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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 6 février 1866

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboomµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 347) M. Thienpont, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Florisone, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. La rédaction en est approuvée.

M, Thienpont, secrétaireµ, présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Le sieur Legou, ancien militaire, demande la révision de sa pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Luttre prient la Chambre d'autoriser la construction d'un chemin de fer direct de Charleroi à Bruxelles par Luttre et d'écarter le projet de loi présenté par la compagnie Carlier. »

- Même renvoi.


« Les membres du conseil communal de Vollezeele demandent l'établissement d'une station ou d'une halte à Thollembeek, sur la ligne du chemin de fer d'Enghien vers Grammont. »

« Même demande des membres du conseil communal et d'habitants de Thollembeek. »

- Même renvoi.


« Le sieur Thiebaut, combattant de 1830, demande une récompense pécuniaire. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Bruxelles demandent le suffrage universel pour les élections communales et provinciales. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi portant modification aux lois communale et provinciale.


« Le sieur Bochart demande que le droit de vote à la commune et à la province soit étendu, par voie de transition et pour un laps de temps à déterminer, à tous les citoyens sachant lire et écrire. »

- Même renvoi.


« L'administration communale de Clermont prie la Chambre de voter le crédit nécessaire pour l'établissement d'une voiture publique d'Aubel à Verviers. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.


« Les membres de l'administration communale de Hamipré prient la Chambre de faire contraindre la grande compagnie du Luxembourg à construire l'embranchement de Bastogne en partant de Longlier. »

« Même demande d'habitants de Grapfontaine, La Neuville, Remagne. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur des pétitions relatives au même objet.


« Le conseil communal de Rhisnes prie la Chambre d'accorder à la compagnie de Looze la concession d'un chemin de fer de Fleurus à Denderleeuw avec embranchement sur Rhisnes. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur de Baere prient la Chambre de donner suite aux réclamations relatives à la patente des moulins à vent. »

« Même demande des sieurs Lefevere et Van Wassenhove et de fabricants d'huile dans l'arrondissement de Courtrai. »

- Dépôt sur le bureau, pendant la discussion du rapport sur des pétitions relatives au même objet.


« Le sieur Anciaux demande que tous les citoyens sachant lire et écrire, qui font partie de la garde civique, soient inscrits d'office sur les listes d électeurs. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner la proposition de loi qui porte une modification aux lois communale et provinciale.


« Par dépêche du 5 février, M. le ministre de la justice transmet des explications sur la réclamation du sieur Pollenus, relative au remboursement du loyer d'un local pour la séance de la justice de paix d'Herck-la-Ville, pendant les exercices 1833 à 1860. »

- Dépôt au bureau des renseignements.


« Par message du 3 février, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté le projet de loi relatif aux mesures à prendre contre le typhus contagieux épizootique. »

- Pris pour information.


« Il est fait hommage à la Chambre :

« 1° Par M. le ministre de la guerre, de deux exemplaires de l'Annuaire militaire officiel de 1866.

« 2° Par M. le ministre de la justice, d'un exemplaire du cahier contenant les circulaires du département de la justice, pendant l'année 1864.

« 3° Par la commission de l'Académie chargée de la publication des grands écrivains du pays, du tome VIII des œuvres de Chastellain. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« Le Sénat transmet à la Chambre le projet de loi amendé relatif à la mendicité et au vagabondage. »

M. Lelièvreµ. - On pourrait renvoyer ce projet à la section centrale.

- Renvoi à la section centrale qui a examiné le projet de loi.


« M. Kervyn, obligé de s'absenter, et M. Delaet, retenu chez lui par l'indisposition d'une personne de sa famille, demandent un congé. »

- Ces congés sont accordés.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1866

Discussion générale

MpVµ. - La discussion générale continue.

M. Bricoultµ. - Messieurs, dans une précédente séance, l'honorable ministre des travaux publics a prétendu que la dérivation de la Dendre, dont nous nous sommes occupés, n'appartient pas à l'Etat. C'est là une réponse très facile à donner. Le difficile est de prouver que l'Etat a le droit de se déposséder de ce bras de dérivation, et ce ne sera que lorsque l'honorable ministre m'aura fait cette preuve que je me déclarerai satisfait.

C'est, dit M. le ministre, « un bras de la rivière qui n'est ni flottable ni navigable. » Cela est vrai, mais il a toujours servi jusqu'ici aux besoins de la navigation pour la remonte des bateaux dans l'intérieur de la ville.

Ce n'est pas parce que l'on pourra s'en passer pour la navigation qu'il cessera de faire partie intégrante de la Dendre navigable et de participer à sa domanialité. C'est ce qui résulte à toute évidence des avis du conseil d'Etat du 22 janvier 1824 et du 21 juin 1826.

C'est ce qu'a décidé la cour de cassation dans son arrêt du 4 novembre 1844. Attendu, dit cet arrêt : « que l'Escaut étant un fleuve navigable aux termes de l'article 538 du Code civil constitue une dépendance du domaine public, qu'il en est de même des dérivations qui, quoiqu'elles ne servent pas à là navigation, doivent néanmoins suivre le régime de la rivière... »

Cet arrêt ne laisse aucun doute sur la question qui nous occupe. Il prouve à l'évidence que le bras de la Dendre dont il s'agit, même non utilisé pour la navigation, ne participe pas moins à la domanialité du cours de la rivière dont il fait partie, et que, par suite, l'Etat seul en a l'administration, la charge d'entretien et la responsabilité.

Il est au surplus à noter que le gouvernement continue à entretenir des barrages qui constituent une cause permanente d'envasement en amont et que cette circonstance seule, même en admettant la prétention de M. le ministre, le place dans le cas de responsabilité de l'article 1382 du Code civil.

Cette prétention du département des travaux publics est toute nouvelle, car dans le cahier des charges relatif à l'entreprise des travaux d'entretien ordinaire à exécuter en 1865 au canal de raccordement de la Dendre à la station d'Ath et à la partie de la rivière précitée, on lit à l’article premier A : « Les gardes-corps ... les ferrures de l’écluse et les crics des vannes du marché aux poissons seront recouverts d'une couche de couleur d'huile. » et plus loin : « Il sera exécuté, là où le prescrira l’administration, dix mètres cubes de dévasement en amont de l’écluse et septante-cinq mètres en aval. »

(page 348) Vous voyez bien, M. le ministre, que dans ce cahier des charges, qui n'est pas vieux, vous êtes encore désigné, malgré vous, comme propriétaire des vannes.

Vous n'avez d'ailleurs pas le droit de faire des cadeaux avec les propriétés de l'Etat, surtout quand personne ne veut accepter vos cadeaux, et eussiez-vous ce droit, vous n'auriez alors certes pas celui de continuer à réparer les vannes, de placer des étoupes dans les bâtées et les coulisses afin d'empêcher tout passage d'eau.

De. deux choses l'une, ou cette dérivation appartient au gouvernement et dans ce cas il doit faire droit à des réclamations fondées, ou bien cette dérivation est la propriété de la province et de la commune, et de quel droit alors les agents du gouvernement s'en emparent-ils pour en user à leur guise sans se soucier en aucune façon de léser les intérêts de cette même commune ?

Ce calfatage ordonné par l'administration des ponts et chaussées sur un bras de rivière qui appartiendrait à la commune, ne peut être approuvé, jusqu'ici du moins, par aucune disposition de loi.

Vous dîtes : « La ville n'a pas le droit de déverser des immondices dans une rivière ou dans un canal. » Je le sais bien ; mais est-ce la ville qui est cause que votre canal est venu passer à l'endroit où les immondices ont toujours été déversés ? D'ailleurs cette considération ne peut pas être invoquée à propos du droit de propriété. Si la ville, en disposant de son bras de rivière comme elle l'entend, vous porte un préjudice, vous aurez votre recours contre elle devant les tribunaux. C'est là une question, je le répète, tout à fait étrangère au droit de propriété.

M. d’Hane-Steenhuyseµ. - Messieurs, M. le ministre des travaux publics, répondant à une demande qui lui était adressée par un de nos collègues, l'honorable M. Dupont, a discuté la question des billets d'aller et de retour sur le réseau des chemins de fer de l'Etat.

Un point qu'il n'a pas touché est celui des abonnements.

J'ai déjà eu, il y a deux ans, lors de la discussion du budget des travaux publics, l'occasion d'attirer l'attention de M. le ministre sur cet objet et je me permets de lui réitérer ma demande à ce sujet.

Dans d'autres pays, en Angleterre, en France, l'abonnement ainsi que les billets d'aller et de retour existent et je ne vois pas pourquoi le gouvernement belge, pourquoi M. le ministre des travaux publics ne pourrait pas décréter la même mesure pour la Belgique.

En France, si je ne me trompe, le chemin de fer du Nord accorde des abonnements pour toute l'année à raison de 1,200 fr. l'an. On peut prendre tous les trains pendant toute l'année ; on peut voyager, selon ses besoins ou sa fantaisie, sur toute la ligne.

En Angleterre, la même chose existe pour toute la banlieue de Londres. Elle existe pour la banlieue de Liverpool. Elle existe également en Ecosse. Je crois que, jusqu'à présent, des billets d'aller et de retour n'ont été accordés en Belgique que pour la banlieue de Bruxelles. Il me paraît cependant que cette mesure pourrait s'étendre à toutes nos lignes ferrées.

Dans les pays d'une aussi vaste étendue que la France et l'Angleterre, on pourrait comprendre jusqu'à un certain point qu'une mesure de ce genre serait de nature à amener quelque perturbation dans les recettes de l'Etat. Mais je pense que dans un pays aussi restreint que le nôtre, où les relations sont journalières entre tous les citoyens belges, il n'y aurait aucun danger à courir et que le chemin de fer trouverait, par la grande quantité de voyageurs, une large compensation aux sacrifices qu'il devrait s'imposer en mettant à exécution la mesure que je propose.

Il est un autre point que je signale également à M. le ministre des travaux publics. C'est que les mesures du genre de celles que je recommande facilitent non seulement les relations d'affaires entre les différents centres de populations, mais que même, au point de vue de l'éducation, de l'instruction du peuple, il serait bon que l'abonnement existât, afin de faciliter aux personnes qui habitent la campagne les moyens d'envoyer leurs enfants en ville. J'insiste sur ce fait, parce qu'il existe en Angleterre.

Ainsi, dans les environs de Glascow, il arrive souvent qu'en voyageant sur le chemin de fer, on rencontre des écoliers, des jeunes gens se rendant à la ville à une distance de 8, 12 et 15 lieues.

L'abonnement permet aux parents de diminuer, dans d'assez fortes proportions, les frais d'éducation de leurs enfants.

Cette innovation serait d'une exécution très facile et pourrait satisfaire de nombreux intérêts.

Du reste, messieurs, ces observations, au sujet des abonnements, m'ont été faites très souvent par des négociants et par des industriels de toutes nos villes ; je le répète, comme leurs relations sont extrêmement fréquentes, tout le monde y trouverait son profit. Ceux qui voyageraient dans ces conditions, le feraient à meilleur compte ; l'Etat aurait un plus grand nombre de voyageurs, et le trésor, au lieu de faire une perte, obtiendrait un revenu plus considérable.

