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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 7 février 1866

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboomµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 357) M. Thienpont, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Moor, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction on est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpontµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Henri Michicls, cultivateur à Calloo, né à Nederweert, partie cédée du Limbourg, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« L'administration communale de Marchienne-au-Pont prie la Chambre d'accorder au sieur Dequanter la concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Charleroi avec embranchement. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur des pétitions relatives au même objet.


« Des habitants d'Arquennes se plaignent des péages exorbitants perçus sur les canaux d'embranchement. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Menin prient la Chambre de décréter qu'il ne sera élu qu'un seul représentant par circonscription de 40,000 habitants, que pour l'élection d'un sénateur on réunira deux circonscriptions de 40,000 habitants et que les élections se feront dans la commune. »

- Même renvoi.


« Par message du 6 février, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté le projet de loi contenant le budget de l'intérieur pour l'exercice 1866. »

- Pris pour information.


« M. Dewandre, retenu chez lui par une indisposition d'un membre de sa famille, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.


« M. Van Nieuwenhuyse, retenu citez lui par une indisposition, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.


« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, deux demandes de naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1866

Discussion générale

MtpVSµ. - A la fin de la séance d'hier, j'avais à répondre encore à quelques observations de détail, je vais le faire aussi rapidement que possible, parce que je pense que la Chambre désire clore la discussion générale. Nous avons examiné avec quelques développements certaines questions de principe que la discussion générale a soulevées particulièrement en matière de tarifs. Il y a une question que l'honorable M. de Brouckere n'a recommandée en cette matière, c'est l'établissement d'un tarif mixte avec une compagnie française au point de vue de nos relations avec les ports du littoral du midi de la France.

L'administration belge avait déjà fait des efforts dans ce sens.

Nous avons obtenu un tarif mixte s'appliquant à la grande vitesse et à la première classe de la petite vitesse.

Je ne suis pas certain que les compagnies françaises consentent à étendre ce tarif aux classes inférieures de la petite vitesse. Cependant je veux bien essayer d'arriver à ce résultat et je suis prêt à entamer des négociations à cet effet.

L'honorable M. Lebeau, de son côté, est revenu sur la question de la surveillance à exercer sur les chemins de fer concédés ; l'honorable membre a cherché, assez inutilement selon moi, à démontrer que le gouvernement avait le droit d'exercer cette surveillance sur les chemins de fer concédés.

C'était évidemment enfoncer des portes ouvertes.

Il n'est pas douteux que le gouvernement puise dans les cahiers de charges le droit de surveiller les lignes concédées et qu'il importe à la chose publique qu'il fasse usage de ce droit.

La question est de savoir comment et dans quelle mesure il doit en faire usage. J'ai uniquement soutenu cette thèse qu'il n'était pas nécessaire, qu'il n'était pas même utile de mettre les compagnies concessionnaires en lisière, de les guider à chaque pas qu'elles pouvaient faire dans leur administration. Je maintiens cette thèse. L'honorable M. Lebeau sur ce point capital ne m'a pas contredit et véritablement je ne sais plus, à l'heure qu'il est, en quoi l'honorable membre diffère de moi et en quoi je diffère de lui sur la question de savoir comment il faut - je dis comment et non pas si - comment il faut surveiller les compagnies concessionnaires.

L'honorable membre indique une marche à prendre. Ce serait de charger les ingénieurs en province non pas seulement de la surveillance de la voie des lignes concédées, mais de la surveillance de l'exploitation proprement dite. Je n'ai qu'une réponse à faire à cet égard : c'est que le personnel des ingénieurs en province serait insuffisant pour accomplir cette besogne et serait de plus incompétent. Je crois que la besogne serait plus mal faite qu'aujourd'hui. La surveillance s'exerce aujourd'hui et s'exerce d'une manière active ; seulement, l'honorable M. Lebeau ne veut pas le reconnaître. Je n'aurais cependant qu'à produire les dossiers de l'administration, à la Chambre, pour la convaincre que tous les jours nous sommes en relation avec presque toutes les sociétés et que quand un abus est signalé dans la gestion de l'une d'elles, cet abus est immédiatement redressé, ou tout au moins le département des travaux publics fait ce qui est en lui pour arriver à le redresser. Je ne pense pas qu'on puisse en demander davantage en principe.

En fait, peut-on exercer une intervention plus efficace, plus intelligente ? C'est une autre question, mais nous pensons que nous faisons ce que nous devons et ce que nous pouvons faire d'utile.

L'honorable M. Dumortier est revenu sur le déplacement de la station de Tournai. Je veux en dire deux mots à la Chambre, parce qu'il semblerait, à entendre les vives réclamations de l'honorable membre, que nous commettons là une énormité.

Voici l'affaire en deux mots ; vous verrez qu’elle se réduit à des proportions extrêmement minimes et que la conduite du département des travaux publics en cette circonstance lui est commandée par les plus simples éléments de la question qu'il a à résoudre.

La station de Tournai, telle quelle existe aujourd'hui, ne peut pas être maintenue, parce qu'elle forme à l'entrée de Tournai un boyau qui n'a que 26 mètres de largeur et qu'elle va devoir suffire à plusieurs lignes nouvelles ; ainsi la ligne qui vient de s'ouvrir de Bruxelles à Tournai par la section nouvelle de Hal à Ath, la ligne également ouverte de Tournai à Lille, la ligne d'Anvers à Tournai et de Tournai à Douai, la ligne de Saint-Ghislain à Tournai.

Ainsi, voilà cinq lignes nouvelles, par conséquent cinq convois nouveaux qui entreront dans la station de Tournai, en coïncidence les uns avec les autres.

Matériellement donc il est impossible de maintenir la station de Tournai. Il faut la modifier. Mais pour la modifier, à moins de consacrer à ce changement des sommes exorbitantes, il faut la déplacer en l'éloignant un peu de la ville. En prenant comme point fixe le centre de la ville, quelle est, par rapport à ce point, entre la station supposée maintenue à son emplacement actuel, mais reculée comme elle doit indubitablement l'être, et la station nouvelle telle qu'elle est projetée par l'administration, la différence de distance ? Elle est de 200 mètres. Ainsi, c'est pour 200 mètres que l'honorable M. Dumortier fait tout ce bruit. Il faut avouer que la chose n'en vaut pas la peine.

Mais, en éloignant, la station de 200 mètres, en préférant l'emplacement nouveau indiqué par l'administration des travaux publics à l'emplacement actuel, on aura une station infiniment mieux aménagée, mieux installée, que l'on ne pourrait installer la station à reculer sur l'emplacement actuel ; et spécialement on arrive à substituer à une station à rebroussement une station à passage direct.

Les stations à passage direct, dit l'honorable M. Dumortier, c'est une invention des ingénieurs, c'est pour leur plaisir que les ingénieurs préconisent cette combinaison. Mais le public est bien préférable aux ingénieurs et quand le public réclame contre les ingénieurs, il faut donner raison au public et tort aux ingénieurs.

(page 358) L'honorable M. Dumortier croit qu'il y a certains fonctionnaires de l'Etat, appelés ingénieurs, qui se laissent diriger par leurs caprices dans la solution des questions qui leur sont soumises, que les ingénieurs n'ont qu'un but, c'est de contrarier, de vexer le public. Messieurs, c'est là une singulière manière de voir. Les ingénieurs soutiennent leur œuvre, parce qu'ils la croient meilleure. Et pourquoi, dans la circonstance présente, tiennent-ils à substituer une station à passage direct à une station à rebroussement ? Mais parce que les stations à passage direct sont d'une exploitation à la fois plus économique pour le trésor et plus sûre pour le public que les stations à rebroussement, et vous allez le comprendre.

Je suppose un convoi partant de Bruxelles en destination de Lille et devant passer par Tournai. Comment doit-on nécessairement manœuvrer dans une station à rebroussement ? On part de Bruxelles, on arrive dans la station de Tournai, il faut atteler une nouvelle locomotive avec son personnel en queue du train, parce que la queue devient la tête. Eh bien, ne tombe-t-il pas sous le sens qu'il est infiniment plus économique de pouvoir pousser quelques kilomètres plus loin avec la même locomotive et le même personnel que d'avoir à mettre en réquisition deux locomotives et deux personnels ?

Voilà comment la combinaison d'une station à passage direct est plus économique que la combinaison d'une station à rebroussement.

Maintenant, messieurs, les manœuvres dans une station à passage direct, offrent aussi infiniment plus de sécurité pour le public. Quand un convoi traverse une station à passage direct, il n'y a pas de manœuvres ; au contraire, quand il s'agit d'une station à rebroussement, ne fût-ce que du chef de la locomotive que vous êtes obligés de laisser en route et qui doit accomplir certaines manœuvres pour rentrer dans les remises, et la plupart du temps, alors que d'autres trains arrivent ou partent en même temps, n'est-il pas évident qu'il y a là une source de dangers pour le public ?

Voilà donc pourquoi les ingénieurs persistent à préférer, non pas au gré de leur caprice, mais pour des raisons très sérieuses, les stations à passage direct aux stations à rebroussement. Ce principe de bonne exploitation, on cherche à l'appliquer à Tournai, comme on l'applique partout où la chose est possible. (Interruption..)

« Je ne supprime pas, me dit l'honorable M. Dumortier, la station à rebroussement qui existe à Gand. »

Messieurs, je n'hésiterais pas un instant à la supprimer, si je devais faire une nouvelle station à Gand, et dussé-je même, quoique Gantois, reculer la station de quelques centaines de mètres, la question n'en serait pas une ; je céderais à l'évidence.

Est-ce que l'honorable M. Dumortier prétend, par hasard, que parce qu'on fait cette substitution dans la ville de Tournai, où il est indispensable d'édifier une station entièrement nouvelle, il faudrait, par voie des conséquences, annuler les 5 ou 6 millions qui ont été dépensés pour la station actuelle de Gand, afin d'y substituer une station nouvelle sans nécessité pour le service ?

M. Dumortierµ. - Vous voulez conserver à la ville de Gand sa station actuelle, et vous avez raison ; mais vous avez tort de vouloir déplacer la station actuelle de Tournai.

MtpVSµ. - Je donnerai à l'honorable M. Dumortier, qui vient d'entrer, l'indication que j'avais fournie à la Chambre avant son arrivée. C'est que la station nouvelle ne sera éloignée du centre de la ville que de 200 mètres de plus.

M. Dumortierµ. - Cela n'est pas exact ; je demande la parole.

MtpVSµ. - Je demanderai à l'honorable M. Dumortier, puisqu'il est disposé à contester le fait, quelle est la distance exacte entre le bâtiment de la nouvelle station et la cathédrale ou le beffroi qui est derrière ; positivement il n'en sait rien ; il ne sait pas plus, j'en suis convaincu, quelle est la distance entre le beffroi et la station actuelle ou la station nouvelle qui serait établie sur l'emplacement actuel. Quand l'honorable M. Dumortier prouvera que mes chiffres sont inexacts, et qu'il donnera lui-même des chiffres dont il prouvera l'exactitude, nous pourrons discuter ; mais jusque-là ses dénégations ne suffiront pas pour renverser les renseignements précis que je vais fournir à la Chambre. Je prends pour point de départ le beffroi qui se trouve derrière la cathédrale ; il ne forme pas le centre de la ville ; j'aurais pu choisir un point de comparaison plus avantageux à ma thèse ; mais j'ai voulu exprès prendre la position la moins favorable.

Eh bien, messieurs, du beffroi à l'entrée des bâtiments de la station déplacée, il y a exactement 900 mètres. De ce même beffroi à l'entrée de la station actuelle non modifiée il y a 523 mètres ; et à l'entrée de la station que l'honorable membre voudrait construire sur l'emplacement actuel mais en la reculant...

M. Dumortierµ. - Je n'ai pas dit cela.

MtpVSµ. - Comment ! vous n'avez pas dit cela ? Pouvez-vous maintenir la station à l'emplacement actuel sans la reculer ? C'est comme si vous vouliez faire passer, passez-moi le mot, un câble par le trou d'une aiguille.

