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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 20 février 1866

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboomµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 405) M. de Florisone, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Thienpont, secrétaireµ, lit le procès-verbal de la séance du 10 février.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisoneµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Les sieurs Roscamp, Jacquet et autres membres de l'Association libérale et habitants de la ville de Braine-le-Comte demandent une loi qui accorde la qualité d'électeur communal et provincial à tout Belge majeur sachant lire et écrire, ou du moins qui ratifie la proposition de loi de M. Guillery, modifiée en ce sens que les citoyens diplômés ou exerçant des fonctions exigeant un certain degré d'instruction, ne soient pas soumis au cens de quinze francs. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner la proposition de loi portant une modification aux lois provinciale et communale.


« Des habitants de Bruxelles demandent un abaissement du cens électoral pour la province et pour la commune. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Vanden Herreweghe et Cumont, membres de la société d'agriculture de l'arrondissement d'Alost, demandent une loi qui interdise l'entrée de toute race de porc étrangère et proposent de décider qu'avant de mettre à la disposition de l'agriculture les engrais produits dans nos jardins zoologiques, on devra les soumettre a une opération capable de détruire toutes les espèces de germes d'entozoaires qu'ils peuvent receler. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres de l'administration communale de Lille-Saint-Hubert demandent que l'administration des ponts et chaussées fasse placer une lanterne au pont n°5 sur le canal de la Campine, première section. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Haeck, Warnez et autres négociants d'Alost demandent que les jets de houblon puissent être expédiés par tous les convois du chemin de fer. »

- Même renvoi.


« Les instituteurs du canton de Lens demandent la révision de quelques articles des statuts de la caisse de prévoyance du personnel enseignant des écoles primaires. »

- Même renvoi.


« Le sieur Lamboran demande qu'au lieu de créer des bureaux de poste ruraux on établisse des boîtes aux lettres dans les villages éloignés du chef-lieu de la commune. »

M. Lelièvreµ. - Je demande le renvoi de la requête à la commission des pétitions, qui sera invitée à faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Protin se plaint de n'avoir point obtenu, au jour convenu par le chef de la station du chemin de fer à Ferrières, un waggon pour le transport de ses marchandises et demande s'il ne serait pas en droit d'exiger de la Compagnie une indemnité pour cause de dépréciation, pour refus d'acceptation, des marchandises trop tardivement expédiées. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Sainte-Cécile réclame l’intervention de la Chambre pour faire rapporter l'arrêté royal qui autorise l'exploitation d'une coupe dans le bois dit la Récompense moyennant le précompte de quatre ans. »

- Même renvoi.


« Le sieur Debouge, facteur rural, demande une augmentation de traitement. »

- Même renvoi.


« Le sieur Van Haeken se plaint d'un emprisonnement prolongé et d'une amende qu'il a été obligé de payer pendant son séjour dans la prison. »

- Même renvoi.


« Les administrations communales de Saint-Léger, Mussy-la-Ville, Musson, Rachecourt, Meix-le-Tige et Châtillon demandent que le bureau de Saint-Léger soit relié aux lignes télégraphiques des autres parties du pays. »

- Même renvoi.


« Des habitants d'Ethe demandent la construction d'un chemin de fer reliant Arlon à la ligne des Ardennes par Châtillon, Saint-Léger, Ethe, Virton, Meix, Gérouville, Villers devant Orval, pour arriver à Margut. »

« Même demande d'habitants de Saint-Léger. »

- Même renvoi.

M. Bouvierµ. - Je demande que la commission des pétitions soit invitée à faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Des habitants de Petit-Rœulx prient la Chambre d'accorder aux sieurs Carlier la concession d'un chemin de fer direct entre Luttre et Bruxelles. »

« Même demande d'habitants de Pont-à -Celles. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Tongre-Notre-Dame demandent que la compagnie Hainaut-Flandres soit mise en demeure de construire le chemin de Saint-Ghislain à Ath par Belœil et Tongre-Notre-Dame. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Bruxelles demandent que les collèges électoraux soient fractionnés autant que possible, par groupes de quarante mille habitants. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Hal demandent le rachat par l'Etat des canaux embranchements du canal de Charleroi à Bruxelles. »

« Même demande de négociants et de propriétaires de bateaux. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Mielen-sur-Aelst présente des observations sur le tracé à donner à la route projetée de Saint-Trond à Waremme et demande qu'il soit dirigé par Aelst, Mielen-sur-Aelst et Goyer. »

- Même renvoi.

M. Thonissenµ. - Je demande que la commission sait invitée à faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« L'administration communale de Jemmapes prie la Chambre d'accorder au sieur Dequanter la concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Charleroi avec embranchement vers Frameries, Mons, Gilly et Lambusart. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Masquelin demande qu'il y ait autant des collèges électoraux qu'il y a de membres de la Chambre à élire. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de La Bouverie prie la Chambre d'accorder aux sieurs Hoyois et Coudroy la concession d'un chemin, de fer de Frameries à Condé. »

« Même demande des membres du conseil communal d'Eugies »

- Même renvoi.


« Des habitants d'une commune non dénommée demandent le suffrage universel pour les élections communales et provinciales. »

« Même demande d'une société flamande à Termonde. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner la proposition de loi portant une modification aux lois communale et provinciale.


« Par message du 10 février, le Sénat informe la Chambre que, dans sa séance du même jour, il a adopté le projet de loi qui ouvre au département des travaux publics des crédits spéciaux et complémentaires s'élevant à dix millions. »

- Pris pour notification.


(page 406) « M. le ministre de la justice transmet à la Chambre, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation ordinaire, faite par le sieur Vroedsie (Jean Guillaume). »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Par dépêche du 16 février, M. le ministre de la guerre transmet des explications sur la pétition du sieur Du Bois qui se plaint de ne plus recevoir les appointements de portier-consigne de 2ème classe. »

- Dépôt au bureau des renseignements.


« M. Bricoult, obligé de se rendre à Mons pour un service public, demande un congé de 8 jours. »

- Accordé.


« M. Dolez, obligé de s'absenter, demande un congé d'un jour. »

- Accordé.


MpVµ. - Messieurs, la section centrale chargée de l'examen du budget des travaux publics a proposé le renvoi à M. le ministre des travaux publics de toutes les pétitions qui avaient été renvoyées à son examen.

S'il n'y a pas d'opposition, le renvoi est ordonné.

Projet de loi modifiant plusieurs articles de la loi électorale pour les Chambres, la province et les communes

Dépôt

MiVDPBµ. - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi portant modification à quelques articles de la loi électorale pour les Chambres, pour la province et pour la commune.

- Des membres. - La lecture !

MiVDPBµ donne lecture des six premiers articles ; puis il ajoute :

Le projet de loi se compose de 34 articles ; les six articles dont je viens de donner lecture sont des articles de principes ; les autres ont pour objet d'appliquer ces principes et de comminer des pénalités. Comme il s'agit d'un système nouveau, il a fallu l'organiser. La Chambre me dispensera sans doute de donner lecture des 28 derniers articles. (Oui ! oui !)

MpVµ. - Il est donné acte à M. le ministre de l'intérieur de la présentation de ce projet de loi, qui sera imprimé et distribué.

- La Chambre le renvoi à l'examen des sections.

M. Ortsµ. - Messieurs, il entre sans doute dans les intentions de la Chambre de faire examiner par les mêmes sections la proposition de loi de l'honorable M. Guillery et le projet de loi qui vient d'être présenté par M. le ministre de l'intérieur ? (Oui ! oui !)

J'ai l'honneur de proposer à la Chambre de renvoyer la proposition de loi et le projet de loi à l'examen des sections de février.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi portant le budget du ministère de la guerre de l’exercice 1866

Motion d'ordre

M. de Brouckereµ. - Je crois, messieurs, que la Chambre a décidé que le premier objet dont on s'occuperait aujourd'hui serait la décision à prendre relativement au budget de la guerre.

Dans une précédente séance on a, si je ne me trompe, demandé le renvoi de ce budget à l'examen des sections. Si la proposition n'en avait pas été faite valablement, je déclare que je la fais aujourd'hui.

Messieurs, je regrette autant qu'aucun de vous que nous n'ayons pas encore, reçu le rapport demandé à M. le ministre de la guerre. Mais je crois que la session est trop avancée pour que nous puissions retarder l'examen du budget dans les sections. Si nous ne procédions pas dans un bref délai à cet examen, nous nous trouverions à l'époque où la Chambre cessera de siéger, sans qu'aucun budget ait été voté, et c'est pour prévenir cette position, qui serait très regrettable, que je demandé, dès aujourd’hui, que la Chambre ordonne le renvoi du budget à l'examen des sections.

M. Rodenbachµ. - Messieurs, je m'oppose à la proposition que vient de faire l'honorable M. de Brouckere.

Il y a déjà plus d'un an que le cabinet s'est engagé à présenter le rapport sur l'organisation de l'armée.

J'ai demandé à plusieurs reprises le dépôt de ce document avant de vouloir examiner en sections le budget. Nous avons apprécié les justes motifs qui ont fait retarder le travail de la commission, mais il faut une fin à tout. Dans un pays voisin il ne faudrait pas trois mois pour modifier une loi organique. Je suis d'avis que la Chambre doit tenir la main à l'exécution de la décision qu'elle a prise.