Je me permettrai de demander aussi à M. le ministre des travaux publics s'il est vrai que les travaux de la nouvelle section du canal de Turnhout à Anvers soient ajournés. Je l'ai appris, il y a quelques jours. Je désirerais que l'honorable ministre pût donner à ce sujet quelques explications. II ne contestera pas l'importance qu'a cette section pour la Campine et pour la province d'Anvers tout entière.

Il en est de même du nouveau quai qui est compris entre l'écluse des anciens bassins et l'écluse des bassins nouveaux.

C'est un travail qui incombe au gouvernement ; commencé il y a quelque temps, ce travail a cessé aujourd'hui.

Si mes renseignements sont exacts, la première partie du travail s'est effectuée dans des conditions très difficiles pour l'entrepreneur ; il y a en ce moment un procès entre celui-ci et le gouvernement.

M. le ministre des travaux publics sait que cet état de choses est très préjudiciable au commerce.

Les bateaux à vapeur sont obligés de s'amarrer à des quais indéterminés et les uns devant les autres.

Cet état de choses entrave les relations ; il serait très utile pour le pays et pour la ville d'Anvers d'avoir ce quai complètement achevé.

Je recommande ce point à l'attention de M. le ministre des travaux publics.

Jusqu'à ce jour, dans bien des circonstances, la ville d'Anvers a été forcée d'admettre des bateaux à vapeur dans les bassins.

Or, messieurs, il y a deux motifs péremptoires pour repousser cet usage. D'abord, parce que la présence d'un vapeur dans un bassin offre toujours certains dangers ; en second lieu, parce que les bateaux à vapeur doivent généralement partir à heures fixes et que la sortie des bassins est parfois très difficile. De là des retards ; de là encore de très grands obstacles à la navigation entre Anvers et les ports étrangers. J'attendrai la réponse qui me sera faite, je l'espère, par M. le ministre des travaux publics.

Maintenant, messieurs, je viens exprimer l'espoir que le gouvernement voudra bien être à l'égard de la ville d'Anvers, comme il semble vouloir se montrer à l'égard de la ville de Bruxelles. Anvers se trouve dans une situation extrêmement difficile, au point de vue financier, et c'est là la position de toutes les grandes villes du royaume. Je fais, à cet égard, un appel à ceux de mes honorables collègues qui font partie d'administrations communales, et qui sont au courant de la situation financière de nos grandes communes.

L'abolition des octrois a été pour Anvers un véritable coup de mort, en ce sens qu'elle a arrêté d'une manière très brusque l'augmentation annuelle des revenus communaux. J'étonnerai peut-être la Chambre, en lui apprenant que si l'octroi n'eût pas été aboli, nous aurions à Anvers un revenu en plus d'au delà de 375,000 fr.

La position difficile que je signale avait également été constatée dans cette enceinte et par lettre par l'honorable M. Loos, ancien bourgmestre d'Anvers, qui avait fait connaître cet état de choses au gouvernement et lui avait demandé d'accueillir avec toute la bienveillance possible les demandes que lui ferait la ville d'Anvers au sujet des immenses travaux qu'elle aurait à exécuter.

Dans une lettre adressée à M. le ministre des finances par l'ancien bourgmestre d'Anvers, M. Loos lui déclarait que s'il avait pu prévoir l'abolition des octrois dans les circonstances où elle s'est opérée, la ville d'Anvers y aurait regardé à deux fois avant d'accorder les 10 millions qui lui avaient été demandés par le gouvernement, et il semblait que, à cette époque, il y eût une certaine convention tacite entre le gouvernement et la régence d'alors, convention qui aurait eu pour résultat d'alléger énormément le payement de ces 10 millions, et peut-être même de faire disparaître complètement cette dette.

Depuis que la nouvelle administration est arrivée aux affaires, rien de ce genre n'a plus eu lieu entre le gouvernement et cette administration, et le gouvernement a exigé, d'une manière rigoureuse et qui ne laissait aucun espoir d'arrangement, le payement des 10 millions.

Cette dette, de l'aveu même de M. Loos, constituait une situation excessivement fâcheuse pour la ville d'Anvers, et mettait en grand péril ses finances.

(page 349) Je viens donc recommander au gouvernement de bien vouloir examiner avec bienveillance les demandes qui lui seront faites par la ville d'Anvers. Je suis d'autant plus fondé à lui faire cette recommandation que, dans une occasion récente, la ville d'Anvers a fait une demande analogue, qui est restée sans réponse.

En 1863 déjà, la ville a prié le gouvernement d'intervenir pour un quart dans une affaire très importante au point de vue hygiénique. Il s'agissait de l'assainissement du quartier du Stuyvenberg.

Nous demandions au gouvernement la faible somme de 15,000 fr., soit le quart de la dépense totale. Plusieurs lettres de rappel ont été envoyées au ministère et jusqu'à présent nous n'avons reçu aucune réponse. Je suppose qu'il y a eu oubli de la part de M. le ministre des travaux publics qui a beaucoup d'autres affaires à traiter. Je désirerais cependant que la ville d'Anvers sût à quoi s'en tenir. Je le répète, la demande a été faite en 1865.

MfFOµ. - Pas au département des travaux publics.

M. Lelièvreµ. - Les travaux d'assainissement sont du ressort du département de l'intérieur. Ils ne concernent pas le département des travaux publics.

M. d'Hane-Steenhuyseµ. - La demande a été faite au gouvernement. Je recommande à celui-ci les questions que je viens d'indiquer. Elles intéressent vivement la ville d'Anvers, parce que cette cité se trouve à la veille d'exécuter d'immenses travaux.

Elle aura d'abord à faire pour environ 3 millions de travaux d'assainissement ; elle doit en outre dépenser 7 à 8 millions pour travaux maritimes. Or, lorsque je vois que la ville de Bruxelles va recevoir une très forte somme du gouvernement pour des travaux d'assainissement et d'embellissement, je crois que la ville d'Anvers a aussi droit à une bonne part du gâteau. Les travaux maritimes que va exécuter Anvers sont utiles et favorables pour tout le pays. Le pays a intérêt à ce que l'outillage des bassins d'Anvers soit complet, à ce que ces bassins soient nombreux, à ce que le commerce maritime prospère ; car la prospérité de la ville d'Anvers, permettez-moi de le dire, est le complément de la prospérité du pays.

M. de Brouckereµ. - Je désire appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics sur une mesure qu'il lui serait très facile de prendre et qui serait, je crois, aussi avantageuse à l'administration du chemin de fer qu'utile au public. Nos industriels, nos producteurs se plaignent des embarras et des difficultés qu'ils rencontrent presque toujours pour le transport de leurs produits sur le littoral de la Méditerranée. Ces transports se font aujourd'hui par eau, mais les départs sont très irréguliers, ils sont insuffisants et, de plus, les voyages sont extrêmement longs. Je crois qu'il serait très facile à M. le ministre des travaux publics de s'entendre avec les compagnies françaises, -particulièrement avec celle de Paris à Marseille et avec celle de Paris à Bordeaux, de s'entendre avec ces compagnies à l'effet d'établir un prix réduit pour le transport des produits dont je viens de parler.

II est bien entendu que la réduction ne serait accordée que pour les transports se faisant par waggons complets. Je crois, messieurs, que des arrangements de cette espèce ont été conclus avec d'autres pays, par exemple avec certaines parties de l'Allemagne, et qu'on s'en est très bien trouvé : on se trouverait également bien, en Belgique, d'un arrangement comme celui que je viens d'indiquer. Je suis convaincu que les prix pourraient être réduits au niveau de celui que l'on paye aujourd'hui pour les transports par eau.

Ou s'est occupé de cet objet dans plusieurs réunions commerciales, et je sais qu'on est à la veille d'adresser des pétitions à M. le ministre des travaux publics. Il aura peut être l'intention d'aller au-devant de ces pétitions, lui qui est toujours si vigilant et si actif lorsqu'il s'agit des intérêts du commerce.

Messieurs, je vous demanderai encore deux minutes pour vous entretenir d'un autre objet et, je le dis d'avance, d'un objet très délicat. M. le ministre des travaux publics a attaqué en termes très énergiques ce qu'il a appelé la coalition des industriels en position de fournir le matériel roulant au chemin de fer. Je commence par déclarer de la manière la plus positive que je n'ai dans cette affaire aucun intérêt, ni direct, ni indirect.

Je parle uniquement pour établir ce qui est juste et équitable et je n'ai aucune intention de défendre les coalitions, pas plus la coalition qu'a attaquée M. le ministre des travaux publics que les coalitions des ouvriers centre les maîtres ou les coalitions des maîtres contre les ouvriers ; mais il me semble que, dans le cas dont M. le ministre a parlé, il y a des circonstances atténuantes qu'il est bon de signaler devant vous.

Si les fabricants se coalisaient pour faire monter le prix de leurs produits à un taux excessif ou exagéré, je me joindrais à M. le ministre des travaux publics pour flétrir cette coalition ; mais supposez que par suite d'une concurrence sans limites et après différentes adjudications, supposez que le prix de certaines voitures, de certains objets de matériel soient tombés tellement bas que les fabricants honnêtes ne peuvent plus à ce prix se présenter aux adjudications sans s'exposer à des pertes certaines.

D'après les renseignements qu'on m'a donnés, je citerai l'exemple des locomotives. On m'a assuré que le prix des locomotives était, dans ces derniers temps, tombé si bas, que des industriels refusaient d'en fournir au gouvernement. Eh bien, trouveriez-vous mauvais que des industriels, placés dans ces conditions, s'entendissent pour décider entre eux que, dans les adjudications du gouvernement, ils ne descendront plus au-dessous d'un certain prix rémunérateur, d'un prix qui, sans être exagéré, leur donnerait des bénéfices raisonnables ?

Et dans ce cas ces industriels seraient-ils bien coupables ? Je ne le crois pas. Que le gouvernement établisse, lui, quand il procède à une adjudication, un prix minimum au-dessous duquel il ne descendra pas, je le veux bien ; mais qu'il permette aussi aux industriels d'établir un prix minimum au-dessous duquel ils ne descendront pas ; sinon il y aura, l'honorable ministre lui-même ne le contestera pas, il y aura en certaines matières, une concurrence qu'on peut appeler effrénée.

De petits industriels montent un établissement, veulent à tout prix avoir de l'ouvrage, prennent des lots dans les adjudications en dessous des prix qui conviennent à des hommes qui savent calculer et qui veulent diriger honorablement leurs affaires ; ils se ruinent en peu de temps, font une liquidation quelconque et puis d'autres industriels du même genre les remplacent au détriment de l'industrie sérieuse et honnête.

Eh bien, si la coalition dont on a parlé n'a pas eu d'autre but, je parle hypothétiquement, que de faire monter le prix de certains objets qui dans ces derniers temps ont été livrés à des prix par trop minimes, je crois que les industriels qui se sont ainsi entendus méritent quelque considération.

Pousserait-on la rigueur jusqu'à vouloir que les industriels ne puissent jamais s'entendre ? Dans ce cas, je l'avoue, j'éprouverais quelque inquiétude, car je ne serais pas sûr de ne pas avoir recommandé à M. le ministre une chose immorale en lui demandant de s'entendre avec les compagnies françaises â l'effet d'en arriver à fixer un prix modique pour les transports de marchandises sur le littoral de la Méditerranée.