En prenant donc la distance jusqu'à l'entrée des bâtiments reculés et reculés dans la moindre mesure possible, il y aurait 700 mètres. La différence est donc bien de 200 mètres seulement.

Mais pour bien faire, pour ne pas faire de dépenses inutiles, si l'on voulait reculer sur l'emplacement actuel les bâtiments de façon à ne pas opérer d'emprises, il faudrait aller jusqu'à reculer des bâtiments à concurrence de 780 mètres, et alors vous auriez pour toute différence du centre 900 moins 780, c'est-à-dire 120 mètres.

Je ne vais pas jusque-là. Vous voyez que je fais la partie belle à l'honorable M. Dumortier et je me contente de signaler une différence de 200 mètres.

Messieurs, toute la question est là. Quant à la dépense, elle est la même dans les deux combinaisons. Vous conviendrez donc que véritablement le sujet ne vaut pas les vives réclamations que l'honorable M. Dumortier a fait entendre dans cette enceinte.

L'honorable M. Le Hardy de Beaulieu m'a demandé où en étaient les études du chemin de fer direct de Bruxelles à Charleroi. au point de vue du passage par Nivelles. L'honorable membre a rappelé à la Chambre que le cahier des charges stipule que le chemin de fer direct de Bruxelles sur Charleroi passera par Nivelles ou à proximité de Nivelles.

Messieurs, cette question n'a pas encore reçu de solution jusqu'ici. Je crois en avoir déjà indiqué la raison. Elle n'a pas reçu de solution, parce que l'instruction n'est pas complète.

Je possède les premiers éléments de l'instruction, mais je ne possède pas tous les éléments. J'ajoute que les derniers éléments m'arriveront très prochainement et qu'ainsi sans notable délai, l'on pourra prendre une résolution dans cette affaire très difficile.

Je dis : affaire très difficile ; la Chambre va en juger. Voici en deux mots comment l'affaire se présente et au point de vue des distances et au point de vue de la dépense.

D'après l'un des tracés que l'on peut suivre dans la construction de la ligne directe de Bruxelles sur Charleroi, il y a un raccourcissement entre ces deux villes de 17 kilomètres, et un raccourcissement de 18 kilomètres entre Nivelles et Bruxelles.

D'après une autre combinaison, un autre tracé, le raccourcissement entre Bruxelles et Charleroi descendrait à 15 kilomètres environ, mais la ville de Nivelles obtiendrait un raccourcissement de 20 kilomètres approximativement.

Le second tracé, réalisant le passage direct par Nivelles, entraînerait d'ailleurs une augmentation de 16 à 17 cent mille fr.

Voilà donc la question à résoudre. La ville de Nivelles qui se trouve par le premier tracé rapprochée de Bruxelles de 18 kilomètres, alors que Bruxelles n'est rapprochée de Charleroi que de 17 kilomètres, demande qu'on préfère un autre tracé rapprochant Nivelles de Bruxelles de 20 kilomètres, mais faisant que Bruxelles ne se trouve plus rapproché de Charleroi que de 15 kilomètres et ce au prix d'un accroissement de dépenses de 16 à 17 cent mille francs.

Tels sont, messieurs, les éléments de la question. A première vue, je pense qu'il faudrait condamner la prétention de la ville de Nivelles ; mais comme il y a des intérêts graves en jeu, je ne voudrais pas trancher la question avant qu'elle eût été examinée sous toutes ses faces. C'est parce que cet examen n'a pas encore eu lieu, qu'une décision n'est pas intervenue jusqu'ici ; je pense qu'elle pourra intervenir d'ici à peu de semaines.

L'honorable M. de Theux a recommandé une concession de chemin de fer se dirigeant de Malines vers Eindhoven.

Pour cette concession, je devrais répondre ce que j'ai déjà répondu pour beaucoup d'autres, c'est qu'avant d'être examinée il faut qu'un concessionnaire se présente dans de bonnes conditions, quant à la possession et quant à la modération du capital. Je dois cependant ajouter un mot, c'est que si des chemins de fer méritent une faveur, méritent un tour de préférence, ce sont ceux qui traversent la Campine. J'ai toujours été extrêmement favorable à ces chemins de fer, je n'en ai jamais refusé un seul. Il y en a qui se sont faits, d'autres n'ont pu se faire surtout par (page 359) l'opposition du gouvernement hollandais, mais chaque fois qu'un de ces chemins de fer a présenté des chances d'exécution sérieuses, je l'ai accepté avec empressement.

Je passe aux critiques élevées par les honorables MM. Hymans et de Macar, au sujet de l'insuffisance du traitement des facteurs de la poste. Je tiens à renseigner la Chambre à cet égard, parce qu'il ne faut pas qu'elle croie que nous méconnaissions les droits d'une catégorie très nombreuse d'agents méritants, et qui certainement ont plus que d'autres des titres à la sympathie du gouvernement et des Chambres. Je répondrai donc, messieurs, en rappelant d'abord que le sort des fonctionnaires en général a été véritablement amélioré depuis quelques années, mais que cette amélioration a été comparativement plus grande pour les agents dont il s'agit que pour tous autres. Voici, messieurs, les chiffres.

Je prends une période décennale, je compare l'année 1865 à l'année 1855.

Nous avons aujourd'hui des facteurs au traitement de 1,400 fr.

- Un membre. - Dans les villes.

MtpVSµ. - Je parle d'abord des facteurs des villes. Nous avons donc un traitement de 1,400 fr. qui n'existait pas en 1855. Il est donné à 3 facteurs. Il existe un traitement de 1,500 fr., qui n'existait pas en 1855 et qui est donné à 2 facteurs.

Il y avait en 1855 un traitement de 1,200 fr. qui a été maintenu. Un seul facteur jouissait de ce traitement en 1855, un seul en jouit en 1865.

Un traitement de 1,100 fr. était attribué en 1855 à35 facteurs seulement ; aujourd'hui il est attribué à 76 facteurs. Le traitement de 1,000 francs était donné à 16 facteurs ; il est donné aujourd'hui à 80 facteurs Le traitement de 900 fr. était donné en 1855 à quinze facteurs ; il est donné aujourd'hui à 143 facteurs.

Enfin le traitement de 800 fr. était donné à 27 facteurs ; il est donné aujourd'hui à 184.

M. Bouvierµ. - Quel est le nombre total des facteurs ?

MtpVSµ. - Le nombre des facteurs était de 489 en 1865 ; il était de 299 en 1855.

Il y avait, en 1855, trois catégories de traitements qui n'existent plus.

II y avait un traitement de 700 fr. accordé à 79 facteurs, un traitement de 600 fr. à 121 facteurs, et un traitement de 200 à 500 fr. accordé à 57 facteurs. Ces 3 traitements ont disparu et quant aux traitements supérieurs, vous venez devoir dans quelle proportion énorme ils sont attribués aujourd'hui aux facteurs, comparativement aux nombres que je viens d'indiquer pour 1855.

Pour les facteurs ruraux nous avons la même progression.

Il y avait également des traitements de 200 à 500 fr. et de 600 fr. qui tous ont disparu. Le traitement le moins élevé aujourd'hui est le traitement de 700 fr. Il était accordé à cette époque à 19 agents, il l'est aujourd'hui à 481.

Nous avons, de plus, le traitement de 750 fr. qui n'existait pas en 1855 et qui est donné à 448 agents. Enfin, le traitement de 800 fr. qui n'existait pas à plus forte raison en 1855, est donné en 1865 à 324 agents.

L'amélioration est donc très considérable et je ne crois pas qu'il faille aller au delà pour le moment.

Je le crois d'autant moins, que le traitement donné aux facteurs n'est pas le seul émolument dont ils jouissent. A côté de leur traitement, ils recueillent beaucoup d'indemnités, et pour ne pas sortir des villes, les facteurs des postes y reçoivent des étrennes qui montent certainement pour chacun d'eux à des centaines de francs.

En réalité, ils ont donc une position sinon enviable, au moins digne d'être recherchée, et je puis donner l'assurance à la Chambre que quand une place de facteur est vacante, elle est briguée par un grand nombre de postulants.

M. Julliotµ. - Il y a assez d'amateurs.

MtpVSµ. - Et cela s'explique. Pour être facteur, quelles conditions faut-il réunir ? Il faut être bon marcheur, être honnête homme et être lettré jusqu'à concurrence de la lecture et de l'écriture. Rien de plus.

Un ouvrier intelligent, valide et sachant lire et écrire, fait un excellent facteur.

Or, messieurs, c'est un ouvrier, si cela peut s'appeler un ouvrier, qui a un salaire assuré pendant 365 jours de l'année et une pension à la fin de sa carrière. Voilà pourquoi, messieurs, les places de facteurs avec les traitements actuels sont des places très recherchées, et dignes de l'être toutes proportions gardées.

Je ne reviendrai pas, messieurs, sur la question de la Dendre soulevée par l'honorable M. Bricoult. Je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai dit. Les arguments que l'honorable membre a fait valoir dans la séance d'hier ne me paraissent non plus que la reproduction, sous une forme nouvelle, des arguments dont il s'était déjà servi.

La question capitale, messieurs, est toujours de savoir dans cette petite affaire qui est d'une importance de 3,000 à 4,000 fr. au bout d'une période de quelques années, si le bras non navigable ni flottable d'une rivière navigable et flottable rentre dans les attributions du département des travaux publics.

L'honorable membre soutient l'affirmative, je soutiens, moi, la négative ; mais sans entrer dans l'examen de la question de droit, il y a ici une question de fait qui me semble plaider en faveur de ma thèse d'une manière irréfutable.

L'honorable membre affirme, et la chose est inexacte, selon moi, que le bras de la rivière dont il s'agit est nécessairement le principal, lequel principal est une rivière navigable et flottable.

Mais laissant de côté le point de droit, voici la circonstance de fait sur laquelle j'appelle l'attention de l'honorable membre. La Dendre s'est toujours partagée en deux grandes sections, l'une navigable et flottable et par conséquent administrée par le département des travaux publics et entretenue aux frais de l'Etat, l'autre qui a toujours été non navigable ni flottable. Eh bien le bras dont il s'agit a toujours appartenu à la section non navigable ni flottable.

M. Bricoultµ. - Il est navigable.

MtpVSµ. - Oui, parce que nous avons provoqué la navigabilité par des moyens artificiels. Supprimez les ouvrages d'art que nous avons établis et ce bras de rivière reprendra sa nature primitive. Voilà toute la question,

J'appelle l'attention de l'honorable membre et de ses commettants sur cet aspect de la question, et j'ai la conviction, que sans avoir égard au peu d'importance de l'affaire, on reconnaîtra qu'il s'agit ici d'un principe que mon département doit soutenir.

L'honorable M. d'Hane m'a demandé s'il était vrai que le gouvernement fût disposé à ajourner les travaux de la section nouvelle du canal de Turnhout à Anvers pour laquelle des fonds ont été votés au. mois de juillet dernier.

Je dois dire à l'honorable membre que cette question n'est pas décidée à l'heure qu'il est. Mais voici l'observation générale que je dois présenter. Certains travaux ont été décrétés et des fonds ont été mis à la disposition de mon département pour l'exécution de ces travaux. Ces fonds, messieurs, doivent être pris sur les excédants de recettes afférents à une série d'exercices. On ne peut donc disposer chaque année que d'un certain nombre de millions. Eh bien, messieurs, une fois ce nombre de millions épuisé, l'activité du département des travaux publics doit s'arrêter. On ne peut pas tout faire à la fois.

Il a été prévu qu'il fallait employer à l'exécution de ces travaux un certain nombre d'années. Il ne m'est pas possible, financièrement, d'anticiper sur ces délais. Il faut que les travaux s'exécutent : les uns les premiers, les autres les seconds, les autres les troisièmes.

Quels seront les premiers ? Les plus urgents évidemment.

Parmi les plus urgents, je place en première ligne les travaux de parachèvement des chemins de fer.