En France, en Angleterre, en Autriche, en Italie on a introduit des économies dans les dépenses de la guerre ; en Belgique, pays neutre, nous avons tout intérêt à ne pas maintenir les énormes charges qui nous accablent de ce chef. Je crains fort que si nous ajournons constamment d'introduire des économies dans les dépenses militaires, nous continuerons à payer 35 millions. C'est le tiers de toutes nos contributions, sept francs par habitant. Ce n'est point ici, messieurs, une question libérale, cléricale ou radicale, mais une question essentiellement nationale qu'il importe de résoudre au plus tôt.

M. Coomansµ. - L'honorable M. de Brouckere propose à la Chambre de rétracter deux de ses décisions antérieures et de renvoyer immédiatement à l'examen des sections le budget de la guerre, sans le rapport promis il y a près de seize mois.

Je dis qu'il y a à rétracter deux décisions de la Chambre, puisque la première a été implicitement votée par elle lorsqu'elle s'est contentée de la promesse d'un rapport pour le prochain budget de la guerre. Il y a une deuxième décision à rétracter, c'est celle que nous avons prise lorsque nous avons ajourné tout examen du budget de la guerre jusqu'au dépôt et à la lecture du rapport.

Je me demande s'il y a nécessité de se rétracter. Je ne le pense pas. Au fond, mettons-y beaucoup de franchise ; ce que l'on veut, ce n'est pas l'examen, dans les sections, du budget de la guerre ; ce que l'on veut, c'est de ne pas examiner le budget de la guerre. Cet examen est impossible sans le rapport ; dans toutes les sections on nous fera cette objection, si nous nous livrons à quelque critique : « Mais attendez le rapport. » Si donc le budget est renvoyé aux sections, il n'y aura pas d'examen sérieux du budget. J'en suis tellement convaincu que je ne m'y rendrai pas.

On veut donc que le budget de 1866 soit voté à l'aveuglette, un peu comme l'ont été les autres, sans examen, et c'est pour cela que nous n'avons pas de rapport. J'affirme, libre à vous, messieurs, d'avoir une conviction autre que la mienne, mais j'affirme qu'il y a dans cette Chambre même, je ne parle pas du pays, où la question est résolue depuis longtemps, mais il y a dans cette Chambre même une majorité considérable contre le budget de la guerre, tel que nous le votons depuis plusieurs années. Cela est si vrai, que lors du dernier vote plusieurs honorables membres ont déclaré que c'était pour la dernière fois qu'ils adoptaient le budget.

Ils ont trouvé, très consciencieusement, un prétexte pour émettre encore un vote favorable, dans la promesse d'un rapport ; s'il n'avait pas été question d'un rapport, si cet expédient n'avait pas été trouvé à la fin de 1864, le budget ne passait pas, et certes, celui de 1866 ne passerait pas non plus.

Je crois que c'est dans la persuasion où se trouvait le gouvernement que telle est bien l'opinion de la Chambre, que gît le véritable motif de l'ajournement incessant du rapport promis.

Je ne pense pas qu'il y eût des difficultés sérieuses à justifier on douze ou quinze mois de temps un budget que l'on a déclaré, pendant de longues années, imperfectible, c'est-à-dire parfait, et sur lequel on n'admettait pas le moindre amendement.

Si cette œuvre est si bonne, elle doit être facile à justifier et il ne fallait pas 14 ou 16 mois pour écrire le mémoire justificatif ou laudatif dont je m'occupe.

Messieurs, nous ne pouvons pas voter cette année un budget qui répugne à la conscience du pays et à la nôtre. (Interruption.) Comment ! un grand nombre d'honorables collègues, même siégeant à gauche, m'ont déclaré que c'était la dernière fois qu'ils votaient le budget de la guerre et que c'était parce qu'on promettait un rapport qui devait être suivi de réductions de dépenses qu'ils consentaient à émettre un vote affirmatif.

Si nous n'insistions pas sur une discussion approfondie, c'est-à-dire sur l'ajournement du budget jusqu'à ce qu'il puisse être utilement examiné, nous voterons à perpétuité le budget de la guerre. Il va sans dire que je n'ai pas besoin du rapport, moi ; mon opinion est faite ; je sais qu'il ne sera que la répétition de tout ce qu'on a dit depuis 20 ans ; mais je crois qu'un certain nombre de nos collègues qui n'ont pas une conviction aussi robuste et aussi absolue que la mienne tiennent à lire ce rapport. Eh bien, il faut leur donner cette satisfaction. Je demande donc que le gouvernement dépose ce rapport et qu'il se contente encore de crédits provisoires.

(page 407) Nous voterons ces crédits et puisque la discussion du budget de la guerre est si importante, s'il le faut, qu'on nous convoque extraordinairement plus tard pour y procéder.

Mais voter définitivement pour 1866 un budget qui nous répugne à tous, que le gouvernement lui-même déclare amendable puisqu'il nous promet certaines concessions, cela est impossible, ce ne serait pas pratiquer sérieusement les règles du régime représentatif.

Je demande donc que la Chambre maintienne ses résolutions et qu'elle n'aborde pas l'examen du budget de la guerre avant d'avoir pu lire le rapport promis.

M. Bouvierµ. - Je demanderai à l'honorable membre s'il fait une proposition formelle d'ajournement...

M. Coomansµ. - Certainement.

M. Bouvierµ. - En ce cas, j'ai quelques mots à répondre à l'honorable membre. D'après lui, il répugne à tous...

M. Coomansµ. - Je n'ai pas dit à tous, mais à la majorité...

M. Bouvierµ. - Vous avez commencé par dire à la majorité, mais vous avez terminé votre discours en disant à tous.

M. Coomansµ. - Non, non.

M. Bouvierµ. - Je fais appel aux honorables membres qui m'entourent qui affirmeront que j'ai parfaitement compris et que tel a été votre langage.

- Des membres. - C'est exact.

M. Bouvierµ. - Toute la question est de savoir si, comme l'honorable membre le proclame, le ministère est résolu à ne point présenter le rapport qui nous est promis.

Or, dans une des séances précédentes, vous avez entendu l'honorable ministre de l'intérieur chargé par intérim du portefeuille de la guerre, vous déclarer que ce rapport était prêt ou sur le point de l'être et qu'on en avait hâté l'impression.

M. Vleminckxµ. - Non, non.

M. de Brouckereµ. - Il a dit que le ministère devait encore l'examiner en conseil et qu'il devait encore être soumis à un autre examen.

M. Bouvierµ. - Ce rapport doit donc encore être soumis à l'examen du cabinet et à celui du chef de l'Etat. Mais je me demande si l'on peut accuser le gouvernement de mauvais vouloir ? Je dis que non ; je dis que si certaines circonstances ne s'étaient pas produites, s'il n'était pas arrivé un accident à M. le ministre de la guerre, nous aurions aujourd'hui le rapport qu'il nous a promis.

Je désire également ce rapport de la manière la plus vive, je l'examinerai, quand il nous sera présenté, avec la plus sérieuse attention ; mais je dois déclarer qu'il me répugne de voter encore des crédits provisoires parce que je pense qu'il est indispensable, d'après les prescriptions formelles de la Constitution, de voter le budget de la guerre. Si, comme le dit l'honorable membre, il y a tant de membres qui sont opposés au budget, ils voteront contre, et nous verrons alors où sera la majorité, l'honorable membre auquel je réponds, aura lieu d'être pleinement satisfait. Quant à moi, j'acquiesce à la déclaration faite par le gouvernement que dans le plus prochain délai ce rapport pourra être déposé.

M. A. Vandenpeereboom, ministre de l'intérieur (chargé par intérim du département de la guerre)µ. - M. Coomans croit que c'est par tactique en quelque sorte...

M. Coomansµ. - Oui...

M. A. Vandenpeereboom, ministre de l'intérieur (chargé par intérim du département de la guerre)µ. - … que c'est par tactique que le gouvernement ajourne la présentation du rapport...

M, Coomansµ. - C'est vous qui avez dit le mot, M. le ministre...

M. A. Vandenpeereboom, ministre de l'intérieur (chargé par intérim du département de la guerre)µ. - C’était votre pensée, pourquoi ne pas le dire franchement ?

Eh bien, messieurs, cette accusation n'est pas juste. Je ne veux pas dire injuste, on objecterait que le mot n’est pas poli. Cette accusation n'est pas juste, parce que tout le monde sait dans quelles circonstances toutes spéciales le pays et le cabinet se sont trouvés depuis que ce rapport a été annoncé à la Chambre !

Ai-je besoin de nous rappeler d'abord la maladie de l'honorable ministre de la guerre qui a été obligé de s'absenter durant plusieurs mois et l'impossibilité où il s'est trouvé de se livrer à un travail aussi sérieux que celui dont il s'agit, travail dont lui seul, comme chef, réellement responsable du département de la guerre, pouvait se charger ?

Dois-je vous rappeler ensuite que par suite de la maladie du feu roi que M. le ministre de la guerre a été dans l'impossibilité de se mettre en rapport avec le chef constitutionnel de l'armée pour arrêter les principes de ce rapport ?

Malgré ces circonstances, l'honorable baron Chazal lorsqu'il est revenu en Belgique a fait, comme j'ai déjà eu l'honneur de le dire, un très grand effort afin de pouvoir terminer ce travail.

