pas besoin de se trouver au centre de la ville.

L'hôtel des postes est un établissement en relation constantes avec le public, tandis que je serais fort curieux de savoir quelles sont les personnes que leurs affaires mettent en relation quotidienne et permanente avec l'hôtel des Monnaies.

Je suis persuadé d'ailleurs que ce déplacement aura lieu, et mes observations n'ont d'autre but que de hâter le moment.

Les terrains de l'hôtel des postes ont une valeur considérable.

MfFOµ. - Cela a été examiné.

M. Hymansµ. - On examinera encore, et je suis intimement convaincu qu'on arrivera au résultat que j'ai l'honneur d'indiquer. Ce n'est pas la première fois qu'on aura fait des choses qu'on déclarait impossibles, et si l'on voulait faire la liste des choses impossibles qui ont été réalisées, plus tôt même qu'on ne l'espérait, elle serait longue.

Mais il n'y a pas très longtemps, quand nous réclamions l’établissement de bureaux de postes dans les faubourgs, M. le ministre des travaux publics nous disait : C'est impossible.

MtpVSµ. - Impossible avec les ressources dont on disposait alors.

M. Hymansµ. - Les ressources sont venues, elles viendront aussi pour le déplacement de l'hôtel des postes.

Vous reconnaissez l'insuffisance de l'hôtel actuel des postes ; elle est incontestable ; vous voudriez bien trouver le moyen de le transporter ailleurs : je vous indique un emplacement, vous n'en voulez pas ; prenez-en un autre, mais ne laissez pas les choses dans l'état déplorable où elles se trouvent.

A propos des réformes qui nous ont été annoncées dans l'exploitation des postes et des chemins de fer, j'appuie vivement l'observation présentée tout à l'heure par l'honorable M. Dumortier au sujet du personnel. L'honorable M. Dumortier disait que, dans une partie de l'exploitation, le personnel est surchargé de besogne ; cela est aussi vrai pour les postes que pour les chemins de fer. Tout en remerciant M. le ministre de son intention d'établir, dans les grands centres, sept distributions au lieu de cinq, j'émets le vœu que cette réforme ne s'accomplisse point sans une augmentation correspondante du personnel. Le personnel est insuffisant déjà aujourd'hui.

MtpVSµ. - Cela est évident.

M. Hymansµ. - Non seulement il est insuffisant, mais il n'est pas suffisamment rémunéré, et les employés infimes sont soumis à des charges exorbitantes sur lesquelles j'appelle l'attention de la Chambre. Un facteur rural paye autant qu'un fonctionnaire pour l'enregistrement de son serment, c'est-à-dire 32 fr. 30 centimes, plus le timbre ; de plus, (page 343) on lui fait la retenue de la moitié du premier mois de traitement, au profit de la caisse des veines et des orphelins, puis une retenue pour la masse d'habillement. Je le répète, cela est exorbitant.

Sous le gouvernement hollandais, les employés dont le traitement était inférieur à 300 florins avaient droit à l'enregistrement gratuit de leur serment ; or, 300 florins d'alors représentent évidemment 600 florins aujourd'hui. Je demande au gouvernement s'il ne serait pas éminemment juste de dégrever les petits employés de l'Etat de cette charge exorbitante. (Interruption.) M. Vleminckx me fait observer que les officiers ne payent pas l'enregistrement de leur serment. Je crois que les employés des autres services ont des droits évidents à la même dispense et j'appelle sur ce point la bienveillante attention du gouvernement

M. Moutonµ. - Messieurs, je désire répondre quelques mots au discours prononcé par M. le ministre des travaux publics dans l'avant-dernière séance, au moins en ce qui concerne les points que j'ai touchés.

Si j'ai bien compris l'honorable ministre, dans les observations qu'il a présentées à la Chambre au sujet de la station de Chênée, il m'a paru qu'il faisait entendre qu'elle arrivait en seconde ligne parmi les stations du réseau qui doivent être agrandies et améliorées.