Il ne faut pas pousser les choses à l'extrême ; je suis convaincu que les intentions de l'honorable ministre sont parfaitement justes, mais je le prie en grâce de ne pas s'exagérer ce qu'on appelle les coalitions et d'admettre que des industriels puissent s'entendre pour défendre des intérêts légitimes.

Je ne crois pas quelqu'un puisse me reprocher d'être allé trop loin dans les explications que je viens de donner.

- Une voix. - Pourvu que le gouvernement puisse aussi se défendre.

M. de Brouckereµ. - Evidemment ; j'ai été le premier à dire que si la coalition avait pour objet d'obtenir du gouvernement des prix plus élevés que ceux du commerce en général, l'honorable ministre aurait raison de la combattre.

Je le répète, je ne pense pas avoir été trop loin dans les explications que j'ai données en faveur d'industriels qui, d'après moi, ne sont pas aussi répréhensibles qu'on a semblé le croire.

Je demanderai à l'honorable ministre de vouloir dire deux mots à la Chambre relativement au chemin de fer de ceinture qui doit être construit dans les faubourgs de Bruxelles. Ce chemin de fer, que les populations réclament à grands cris, on n'en entend plus parler depuis quelque temps, et beaucoup de gens craignent que la construction n'en soit ajournée à long terme. Je suis persuadé qu'il n'en est rien, mais il me semble que l'honorable ministre ferait bien de nous dire quelques mots à ce sujet.

M. Lelièvreµ. - Le budget en discussion me donne l'occasion de proposer quelques observations qui se rattachent à l'examen dont la Chambre s'occupe en ce moment.

La loi du 17 avril 1855, sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, a réalisé un progrès au point de vue de la législation antérieure, mais il est incontestable que cette disposition législative doit être révisée et qu'elle ne répond plus aux nouveaux besoins révélés par l'expérience.

Quant à moi, je pense que nous devons admettre en cette matière la (page 350) décision d'un jury spécial, comme cela se pratique en France, sauf le droit de se pourvoir devant la cour d'appel.

Il est certain que les tribunaux de première instance sont aujourd'hui surchargés d'affaires de ce genre, que souvent ils ne peuvent convenablement apprécier.

D'un autre côté, la procédure existante n'est pas en harmonie avec la célérité nécessaire en semblable occurrence. C'est donc là une question que je recommande à l'examen de M. le ministre des travaux publics.

Je dois remercier le gouvernement de ce qu'il a bien voulu nous dire sur la mise en activité prochaine du chemin de fer de Tamines à Landen. Je le prie de faire cesser des retards très préjudiciables aux intérêts de nombreuses populations, retards qui donnent lieu à de graves inconvénients.

Il importe que la voie ferrée soit exploitée le plus tôt possible, avec son embranchement vers Namur.

C'est cet embranchement de Namur à Geest-Gerompont qui est à peine commencé. C'est donc cet objet surtout qui appelle l'attention spéciale de M. le ministre des travaux publics.

Enfin, je crois devoir engager le gouvernement à poursuivre la séparation qu'il a commencé à établir entre le service des postes et celui du chemin de fer. Déjà toute fusion entre les deux services a disparu dans diverses localités, et cette sage mesure a produit de bons résultats. Je pense qu'il faut persévérer dans ce système et en étendre l'application partout où il a été reconnu utile. L'expérience a justifié que l'intérêt public réclame impérieusement la séparation dont le gouvernement a compris la nécessité, au point de vue du bien-être du service.

M. Lebeauµ. - Je ne puis laisser sans réponse ce qui nous a été dit, par l'honorable ministre des travaux publics, au sujet des sociétés concessionnaires de chemins de fer.

Je ne partage pas l'opinion qu'il a émise en ce qui concerne les droits et les obligations des concessionnaires.

Il est surtout un point qui ne peut être nié, c'est que les actes de concession constituent de véritables contrats, dans lesquels le gouvernement traite avec les sociétés concessionnaires au nom de deux intérêts : au nom de l'intérêt de l'Etat, comme propriétaire de la voie à construire ; au nom de l'intérêt général, en ce qui concerne l'exploitation. Or, messieurs, il est évident que le gouvernement ne recevrait pas un chemin de fer concédé, si les travaux n'étaient pas faits conformément aux cahiers des charges et aux plans qui ont été approuvés de commun accord entre le gouvernement et les concessionnaires.

En effet, je vois à chaque instant le gouvernement s'opposer à ce qu'on mette en exploitation une ligne de chemin de fer concédé, parce que les travaux ne sont pas effectués conformément aux cahiers des charges. En ce qui concerne l'exploitation, le gouvernement est le défenseur de l'intérêt public, et chaque fois que cet intérêt est aux prises avec l'intérêt privé, c'est-à-dire celui des concessionnaires, il a non seulement le droit, mais encore la mission de le défendre.

Enfin, messieurs, le gouvernement, dans les cahiers des charges acceptés par les concessionnaires et qui font par conséquent partie du contrat de concession, le gouvernement, dis-je, s'est réservé le droit de surveiller l'exploitation, de s'assurer de l'importance et de l'état du matériel et enfin du service que les concessionnaires doivent organiser pour desservir tous les intérêts industriels et commerciaux. A cet égard, je crois devoir rappeler deux articles d'un cahier des charges qui ne date que de 1852 et dans lesquels les droits du gouvernement sont formellement consacrés.

Voici, messieurs, ce que porte l'article 21 du cahier des charges d'une concession faite le 24 mars 1852 :

« Les concessionnaires devront maintenir, pendant toute la durée de leur concession, le chemin de fer et ses dépendances, ainsi que le matériel de locomotion et de transport, en parfait état d'entretien et de réparation. »

Voilà donc l'obligation que prennent, en ce qui concerne le matériel, les sociétés concessionnaires vis-à-vis du gouvernement, traitant bien plus encore au nom de l'intérêt public qu'au nom de l'Etat, puisqu'il s'agit surtout de forcer les compagnies à être toujours en mesure de rendre au commerce et à l'industrie tous les services qu'ils sont en droit d'exiger d'un chemin de fer.

L'article 22 porte ce qui suit :

« Il sera facultatif au gouvernement de faire reconnaître l'état des chemins de fer et de leurs dépendances ainsi que du matériel d'exploitation, quand bon lui semblera. »

Vous voyez donc que la surveillance que le gouvernement est chargé d exercer sur le matériel doit être constante.

Enfin, messieurs, voici ce que porte l'article 37 :

« Le gouvernement fera surveiller par ses agents l'exécution de tous les travaux, tant de premier établissement que d'entretien ainsi que l'exploitation. Cette surveillance sera exercée aux frais des concessionnaires. »

Voici encore ce que porte l'article 38 : « La surveillance opérée par le gouvernement, aux termes de l'article qui précède, ayant pour objet exclusif d'empêcher les concessionnaires de s'écarter des obligations qui leur incombent, est toute d'intérêt public. »

Ainsi, que l'on ne vienne pas équivoquer ; il est certain que le gouvernement a une mission à remplir : celle de surveiller l'exploitation ; celle de vérifier l'importance et l'état du matériel ; celle, en un mot, de s'assurer que les concessionnaires exécuteront, vis-à-vis du public, les engagements qu'ils ont pris, de même que le gouvernement est en droit d'exiger, et exige toujours, qu'ils remplissent leurs obligations en ce qui concerne l'exécution et l'entretien de la voie. Je crois que ce point ne peut être mis en doute, et que le gouvernement reconnaîtra qu'il a non seulement le droit, mais même la mission de faire surveiller l'exploitation des lignes concédées.

Comment cette surveillance doit-elle s'exercer ? Le cahier des charges nous l'indique : c'est par les agents du gouvernement et, comme le dit le cahier des charges, aux frais de la compagnie concessionnaire, qui est tenue de mettre chaque année, à la disposition de M. le ministre des travaux publics, une somme suffisante pour couvrir les frais de surveillance. C'est sur ce point que j'ai insisté dans une de nos dernières séances.

J'ai dit qu'il fallait exercer une surveillance spéciale sur l'exploitation des chemins de fer concédés. M. le ministre a répondu : Il y a, à l'administration du chemin de fer, un service spécial pour la surveillance des sociétés concessionnaires. A la vérité, une somme de 35,000 fr. figure de cet effet au budget, mais les employés qu'elle rétribue sont bien plutôt des comptables chargés de vérifier l'exploitation au point de vue des recettes, surtout en ce qui concerne les chemins de fer qui ont obtenu du gouvernement la garantie d'un minimum d'intérêt et chargés en outre de recevoir et de contrôler les rapports des commissaires nommés par le gouvernement pour veiller à l'exécution des statuts.

Mais c'est là une véritable administration centrale, à laquelle un seul ingénieur est attaché. Pareille administration centrale existe pour les mines au département des travaux publics, et elle est, je crois, à peu près indépendante du personnel technique, et réciproquement.

Cela est entièrement insuffisant, et je demande de nouveau que vous fassiez, pour les chemins de fer concédés, ce que vous faites pour l'exploitation des mines : que vous ayez sur les lieux un agent chargé de surveiller non seulement l'état de la voie, mais encore l'exploitation.

Eh bien, vous nous avez dit : Je chargerai les ingénieurs des ponts et chaussées, qui sont dans les chefs-lieux d'arrondissement, de la surveillance de la voie. Pourquoi ne pas les charger en même temps de la surveillance de l'exploitation ? Ils peuvent faire ce double service ; l'un se lie parfaitement avec l'autre.

Si des industriels se plaignent que le matériel est en mauvais état, qu'il n'est pas distribué conformément aux règles de justice et d'équité qui doivent présider à cette distribution d'après les stipulations du cahier des charges, qu'il y a des retards dans les expéditions, ils formuleront leurs plaintes ; l'ingénieur chargé de la surveillance de ce service examinera l'affaire, et il fera son rapport au département des travaux publics qui pourra forcer la compagnie à prendre les mesures que les circonstances exigeront.

M. le ministre a cherché à pallier un peu la conduite des sociétés concessionnaires à cet égard. Il vous a dit qu'il y avait une progression considérable dans les transports, que cette progression était arrivée, pour ainsi dire, subitement, de sorte que ni l'Etat, ni les sociétés concessionnaires n'avaient pu faire face à toutes les demandes.

Messieurs, je reconnais qu'il y a eu, depuis un an environ, une augmentation dans les transports, et que cette augmentation a été plus forte que d'habitude.

Mais ce n'est pas précisément là ce qui fait que les sociétés concessionnaires sont en retard de remplir leurs engagements. En effet, il y a des sociétés concessionnaires qui, depuis 10 à 12 ans, sont toujours hors d'état de remplir leurs obligations et qui. dans cette longue période de temps, n'ont pu se fournir de la moitié du matériel nécessaire.

Les sociétés concessionnaires, comme l'Etat, doivent savoir que les transports ne se font pas d'une manière régulière pendant toute l'année, qu'ils deviennent beaucoup plus considérables à certaines époques.

Ainsi, à l'approche de l'hiver, les charbons demandent des moyens de (page 351) transport en quantité beaucoup plus considérable que pendant l’été.