Le rapport est aujourd'hui complètement achevé et je ne crains pas de dire toute la vérité, il est déposé en ce moment entre les mains du Roi.

Refuserez-vous au Roi nouvellement parvenu au trône le temps d'examiner ce rapport, qui n'est en sa possession que depuis peu de jours ?

J'ignore combien de temps S. M. gardera ce travail, mais la Chambre voudra t-elle ne pas laisser au chef constitutionnel de l'armée le temps d'examiner une question aussi importante ?

On vous dit : Attendez et nous discuterons plus tard ; mais je suppose que le rapport soit présenté dans 15 jours, 3 semaines, le discuterez-vous immédiatement ? Evidemment non.

La session actuelle ne peut être longue à cause des élections qui auront lieu au mois de juin, la Chambre se séparera probablement au commencement du mois de mai. D'ici là nous aurons encore les vacances de Pâques que l'honorable M. Rodenbach viendra nous demander.

M. Coomansµ. - On les supprimera.

M. A. Vandenpeereboom, ministre de l'intérieur (chargé par intérim du département de la guerre)µ . - J'en doute. Il vous resterait donc très peu de temps pour examiner sérieusement ce travail, et un examen sérieux serait même impossible.

Les honorables MM. Rodenbach et Coomans proposent de voter des crédits provisoires.

Mais pour combien de mois en donnerez-vous ?

MfFOµ. - Jusqu'au mois de novembre prochain.

M. A. Vandenpeereboom, ministre de l'intérieur (chargé par intérim du département de la guerre)µ. - Au mois de novembre, vous n'auriez pas encore le temps de discuter le budget et vous devriez allouer des crédits provisoires jusqu'à la fin de l'année, en d'autres termes, vous accorderiez le budget tout entier.

M. Bouvierµ. - C'est cela qui serait une tactique.

M. A. Vandenpeereboom, ministre de l'intérieur (chargé par intérim du département de la guerre)µ. - Le rapport étant terminé, le gouvernement le déposera en même temps que le budget de 1867, qui pourra, je l'espère, être présenté dans le courant de cette session. Ce rapport pourrait ainsi être examiné dans l'intervalle des deux sessions et lors de la discussion du budget de 1867, on pourrait régler à tête reposée et à l'aise toutes les question concernant l'armée.

Je pense donc que la proposition de l'honorable M. de Brouckere, que j'avais faite moi-même antérieurement, peut être adoptée ; c'est là le parti le plus sage à prendre, il est de nature à sauvegarder les intérêts de l'armée sans compromettre en rien la dignité de la Chambre.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, je viens appuyer la proposition de l'honorable M. de Brouckere et je ne désespère pas, par les raisons que je vais donner, d'y rallier même l'honorable M. Coomans.

Messieurs, le budget de la guerre se compose de deux parties : une partie financière et économique que nous sommes à même, je pense, de discuter dès ce moment, une partie militaire, pour laquelle nous aurons besoin des lumières que nous apportera probablement le rapport du ministre de la guerre et que nous pourrons utilement examiner lors de la discussion du budget de 1867.

Il est, à mon avis, très heureux, dans les circonstance actuelles, que les choses se soient présentées de façon que le rapport de M. le ministre de la guerre n'ait pas encore été déposé. En effet, il est très possible, que lorsque nous aurons discuté à fond le côté financier et économique du budget de la guerre, peut-être aussi les questions politiques et diplomatiques qui s'y rattachent, il y aura des modifications essentielles à faire au rapport que doit nous remettre le gouvernement. Il serait peut-être préjudiciable aux intérêts publics que certaines opinions se fussent, publiquement exprimées avant que nous eussions pu nous-mêmes émettre d'abord les nôtres sur ces questions préalables.

Il est donc utile pour la chose publique que nous puissions discuter, à l'occasion du budget de 1866, les questions économiques, financières et autres et que nous réservions les questions militaires pour celui de 1867. De cette façon, nous ferons chose utile au pays et chose utile pour ceux qui nous succéderont et nous n'aurons certes pas perdu notre temps.,

M. Delaetµ. - J'étais tout disposé à me laisser convaincre par l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, s'il nous avait donné des raisons plausibles.

(page 408) Mais il y a eu un argument de l’honorable M. Coomans auquel il a négligé de répondre. Si l'on examine actuellement le budget en sections, si on le discute en séance publique, il n'y aura de discussion sérieuse ni au point de vue militaire, ni au point de vue économique et financier. On nous dira : Vous discutez un budget dont vous ne connaissez pas suffisamment les éléments. Attendez le rapport. Vous ne savez pas encore ce que ce rapport renferme et vous allez faire perdre à la Chambre un temps d'autant plus précieux que l'année 1866 étant une année d'élections, la session ne peut guère se prolonger que jusqu'à la première moitié de mai.

Je ne crois donc pas qu'une discussion sérieuse, approfondie du budget de la guerre soit possible actuellement.

Messieurs, je m'étonne que l'on vienne proposer, au nom de la majorité, la discussion du budget de la guerre avant le dépôt du rapport. Quelle est, en définitive, l'espèce de convention qui, l'année dernière, a été conclue devant cette Chambre ?

Le budget de la guerre rencontrait beaucoup d'opposants, plus d'opposants certainement qu'il n'y a eu de votants contre le budget. Et qu'a-t-on dit pour déterminer certains opposants à émettre un vote affirmatif ?

« Votez encore le budget tel quel cette année-ci ; l'année prochaine vous aurez un rapport, et vous verrez clair dans toute cette question militaire. »

Il y a donc un engagement de la part des partisans du budget de la guerre à l'égard des adversaires de ce budget. Et aujourd'hui que l'heure est venue de nous fournir les documents qui peuvent seuls nous mettre à même de discuter sérieusement et utilement, on vient nous dire : « Le ministère n'est pas prêt ; et nous majorité, nous allons nous dédire, nous infirmerons notre premier vote, et vous n'aurez pas le rapport. »

Je fais un appel à la loyauté de la Chambre, à la loyauté de la majorité, et je vous demande ce que devient le régime parlementaire, si une promesse faite à la minorité par la majorité, pour obtenir un vote, peut, une fois ce vote obtenu, être violée à chaque instant par ceux-là mêmes qui ont pris un engagement solennel. Je ne crois pas que consciencieusement et loyalement on puisse aujourd'hui nous faire discuter le budget de la guerre, sans le dépôt du rapport.

En vain viendrait-on nous dire ; « Vous savez que l'honorable général Chazal a été malade ; qu'il a dû se retirer à Pau pendant une partie de la saison. »

Nous le savions, et nous l'avons regretté ; mais, si mes souvenirs ne me trompent pas, l'honorable ministre de la guerre ad intérim nous a un jour appris lui-même que l'honorable général Chazal avait emporté à Pau les documents devant servir à la confection du rapport. Le temps passé dans cette ville n'a donc pas été tout à fait perdu, Nous connaissons, tous, le zèle et l'activité de l'honorable ministre de la guerre en titre et nous savons qu'il n'a pas perdu les moments dont son indisposition lui permettait de disposer. Après cela, il y a eu un accident malheureux, que tous nous avons déploré.

Mais, messieurs, voilà à peu près seize mois que ce rapport nous a été promis, et il ne fallait pas un temps si considérable pour rédiger un mémoire dont tous les éléments étaient déjà, sans aucun doute, depuis longtemps, dans la possession du ministère de la guerre, attendu que depuis bien des années il vient nous déclarer qu'après une étude approfondie des besoins de l'armée, il n'y a aucune modification à introduire dans le budget ; que tous les chapitres et tous les articles en sont parfaitement justifiés.

Or, pour obtenir cette justification, il a fallu sans doute que les documente fussent là ; que fallait-il donc pour que le rapport fût fait ? Il s'agissait simplement de grouper les documents qu'on avait sous la main ; et point n'était besoin d'études nouvelles.

Ainsi avec un peu de bonne volonté, le rapport pouvait être prêt quelques semaines après que la promesse de le déposer avait été faite à cette Chambre.

La question tant controversée du budget de la guerre eût pu dès lors être élucidé, non pas tant peut-être par les études spéciales faites par les membres de la Chambre qu'en général on se complait à déclarer incompétents, que par les études faites dans la presse, par les études qu'auraient pu faire des officiers retraités de l'armée, si l'on s'obstine à contester aux officiers en activité de service le droit d'émettre, sans l'assentiment du département de la guerre, une opinion, même en matière scientifique, un simple avis en ce qui concerne leur métier.

Je ne crois pas, du reste, qu'il soit possible, et en ceci mon opinion diffère peut-être quelque peu de celle de mon honorable ami, M. Coomans, je ne crois pas qu'il soit possible, alors même que le rapport serait déposé dès demain, d'en faire usage pour la discussion du budget de 1866. (Interruption.)

Je ne prétends pas qu'il soit inutile d'avoir une connaissance sommaire de ce rapport avant la discussion du budget de la guerre. Bien au contraire ; cette connaissance sommaire du rapport suffira pour déterminer la conviction de bien d'entre nous, quant au vote à émettre ; elle suffira pour engager beaucoup d'entre nous à donner, d'après leur conscience, un vote qu'ils auraient déjà donné l'année dernière si la promesse d'un rapport ne nous avait pas été faite. Quand nous serons en possession du rapport, nous pourrons en faire usage utilement, largement, consciencieusement pour le budget de 1867.

