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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 9 février 1866

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboomµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 383) M. Thienpont, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Moor, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpontµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur C.-A. Bolsens demande l'intervention de la Chambre pour obtenir le payement d'une indemnité qu'il réclame à charge du département de la guerre. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de la commune de Lembeek demandent la réduction des péages perçus sur les canaux embranchements du canal de Charleroi. »

- Même renvoi.


« Des meuniers et fabricants d'huile à Oostroosbecke prient la Chambre de donner suite aux réclamations relatives à la patente des moulins a moulins à vent. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur les pétitions relatives au même objet.


« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation ordinaire du sieur Buol Martin. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.

Projet de loi révisant le code de commerce

Rapport de la section centrale

M. Pirmezµ dépose le rapport de la commission chargée de la révision du Code de commerce sur le titre des sociétés.

Projet de loi relatif aux chemins vicinaux

Rapport de la section centrale

M. Dupontµ dépose le rapport de la section centrale qui a examiné de nouveau le projet de loi relatif aux chemins vicinaux.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports. Elle statuera ultérieurement sur la mise à l'ordre du jour.

Ordre des travaux de la chambre

M. Rodenbachµ. - A l'occasion du carnaval, la Chambre est dans l'habitude de prendre quelques jours de vacance. J'ai donc l'honneur de proposer que nous nous ajournions au mardi 20 de ce mois, à deux heures, après avoir siégé encore aujourd'hui et demain s'il le faut.

MpVµ. - M. Rodenbach propose qu'après le vote du budget des travaux publics et du budget de la Chambre, s'il est possible de l'aborder demain, la Chambre s'ajournera au mardi 20 de ce mois, à 2 heures. Dans tous les cas, on se séparerait demain.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1866

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ponts et chaussées. Bâtiments civils

Section III. Service des canaux et rivières, des bacs et bateaux de passage et des polders
Travaux d'amélioration des canaux et rivières. Bassin de l’Escaut
Article 25

M. Dumortierµ. - Messieurs, je ne conteste pas le chiffre en discussion ; j'ai uniquement quelques observations à présenter et quelques explications à demander à M. le ministre des travaux publics.

Dans la discussion générale, j'ai eu l'honneur de vous entretenir du préjudice que quelques membres du corps des ponts et chaussées causent en ce moment-ci à la ville de Tournai. J'ai eu l'honneur de vous dire que l'on prétend enserrer la ville de Tournai dans un cercle de fer, empêcher son agrandissement, faire tout le contraire de ce qu'on fait dans les autres villes du royaume, dépenser des millions sans aucune espèce de nécessité.

Je suis convaincu qu'il n'y a là-dessous que des intérêts privés opposés à l'intérêt général.

D'un autre côté, j'ai parlé aussi des travaux en voie d'exécution ou tout au moins qui sont sur le point d'être exécutés, sur l'Escaut.

Il paraît, d'après ce qu'a dit M. le ministre des travaux publics, que l'écluse de Maire sera transportée sur la commune de Kain et que ce ne sera plus une écluse à poutrelles, mais une écluse à sas, comme celles que l'on fait sur les rivières canalisées ; qu'à partir de cette écluse jusqu'à Antoing, c'est-à dire sur un espace de 2 lieues, les eaux seront tenues toujours au même niveau. Voilà ce que M. le ministre des travaux publics a déclaré dans une séance précédente. Quelle va être la conséquence de ce fait ? Elle est bien simple c'est que tandis que l'on fait des canaux à Liège pour empêcher les inondations, on va canaliser l'Escaut pour inonder la ville de Tournai ; encore toujours ici on fait donc pour Tournai diamétralement l'opposé de ce qui se fait ailleurs.

Pour établir le niveau entre l'écluse qui va s'établir sur le territoire de Kain jusqu'à Antoing, il faudra tenir les eaux à une très grande hauteur, à une hauteur d'autant plus grande que toute la partie en amont de Tournai depuis cette ville jusqu'à Antoing, présente un niveau considérable et qu'à mi-chemin vous avez l'ancien passage à gué connu sous le nom de Château Gaillart et qui se trouve sur le territoire de Vaulx.

Or, pour que les bateaux puissent y stationner, il faudrait tenir les eaux à une hauteur considérable, pour établir un niveau permanent depuis l'écluse d'Antoing jusqu'à l'écluse qui va être construite à Kain, il faudrait établir un niveau qui sera l'égal des grandes eaux.

Quelles seront les conséquences de ce système ? Il y en a deux que je signalerai à l'honorable ministre. La première c'est de boucher les orifices de tous les égouts de Tournai. La ville qui est séparée en deux par l'Escaut et dont la moitié est sur la rive droite, l'autre moitié sur la rive gauche, a tous ses égouts qui se déversent dans l'Escaut, comme la navigation se fait aujourd'hui par rame pendant cinq jours de la semaine au moins, l'écoulement se fait avec une facilité extrême.

La plupart des égouts et spécialement les anciens cloaques romains se trouvent dans la partie profonde du fleuve et presque tous, sinon tous, se trouvent en dessous du niveau des grandes eaux.

Or, je voudrais bien savoir comment l'écoulement pourra avoir lieu lorsque le niveau de l'eau sera tenu en permanence au-dessus des égouts et que l'Escaut y sera canalisé. Non seulement vous aurez empêché alors l'écoulement des égouts, mais vous aurez refoulé les eaux malsaines dans la partie basse de la ville et vous y provoquerez ainsi des inondations permanentes. Il est notoire, chez tous ceux qui habitent la ville de Tournai, qu'à l'époque des grandes eaux toutes les caves de la ville basse sont inondées. Eh bien, les eaux de l'Escaut entrant dans tous les aqueducs vont amener ce résultat que toutes les caves de la ville basse seront inondées, non pendant quinze jours ou trois semaines, mais en permanence pendant toute l'année.

Pour obtenir le déversement des égouts et cloaques qui se trouvent sur les deux rives, il faudra manifestement construire, sur chacune des deux rives, des canaux collecteurs pour déverser les eaux de tous les égouts, en aval de l'écluse qu'on va construire à une demi-lieue de Tournai. Or, depuis Kain jusqu'aux moulins à eau, il y a une lieue de distance, de manière qu'il faudra une lieue de canaux collecteurs, sur la rive droite, une lieue sur la rive gauche.

Or, deux lieues de canaux collecteurs entraîneront au moins une dépense d'un demi-million. Je le demande, qui fera cette dépense ? Est-ce le gouvernement, ou bien entend-il l'imposer à la ville de Tournai ? Voilà une question sur laquelle je désire vivement être renseigné.

Si c'est le gouvernement qui fait les égouts collecteurs, je serai en droit de lui dire qu'il fait des travaux pour lesquels il n'a pas de crédit ; si, au contraire, le gouvernement entend imposer les travaux à la ville de Tournai, ou lui imposer la moitié seulement de la dépense, je serai en droit de dire que c'est une scandaleuse injustice.

A l'occasion de la canalisation de la Meuse, on a imposé la même obligation à la ville de Liége, me dira-t-on ; mais la ville de Liége ne se trouve pas dans les mêmes conditions que la ville de Tournai, car elle retirait en réalité un grand avantage de cette canalisation ; il n'en est pas de même de Tournai ; Tournai ne vous demande qu'une chose, c'est de laisser l'Escaut tel qu'il est.

M. Mullerµ. - Et le conseil communal ?

M. Dumortierµ. - Je remercie l'honorable préopinant de m'avoir provoqué à en parler. J'en dirai deux mots tout à l'heure, de ce qu'on appelle le conseil communal.

M. Mullerµ. - Vous parlez au nom de la ville.

M. Dumortierµ. - Permettez ; je dis que la ville de Liège est intervenue pour une part dans la dépense...

M. Mullerµ. - Pour moitié.

(page 384) M. Dumortierµ. - Pour la moitié, soit ; il n'y avait là rien d'exorbitant, puisque en définitive la dérivation de la Meuse était faite dans son intérêt. Mais il n'en est pas de même pour Tournai ; la canalisation de l’Escaut, je le répète, n'est pas dans son intérêt ; elle, est, au contraire, tonte dans l'intérêt de district de Mons. (Interruption.) C'est dans l'intérêt des charbonnages du Couchant que vous faites ces travaux. De quel droit dès lors voudriez-vous en faire payer la dépense par la ville de Tournai ? Si quelqu'un doit payer, c'est celui qui profite des travaux et non ceux qui en subissent la charge. (Interruption de M. Elias.) Ce qui est certain, c'est que vous ne pouviez avoir la canalisation sans avoir les barrages. (interruption.) Il y a deux intérêts, celui de la ville de Liège pour qui s'est faite la dérivation de la Meuse, et celui de la navigation.

Rien de semblable à Tournai ; Tournai est à l'abri des inondations.

Tournay est tout à fait à l'abri des inondations. Elle n'a jamais réclamé les travaux qu'on veut exécuter à l'Escaut, et je suis convaincu que le conseil, s'il eût été consulté, aurait présenté les mêmes observations que je présente aujourd'hui.

Le conseil communal, me dira-t-on, et c'est l'observation que faisait tout à l'heure l'honorable M. Muller, a voté pour le déplacement de la station de Tournai. Eh bien, oui, le conseil communal a voté pour le déplacement de la station de Tournai. Mais il a émis son vote sous l'empire d'une contre-vérité. C'est imprimé tout au long dans les documents. On est venu dire que c'était le gouvernement qui voulait le déplacement de la station, et quand un honorable député, de bonne foi, a répété celle assertion ici, M. le ministre des travaux publics s'est levé immédiatement pour protester contre cette assertion.

On est venu dire au conseil communal que l’Etat avait décidé le déplacement de la station. A la vérité l'Etat ne l'avait pas décidé. M. le ministre était fort peu partisan de ce déplacement, on ne peut se le dissimuler ; il ne l'était même pas du tout, lisez le discours qu'il a prononcé ; et, à mon avis, il était dans la bonne et véritable voie.

MtpVSµ. - Vous vous trompez.

M. Dumortierµ. - Mais les influences sont arrivées et savez-vous ce qu'on a dit ? On a dit : c'est une question politique. On a frappé des deux mains sur la ville de Tournai, parce que c'était une question politique. Eh bien, oui, il y a là une question politique. Il est vrai que, lors des élections communales, les journaux de l'opposition ont dit : Si vous votez pour les membres anciens, la station sera déplacée. Mais qu'ont répondu les journaux libéraux ?

MpVµ. - M. Dumortier, nous sommes sur l'Escaut.

M. Dumortierµ. - M. la président, j'étais bien sûr qu'on m'aurait dit cela. C'est pour cela que j'ai remercié l'honorable M. Muller de m'avoir ouvert la voie.

Je n'ai plus qu'un mot à dire.

Pour éviter les effets de l'observation des journaux de l'opposition, les journaux libéraux ont donné à entendre que la station ne serait pas déplacée et c'est sous cette impression qu'on a voté ; les électeurs ont été trompés.

Revenons à l'Escaut.

Je dis donc que si, d'un côté, on frappe la ville de Tournai en lui enlevant sa station intérieure, en l'entourant d'un cercle de fer et en empêchant son agrandissement futur, d'un autre côté, on va l'exposer aux inondations souterraines, à tout ce qu'il y a de plus malsain. Car, ne vous faites pas illusion, quand les eaux malsaines d'une ville de 35,000 âmes qui compte 30 à 40 fabriques, et vous savez que les fabriques de laine surtout envoient beaucoup d'eau malsaine par suite du lavage, quand toutes ces eaux vont se déverser dans l'Escaut canalisé, au lieu d'une eau limpide, d'un air pur dont on jouit maintenant à Tournai, on aura une eau malsaine et un air profondément méphitique.

Voilà les conséquences naturelles de ces travaux qui sont faits uniquement au point de vue des ingénieurs ; mais qui ne sont nullement examinés ni au point de vue de l'intérêt des populations qui traverse le fleuve, ni au point de vue de l'hygiène, ni au point de vue de la sécurité publique.

Je regrette que, dans cette sphère, on n'entende que la voie des ingénieurs qui, quand ils ont fait un plan, veulent à toute force le faire réussir.

Je regrette qu'on n'ait pas consulté les administrations communales et es administrations provinciales sur de pareils travaux.

MtpVSµ. - Il y a une raison pour cela.

M. Dumortierµ. - Il y a une raison pour cela ; je le crois bien. C'est que les conseils communaux et les conseils provinciaux ne laisseraient pas faire à MM. les ingénieurs tout ce qu'ils veulent. C'est qu'ils éclaireraient le gouvernement et qu'on ne veut être éclairé que par les ingénieurs.

MtpVSµ. - C'est que l'intérêt local doit céder à l'intérêt public.

M. Dumortierµ. - Qu'est-ce que l'intérêt public ? Voyons : c'est l'intérêt du plus grand nombre. Or, l'intérêt public n'est pas du tout de sacrifier une ville de 35,000 âmes. L'intérêt d'une ville de 35,000 âmes est aussi un intérêt public.

Votre intérêt public, savez-vous quel il est ? C'est l'intérêt de 30 extracteurs de houille et de trois ou quatre chaufourniers.