Mais si l'on tenait la main à ce que les compagnies soient toujours en mesure de transporter en temps utile les marchandises qui leur sont confiées, il est évident qu'elles prendraient longtemps à l'avance les mesures nécessaires à l'exécution de leurs engagements.

De même que les propriétaires d'usines, en temps de chômage, réparent leurs ateliers et leurs outils ; de même, pendant les périodes où les transports sont en moindre quantité, les compagnies feraient réparer et mettre en bon état leur matériel, afin de pouvoir, au moment où les transports sont plus fréquents, être à même de satisfaire à tous les besoins.

On a, dit-on, commandé du matériel, et les sociétés ont été tellement exigeantes, qu'on n'a pu traiter avec elles. Je crois qu'il y a un peu de la faute de ceux qui ont besoin de matériel. Les constructeurs de matériel sont occupés aujourd'hui à remplir des obligations qu'ils ont contractées. Ils ont leur cadre d'ouvriers, et vous venez leur faire une commande tout à fait extraordinaire.

Ils ne peuvent exécuter ce matériel aux mêmes conditions, puisqu'ils doivent embrigader à grands frais d'autres ouvriers, se fournir peut-être d'un nouvel outillage ; cela exige des dépenses extraordinaires, et certainement, dans ces conditions, les constructeurs ne peuvent vous livrer un matériel au même prix que s'ils le construisaient à l'aide de leurs moyens ordinaires de fabrication.

Je crois qu'en fait d'augmentation de matériel, on devrait toujours s'y prendre longtemps d'avance. C'est le seul moyen d'en obtenir dans de bonnes conditions et à bon marché.

Messieurs, si j'insiste de nouveau sur ces différents points et si je les recommande à l'attention bienveillante de M. le ministre des travaux publics, je comprends pourtant qu'il ne faut pas y mettre toute la sévérité que l'on serait en droit d'y mettre. M. le ministre aurait le droit de saisir les recettes des sociétés en défaut, de les consacrer à la construction du matériel qui leur manque et de remplir ainsi les obligations que les compagnies concessionnaires sont en retard d'exercer. Je ne demande pas qu'on soit aussi rigoureux.

Mais je prie M. le ministre de mettre une bonne fois les sociétés en demeure de mieux administrer leurs intérêts. Les actionnaires devraient savoir que, pour faire produire à leurs lignes tout ce qu'elles peuvent produire, il faut nécessairement avoir un matériel suffisant.

Maintenant un seul mot des transports qui se font à courtes distances, d'usine à usine, dans le même bassin. L'honorable ministre a dit qu'il avait déjà étudié la question. Je crois devoir l'engager à l'étudier de nouveau ; je suis persuadé qu'il reconnaîtra que, pour le chemin de fer de l'Etat comme pour les embranchements industriels, il faut un tarif spécial.

M. de Conninckµ. - Messieurs, dans une séance précédente l'honorable M. de Smedt a combattu la construction d'une écluse au Bertegat, sous prétexte que cette écluse compromettrait les travaux exécutés dans l'arrondissement de Furnes pour isoler les cours d'eau servant à l'irrigation des canaux destinés à la grande navigation.

L'honorable membre est dans l'erreur. L'écluse que je demande est une écluse à sas, qui permettra constamment de régler l'étiage des eaux au moyen de ses portes selon les besoins. L'écluse du Bertegat mettra les nombreux canaux qui sillonnent le Furnes-Ambacht en communication avec l'Yser et contribuera par conséquent à faciliter l'écoulement des eaux dans ces nombreux cas d'inondations dont déjà la vallée de l'Yser n'a eu que trop souvent à subir les redoutables effets.

L'honorable député n'a donc rien à craindre de l'écluse du Bertegat pour son arrondissement.

Je ne répéterai pas, pour la troisième fois les arguments que j'ai déjà fait valoir en faveur de cet ouvrage.

Dans sa réponse aux observations que j'avais présentées dans la séance du 25 janvier, M. le ministre des travaux publics a répondu que les études n'étaient pas commencées et que déjà de nombreuses réclamations s'étaient élevées. Je ferai remarquer que s'il y a eu quelques réclamations contre cette écluse, la chambre de commerce d'Ypres-Dixmude, de nombreuses pétitions à M. le ministre, au gouvernement provincial l'ont vivement appuyée.

M. de Smedt, au nom de la wateringue de Furnes, et sans y être convié par cette administration, si mes renseignements sont exacts, l'a combattue il y a quelques jours pour la première fois depuis deux ans que j'appelle l'attention du gouvernement sur ce travail. C'est là une preuve bien évidente que l'arrondissement et l'honorable député de Fumes lui-même, qui ne laisse jamais échapper aucune occasion de défendre les intérêts de son arrondissement, y voyaient peu d'inconvénients.

J'espère que M. le ministre des travaux publics, avant de se prononcer définitivement, fera étudier mûrement la question qui nous occupe et qui est d'un intérêt vital non seulement pour le Furnes-Ambacht mais aussi pour la ville de Dixmude.

M. de Borchgraveµ. - Messieurs, pendant le cours de cette discussion, je me suis adressé à M. le ministre des travaux publics, pour réclamer l'établissement d'un bureau télégraphique à Fexhe-le-Haut-Clocher, ainsi que dans tous les bureaux de perception ou de distribution des postes de la Belgique.

A ce propos, j'ai dit que certains pays nous devançaient sous le rapport du développement des lignes télégraphiques. M. le ministre, en me répondant, a, contrairement à son habitude, je le reconnais, mis fort peu de bienveillance dans l'appréciation de ma proposition.

D'après lui, il serait clair que j'aurais voulu dire le contraire de ce que je pensais.

Je n'accepte nullement cette façon commode d'interpréter mes paroles. J'aurais le droit de renvoyer la balle à M. le ministre, qui en commençant sa réplique n'a pas prévu comment il la terminerait.

En voici la preuve :

J'ai prétendu que, sous le rapport des développements télégraphiques nous étions devancés par d'autres pays.

En parlant ainsi, j'avais en vue principalement le Wurtemberg, la Bavière et la Suisse.

Je ne me suis pas occupé de la taxe. M. le ministre ne trouverait pas un mot dans mon discours qui ait rapport à ce sujet ; ainsi je lui concède volontiers que notre taxe est la plus basse, quoique, sous ce rapport, il n'y a pas longtemps que nous dépassions la Suisse, qui avait, il y a quelque chose comme dix ans, je crois, un tarif presque aussi peu élevé que le nôtre, avec un développement de lignes très étendu.

En ce qui concerne le Wurtemberg, j'appuyais mon opinion sur l'assurance qui m'avait été donnée récemment dans ce pays, et d'après laquelle tous les bureaux de postes y étaient reliés entre eux par des fils télégraphiques.

En effet, messieurs, des renseignements officiels pris dans le Wurtemberg, depuis la réponse de M. le ministre m'ont fait reconnaître que j'avais été induit en erreur sur ce point, et que là, comme ici, plusieurs bureaux de postes ne sont point reliés entre eux.

Mais, messieurs, après cette rectification, M. le ministre lui-même m'a fourni des chiffres qui viennent confirmer mes assertions : et nous allons voir qui, de M. le ministre ou de moi, a voulu dire le contraire de ce qu'il disait.

M. le ministre, établissant la proportion des bureaux télégraphiques par rapport à la population, nous dit que nous devançons l'Angleterre, l'Autriche, l'Espagne et la France.

Mais après cet étalage pompeux, il est forcé d'avouer que nous sommes dépassés et par la Bavière et par la Suisse ! Par la Suisse notamment, où il y a un bureau sur 9,925 âmes, tandis qu'en Belgique nous en avons un sur 15,300 habitants. Or, je vous le demande, ces deux pays ne rentrent-ils pas tout à fait ou à peu près dans la catégorie de ceux que je citais comme ayant plus de développement de lignes télégraphiques que le nôtre, et ces chiffres, que M. le ministre a avancée lui-même, n'auraient-ils pas dû le mettre sur ses gardes pour l'empêcher d'apprécier les paroles d'un de ses collègues d'une façon que j'aurais pu qualifier de désobligeante ?

Du reste, messieurs, quand bien même la Belgique serait en droit de se dire plus avancée que tous les autres pays, sons le rapport du service public qui nous occupe, ce ne serait pas encore là une raison, à mon avis, pour refuser à plusieurs localités importantes déjà dotées de stations et de bureaux de postes, un bureau télégraphique.

Je ne puis donc que réitérer ma proposition, et je compte que M. le ministre ne tardera pas à reconnaître l'utilité de la mesure dont j'ai eu l'honneur de lui proposer l'adoption.

M. Lippensµ. - Messieurs, je remercie M. le ministre de sa bienveillance pour les intérêts que j'ai défendus et du prompt redressement d'une partie des griefs que j'ai signalés ; mais il m'est impossible d'admettre l'application absolue de la théorie qu'il a émise de se refuser à tout rachat de concession de pont : il faut examiner les différents cas.

La demande de reprendre le pont de Terdonck, sur le canal de Terneuzen, n'est pas un précédent qui pourrait entraîner le gouvernement à des dépenses ruineuses ; il ne s'agit pas de racheter une concession accordée à des particuliers pour créer une nouvelle voie de (page 352) communication, pour accorder des facilites au commerce, à l'industrie, à l'agriculture, non, car j'aurais tort de réclamer de nouveau, je partage en partie l'opinion de M. le ministre que les frais d'amélioration doivent être supportés par ceux qui en profitent : mais je poursuis ici le redressement d'un grief, d'un déni de justice commis par l'Etat depuis 1820.

En effet, le canal de Terneuzen n'a pas été fait dans l'intérêt des communes dont il traverse le territoire, mais pour donner satisfaction aux justes exigences du commerce d'une province.

Examinons la situation du pays qu'il traverse. Ce qu'a fait l'Etat ; et, ce qu'il devait faire, en résultera à toute évidence.

D'Evergem à Lokeren tous les agglomérés des communes sont situés au nord du canal le Moervacrt ; au sud de ce canal s'étend la lisière de prairies qui se prolonge de Gand à Anvers sur plus de 4,000 mètres de profondeur.

Deux chemins d'exploitation plutôt que chemins communaux traversent cette lisière entre Gand et Lokeren, mais ces chemins, établis dans les terrains bas, marécageux, étaient toujours inondés en hiver, la vallée du Bloervaert étant regardée et employée par l'administration supérieure comme bassin de décharge pour les eaux de la Lys et de l'Escaut. Une seule route reliait ces communes entre elles et à Gand ; située sur la hauteur, elle était bonne et praticable en toute saison, elle formait une partie de la grande route qui reliait Ostende à Anvers, le chemin des armées qu'on désigne en Flandre sous le nom générique de Heirweg.

Eh bien, c'est cette route, la seule qu'on pouvait employer en hiver, que l'Etat coupa et anéantit en 1826, par le creusement du canal de Terneuzen. Il promit à l'administration de Wynkel un pont au hameau Terdonck ; mais au lieu de s'acquitter loyalement de sa promesse, il y établit un simple ponton de passage, alléguant que ce service suffirait au commerce de ces localités.

Ni réclamations, ni démarches n'ont aidé depuis lors ; des malheurs mêmes, chariots renversés dans le canal, attelages noyés, marchandises perdues, mort d'hommes, rien n'a ému l'Etat, toutes les tentatives des administrations communales ont été infructueuses devant la mauvaise volonté évidente de l'administration supérieure.