En tout cas, je crois qu'il y a ici engagement de la majorité à l'égard de la minorité, et je finis, comme j'ai commencé, en faisant un appel à la loyauté de la majorité. Elle ne peut se dédire, sans nous priver de ce qui nous appartient de plein droit : le bénéfice d'un vote formel de la Chambre.

M. de Brouckereµ. - Messieurs, l'honorable M. Delaet a parfaitement raison, quand il vous dit qu'alors même que le rapport de M. le ministre de la guerre serait déposé aujourd'hui, il serait impossible que la Chambre l'examinât et le discutât utilement pendant le cours de cette session. Nous nous trouvons en présence d'une nécessité devant laquelle nous ne pouvons pas reculer.

D'où vient cette nécessité ? Peu importe ; je ne veux pas me livrer à des recherches sur ce point ; le fait est, je le répète, que nous sommes en présence d'une nécessité devant laquelle il est impossible de reculer.

L'article 115 de la Constitution veut que la Chambre vote annuellement le budget.

Eh bien, si vous ne vous hâtez pas de faire examiner le budget de la guerre dans les sections, il est incontestable que vous ne voterez pas ce budget cette année ; nous aurons à allouer des crédits, appelés provisoires pour les 12 mois de l'année.

C'est sous l'impression de cette nécessité que j'ai fait ma proposition. Je l'ai faite, au surplus, je le déclare formellement, en mon nom personnel, je ne m'étais nullement entendu avec mes honorables amis pour la présenter aujourd'hui.

- Personne ne demandant plus la parole, la discussion est close.

MpDµ. - La proposition de M. de Brouckere tend à faire examiner le budget de la guerre par les sections, avant le dépôt du rapport à présenter par le département de la guerre.

Si la proposition est adoptée, le budget de la guerre sera renvoyé à l'examen des sections de mars 1865. Je mets la proposition aux voix.

- Des membres. - L'appel nominal !

M. Coomansµ (sur la position de la question). - La proposition ne tend pas, sans doute, à faire examiner le budget de la guerre immédiatement dans les sections ; nous demandons que cet examen n'ait lieu qu'après le dépôt du rapport du département de la guerre.

MpDµ. - Il n'est parvenu au bureau d'autres propositions que celle de M. de Brouckere ; c'est la seule que je puisse mettre aux voix. Si, pour des motifs quelconques, des membres ne veulent pas l'examen immédiat du budget de la guerre dans les sections, ils voteront contre la proposition.

M. de Brouckereµ. - Je ne fais pas d'équivoque. Je serais fort au regret de mettre un de mes honorables collègues dans l'impossibilité de voltr. Ce que je demande, c'est le renvoi immédiat.

M. Coomansµ. - Sans le rapport ?

M. de Brouckereµ. - Sans le rapport.

- Il est procédé au vote, par appel nominal, sur la proposition de M. de Brouckere.

90 membres prennent part au vote. 7

0 votent pour la proposition.

20 votent contre.

En conséquence la proposition de M. de Brouckere est adoptée.

Ont voté l'adoption :

MM. Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Lange, Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Nothomb, Orban, Orts, Rogier, Sabatier, Snoy, Tesch, Thonissen, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Overloop, Vilain XIIII, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Allard, Ansiau, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Carlier, Crombez, David, de Baillet-Latour, C. De Bast, (page 409) de Borchgrave, de Brouckere, de Decker, de Florisone, De Fré, de Haerne, de Kerchove, de Liedekerke, de Macar, de Mérode, de Moor, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Dumortier, Dupont, Elias, Frère-Orban, Goblet et E. Vandenpeereboom.

Ont voté le rejet :

MM. Hayez, Jacobs, Pirmez, Reynaert, Rodenbach, Roy or de Behr, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Renynghe, Beeckman, Coomans, Couvreur, P. Debaets, Delaet, de Muelenaere, Dewandre, d'Hane-Steenhuyse, Dubois d'Aische et Funck.

M. Delaetµ. - Je demande la parole pour une interpellation à M. le ministre de la guerre ad intérim.

La Chambre vient de décider que le budget de la guerre de 1866 sera examiné en sections avant le dépôt du rapport.

M. le ministre de la guerre intérimaire nous a déclaré que le rapport était prêt et que, du moment que S. M. voudrait bien le renvoyer au département de la guerre, ce rapport pourrait être soumis à la Chambre.

MfFOµ. - Vous avez mal compris.

M. Coomansµ. - Parfaitement, au contraire. D'ici à deux semaines, a dit M. le ministre de l'intérieur.

M. Delaetµ. - Je désire savoir si le gouvernement s'engage à déposer ce rapport en temps utile ou s'il y aura, dans ses prévisions, de nouveaux incidents qui empêcheront le dépôt du rapport jusqu'à l'époque de la discussion du prochain budget ?

M. A. Vandenpeereboom, ministre de l'intérieur (chargé par intérim du département de la guerre)µ. - J'ai dit que le rapport était terminé, qu'il avait été remis entre les mains du Roi et qu'il était raisonnable de laisser à Sa Majesté le temps de l'examiner. Je ne crois pas avoir limité ce temps à deux semaines, car il est hautement convenable qu'on laisse au chef constitutionnel de l'armée tout le temps nécessaire pour examiner ce grand travail ; il faut bien aussi que les ministres civils l'examinent, et je déclare que nous ne l'avons pas examiné jusqu'ici.

M. Coomansµ. - Vous deviez le lire avant que le Roi l'examinât.

M. A. Vandenpeereboom, ministre de l'intérieur (chargé par intérim du département de la guerre)µ. - Le rapport a été soumis au Roi sous la responsabilité de M. le ministre de la guerre. Ce travail sera soumis aussi au conseil.

Messieurs, ne croyez pas que nous cherchions à gagner du temps. Dès que le rapport sera examiné, dès qu'il pourra être soumis à la Chambre, on vous le présentera. Les questions qu'il soulève doivent être résolues, et nous n'avons pas d'intérêt à traîner. Mais nous avons, comme vous, le plus grand intérêt à assurer la marche de tous les services publics, ceux qui concernent le département de la guerre comme les autres. Tel est le seul but qu'a le gouvernement en demandant qu'on discute le budget de la guerre pour le présent exercice.

M. Delaetµ. - Je ne veux pas que le gouvernement puisse croire que j'ai l'intention de lui limiter le temps de façon à le prendre absolument en faute. Je lui demande un engagement à long terme,, la promesse de déposer le rapport avant la fin de cette session.

M. Coomansµ. - Et avant le vote du budget, s'il y a moyen.


M. Lelièvreµ (pour une motion d’ordre). - La Chambre est saisie depuis longtemps de plusieurs projets de lois interprétatives. Il en est ainsi notamment d'un projet concernant le mode de preuve des contraventions en matière de roulage, d'un autre relatif à l'interprétation de l'article 67 du code pénal en ce qui concerne les délits commis par des mineurs, lorsqu'ils sont prévus par des lois spéciales, et d'un troisième portant sur l'interprétation d'un règlement d'Anvers. Le cours de la justice est suspendu. Il convient donc que les commissions qui sont chargées de l'examen de ces projets de loi s'en occupent le plus tôt possible. Je demande, en conséquence, que ces objets soient mis à l'ordre du jour de ces commissions et que celles-ci soient convoquées dans un bref délai. Il importe que les questions soulevées par les divers projets et qui ont donné lieu à un conflit entre les autorités judiciaires soient enfin résolues.

Interpellation

M. Delaetµ. - Je comptais sur une réponse formelle de M. le ministre de la guerre, sur un oui ou un non. Son silence ne peut satisfaire la minorité de cette Chambre et ne me satisfait pas, Je désire que le gouvernement répond par oui ou par non ou déclare formellement qu'il ne veut pas répondre. Le pays saura à quoi s'en tenir.

M. A. Vandenpeereboom, ministre de l'intérieur (chargé par intérim du département de la guerre)µ. - On me demande que je réponde par oui ou par non si le rapport sera déposé à telle ou telle époque.

M. Delaetµ. - Avant la fin de la session.

MiVDPBµ (chargé par intérim du département de la guerre). - Je déclare qu'il m'est impossible de répondre à cette question, parce qu'il ne dépend pas de moi que le rapport puisse être déposé. Je pense qu'il le sera avant la fin de la session ; mais comme je ne veux pas prendre un engagement que je ne suis pas certain de pouvoir tenir, je ne prends aucun engagement formel à cet égard.

M. Delaetµ. - J'ai à répondre que si le rapport est entre les mains de S. M., nous avons ici devant nous un ministère responsable et que le ministère ne doit pas, je pense, se retrancher derrière la responsabilité royale, responsabilité illusoire, pour nous refuser ce qui a été promis.

MaeRµ. - Le ministère entend si peu se retrancher derrière le Roi, qu'il se déclare à l'avance responsable de tous les retards que le dépôt du rapport pourrait subir par suite de l'examen auquel se livrerait Sa Majesté.

Lorsque ce travail a été remis entre les mains du nouveau Roi, il nous a fait cette observation, que nous avons trouvée parfaitement légitime : Il a dit qu'au début de son règne, avant de toucher à l'organisation d'une institution aussi importante que l'armée, il voulait se livrer à un examen sérieux et approfondi de toutes les questions.

- Des membres. - Très bien ! Très bien !