Eh bien, depuis le mois de juillet de l'année dernière on a dépensé ou engagé pour parachèvement de nos chemins de fer, tous les crédits mis à ma disposition pour cet objet. A la fin de cette année les 8 millions que vous avez votés pour parachèvement de notre réseau seront absorbés.

J'ai même été obligé, dans le cercle des travaux de cette catégorie, d'établir la prééminence des uns sur les autres en raison du caractère d'urgence relative qu'ils présentent.

Est-ce que le canal de Turnhout à Saint-Job peut être classé parmi les travaux véritablement urgents ? C'est une question que je devrai sans doute résoudre dans un sens négatif, c'est-à-dire que je devrai postposer ce travail à plusieurs autres, parce qu'il est au contraire un des moins urgents. En voici du reste les raisons. D'abord le crédit voté ne suffit pas pour achever le travail, ce n'est qu'une section nouvelle que l'on fait construire, ensuite la section déjà construite n'a pas besoin de ce complément pour donner toute son utilité aux riverains. Il n'y a donc aucun motif pour donner la préférence à ce travail sur d'autres ; au contraire. Il ne peut toutefois s'agir que d'un simple ajournement, d'un délai qu'on ne peut déterminer aujourd'hui. Le travail doit se faire et les fonds (page 360) votés pour cet objet ne peuvent être distraits de leur destination légale.

L'honorable membre a entretenu aussi la Chambre du quai du Rhin. Il sait qu'il existe un procès à cet égard. Les travaux ont été abandonnés par l'entrepreneur et c'est à tort que l'honorable membre pense que cet abandon a pour cause la rigueur excessive du cahier des charges. Il y a une cause plus décisive que celle-là, c'est que sur le prix d'estimation de ce travail, qui ne montait pas à 500,000 fr. l'entrepreneur a fait un rabais de 80,000 fr. J'ai été, je dois le dire, au regret de devoir approuver cette soumission, mais au moment où je l'ai approuvée, l'issue n'était douteuse pour personne ; elle ne s'est pas fait attendre. J'aurai donc à réadjuger à la folle enchère de l'entrepreneur.

II y a là, messieurs, un retard fâcheux, mais qui n'est pas imputable au département des travaux publics.

L'honorable M. de Brouckere a dit un mot de la coalition que j'avais signalée de la part des constructeurs de matériel. Il a plaidé ce qu'il a appelé les circonstances atténuantes. Il a même soutenu qu'il n'y avait pas de coalition dans l'espèce, mais simplement entente entre les constructeurs.

Je comptais demander à l'honorable M. de Brouckere quelle est la distinction entre les mots « entente » et « coalition » dans les circonstances que vous connaissez, mais j'ai été servi par le hasard. Ayant eu l'honneur de recevoir moi-même les chefs des établissements de construction de matériel, j'ai eu d'eux l'explication désirée.

D'après eux, une entente de l'espèce, c'est l'accord qui s'établit entre les chefs d'établissements concurrents si les prix dont ils conviennent ne sont pas exagérés et cette entente ne deviendrait coalition que si les prix étaient exagérés.

Il suffit, messieurs, de définir les termes dont on se sert. La chose étant entendue comme l'entendent MM. les constructeurs, nous savons à quoi nous en tenir, mais la question, s'il y a entente ou coalition, même suivant leur définition, ne me paraît pas élucidée, car la question est précisément de savoir si le prix est ou n'est pas exorbitant.

Ils affirment, et ils croient que la chose est prouvée par leur seule affirmation, que le prix n'est que raisonnable. Moi, je pense le contraire. Comment trancher la difficulté ? De la manière que je leur ai fait connaître. Nous verrons s'il arrivera des offres meilleures.

S'il arrive des offres meilleures, la coalition sera prouvée. S'il n'arrive pas d'offres meilleures, il sera prouvé qu'il y a entente et non coalition.

Il faut donc attendre l'épreuve des faits.

Nous verrons ce qui se produira dans les quelques jours qui vont se passer, mais provisoirement ces messieurs sont en aveu ; ils sont convenus entre eux des prix qu'ils feraient à l'administration. Du reste, ils offrent de démontrer que les prix des dernières adjudications avaient été trop modiques, et qu'il y a lieu d'augmenter ces prix. Je suis d'accord avec eux. (Interruption.)

C'est une question de proportion. Dans les estimations qui ont servi de base aux nouvelles adjudications, j'avais spontanément majoré les prix, mais c'est sur ces prix majorés que ces messieurs demandent une augmentation que je considère, moi, comme exorbitante. Est-elle réellement exorbitante ? C'est ce que nous allons voir.

J'admets très bien que les industriels soutiennent leurs intérêts, mais on doit aussi permettre que le gouvernement cherche à se débattre contre un prix qu'à tort ou à raison il considère comme exorbitant. Je dis : à tort ou à raison, mais ce qui est acquis c'est qu'il y a une augmentation de 1,130,000 fr. sur les évaluations, bien que ces évaluations tinssent compte, dans une certaine mesure, du renchérissement de la main-d'œuvre et de la matière première.

L'honorable M. de Brouckere m'a interpellé aussi sur la question du chemin de fer de ceinture, de Bruxelles. Ila dit, à mon grand étonnement, que quelques personnes croyaient que ce travail était abandonné. Ce travail ne peut être abandonné ; il y a eu des fonds votés pour la construction d'un chemin de fer de ceinture, et ces fonds ne peuvent être affectés à une autre destination.

Il y a quelques jours, j'ai eu l'occasion de dire à la Chambre que la question de la construction du chemin de fer de ceinture, qui pouvait avoir été un instant douteuse lorsque la ville avait proposé au gouvernement pour l'assainissement de la Senne une combinaison qui aurait eu pour base la distraction d'un certain nombre de millions votés pour le raccordement extérieur, bien entendu, la ratification des chambres réservée, que cette combinaison se trouvant abandonnée, le chemin de fer de ceinture reparaissait dans ses conditions premières, sans modification essentielle et qu'il ne pouvait plus être question que de le construire selon le projet connu du gouvernement. Depuis ce jour, des instructions ont été données aux ingénieurs pour préparer le plan définitif suivant un programme irrévocablement arrêté pour le raccordement extérieur.

Ce plan, c'est le plan primitif que j'ai eu l'honneur de vous faire connaître, mais modifié dans ce sens que le chemin de fer serait rapproché un peu de Koekelberg et qu'il passerait en contre-bas du boulevard d'Anvers prolongé c'est-à-dire qu'il satisfait, dans ces conditions, à peu près à tous les vœux dont il avait été l'objet.

J'ai la conviction que d'ici à trois mois, par exemple, le plan définitif aura pu être dressé et approuvé et que les acquisitions de terrain pourront commencer.

Dans le commencement de l'été, on mettra positivement la main à l'œuvre.

Un dernier mot en réponse à l'honorable M. de Borchgrave.

L'honorable M. de Borchgrave a insisté sur la situation qu'il a fait connaître et qu'il a définie, suivant son opinion, relativement aux télégraphes.

J'avais cru comprendre par le premier discours de l'honorable membre qu'il plaçait l'organisation de la télégraphie en Belgique au-dessous de celle de beaucoup d'autres pays, ce qui aurait signifié que notre service d'une manière générale laissait beaucoup à désirer. Je dois dire que les stricts termes dont s'était servi l'honorable membre ne donnaient pas nécessairement lieu à cette interprétation, mais c'est cependant ce que j'avais compris de son discours parce que je ne m'imaginais pas que ce discours n'avait d'autre sens que le sens littéral. Je ne l'avais pas entendu ainsi, parce qu'ainsi il ne s'agissait plus que d'une minime critique de détail et de la seule comparaison à établir entre la Belgique et la Suisse et peut-être la Bavière.

Je m'étais donc mépris et c'est certainement sans intention malveillante que j'avais répondu d'une manière qui, à tort, a paru désobligeante à l'honorable membre. Il semble donc reconnu par l'honorable membre que si nous avons une position désavantageuse relativement aux autres pays, ce n'est, dans son opinion, qu'au point de vue du nombre relatif de bureaux existant en Suisse et en Belgique. En Suisse, il y a, en effet, un bureau pour 9,000 âmes, ai-je dit, tandis qu'en Belgique il n'y en a qu'un pour 15,000 âmes. Eh bien, messieurs, en scrutant ces chiffres, il est facile de constater que, même à ce point de vue, la Belgique est probablement aussi bien et peut-être mieux desservie que la Suisse.

Et pourquoi ? Parce que la population est notablement moins agglomérée en Suisse qu'en Belgique et qu'on comprend qu'il faille un plus grand nombre de bureaux pour desservir une population disséminée qu'une population agglomérée ; par exemple, les quatre grandes villes du pays comportent ensemble une population qui dépasse, je pense, 600,000 à 700,000 âmes. Eh bien, ces quatre grandes villes sont fort bien desservies par 10 à 12 bureaux ; mais si cette même population se partageait en groupes de 5,000 à 10,000 habitants, ce n'est pas 10 à 12, mais 60 à 100 bureaux qu'il faudrait.

Or, comme ce morcellement se remarque précisément en Suisse, on conçoit très bien dès lors qu'avec un nombre de bureaux sensiblement supérieur, la Suisse ne soit pas mieux desservie que la Belgique et peut-être même elle ne le soit pas aussi bien.

M. Braconierµ. - L'honorable ministre des travaux publics, dans la partie de son discours qui a rapport aux observations que j'ai présentées sur le tarif de transit, est d'accord avec moi sur divers points. Il reconnaît, d'un côté, que les intérêts du trésor ne sont pas engagés dans la question ; secondement, il reconnaît que si ces tarifs avaient pour résultat d'accorder une faveur aux producteurs étrangers au détriment des producteurs belges, il y aurait lieu à les modifier.

Il n'a pas contesté non plus la réalité des faits que j'ai avancés, ni l'exactitude des chiffres que j'ai produits ; seulement nous sommes en différend sur les conséquences que j'en ai tirées. Il ne suffit pas, a dit l'honorable ministre, de signaler les anomalies auxquelles un tarif peut donner lieu ; mais ce que les adversaires de ce tarif doivent prouver, c'est qu'il est contraire aux intérêts des producteurs belges.

Pour se rendre compte d'une manière parfaitement exacte de ce qui se passe, il faudrait avoir à notre disposition une multitude de renseignements qui n'existent pas.

Je dois le dire : dans le compte rendu des opérations du chemin de fer, distribué chaque année, il y a beaucoup de renseignements sur les différents services, mais quant aux opérations de transit il y en a peu. Ainsi pour toutes les stations intérieures, on nous fait connaître l'importance, par nature et quantités, des marchandises expédiées de chaque (page 361) station ; pour le transit, nous n'avons que des renseignements très sommaires.

Je demanderai donc à l'honorable ministre, afin que l'on puisse examiner sérieusement la question, de vouloir bien donner des ordres pour que, dans le prochain compte rendu des opérations du chemin de fer, il nous soit fourni des renseignements aussi complets que possible sur les transports en transit, c'est-à-dire qu'on établisse la nature et la quantité des marchandises entrées par chaque bureau frontière et la direction que ces marchandises ont suivie pour sortir du pays.

De cette manière, nous pourrons, au moyen de quelque travail, voir quelles sont les conséquences que peuvent avoir pour l'industrie belge les réductions qu'on accorde au transit.

Messieurs, je ne suis pas partisan de la suppression du transit à travers le pays. Loin de là. Je reconnais avec l'honorable ministre que provoquer l'arrivée des navires dans nos ports, c'est augmenter le mouvement commercial du pays ; c'est de plus rendre service à l'industrie belge, en lui procurant des moyens de transport plus nombreux et par conséquent des frets plus avantageux. Mais entre reconnaître cette donnée générale, et approuver les bases sur lesquelles est établi le tarif de transit, il y a certaines différences.

Je ne pense pas qu'en principe il soit juste et pratique de transporter à un prix fixe toute espèce de marchandise, une marchandise qui vaut 10 fr. la tonne comme celle qui en vaut 1,000.