Des particuliers se sont associés alors pour construire un pont, ils ont reçu de la part de M. le ministre actuel un puissant et généreux appui, dont tous nous lui sommes sincèrement reconnaissants ; mais ce travail, tout en prévenant de nouveaux malheurs, en améliorant beaucoup la situation, n'a pas fait droit aux réclamations de la population, puisque le même péage a été maintenu. Ce bienfait serait aujourd'hui presque un mal, car si le ponton existait encore, M. le ministre ne pourrait alléguer une raison plausible pour se refuser plus longtemps à la construction d'un pont.

Toutes les conditions sont remplies pour obtenir de l'Etat un semblable travail ; reliement de diverses routes pavées, commerce important, industrie placée aux abords du canal, station de chemin de fer.

M. le ministre allègue que, s'il rachetait cette concession, il devrait les racheter toutes. Un honorable membre de la Chambre, dit il, me fait déjà des réclamations pour le pont de Tronchicnnes, d'autres demandes suivront. Ma réponse est facile : aucun pont n'est dans la situation de celui de Terdonck, et pour celui de Tronchiennes, par exemple, si je réclamais aujourd'hui l'abolition du droit qu'on y perçoit, je m'appuierais sur les termes mêmes de l'acte de concession et j'obtiendrais probablement l'abolition du péage et des barrières, parce que cette route ferait retour à l'Etat.

Mais ma question est toute autre. Le principe émis par M. le ministre, juste et équitable lorsque, par une concession, des avantages sont accordés à une population ou à une industrie, ne l'est plus lorsque l'Etat a promis, et qu'il n'a pas tenu sa promesse ; lorsqu'il s'est approprié une route sans indemnité, sans retour d'avantages ; lorsqu'il a causé des dommages et dessertes ; lorsqu'il a isolé une population, lorsque après s'être emparé de fait d'une propriété communale, il impose à cette population, comme récompense, l'acquit d'un péage exorbitant prélevé depuis tantôt 37 ans, même sur l'ouvrier.

Il est tenu, dans des cas semblables, de réparer le tort qu'il a commis, et si, en pareille circonstance, il a accordé en concession l'exécution d'un travail qui prévient en partie des malheurs, mais qui ne répare pas le mal causé, il ne doit pas hésiter à rendre justice entière ; il le peut d'autant moins, dans ce cas spécial, que les actionnaires ne réclament que le remboursement de leurs dépenses réelles.

Ce que je demande donc, c'est la position de 1826, le droit commun ; c'est cette justice que je réclame ! L'Etat a coupé le seul chemin vicinal, route de grande communication qui reliait Wynkel, Wachlebeke à leur chef-lieu d'arrondissement, Gand : il est temps de rétablir cette communication, sans exiger un péage de cette population ; ces communes réclament un droit, non une faveur. Ce rachat ne peut donner ouverture à d'autres réclamations ; car le pont de Terdonck forme une heureuse exception dans notre pays ; pareil déni de justice n'existe pas ailleurs.

J'espère donc que M. le ministre voudra bien examiner de nouveau cette affaire avec sa bienveillance habituelle, et que, par le rachat de cette concession, il fera cesser le grief dont ces populations se plaignent depuis 1826.

(page 381) M. Carlierµ. - Messieurs, il y a peu de jours, la Chambre a consacré plusieurs séances à discuter le crédit pétitionné par M. le ministre des travaux publics, pour l'augmentation du matériel du chemin de fer. Sur tous les bancs, on a recommandé de la manière la plus pressante, à l'honorable ministre, de ne s'arrêter ni au chiffre de 8 millions, ni même à celui de 10 millions, pour satisfaire au vœu général du commerce et de l'industrie ; et nos instances n'ont cessé que sur la promesse du gouvernement de solliciter ultérieurement de nouveaux crédits qui la mettraient à même d'augmenter le matériel du chemin de fer à l'égal des besoins que ce service éprouve.

M. le ministre des travaux publics a reconnu que le matériel est insuffisant ; il a laissé voir sa crainte que le matériel, tel qu'il sera augmenté à l'aide du nouveau crédit, ne reste cependant encore insuffisant.

En présence de cette situation, il serait heureux de trouver un moyen de multiplier les services à tirer du matériel actuel.

Or, ce moyen existe, si j'en crois un brevet qui a été accordé à M. l'ingénieur Dincq ; il consiste à transborder et à décharger les matières pondéreuses d'une manière aussi prompte et avantageuse que peu dispendieuse. Cet ingénieur a trouvé le moyen de transborder ou de décharger en très peu d'instants un waggon entier de matières pondéreuses, telles que charbons, chaux, cendres, etc.

M. Dincq sollicite de la bienveillance de M. le ministre des travaux publics les moyens de faire les épreuves qui constateront les avantages de son système.

J'engage l'honorable ministre à se montrer favorable à cette demande, eu égard aux services considérables que l'adoption de ce système, s'il est bon, pourrait rendre à nos établissements.

Puisque j'ai la parole, je me permettrai de recommander à M. le ministre un moyen d'étendre avec avantage l'emploi d'une mesure qui est déjà usitée dans certaines branches de son administration.

Dans chacune de nos stations du chemin de fer, il existe un registre de réclamation. Dans ce registre, on peut consigner toutes les réclamations que l'on croit devoir faire à l'administration. Ce registre est examiné par les contrôleurs et les inspecteurs ; compte en est rendu à l'administration supérieure ; et s'il y a lieu, il est fait droit aux réclamations.

Je crois que ce système très facile et surtout très peu dispendieux, pourrait être appliqué avec avantage à un autre service qui ressortit également au ministère des travaux publics, je veux parler du service des postes.

Quels que soient le mérite et le zèle des fonctionnaires supérieurs de cette administration, ce service est tellement compliqué, il est si souvent en contact avec la population qu'il ne peut manquer de provoquer des réclamations plus fréquentes encore que celles qu'occasionne le service des chemins de fer.

Eh bien, je viens demander à l'honorable ministre s'il ne trouverait pas convenable d'établir, dans chaque bureau de poste, un registre dans lequel les intéressés pourraient inscrire les réclamations qu'ils croiraient devoir adresser à l'administration ; là encore les contrôleurs et les inspecteurs seraient chargés d'examiner d'abord ces réclamations ; et ils en rendraient ensuite compte à l'administration supérieure. Je crois qu'il y aurait dans l'emploi de ce moyen avantage à la fois pour les intéressés et pour l'administration.

L'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter dans cette enceinte réclame une mesure d'amélioration que je prendrai la liberté de recommander à M. le ministre des travaux publics ; je veux parler du train qui part à 8 heures 15 minutes du soir, lequel dessert Braine, Charleroi, Mons et Tournai. Ce train est susceptible de nombreuses améliorations. On réclame surtout, pour l'arrondissement de Mons, la suppression des nombreux changements de trains auxquels sont soumis les voyageurs qui vont dans cette direction ; ils doivent changer de train, une première fois à Braine, une seconde fois à Jurbise, une troisième fois à Mons. Ce temps d'arrêt est assez long à Braine, où il faut attendre le train de Namur, et très long à Mons, où il faut attendre le train de Manage ; ces trois temps d'arrêt constituent une gêne extrême imposée aux voyageurs et qu'il serait très facile à l'administration du chemin de fer de faire disparaître, au moins partiellement.

(page 382) Dans une occasion précédente, un honorable collègue et moi, nous avens eu l'avantage de remercier M. le ministre des travaux publics d'avoir établi une station à Quaregnon. Je viens maintenant recommander à l'honorable ministre l'établissement de hangars et de voies d'évitement pour les marchandises. S'il a fait construire une gare à Quaregnon, il est indispensable qu'il y adjoigne les hangars nécessaires pour faire le service des marchandises.

Quaregnon est une commune très populeuse.

A côté de Quaregnon, se trouvent des communes d'une population équivalente ; ces populations exploitent des établissements industriels très importants et très nombreux.

Tout fait donc présumer que l'installation d'un service de marchandises dans la gare de Quaregnon serait aussi profitable au trésor qu'utile à la population.

(page 352) M. Reynaertµ. - Messieurs, je n'ai que quelques observations à présenter en réponse au discours de l'honorable ministre.

Je tiens d'abord à remercier l'honorable ministre des explications si catégoriques et si rassurantes qu'il a bien voulu me donner en ce qui concerne le réseau des deux Flandres, la ligne de Courtrai à Braine-le-Comte.

J'appelle de tous mes vœux le jour où pourra s'ouvrir cette triple voie de communication, source nouvelle de richesse et de prospérité pour l'arrondissement de Courtrai.

Je regrette, messieurs, de n'en pouvoir dire autant de la réponse de l'honorable ministre relative à l'agrandissement de la station de Courtrai. Je dirai même que les paroles de l'honorable ministre m'ont alarmé en ce sens qu'elles tendent à faire croire que cette mesure si utile et urgente serait renvoyée à un temps encore très éloigné. D'après lui, il faudrait attendre l'achèvement des nouvelles lignes avant d'entreprendre aucun travail ; sinon on courrait le risque d'avoir à défaire demain ce que l'on aurait fait aujourd'hui.

D'un autre côté, il résulte des explications de l'honorable ministre que la ligne de Courtrai à Denderleeuw ne devra être achevée qu'au 31 décembre 1868. De ces paroles il faudrait conclure que de la part du département des travaux publics il y aurait décision prise de ne rien entreprendre à la station de Courtrai avant un terme de 3 années au moins.

Messieurs, je déclare franchement que cela n'est pas possible. Les nécessités sont si grandes et si manifestes, j'en ai exposé les raisons dans mon premier discours, que tout retard serait évidemment préjudiciable aux intérêts du commerce et du trésor.

Au motif allégué par l'honorable ministre et qui consiste à dire qu'il faut attendre l'achèvement des nouvelles lignes, je réponds que rien n'est plus facile que de déterminer d'une manière exacte et précise le point d'arrivée de ces nouvelles lignes à la station de Courtrai.

Je prie donc itérativement l'honorable ministre de peser les motifs que j'ai fait valoir et de ne pas attendre pour l'exécution de ce travail l’achèvement des deux nouvelles lignes, ni surtout le vote de nouvelles allocations.

En ce qui concerne les autres objets que j'ai eu l'honneur de recommander à l'honorable ministre, notamment l'établissement d'une ligne télégraphique de Dottignies à Mouscron et le service postal de la commune de Moorseele, je n'ai pas été surpris, je l'avoue, de ne pas avoir reçu de réponse à cet égard.

Il serait certainement très difficile à M. le ministre d'entrer dans des explications sur des détails de cette espèce. Ce sont là des objets qui sont signalés à l'attention et à l'activité du département des travaux publics. C'est à ce même titre que je me permettrai, avant de finir, de faire une dernière recommandation à M. le ministre relativement à l'importante commune de Wevelghem.

Cette commune est aujourd'hui desservie par le bureau postal de Courtrai ; il s'y fait une seule distribution par jour entre 8 et 9 1/2 heures du matin après l'arrivée du train partant de Courtrai pour Bruges vers 8 heures.