Mais à côté de l'intérêt de quelques industriels exploitants, vous avez aussi l'intérêt des populations. et ce que je dis ici est très sérieux. J'adjure mes honorables collègues, députés de Bruxelles, de prendre bonne note de mes observations. A Bruxelles, tous les égouts vont se déverser dans la Senne, comme à Tournai ils vont se déverser dans l'Escaut ; eh bien, si on exécutait sur la Senne Jles travaux de canalisation que l'on opère sur l'Escaut, et qui auraient pour effet de maintenir toujours les eaux à la même hauteur au-dessus du niveau des égouts, des eaux malsaines envahiraient les caves et engendreraient les fièvres typhoïdes dails la capitale.

Je le répète, il y a ici des intérêts majeurs en jeu. Quand il s'agit d'affaires politiques, les villes sont tout ; quand il s'agit de chemins de fer, de travaux publics quelconques, les villes ne sont plus rien. Pour moi, je maintiens que toute voix qui réclame avec justice doit être entendue. Hier, mon honorable collègue, M. Nothomb, invoquait l'opinion du conseil provincial d'Anvers, et il était tout à fait dans son droit ; or, voyez comme M. le ministre des travaux publics a deux poids et deux mesures, il dit à l'honorable M. Nothomb : « On ne vous écoulera pas, parce que Je conseil provincial a réclamé. » Et puis pour Tournai, on dit : « On ne vous écoutera pas, parce qu'on n'a pas réclamé. »

Mais, messieurs, des pétitions sans nombre ont été déposées sur le bureau et renvoyées à M. le ministre des travaux publics contre les travaux qui vont être exécutés à Tournai. Et remarquez que ces réclamations ne sont pas émanés de conservateurs, mais qu'elles ont été transmises par des libéraux à la Chambre ; ce sont les libéraux qui ont protesté contre les travaux que vous êtes sur le point de faire à Tournai.

Messieurs, il n'y a pas ici une affaire de parti, il y a ici un intérêt local d'une excessive gravité à examiner, et qui ne doit pas être sacrifié à quelques intérêts privés.

Je désire donc savoir si le gouvernement entend maintenir son système, consistant à avoir un niveau d'eau, comme il l'a dit, depuis l'écluse d'Antoing jusqu'à celle qui va être établie à Kain. Si, contre mon attente, ce système est définitivement admis, il faudra nécessairement que le gouvernement fasse exécuter, aux frais de l'Etat, deux grands collecteurs qui devront déverser les eaux sales de la ville en aval de Tournai.

Il serait par trop étrange que la ville dût s'imposer cette dépense, alors que l'on sacrifie, à son détriment, l'intérêt général à un intérêt privé.

Messieurs, les travaux contre lesquels je réclame ont été mis en adjudication, sans avoir été communiqués ni à l'autorité provinciale, ni à l'autorité communale, ni à aucune autorité administrative quelconque ; je demande s'il est permis d'en agir ainsi avec la sixième ville du pays par son importance, de faire exécuter, sans même l'avoir entendue, des travaux qui doivent lui causer un si notable préjudice.

Tout cela, messieurs, est d'un extrême gravité. Et remarquez-le bien, encore une fois, ce n'est pas ici une question de parti, c'est une question d'intérêt majeur pour la ville de Tournai.

MtpVSµ. - Messieurs, l'honorable M. Dumortier vient de reproduire exactement aujourd'hui les plaintes, les récriminations qu'il nous avait fait entendre au mois de juillet, lors de la discussion du projet de loi général des travaux publics. Les objections sont les mêmes.

M. Dumortierµ. - Il n'a pas été question de canalisation ni de canaux.

MtpVSµ. - Je dis que vous avez plaidé, au mois de juillet 1865, exactement la thèse que vous plaidez aujourd'hui, avec les mêmes arguments et dans les mêmes termes.

M. Dumortierµ. - Je vous réponds qu'on n'a pas dit un motif de la canalisation de l'Escaut. C'est la première fois que j'en parle.

(page 285) MtpVSµ. - J'aurai l'honneur de vous faire connaître la page des Annales parlementaires où se trouve votre discours.

Si je me trompe, je ne me trompe que de quelques semaines, et si la discussion à laquelle je fais allusion n'a pas eu lieu lors de l'examen du projet de travaux publics, elle a eu lieu à l'occasion de mon budget.

La thèse est la même ; les arguments sont les mêmes ; les termes sont les mêmes ; et vous le reconnaîtrez

M. Dumortierµ. - Du tout.

MtpVSµ. - Un mot encore de la station, non pas que je ne considère le sujet comme épuisé, mais parce que l'honorable M. Dumortier a fait une insinuation que je ne puis laisser passer sans la relever.

L'honorable membre a parlé d'intérêts privés. Il a fait entendre que des intérêts privés auraient pesé sur le gouvernement.

M. Dumortierµ. - Je n'ai pas dit cela. J'ai dit qu'il y avait des intérêts privés en jeu, mais non en y adjoignant le gouvernement.

MtpVSµ. - Sur qui voulez-vous que les intérêts privés aient pesé, si ce n'est sur le gouvernement ?

Il est évident que si des intérêts privés avaient eu la prétention de peser sur quelqu'un, c’eût été sur le gouvernement.

Eh bien, les intérêts privés sont ici tout à fait hors de cause. Je l'ai déclaré une première fois et je le déclare itérativement, l'initiative du déplacement de la station de Tournai appartient exclusivement au département des travaux publics.

M. Dumortierµ. - Vous avez dit le contraire. Je vous indiquerai aussi le passage.

MtpVSµ. - J'affirme que j'ai dit la même chose à la Chambre. cette déclaration se trouve aux Annales parlementaires, et pour la satisfaction personnelle de l'honorable M. Dumortier, je rechercherai le passage et je le lui ferai connaître.

M. Dumortierµ. - Et moi aussi, j'aurai le plaisir de vous le montrer.

MtpVSµ. - C'est donc le département des travaux publics qui a pris l'initiative du déplacement de la station de Tournai. C'est dans mes bureaux que le projet a été imaginé en vue du seul bénéfice, que devait en recueillir l'exploitation du chemin de fer. Voilà la vérité.

Si maintenant le projet a été appuyé d'un côté, s'il a été combattu de l'autre, j'ignore absolument si c'est au nom d'intérêts privés. Mais l'initiative appartient au gouvernement et les intérêts privés n'ont agi ni pour ni contre.

J'arrive à la question de l'Escaut.

L'honorable membre reproduit la thèse que le département des travaux publics, que le gouvernement devrait consulter les autorités locales et les autorités provinciales avant d'entreprendre certains travaux.

J'ai interrompu l'honorable membre en lui disant que si cette marche n'était pas suivie, c'était par une raison supérieure, et cette raison, je l'ai indiquée : c'est que les intérêts locaux et provinciaux pèseraient d'un poids illégitime sur l'intérêt public.

Il n'y a pas d'intérêt public en cause ici, dit l'honorable M. Dumortier, et dans tous les cas l'intérêt de Tournai est assez considérable pour contrebalancer tous les autres.

Messieurs, qu'est ce que c'est que l'intérêt public ? Moi je ne connais pas un intérêt qui s'appelle public et qui soit d'une nature différente d'un autre intérêt qui s'appelle intérêt privé. L'intérêt public existe quand il y a une certaine somme d'intérêts privés réclamant la même chose. L'intérêt public, messieurs, ce n'est pas une chose abstraite, c'est la somme des intérêts privés. Dans tout intérêt public ou qualifié de public, vous trouverez toujours une certaine somme d'intérêts privés. Je défie qu'on en cite un seul autre. Il n'en est autrement que dans l'ordre des intérêts moraux, tel par exemple que l'intérêt qui s'attache au développement de l'instruction.

Voyons donc de quel côté se trouve la plus grande somme d'intérêts privés et par conséquent ce que nous pouvons appeler l'intérêt public.

Il y a aujourd'hui sur l'Escaut un certain nombre de barrages ; il s'agit de remplacer ces barrages par des écluses. Comment manœuvre-t-on aujourd'hui au moyen des barrages qui existent ? Messieurs, lorsqu'il n'y a pas assez d'eau, et c'est dans ces circonstances seulement que les barrages sont appelés à fonctionner, on attend pour ouvrir les barrages et par conséquent pour que la navigation puisse s'exercer, qu'il se soit amassé en amont de ces barrages une quantité d'eau suffisante pour permettre à un certain nombre de bateaux de passer aux époques de sécheresse, on attend 8 et quelquefois 10 et 15 jours.

Pendant ce temps la navigation chôme. Un volume d'eau suffisant s'étant accumulé, on ouvre le barrage et les bateaux passent avec ce que l'on appelle le bond d'eau. C'est là, messieurs, un mode de procéder très primitif et pour le prouver il suffit de constater que de cette manière, comme je viens de le dire, en temps de sécheresse la navigation chôme quelquefois pendant 15 jours. En substituant, au contraire, les barrages écluses aux barrages simples et de façon à avoir un niveau d'eau constant, la navigation devient permanente au lieu d'être intermittente. En effet pour permettre à un bateau de passer, on n'a plus besoin d'abaisser devant lui le barrage, ce qui fait écouler toute l'eau amassée, on n'a plus besoin que d'une petite quantité d'eau, ce qu'on appelle une éclusée.

Ce sont là des intérêts privés, dit l'honorable M. Dumortier. Oui, dans le sens que je viens d'indiquer, c'est-à-dire que si un bateau passe il transporte le charbon d'un certain charbonnage et le transporte vers une certaine usine ou vers le magasin d'un certain marchand de charbon mais quand cela se multiplie dans une large proportion, il y a là une somme d'intérêts privés qui mérite le nom d'intérêt public. Est-ce que la ville de Tournai est désintéressée dans cette question ? Pas le moins du monde. La ville de Tournai fait une consommation considérable de charbon et la ville de Tournai, comme la ville de Gand, comme toutes les autres localités se trouvant sur l'Escaut, est intéressée à se trouver en communication permanente avec le bassin de Mons, par exemple.

Voilà donc le premier intérêt public.

Il y en a un second, c'est l'intérêt des prairies riveraines.

M. Dumortierµ. - Ah oui !

MtpVSµ. - Certainement ah oui ! vous avez entendu il y a quelques jours l'honorable M. Magherman protester vivement contre l'inaction du département des travaux publics qui ne veut pas s'engager dès aujourd'hui à construire un semblabl, barrage écluse à Synghem et l'honorable M. Magherman, au point de vue de l'agriculture, a parfaitement raison.

Comment, messieurs, la substitution de barrages écluses aux barrages simples, est-elle avantageuse à l'agriculture. ? Messieurs, vous savez ce qui s'est passé sur l'Escaut il y a quelques années. On se plaignait des inondations sur les terres riveraines de l'Escaut ; il n'y avait pas assez de clameurs contre l'inertie du gouvernement qui ne remédiait pas à ce mal. Il fallait faire des coupures dans l'Escaut, il fallait dégager l'aval. Le gouvernement s'est mis à l'œuvre. C’étaient des intérêts privés.

Il s'agissait d'assainir peut-être les propriétés de M. Dumortier et je m'en féliciterais, mais il s'agissait de l'intérêt d'un certain nombre de propriétaires qu'on peut désigner par leur nom.

M. Dumortierµ. - Vingt mille hectares.

MtpVSµ. - Peut-être vingt mille hectares, soit ! (Interruption.) Voilà donc M. Dumortier qui convient qu'il peut y avoir une somme d'intérêts privés telle, qu'ils forment un intérêt public.

Eh bien, messieurs, c'est ce même intérêt que l'honorable M. Dumortier veut bien, une seule fois et en passant, qualifier d'intérêt public, c'est ce même intérêt que nous voulons servir en sens inverse de ce qui a été fait la première fois.

Nous avons assaini les terres qui étaient trop inondées, mais il se trouve aujourd'hui qu'il n'y a plus une quantité d'eau suffisante pour irriguer les prairies riveraines de l'Escaut dans les années de sécheresse ; eh bien, nous voulons compléter le travail fait naguère. Nous avons déjà obtenu que les prairies ne soient pas converties on marais ; nous voulons obtenir, en deuxième résultat, que les propriétaires riverains ne soient pas obligés de convertir leurs prairies en terres arables. Comment peut-on y parvenir ? Vous voyez qu'on n'est pas maître des eaux ; on doit les lâcher quand il y en a trop ; on doit les accumuler quand il n'y en a pas assez et quand les propriétaires riverains viennent demander au département l'autorisation d'opérer certaines manœuvres, on n'est jamais sûr que ces manœuvres pourraient avoir lieu.

Nous voulons avoir le moyen d'être maîtres absolus de nos eaux, d'abord dans l'intérêt de la navigation et ensuite dans l'intérêt des irrigations. Voilà le deuxième intérêt public.

Il y en a un troisième, je regrette de devoir le répéter si souvent... (Interruption.)

Je ne convaincrai pas l'honorable M, Dumortier ; je m'adresse aux (page 386) personnes qui n'ont pas de parti pris. Je ne dis pas que l'honorable M. Dumortier ait un parti pris, mais je désespère néanmoins de le convaincre.

Je dis qu'il y a un troisième intérêt en cause. C'est un intérêt considérable et qui se rapporte à une question qui a été soulevée incidemment l'autre jour par l'honorable M. Lippens.