Du reste, messieurs, c'est aussi l'opinion d'un honorable fonctionnaire du département des travaux publics à l'intelligence et aux connaissances duquel je me plais à rendre hommage, de M. Gendebien, inspecteur au département des travaux publics. Dans une session du conseil supérieur, du commerce et de l'industrie, voici, à propos d'une réclamation de la chambre de commerce de Termonde, comment s'exprimait l'honorable M. Gendebien :

« La chambre de commerce de Termonde va plus loin encore ; elle demande qu'on admette dans la catégorie des marchandises les plus favorisées, le coton, le chanvre, l'huile, le goudron, à titre de matières premières. Ainsi il faudrait assimiler à la houille, aux pierres brutes et aux minerais qui ne valent pas 10 francs la tonne, le chanvre qui vaut 900 fr., l'huile qui vaut 1,100 fr. et le coton qui en vaut 4,000 à 5,000 la tonne.

« Est-ce raisonnable, est-ce admissible ?

« Je cite ces faits à l'appui de ce que je disais tantôt que la réforme des tarifs est nécessaire, mais qu'elle ne serait pas rationnelle sur de pareilles bases, et qu'elle ne serait pas juste si on voulait la faire radicale. »

Messieurs, je crois que l'honorable ministre des travaux publics doit être du même avis, car c'est le principe qui a été observé dans le nouveau tarif qui a été publié.

Il est donc assez difficile de comprendre comment ce qui est juste et pratique pour des tarifs intérieurs ne l'est plus quand il s'agit de transit ; comment, par exemple, il n'est pas pratique, il n'est pas juste de transporter, au même prix, une marchandise qui vaut 10 fr. la tonne et une marchandise qui vaut 1,000 fr. la tonne, lorsqu'il s'agit de l'intérieur, et comment cela devient juste, quand il s'agit du transit.

Je soumets cette question à l'appréciation de la Chambre.

Messieurs, il me serait extrêmement difficile d'analyser les chiffres qu'a fournis hier M. le ministre des travaux publics. J'ajournerai mes observations à plus tard, quand le nouveau compte rendu des opérations du chemin de fer sera publié, et lorsque, je l'espère, dans ce compte rendu, on aura donné des renseignements plus précis sur les opérations en transit.

Cependant je ne puis me dispenser de faire une observation, et c'est celle-ci :

Il paraît que je m'étais trompé en supposant que c'est le tarif de transit que l'on appliquait au transport des fontes du grand-duché de Luxembourg vers l'Allemagne.

Ce n'est pas en vertu de ce tarif que ces transports à prix réduits ont lieu, les frais du parcours belge sont ceux résultant de l'application anticipée du tarif mixte à distance, c'est-à-dire que, pour ces transports de marchandises étrangères, l'Etat belge s'est entendu avec les compagnies pour l'opérer au taux du tarif ordinaire. C'est également ainsi que l'Etat s'entend avec les compagnies pour les transports en transit ; tandis que cette entente n'existe nullement lorsqu'il s'agit des marchandises du pays.

Je crois que le chemin de fer de l'Etat ne bénéficie pas. En transportant la tonne de Liège à Herbesthal à 1 fr. 56, ces transports ne sont favorables qu'aux compagnies du Nord belge et du Luxembourg, Mais en échange de cette faveur, ne pourrait-on demander à ces compagnie d'adopter également ce tarif mixte pour les marchandises du pays, et pour les produits du Luxembourg servant à alimenter les usines belges ? Tels sont les minerais qui viennent du Luxembourg dans la vallée de la Meuse ; ainsi que les fontes qui passent de la vallée de la Meuse pour l'Allemagne.

Ainsi si le même tarif mixte que celui des fontes venant du Luxembourg était appliqué pour le transport des fontes d'Ougrée à Herbesthal au lieu de payer fr. 3-53 par tonne, le prix serait réduit à fr. 2-80.

Je pense donc qu'en adoptant le tarif mixte de l'Etat uniquement pour les transports venant de l'étranger, sans obliger les compagnies à l'appliquer aux autres transports, on n'a pas assez tenu compte des intérêts des producteurs du pays.

M. Thibautµ. - Avant la clôture de la discussion générale, je désire recommander à la bienveillance et à la sollicitude du gouvernement quelques améliorations matérielles à réaliser dans l'arrondissement de Dînant.

Je ne dirai qu'un mot de la Meuse ; j'en ai parlé longuement dans les précédentes sessions.

J'espère que la canalisation complète, jusqu'à la frontière française de ce fleuve, ne se fera plus attendre longtemps. C'est là un travail d'une urgence et d'une nécessité incontestables et l'un de ceux qui font honneur au ministre et aux ingénieurs qui le conduisent à bonne fin.

Plusieurs routes restent inachevées dans l'arrondissement de Dinant. J'espère que M. le ministre allouera sur les crédits qui lui seront ouverts les sommes nécessaires pour les terminer complètement dans un bref délai.

Je fais allusion, entre autres, à la route d'Yvoir à Ciney qui, sur une partie de son parcours, est encore à l'état d'un chemin vicinal de seconde classe. On y trouve des rampes qui ont 8 à 10 p. c. ; et cependant on perçoit sur cette route la taxe des barrières.

Parmi les nouveaux projets de route, je recommande spécialement à M. le ministre des travaux publics la communication directe à établir entre Marche et Havelange. Il y a là un vaste quadrilatère formé par les routes de Marche à Namur et à Liège, par celles de Dinant à Liège et d'Andenne au Gros-Chêne, dont le centre est complètement dépourvu de voies de communication.

La route sur laquelle je me permets d'appeler l'attention, couperait ce quadrilatère en diagonale ; elle traverserait les communes populeuses de Waillet, Nettine ou Heure, Barvaux, Porcheresse et Jeneffe.

Enfin, je prie M. le ministre des travaux publics d'améliorer le service des malles-postes en ce qui concerne Havelange et les environs. Havelangc est une commune très populeuse qui était naguère chef-lieu d'un canton. Elle a des relations importantes avec Huy et Ciney, et on ne lui a jusqu'à présent accordé qu'un service très incomplet de malles-postes.

Ces malles-postes arrivent à Havelange, l'une le matin, de Ciney, l'autre l'après-midi, de Huy ; elles partent toutes deux le soir pour retourner à leur point de départ, de façon que les habitants d'Havelange et des communes voisines n'ont aucun moyen facile et économique de se rendre le matin aux stations de Huy et de Ciney.

Loin de moi l’intention de blâmer l'administration des postes, qui a introduit, je le reconnais, beaucoup d'améliorations dans les divers services qui lui sont confiés. Mais il y a quelques lacunes à combler, et celle que je signale attirera, j'espère, l'attention de M. le ministre des travaux publics.

Ce que je demande est très simple et d'une réalisation facile.

Je désire, d'une part, que l'on envoie jusqu'à Huy la malle-poste qui arrive le matin de Ciney à Havelange, et qu'on lui fasse suivre le même trajet au retour, l'après-midi ; et d'autre part, que l'on organise un second service partant le malin de Huy pour Havelange, allant jusqu'à Ciney, et retournant aussi l'après-midi de Ciney à Huy, par Havelange.

Alors les habitants d'Havelange et des communes voisines pourront arriver à Huy, le matin, pour le train de 9 h. 5 minutes vers Liège, et celui de 10 heures vers Namur, et le soir, pour le train de 9 h. 15 minutes vers Liège.

Ils auront aussi par Ciney des communications faciles vers le Luxembourg et vers Namur.

Il me suffit, j'espère, d'avoir signalée ces divers points à l'attention de l'honorable ministre des travaux publics pour qu'il en fasse l'objet d'un examen attentif et bienveillant.

M. Dumortierµ. - Messieurs, en répondant à la partie du discours que j'ai prononcé samedi dernier, et qui concerne le déplacement éventuel de la station actuelle de Tournai, M. le ministre des travaux (page 362) publics a fait preuve d'une extrême habileté. Quand un terrain de discussion est difficile et qu'on y est vaincu, l'habileté consiste à se placer a côté de la question, et je proclame hautement que l'honorable ministre est on ne peut plus habile à se mettre à côté des objections qui lui sont faites, à n'en rien dire du tout.

J'avais présenté des objections ; M. le ministre n'en a pas rencontré une seule ; il a parlé de toutes questions dont je n'avais pas dit le premier mot. Imitant son exemple, je pourrais m'abstenir de lui répondre, puisqu'il n'a rien répondu aux objections que je lui ai faites.

Mais je n'en ferai rien ; je rencontrerai tout à l'heure ses objections. Mais je veux résumer auparavant celles que j'avais présentées dans la séance de samedi.

J'avais signalé le déplacement de la station actuelle de Tournai comme un acte éminemment préjudiciable à cette ville, en ce sens que la station extérieure qu'on paraît avoir l'intention de faire, longue de mille mètres, le long des remparts de la ville, viendrait barrer toutes les sorties de la ville et empêcher Tournai de se mettre en communication directe avec l'étranger, en un mot, fermer tout un côté de la ville et barrer toutes ses portes pour cette station. De cela, M. le ministre n'a pas dit un seul mot.

Je dis que le déplacement de la station actuelle aurait pour résultat d'exproprier tous les beaux quartiers de la ville ; de priver les habitants de ces quartiers qui y ont acquis fort chèrement des maisons de commerce, de les priver, dis-je, des avantages de cette situation commerciale, ce qui serait une véritable expropriation. L'honorable ministre a-t-il répondu un mot à cette objection ? Pas un mot.

J'ai dit ensuite que par un concours de circonstances fatales on allait enlever à la ville de Tournai le seul et unique terrain sur lequel elle pût se développer en manufactures ; M. le ministre des travaux publics n'a pas répondu un mot à cela.

J'ai dit ensuite qu'au lieu de faire un bassin à une grande distance, sur le territoire de la commune de Kain, il y avait lieu de faire avec l'eau de l'Escaut, nommée \la petite rivière, un canal de ceinture, comme on l'a fait pour Ath, pour Mons et pour Ypres ; on eût rendu par là à la ville de Tournai le plus grand service, tandis qu'au moment même où l'on veut l'empêcher de s'agrandir en manufactures, on lui enlève aussi le bénéfice du batelage, pour le transférer à une autre localité.

Est ce que l'honorable ministre a répondu un mot à cette objection si grave ? Pas un mot.

M. le ministre des travaux publics s'est occupé de la question des distances, dont je n'avais pas dit un mot.

Mais je suis prêt à répondre sur ce point ; je rencontrerai les chiffres produits par l'honorable ministre.

J'ai en mains le plan de la ville de Tournai ; au moyen de ce plan chacun pourra s'assurer de la vérité des chiffres que je citerai.

Pour calculer les distances, M. le ministre des travaux publics prend pour point de départ le beffroi ; cependant il sait parfaitement bien que le beffroi n'est pas le point central de Tournai ; le centre de la ville habitée, C'est la cathédrale. Eh bien, quelle est la distance de la cathédrale à la station actuelle ? cette distance est de 400 mètres ; or, la distance de cette cathédrale à la station que vous paraissez avoir l'intention d'établir serait de 800 mètres, c'est-à-dire que la distance serait double. L'erreur de M. le ministre est ici évidente.

Pour arriver à la station actuelle, vous avez les plus belles rues de Tournai ; il n'existe nulle part dans le pays une station plus admirablement placée pour la population que la station actuelle de Tournai.

Je dirai en passant que c'est l'ancien bourgmestre de cette ville, M. Dumon, dont le nom, je pense, est cher à tous les libéraux, qui a eu l'idée de cette station, que cette pensée était parfaite, et que la ville de Tournai lui en doit de la reconnaissance.

Quand vous sortez de la station actuelle pour entrer en ville, vous avez devant vous les plus grandes artères de la cité ; d'une part, ce sont les quais de l'Escaut qui conduisent jusqu'aux extrémités de la ville ; d'autre part, vous avez de grandes rues qui vous conduisent sur la place et dans les quartiers les plus beaux et les plus populeux de la ville.