MaeRµ. - Et nous avons approuvé la résolution du Roi. Nous avons dit que le Roi faisait bien, et nous déclarons que nous prenons sous notre responsabilité les conséquences de cette manière d'agir.

Messieurs, cette raison seule aurait dû engager d'honorables membres à ne pas mettre d'insistance pour obtenir que la Chambre se livrât sans délai à la discussion, d'ailleurs impossible dans la session actuelle, des questions militaires.

Il y a ce grand fait d'un règne nouveau, et vous comprendrez tous, messieurs, qu'en pareille circonstance les ministres ne pourraient pas. eux-mêmes, sans manquer à leurs devoirs, insister auprès du Roi, chef suprême de l'armée, pour qu'il précipitât son jugement dans une telle question.

Aussitôt que le Roi aura examiné et que le cabinet se sera mis d'accord avec Sa Majesté sur la question militaire, nous déposerons le rapport. Sera-ce dans 15 jours, dans six semaines, dans trois mois ? C'est ce que nous ne pouvons pas préciser. Toujours est-il que le moment n'est pas indéfiniment ajourné où cette question sera résolue.

Projet de loi relatif au crédit alloué par la loi du 8 mai 1861, pour la transformation du matériel de l'artillerie

Discussion générale

M. Hayezµ. - Messieurs, je crois devoir commencer par protester contre la thèse soutenue dans cette Chambre par M. le ministre de la guerre ad intérim, dans la dernière séance. Il a dit : Le crédit pour la transformation de l'artillerie est voté, il doit être dépensé, la prolongation à accorder n'est qu'une simple formalité. Je ne considère pas du tout la chose sous ce point de vue, je crois au contraire que la Chambre a le droit d'examiner les dépenses faites par le département de la guerre, et si elle n'est pas satisfaite du résultat de son examen elle peut arrêter les dépenses, aussi longtemps qu'elle le jugera convenable.

Ceci dit, messieurs, j'aborde la question à l'ordre du jour.

Messieurs, j'ai l'honneur de vous rappeler que la loi du 8 mai 1861 allouant, au département de la guerre, un crédit de 14 millions pour la transformation de notre artillerie, accorde, au chef de ce département, un véritable blanc seing, puisque aucun projet, aucun plan, aucun devis n'a été soumis à la Chambre, qui s'en est rapportée avec confiance à M. le ministre pour le bon emploi des fonds mis à sa disposition d'une manière si absolue.

Comment M. le ministre de la guerre en a-t-il disposé ? il est fort difficile de le savoir, car tout est mystère dans son département. Tantôt le respect pour les secrets confiés à son honneur, tantôt les intérêts de la sûreté du pays empêchent le chef du département de la guerre de donner les renseignements qui lui sont demandés par ceux qui ont le droit incontestable de s'assurer du bon emploi des deniers de l'Etat.

Ce haut fonctionnaire pousse la discrétion si loin, qu'il se dispense le (page 410) plus possible de satisfaire à la loi du 8 mai 1861, dont l’article 4 lui impose l'obligation de rendre annuellement un compte de l'emploi détaillé des fonds accordés par le projet de loi. Il faut pour ainsi dire lui arracher le rapport prescrit par la législature, et ce rapport ne renferme que des renseignements fort insuffisants.

Déjà, en 1861, ou se plaignait à la Chambre du système de réserve de M. le ministre, et l'un de nos honorables collègues disait à la séance du 10 avril (Annales parlementaires, page 1040) :

« Un des reproches les plus graves que l'on puisse adresser tout spécialement au département de la guerre, c'est le vague et l'indéterminé de ses propositions.

« Il semble que l'on prenne à tâche, dans ces questions déjà difficiles, non seulement de dérober à la Chambre les premiers éléments d'appréciation, mais encore que l'on emploie tous moyens pour rendre la question plus confuse et plus compliquée. »

Et plus loin, il ajoutait :

« Certes il est très agréable pour un ministre de la guerre de pouvoir disposer, sous sa seule responsabilité, pour les besoins de son département, dont il se croit seul appréciateur, de nombreux millions. Si nous savons parfaitement bien qu'ils sont dépensés pour le département de la guerre, il ne nous est pas moins impossible de savoir s'ils sont bien ou mal employés. »

Pour vous prouver, messieurs, combien les explications demandées au département de la guerre sont peu satisfaisantes, je vais avoir l'honneur de vous exposer un examen rapide du rapport présenté en 1862 en vertu de l'article 4 de la loi du 8 mai 1861.

Messieurs, lorsque la Chambre ajoutait cet article 4 au projet de loi déposé le 17 janvier 1861, par le département de la guerre, elle avait sans aucun doute un but ; et ce but ne pouvait être autre que de se faire rendre compte, annuellement, des avantages et des inconvénients du système d'artillerie adopté. Or le rapport ou plutôt les rapports présentés par M. le ministre de la guerre ne rendent compte de rien de ce qu'il serait fort intéressant de savoir.

Les trois comptes remis à la Chambre étant tous taillés sur le même modèle, il suffira d'en analyser un pour vous faire voir combien ils sont tous incomplets, combien ils sont loin de fournir les renseignements attendus. Prenons le premier, celui de 1862. (Annales parlementaires, 1862-1863, documents, page 101.)

Après avoir énoncé le chiffre de la dépense totale pour cette année, M. le ministre donne la liste du matériel construit ; j'en extrais quelques articles :

« 1° Achat de blocs, d'acier et achèvement de 177 canons rayés de divers calibres, avec leur appareil de fermeture. »

L'exposé des motifs disant que l'adoption du système d'artillerie proposé favoriserait l'industrie nationale, le pays serait sans doute charmé d'entendre démentir l'opinion généralement reçue, que non seulement la matière première des nouvelles bouches à feu vient de l'étranger, mais encore qu'il nous est arrivé une bonne partie de bouches à feu toutes confectionnées, sauf peut-être quelques détails de peu d'importance dont nos ateliers ont été chargés. Il n'eût pas été inutile, également, de faire connaître le calibre de ces 177 canons rayés, et le nombre d'exemplaires de chaque calibre.

« 2° Fabrication et transformation de 171 canons rayés des calibres de 24, 12 et 6 eu fonte et en bronze avec appareil de fermeture. »

Ne pourrait-on savoir combien de ces canons ont été fabriqués, combien transformés ? Un tel renseignement servirait à apprécier la valeur de cette autre assertion de M. le ministre ; « Que le système prussien était le seul qui permît de faire usage des canons existants, » assertion qui a trouvé bien des incrédules dans l'artillerie.

Il manque également ici un renseignement. Combien, parmi ces canons transformés et fabriqués, y en a-t-il du calibre de 24, de 12 et de 6, et combien en fonte ou en bronze de chaque calibre ? Il est important de le savoir, messieurs ; en effet, puisque l'on a fabriqué des canons neufs en brome et en fonte, c'est probablement parce que ces métaux conviennent à cette fabrication. Si cela est, pourquoi en fabriquer 177 en acier, métal coûteux, d'un entretien difficile, perdant toute valeur marchande après la mise hors de service de la bouche à feu et devant être acheté en Prusse à M. Krupp ? Si c'est le contraire qui est vrai, pourquoi fabriquer les premiers ?

« 3° Fourniture, par l'industrie, fabrication, achèvement, en plombage partiel de 135,755 projectiles de 24, 12, 6 et 4. »

Pour fabriquer des projectiles Wahrendorff, l'industrie privée a dû être initiée, dès 1862, aux secrets de la fabrication ; on pourrait conclure assez logiquement, de ce fait, qu'il n'y avait aucune raison de ne pas communiquer à la Chambre les procès-verbaux de Brasschaet, ni d'interdire à la justice l'entrée de la fonderie de canons.

Remarquons ici, messieurs, que, pour la première fois, il est fait mention du calibre de 4. Si, l'on' a fait des projectiles de 4, il est naturel de penser que l'on a aussi fabriqué des pièces de ce calibre ; c'est probablement au n°1 qu'elles doivent figurer.

Or, messieurs, dans l'expose des motifs, dans la discussion publique de la loi du 8 mai, M. le ministre expliquait que notre armée devant être organisée pour la guerre défensive, le calibre de 6 avait une mobilité suffisante pour répondre à toutes les éventualités. Pourquoi donc les pièces de 4 ? M. le ministre a-t-il modifié ce système si complet, ce système par excellence dont il vantait toutes les vertus à la Chambre ? Oui, messieurs, le calibre de 4 a gagné sa cause, et il paraît que 9 batteries de campagne, sur 13 que nous avons, seront ou sont armées de pièces de ce calibre.

« 4° Fabrication à l'arsenal de construction de 150 affûts de siège avec trente avant-trains pour canons rayés de 12 en fonte et de 235 affûts de casemate en bois, avec châssis pour idem. »

Donc, ensemble 400 canons de 12 rayés en fonte, ou 300 seulement en comptant 100 affûts de réserve.

Ces canons sont-ils fabriqués ou transformés et d'où viennent-ils, car plus haut on n'a parlé que de 177 canons de trois calibres différents fabriqués et transformés ?