L'Escaut alimente seul aujourd'hui tous les bassins qui étaient, il y a quelque temps encore, alimentés par la Lys et l'Escaut concurremment, Par suite de certains ouvrages exécutés pour permettre la continuation du rouissage dans la Lys, ces bassins ne sont plus alimentés que par l'Escaut. Pour permettre la continuation du rouissage dans la Flandre occidentale, on a coupé d'abord la communication entre la Lys et Gand par une écluse établie à Astene. Gand devait être préservé et l'a été. Mais immédiatement Bruges, qui était également infectée, a demandé le bénéfice du même remède. La réclamation était juste.

Il n'y a en effet pas plus de raison pour préserver Gand que pour préserver Bruges, si ce n'est la plus grande importance industrielle de Gand. le gouvernement a donc accédé au désir de la ville de Bruges. Il a décrété avec votre assentiment des travaux à établir à Schipdonck et isolant à son tour Bruges de la Lys. Désormais les eaux de la Lys, corrompues par le rouissage, s'écoulent directement vers la mer par le canal de dérivation de Heyst.

Il s'ensuit que tous les cours d'eau alimentés antérieurement par l'Escaut et la Lys ne seront plus alimentés que par l'Escaut.

L'Escaut peut-il suffire à cette alimentation ? C'est un point douteux et si dans l'état actuel de la question il fallait se prononcer, je me prononcerais plutôt pour l'insuffisance que pour la suffisance. II faut attendre les résultats de l'expérience.

Qu'est-ce que le gouvernement a voulu faire par les travaux qui ont été exécutés ? Il a voulu au moins tenter de sauvegarder les intérêts de tout le monde, les intérêts du bassin de Gand et du bassin de Bruges, tout en continuant de tolérer le rouissage, qui est une industrie extrêmement considérable.

Mais encore une fois il n'est pas certain que l'Escaut suffise pour alimenter tous ces cours d'eau, et s'il peut y suffire ce n'est évidemment qu'à la seule condition que l'on soit maître des eaux, que l'on ne dépense pas en un jour ce qui suffirait à l'alimentation de huit jours et que le bond d'eau arrivant (je viens d'expliquer ce que c'est), il n'y ait pas surabondance dans l'espace de 24 heures et pénurie le lendemain.

Voilà donc un troisième intérêt public, et je pense que si les intérêts de Tournai étaient quelque peu sacrifiés en cette occasion, il y aurait, à côté de cela, un avantage assez sérieux, assez important, à recueillir par une partie notable du pays pour que l’intérêt local de Tournai dût céder. Mais je ne suis pas d’accord avec l’honorable membre que l’intérêt local de Tournai coure des dangers.

L'honorable membre a parlé des égouts. C'est une question extrêmement secondaire et, si je ne me trompe, dans le projet du gouvernement comme corollaire du barrage écluse qu'il s'agit d'établir à Kain, se trouve la construction d'une conduite formant le prolongement des égouts de Tournai et destiné à déverser, en aval de cette écluse, les immondices qui s'écoulent aujourd'hui directement des égouts dans l'Escaut. C'est une dépense qui ne s'élèvera pas à plus de 50,000 à 60,000 francs.

M. Dumortierµ. - C'est un canal de plusieurs lieues.

MtpVSµ. - Si l'honorable membre le désire, je lui donnerai demain des indications exactes, mais je perse que la dépense ne dépasserait pas 50,000 ou 60,000 fr.

L'honorable membre suppose, de plus, qu'une fois les écluses construites l'eau sera maintenue dans l'Escaut à un niveau constant du 1er janvier au 31 décembre. C'est une erreur. On se réserve la faculté de maintenir le niveau permanent, mais cela ne veut pas dire qu'on le maintiendra toujours. On agira comme par le passé, tant que le besoin d'agir autrement ne se fera pas sentir. On naviguera encore par rames, par lâchures, attendu que cette navigation est la plus économique possible ; mais quand il n'y aura pas assez d'eau, on établira un niveau artificiel et alors la navigation ne sera pas compromise et l'alimentation des bassins de Gand et de Bruges sera moins en souffrance.

La canalisation projetée est la chose la plus simple et la plus rationnelle du monde, et je m'étonne qu'après des explications aussi souvent renouvelées l'honorable M. Dumortier persiste encore dans son opposition.

Je pense que, dans l'intérêt public, il faut passer outre à cette opposition et adopter le projet du gouvernement.

Projet de loi portant le budget du ministère de la guerre de l’exercice 1866

Motion d’ordre

M. Wasseigeµ. - Je profite de la présence de l'hono–rable ministre de la guerre ad intérim pour lui adresser une demande qui me paraît urgente.

Vous savez que la Chambre a décidé que le budget de la guerre ne serait examiné en sections qu'après que le rapport sur l'organisation de l'armée, depuis si longtemps promis par M. le lieutenant général Chazal aurait été distribué et examiné.

La santé de l'honorable général a pu être la cause du retard apporté à la distribution de ce rapport ; mais cette cause doit avoir disparu et nous nous en félicitons tous, j'en suis convaincu.

Nous allons nous séparer pour une dizaine de jours et la discussion du budget de la guerre ne peut être ajournée indéfiniment ; je demande donc à l'honorable ministre ad intérim si ce rapport sera bientôt prêt et si nous avons l'espoir de le voir distribuer à notre rentrée.

MgadinterimVDPBµ. - Messieurs, mon honorable collègue, le véritable ministre de la guerre, a été, comme vous le savez, sérieusement indisposé. Il s'est trouvé dans l'impossibilité de diriger son département et c'est pour ce motif que j'ai conservé pendant si longtemps ad intérim les fonctions de ministre de la guerre.

Cependant l'honorable général Chazal, faisant un effort suprême, a, dans les derniers temps, travaillé avec la plus grande activité à la confection du rapport dont vient de parler l'honorable M. Wasseige, et je puis annoncer à la Chambre que ce document est à la veille d'être terminé, s'il ne l'est en ce moment.

Ce rapport est très volumineux. Il n'a pas encore été examiné par toutes les personnes qui doivent en prendre connaissance avant qu'il puisse être présenté à la Chambre.

D'un autre côté, avant que ce rapport puisse être déposé, imprimé, distribué, étudié et discuté, il se passera un temps très long et peut-être bien sera-t-il impossible de faire de ce travail un examen sérieux pendant la session actuelle qui, à cause des élections, sera assez courte.

Cependant comme l'honorable M. Wasseige semble être d'avis qu'il serait bon de discuter le budget de la guerre dans la présente session, je prie la Chambre de voir s'il ne serait pas convenable de revenir sur la décision qu'elle a prise antérieurement et d'examiner le budget en sections la semaine prochaine.

Il est facile de comprendre que les circonstances où nous nous sommes trouvés et où nous nous trouvons encore, permettent à la Chambre de prendre cette décision sans se déjuger en rien. Lorsque la résolution rappelée par M. Wasseige a été prise par là Chambre, personne ne pouvait prévoir l'accident qui arriverait à l'honorable général Chazal, personne surtout ne pouvait prévoir qu'un nouveau règne s'ouvrirait.

Or, messieurs, cette dernière circonstance nous place dans des conditions nouvelles.

Je crois donc que la Chambre pourrait examiner le budget de la guerre en sections et ajourner jusqu'à la session prochaine la discussion du rapport à déposer par M. le ministre de la guerre. Cette discussion aurait lieu à l'occasion de l'examen du budget de 1867 qui doit être présenté bientôt.

M. Wasseigeµ. - Le conseil que nous donne M. le ministre de la guerre ad intérim me paraît au moins prématuré. Le rapport est terminé ou sur le point de l'être ; il n'y a donc aucune raison sérieuse pour qu'il ne soit pas distribué à notre rentrée. On pourra juger alors, par un examen sommaire, s'il y a lieu de revenir sur la résolution prise par la Chambre. Pour le moment il n'y a, selon moi, qu'une chose à faire, c'est d'attendre la distribution du rapport en laissant les choses dans le statu quo.

MfFOµ. - Messieurs, comme vient de vous le dire mon honorable collègue, le rapport sur les diverses questions qui se rattachent à notre état militaire n'est pas complètement achevé. (Interruption.) Sans aucun doute, il le sera très prochainement ; mais il ne pourra pas être déposé immédiatement, parce que les personnes qui ont d'abord à se prononcer sur ce document, doivent au préalable en prendre connaissance. (Interruption.)

Vous admettrez bien cependant que les ministres, par exemple, qui assument la responsabilité des actes soumis à la législature, doivent examiner ce rapport et les propositions qu'il pourra contenir.

Or, il est bien certainement impossible que nous en prenions connaissance avant qu'il soit terminé. Il est dès à présent certain que le rapport sera très volumineux, et je n'en ai pas encore lu la première ligne. A (page 387) l'exception peut-être de mon honorable collègue, le ministre de la guerre par intérim, nous sommes tous dans le même cas.

Vous admettrez bien aussi sans doute que, dans une question d'une aussi haute importance pour le pays, le chef de l'Etat, le chef du pouvoir exécutif, doit au moins avoir le loisir d'examiner les résolutions qui devraient être proposées aux Chambres.

En un mot, messieurs, nous nous trouvons dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, je dirai même fatales, qui nous mettent dans l'impossibilité absolue de satisfaire maintenant à l'engagement qui a été pris envers l'assemblée.

Quelle est la position ? Nous voici arrivés au mois de février sans budget de la guerre. Au premier mars prochain aura lieu le dépôt des budgets pour l'exercice 1867. Eh bien, messieurs, le rapport pourra vraisemblablement suivre de près le budget de l'exercice de 1867 à présenter en mars, au lieu de venir en février avec le budget de 1866. Voilà à quoi se réduit toute la question.

Il me semble qu'eu égard aux circonstances dans lesquelles nous nous sommes trouvés, il y aurait convenance de la part de la Chambre à se livrer dès à présent à l'examen du budget de 1866, ajournant toutes les questions que peut soulever le rapport à la discussion du budget de 1867, qui sera prochainement présenté.

Cette manière d'agir, si simple et si rationnelle, n'est de nature à compromettre aucune solution ; elle laisse intacts tous les principes, sans gêner en quoi que ce puisse être aucune opinion quelconque. Je pense, messieurs, que, sous ces réserves, la Chambre jugera qu'il y a lieu d'attendre jusqu'au moment oh s'ouvrira la discussion du budget de 1867 pour entamer l'examen complet de notre organisation militaire.

M. Wasseigeµ. - Je répète que la résolution me paraît prématurée ; attendez la distribution du rapport ; peut-être alors serons-noue tous d'accord pour faire ce que l'honorable ministre des finances nous propose de faire.

MfFOµ. - Messieurs, la résolution que nous vous convions de prendre ne saurait être considérée comme prématurée à l'époque de l'année où nous sommes arrivés. (Interruption/) Nous sommes déjà fort avancés dans le mois de février et la Chambre est à la veille de s'ajourner, jusqu'au 20 ; nous serons alors bien près du mois de mars, c'est-à-dire de l'époque de la présentation du budget pour 1867. Eh bien, je le demande, n'est-il pas convenable que la Chambre s'occupe sans plus tarder de l'examen du budget de la guerre de 1866 ? Considérez, messieurs, que le session actuelle sera nécessairement de courte durée. Au mois de mai, on se séparera définitivement, puisque les élections ont lieu au mois de juin.

- Un membre. - Et vous avez encore les vacances de Pâques.

MfFOµ. - Messieurs, je prie donc encore la Chambre de vouloir bien prendre en considérations les circonstances toutes particulières que nous avons rappelées et de décider que les sections seront invitées à examiner le budget de la guerre pour 1866, dès que l'assemblée aura repris le cours de ses travaux.

M. Van Overloopµ. - Il me semble que la Chambre ne peut se déjuger ainsi incidemment. Si, au retour des vacances, les inconvénients que viennent de signaler MM. les ministres de la guerre ad intérim et des finances existent encore, ils pourront renouveler leur proposition. Mais ne se peut-il pas que dans quelques jours le rapport de M. le ministre de la guerre soit complètement terminé ? (Interruption.) Il est très volumineux, dit-on, et il faudra du temps pour l'imprimer.....

Soit, je ne viens pas combattre la proposition qui nous est faite, mais je demande qu'on ne se prononce pas incidemment sur ce point ; différons au moins jusqu'après la rentrée des vacances. Nous avons insisté pour que la Chambre prît la résolution de ne pas examiner le budget de la guerre en sections avant le dépôt du rapport de M. le ministre de la guerre.

Ce rapport nous a été promis par l'honorable général Chazal, depuis plus d'une année ; le triste accident qui lui est arrivé, et que je suis le premier à regretter, l'a empêché de travailler pendant une couple de mois, trois mois peut-être, mais à coup sûr pas davantage. Cependant ce rapport ne nous a pas été fourni, et en présence de la non-production, qu'a décidé la Chambre ? Elle a décidé, sur la proposition de M. Vleminckx, de ne pas examiner le budget de la guerre en sections avant le dépôt de ce rapport.

Je veux bien admettre que les circonstances puissent amener la Chambre à revenir sur la résolution qu'elle a prise, mais je demande que la Chambre ne se prononce pas incidemment ; elle pourra se prononcer après les vacances si le gouvernement persévère dans la proposition qui vient de nous être faite par ses organes, MM. les ministres des finances et de la guerre.