Pour ma part, je considérerais cette détermination comme regrettable pour le commerce et l'industrie de ces localités.

Je croyais avoir démontré par des chiffres l'importance du mouvement de cette station (il a été de 36,000 tonnes pour l'année 1864), et cette importance, mise en regard des inconvénients sérieux que j'avais signalés, était de nature, selon moi, à militer en faveur d'un agrandissement immédiat, au même titre que la plupart des stations qu'on fait figurer en première ligne.

J'insiste d'autant plus, messieurs, que déjà l'an dernier l'honorable ministre nous avait laissé espérer que l'on mettrait la main à l'œuvre et que des travaux y seraient effectués dans le courant de l'année.

Si l'on doit attendre que tous les besoins urgents aient été satisfaits, s'il faut que de nouveaux crédits complémentaires soient votés pour que la station de Chênée soit pourvue de ce qui lui manque aujourd'hui, cet ajournement, je le répète, sera extrêmement préjudiciable au commerce.

J'engage donc M. le ministre à peser de nouveau les considérations que j'ai eu l'honneur de faire valoir. Je suis convaincu qu'il reconnaîtra qu'elles sont bien fondées et appellent une prompte solution,

En ce qui concerne les bâtiments de station de la ligne concédée de Liège à Namur, j'avoue que je ne partage pas la confiance de l'honorable ministre dans le bon vouloir de la compagnie du Nord.

Si, comme il nous l'a dit, cette compagnie poursuit graduellement son système de reconstruction des stations, elle procède avec une telle lenteur que, pour la partie de sa ligne située sur le territoire belge, on ne s'est aucunement aperçu de son désir de modifier l'état de choses actuel. (erratum, page 356) On craint même, et non sans raison, que le provisoire ne devienne définitif au mépris d'une disposition formelle du cahier des charges de sa concession.

Le gouvernement a les pouvoirs nécessaires pour l'obliger à remplir ses engagements ; ces pouvoirs il les puise dans la combinaison des articles 9, 30 et 41 de la convention et j'espère qu'il en usera si la compagnie persiste dans son inaction.

Quant au projet de chemin de fer de ceinture à Liège, je me joins à mon collègue et ami M. Braconier pour prier l'honorable ministre de hâter autant que possible l'examen du contre-projet qui lui est soumis et l'instruction complète de toute cette affaire qui présente un intérêt capital pour nos populations.

M. Van Overloopµ. - Messieurs, s'il y a lieu d'être satisfait de ce que l'honorable ministre a dit au sujet de l'assainissement des polders dont j'ai exposé au gouvernement les réclamations, que l'honorable M. Vleminckx a si vivement appuyées, il n'en est pas de même de ce qu'il a dit au sujet du Moervaert, dans sa réponse aux honorables MM. Lippens et Debaelt ; ni surtout de ce qu'il m'a répondu au sujet de la Durme.

Quant au canal du Moervaert, je me borne à faire des réserves.

J'avais, messieurs, en ce qui concerne la Durme, demandé de faire étudier par le gouvernement quels sont les travaux à exécuter à ce cours d'eau, au point de vue de la facilité de la navigation, au point de vue de la restitution ou plutôt de l'attribution à la culture d'une grande quantité de terres d'excellente qualité, et enfin au point de vue de l'amélioration des terres maigres qui sont en amont de Lokeren, et qui pourraient être considérablement améliorées au moyen des eaux grasses de l'Escaut, que la rectification de la Durme permettrait d'amener dans ces contrées.

La réponse de M. le ministre est, en apparence, excessivement simple ; il s'est contenté de nous dire que la Durme. est la propriété de la province de la Flandre orientale, et que, par conséquent, l'Etat n'a pas à s'en occuper.

C'est là une réponse qui, si elle était vraie, serait catégorique. Malheureusement pour cette thèse, l'honorable ministre a été complètement induit en erreur, selon moi, quant à la question de propriété de la Durme.