Si, ce qu'on peut fort bien croire d'après le rapport, on a transformé des pièces de 12 en fonte, c'est probablement parce que les dimensions de ces pièces conviennent ; dans ce cas, pourquoi en fabriquer d'autres, qui n'ont pas les mêmes dimensions et qui amènent une complication dans le matériel puisqu'il faudra deux affûts pour le même calibre ? En agissant autrement qu'on ne l'a fait, on aurait pu utiliser 150 anciens, affûts de siège et économiser quelques centaines de mille francs.

Quant aux 250 affûts de casemate en bois, ils remplacent sans doute les affûts en fer système Wahrendorff, dont M. le ministre nous a fait un si brillant éloge ; ces affûts qui n'exigeaient qu'un seul canonnier pour chaque pièce et qui auraient probablement fini par la charger eux-mêmes. Malheureusement, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire déjà, on ne s'est avisé d'essayer cet affût qu'après en avoir fabriqué bon nombre, et, au troisième coup, il vola en morceaux.

Plus loin nous voyons :

« 40 affûts de campagne pour canon de 6 rayé en acier et 32 affûts de campagne pour canon rayé de 4 en acier. »

Le canon de 4 en acier est donc adopté pour les batteries de campagne, comme je vous le disais tout à l'heure, et tout l'échafaudage des raisonnements de M. le ministre pour prouver son inutilité, s'écroule.

Il faut convenir, messieurs, que de tels faits sont en contradiction si flagrante avec les assurances prodiguées dans cette Chambre par M. le ministre, qu'ils doivent ébranler tout au moins la confiance la plus robuste.

Je terminerai l'examen de ce premier document par une remarque qui me semble assez importante. D'après les déclarations de M. le ministre lui-même, les expériences du polygone sont très coûteuses ; un petit calcul bien simple vous en donnera une idée. Un coup de canon tiré avec le wahrendorff coûte de 20 à 25 francs ; or depuis que l'on fait des expériences à Brasschaet, il en a été tiré dix mille au moins, ce qui fait une bagatelle de 200 à 250 mille francs, sans compter tous les accessoires indispensables, dont le coût est lui-même très élevé.

Eb bien, messieurs, dans le compte rendu que j'examine, il n'est fait aucune mention de ces dépenses ; elles auront probablement été noyées dans celles des établissements d'artillerie.

Il est encore une autre observation que je crois devoir soumettre à l'appréciation de la Chambre.

La section centrale, chargée d'examiner le projet de loi sur la transformation de l'artillerie, a formulé cette question, la septième, au département de la guerre :

« Quelle est la part du crédit qui sera destinée à la place d'Anvers et à ses dépendances ?

« Réponse. La part afférente à Anvers dans la totalité du crédit demandé pour le matériel de l'artillerie est d'environ les 2 cinquièmes (42/100) ou environ 6,000,000 de fr. »

Or, messieurs, d'après le rapport sur le projet de loi qui nous occupe, une somme de 12,175,500 fr. est dépensée, c'est-à-dire plus du double de la part afférente à Anvers, d'après la réponse du département de la guerre, sans y comprendre l'armement des forts de l'Escaut auquel le restant du crédit paraît devoir être affecté.

(page 411) Quelle est donc la destination du matériel construit avec l'autre moitié des sommes dépensées jusqu'à ce jour ?

En définitive, messieurs, on cherche en vain dans les rapports une réponse aux questions suivantes qui paraissent, cependant, devoir intéresser et la Chambre et le pays :

L'industrie nationale métallurgique a-t-elle été favorisée par les travaux nécessités pour la transformation de notre artillerie comme l'annonçait l'exposé des motifs ?

Combien avons-nous aujourd'hui de canons de 24 rayés en fonte ou en acier transformés ou fabriqués ?

Combien de canons de 12 rayés en fonte, en acier ou en bronze, fabriqués ou transformés ?

Même question pour le 6 :

Combien de canons de 4 rayés en acier ou en bronze ?

Combien avons-nous de batteries de campagne armées de canons de 6 en acier ou en bronze, combien de 4 ?

Existe-t-il des batteries de campagne armées de canons de 12 rayés soit en bronze soit en acier ;

Quel est le prix de chaque bouche à feu, transformée ou neuve, en acier, en fonte, en bronze, celui des affûts, avant-trains, caissons, etc. ?

Enfin, nos canons en acier sont ils achetés à l'étranger ou fabriqués dans nos établissements en totalité, ou bien achevés, après y avoir été reçus seulement ébauchés ?

Vous voyez, messieurs, combien les comptes qu'un ministre rend à la Chambre en exécution de la loi sont satisfaisants ; leur examen devrait suffire, à lui seul, pour faire rejeter la demande de prolongation de crédit qui vous est soumise, car il se résume pour moi, et sans doute pour vous aussi, en un point d'interrogation.

Mais je vais avoir l'honneur de présenter quelques considérations à la Chambre pour lui prouver davantage encore le bien fondé de mon opinion.

Depuis bien des années, messieurs, la Chambre met à la disposition du département de la guerre de très fortes sommes dont il dispose suivant son bon plaisir, car il change comme il l'entend la destination de ces fonds.

C'est ainsi que les crédits destinés en 1855 à la réédification du fort Philippe sur l'Escaut, ont dû être employés à un autre objet, puisque ce fort n'a pas été relevé et que les crédit accordé n'était disponible que jusqu'en 1858...

C'est ainsi que l'on dépense au fort Sainte-Marie des sommes beaucoup plus considérables que celles qui ont été pétitionnées. Une dernière adjudication pour travaux à y exécuter s'élève à la modique somme de 440,000 fr. ; le Moniteur du 9 décembre 1865, p. 6314, annonce que ces travaux ont pour but d'améliorer les ouvrages de défense. Sur quel crédit cette somme est-elle prise ?

C'est ainsi encore que, pour la place de Termonde, on annonce des adjudications pour de fortes sommes :

En 1864 c'est 20,000 fr. (Moniteur du 15 décembre, p. 5953) ; en 1865 c'est 151,672 fr., dont 129,000 pour compléter le système défensif de la place ; voilà, si je ne me trompe, la deuxième ou la troisième fois que l'on complète la défense de Termonde, et probablement ce ne sera pas la dernière.

Je pourrais multiplier beaucoup de pareilles citations ; pour le moment, je m'en tiendrai à celles-ci.

Il est urgent, messieurs, de ramener le département de la guerre dans une voie qu'il n'aurait jamais dû quitter et de lui faire pratiquer les principes que M. le ministre des travaux publics émettait il y a quelques jours, dans cette enceinte, lorsqu'il adressait à la Chambre les paroles suivantes ;

« Je n'ai pai le droit d'affecter à un autre but les fonds votés par la Chambre dans un but déterminé. » (Annales parlementaires, séance du 2 février, page 323, 2ème colonne.)

Il est plus que temps de faire cesser un état de choses si contraire aux exigences d'un gouvernement représentatif ; il est plus que temps de faire connaître au pays l'emploi des sommes qu'il verse au trésor, si l'on ne veut perdre sa confiance et l'amener à refuser de souscrire à de nouveaux sacrifices dans des circonstances qui les exigeraient impérieusement.

Pour en revenir à l'objet qui nous occupe plus spécialement aujourd'hui, le crédit alloué pour la transformation de l'artillerie, il me paraît que la Chambre, loin de donner un vote approbatif au projet de loi qui lui est présenté et qui a pour but de rendre disponible, jusqu'en 1868 inclus, le restant des 14 millions, doit regarder comme une bonne fortune d'avoir l'occasion de contrôler les opérations du département de la guerre et d'avoir acquis le moyen d'utiliser d'une manière fructueuse les débris de ce que j'appellerai, jusqu'à preuve du contraire, un grand naufrage des deniers publics.

Pour arriver à ce résultat, il me paraît indispensable que la Chambre réclame les pièces suivantes et prenne le temps nécessaire pour les examiner sérieusement :

1" Un rapport exact et détaillé de tout le matériel de l'artillerie fait jusqu'à ce jour, affûts en bois et en fer, et distingués par calibre ; bouches à feu en bronze, en fonte, en acier, distinguées par calibre, mentionnant celles qui sont neuves ou seulement transformées ; celles qui sont fabriquées entièrement dans le pays ; celles qui ont été livrées par les fabriques étrangères, achevées ou seulement ébauchées ;

2" Les sommes dépensées annuellement :

a. Pour la fabrication du matériel ;

b. Pour achats à l'étranger soit de matière première, soit de pièces ébauchées ou entièrement confectionnées ;

c. Pour les expériences exécutées ;

3° Enfin un projet motivé, accompagné d'un devis estimatif détaillé, renseignant ce que le département de la guerre compte faire pour l'armement des forts de l'Escaut.

J'espère, messieurs, que le département de la guerre ne se refusera plus à faire connaître ses projets, sous prétexte de secret d'Etat, cet argument étant coté à sa juste valeur et ne pouvant plus servir, aujourd'hui, qu'à soustraire à la critique des projets mal conçus dont les auteurs craignent d'assumer la responsabilité.

Je vais, messieurs, justifier à vos yeux, je l'espère du moins, le peu de confiance que m'inspirent les travaux du département de la guerre. L'exposé des motifs du projet de loi qui nous occupe parle d'études préalables, d'expériences de toute espèce d'une longue durée ; et cependant M. le ministre de la guerre disait à la section centrale : Les petits pays comme le nôtre doivent se borner à profiter des expériences faites ailleurs et à constater ce qui a été trouvé de meilleur dans les grands pays, et en même temps, à rechercher s'ils possèdent des machines et les métaux nécessaires pour pouvoir fabriquer les nouveaux engins de guerre. (discours de M. de Gottal, Annales parlementaires 1860-61, séance du 9 avril, page 1021).