M. de Brouckereµ. - Si c'est une satisfaction pour quelques-uns de mes collègues d'ajourner la décision à prendre sur la motion qui vient d'être faite jusqu'à la première séance après nos prochaines vacantes, je crois que la Chambre, ni le gouvernement lui-même n'y sauraient trouver aucun inconvénient. Il serait donc entendu qu'à la première séance après les vacances, la Chambre aura à se déeider sur la question de savoir si elle s'occupera immédiatement en sections du budget de la guerre de 1866.

MhadinterimVDPBµ. - Je constate, messieurs, que ce n'est pas moi qui ai soulevé ce débat, mais bien l'honorable M. Wasseige qui a pris la parole pour interpeller le ministre de la guerre ad intérim. Après avoir répondu à la question posée par l'honorable membre, j'ai demandé à la Chambre si, vu les circonstances, elle ne jugeait pas convenable de s'occuper de l'examen du budget de la guerre. Mais lorsque j'engageais la Chambre à prendre une résolution immédiate à cet égard, j'ignorais qu'au commencement de la séance l'assemblée avait décidé qu'elle s'ajournait jusqu'au 20 courant ; en faisant ma motion, je croyais que la Chambre pourrait se réunir mercredi ou jeudi et examiner le budget de la guerre en sections. Puisqu'on ne se réunira pas avant le 20 courant, je ne vois aucun inconvénient à ce que l'on ajourne la décision à prendre jusqu'au retour des vacances. Je ferai remarquer seulement que nous nous trouverons alors à peu près dans la même position qu'aujourd'hui.

Je ne saurais dire exactement si le rapport est terminé complètement. Mais ce que je sais, c'est qu'il est très volumineux. Il faudra plusieurs semaines pour l'imprimer. Si la Chambre veut que les règles tracées par la loi sur la comptabilité de l’Etat soient observées, il importe, ce me semble, que le budget de 1866 soit voté sans trop de retard afin que le budget de 1867 puisse être déposé.

M. Wasseigeµ. - Ajournons la discussion, pour qu'on ne puisse pas dire ainsi que j'ai été votre compère.

MpVµ. - On semble d'accord pour remettre à la première séance après les vacances la décision à prendre relativement à la discussion du budget de la guerre. Si personne ne fait d'opposition, il en sera ainsi.

- L'incident est clos.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1866

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ponts et chaussées. Bâtiments civils

Section III. Service des canaux et rivières, des bacs et bateaux de passage et des polders
Travaux d'amélioration des canaux et rivières. Bassin de l’Escaut
Article 25

MpVµ. - La parole est à M. Dumortier.

M. Dumortierµ. - Je n'aurai pas grand-chose à dire. Je ne veux pas rentrer dans ce débat. J'attendrai le moment où M. le ministre m'aura montré que l'initiative du déplacement de la station de Tournai appartient à son département.

Mais il est un point que je ne veux pas laisser passer, parce qu'il intéresse tout le monde : c'est cette prétention que, en matière de travaux publics, l'on ne doit consulter ni les conseils provinciaux ni les administrations communales, de crainte que les intérêts privés ne priment l’intérêt général. C'est là une maxime qui ne peut être admise dans un parlement. Comment ! les conseils provinciaux ne représentent plus les intérêts généraux de leur province ? Mais qu'est-ce qui représente les intérêts généraux si ce n'est les communes et les provinces ?

Messieurs, avec de telles prétentions, nous sortirions du gouvernement représentatif pour tomber dans le plus parfait absolutisme.

M. Vleminckxµ. - Je demande la parole.

MpVµ. - Sur quoi ?

M. Vleminckxµ. - Sur les observations qui viennent d'être présentées.

MpVµ. - Il a été entendu que par exception M. Dumortier pourrait présenter quelques observations sur l'article 25 qu'il n'avait pas entendu mettre aux voix, quoiqu'il eût été régulièrement voté.

M. Vleminckxµ. - M. Dumortier a fait appel aux députes de Bruxelles et en ma qualité de député de cet arrondissement, je tiens à lui répondre.

MpVµ. - L'article est voté. Cependant si vous insistez, je vous accorderai la parole.

M. Vleminckxµ. - J'insiste. Voici à peu près le raisonnement que vient de tenir l'honorable M. Dumortier. Il a dit aux députés de Bruxelles ; « Prenez asrde, si par aventure, on canalisait votre Senne comme (page 388) on va canaliser le haut Escaut, est-ce qu'il n'est pas très possible que vous conserveriez la source d'infection que vous avez maintenant ? »

Je réponds à l'honorable M. Dumortier qu'il est complètement dans l'erreur ; la position, par la canalisation, serait loin d'être ce qu'elle est aujourd'hui.

Quelle est aujourd'hui la cause de l'infection de la Senne ? C'est l'absence d'eau. Or, en canalisant la Senne, nous aurions de l'eau, et fût-elle impure, ce n'est pas cette impureté qui cause l'infection, c'est le lit de la rivière mis à nu par l'épuisement de l'eau.

Voilà la vérité.

Quant à moi, je suis convaincu, depuis longtemps, que, pour assainir la Senne, il suffirait de lui donner un plus grand volume d'eau. Il n'y aurait pas nécessité d'y faire d'autres travaux et l'on pourrait permettre d'y laisser couler les ordures qui s'y déversent actuellement.

Articles 26 à 32

« Art. 26. Canal de Mons à Condé ; charge extraordinaire : fr. 57,100. »

- Adopté.


« Art. 27. Canal de Pommerœul à Antoing ; charge extraordinaire : fr. 21,000. »

- Adopté.


« Art. 28. Lys ; charge extraordinaire : fr. 700. »

- Adopté.


« Art. 29. Canal de dérivation de la Lys, de Deynze vers la mer du Nord ; charge extraordinaire : fr. 800. »

- Adopté.


« Art. 30. Canal de Gand à Ostende ; charge extraordinaire : fr. 55,500. »

- Adopté.


« Art, 31. Canal d'écoulement des eaux du sud de Bruges ; charge extraordinaire : fr. 2,000. »

- Adopté.


« Art. 32. Canal de Plasschendaele par Nieuport et Fumes vers la frontière de France ; charge extraordinaire : fr. 20,550. »

- Adopté.

Article 33

« Art. 33. Canal de Gand à Terneuzen ; charge extraordinaire : fr. 2,000. »

M. de Kerchoveµ. - Je désire appeler l'attention du gouvernement sur l'état du canal de Gand à Terneuzen, état qui porte le plus grand préjudice à la prospérité du port de Gand. Pour y parvenir, je serai obligé d'entrer dans quelques détails techniques ; la Chambre voudra bien me le permettre surtout en considération de l'importance de la question que j'ai à traiter.

Le canal de Terneuzen fut établi sous le gouvernement des Pays-Bas ; il devait servir tout à la fois de canal de navigation et de canal de dérivation des eaux d'une partie des Flandres et de la Zélande.

Décrété en 1823, il fut achevé en 1827, et la ville de Gand eut dès lors ce que depuis des siècles elle ne cessait de réclamer, une communication directe avec la mer ; elle n'épargna aucun sacrifice pour se créer un bassin et des établissements de commerce en rapport avec l'importance qu'allait acquérir la navigation maritime.

Les événements de 1830 éclatèrent, et la Hollande, maîtresse des écluses de Terneuzen, empêcha toute communication de la Belgique vers la mer. Le port de Gand tomba dans une inaction complète, ce ne fut qu'après la conclusion du traité de paix avec les Pays-Bas qu'il reprit, d'abord peu, ensuite d'une manière tellement progressive que tout doit faire espérer que, si l'on améliore la navigation du canal, il deviendra en peu de temps d'une importance capitale.

Nous venons de dire que le canal de Terneuzen devait servir à la dérivation des eaux d'une partie de la Flandre ; remarquons que c'était déjà là, dans certain moment, un obstacle à la navigation ; mais même au point de vue d'un écoulement prompt et facile des eaux, le canal répondît mal au but qu'on s'était proposé, celui de débarrasser le bassin de Gand de la surabondance des eaux qui y étaient amenées par l'Escaut et la Lys.

Le canal de Gand à Terneuzen est divisé en trois biefs, le premier s'étend sur une longueur de 21,360 mètres de Gand au Sas-de-Gand (frontière hollandaise) ; le second, qui a une longueur de 12,756 mètres, s’étend du Sas-dc-Gand aux écluses de Terneuzen ; le troisième se compose de deux branches longues chacune de 600 mètres et allant des écluses de Terneuzen jusqu'à la mer.

Le premier bief reçoit les eaux venant directement du bassin de Gand et le second bief devait recevoir les eaux d'une partie de la Flandre orientale et de la Zélande, dont le sol était beaucoup plus bas que celui du bassin de Gand.

Quand les eaux intérieures de Gand sont à l'étiage d'été, il existe entre son bassin et le canal de Terneuzen, aux écluses dites du Tolhuis et du Muide à Gand, une chute de 0 m 74. A l'écluse du Sas-de-Gand, la différence de niveau est alors de 0 m 40 et celle à l'écluse de Terneuzen dépend de la marée ; il existe donc une différence de 1 m 14 entre le bassin de Gand et le second bief du canal de Terneuzen ; on comprend que lors des crues occasionnées, soit par la fonte des neiges, soit par de fortes pluies, les eaux amenées dans le premier bief ne pouvaient s'écouler par le second, sans inonder toute cette partie de la Flandre et de la Zélande dont les eaux devaient trouver un débouché dans le canal et si, pour empêcher ces inondations, on arrêtait, même momentanément, les eaux au Sas-de-Gand on provoquait en amont des inondations tout aussi désastreuses.

De cet état de choses naissaient des plaintes continuelles ; pour les faire cesser, il fallait isoler le canal des eaux de la Zélande ; aussi lors des négociations de paix ouvertes entre la Hollande et la Belgique, des instructions furent données en ce sens aux plénipotentiaires belges, et grâce à leur persistance on parvint à lever toutes les difficultés que rencontrait dans le principe ce projet d'isolement ; et il fut inséré dans le traité du 5 novembre 1842 ce qui suit :

« Art. 20. L'écoulement des eaux belges par le canal de Terneuzen aura lieu conformément aux dispositions à arrêter entre les commissaires nommés de part et d'autre pour régler l'écoulement des eaux des Flandres, sans que, de ce chef, la Belgique paye aucune redevance aux Pays-Bas.

« Ce règlement sera établi sur les bases suivantes, savoir :

« a. A l'expiration des deux années qui suivront la signature du présent traité, la partie du canal de Gand à Terneuzen comprise entre le Sas-de-Gand et l'Escaut occidental ne recevra plus d'autres eaux que celles amenées par la partie supérieure dudit canal et par le canal de la Langeleede.

« Il est toutefois stipulé que l'écoulement, par ce dernier canal, sera réglé de telle manière que les eaux ne s'élèvent pas à plus d'un mètre cinquante centimètres au-dessus du radier de l'écluse du Vieux-Bourg, du côté du polder Koningsvlidt ;

« b. Le gouvernement des Pays-Bas fera exécuter, par ses soins et à ses frais, les travaux nécessaires pour obtenir le résultat ci-dessus, et créer de nouveaux écoulements à toutes les eaux qui se jettent actuellement dans la partie inférieure du canal de Gand à Terneuzen et venant soit de la Belgique, soit des Pays-Bas, à l'exception de celles dont il a été parlé au paragraphe a ci-dessus.

« c. Pendant les deux années qu'exigera l'exécution des susdits travaux, les ouvrages d'art, établis sur le canal de Gand à Terneuzen, seront manœuvres dans l'intérêt des deux pays, et de la même manière que la chose avait lieu avant 1830. »

Quant à la navigation, l'article 26 du même traité stipule que : « Les navires venant de la mer pour se rendre en Belgique par le canal de Terneuzen, et vice versa, ne seront assujettis, pour le parcours de ce canal et la manœuvre des ponts et des écluses, au payement d'aucun droit, péage ou rétribution, quelles qu'en puissent être la dénomination et l'espèce, soif, au profit des Pays-Bas, soit au profit de la Belgique. »

Cette disposition explique l'anomalie signalée dernièrement à la Chambre par l'honorable M. Debaets, se plaignant de ce que les navires et bateaux dits d'intérieur étaient soumis, sur le canal de Terneuzen, à des péages que ne devaient pas acquitter les navires venant de la mer.

Les travaux indiqués au littéra b de l'article 20 du traité de 1842 furent bientôt exécutés ; ils consistèrent principalement en deux canaux latéraux au canal de Terneuzen, conduisant directement à la mer les eaux qui primitivement avaient leur débouché dans le second bief du canal de Gand à Terneuzen et celui-ci, ainsi isolé, devint, quoique établi pour plus d'un tiers de sa longueur sur un territoire étranger, un canal exclusivement belge.