Qu'est-ce que la Durme ? Il suffit de jeter les yeux sur la carte du pays pour s'assurer que la Durme est tout simplement un bras de l'Escaut, fleuve qui se divise, à Thielrode, en deux branches, dont l'une remonte vers Lokeren et dont l'autre se dirige vers Gand.

La Durme est de plus un cours d'eau qui de tout temps a été navigable et flottable ; à ce titre de cours d'eau navigable et flottable, c'est même l'Etat qui y afferme le droit de pêche.

La Durme est donc bien, aux termes du Code civil et de par l'exercice du droit de pêche, la propriété de l'Etat.

Chose remarquable ! quand on s'adresse à la province, la province répond : La Durne est la propriété de l'Etat ; quand on s'adresse à l’Etat, l'Etat répond : La Durme est la propriété de la province.

C'est ainsi que depuis 30 ans rien n'a été fait à la Durme, si ce n'est un barrage exécuté en 1853 à Dacknam, pour la somme de 58,000 fr. alors cependant que, sur tous les points du pays, le département des travaux publics a fait exécuter des travaux énormes aux frais de l'Etat.

Mais pourquoi l’Etat refuse-t-il d'entretenir la Durme ?

Vous vous rappelez tous, messieurs, qu'en vertu d'un arrêté du 17 décembre 1819, le gouvernement de cette époque a confié aux provinces, non pas la propriété, que l'honorable ministre veuille bien le remarquer, mais l'administration et la direction de la généralité des rivières navigables et des canaux du pays.

La propriété restait à l'Etat.

A partir de cette époque jusqu'à la révolution, l'Etat, le gouvernement central, pour mieux dire, n'a eu que l'administration de trois canaux dans la partie méridionale du Royaume.

Mais, à dater de 1830, le gouvernement a adopté un nouveau principe, le principe de la centralisation de l'administration des grands cours d'eau du pays.

C'est en conséquence de ce principe qu'il a successivement racheté quatre canaux, le canal de la Sambre, le canal de Charleroi, celui de Mons à Condé et la Petite-Nèthe canalisée. C'est encore en vertu de ce même principe que l'Etat a repris l'administration de 12 voies navigables sans indemnité : en 1840, l’Etat a repris l'administration de l'Escaut, de la Lys et de la Meuse ; en 1841, celle de la Dendre, du Demer, de Rupel et de laDyic ; en 1844, celle du canal de Mons à Condé, de la Trouille et de la Haine ; en 1846, l'administration du Moervaert ; enfin, en 1854, l'administration de l'Yser, de la Grande-Nèthe, du canal de Plasschendaele et Nieuporr, par Furnes, vers la France.

Il y a plus, le gouvernement s'est même chargé de canaliser la Mandel, cours d'eau tellement insignifiant, dit-on, qu'on ne l'aperçoit pas même lorsqu'on se promène aux environs de Roulers à l'époque des hautes herbes.

M. Rodenbachµ. - Si vous ne l'avez pas vue, c'est que vous n'y avez pas été.

M. Van Overloopµ. - Enfin, toutes les rivières navigables, disent les Annales des travaux publics de 1854, publiées par le gouvernement, sont aujourd'hui administrées par l'Etat ; la Durme seule ne l'est pas. Pourquoi ? Je ne sais ; mais cet état de choses doit cesser, car cette rivière est dans une situation déplorable. Ou bien l’Etat doit reprendre la Durme et la remettre en bon état, ou bien l'Etat doit, en vertu des pouvoirs que le roi Guillaume s'est réservés dans l'arrêté du 17 décembre 1819, imposer à la province l'obligation de remettre cette rivière en bon état. Il n'y a pas de milieu.

Quant à moi, je suis d'avis que l'Etat doit en reprendre l'administration.

Je voudrais bien savoir pourquoi ce cours d'eau a fait jusqu'ici exception au principe de centralisation adopté, depuis 1830, pour le régime hydraulique du pays ; je voudrais bien savoir pourquoi l'Etat administrerait la branche de l'Escaut allant de Thielrode à Gand, et abandonnerait l'administration de la branche se dirigeant vers Lokeren.