Eh bien, que veut-on faire ? On veut établir la station au delà de terrains qui ne sont pas même habiles, qui sont des jardins maraîchers : on veut l'établir à 400 mètres plus loin que la station actuelle ne l'est du centre de la ville habitée, c'est-à dire, de la cathédrale. (Interruption.) Si M. le ministre des travaux publics conteste mon assertion, j'ai ici le plan et un compas, il peut vérifier lui-même l'exactitude de mon chiffre.

Mais, messieurs, la question des distances n'est que la petite question dans cette affaire. La grosse question, c'est d'abord le grave inconvénient que présente le système que je combats, d'enlever à la ville de Tournai son seul et unique moyen de s'augmenter en manufactures.

La ville de Tournai est bâtie d'un côté sur des collines, et il n'est pas possible d'établir des manufactures sur ces collines ; des manufactures ne s'établissent que là où l'eau abonde et où le combustible est à bon compte.

Eh bien, le seul et unique emplacement que possède la ville de Tournai pour s'agrandir en manufactures, c'est précisément cet emplacement qu'on veut prendre, et pour mon compte je déclare que c'est la chose la plus funeste qu'il soit possible de faire pour la ville de Tournai.

II est à ma connaissance qu'avant qu'il fût question de ce déplacement de la station de Tournai, il était question de l'acquisition de terrains pour établir cinq grandes manufactures auprès de la petite rivière canalisée. Ces établissements ne se créeront pas, parce qu'il est impossible d'établir des manufactures sur les coteaux ; voila donc un préjudice énorme causé à la ville. C'est la frapper à perpétuité de l'impossibilité de s'agrandir en manufactures.

Un second préjudice, c'est qu'avec le système qui paraît devoir triompher à l'administration des travaux publics, on entoure la ville de Tournai, du côté de la rive droite, d'un chemin de fer continu aux portes de la ville. Voici un plan qui a été distribué il y a quelques jours, c'est le tracé du chemin de fer de Tournai à Audenarde. Sur ce plan, vous voyez qu'un tracé de chemin de fer est projeté depuis Péruwelz jusqu'à Tournai. Eh bien, ce chemin de fer qui doit aboutir à la station qu'on veut créer, passera vis-à-vis toutes les portes de la rive droite, et tout contre ces portes.

Et vous vous imaginez que c'est un acte avantageux que de venir mettre un chemin de fer devant chaque porte d'une ville, de la barricader toute vivante ? Vous avez voulu débarrasser Bruxelles d'entraves semblables en déplaçant la station du Midi, pour justifier cet acte vous nous disiez tous les dangers des passages des chemins de fer près des villes, et dans le même moment vous viendrez établir une ligne ferrée à toutes les portes de la rive droite de Tournai ? Je prie mes honorables collègues de jeter les yeux sur le plan ; ils verront si mes réclamations sont, comme le prétend M. le ministre, beaucoup de bruit pour peu de chose. Je dis que venir établir un passage de convois à toutes les portes d'un des côtés d'une ville, c'est un acte abominable qui n'est plus de notre époque.

Messieurs, j'ai dit qu'autre chose était l'intérêt des ingénieurs et autre chose l'intérêt du public. Je le sais, messieurs, certains ingénieurs ne demandent qu'à avoir de belles, de grandes, de vastes stations ; ils ne cherchent que leurs commodités. Mais nous ne sommes pas ici pour faire les affaires de ces messieurs. Nous sommes ici pour représenter les intérêts des habitants qui ont certes beaucoup plus droit à ce que nous soyons ici leurs organes.

Or, je dis qu'il n'y a pas une ville en Belgique où l'on permettrait de faire ce que l'on veut faire à Tournai. Comment ! on veut faire à Liège un chemin de fer de ceinture pour arriver à avoir une station centrale. Qu'est-ce que les Liégeois vous demandent ? Et ici je les imite. Ils vous demandent à ne pas avoir de passages qui viennent interrompre la circulation, qui viennent créer une cause permanente de dangers. Ils ont parfaitement raison.

Mais si les députés liégeois ont raison de demander cela, nous avens aussi raison de demander la même chose. Car ce que je demande pour Tournai, c'est ce que les Liégeois demandent pour leur ville ; je demande que nous conservions notre station intérieure, comme les Liégeois demandent à avoir une station intérieure. Je demande qu'on ne vienne pas mettre devant les portes d'une ville un chemin de fer qui interrompe la circulation et qui soit une source permanente d'accidents.

Je sais bien, messieurs, qu'il y a des intérêts privés qui veulent avoir la nouvelle station où l'on projette de l'établir. Mais nous sommes ici pour représenter, non des intérêts privés, mais les intérêts généraux. II faut défendre l'intérêt général avant tout. Or, l'intérêt général est le même dans toutes les villes. S'il est vrai que toutes les villes ont intérêt à avoir une station intérieure, Tournai ne peut pas avoir intérêt à voir sa station portée à l'extérieur. S'il est vrai que Tournai a intérêt à avoir une station extérieure, supprimez de votre budget toutes les sommes que vous votez pour donner des stations intérieures aux autres villes.

La vérité est la même partout. Il n'y a pas une vérité pour Tournai et une autre pour les autres villes. Il n'y en a qu'une, et c'est celle que je défends.

Vous le voyez donc, il ne s'agit pas ici de bruit pour peu de chose. Quand je demande que l'on fasse pour Tournai ce que l'on fait pour les autres (page 363) villes, je ne demande pas un privilège. Mais quand je vois que l’on vient prendre, pour le plaisir de faire une station nouvelle, le seul terrain sur lequel la ville de Tournai puisse s'agrandir en manufactures, quand je vois que l'on empêche la ville de Tournai de s'agrandir, et que dans le moment où l'on démolit ses fortifications on vient établir une station extérieure de 1,000 mètres de longueur, c'est-à-dire de près d'un quart de lieue le long de ses murs, pour l'empêcher de s'étendre de ce côté : quand je vois qu'on vient établir une ligne ferrée aux portes pour emprisonner la ville dans un cercle de fer, je dis qu'un pareil système ne peut pas se défendre et je conçois fort bien l'habileté qu'a montrée M. le ministre des travaux publics en se mettant à côté de la question.

Messieurs, veuillez me permettre de vous faire ici une remarque.

Il y a deux ordres de stations au point de vue d'une ville : il y a des stations perpendiculaires sur les murs d'une ville ; il y a des stations parallèles à ses murs. Toute station perpendiculaire, comme le sont les stations de Bruxelles, appellent nécessairement les constructions, le développement de la ville parce que de cette ville on peut sortir et percer des rues à droite et à gauche de cette station. Mais en est-il de même des stations parallèles ? Parcourez toute la Belgique, voyez toutes les stations parallèles construites en Belgique, vous n'en trouverez pas une seule où l'on ait construit au delà de ces stations. Allez à Malines, à Louvain, à Tirlemont. Descendez de l'autre côté, voyez les stations de Braine et de Soignies, allez voir les stations le long de la route des Flandres, Mouscron, Courtrai ; nulle part vous ne trouverez que des habitations se sont élevées au delà de ces stations. Et cela est simple, parce qu'une station parallèle est un mur infranchissable aux habitants.

Vous compromettez donc par votre système tout l'avenir de la ville de Tournai. J'ai la conviction profonde que si le gouvernement laissait la station de Tournai où elle est et si, au lieu de faire un bassin de navigation à une demi-lieue de Tournai, il avait canalisé la petite rivière, d'ici à 20 ou 25 ans, plusieurs d'entre vous, qui sont encore jeunes, auraient vu cette ville atteindre le chiffre de 50,000 habitants. On veut au contraire immobiliser sa population ; on l'empêche à jamais de pouvoir s'étendre, parce que l'on prend le seul terrain où l'on puisse établir des manufactures.

Je dis, messieurs, que d'ici à 20 ou 25 ans, la ville de Tournai pourrait avoir une population de 50,000 habitants. Et pourquoi n'en serait-il pas ainsi ? Nous avons des exemples à peu de distance : je vous citerai Tourcoing, Roubaix et Lille. J'ai connu Roubaix avec 12,000 habitants ; elle en a maintenant 80,000. Est-ce que Tournai, qui est à 3 lieues de Roubaix, ne pourrait pas s'agrandir de la même manière ?

Si ses manufactures pouvaient se développer, la ville s'agrandirait. Il y a à Tournai un très grand mouvement industriel. Il ne lui manque que deux choses . l'eau et l'espace. Eh bien, on les lui enlève. Si la ville de Lille avait le bonheur d'avoir un bras de la rivière dans ses murs, elle se serait bien gardée de ne pas en profiter. Elle aurait demandé la canalisation de la rivière ; elle aurait demandé un canal de ceinture, pour donner de l'eau et de la houille à ses manufactures. Elle aurait dit : Puisque vous avez à faire un bassin sur l'Escaut, employez ce bras de l'Escaut pour faire votre bassin ; et vous nous procurerez les avantages de la navigation vers le Hainaut et jusqu'aux Flandres tout en nous donnant les moyens d'augmenter nos manufactures. Mais ce n'est pas ainsi qu'on agit à Tournai. On vient y faire une station de 1,000 mètres tout le long d'un côté de l'Escaut ; on vient boucher les portes de la ville de ce côté, les unes par cette station, les autres par un chemin de fer.

Et vous trouvez cela bien ! Tout le commerce des plus belles rues de Tournai, vous l'expropriez ; vous allez ruiner les industriels qui s'y sont établis sur la foi publique, et vous trouvez cela bien ! Ruiner ses concitoyens, les exproprier de leurs industries, mais c'est horrible !!!

Messieurs, pour justifier cet acte qui n'a pas son pareil en Belgique, l'on vous dit qu'il y a deux espèces de stations, les stations à traction directe et les stations à rebroussement. Nous savons cela depuis longtemps, et à notre époque, après les progrès qu'a faits l'exploitation du chemin de fer, ce n'est là qu'une fantasmagorie.

Les stations à rebroussement qui étaient une entrave quand la même locomotive devait aller en queue remorquer le convoi, n'occasionnent plus la moindre perte de temps depuis que la locomotive de stationnement est employée à cet usage. Elle est prête à partir avant que les voyageurs arrivants soient descendus de leur voiture. Ne parlez donc plus de stations à rebroussement, c'est une véritable fantasmagorie.

II y a longtemps que nous savons qu'il y a des stations à rebroussement ; les deux stations de Bruxelles, celle d'Anvers, celle de Gand, celle de Jurbise, celle de Tournai et beaucoup d'autres sont de cette catégorie.

Eh bien, ces stations sont-elles une cause de préjudice pour qui que ce soit ?

Je ne veux rien dire qui puisse déplaire à mes honorables collègues de Gand, mais je dois faire observer que la jonction de Ledeghem est à une lieue de Gand, tandis qu'ici il ne faut que quelques mètres pour être au cœur de la ville.

Mais, dit M. le ministre, la station de Tournai n'a que 26 mètres de largeur.

C'est possible, mais je demanderai à M. le ministre combien de mètres a la station du Nord à Bruxelles.

Ce que je sais, c'est qu'elle n'a que 4 voies de rails tandis que la station de Tournai en a 6.

Or, nous n'aurons jamais à Tournai un mouvement comparable à celui qui se fait à la station du Nord. On peut donc y faire avec six voies de convois de voyageurs tout ce qui se fait ici avec quatre.

Ce n'est pas tout, messieurs, quel est le grand danger en matière de stations ? C'est de confondre dans une seule et même station les convois de voyageurs et les convois de marchandises. Quand vous n'avez que des voyageurs, la station est toujours assez large et je ne sais pas s'il existe une seule station de voyageurs qui ait plus de 26 mètres de largeur.

Quel est maintenant, messieurs, le progrès ? En Angleterre, on considère comme progrès par excellence en matière de stations, de faire deux stations en une seule : une station de voyageurs et une station de marchandises. Eh bien, nous avons cela à Tournai.