On pût dès lors espérer être entièrement délivré des inondations ; il n'en fut, malheureusement, pas ainsi. Par suite des travaux exécutés à la Lys et de la canalisation en France de divers de ses affluents, les eaux de cette rivière s'écoulèrent plus rapidement que par le passé et cela à tel point que le canal de Terneuzen fut insuffisant pour les recevoir ; des inondations plus terribles que précédemment vinrent nous affliger périodiquement ; et l'on dut trouver de nouveaux remèdes à ce mal, on y parvint par l'établissement du canal de Schipdonck, destiné à détourner (page 389) les eaux de la Lys du territoire de Gand pour les conduire directement à la mer à Heyst. On obtint par là un double avantage ; le canal de Terneuzen, débarrassé des eaux de la Lys, ne devaient plus servir qu'accidentellement de canal de dérivation, et la navigation ne fut plus interrompue pendant les crues.

Envisagé au point de vue de la navigation maritime, nous devons reconnaître que le canal de Terneuzen n'a pas répondu au but qu'on s'était proposé dans le principe, celui de faire arriver à Gand les navires d'un fort tonnage. Il est à remarquer que le tonnage tend à s'augmenter de jour en jour ; ainsi il est établi que, pour le port de Gand, la moyenne du tonnage a, à peu près, doublé en 12 ans ; il en est de même partout ; or, les ouvrages d'art établis sur le canal de Terneuzen ne permettant pas le passage des navires d'un fort tirant d'eau, il en résulte un grand préjudice pour le port de Gand, et c'est sur ce point que j'appelle principalement l'attention de M. le ministre des travaux publics.

La jauge légale du canal de Terneuzen est de 4 m 40 ; or comme il arrive que le port de Gand est visité par des navires d'une capacité de 600 tonneaux et ayant, à pleine charge, un tirant d'eau de 18 pieds, soit 5 m 40, on est oblige de les alléger d'un mètre, je vous laisse juge, messieurs, des frais qui résultent de cet état de choses.

Cette cote réglementaire de 4 m 40 que, par la convention signée avec la Hollande le 20 mai 1843, le gouvernement belge s'est engagé à maintenir, n'est pas atteinte pendant la période de l'année où la navigation sur le canal de Terneuzen est la plus active, c'est-à-dire pendant les mois de juin à octobre. J'ai sous la main des documents qui prouvent que, pendant l'année 1864, la moyenne des cotes pour le canal de Terneuzen était pour les mois de (suit détail mensuel, non repris dans la présente version numérisée.)

Je n'ai pas les chiffres pour l'année 1865, mais je puis assurer qu'ils ne varieront guère.

Faut-il attribuer ce manque d'eau dans le canal à la sécheresse que nous avons eue depuis plusieurs années ? Nous ne le pensons pas, et nous n'hésitons pas à dire que ce manque d'eau provient de deux causes d'abord, de ce que le bassin de Gand ne reçoit plus, pendant l'été, les eaux qu'il est en droit de recevoir et ensuite de ce que la plage de Sluiskille absorbe inutilement une quantité d'eau considérable au détriment du canal de Terneuzen.

En permettant le rouissage dans les eaux de la Lys, on les a tellement corrompues qu'il a fallu, comme vient de le dire tout à l'heure M. le ministre des travaux publics, les détourner du bassin de Gand et de celui de Bruges en les faisant passer par le canal de Schipdonck, pour les conduire directement à la mer. Or, comme les canaux de Gand à Terneuzen et à Bruges étaient alimentés primitivement par l'Escaut et la Lys et que maintenant ils ne le sont plus que par l'Escaut seul, il en résulte que dans le bassin de Gand on ne peut atteindre la jauge légale.

Le rouissage dans la Lys se faisant en opposition aux lois et règlements et n'étant qu'une pure tolérance, il faut, si l'on ne veut sacrifier des intérêts considérables et des droits acquis, y interdire le rouissage pendant les mois de l'année où le manque d'eau se fait sentir ; ou restituera ainsi au bassin de Gand les eaux auxquelles il a droit.

Cette mesure ne suffira pas à elle seule pour ramener les eaux du canal de Terneuzen à sa jauge légale de 4 m 40, il faut de plus endiguer la plage de Sluiskille.

Cette plage est une partie de grande flaque connue sous le nom de chenal d'Axel, de Hulst ou du Sas-de-Gand et produite par la grande inondation de 1377 ; elle est située à la droite du canal de Terneuzen sur le territoire de la Hollande, à environ 6 kilomètres en aval du Sas-de Gand et a une étendue de 130 hectares ; elle est en communication directe avec le canal de Terneuzen, d'autre part elle est entourée d'une digue appelée le Suikerdijk.

Quand le canal de Terneuzen servait à l'écoulement des eaux des Flandres, la plage de Sluiskille était destinée à recevoir les eaux pendant la marée haute, c'est-à-dire pendant le temps qu'elles ne pouvaient s'écouler dans la mer.

Son maintien comme réservoir était alors d'une nécessité absolue, et ce fut pour ce motif qu'il en fut fait mention dans le traité de novembre 1842 ; mais comme si, dès cette époque, on avait prévu qu'un moment arriverait où cette plage serait non seulement inutile, mais même nuisible à la navigation et par là aux intérêts de la Belgique, on stipula dans le même traité, article 21, « que le gouvernement belge pourra faire endiguer, à ses frais, la plage de Sluiskille, conformément au projet à approuver, de commun accord, par les deux gouvernements. »

Nous croyons, messieurs, que le moment est venu pour le gouvernement de faire usage de cette clause ; il pourra le faire presque sans bourse délier, car, si je suis bien informé, et je crois l'être, les propriétaires du fonds de cette plage ne refuseront pas d'intervenir dans les frais de cet endiguement.

La plage de Sluiskille absorbe une quantité d'eau considérable en pure perte. En effet nous avons dit plus haut que son étendue est de 130 hectares ou de 1,300,000 mètres carrés ; or, comme elle communique directement avec le canal de Terneuzen, il en résulte que si l'on doit relever les eaux dans le canal seulement de 10 centimètres, la plage de Sluiskille absorbera à elle seule, et sans aucune utilité pour la navigation, un volume d'eau de 130,000 mètres cubes. Si maintenant par suite de travaux d'entretien ou d'amélioration il faut baisser le canal de 0 m 80 seulement et on reporte qu'après les eaux à la jauge légale, la plage absorbera à elle seule 1,200,000 mètres cubes d'eau ; comme les travaux se font pendant l'été quand les eaux font défaut, il faudra attendre pendant plusieurs mois pour ramener la ligne de flottaison du canal au niveau voulu. Après cet exposé, je ne doute nullement, messieurs, que vous ne partagiez comme moi l'avis qu'il y a lieu de procéder à l'endiguement de la plage de Sluiskille.

Mais il ne suffit pas de prendre seulement des mesures propres à maintenir en tous temps la jauge légale dans le canal de Terneuzen, il faut encore arriver à ce résultat qu'en toute saison les navires puissent arriver à Gand avec un tirant d'eau d'au moins 5 m 50. La recherche de ces moyens est une question d'art qui regarde les ingénieurs et sur laquelle je déclare mon incompétence. En terminant, je prierai M. le ministre d'examiner avec bienveillance les vœux émis dernièrement par le conseil communal de Gand en faveur de l'amélioration de son port ; je me permettrai aussi de lui signaler un remarquable travail sur cet objet fait par M. l'échevin de Maere, travail dans lequel j'ai pris un grand nombre des renseignements que je viens de faire connaître à la Chambre.

M. Debaetsµ. - Mon intention n'est pas de rentrer dans la discussion du régime général du canal de Terneuzen. J'ai présenté à cet égard mes observations dans la discussion générale. L'honorable bourgmestre de Gand vient de s'étendre longuement sur ces considérations et il a prouvé à suffisance de droit qu'elles méritent toute l'attention du gouvernement.

Il y a un point de détail que je désire, à propos de cet article, signaler à l'attention bienveillante de l'honorable ministre.

Tout le long du canal de Terneuzen, il y a des agglomérés d'une certaine importance, je citerai Meulestede, Langerbrugge, Terdonck, Rieme et Zelzaete. La navigation des bâtiments venant de la mer est entravée par les bateaux qui sont en chargement ou en déchargement le long des berges du canal, et ces bateaux eux-mêmes sont exposés à des dangers. C'est ainsi qu'au pont de Meulestede, il y a souvent une file de plusieurs bateaux chargés de charbon, de matériaux de construction, de grains et autres matières.

Ces bateaux, ayant un tirant d'eau assez considérable, doivent se tenir loin des talus, et plus loin encore pendant la nuit, parce que très souvent le niveau de l'eau change assez subitement, et ils s'exposeraient à chavirer, s'ils venaient à perdre l'eau sous leur quille.

Les navires de mer arrivent à toute heure, aussi bien pendant la nuit que pendant le jour. Il y a souvent des embarras, des conflits entre ces navires et les bateaux amarrés. Il me semble qu'il y aurait un moyen très simple de remédier à cet état de choses : ce serait de construire à proximité des endroits que je viens de signaler des quais de déchargement. De cette manière, en remplaçant les plans inclinés des talus par des pieds-droits, par des quais perpendiculaires, vous gagneriez une place assez considérable, et vous auriez une masse d'eau suffisante pour permettre aux navires en déchargement de se mettre à quai et de laisser toute la voie navigable disponible pour les navires de passage.

Cela ne coûterait pas beaucoup d'argent, parce qu'on ne devrait pas même construire de quais en maçonnerie ; il suffirait d'employer des pilotis et des palplanches, et faire ce qu'on nomme en flamand des bechooyngen. On pourrait donc, moyennant très peu de frais, exécuter une œuvre très utile.

Dans la passe de Zelzaete, l'extension du quai devient d'une nécessité absolue, parce que le mouvement commercial augmente tous les jours et souvent il y a là encombrement dans le canal.

(page 390) Il y aurait une autre mesure à prendre : ce serait l'éclairage des ponts par le gouvernement. S'il s'agissait simplement d'éclairer ces ponts pour le passage des piétons et des voitures, on pourrait me dire que cela incombe à la commune. Mais je voudrais que ces ponts fussent éclairés au profit de la navigation. Je le répète, le canal de Terneuzen sert à la navigation aussi bien pendant la nuit que pendant le jour.

Or, les manœuvres sont souvent très difficiles ; j'ai vu des trois-mâts remorqués par 6 et même par 10 chevaux ; à proximité des ponts, il faut faire passer les navires à bras d'hommes et au moyen de cordages qu'on attache aux pieux d'amarrage.

Vous comprenez, messieurs, les difficultés et les dangers qui doivent accompagner ces manœuvres au milieu d'une obscurité profonde.

Etablir un bon système d'éclairage aux abords des ponts serait donc chose très utile pour la navigation.

MtpVSµ. - Ce qui concerne la question de l'approfondissement du canal de Gand à Terneuzen, c'est là un objet de la plus haute importance, mais c'est une question tout à fait neuve. Je ne pense pas que les honorables préopinants veuillent avoir une réponse immédiate à cet égard ; ils ont sans doute simplement entendu recommander cette affaire à l'attention du gouvernement. Je leur promets d'étudier ce projet.

- Personne ne demandant plus la parole, l'article 33 est adopté.

Articles 34 à 38

« Art. 34. Canal de Selzaete à la mer du Nord ; charge extraordinaire : fr. 200. »

- Adopté.


« Art. 35. Moervaert ; charge extraordinaire : fr. 10,200. »

- Adopté.


« Art. 36. Dendre ; charge extraordinaire : fr. 20,000. »

- Adopté.


« Art. 37. Rupel ; charge extraordinaire : fr. 4,000. »

- Adopté.


« Art. 38. Dyle et Demer ; charge extraordinaire : fr. 7,100. »

- Adopté.

Plantations
Article 39

« Art. 39. Plantations nouvelles : fr. 15,000. »

- Adopté.

Bacs et bateaux de passage
Article 40

« Art. 40. Etablissement éventuel de nouveaux passages d'eau ; entretien et amélioration des bacs et bateaux de passage existants et de leurs dépendances : fr. 25,000. »

- Adopté.

Section IV. Ports et côtes
Travaux d’entretien ordinaire et extraordinaire
Article 41

« Art. 41. Travaux d'entretien ordinaire et extraordinaire et dépenses d'administration des ports, côtes, phares et fanaux : fr. 195,150.

« Charge extraordinaire : fr. 66,200. »

M. de Smedtµ. - Messieurs, dans la discussion générale de ce budget, j'ai appelé l'attention de l'honorable ministre des travaux publics sur le retard que subissent les travaux projetés au port de Nieuport.

Comme l'honorable ministre n'a pas répondu aux questions que je lui ai adressées à ce sujet, je dois croire que mes observations auront été noyées dans le déluge de réclamations de toute nature qui ont assailli l'honorable ministre.

Je suis donc obligé de renouveler ici les questions que je lui ai posées alors.

Je désire connaître pour quel motif les travaux commencés à l'estacade d'ouest du port sont interrompus depuis plusieurs mois ?

Les Chambres ont voté les crédits nécessaires pour l'exécution de ce travail. Les plans et devis ont été arrêtés, ce n'est donc pas là la cause du retard.

L'honorable ministre m'obligerait beaucoup en donnant une réponse qui satisfit complètement les intéressés.

Ensuite, messieurs, j'ai demandé à l'honorable ministre s'il avait ordonné à ses ingénieurs d'étudier, à un point de vue d'ensemble, les divers travaux projetés à Nieuport.