M. le ministre de la guerre le disait lui-même dans les séances des 11 et 12 avril (Annales parlementaires, page 1048, 2ème colonne, 7ème alinéa, et p. 1078, 10ème alinéa).

Et dans l'exposé des motifs présenté à la Chambre, le 17 janvier 1861, M. le ministre s'exprime ainsi :

« Ces études et ces expériences ont produit leurs fruits. Les officiers qui s'en sont occupés ont aujourd'hui la confiance de pouvoir établir un système de bouches à feu qui réponde à toutes les exigences de la guerre et qui place notre artillerie au niveau des plus avancées. » (Annales parlementaires, documents p. 393, première col., 6ème alinéa.)

Cet exposé des motifs, qui est fort instructif et mérite d'être l'objet de vos méditations, est une longue paraphrase des lignes qui précèdent ; je n'en citerai plus que le passage suivant, pour ne pas abuser des moments de la Chambre :

« Le gouvernement les présente (les explications qui précèdent) avec confiance, persuadé qu'il a suivi la seule voie convenable pour arriver promptement et sûrement au résultat désiré.

« Il n'a pas voulu s'exposer à des mécomptes en devançant les faits par des résolutions prématurées. Son rôle s'est borné à suivre attentivement les progrès qui se sont accomplis autour de nous, et à prescrire lui-même toutes les expériences nécessaires pour l'éclairer, ajournant sa conclusion jusqu'au jour où il lui serait permis de présenter aux Chambres et au pays un système complet et définitif. Ce jour est enfin arrivé. (17 janvier 1861.)

« Attendre les effets des nouveaux progrès avant de toucher à notre artillerie, déjà si insuffisante, ce ne serait plus de la prudence, ce serait une erreur et une faute. Il est possible, sans doute, que de nouveaux perfectionnements soient introduits dans la construction des bouches à feu rayées ; mais, dès à présent, les résultats obtenus sont si remarquables, qu'il est difficile de concevoir un canon plus efficace que ceux dont quelques puissances ont définitivement résolu l'adoption. » (Page 394, 2ème col., 4ème alinéa.)

M. le ministre proposait donc un système tout fait, la bienveillance d'un gouvernement étranger l'avait mis à même d'épargner à sa patrie d'adoption des dépenses considérables et un temps précieux ; il confirme ces assertions dans la séance du 12 avril en s'étendant avec complaisance sur les effets prodigieusement destructeurs d'une pièce de 24 et d'une pièce de 12 essayées dans la plaine de Tegel, près de Berlin.

(page 412) Voici comment s'est exprimé M. le ministre ; je citerai ses propres paroles en ajoutant que l'on fait chose utile et curieuse en même temps en relisant les débats auxquels s'est livrée la Chambre à propos de la présentai on de la loi du 8 mai 1861.

« Tels sont, disait M. le ministre en parlant des expérience de Juliers, les résultats qu'on a constatés et méconnus et qui sont cependant bien remarquables et bien concluants.

« Mais ces expériences de Juliers ne sont pas les seules auxquelles nos officiers ont pu assister. Ils ont assisté à d'autres expériences dont je crois pouvoir vous parler maintenant, car je viens d'en voir la relation dans plusieurs journaux étrangers et même dans des journaux français ; ces expériences ont constaté le succès complet du système que nous avons adopté.

« Elles ont eu lieu dans la plaine de Tegel, vaste polygone aux environs de Berlin et avaient pour but de s'assurer de la force de pénétration des projectiles. On a construit deux flancs de frégate en poutres de chêne massif de 42 centimètres d'épaisseur et soutenues par des montants de 30 centimètres d'équarrissage ; la totalité de la muraille était donc de 1 mètre 26 centimètres d'épaisseur de chêne massif, sans compter les montants. (Je cite textuellement, messieurs, en vous prévenant que je crois le texte des Annales incomplet ici, car l'épaisseur de 1 m. 26 c. attribuée à la muraille, sans les montants, ne s'obtient qu'en prenant trois rangées de poutres de 42 centimètres d'équarrissage.)

« On a essayé à plusieurs distances ces pièces de 24 en fonte dont j'ai parlé ; je ne rapporterai pas toutes les expériences, je parlerai seulement des principales.

« On a tiré à la distance de 5 mille pas (3,750 mètres), c'est-à dire à peu près une lieue de France et l'obus chargé de 24 a traversé du premier coup le bordage de la frégate et a lancé des éclats de poutre de 75 a 80 kilog. à neuf pas de distance.

« Tous les officiers y compris ceux de la marine, qui étaient présents, ont reconnu qu'un navire qui recevrait un pareil coup dans sa coque serait mis hors de combat, et que s'il était atteint dans sa flottaison, il serait en danger de sombrer.

« Voilà ce qu'a produit le canon en fonte de 24.

« On a voulu voir ce que produirait le canon de 12 ; et, chose surprenante, à la même distance cette pièce a envoyé son projectile dans le flanc de la frégate. L'obus a pénétré à 2 pieds (62 centimètres), a déchiré les poutres intérieures, et l'une d'elles a été lancée avec une telle violence que les morceaux en ont pénétré à plusieurs centimètres de profondeur dans le 2ème flanc.

« Voilà l'effet de l'obus à 5,000 pas.

« Mes paroles vont être recueillies par la presse, elles pourront être contrôlées par les autorités militaires de toutes les puissances qui assistaient à ces expériences, car il y avait des sommités de l'Angleterre, de l'Autriche, de la Russie et des divers Etats de la confédération germanique.

« Par respect pour moi-même, par respect pour le gouvernement, tout ce que je dis ici doit être authentique.

« Après ces expériences avec les pièces de 12 on a voulu savoir ce que produisaient les pièces de 6. On a tiré avec ces pièces à 5 mille pas contre la frégate ; le projectile a pénétré dans la muraille à un pied sept pouces ; et, en éclatant, il a brisé les poutres intérieures. Voilà les faits. On ne peut citer nulle part des canons produisant des effets semblables.

« Enfin (cl ceci, messieurs, s'applique plus particulièrement à l'objet de notre discussion), enfin, on a voulu voir l'effet qu'on obtiendrait sur une frégate cuirassée. Le gouvernement prussien a fait construire des plaques d'armature de la plus grande force, employées en Angleterre, pour les grands navires de guerre. Ces plaques de fer battu, de 4 pouces et demi d'épaisseur, n'avaient qu'un pied de largeur. J'appelle votre attention sur ce point, parce que j'aurai à y revenir.

« Messieurs, c'est d'un cuirassement pareil qu'est muni le Warrior, un des plus grands navires de guerre cuirassés anglais. Les navires de guerre français n'avaient que des plaques de 3 à 4 pouces d'épaisseur. Aujourd'hui on les cuirasse avec des plaques plus épaisses, mais qui ne dépassent pas l'épaisseur de celles qu'on vient d'essayer à Tegel.

« Le tir avait encore lieu avec les deux canons en fonte dont je viens de parier. On a tiré quatre coups à 625 pas, près de 500 mètres. L'effet a été énorme.

« Les plaques ont été brisées et arrachées ; le bordage a été enfoncé et brisé dans toute son épaisseur. Ce résultat a été aussi beau et aussi extraordinaire que celui que l'on a obtenu en Angleterre avec le canon Withworth de 68 tirant seulement à 365 mètres.

« Ainsi à 300 mètres, on a obtenu avec le canon de 24 en fonte le résultat que l'on avait obtenu avec le calibre de 68 tirant à 365 mètres.

« Les officiers d'artillerie présents ont tous constaté que si la frégate n'avait pas été cuirassée, elle aurait peut-être moins souffert, et cela se conçoit ; le projectile, frappant contre le cuirassement en fer, chasse les plaques dans le flanc de la frégate, qui se trouve entièrement démoli.

« On a continué, messieurs, ce tir à 1250 pas, près de mille mètres. Un seul coup brisa les plaques avec une telle violence que leur fracture entraîna celle du bordage entier dans toute son épaisseur.

« Enfin on a tiré à 2500 pas et l'on a obtenu à peu près les mêmes résultats. »

« A cette distance, les effets ont été formidables, d'énormes fragments de poutres ont été lancés derrière la frégate. »

Puisqu'il en est ainsi, messieurs, je ne vois aucunement l'utilité de se livrer à de nouvelles expériences, d'autant moins que celles qui ont été entreprises et dont j'ai eu l'honneur de vous parler déjà dans une autre séance, n'ont produit, à cause de l'absence de tout programme longuement débattu par un comité sérieux d'officiers d'artillerie, à cause de leur décousu, et des variations fréquentes dans les résolutions, n'ont produit, dis-je, qu'un résultat négatif et propre à ôter toute la confiance que les officiers de l'arme devraient avoir dans ceux qui les dirigent.

Je termine, messieurs, en faisant la proposition suivante :

Les comptes des dépenses faites pour la transformation de notre artillerie, en vertu de la loi du 8 mai 1861, seront arrêtés à la date du 19 janvier de la présente année.