La station des voyageurs peut n'avoir que 26 mètres, mais vous ne parlez pas de la station des marchandises, qui a plus de 100 mètres de largeur. Rien ne serait donc plus simple que de laisser la station où elle est, et si on veut l'étendre, il suffit d'exproprier quelques pâtés de maisons. On peut donc laisser à Tournai les avantages qu'elle possède et qu'elle a payés, car Tournai a versé 200,000 fr. pour avoir la station actuelle.

M. le ministre me dit que s'il avait à faire une nouvelle station à Gand, il ferait une station à traction directe. M. le ministre est Gantois et il se gardera bien de toucher à la station de Gand et je l'approuve, mais pourquoi veut-il déplacer la station de Tournai ?

Mais remarquez, messieurs, que ce n'est pas seulement la station que l'on veut déplacer. Pour exécuter cette détestable idée, on veut déplacer le chemin de fer lui-même sur une longueur d'une lieue et demie, c'est là une dépense d'environ un million complètement inutile, c'est une dilapidation des deniers publics. Eh bien, employez ces fonds dans les villes qui vous les demandent. Le déplacement de cette voie est d'autant plus malheureux que la voie actuelle est le passage naturel de la grande route d'Anvers à Tournai que vous avez décrétée.

Aujourd'hui nous n'avons à Tournai aucun obstacle à l'agrandissement de cette ville ; elle peut s'étendre à l'infini ; mais quand vous aurez placé le long de toutes les portes de la rive gauche un chemin de fer, quand une station longue d'un quart de lieue viendra se flanquer contre la ville, est-ce que Tournai pourra encore s'agrandir ?

Je dis qu'il n'est pas possible de faire une œuvre plus malheureuse que l'emprisonnement de cette noble cité.

Que demandent tous les députés, les députés liégeois, les députés gantois, les députés anversois ? Ce sont des stations intérieures. La ville de Lille vient de dépenser deux millions pour rendre sa station plus centrale. et nous qui avons une station intérieure, on veut nous l'enlever. Le commerce qui s'est établi sur la foi publique, on veut l'exproprier, le ruiner. C'est un acte dont la Belgique n'offre pas d'exe mple.

M. le ministre n'a point parlé non plus du déplacement du bassin de l'Escaut. Le bassin de l'Escaut se trouve aujourd'hui dans la ville de Tournai ; or, il paraît qu'on veut le porter au village de Kain qui est à une demi-lieue de Tournai.

Il paraît qu'on veut canaliser l'Escaut à l'intérieur de la ville et cela pour un intérêt étranger à ceux de la ville. Je prie M. le ministre de réfléchir à un point de fait : aujourd'hui la ville a ses aqueducs qui jettent ses immondices dans l'Escaut, plusieurs de ces aqueducs existent depuis les Romains ; ces grands cloaques sont la seule chose qui nous reste de la domination romaine. Or, quand M. le ministre aura canalisé l'Escaut, et qu'il tiendra les eaux à la même hauteur en permanence, comment ces immondices s'écouleront-elles ? N'est-il pas évident que dans toutes les parties basses de la ville vous allez produire des maladies pestilentielles ?

Il faudra que la ville fasse, sur les deux rives du fleuve, d'immenses canaux collecteurs et remarquez bien qu'ils devront conduire les immondices en aval de l'écluse que l'on veut faire à Kain, c'est-à-dire qu'ils devront (page 334) être construits sur une longueur d'une lieue chacun, c'est-à-dire qu'il faudra créer deux lieues de canaux collecteurs. Ce sera une dépense de plus d'un demi-million ; est-ce le gouvernement qui couvrira cette dépense ? Et si ce n'est pas le gouvernement, vous allez imposer à la ville de Tournai une dépense d'un demi-million et cela pour faire les affaires d'industriels des autres localités. C'est un peu trop fort !

Voilà toutes choses auxquelles le ministre s'est bien gardé de répondre, et que je signale parce qu'elles sont d'une gravité excessive. Je maintiens que moins on fera mieux on fera, et de suivre le système indiqué par M. le ministre, c'est-à-dire, d'améliorer ce qui est, que d'innover au rebours de tout ce qui se fait dans les autres villes, Vous avez demandé des fonds pour faire des stations intérieures, la Chambre les a votés, le pays les paye ; eh bien, laissez à Tournai sa station intérieure ; vous avez dans les villes où on démolissait les fortifications fait des canaux de ceinture, faites également un canal de ceinture pour Tournai, alors vous aurez de la place pour mettre vos bateaux et vous n'empêcherez plus l'écoulement des égouts.

On crée à la ville de Tournai la perspective d'une dépense de 1/2 million et dans des travaux de l'importance de ceux qu'il s'agit d'établir, on s'en rapporte au dire de trois ou quatre ingénieurs, sans consulter les intérêts locaux. En définitive les intérêts locaux ne seront entendus que quand il sera trop tard ; il vaudrait mieux, ce me semble, procéder au moyen de commissions mixtes ; tous les intérêts pourraient alors être consultés et l'on n'aboutirait pas à des résultats aussi néfastes que ceux qui se produisent aujourd'hui.

Je dis donc que l'honorable ministre des travaux publics n'a répondu en rien aux observations que j'avais eu l'honneur de faire et que je viens de développer de nouveau, je dis qu'il n'est pas juste d'établir un chemin de fer et une station parallèle à la ville de Tournai et de fermer ainsi les portes de la ville, qu'il n'est pas juste de ruiner les industriels des plus belles rues de Tournai qui s'y sont établis sur la foi publique.

Je voudrais que l'honorable ministre mît ici sur une table le plan de la nouvelle station qui a été exposé à l'hôtel de ville de Tournai. Pas un seul de vous, j'en suis sûr, n'y donnerait son approbation.

Si ce plan est exécuté, au lieu de routes droites au sortir de la ville, on devra faire je ne sais quelles routes pour arriver au delà de la porte, il faudra faire des passages à niveau partout, et si l'on n'établit pas des passages à niveau, nous aurons des chemins en rampe.

Eh ! messieurs, on ne crée pas ainsi la possibilité d'accidents aux portes des villes, on place les chemins de fer à distance afin que les habitants ne soient pas gênés.

En Angleterre la loi défend les passages à niveau même dans les campagnes et ici vous les placez aux portes de la ville. On ne peut traiter une ville de la sorte, c'est impossible.

Faites pour Tournai ce que vous faites pour les autres villes, et ce que vous faites est bien de faire, car je vous rends hommage, je sais que vous êtes un homme d'une grande intelligence et d'une grande capacité ; eh bien, faites pour Tournai ce que vous faites pour les autres villes, et la population vous bénira.

M. Van Hoordeµ. - Messieurs, l'honorable ministre des travaux publics a oublié de faire droit à la demande que je lui ai adressée, de préciser clairement les termes dans lesquels se trouve, d'après lui, la question de l'embranchement de Bastogne. Je vais donc essayer de les préciser moi-même.

Selon l'honorable ministre, la compagnie du Luxembourg professe pour la foi des engagements et pour les lois du pays un véritable culte ; on l'outrage, au delà de toute expression, en disant qu'elle a méconnu la parole donnée, et qu'elle s'est jouée des conventions qu'elle avait acceptées relativement au chemin de fer de Bastogne, pour ne parler que de celles-là. Nous pouvons être certains que, pour rien au monde, elle ne voudrait se soustraire aux obligations qui résultent pour elle de la loi de 1862. Cette loi, qui est formelle, sera volontairement exécutée : en d'autres termes, nous irons à Bastogne en chemin de fer le 6 mars 1867.

Mais comme la compagnie n'a pas de temps à perdre, c'est l'opinion de M. le ministre ; comme, suivant lui, elle devra faire des efforts énergiques, héroïques, pour mener l'entreprise à bonne fin, dans ce délai, clic va mettre la main à l'œuvre immédiatement. Dans trois mois tous les terrains seront acquis, dans un an tous les terrassements seront faits, dans treize mois, à l'époque fixée, l'embranchement sera exploité.

C'est, sans doute, au nom de la compagnie que l'honorable ministre a fait cette déclaration. C'est pourquoi j'en prends acte.

Mais si ces prévisions ne se réalisaient pas ? Si l'avenir venait démentir cette déclaration ?

Alors, M. le ministre ce souviendrait d'une autre déclaration, qu'il a faite au nom du gouvernement, l'année dernière. J'en ai pris acte à cette époque. J'en ai parlé, de nouveau, il y a quelques jours, et l'honorable ministre ne m'a pas contredit. Je prends acte de son silence. Le cahier des charges sera donc exécuté.

MtpVSµ. - Cela dépend.

M. Van Hoordeµ. - L'année passée, je me suis permis d'émettre un doute, à cet égard, au nom de ces pétitionnaires dont le nombre augmente sans cesse. Ce doute a été relevé par l'honorable ministre avec beaucoup de mécontentement. Or, s'il n'exécute pas le cahier des charges, on dira, ce qui est impossible, qu'il a simulé ce mécontentement...

MtpVSµ. - Je ne vous reconnais pas le droit de dire cela.

M. Van Hoordeµ. - Permettez, ma parole a peut-être trahi ma pensée. Voici ce que je veux dire. Quand j'ai demandé si le cahier des charges recevrait son application, M. le ministre a été formalisé de ma demande. On ne peut pas supposer qu'il ait simulé une indignation qu'il ne ressentait pas réellement... (Interruption.)

M. Bouvierµ. - C'est impertinent.

MpVµ. - Il ne vous est pas permis de supposer de mauvaises intentions à vos collègues.

M. Van Hoordeµ. - Je répète qu'on ne peut pas croire que cette indignation n'ait pas été sincère (interruption), qu'il ait employé une ficelle oratoire, si c'est un mot qui déplaît, et que, par conséquent, il ne permettra pas à la compagnie de laisser l'embranchement de Bastogne dans le carton où il est enseveli depuis plus de vingt ans.

Il devra agir, car s'il n'agissait pas, il déclarerait par là même à tous les concessionnaires passés, présents et futurs que leurs cahiers de charges sont des jeux d'enfants, qu'il leur est permis de les observer, ou de ne pas les observer, suivant leurs convenances, que l'Etat seul est lié, qu'ils sont autorisés à prendre dans les lois de concession tout ce qu'elles leur offrent d'avantageux, et de laisser dans l'oubli tout ce qui, comme affaire, leur semble d'un intérêt médiocre ; il déclarerait enfin qu'un jour une grande iniquité a été commise, et qu'il y a lieu à opérer une restitution immédiate.

Je fais allusion à la compagnie dissoute du chemin de fer de Louvain à la Sambre. Elle avait vu ses travaux arrêtés par les événements politiques de 1848 ; elle les avait cessés non pas volontairement, mais forcément. Cependant, tout son actif a été confisqué. Elle n'était pas en faute, et si notre chemin de fer de Bastogne n'est pas achevé à l'époque fixée en 1862, la compagnie du Luxembourg sera en faute, car elle a été avertie à temps. Si on a, malgré tout, de l'indulgence pour elle, il faudra, pour être juste, restituer aux anciens actionnaires de la société de Louvain à la Sambre, la valeur, avec ses intérêts, de toutes les sommes, de tous les terrains, de tous les travaux dont l'Etat s'est emparé.

MtpVSµ. - Vous connaissez bien mal l'histoire de nos chemins de fer.

M. Van Hoordeµ. - Vous me l'apprendrez, M. le ministre. A ceux qui prétendront encore que je nuis à une compagnie qui a fait un bien immense dans notre province, qu'en appelant sur elle les rigueurs de la loi, je risque fort d'ébranler son crédit et de diminuer la considération dont elle jouit à l'étranger, je répondrai que le meilleur moyen pour elle de conserver intacts et sa considération et son crédit, c'est de payer ses dettes, « Payez et vous serez considéré », dit un proverbe qui est vieux, mais qui est vrai, et qui n'est vieux que parce qu'il est vrai.