S’il en était ainsi, et si, d'après ce que l'on m'a dit, ce travail d'ensemble auquel on se livre était la cause du retard apporté à l'exécution complète de l'estacade d'ouest, je regretterais moins ce retard ; car ce travail ordonné aux ingénieurs du département des travaux publics prouverait une fois de plus que le gouvernement veut sérieusement améliorer ce port, trop longtemps abandonné.

Peut-être ces études s'achèveraient-elles plus vite si elles étaient confiées à un ingénieur spécial, qui serait détaché à Nieuport pendant quelque temps et s'occuperait alors exclusivement de ce travail.

L'ingénieur de Furnes qui est chargé de ce travail doit diriger en même temps les grands travaux exécutés à l'Yser, je crois que, malgré son intelligence et son activité, il doit lui être bien difficile de mener rapidement de front des travaux aussi importants.

J'appelle donc sur ces divers points l'attention bienveillante de l'honorable ministre et j'espère qu'il voudra bien me donner cette fois une réponse qui puisse satisfaire les intérêts de la ville de Nieuport, qui attend depuis si longtemps l'amélioration indispensable et urgente de son port.

MtpVSµ. - Messieurs, l'honorable M. de Smedt a indiqué lui-même la cause du retard que souffrent certains travaux à exécuter à Nieuport, spécialement l'achèvement de l'estacade ouest.

Il est, en effet, question de dresser un plan d'ensemble pour les travaux à faire à Nieuport ; et tant que ce plan n'est pas fait, il serait au moins imprudent de continuer les travaux de l'estacade ouest.

Je pense que mon explication satisfera l'honorable M. de Smedt, et je m'aperçois qu'il connaissait déjà les faits.

Quant à affecter un ingénieur spécial à l'étude du plan des travaux d'ensemble à faire au port de Nieuport, c'est chose impossible : le personnel du corps des ponts est chaussées n'est pas assez nombreux pour qu'on puisse charger des ingénieurs spéciaux de toutes les catégories de travaux que nous avons à étudier ou à exécuter.

D'ailleurs, l'activité de l'ingénieur auquel l'honorable M. de Smedt a fait allusion est assez grande pour qu'il puisse mener très bien de front l'étude des travaux à faire à Nieuport et la surveillance des travaux à exécuter sur l'Yser.

- Personne ne demandant plus la parole, l'article 41 est adopté.

Travaux d'amélioration des ports, côtes, phares et fanaux
Articles 42 à 45

« Art. 42. Port d'Ostende ; charge extraordinaire : fr. 8,200. »

- Adopté.


« Art. 43. Port de Nieuport ; charge extraordinaire : fr. 19,800. »

- Adopté.


« Art. 44. Côte de Blankenberghe ; charge extraordinaire : fr. 20,000. »

- Adopté.


« Art. 45. Phares et fanaux ; charge extraordinaire : fr. 9,000. »

- Adopté.

Section V. Frais d'études et d'adjudications
Article 46

« Art. 46. Études de projets, frais de levée de plans ; achats d'instruments, de cartes et de livres ; matériel, impressions, etc. ; frais d'adjudications : fr. 28,000. »

M. Dupontµ. - Dans la dernière session, mon honorable collègue et ami, M. Braconier, lors de l'examen du projet d'emprunt de soixante millions, a attiré l'attention de M. le ministre des travaux publics sur l'urgente nécessité de l'établissement d'un pont à Visé.

Il a, à cette époque, fait connaître les motifs puissants qui militent en faveur de ce projet.

M. le ministre, en lui répondant, a bien voulu exprimer ses sympathies pour la construction de cet ouvrage.

Peu de travaux en effet sont plus nécessaires que celui que je viens encore recommander à la bienveillance de M. le ministre. Cette nécessité a été reconnue par toutes les autorités consultées, et par le gouvernement lui-même.

En effet, plusieurs routes de l'Etat et un grand nombre de chaussées vicinales aboutissent à Visé : aucun moyen de communication n'existe avec l'autre rive dans la direction de Tongres.

Entre Liège et Maestricht, sur une distance de 30 kilomètres, on ne peut traverser le fleuve avec des voitures et des charrettes.

Aujourd'hui les fonds nécessaires pour l'exécution de ce travail sont réunis d'une manière presque complète : la province intervient pour 40,000 francs ; la ville de Visé pour une somme égale. Il reste à trouver une somme peu considérable : le gouvernement a demandé à la société du chemin de fer de Liège à Maestricht de contribuer à la dépense dans (page 391) une certaine proportion. Cette société est effectivement très intéressée dans la construction du pont, qui lui donnera de nouveaux affluents.

J'espère donc que le gouvernement insistera vivement auprès de la compagnie pour le décider à intervenir pour une part équitable dans les frais de ce grand ouvrage.

S'il était établi que la compagnie ne peut combler le déficit entièrement, j'engage M. le ministre à consentir une augmentation correspondante du subside de l'Etat afin qu'on puisse commencer le plus tôt possible.

L'affaire est maintenant en bonne voie. Le gouvernement ne refusera pus, j'en ai la conviction, de venir en aide à une entreprise qui doit produire, au point de vue de la prospérité générale, les plus heureux résultats.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, j'ai à poser sur l'article qui est en discussion, étude des projets, une question à M. le ministre des travaux publics.

Mais d'abord je dois répondre quelques mots aux dernières remarques que l'honorable ministre a faites relativement aux études concernant le projet de chemin de fer de Bruxelles à Charleroi. Si je ne le faisais pas on pourrait croire que je passe condamnation, que j'accepte comme définitives les assertions de M. le ministre et je ne voudrais pas que mon silence pût être interprété dans ce sens.

L'honorable ministre des travaux publics vous disait que la question du passage du chemin de fer de Bruxelles à Charleroi par Nivelles était une question très difficile, qu'en définitive la ville de Nivelles gagnerait 18 kilomètres par le tracé proposé par les ingénieurs de l'Etat, et qu'avec la prétention d'avoir le chemin de fer à proximité de ses murs, elle ferait perdre aux relations entre Bruxelles et Charleroi deux kilomètres de parcours.

Messieurs, la question n'est pas tout à fait là.

Il s'agit de savoir si un chemin de fer qui doit relier la capitale au bassin houiller de Charleroi peut passer à côté d'un chef-lieu d'arrondissement et le laisser à trois kilomètres de distance, c'est-à-dire éloigner de chef-lieu de trois kilomètres de Bruxelles d'un côté et de Charleroi de l'autre, tandis qu'il est tout simple et tout naturel de faire passer le chemin de fer par la ville.

Mais, messieurs, ce n'est pas là l'unique argument que nous ayons à invoquer en faveur de la ville de Nivelles.

Il y en a un autre que je vais soumettre à M. le ministre des travaux public' et qui, j'espère, pèsera de tout son poids dans la balance.

Depuis 1830 on a dépensé en Belgique environ 500 millions de francs en travaux publics ; je ne compte pas les travaux de fortification et de défense. Je ne parle que des travaux purement d'utilité publique.

Dans cet énorme capital, l'arrondissement de Nivelles a contribué en proportion de sa population, pour 15 millions et demi ; mais si l'on tient compte du chiffre réel des impôts qu'il paye, il a fourni pour sa part plus de 20 millions.

Or, depuis 1830, pas un rouge liard n'a été dépensé par l'Etat en travaux publics dans l'arrondissement de Nivelles.

Et maintenant que l'occasion se présente d'y faire un travail qui intéresse le chef-lieu et plusieurs communes importantes, n'avons-nous pas le droit de demander qu'au moins on nous traite comme tout le monde Existe-t-il un chef-lieu d'arrondissement qui ait été laissé à trois kilomètres d'un chemin de fer ?

Je signale ces deux considérations à M. le ministre des travaux publics et j'espère qu'il en tiendra bonne note avant de prendre une décision définitive.

La question que j'ai à poser à M. le ministre des travaux publics est relative aux études et aux plans concernant l'assainissement de la Senne.

Je suppose que l'on est occupé à faire des plans et des devis pour cette importante entreprise. Je dis : je suppose, parce que, dans l'état où se présente la question pour le public, il paraîtrait qu'il n'y a aucun plan, que l'on ne sait pas encore tout à fait ce que l'on veut faire.

Or, messieurs, vous le savez, je n'ai pas besoin d'entrer pour cela dans des développements et de vous faire perdre votre temps en explications à ce sujet, il s'agit ici d'une question de la plus haute importance non seulement pour la ville de Bruxelles, mais pour une grande partie de la province et du pays. Or, messieurs, sans plans bien combinés et arrêtés il est impossible que l'on arrive à une solution quelconque.

Il est impossible, si l'on n'arrête pas d'avance par une étude mûrement réfléchie, toutes les bases du projet, que l'on arrive à quelque chose de sérieux, sinon à engager le pays, la ville de Bruxelles et la province dans des dépenses dont nous ne verrons pas la fin, et qui finiraient par compromettre sérieusement les finances de la ville et de la province.

Messieurs, pour faire ce projet il faut d'abord savoir ce que l'on veut et il faut arrêter certains principes généraux sur lesquels les plans matériels seront établis ensuite.

Le conseil provincial du Brabant dont j'ai eu l'honneur de faire partie il y a quelques années, comme représentant de la ville de Bruxelles, comprenant ainsi cette nécessité, avait désigné, avec la ville de Bruxelles et le gouvernement, une commission dite des trois pouvoirs pour arrêter ces bases. J'avais l'honneur d'en faire partie.

Cette commission, après avoir travaillé pendant trois ans, est parvenue à arrêter les principes d'après lesquels les plans devraient être faits. Mais il paraît que son rapport et ses conclusions sont aujourd'hui oubliés et que l'on n'en tient nul compte dans les études que l'on poursuit.

Or, messieurs, quelles étaient les bases arrêtées par la commission dite des trois pouvoirs ? Je vais les rappeler afin que vous puissiez juger par vous-mêmes si les principes reconnus et admis par elle peuvent être oubliés ou même négligés.

Le premier principe reconnu après une longue discussion par la commission, est celui-ci : conservation de la pureté naturelle des eaux par la défense et les moyens pratiques d'y laisser couler les matières susceptibles de corruption.

Il y avait, messieurs, dans la commission, deux partis soutenant deux principes diamétralement opposée.

L'un prétendait que les rivières doivent être le réceptacle naturel de toutes les déjections de l'industrie et des populations, et qu'elles sont par conséquent, par destination, les égouts naturels des villes, des usines et des populations.

L'autre soutenait, au contraire, que les rivières sont des agents de salubrité donnés par la nature, et qu'il est impossible de les laisser corrompre sans exposer les populations et le pays à des ravages considérables.

En effet, messieurs, que voyons-nous se passer en ce moment en Angleterre ?

La peste bovine se déclare principalement dans les vallées et le long des cours d'eau qui ont été les plus corrompus par les déjections des villes, par l'industrie et par les populations.

Tandis que là où les eaux sont restées pures, comme dans une grande partie de l'Ecosse, les Cornouailles et ailleurs, la perte bovine n'a presque pas causé de ravages et ne s'est pas plus étendue qu'en Belgique.

En Hollande, c'est dans les localités où les eaux stagnantes sont le plus corrompues, que la peste bovine a surtout sévi.

En Belgique, c'est également dans les localités où les eaux sont stagnantes et où elles ont été plus ou moins corrompues, que nous avons eu quelques cas de peste bovine.

Ici nous n'avons qu'un commencement de corruption des rivières. Mais en Angleterre, elle est arrivée à un degré tel, que le parlement, en ce moment, est saisi d'une loi pour empêcher de jeter dans les ruisseaux et les rivières toute espèce de déjections, afin de mettre ainsi le pays à l’abri des dangers que cause la corruption des eaux.

Le principe de la conservation de la pureté des eaux de la Senne en empêchant l'écoulement des déjections dans la rivière, ne l'a cependant emporté dans la commission des trois pouvoirs, qu'après une très longue et très vive discussion, qui paraissait même devoir s'éterniser, tant les opposants y mettaient d'obstination.

Il a fallu trancher la question par un vote, et un principe qui paraît incontestable n'a été admis qu'a une voix de majorité et deux abstentions. Voilà donc une base sur laquelle un plan peut-être-dressé et des projets étudiés. Ou bien les rivières sont le réceptacle naturel des déjections des villes, ou bien ces déjections doivent en être éloignées.

Les plans seront donc très différents selon qu'on adoptera l'un ou l'autre de ces principes.

Le deuxième principe admis par la commission, c'est que la rivière doit être conservée à la ville de Bruxelles et qu'elle ne peut pas être voûtée. La Senne, messieurs, n'est pas une rivière qu'on peut voûter ou détourner impunément. La Senne, vous l'avez vu par le rapport des ingénieurs, roule à certaines époques un volume d'eau tellement considérable qu'aucun obstacle au monde ne pourrait l'arrêter. Si vous voulez en rétrécir le lit ou le couvrir d'une voûte, tous vos travaux seront, lors des grandes crues, démolis et entraînés. Il y aurait donc un énorme danger à adopter le principe, qui paraît être admis par quelques-uns, du voûtement et du rétrécissement ; il pourrait en résulter pour les riverains et pour la ville de Bruxelles des dommages considérables, La commission (page 392) administrative a pensé qu'il fallait, non pas voûter la Senne, mais l'élargir, la redresser et par conséquent conserver au milieu de la ville une rivière dont les déjections seraient désormais éloignées et qui dès lors roulerait des eaux pures qui seraient un moyen puissant de salubrité. Si la Senne n'existait pas, il faudrait la créer.