De cet arrangement du service, il résulte que les lettres et les journaux en destination de Wevelghem, qui arrivent à Courtrai après la départ du train, doivent y séjourner jusqu'au lendemain. Eh bien, cet état de choses est nuisible aux intérêts du commerce.

Vous n'ignorez pas, messieurs, que cette commune est le centre le plus important de l'industrie linière. Il s'y fait chaque jour des transactions nombreuses qui se montent, j'en suis persuadé, à un chiffre très élevé ; on y compte encore d'autres industries dont je ne ferai pas l'énumération.

Messieurs, l'autre jour l'honorable ministre, répondant à un discours de l'honorable M. de Macar, a déclaré qu'il serait impossible de donner à toutes les communes deux distributions par jour, à moins d’augmenter considérablement les charges du trésor.

(page 353) Je suis parfaitement de l'avis de l'honorable ministre à cet égard et je pense qu'il y aurait impossibilité, en règle générale, de donner à chaque commune une double distribution, mais je pense cependant qu'il y aurait des exceptions à faire pour les communes les plus importantes, et c'est une exception de cette espèce que je sollicite de l'honorable ministre pour la populeuse et industrielle commune dont je viens de parler.

MtpVSµ. - Messieurs, avant que la discussion générale soit close, je désire répondre encore à quelques-unes des observations qui ont été produites dans la dernière séance et dans la séance de ce jour.

Je tiens spécialement, messieurs, à relever des critiques qui ont été faites à propos de nos réformes de tarifs, entre autres par l'honorable M. Braconier et des assertions émises quant aux résultats financiers de ces réformes. Si j'y tiens, messieurs, ce n'est pas par une vaine satisfaction d'amour-propre, mais, ne pas relever ces critiques, ne pas redresser ces assertions, ce serait paraître admettre les premières comme fondées, les secondes comme prouvées, et elles ne manqueraient pas de passer dans la circulation comme des articles de foi.

Je crois, messieurs, dans l'intérêt même de la vérité, qu'il importe que la Chambre et le public soient complètement édifiés quant à la valeur intrinsèque de ces réformes et quant à leur portée financière.

Je vais donc, messieurs, m'occuper d'abord de ce qui a été dit par l'honorable M. Braconier et certifié par l'honorable M. Dumortier, entre autres en ce qui concerne le tarif de transit qui a été vivement blâmé.

Voyons ce que c'est que le tarif de transit ; voyons quel est le but que mon département s'est tracé en l'introduisant, et voyons s'il mérite les critiques dont il a été l'objet de la part de ces honorables membres.

Ce tarif, messieurs, comme on vous l'a dit, est un tarif tout à fait exceptionnel dans l'ensemble de notre système. Par le tarif de transit on transporte, au prix de 20 centimes la tonne-lieu, toute espèce et tout poids de marchandises entrant par la frontière, traversant le pays et sortant par une autre frontière.

Quels ont été les motifs qui ont guidé mon département lorsqu'il a décrété ce tarif ? Ces motifs sont de deux natures. J'ai d'abord voulu favoriser nos ports d'une manière générale et spécialement celui d'Anvers. En second lieu j'ai voulu favoriser l'industrie du pays en amenant à Anvers, par l'appât de la taxe réduite pour les marchandises en transit, des navires qui prendraient, en quittant nos ports, des produits belges au taux d'un fret également réduit plutôt que de partir sur lest ; en d'autres termes, j'ai voulu provoquer l'arrivée dans le port d'un nombre de navires plus considérable que celui qui y arriverait s'il n'y avait pas un appât, une amorce spéciale.

Notre régime douanier, messieurs, repose sur cette idée lorsqu'il admet en franchise de droits le passage par notre territoire des marchandises en transit.

Le département des travaux publics était encore imbu de la même idée lorsqu'il a accordé un prix de transport exceptionnellement réduit par exemple au charbon à l'exportation.

Qu'est-ce que nous avons voulu, messieurs, en transportant les charbons pour l'exportation au prix uniforme de trois centimes par kilomètre et par tonne ?

Nous avons voulu que les navires arrivant de la Baltique et chargés de bois, par exemple, arrivassent en aussi grand nombre que possible et au plus bas fret possible, dans la prévision qu'ils pourraient prendre à Anvers un fret de retour.

Cette idée, je la crois éminemment juste et pratique.

Parlerai-je maintenant de l'intérêt du chemin de fer ? Je pourrais l'invoquer, mais j'en fais bon marché. Je crois que nous devons des recettes au régime qui règle le transit, mais que ces recettes ne sont pas considérables.

En disant que je crois que nous devons des recettes au tarif de transit, je m'appuie sur ce fait que les marchandises qui passent par la Belgique, en transit, peuvent indifféremment employer nos voies ferrées ou employer les communications ferrées ou fluviales de pays voisins ; or, si on ne leur fait pas un certain avantage en Belgique, elles s'achemineront par les pays voisins, et ce sera une perte pour le chemin de fer belge, pour les ports belges et indirectement pour l'industrie belge.

Mais ce ne sera pas une perte pour les transporteurs étrangers, pour les industriels étrangers ni pour les destinataires étrangers.

Telle est ma manière de voir. Qu'importe en effet au négociant de Liverpool que les laines qu'il expédie à Aix-la-Chapelle, par exemple, passent par la Belgique ou passent par Rotterdam et le Rhin ? Cela lui est tout à fait indifférent. Si vous augmentez le tarif belge, les laines s'en iront par Rotterdam. Qu'importe de même au fabricant d'Aix-la-Chapelle que ses laines lui arrivent par les voies ferrées ou fluviales de la Hollande ou par les voies ferrées de la Belgique ? Toute la question est là.

Mais, dit-on, en admettant le principe, vous devez cependant avouer, vous qui préconisez le tarif de transit, qu'il ne doit pas opérer de telle manière que l'intérêt des industriels belges soit réellement engagé dans la question.

Messieurs, je concède cela, et si je dis, en général, que le tarif de transit est une bonne chose et qu'il repose sur un principe rationnel, je me hâte d'ajouter que, dans l'application, le tarif de transit ne peut pas, cependant, aller jusqu'à avantager les industriels étrangers au détriment des industriels régnicoles. Mais a-t-il ce résultat ? C'est là ce qu'il faudrait démontrer et c'est ce qu'on n'a pas démontré.

On dit : Les laines destinées à Aix-la-Chapelle, et venant, par exemple, d'Angleterre, arrivent à Aix-la-Chapelle à plus bas prix qu'elles n'arrivent à Verviers. Le fait est réel, mais cela ne démontre pas qu'il y ait préjudice pour l'industrie de Verviers, causé par le tarif de transit. Il faudrait prouver de plus que les laines venant d Angleterre ne peuvent pas arriver à Aix-la-Chapelle à aussi bas prix par une autre voie que la voie belge. C'est ce que l'honorable M. Braconier n'a pas démontré.

J'ai fait des recherches à cet égard non pour Aix-la-Chapelle, le temps, m'ayant manqué, mais pour Cologne, qui n'est pas loin de là ; eh bien, le transport se faisant par Rotterdam et s'effectuant moitié par eau, moitié par chemin de fer, nous parvenons à peine, par notre tarif de transit, à lutter contre la voie hollandaise et du chemin de fer rhénan, et il est évident que si le tarif de transit n'existait pas, ces laines ne passeraient plus par la Belgique ; elles passeraient par la Hollande et arriveraient à Cologne en payant tout au plus ce qu'elles payent aujourd'hui d'après notre tarif de transit.

L'honorable membre ajoute ; Savez-vous quel est le mode le plus économique de transporter des marchandises de première classe entre Anvers et Verviers ? C'est de les faire aller jusqu'à Herbesthal, de leur faire passer la frontière allemande au prix du tarif de transit, puis de les faire revenir à Verviers. Le fait est encore exact, l'anomalie est réelle, mais je ferai une première observation : si un tarif est mauvais parce que, dans la pratique, il donne lieu à certains inconvénients, à certains faits illogiques, on ne peut plus faire un seul tarif. Tous les tarifs, si vous prenez un exemple à dessein, conduisent à de pareils résultats.

Messieurs, je n'ai pas attendu la dénonciation de l'honorable membre pour chercher à remédier au mal. Il y a longtemps que j'ai constaté qu'on pouvait faire de ces transports, qu'on pouvait payer d'après un tarif inférieur des transports qui devraient subir l'application d'un tarif supérieur, et j'ai cherché à remédier à cet état de choses. Le remède consistait à rayer du tarif de transit certaines stations-frontières, et au commencement de 1865 j'ai ouvert, à cet égard, des négociations avec le chemin de fer du Nord français et avec le chemin de fer rhénan. Je n'ai pas réussi, l'affaire est restée jusqu'ici sans solution et elle restera probablement sans solution.

Pourquoi ? Parce que la ville d'Aix-la-Chapelle, par exemple,, se trouve, par le fait du chemin de fer rhénan, dans la même position où se trouve la ville de Verviers par le fait du chemin de fer belge. Le chemin de fer rhénan a été aussi amené, par la concurrence du Rhin, a établi un tarif extrêmement bas pour le transit. Il s'ensuit que les laines qui viennent d'Allemagne arrivent à Verviers à bien meilleur marché qu'elles n'arrivent à Aix-la-Chapelle, et de même que Verviers a intérêt à faire transporter ses laines jusqu'à Herbesthal, Aix-la-Chapelle a intérêt à pousser les siennes jusqu'à Verviers pour les faire revenir ensuite. Voilà donc la même anomalie, et il y a compensation pour ces deux villes, où s'exercent des industries similaires.

L'honorable membre a parlé enfin des fontes du grand-duché expédiées vers l'Allemagne et spécialement sur Eschweiler, où il y a une importante fabrication métallurgique et où les fontes du grand-duché arrivent à bien meilleur compte que les fontes belges.

En effet, messieurs, les fontes du grand-duché arrivant à Liège et devant prendre à Liège le chemin de fer de l'Etat payent, d'après l'honorable M. Braconier, 1 fr. 56, tandis que les fontes belges parlant de la même ville de Liège payent jusqu'à la frontière allemande, 2 fr. 75 c., sauf à vérifier les chiffres, mais il n'y a pas d'intérêt à le faire parce que si la différence n'est pas exactement ce que je viens de dire, ce fait, qui paraît exorbitant, qui semble prouver, en effet, que l'étranger jouit d'un avantage au détriment du fabricant belge, n'a aucune espèce de valeur, (page 354) encore que les chiffres cités par l'honorable membre soient admis comme exacts.

D'abord il ne s'agît pas ici du tarif de transit. Les fontes du grand-duché, s'en allant vers l'Allemagne, ne sont pas transportées au prix du tarif du transit ; elles sont transportées au prix du tarif mixte, sur la base de la dernière réforme établie par l'Etat, appliquée anticipativement ; c'est-à-dire que si nous étions d'accord sur tous les points avec la compagnie du Luxembourg et avec la compagnie du Nord Belge, comme nous le sommes sur ce point, le prix qu'on demande pour le transport des fontes du grand-duché serait le prix normal du tarif ordinaire.

Mais comment ces fontes sont-elles arrivées par nos voies ? Comment ces fontes, partant de l'Allemagne ou plutôt du Zollverein et en destination d'une autre localité du Zollverein, viennent-elles par chez nous ?