Il est incontestablement juste de ne pas laisser à la charge de la province de la Flandre orientale, un cours d'eau appartenant à l'Etat, alors qu'on ne laisse pas à la charge d'autres provinces des cours d'eau qui (page 344) même n'appartiennent pas â l’Etat. Ainsi, l'Etat a repris l'administration de la Trouille, qui arrose la province de Hainaut, bien que ce cours d’eau ne fût pas sa propriété : pourquoi n'en agit-il pas de même à l'égard de la Durme ? Je ne puis me rendre compte de cette différence de traitement. Tout cela se fait cependant sous un régime qu'on appelle d'égalité. Il me semble qu'il n'y a pas la moindre égalité dans la manière de procéder du gouvernement vis-à-vis de la Durme.

Je comprends d'autant moins que l'Etat ne fasse rien pour la Durme, qui est, je le répète, sa propriété, qu'il contribue, depuis plusieurs années, par des subsides, à l'amélioration d'un cours d'eau qui n'est pas sa propriété, je veux parler de la Senne. Dans les budgets de 1853-1854, 1855-1856, 1857, 1859-1860, nous trouvons une allocation pour travaux d'amélioration à la Senne. Or, personne n'a jamais soutenu que la Senne fît partie du domaine national. A coup sûr, elle n'est pas navigable.

Une étrange conséquence qui résulte de l'attitude du gouvernement vis-à-vis de la Durme est celle-ci : en amont de Lokeren, l'Etat est propriétaire du Moervaert, qui se jette dans la Durme ; en aval de Lokeren à Thielrode, la Durme a son embouchure dans l'Escaut, dont l'Etat est de nouveau propriétaire. L'Etat administre donc deux cours d'eau, le Moervaert et l'Escaut, qui ne sont séparés que par la Durme, ou plutôt dont le trait d'union est la Durme, et, nonobstant ce, l'Etat refuse de se charger de l'administration de cette dernière rivière !

Vous devez reconnaître, messieurs, que c'est là une position très étrange. Evidemment, si l'amont et l'aval sont régis par l'Etat, il faut, en bonne administration, que l'intervalle soit aussi régi par l'Etat.

Disons-le donc, les règles d'une bonne administration, l'intérêt général, et je prie les honorables députés du Hainaut de remarquer que le commerce des charbons est ici fort intéressé, l'équité, la stricte justice, tout me semble concourir pour déterminer le gouvernement à reprendre l'administration et la direction de la Durme.

J'espère donc que M. le ministre des travaux publics, après ces observations, se déterminera à examiner de plus près la question, et je suis convaincu qu'un plus mûr examen l'amènera à la conclusion à laquelle je suis arrivé, à savoir que la Durme n'a jamais cessé de faire partie du domaine public, que l'administration doit en être reprise par l'Etat, et que l'Etat est véritablement obligé de faire étudier s'il convient d'exécuter, dans ce cours d'eau, les travaux de rectification dont j'ai parlé et qui auraient pour conséquence une très grande utilité au point de vue de l'industrie, au point de vue de l'agriculture et au point de vue du commerce.

Il y a plus, je dis que ce travail de rectification produirait un très grand bien pour le régime de l'Escaut, qu'il contribuerait à diminuer l'ensablement qui s'est manifesté et qui continue à se manifester, malgré les prétentions contraires, en aval d'Anvers.

Les eaux de la Durme arrivant plus rapidement dans l'Escaut contribueraient manifestement à en diminuer l'ensablement.

Il y a quelques années, nous avons, mes collègues et moi, réussi à faire reconnaître à la longue par le gouvernement la justice de notre demande relative au canal de Slekene ; j'espère que nos efforts en faveur de la Durme seront plus rapidement couronnés de succès.

- La séance est levée à trois heures trois quarts.