Le troisième principe que la commission a admis également après une longue discussion, et après avoir appelé dans son sein plusieurs ingénieurs et les avoir entendu exposer leurs systèmes, c'est la nécessité évidente de l'augmentation artificielle du volume d'eau de la Senne.

Pourquoi ?

Depuis 20 ans le volume d'eau de la Senne a diminué à l'étiage de moitié et il est très probable que, les mêmes causes persistant, dans 20 ans il n'y aura plus ou presque plus d'eau dans la Senne.

Il faut donc dès maintenant se préoccuper de cet état dz choses probable et aviser à remplacer artificiellement les eaux naturelles qui peuvent manquer à la rivière.

La question est extrêmement importante, car la population de l'agglomération bruxelloise est aujourd'hui de 300,000 habitants et, dans quelques années, elle sera beaucoup plus considérable.

Or toute l'alimentation de cette population dépendra bientôt exclusivement de travaux artificiels. Il suffirait d'un simple accident survenant à l'une des conduites pour que la population fût privée d'eau. On ne peut songer sans frémir à cette éventualité. Il faut donc conserver la Senne et maintenir ses eaux dans un état de pureté suffisant pour qu'elles pussent, dans ce cas extrême, servir à alimenter momentanément la population.

Ces considérations, messieurs, qui ont guidé la commission n'ont pas été détruites par de meilleures raisons, et je pense qu'elles ne sauraient l’être, elle a donc eu parfaitement raison d'adopter les trois bases que je viens d'indiquer pour les plans à dresser.

Le quatrième principe également admis par la commission, non sans discussion, est celui-ci, que les déjections des villes contenant des principes fertilisants très nombreux et de grande valeur doivent être conservés à l'agriculture.

Messieurs, c'est là encore une question d'une très haute importance et qui donne aux travaux d'assainissement des grandes villes leur caractère d'utilité générale, c'est-à-dire que ces travaux intéressent l'agriculture aussi bien que la population urbaine. En effet, messieurs, une population de 300,000 âmes donne des résidus de toute nature, très nombreux et contenant des principes fertilisants très précieux et ce serait un gaspillage injustifiable que de les laisser se perdre par négligence ou insouciance. Une population de 300,000 âmes, d'après les expériences faites depuis 60 ans, dans plusieurs grandes villes d'Angleterre et ailleurs, donne un produit qui peut s'évaluer à 10 ou 12 fr. par personne, c'est-à dire à plus de trois millions pour l'agglomération bruxelloise. Et ce calcul ne s'applique qu'à la valeur des matières prises sur les lieux de production, c'est-à-dire que lorsqu'elles sont employées par l'agriculture leurs produits ont une valeur encore beaucoup plus considérable.

Il ne faut pas perdre de vue, messieurs, que les engrais qui ne sont pas mis en terre deviennent par leur fermentation une cause incessante de maladies pour les hommes et les animaux, tandis que, lorsqu'ils sont enfouis dans le sol, les engrais se purifient par la végétation et deviennent au contraire une cause de richesse et de prospérité.

Un chimiste des plus distingués, le savant baron Liebig, a fait l’année dernière plusieurs rapports sur la question des engrais qui se perdent par les égouts de la ville de Londres, et dans ces rapports, dont je ne veux pas même donner une simple analyse parce que cela m'entraînerait beaucoup trop loin, il insiste tout particulièrement sur l'intérêt qu'il y a, pour la fertilisation des terres dans les contrées populeuses, à conserver les déjections des villes dont la perte, si elle continuait longtemps, exposerait le pays, dans un délai plus ou moins long, à voir son sol s'épuiser et devenir un véritable désert.

Il part de ce principe, désormais admis par la science, qu'il faut rendre à la terre tout ce qu'on lui prend si on ne veut à la longue la rendre stérile.

Messieurs, je vous demande pardon de m'être étendu un peu longuement sur cette importante question. J'ai cru qu'il était utile de la poser à l'honorable chef du département des travaux publics parce que les travaux à faire pour l'assainissement de la Senne sont, je le pense, maintenant, sérieusement à l'étude et que, si l’on se trompait sur les principes d'après lesquels ces plans doivent être étudiés, on s'exposerait à dépenser deux ou trois fois autant que l’on dépenserait avec des plans bien conçus et bien étudiés.

Les plans, messieurs, sont une question de science et d'art. Une fois le principe adopté, il s'agit de lever exactement le terrain, d'en étudier tous les détails et les difficultés, de rattacher tous ces détails à l'ensemble et de tracer sur le papier la solution de toutes les questions qui peuvent se présenter et qu'il est possible dès lors de prévoir.

L'ensemble de tout cela forme ce qu'on appelle le plan général, qui, une fois combiné et adopté, ne doit plus varier.

Ce n'est donc qu'en arrêtant d'abord les questions de principe qu'on peut utilement faire les plans matériels, et une fois ces plans adoptés on peut aller franchement devant soi ; on peut commencer les travaux par un bout ou par l'autre ou par tous les côtés à la fois et être certain de ne plus se tromper. Tandis que si l'on croit pouvoir marcher sans plan, on est sans guide et l’on est certain de se tromper dès les premiers pas.

J'invite donc l'honorable M. le ministre des travaux publics de ne s'engager dans aucune négociation définitive, sans avoir pour base des plans complets établis d'après les principes que je viens d'exposer, qui sont d'accord avec les faits et l'expérience depuis longtemps acquises dans d'autres pays.

MtpVSµ. - Messieurs, je pense que la Chambre jugera comme moi qu'il serait prématuré d'approfondir les deux questions dont vient de nous entretenir l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu.

En ce qui concerne le chemin de fer direct de Bruxelles à Charleroi, j'ai dit l'autre jour à la Chambre que la décision ne pouvait être prise dans ce moment. Par conséquent je crois qu'il n'y a pas lieu soit de discuter la décision que le gouvernement aurait prise, soit de prévoir que cette décision serait contraire au vœu que formule l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu.

En ce qui concerne l'assainissement de la Senne, si, comme je le pense, nous avons une demande de crédit à présenter à la Chambre, ce sera à la suite d'un projet bien déterminé, bien arrêté dans toutes ses parties.

Pour ce qui est de la question soulevée par l'honorable M. Dupont, celle relative au pont de Visé, elle ne saurait tarder de recevoir une solution et dans le sens du vœu émis par l'honorable membre. Il ne s'agit que de parfaire le subside que la société concessionnaire demande pour cette construction, et dont la majeure partie lui est déjà assurée.

- L'article 46 est adopté.

Section VI. Personnel des ponts et chaussées
Article 47

« Art. 47. Traitements des ingénieurs et conducteurs des ponts et chaussées ; frais de bureau et de déplacement : fr. 676,970.

« Charge extraordinaire : fr. 10,000. »

M. Van Overloopµ. - Messieurs, j'ai à faire une simple observation à M. le ministre des travaux publics, à propos du personnel des ponts et chaussées.

Les conducteurs des ponts et chaussées sont assujettis à de nombreuses écritures et à de grands déplacements, et cependant ces utiles fonctionnaires reçoivent pour tous frais de bureau et de déplacement la modique somme de 150 à 200 francs. Quelquefois par hasard on leur accorde un supplément qui porte cette-indemnité à 300 francs.

Les conducteurs des ponts et chaussées ont certes plus de 100 francs à dépenser pour frais de bureau. Il leur reste donc tout au plus 200 fr. pour frais de déplacement.

En supposant qu'ils ne fassent que deux voyages par semaine - c'est la moyenne - cela fait plus de 100 voyages par an. Ils ne touchent donc pour frais de déplacement que 2 fr. par voyage.

Cela n'est évidemment pas admissible. On ne peut contraindre ces utiles fonctionnaires à faire des dépenses sur leur bourse dans l'intérêt de l'Etat.

Une somme de 2 francs ne suffit pas pour faire une course en chemin de fer, et cependant, dans plusieurs parties du pays, les conducteurs des ponts et chaussées sont obligés de louer, pour leurs déplacements, des voitures particulières.

En ne comptant que 10 fr. par voyage, au bout de 20 voyages les 200 fr. sont absorbés.

Cela, messieurs, me paraît véritablement contraire aux sains principes d'une bonne administration et de la plus simple équité. J'espère que M. le ministre s'empressera de faire cesser cet état de choses.

J'ai été heureux, messieurs, d'entendre par la réponse qu'a faite l’honorable ministre des travaux publics à l'honorable M. Bricoult, dans la séance du 7 février, qu'il partage en droit l'opinion que j'avais émise, le (page 393) 3 février, sur la propriété des cours d'eau navigables et flottables. En effet, l'honorable ministre s'est exprimé en ces termes :

« La Dendre s'est toujours partagée en deux grandes sections, l'une navigable et flottable et par conséquent administrée par le département des travaux publics et entretenue aux frais de l'Etat, l'autre qui a toujours été non navigable ni flottable. »

L'honorable ministre a donc reconnu que les cours d'eau navigables et flottables sont à charge de l'Etat. C'est ce que je tenais a constater.

- L'article 47 est adopté.

Articles 48 et 49

« Art. 48. Traitements et indemnités des chefs de bureau et commis, des éclusiers, pontonniers, sergents d'eau, gardes-canal et autres agents subalternes des ponts et chaussées : fr. 655,093.

« Charge extraordinaire : fr. 13,000. »

- Adopté.


« Art. 49. Frais des jurys d'examen et des conseils de perfectionnement ; missions des élèves-ingénieurs et conducteurs de l'école spéciale du génie civil : fr. 12,000. »

- Adopté.

Chapitre III. Mines

Section I. Personnel du conseil
Articles 50 à 52

« Art. 50. Personnel du conseil des mines ; traitements. 42,610. »

- Adopté.


« Art. 51. Personnel du conseil des mines ; frais de route : fr. 600. »

- Adopté.


« Art. 52. Personnel du conseil des mines ; matériel : fr. 2,000. »

- Adopté.

Section II. Personnel du corps
Articles 53 à 55

« Art. 53. Traitements et indemnités du personnel du corps des mines et salaires des expéditionnaires employés par les ingénieurs : fr. 201,120. »

- Adopté.


« Art. 54. Frais des jurys d'examen, des conseils de perfectionnement et missions des élèves ingénieurs de l'école spéciale des mines : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Art. 55. Confection de la carte générale des mines ; charge extraordinaire : fr. 15,000. »

- Adopté.

Section III. Caisses de prévoyance
Article 56

« Art. 56. Subsides aux caisses de prévoyance et récompenses aux personnes qui se distinguent par des actes de dévouement : fr. 45,000. »

- Adopté.

Section IV. Impressions, etc.
Article 57

« Art. 57. Impressions, achats de livres, de cartes et d'instruments, publications de documents statistiques, encouragements et subventions, essais et expériences : fr. 7,000. »

M. Julliotµ. - Messieurs, avant-hier, dans une réponse faite par M. le ministre des travaux publics à M. le comte de Theux, l'honorable ministre a dit : qu'il avait des tendances spéciales à accorder des chemins de fer en Campine pour traverser les bruyères et qu'il n'en avait jamais refusé un seul.

J'ai interrompu, en réclamant ces bonnes dispositions pour toute ma province, mais mon interruption n'est pas parvenue jusqu'à M. le ministre.

Messieurs je ne viens pas combattre des chemins de fer en Campine, destinés à créer, par la suite des siècles, des populations qui pourront s’en servir ; mais j'élève la voix pour les parties peuplées de ma province, qui, elles aussi, méritent l'attention du pouvoir.

Messieurs, il y a différentes demandes de concession qui intéressent les provinces du Brabant, de Liège et de Limbourg.

La plupart de ces projets partent de Bruxelles vers Aix-la-Chapelle, les uns par Maestricht, les autres par Visé.

Le gouvernement les refuse toutes, sous prétexte que ces lignes feraient concurrence à celles de l'Etat.

Messieurs, avant d'accorder les lignes directes de Bruxelles à Gand et d'Anvers à Hasselt, le gouvernement a fait la même opposition, et cependant aujourd'hui ces lignes ne nuisent pas à l'Etat, puisque sa recette augmente journellement, et cela se conçoit ; si ces trains se font concurrence, ils provoquent aussi la concurrence des voyageurs et on voyage davantage.

D'ailleurs on sait que les transports internationaux ne donnent qu'une minime fraction de la recette.

Messieurs, il faut bien le reconnaître, cette crainte de la concurrence est le côté défavorable de l'exploitation des lignes ferrées par l'Etat.

Car, si cette concurrence est une borne à tout progrès, de nombreuses populations resteront à l'état d'ilotes, puisque l'Etat a des lignes dans toutes les directions.

Dans le pays où l'on a inventé les chemins de fer, on ne connaît pas cette peur de la concurrence, on donne des concessions à tous ceux qui en demandent à leurs risques et périls.

Cette ligne de Bruxelles à Aix-la-Chapelle par Tervueren, Leau, la ville de Looz et Visé, desservira des localités vierges qui ne sont pas exploitées, et il serait bien injuste de priver toutes ces contrées, sous prétexte de concurrence à l'Etat. Déjà ces populations disent que si elles sont condamnées à l'isolement parce que l'Etat exploite, c'est que l'Etat fait un métier qui n'est pas le sien.