Mais elles viennent par chez nous à raison de l'intérêt qu'avaient principalement la compagnie du Luxembourg et la compagnie des chemins de fer du Nord Belge, d'attirer par chez elles des marchandises qui avaient le choix entre la voie actuelle par la Belgique et la voie ancienne par l'Allemagne ; des marchandises qui pouvaient arriver partant du grand-duché à Eschweiler par les voies allemandes un prix (et rien de plus facile à démontrer ; j'ai ici la décomposition de ce prix), au prix, dis-je, qu'on demande aujourd'hui pour les transports par les voies de la Belgique.

Qu'est-ce que la Belgique a à perdre ? Quel intérêt le bassin de Liège et les métallurgistes de ce bassin ont-ils à ce que les fontes du grand-duché, arrivant à Eschweiler en suivant le chemin de fer de Guillaume-Luxembourg, en descendant la Moselle et le Rhin, et prenant à Eschweiler la voie du chemin de fer rhénan plutôt que de passer par le chemin de fer du Luxembourg, par le chemin de fer du Nord Belge et par quelques kilomètres du réseau de l'Etat ? Je ne l'aperçois pas.

Je vais, messieurs, vous donner les chiffres exacts.

On pouvait, l'on peut encore à l'heure qu'il est et l'on pourra toujours transporter les fontes dont il s'agit, des usines du grand-duché à Eschweiler, au prix de 13 fr. 90. L'honorable M. Braconier ne contestera pas ce chiffre. S'il le contestait, je lui en donnerais la décomposition.

L'application du tarif ancien sur les lignes belges donnait 15 fr. 54. Il y avait donc, au détriment de ces lignes, 1 fr. 56.

M. Braconierµ. - D'après quel tarif ?

MtpVSµ. - D'après l'ancien tarif intérieur de chacune des lignes parcourues par ces marchandises.

Qu'a-t-on fait ? On a abaissé ces 15 fr. 54 à 13 fr. 68, de façon qu'il y a maintenant au profit du chemin de fer belge, une différence sur le transport par les voies allemandes de 50 c. Eh bien, est-ce qu'en supprimant ces 30 c, on vendra une tonne de fonte de plus dans le bassin de Liège ? Vous le voyez, aucune faveur n'est faite, du chef de ce tarif, aux fontes du grand-duché. Par conséquent, si les Belges ne vendaient pas en Allemagne des fontes antérieurement à cette réduction de tarif, ce n'est pas le retour à l'ancien tarif qui nous en ferait vendre.

Voilà donc encore un fait qui ne prouve rien.

Mais l'honorable M. Braconier oublie de plus de dire à la Chambre qu'à côté de cette question du prix de transport, il y a encore un obstacle à ce que le bassin de Liège, par exemple, qui est le plus proche de l'Allemagne, vende un kilog. de fonte dans ce pays : c'est que les fontes belges sont frappées, à leur entrée en Allemagne, de fr. 18-50 de droits, tandis que les fontes, venant du Grand-Duché, ayant pour point de départ un pays qui fait partie du Zollverein, entrent en Allemagne, n'importe par quelle voie, sans payer un centime de droit.

Je vous le demande donc : où est le préjudice que porte au bassin de Liège l'application anticipée du tarif mixte que je viens de vous faire connaître ?

Voilà les faits que l'honorable M. Braconier a cités comme concluants. non seulement ils ne sont pas concluants, mais je pense que la Chambre reconnaîtra qu'ils ne prouvent absolument rien et qu'elle demeurera convaincue que jusqu'ici le tarif de transit a résisté à toutes les critiques qu'on a élevées contre lui.

Je passe, messieurs, à un autre point, aux appréhensions que l'honorable M. Dumortier a formulées, au sujet de l'avenir financier de l'exploitation de notre réseau du chemin de fer.

L'honorable membre n'a pas dissimulé ses rancunes contre ce qu'il a appelé messieurs les économistes, qui lui avaient successivement arraché et les droits protecteurs élevés et les primes et les droits différentiels. L'honorable député de Roulers a jugé habile et équitable d'accuser ce qu'il appelle les économistes, de chercher à ruiner le trésor par des réductions successives du tarif des chemins de fer. L'honorable membre n'a pas hésité à dire qu'il craint désormais pour les boni qui ont été versés dans la caisse du Trésor, pour les excédants des recettes du chemin de fer sur les dépenses et il vous a rappelé, avec raison, que c'est sur les boni que sont hypothéqués les vastes travaux que nous avons décrétés il y a quelques mois. Jetons donc un coup d'œil très rapide sur le passé, sur le présent et sur l'avenir de l'exploitation du chemin de fer et voyons si les réductions introduites ont provoqué une augmentation de dépense telle, qu'il y ait lieu d'entrevoir, avec l'honorable M. Dumortier, que, soit immédiatement, soit dans un avenir prochain, les excédants que nous avons versés au Trésor viendront à tarir.

Il est très facile de donner à cet égard des indications précises, quant au passé. Ainsi en prenant la période quinquennale finissant en 1864 nous pouvons constater à un centime près l'augmentation de dépenses à laquelle nous avons eu à faire face. Nous avons pour cette période les dépenses liquidées au delà desquelles il n'y a rien.

Les dépenses du budget liquidées forment évidemment le total absolu des dépenses faites.

Or, quelles ont été, pour la période de 1860 à 1864 inclus, les dépenses liquidées ? Je m'arrêterai à 1864 dans cette première énumération, parce que les dépenses de 1865, dont j'aurai l'occasion de parler tantôt, ne sont pas encore liquidées.

Nous pouvons formuler des prévisions quant à 1865, mais nous ne pouvons fournir aucun résultat définitif, car l'exercice n'est pas clos. En 1860, première année de cette période quinquennale, les dépenses liquidées sont de 14,339,000 fr., en 1861 de 14,742,000 fr., en 1862 de 15,119,000 fr., en 1863 de 16,732,000 fr., en 1864 de 17,927,000 fr.

J'ai dit, messieurs, que ce sont toutes les dépenses liquidées, mais comme je ne veux pas qu'il y ait la moindre équivoque entre nous, je dois dire que ces dépenses ne comprennent pas les dépenses de trois directions existantes à l'administration centrale des chemins de fer de l'Etat ; je pourrais omettre ce détail insignifiant, mais je veux être absolument précis. Ce sont les dépenses afférentes au personnel des deux directions de comptabilité, la comptabilité des recettes et la comptabilité des matières et à la direction du service général ; il n'est pas tenu compte de ces dépenses, parce que ces directions planent sur l'ensemble de l'administration et parce qu'il n'est pas possible de faire une décomposition absolument exacte de ce qui revient aux chemins de fer d'un côté et aux postes et aux télégraphes de l'autre.

. C'est une affaire de 200,000 à 300,000 fr., ajoutez-les et vous serez plutôt au-dessus qu'en dessous de la réalité. En 1860 la dépense était donc de 14,339,000 fr., en 1864 elle est arrivée à 17,927,000 fr. ; en 5 ans il y a donc eu une augmentation de dépense de 3,588,000 fr.

Mais à côté des dépenses il faut placer les recettes. Or, quelles ont été les recettes pendant la même période quinquennale ? En 1860 les recettes brutes étaient de 27,801,000 fr. en 1861 de 29,941,000 fr., en 1862 de 30,547,000 fr., en 1863 de 31,721,000, en 1864 de 33,741,000 fr.

Ainsi, dans la même période quinquennale les recettes se sont élevées de 5,940,000 fr.

En soustrayant l'augmentation de dépenses qui s'est produite pendant cette période de l'augmentation de recettes, vous voyez que l'augmentation de recettes dépasse l'augmentation de dépenses de 2,352,000 fr.

Je pense que ce résultat est assez satisfaisant et qu'il ne donne pas lieu d'appréhender le résultat des réformes que nous avons introduites.

En ce qui concerne 1865, je ne puis rien dire quant aux dépenses, mais quant aux recettes, je suis déjà suffisamment renseigné ; je connais les résultats définitifs pour les 11 premiers mois de l'année, je sais que, pour les seuls voyageurs, il y a dans le mois de décembre une augmentation de 285,000 fr. En supposant qu'il n'y ait pas sur les autres transports de chemin de fer de variations pour ce même mois, nous aurons pour l'exercice 1865, une recette (chiffres ronds) de 36,650,000 francs : l’augmentation, sur 1864, sera donc de 1,900,000 fr. Je doute fort que l'augmentation de dépenses soit équivalente, mais si même elle montait à ce chiffre, le boni de 1864 resterait intact en 1865.

Ici encore, messieurs, il n'y a donc pas de graves appréhensions à concevoir.

(page 355) Mais, dit l'honorable M. Dumortier, pour 1866, nous nous trouvons en présence de l'abîme. Vous avez demandé une première augmentation par le projet de budget déposé au mois de mars ; cette première augmentation s'élevait à 1,200.000 francs. Vous avez ensuite demandé par amendement 2,800,000 francs, ce qui fait pour 1866 une augmentation de dépense de 4 millions de francs. L'exagération est évidente. L'honorable membre attribue au seul service du chemin de fer, puisqu'il s'agit de calculer l'avenir du chemin de fer, les augmentations que j'ai demandées et pour les chemins de fer, et pour les postes, et pour les télégraphes et pour le service des ponts et chaussées.

Il commet ainsi une première erreur de 500,000 francs. La vérité est que l'augmentation demandée et par le projet de budget déposé au mois de mars et par les amendements déposés au commencement de cette session, que l'augmentation, dis-je, pour les chemins de fer, est de 3,517,000 fr. Voilà le chiffre exact, mais ce chiffre ne prouve rien du tout. L'honorable M. Dumortier ouvre le livre de comptabilité du chemin de fer et il vous le montre à la page Débit ; mais il devrait bien aussi le montrer à la page Crédit, car il s'agit ici d'une relation, et qu'importe que la dépense augmente si les recettes augmentent en proportion, l'honorable membre aurait donc dû, après avoir constaté ce qu'on demandait en dépenses, ouvrir le budget des voies et moyens, vous montrer ce que l'on promettait en augmentations de recettes et établir la comparaison. Or quelles sont les prévisions de 1866 par rapport à celles de 1865, en recettes ? Les prévisions du budget des voies et moyens en ce qui concerne les chemins de fer ont été modifiées par les amendements que vous connaissez, comme l'avait été le budget des dépenses par d'autres amendements.

D'après une première évaluation, on portait au budget des voies et moyens une somme de 34,500,000 fr. Par amendement, M. le ministre des finances a proposé, en mon nom, de majorer la somme jusqu'à 37,500,000 fr., de façon que la différence, quant aux prévisions entre les recettes de 1865 et celles de 1866 est de 4,500,000 fr.

Nous portons donc une dépense présumée de 3,500,000 fr. en plus, mais nous portons une recette présumée de 4,500,000 fr. en plus. Vous voyez que la balance est sensiblement au profit des recettes.

Mais cette recette de4,500,000 fr., avons-nous l'espoir fondé de la réaliser ? Il ne suffit pas de porter un chiffre au budget ; il faut qu'il se réalise. Eh bien, avons-nous l'espoir fondé de réaliser une recette de 4,500,000 fr. en plus ?