M. Bouvierµ. - Elle paye ses dettes, monsieur.

M. de Brouckereµ. - Je ne suis pas fâché que mon tour de parole vienne immédiatement après celui de l'honorable préopinant. J'espère par là empêcher que la discussion ne continue sur le ton qu'a pris l'honorable préopinant et qui, malheureusement, ne lui est que trop habituel.

M. Van Hoordeµ. - Je demande la parole pour un fait personnel.

M. de Brouckereµ. - Eh bien, parlez pour votre fait personnel.

M. Van Hoordeµ. - Je dirai d'abord à l'honorable M. de Brouckere que je ne lui reconnais nullement le droit de me donner des leçons. (Interruption.)

Je lui dirai ensuite que je n'ai jamais attaqué personne.

Quand on m'a attaqué, je me suis défendu ; j'ai rendu la monnaie de la pièce, voilà tout ! et je le ferai encore.

Dans la circonstance actuelle, si l'honorable ministre des travaux publics a cru que j'ai voulu lui dire une chose désagréable, il s'est trompé complètement.

(page 365) M. Bouvierµ. - C'est trop fort !

M. Van Hoordeµ. - Il nous a toujours donné, l'exemple d'une grannde courtoisie, et il est le dernier à qui j'adresserais volontairement des paroles désagréables. J'ai, à trois reprises différentes, expliqué ma pensée. Si elle n'a pas été comprise, je dois renoncer à la faire comprendre, et il suffit, me semble-t-il, que je déclare qu'il n'y a eu, de ma part, aucune insinuation malveillante.

Ainsi donc les remarques de l'honorable M. de Brouckere tombent à faux, et je le prie de mieux observer, lui-même, les convenances à l'avenir. (<Interruption.) Il nous a engagés à ne jamais franchir les limites d'une discussion convenable ; c'est un excellent conseil dont il ferait bien de profiter le premier.

M. de Brouckereµ. - M. le président, l'honorable préopinant a fini par une plaisanterie que je ne veux pas relever. Je laisse au surplus la Chambre juge si mon observation était juste ou ne l'était pas.

M. Bouvierµ. - Elle était très juste.

M. de Brouckereµ. - Au surplus je déclare, non seulement pour l'honorable M. Van Hoorde, mais d'une manière générale, que je suis de ceux qui sont péniblement affectés du ton qu'on prend très souvent dans les discussions de la Chambre, ton qu'on ne prenait pas autrefois.

M. Van Hoordeµ. - Je n'ai jamais commencé. Je me suis défendu quand on m'attaquait.

M. de Brouckereµ. - Mon observation s'adresse à ceux qui vous attaquent d'une manière trop acerbe comme à vous-même.

- Des membres à droite. - A la bonne heure !

M. de Brouckereµ. - Mais, à coup sûr, l'honorable ministre des travaux publics n'avait rien dit de désagréable à M. Van Hoorde.

M. Van Hoordeµ. - Je ne lui ai rien dit de désagréable non plus.

M. de Brouckereµ. - Et M. le ministre des travaux publics n'avait pas mérité les insinuations...

M. Van Hoordeµ. - Il n'y en a pas.

M. de Brouckereµ. - ... les suppositions que j'appellerai injurieuses et qu'a faites M. Van Hoorde.

MpVµ. - J'ai averti M. Van Hoorde qu'il ne devait pas supposer des intentions mauvaises à ses collègues.

M. Van Hoordeµ. - J'ai dit trois fois que je. n'avais pas cette intention.

M. Wasseigeµ. - Il n'y a pas de pire sourd que celui qui ne veut pas comprendre.

MpVµ. - Je demande qu'on mette un terme aux interruptions.

M. de Brouckereµ. - Messieurs, dans la séance d'hier, je n'ai pas pris d'une manière absolue la défense de la conduite tenue dans ces derniers temps par ceux de nos fabricants qui avaient soumissionné lors de la mise en adjudication d'une partie de matériel de chemin de fer ; je n'ai pas non plus incriminé la conduite de M. le ministre des travaux publics vis-à-vis de ces industriels.

Voici ce qui m'avait déterminé à prendre la parole.

Il n'avait paru que M. le ministre des travaux publics éprouvait contre quelques-uns de nos fabricants un mécontentement très vif, et j'ai craint que, sous l'impression de ce mécontentement qui n'était peut-être pas tout à fait injuste, il ne prît des mesures qui eussent été par trop sévères. Ainsi, par exemple, je trouverais que le département des travaux publics serait d'une sévérité exagérée, s'il allait donner la livraison du matériel roulant dont le chemin de fer a besoin, à des fabricants étrangers, uniquement parce qu'ils auraient fait une minime réduction sur les prix demandés par les fabricants du pays.

Au surplus, je déclare que les explications qu'a données aujourd'hui M. le ministre des travaux publics m'ont complètement rassuré et je suis persuadé qu'il usera de bienveillance envers les fabricants belges comme il l'a fait jusqu'ici.

J'espère, d'un autre côté, que ces derniers, profitant de la leçon que le gouvernement leur a donnée, en viendront à présenter des soumissions raisonnables et acceptables par M. le ministre des travaux publics.

On s'est étonné, messieurs, de ce qu'on a fait une différence entre le mot « coalition » et le mot « entente ». Académiquement, je veux bien admettre que ces deux mots ont le même sens. Mais il n'en est pas ainsi dans le langage vulgaire. Le mot « coalition » a toujours quelque chose de fâcheux et souvent à l'aide de certains mots, on adresse des reproches injustes à des personnes dont la conduite n'est pas reprochable.

Qui de nous a oublié le temps où l'on pillait un négociant parce qu'il avait acheté une certaine quantité de marchandises d'une même espèce, uniquement en lui donnant le nom d'accapareur ? Eh bien, personne ne niera que c'est représenter sous un jour fâcheux des industriels que de leur reprocher de s'être coalisés et coalisés d'une manière telle, qu'ifs ont dû en quelque sorte être exclus des adjudications.

Au surplus je n'ajouterai rien à ce que j'ai dit, car, ce que je regretterais le plus, ce serait qu'on me prît pour le défenseur des coalitions, alors que je me suis toujours déclaré leur adversaire très prononcé.

MtpVSµ. - Pour répondre aux dernières observations de l'honorable M. de Brouckere, je dirai que je n'ai éprouvé, vis-à-vis des constructeurs de matériel, aucune espèce de mécontentement, et surtout d'un mécontentement qui pût m'induire à prendre vis-à-vis d'eux des mesures de sévérité outrée et encore moins des mesures iniques.

Je l'ai dit, je le répète ; ils cherchent à vendre au plus haut prix. Je comprends cela ; je le trouve légitime. Mais je défends les intérêts du trésor, et je suis aussi dans mon droit, je remplis mon devoir. Que les constructeurs cherchent à réaliser de gros bénéfices au lieu de bénéfices médiocres, je ne le trouve pas répréhensible. Ils ont usé d'un droit. Mais je ne puis pas approuver les moyens qu'ils ont mis en œuvre et que j'ai cru devoir signaler.

J'ai dit qu'ils s'étaient coalisés, ne jouons pas sur les mots. Qu'est-ce qu'ils ont fait ? Ils sont convenus des prix qu'ils exigeraient du gouvernement et \ls ont partagé entre eux les 10 millions que la législature a votés.

J'appelle cela une coalition. Ils ont dit au gouvernement : Vous passerez par cette condition que nous arrêtons entre nous dans notre intérêt. Et j'ai répondu : Je ne passerai pas par ces conditions ; je chercherai à me pourvoir ailleurs.

L'honorable M. de Brouckere dit : Le gouvernement, pour une minime différence, ne donnera pas la préférence aux constructeurs étrangers sur les constructeurs belges. Cela dépend encore de ce que l'on entend par minime différence. S'il y avait une différence de 200 à 300 fr. sur une locomotive qui doit couler 50,000 à 60,000 fr., peut-être préférerais-je le constructeur belge.

M. Mullerµ. - Alors vous écartez la concurrence.

MtpVSµ. - Il s'agit de marchés à la main. S'il s'agissait d'une adjudication ordinaire, je n'aurais pas même le droit d'écarter le plus bas soumissionnaire, la différence ne fût-elle que de cinq francs.

Messieurs, je reviens aux deux questions spéciales qu'ont traitées les honorables M. Dumortier et Van Hoorde.

Quant à la question de Tournai, comment peut-on discuter une question de ce genre devant la Chambre ?

C'est une question essentiellement locale et administrative. La traiter devant vous, messieurs, c'est la traiter devant un juge incompétent. Vous êtes incompétents, puisque vous ne connaissez pas les éléments de fait qui se présentent dans cette affaire.

Pour devenir compétents, vous devriez faire une étude spéciale de la question...

M. Dumortierµ. - C'est ce que j'ai fait.

MtpVSµ. - Vous l'avez fait à votre point de vue ; moi, je l'ai fait à mon point de vue. Comment voulez-vous que la Chambre, qui ne connaît pas assez les lieux, puisse apprécier les éléments d'une question où se produisent de« affirmations, d'un côté, des dénégations de l'autre ?

L'honorable M. Dumortier me dit : « Vous avez été d'une extrême habileté ; vous avez passé à côté de mes objections, parce que vous vous êtes senti impuissant à les résoudre ; vous avez parlé de choses dont je n'avais pas dit un mot. »

Messieurs, si j'ai été d'une extrême habileté, j'ai fait de l'habileté, à coup sûr, comme M. Jourdain faisait de la prose.

Mais cett habileté que l'honorable M. Dumortier me reproche, je puis dire que c'est lui qui en a donné des preuves.

Ainsi, je lui ai dit : « Il faut une station nouvelle à Tournai dans toutes les combinaisons. » Il ne s'est pas occupé de ce point essentiel.

Je lui ai dit encore : « Les stations à passage direct offrent plus d'économie pour l'exploitation, plus de sécurité pour le public que les stations à rebroussement. »

L'honorable membre n'en a pas dit un mot.

M. Dumortierµ. - Et la station actuelle de Gand !

MtpVSµ. - J'ai déjà répondu à l'honorable M. Dumortier que si la station actuelle de Gand n'était pas amplement suffisante et qu'on dût établir à Gand une nouvelle station, je ferais à Gand ce que l'on va faire à Tournai, (page 366) c'est-à-dire qu'une station à passage direct serait substituée à une station à rebroussement.

L'honorable M. Dumortier répète la même question, comme si je n'y avais pas déjà répondu. Sur ce pied-là, nous courons risque, l'honorable membre, de m'interpeller indéfiniment, et moi de lui répondre indéfiniment la même chose sur le même objet.

L'honorable M. Dumortier, pour appuyer sa thèse, a comparé, pour la largeur, la station de Tournai à la station du Nord à Bruxelles. L'exemple est encore mal choisi. Nous avons, dit-il, quatre voies dans la station du Nord à Bruxelles, comme il y en a quatre à Tournai. Oui, mais nous dépensons des sommes considérables pour établir à Bruxelles, en dehors de la gare, des voies nouvelles, qui sont indispensables ; à cette fin, nous exproprions à grands frais une partie d'une longue rangée de maisons dans la rue du Progrès.

Je le répète, l'exemple est fort mal choisi. Il l'est encore à d'autres égards. La station de Tournai est une station de passage seulement, tandis que la station du Nord à Bruxelles est une station extrême. (Interruption.)

Comment pouvez-vous dire, M. Dumortier, que la station à simple passage de Tournai est la même chose qu'une station extrême au point de vue des nécessités du service et de la sécurité des voyageurs !

Nous avions une station intérieure, a dit l'honorable membre, et vous nous donnez une station extérieure.

Je ne puis que répéter que l'emplacement de la station projetée n'est éloignée du centre de la ville que de 200 mètres de plus que l’emplacement de la station que l'honorable membre a en vue. Comment cette station projetée devient-elle extérieure à une pareille différence près ? (Interruption)

Oui, il y a une distance de 400 mètres en plus, si l'honorable membre soutient que la station actuelle peut être maintenue purement et simplement ; mais il n'y a que 200 mètres de plus, en supposant la station actuelle reculée dans la mesure que j'ai fait connaître.