Cette crainte de la concurrence est un vieux débris des monopoles, des privilèges, des maîtrises et des jurandes ; celles-là aussi ne voulaient pas de la concurrence.

L'honorable ministre n'est pas un esprit attardé, il est de son siècle et, comme moi, il est disposé à secouer cette poussière d'un autre âge, quand les conservateurs de toutes les couleurs ne lui feront plus obstacle.

Le gouvernement tend un bras secourable assez long à Virton et à Maeseyck, et je l'approuve. Maeseyck a trop souffert pour ne pas s'en souvenir. Mais aussi la contrée entre Bruxelles et Leau, la ville de Looz, et le pays de Visé, Roclenge, Bassenge, Wonck et Eben-Emael à la Meuse, la partie la plus riche du Limbourg, et qu'il a sous la main, ne doivent pas être négligés, car c'est d'un intérêt public, comme l'honorable ministre vient de le définir.

On ne demande aucun concours au gouvernement, on se contente d'une ligne d\Aix-la-Chapelle à Tirlemont avec préférence pour continuer sur Bruxelles, quand le gouvernement se décidera à se séparer des préjugés populaires, séparation qui, comme dans le cas présent, honorerait le caractère d'un ministre.

Il me semble donc qu'il n'y a pas de raison plausible pour se croiser les bras et ne rien faire.

J'espère que nous verrons se réaliser quelque combinaison dans ce sens à la première occasion.

Maintenant un mol sur les affluents des chemins de fer.

Messieurs, à propos d'affluents au chemin de fer, j'ai à recommander un point à l'honorable ministre des travaux publics.

La correspondance entre Tongres et Saint-Trond était desservie par le sieur Pinnoy, de Saint-Trond ; il a supprimé une des deux voitures qui faisaient ce service, il en reste une qui part de Tongres à 3 1/2 heures du soir, correspond avec le dernier départ de Saint-Trond pour Bruxelles, et revient le lendemain après l'arrivée du premier convoi de Bruxelles. A la suite de réclamations et recommandations, le gouvernement va établir une voiture affluente qui partira de Tongres à 5 heures du matin et doit revenir, pour être utile, après l'arrivée du second convoi de Bruxelles.

Mais j'ai appris qu'on se proposait de faire concurrence à la voiture qui reste, et que cet affluent veut revenir à Tongres en même temps que la voiture Pinnoy ; eh bien, messieurs, ce serait supprimer la voiture Pinnoy, et l'Etat pourrait placer une seconde voiture.

La voiture affluente n'a qu'une chose utile à faire, c'est de remplacer le service éteint, à savoir : le départ de Tongres à 5 heures du malin et le retour après l'arrivée à Saint-Trond, du second convoi de Bruxelles ; toute autre combinaison est mauvaise et nuisible aux intérêts qu'on veut sauvegarder ; j'espère que l'honorable ministre sera de mon avis et qu'il cherchera à rendre le plus de service en ne dépensant rien de plus. J'ai déjà recommandé cette affaire à l'administration centrale et je suis convaincu qu'on fera pour le mieux.

Projet de loi portant des crédits supplémentaires au budget du ministère des finances

Rapport de la section centrale

M. Orbanµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale (page 394) qui a examiné des crédits supplémentaires au budget du département des finances.

- Impression et distribution.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1866

Discussion du tableau des crédits

Chapitre III. Mines

Chapitre III. Mines

Section IV. Impressions, etc.
Article 57

M. Beeckmanµ. - Messieurs, je ne viens pas demander des explications à M. le ministre des travaux publics. Je viens simplement lui recommander de vouloir continuer les négociations pour le rachat du chemin de fer du Grand-Central.

Aujourd'hui il y a une telle anomalie pour les frais de transport sur les différentes lignes, qu'il est indispensable que l'Etat s'en occupe.

Ainsi, par exemple, pour les transports entre Louvain et Anvers la société du Grand-Central transporte les matières pondéreuses à des prix inférieurs à ceux de l'Etat. Il en est de même pour la ligne de Louvain vers l'Allemagne.

Là, le Grand Central enlève à peu près tout le trafic à l'Etat ; mais, du moment qu'il s'aperçoit qu'il a le monopole des transports c'est tout différent.

C'est ainsi que pour les marchandises pondéreuses partant de Diest pour Charleroi, je citerai les minerais de fer qu'on extrait en abondance, il en coûte pour le transport de Diest à Charleroi fr. 4,70 par tonne, tandis que si l'on, appliquait le tarif de l’Etat, il n'en coûterait pas 3 fr.

Il faut avouer qu'il y a là quelque chose de très injuste et c'est le motif pour lequel j'engage le gouvernement à continuer les négociations pour arriver au résultat que j'indique, c'est-à-dire le rachat par l'Etat du Grand-Central.

- L'article 57 est adopté.

Chapitre IV. Chemin des fer. Postes. Télégraphes

Première section. Voies et travaux
Articles 58 à 61

« Art. 58. Traitements et indemnités des fonctionnaires et employés : fr. 376,640. »

- Adopté.


« Art. 59. Salaires des agents payés à la journée ou par mois : fr. 2,736,000. »

- Adopté.


« Art. 60. Billes, rails et accessoires, matériel fixe tenant à la voie : fr. 1,475,000.

« Charge extraordinaire : fr. 400,000. »

- Adopté.


« Art. 61. Travaux d'entretien et d'amélioration, outils et ustensiles, objets divers : fr. 814,700. »

- Adopté.

Section II. Traction et matériel
Article 62

« Art. 62. Traitements et indemnités des fonctionnaires et employés : fr. 320,280. »

M. Eliasµ. - La Chambre et M. le ministre me pardonneront, je l'espère, d'appeler un moment leur attention sur un fait qui, par lui-même et par la localité qu'il intéresse n'a pas une-grande importance.

Mais il peut se présenter également ailleurs et du reste toutes les communes du pays ont droit à une égale sollicitude.

Je veux, après M. de Borchgrave, vous dire quelques mots de la station de Fexhe.

Comme lui, je ne vous demanderai pas un bureau télégraphique, mais seulement un arrêt, quelque bref qu'il soit, d'un ou deux convois passant par cette station.

Et, en effet, celle-ci est actuellement très mal desservie.

De tous les convois qui de Liège se dirigent vers Bruxelles, un seul dans la matinée s'arrête à Fexhe. C'est celui qui part à 7 h. 30 du matin. Il faut attendre jusqu'à 1 h. 35 pour avoir un second convoi.

Il en résulte que l'habitant de Liège doit toujours partir à une heure trop matinale quand il veut se rendre dans la Hesbaye et que celui du centre qui doit se rendre à Waremmc doit toujours partir deux heures avant celui de Liège.

Dans presque toutes les stations, tant dans celles de l'Etat que dans celles des compagnies, il y a dans la matinée deux départs et deux arrivées. Inutile de citer des exemples, M. le ministre les connaît mieux que moi, et j'espère que bientôt il en sera de même à Fexhe.

Il y a quelque temps, on nous avait laissé espérer que l'on organiserait un train de banlieue entre Liège et Waremme. Le manque de matériel aura probablement empêché jusqu'ici la réalisation de ce projet. Espérons que bientôt, cette cause venant à cesser, nous aurons un service plus complet.

Si l'on organise de ce côté également des trains de banlieue, je prierai M. le ministre d'examiner s'il n'y aurait pas lieu d'établir une halte à Bierset.

Cette commune est exactement à une distance égale des stations d'Ans et Fexhe.

Entre ces deux points il y a un parcours en chemin de fer, c'est-à-dire, par une ligne droite, de plus de huit kilomètres.

Cette commune est reliée aux communes voisines par de bons chemins vicinaux.

Cette halte desservirait ainsi une population laborieuse, partie agricole, partie industrielle, de plus de trois mille âmes.

Le chemin de fer, par les deux mesures que je recommande, serait ainsi mieux mis à portée des populations, rendrait plus de service et bientôt verrait ses revenus augmenter.

Mais il y a plus. C'est que par ce moyen, l'établissement d'un bureau télégraphique, que demandait M.de Borchgrp.ve, deviendrait certainement utile. Les convois se chargent des lettres recommandées, la remise à domicile en a lieu par exprès au même prix que les dépêches et ainsi les relations personnelles et les relations par lettres seraient également bien desservies par l'organisation, de ce côté, des trains de banlieue qui aujourd'hui existent presque partout dans les environs des grandes villes.

- L'article 62 est adopté.

Articles 63 à 66

« Art. 63. Salaires des agents payés à la journée ou par mois : fr. 3,457,000. »

- Adopté.


« Art. 64. Primes d'économie et de régularité : fr. 89,000. »

- Adopté.


« Art. 65. Combustible et autres objets de consommation pour la traction des convois : fr. 1,900,000. »

- Adopté.


« Art. 66. Entretien, réparation et renouvellement du matériel : fr. 3,196,000. »

- Adopté.

Section III. Transport
Articles 67 à 71

« Art. 67. Traitements et indemnités des fonctionnaires et employés : fr. 2,434,180. »

- Adopté.


« Art. 68. Salaires des agents payés à la journée ou par mois : fr. 1,924,620. »

- Adopté.


« Art. 69. Frais d'exploitation : fr. 958, 800. »

- Adopté.


« Art. 70. Camionnage : fr. 500,000. »

- Adopté.


« Art. 71. Pertes et avaries ; indemnités du chef d'accidents survenus sur le chemin de fer : fr. 60,000. »

- Adopté.


« Art. 72, Redevances aux compagnies : fr. 20,000. »

Section IV. Postes

M. Davidµ. - Depuis que nous avons commencé la discussion du budget des travaux publics, une pétition nous a été adressée par une commune de mon arrondissement ; elle présente assez d'intérêt pour que j'attire votre attention et celle de M. le ministre sur son contenu.

Avant l'ouverture du chemin de fer de Liège vers la frontière d'Allemagne en 1843, cette commune était desservie par des voitures publiques ; depuis cette époque, le service de voitures a été supprimé. L'année dernière, cette commune avait déjà adressé une pétition à. M. le ministre des travaux publics, afin d'obtenir l'établissement du service réclamé de nouveau aujourd'hui. Afin d'avoir plus de chances de réussir, elle a, en juillet 1865, demandé l'appui du conseil provincial de Liège auprès du ministre des travaux publics, et ce corps, à l'unanimité, a décidé que la réclamation sera recommandée au gouvernement. Rien n'ayant été fait jusqu'à présent, l'administration de la commune de Clermont, c'est de cette commune qu'il s'agit, se permet de vous, rappeler ces faits, en insistant sur l'urgence d'une décision favorable. Elle demande l'institution (page 395) d'un service direct de voilures entre Verviers et Aubel passant par Clermont et Thimister.

Je prierai l'henorable ministre des travaux publics de vouloir bien examiner cette demande avec bienveillance ; elle se recommande par des considérations pressantes.

Clermont est une commune agricole excessivement importante et Thimister est une localité industrielle d'une importance non moindre. Or, depuis 1843 elles sont privées en quelque sorte de tous moyens économiques de transport et de correspondance, et l'on doit avoir recours à des voitures particulières. Leurs relations pour les personnes et pour les choses en souffrent donc considérablement ; le transport des personnes et des marchandises dans ces localités revient donc, vous le comprendrez aisément, par suite des difficultés de communication, à des prix plus élevés qu'ailleurs.

Je prie M. le ministre de vouloir bien aviser au moyen de faire cesser ce fâcheux état de choses. Une partie de mon arrondissement en profitera et je suis certain que les intérêts du trésor n'auront qu'à y gagner.

M. Van Hoordeµ. - Messieurs, la nécessité de la création d'un bureau de postes à Fauvillers a déjà été signalée par moi à l'honorable ministre des travaux publics. Mais cette nécessité est telle, à mes yeux que je me ferais scrupule de laisser passer une discussion de son budget sans lui rappeler le vœu que le conseil provincial du Luxembourg a émis dans l'intérêt de ce chef-lieu de canton, qui, à cause de sa position géographique, est et restera probablement toujours privé de chemin de fer.

Comme je l'ai dit, l'année dernière, la situation actuelle est réellement intolérable. Quand on écrit du canton de Fauvillers à Bruxelles, par exemple, en ne reçoit la réponse qu'après une attente de quatre jours.

Que M. le ministre en soit convaincu, de toutes les demandes qui lui ont été adressées relativement à l'établissement du bureau de postes, aucune n'est plus légitime que celle-ci, ni mieux justifiée. Je le prie instamment de relire attentivement les développements qu'a présentée, à ce sujet, au conseil provincial, l'honorable conseiller de Fauvillers, M. Lenger,

Je crois devoir m'abstenir de les reproduire, puisque la Chambre est impatiente d'en finir. Si M. le ministre consent à se livrer à l'examen que je sollicite, la question ne peut pas tarder à avoir une solution favorable.

MpVµ. - La parole est à M. Rodenbach.

M. Rodenbachµ. - M. le président, j'entends dire que nous ne sommes plus en nombre ; je demande donc la remise à demain.

- Voix nombreuses. - A demain.

- La séance est levée à 4 3/4 heures.