Messieurs, je viens de vous rappeler que la recette réelle pour 1865 sera de 35,650,000 fr. Pour atteindre les prévisions du budget des voies et moyens de 1866, il ne faut donc qu'une somme de 1,850,000 fr. d'augmentation.

Or, 1,850,000 fr. ne dépassent pas la progression normale qui a marqué les dernières années de notre exploitation. Mais il y a des circonstances spéciales qui se présentent et qui nous donnent la certitude morale que non seulement cette augmentation sera réalisée, mais qu'elle sera dépassée. D'abord il y aura l'augmentation de matériel. Nous aurons à la fin de cette année, je l'espère, une augmentation considérable de matériel.

Or il est certain, cela n'a pas besoin d'être démontré, c'est un fait notoire, que si nous avions eu en 1865 un matériel suffisant, l'augmentation n'aurait pas été de 2 millions ; elle aurait été peut-être de 4 millions ; nous pouvions facilement réaliser 2,000,000 de fr. de recettes supplémentaires.

La clientèle du chemin de fer n'a pas de limite connue ; mais il faut du matériel. Je le répète, nous l'aurons, il faut l'espérer, pour la fin de l'année.

Voilà un premier élément spécial d'augmentation de recettes pour l'exercice courant.

Il y en a un autre ; nous allons ouvrir 135 kilomètres de lignes nouvelles dans le courant de l'année ; je vous le demande, n'est-ce pas être trop modeste que de dire qu'au moyen de cette augmentation de matériel et au moyen de l'ouverture de 135 kilomètres de lignes nouvelles, nous ne réaliserons pas plus que l'accroissement normal de recettes, qui est déjà de 2 millions ? Cela n'est pas douteux.

Si j'étais sûr d'avoir un matériel suffisant, je serais sûr aussi de réaliser une recette qui serait bien plus près de 40 millions qu'elle ne resterait près de 37,500,000 fr. Voilà la vérité, et j'en conclus que, autant pour le passé et pour le présent, nous pouvons compter pour un avenir prochain sur des progressions de recettes qui dépasseront notablement la progression des dépenses.

Je pense, messieurs, que ce sujet intéresse les Chambres (Oui ! oui !), parce qu'il y va en définitive de la plus grande institution matérielle du pays, et il s'agit de se rendre bien compte de ce qu'on a fait. Je suis d'accord avec l'honorable M. Dumortier qu'il faut regarder devant soi et qu'il ne faut pas se lancer dans les aventures. Scrutons donc encore ce sujet.

Quant aux dépenses qui se sont accrues dans la mesure que nous avons eu l'honneur de vous indiquer, il y a des faits très importants qui se sont produits. Il y a eu des soubresauts d'augmentation qui ne doivent plus se renouveler. Nous avons eu, au chemin de fer, des créations nouvelles qui ont coûté beaucoup d'argent et qui, je le répète, ont augmenté les dépenses, d'un coup, dans des proportions assez fortes.

Ainsi nous avons organisé le service de nuit, qui, à l'origine, était estimé devoir coûter 800,000 fr. par an et qui certainement a coûté peut-être le double.

Il a coûté le double, parce qu'on a dû l'étendre à mesure de l'accroissement du mouvement du chemin de fer. 1l ne faut donc pas le regretter. Il faut si peu le regretter, que je déclare qu'il serait complètement impossible de satisfaire au mouvement actuel, si nous n'avions pas le service de nuit à côté du service de jour.

Nous avons ensuite eu l'organisation des trains de banlieue, qui devaient coûter, à l'origine, 300,000 à 400,000 fr., mais qu'on a aussi notablement développés et qui aujourd'hui coûtent sans doute 500,000 à 600,000 fr.

Voilà deux chefs de dépenses considérables et qui ont accru par soubresauts, je ne connais pas de mot meilleur, les dépenses lorsqu'on les a inscrits une première fois au budget. Mais désormais vous n'avez plus qu'à pourvoir au développement de ces services et vous n'aurez plus de ces accroissements notables, se produisant à un jour, à une heure donnée.

Nous avons aussi augmenté les traitements du personnel, comme on . les a augmentés dans toutes les autres administrations publiques. 11 y a eu là encore une dépense considérable.

Vous le voyez donc, pour l'avenir, l'exploitation du chemin de fer, au point de vue de la dépense, s'annonce sous les meilleurs auspices. Certainement il y aura encore des augmentations sensibles de dépenses ; ainsi les réparations du matériel, son renouvellement normal ne figurent pas au budget pour une somme suffisante. Mais en vous faisant tout à l'heure la décomposition des dépenses, j'ai porté à chacun des budgets de 1863 et de 1864 un million de crédit spécial qui a été voté et que, par loyauté, j'ai demandé à rattacher aux exercices pendant lesquels le matériel devait se construire.

Pour le budget de 1865, c'est la même chose. Nous rattachons au budget un million compris dans les 10 millions votés il y a quelques jours.

Par conséquent, le jour où l'on voudra inscrire d'une manière permanente un million d'augmentation pour renouvellement et réparation du matériel, la situation ne se trouvera pas changée, tout au moins quant aux budgets des dernières années.

Encore une fois donc, la situation est excellente. J'accorderai cependant une chose à l'honorable M. Dumortier ; c'est qu'il ne faut pas en abuser. Aussi, en ce qui me concerne personnellement, je déclare que je ne songe pas à de nouvelles réductions de tarifs, sur les points où des réformes ont été opérées. Ni pour les grosses marchandises, ni pour les petites marchandises, il ne peut plus être question, selon moi, de réductions nouvelles. Je ne veux pas dire qu'on ne puisse améliorer les nouveaux tarifs sur quelques points donnés, qu'on ne puisse opérer un déclassement, réduire dans une certaine mesure le tarif des petits parcours, question qu'a soulevée l'honorable M. Lebeau ; mais je dis que d'une manière générale il faut s'abstenir de toucher aux nouveaux tarifs.

Il y a encore une réforme importante à accomplir, celle qui concerne le tarif des voyageurs. Mais ce qui est fait doit rester fait. A mon sens, après les réformes notables que nous avons opérées, le chemin de fer est une espèce de champ défriché. Il faut désormais l'amender par des améliorations de service pour en retirer tout ce qu'on peut en obtenir, mais il ne faut provisoirement pas aller au delà. J'ai la conviction qu'en procédant ainsi, non seulement les bénéfices que nous avons réalisés dans les dernières années pourront être maintenus intacts, mais qu'ils iront se développant, et qu'ainsi nous arriverons, dans un avenir qui n'est pas loin, à cette excellente situation qu'indiquait l'honorable M. Dumortier ; car je suis encore d'accord avec lui sur ce point, où le chemin de fer donnera des excédants tellement considérables que l'on pourra songer, sur d'autres points de notre administration publique, à beaucoup de réformes utiles qui sont vivement désirées et que nous ne réalisons pas aujourd'hui à raison de la pénurie de nos ressources.

(page 356) On pourra diminuer certains impôts, renouveler ces excellentes opérations qui s'appellent abolition des octrois et suppression des droits de barrière.

On pourra faire beaucoup d'autres choses, et je suis d'accord avec l'honorable M. Dumortier qu'il faut se garder avec soin de prendre des mesures qui pourraient porter préjudice à ces importantes ressources à provenir du chemin de fer, dont on pourra faire plus tard un si précieux usage.

Messieurs, il y a plusieurs moyens d'exploiter nos chemins de fer.

On peut les exploiter, comme les compagnies, c'est-à-dire, au profit du capital, pour en tirer le plus grand bénéfice possible. A mon amis, ce n'est pas la manière dont l'Etat doit user.

Ou bien, il peut faire le contraire, il peut courir les aventures ; ce n'est pas non plus la manière dont l’Etat doit procéder.

Il est très facile, de cette façon, de s'attirer des applaudissements, parce que, si l'Etat perd, quelqu'un gagne, et ce quelqu'un est là pour vous porter au pavois.

Mais je tiens que c'est là un mode d'agir qui n'est pas digne d'un administrateur sérieux.

Il faut tirer de chacun de ces deux systèmes ce qu'il a de bon ; il faut les concilier autant que possible.

Ce que personnellement je me suis toujours efforcé de faire, c'a été de réaliser les recettes les plus élevées possible par les plus bas prix possibles ; mais le jour où les tarifs seraient trop bas pour donner un résultat rémunérateur, si je puis m'exprimer ainsi, pour maintenir l'excédant que nous avons eu jusqu'ici, je croirais avoir commis une grande faute ; mais en procédant autrement, dans la mesure de mon intelligence, en ménageant à la fois l'intérêt du trésor et celui du public, je croirai avoir suivi un système beaucoup plus utile au pays.

L'honorable M. Dumortier a critiqué spécialement le tarif des petits paquets. Eh bien, messieurs, le tarif des petits paquets a été combiné au point de vue que je viens d'indiquer. Je n'ai pas pensé que nous eussions de grands risques à courir ; au contraire, en présence de l'ancien tarif que vous connaissez, je me suis demandé quelle était la taxe qui servirait le mieux l'intérêt du trésor et celui du public. Je me suis arrêté à un tarif déterminé. Me suis-je trompé dans mes prévisions ? Sous l'empire du tarif du mois de septembre dernier, qui vit à peine depuis cinq mois, et qui devait amener, s'il n'y avait pas eu accroissement dans le mouvement une perte de 600,000 à 700,000 fr., j'ai la satisfaction d'annoncer à la Chambre que depuis les deux derniers mois la recette brute nouvelle dépasse déjà la recette brute ancienne. (Interruption). Oui, c'était prévu ; mais ce que personne, n'osait prévoir, c'est que la recette ancienne aurait été récupérée si tôt.

Qu'est-ce qu'il reste donc à faire pour le trésor dans cette réforme de petits paquets ? II s'agit de voir quelle est l'augmentation des dépenses quand vous aurez un mouvement double ou triple du mouvement antérieur. Or, l'importance de cette augmentation de dépense n'est pas grande. Et si vous réfléchissez qu'il n'a fallu que quatre ou cinq mois depuis la réforme des petits paquets, pour produire le résultat que je viens d'annoncer, en ce qui concerne les recettes, supposons même une augmentation assez notable de dépense, il est bien certain pour moi que la réforme aura pour résultat définitif d'amener une augmentation sensible de recettes nettes pour l'Etat, au bout d'un ou de deux ans.

Messieurs, un mot, en passant, du camionnage dont a parlé l'honorable M. Dumortier.

Il croit que sur 30 centimes qui forment le minimum du tarif n°2, les camionneurs en perçoivent 20 ; l'honorable membre suppose à tort qu'on a maintenu dans la nouvelle combinaison l'ancien tarif des camionneurs. La vérité est que là où le camionneur percevait 20 centimes dans certaines villes, 25 centimes dans d'autres villes, il n'en perçoit plus aujourd'hui que 10.

La question des tarifs me ramène à la question du poisson.

- Des membres. - A demain !

- La suite du discours de M. le ministre des travaux publics est remise à demain.

Projet de loi interprétatif des articles 2 et 3 de la loi du 12 avril 1835 sur l’exploitation et la police du chemin de fer

Rapport de la section centrale

M. Lelièvreµ. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif à l'interprétation des articles 2 et 3 de la loi du 12 avril 1835 concernant l'exploitation et la police du chemin de fer.

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.