M. Dumortierµ. - La distance n'est que le petit côté de la question.

MtpVSµ. - Que l'honorable M. Dumortier veuille bien remarquer que si je parle de cette différence de distance, c'est qu'il m'y a provoqué ; il m'objecte que la ville de Tournai possède une station intérieure et qu'on veut faire de cette station une station extérieure ; que puis-je répondre à l'honorable membre, sinon qu'il n'y a qu'une différence de 200 mètres entre l'emplacement ancien et l'emplacement nouveau, et qu'on n'est pas fondé à s'appuyer sur cette faible différence pour prétendre que la nouvelle station est une station extérieure ?

M. Dumortierµ. - Est-ce que la station du Midi n'est pas une station extérieure ?

MtpVSµ. - Extérieure au boulevard.

M. Dumortierµ. - Extérieure à la ville.

MtpVSµ. - Oui, elle sera extérieure à la ville, tant qu'elle ne sera pas entourée de constructions ; mais dans quelques années, elle sera intérieure, comme la station du Nord.

Mais, dit l'honorable M. Dumortier, vous empêchez le développement de la ville de Tournai. Il n'y a de villes qui se développent que celles sur lesquelles les chemins de fer qui les desservent, tombent perpendiculairement.

Les exemples cités par l'honorable membre ne prouvent rien. Ce qui est certain, c'est qu'une ville se développe d'abord entre un chemin de fer et l'aggloméré, tant qu'il y a de la place, et qu'elle ne déborde au delà du chemin de fer que lorsqu'il n'y a plus de place en deçà. (Interruption.)

M. Dumortier, j'abonde dans votre thèse ; de quoi vous plaignez-vous ?

La question est donc de savoir si, entre la nouvelle station de Tournai et la ville, il restera un espace, un nombre suffisant d'hectares, pour qu'on puisse y établir beaucoup d'usines nouvelles.

M. Dumortierµ. - Non.

MtpVSµ. - L'honorable M. Dumortier dit non ; tout le monde, excepté l'honorable membre, dit oui.

M. Dumortierµ. - Voyez le plan : il n'y a pas 100 mètres entre la ville de Tournai et votre station.

MtpVSµ. - Mais, M. Dumortier, 100 métrés, sur quelle longueur ?

M. Dumortierµ. - Sur mille mètres.

MtpVSµ. - 100 multiplié par 1,000, cela fait déjà un joli nombre de mètres.

Et d'ailleurs, comment se fait-il que ces établissements nouveaux, dont vous parlez, qui cherchent à s'élever à Tournai, renonceraient à cette idée, lorsque l'on créerait la station nouvelle, tandis qu'ils ne l'ont pas réalisée lorsque le terrain était disponible à côté de la station actuelle ?

M. Dumortierµ. - Parce que les fortifications existaient.

MtpVSµ. - Qu'est-ce que cela fait ?

M. Dumortierµ. - On défendait de bâtir dans le rayon des fortifications.

MtpVSµ. - Je constate qu'à commencer par le conseil communal, tout le monde à Tournai, sauf l'honorable M. Dumortier, pense que cette circonstance du déplacement de la station est indifférent à l'avenir industriel de la ville.

Des élections communales ont eu lieu sur celle question. L'honorable M. Bara a soutenu l'indifférence, quant à l'avenir industriel de Tournai, du déplacement de la station. Il a été soumis à réélection depuis ce temps. Personne ne lui a fait un reproche de ce chef.

Je dis donc que j'ai la conviction que l'honorable M. Dumortier se trompe, de la meilleure foi du monde, évidemment, quant à l'importance locale de la question qu'il soulève, et je dis que le déplacement de la station, s'il est éminemment utile à l'exploitation du chemin de fer et au public, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, est parfaitement indifférent quant aux intérêts locaux dont l'honorable M. Dumortier plaide la cause.

L'honorable M. Dumortier s'est occupé enfin de ce qu’il appelle l'établissement du bassin de Kain, établissement qui se ferait aux dépens de la ville de Tournai.

Voici, messieurs, en deux mois, de quoi il s'agit.

On a construit un barrage écluse au-dessus de la ville de Tournai, à Antoing. Immédiatement au-dessous de la ville, il y a actuellement un ancien barrage auquel, dans l'intérêt de la navigation, il s'agit de substituer également un nouveau barrage à sas. Il est impossible, à raison de difficultés techniques que je ne veux pas développer ici, mais spécialement à raison de la nature du terrain qui est un sable mouvant, d'établir le nouveau barrage à sas à côté de l'ancien barrage qu'il s'agit de remplacer. Il faut donc éloigner le premier de quelques centaines de mètres.

Messieurs, lorsqu'on établit un ouvrage d'art, un ouvrage hydraulique, on ne peut prendre indifféremment, à son gré, tel lieu ou tel autre. L'emplacement d'un ouvrage hydraulique sur un fleuve important est indiqué par la nature même du fleuve sur lequel l'ouvrage doit être construit. Oh ne peut pas le mettre ici ou là, comme on veut. Il faut le mettre où, entre autres, la déclivité et la nature du sol l'indiquent.

II paraît donc qu'on établit celui dont il s'agit à Kain.

Messieurs, l'écluse établie, quelle sera la position de Tournai ?

La position de Tournai sera la suivante. Entre l'écluse d'Antoing et l'écluse en aval établie à Kain, il y aura un seul niveau. C'est ce que l'honorable M. Dumortier, conformément aux usages, à la signification actuelle du mot, appelle le bassin de Tournai.

Le bassin de Tournai, après la construction du nouveau barrage écluse, sera donc sensiblement plus grand que le bassin actuel qui s'arrête à l'écluse de Maire.

En quoi cela peut-il préjudiciel à la ville de Tournai, je le demande ? Il y a un intérêt que l'on n'indique pas et que je vais vous faire connaître.

C'est l'intérêt des petits négociants, des marchands de détail de Tournai, qui est engagé dans la question de la manière suivante. Vous savez que la navigation sur l'Escaut s'opère par rames. Eh bien, comme il y a un barrage au-dessous de Tournai, pendant que l'on attend pour avoir le volume d'eau qui doit porter la rame, il y a un certain nombre de bateaux qui sont arrêtés à l'intérieur de Tournai ; les bateliers séjournent et font de la dépense. C'est bien là l'intérêt dont s'occupe au fond l'honorable M. Dumortier.

Mais la position des habitants de Tournai ne sera pas changée par la construction de l'écluse de Kain. Au contraire, si elle doit être changée, elle se trouvera améliorée ; parce que la rame de bateaux qui attendra le bon d'eau qui doit lui permettre de descendre le fleuve, sera d'autant plus grande que le bassin, c'est-à-dire la section du canal comprise entre l'écluse d'Antoing et l'écluse de Kain, sera plus grande ; or, un plus grand nombre de bateaux pouvant séjourner dans le bassin nouveau, un (page 367) plus grand nombre de bateliers séjourneront à Tournai, au lieu de séjourner à l'amont d'Antoing.

Enfin, messieurs, j'arrive à la question que j'aurais presque le droit d'appeler la question Van Hoorde, la question soulevée par l'honorable représentant de Bastogne.

M. Van Hoordeµ. - Il n'y en a pas de plus importante pour l'arrondissement de Bastogne.

MtpVSµ. - Je ne le conteste point.

Je ne m'occuperai pas de la forme du discours de l'honorable M. Van Hoorde. La Chambre me rendra cette justice que je n'ai jamais cherché à envenimer les débats.

L'honorable M. Van Hoorde dit qu'il n'a pas eu l'intention de rien alléguer qui fût blessant pour moi. J'accepte cette explication et je viens au fond de la question.

M. Van Hoordeµ. - J'ai dit qu'il est impossible de supposer que vous ayez simulé du mécontentement.

MtpVSµ. - N'insistons pas là-dessus.

L'honorable M. Van Hoorde, pour ne nous occuper que du fond de la question, me demande de préciser la position de la compagnie du Luxembourg vis- à-vis du gouvernement, quant à ses obligations en ce qui concerne l'embranchement de Bastogne.

Messieurs, je ne puis tous les jours, à chaque discussion, dire la même chose. J'ai déjà dix fois précisé cette situation.

La compagnie du Luxembourg doit construire l'embranchement de Bastogne ; elle doit le construire dans un délai déterminé ; nous sommes d'accord sur le terme, le gouvernement, la compagnie du Luxembourg et l'honorable M. Van Hoorde ; c'est au mois de mars 1867 que la compagnie doit avoir terminé les travaux.

Que voulez-vous que je déclare de plus ? En quoi puis-je préciser mieux les obligations de la compagnie ?

L'honorable M. Van Hoorde, non pas aujourd'hui d'une manière directe, mais dans un discours antérieur, a prétendu que j'eusse à notifier à la compagnie du Luxembourg ce que je ferais en 1867, au mois de mars, si elle ne livrait pas l'embranchement de Bastogne à l'exploitation. Cela est tout à fait impossible. L'honorable M. Van Hoorde convient que matériellement la compagnie peut encore s'exécuter. C'est très difficile, dit-il ; et j'ajoute : C'est très difficile ; mais enfin il reconnaît que ce n'est pas impossible.

Messieurs, dans cette situation, de quel droit irais-je molester la compagnie du Luxembourg et lui signifier les mesures que je prendrai si elle ne s'exécute pas ?

Est-ce qu'un créancier, se trouvant vis-à-vis d'un débiteur qui peut encore s'acquitter envers lui, aurait, à un titre quelconque, le droit de le menacer, de lui dire que s'il ne paye pas à l'échéance, il sera mis en prison ou traduit devant les tribunaux, pour que lui, créancier, obtienne, contre codébiteur, jugement et exécution forcée ?

Messieurs, à quelle jurisprudence administrative ou privée, pareil procédé appartiendrait-il ? Cela ne se justifierait en rien.

Pour le moment, il faut constater que la compagnie du Luxembourg peut encore s'exécuter, et cela fait j'ai le droit de me taire : pas autre chose.

Mais il y a plus, si l'honorable M. Van Hoorde, qui n'est pas extrêmement bien disposé pour la compagnie du Luxembourg, occupait ma place dans ce moment, je le défie d'exécuter les mesures qu'il voudrait me voir prendre contre la compagnie, je le défie d'écrire à la compagnie du Luxembourg quelque chose de raisonnable, quelque chose dont il veuille accepter la responsabilité.

Je suppose que la compagnie du Luxembourg arrive au mois de mars 1867, ayant terminé les neuf dixièmes de ses travaux et ayant été empêchée, par exemple, par les intempéries de l'hiver, d'achever le dixième restant. Que ferait l'honorable M. Van Hoorde ? Il ne ferait rien du tout. Je veux prouver par cet exemple qu'il se pourrait même que la compagnie du Luxembourg n'eût pas intégralement exécuté les travaux à l'époque convenue et que cependant il n'y eût aucune mesure à prendre contre elle.

II faut donc attendre et il n'y a pas autre chose à faire que d'attendre.

Au fond, messieurs, si l'on veut être sincère, la seule divergence d'opinion qu'il y ait entre M. Van Hoorde et moi, c'est ceci : l'honorable M. Van Hoorde, tout en reconnaissant que la compagnie du Luxembourg peut encore exécuter dans les délais voulus l'embranchement de Bastogne...

M. Van Hoordeµ. - Si vous l'y forcez.

MtpVSµ. - Vous tenez donc pour improbable que la compagnie du Luxembourg mette sérieusement la main à l'œuvre ? Eh bien, je déclare que si d'ici à peu de temps la compagnie du Luxembourg ne met pas sérieusement la main à l'œuvre, l'homme de la Belgique le plus mystifié sera moi.

Nous verrons, mais provisoirement la Chambre comprendra qu'il n'y a, actuellement, rien à faire de la part du gouvernement. C'est ma conclusion.

- La discussion générale est close.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.