. Le restant, non engagé, du crédit, porté dans le rapport de la section centrale à 2,285,670 francs, ne sera mis à la disposition du département de la guerre que lorsque ce département aura soumis à la législature un projet détaillé, appuyé d'un devis estimatif, sur l'armement qu'il compte faire construire pour assurer la défense des passes de l'Escaut, et que ce projet aura été approuvé par elle.

Je crois superflu, messieurs, de m'étendre davantage sur l'utilité de la proposition que j'ai l'honneur de soumettre à la Chambre. Je ne préviendrai qu'une seule objection qui a été formulée dans la section dont je faisais partie. Si l'on rejette, disait-on, le projet de loi, nous n'aurons qu'un système incomplet. Il n'en est rien, messieurs, et c'est précisément le contraire qu'il faut croire, car l'adoption de ma proposition obligerait le département de la guerre à mûrir ses projets avant de les présenter et l'empêcherait de dépenser encore, en pure perte, une partie considérable de ce qui reste du crédit accordé en 1861, crédit qui, bien administré, aurait dû suffire à renouveler trois fois toute notre artillerie.

M. A. Vandenpeereboom, ministre de l’intérieur (chargé par intérim du département de la guerre)µ. - Messieurs, si j'ai dit, dans une des dernières séances, que la Chambre n'avait pas le droit de discuter le projet de loi et même de le rejeter, ma parole est allée au delà de ma pensée.

Je suis parfaitement d'accord avec l'honorable M. Hayez pour reconnaître que la Chambre peut toujours, lorsqu'un projet lui est soumis, ne pas le voter. Mais j'ai voulu dire, et je répète, que le système à adopter n'est plus en question.

En 1861, de longs débats à ce sujet ont occupé le Parlement. Alors les divers systèmes d'artillerie ont été examinés ; l'un de ces systèmes a paru le meilleur, des crédits pour le mettre en pratique ont été volés par les Chambres et le gouvernement a mis la main à l'œuvre.

Au fond donc la question est résolue. Il s'agit uniquement aujourd'hui de savoir si le délai accordé pour dépenser le crédit sera prorogé. En d'autres termes, il s'agit d'une simple question de comptabilité, rien de plus.

Mais, dit l'honorable membre : « Nous avons le droit d'examiner si le gouvernement a bien ou mal employé les fonds votés. » Evidemment vous avez ce droit ; et vous venez d'en user assez longuement sans que personne s'en soit plaint.

Je ne suivrai pas l'honorable membre dans les longs développements qu'il vient de lire ; ma parole, en cette matière, aurait peu d'autorité. D'ailleurs, je ferai remarquer que le général Chazal, dans d'autres circonstances, a déjà victorieusement réfuté tontes les observations que M. Hayez vient de reproduire.

La Chambre comprendra que le gouvernement ne peut fournir les renseignements que demande l'honorable député d'Anvers ; il peut les fournir d'autant moins, que M. Hayez en demanderait immédiatement la publication dans les documents officiels ; or, aucun gouvernement ne peut publier l'inventaire, si je puis parler ainsi, du matériel de ses arsenaux et des munitions qu'il a en magasin.

Quant au fond de la question, je puis rassurer l'honorable M. Hayez (page 413) et la Chambre ; le système belge a été approuvé par tous les officiers belges et étrangers les plus compétents qui l'ont étudié.

M. Coomansµ. - La France n'en veut pas.

M. A. Vandenpeereboom, ministre de l’intérieur (chargé par intérim du département de la guerre)µ. - C'est une question, la France examine et ne s'est pas prononcée que je sache.

Tous les officiers donc qui ont examiné notre système, ont reconnu qu'il était bon. C'est là un fait hors de doute, et si le gouvernement avait un choix a faire, après les nombreuses expériences qui ont été réalisées partout, c'est encore au système qui a été adopté qu'il donnerait la préférence aujourd'hui.

Du reste, messieurs, le système belge se rapproche beaucoup du système prussien et, dans la guerre du Schleswig le système prussien a parfaitement fait ses preuves. Il suffit d'ailleurs, même pour un profane en pareille matière, d'avoir assisté aux expériences faites au camp de Brasschaeltpour reconnaître que les canons rayés ont une portée très grande et une justesse de tir étonnante. Si M. Hayez en doutait, je pourrais lui conseiller d'en faire l'épreuve en se plaçant devant une de ces pièces, à la distance de 1800 mètres. Mais je suis trop bon collègue, pour lui donner pareil conseil ; M. Hayez serait d'ailleurs, je le crois, trop convaincu de la supériorité de notre système pour pouvoir venir rendre compte ici de la triste expérience qu'il en aurait faite à ses dépens.

M. Hayezµ. - Messieurs, je crois que la discussion est sérieuse et je ne répondrai pas à la plaisanterie par laquelle l'honorable ministre a terminé son discours.

Je n'entrerai pas non plus dans une discussion sur la bonté de notre système d'artillerie. Je regrette seulement que l'approbation de ce système vienne plutôt de l'étranger que de la majorité des officiers de notre armée.

Je désire sincèrement, et cela vous prouve combien je mets peu d'amour-propre dans la question qui nous occupe, je désire sincèrement me tromper ; je désire arriver à être convaincu que notre artillerie est la meilleure du monde et que les sommes dépensées pour sa transformation ne sont pas perdues ou à peu près. Mais des affirmations ne suffisent pas pour me donner cette conviction, alors surtout qu'elles viennent d'officiers étrangers. Il en est de même des fortifications d'Anvers.

Les étrangers qui les ont visitées les trouvent admirables, dit-on, et ici je répéterai ce que j'ai déjà dit une fois : c'est qu'il est déplorable que nous, Belges, qui pouvons être tous plus ou moins appelés à défendre ces fortifications, nous ayons besoin d'une permission pour les visiter, tandis qu'il suffit d'être étranger pour être piloté partout par des officiers attachés au département de la guerre. A ces visiteurs étrangers on explique les choses comme on l'entend, et ils sont trop polis pour faire des observations qui pourraient déplaire.

Quant aux cachotteries par trop à la mode dans notre pays, elles tombent réellement dans le burlesque.

Voici ce qui arrivait à la citadelle du sud d'Anvers, il y a quelques années : on y construisait des bâtiments, auxquels chaque jour on employait 200 ou 300 ouvriers ou contre-maîtres. Ils avaient leurs entrées et leurs sorties parfaitement libres ; mais s'il se présentait un bourgeois, qui avait la maladresse de ne pas paraître ouvrier, on lui interdisait l'entrée en lui disant qu'il fallait une permission de M. le ministre de la guerre.

S'il y a des choses que le département de la guerre croit ne pas devoir divulguer, il en est d'autres cependant qu'il ne peut avoir aucun intérêt à cacher ; ainsi le prix de la pièce d'artillerie, sa provenance, ce sont là des choses qui intéressent le pays et dont la révélation ne peut compromettre sa sûreté.

M. Coomansµ. - A en croire l'honorable ministre de la guerre ad intérim, il n'y a qu'un point de comptabilité à régler par le projet de loi.

Messieurs, c'est facile à dire, surtout pour avoir un prétexte de ne pas répondre aux observations si intéressantes faites par l'honorable M. Hayez, mais cette affirmation n'est pas exacte.

il y a autre chose qu'un point de comptabilité. A moins que l'honorable ministre de la guerre ad intérim, au nom du ministre de la guerre effectif qui ne l'est guère, ne vise à l'infaillibilité, il doit reconnaître qu'il est possible, qu'il est presque vraisemblable que l'artillerie a fait des progrès depuis trois ans et en conséquence qu'il y aurait un certain intérêt à avoir des explications officielles sur l'emploi des millions que nous avons votés, c'est-à-dire que vous avez votés.

Si je suis porté à croire que depuis que ce crédit a été voté l'artillerie a fait des progrès comme toutes choses, j'ai, pour le supposer, une raison d’expérience.

En 1859, lorsque nous votâmes, lorsque vous votâtes, les fortifications d'Anvers, l'honorable ministre de la guerre, qui n'était guère moins instruit alors qu'il ne l'est aujourd'hui, nous déclara itérativement que nous n'aurions pas un sou à lui donner pour la transformation de notre artillerie, attendu que cette transformation s'opérait parfaitement moyennant une somme de 5 à 6 francs au maximum par pièce d'artillerie.

C'était la conviction de l'honorable ministre à la fin de 1859.

Or, dès l'année suivante, on venait vous demander 15 millions pour transformer notre artillerie.

Moi qui croyais encore un peu à la quasi-infaillibilité de M. le ministre de la guerre, quand il est venu demander les 15 millions pour des canons rayés, j'ai fait immédiatement un calcul de division à 6 francs et j'ai trouvé que nous allions avoir 2 1/2 millions de canons, ce qui me paraissait beaucoup pour un pays condamné aux bienfaits de la neutralité perpétuelle. Mais non, on rectifia immédiatement mes calculs et l'on me dit que toutes les affirmations de l'automne précédent étaient inexactes et que l'on ne pourrait transformer l'artillerie à moins de 15 millions.

Comme il est possible que nous sauvions encore du naufrage les 2 1/2 millions inscrits au projet de loi, je ne sais pas pourquoi l'honorable M. Vandenpeereboom s'oppose à répondre aux demandes de renseignements faites par l'honorable M. Hayez et pourquoi il ne consent pas à ajourner de quelques semaines le vote qu'il nous demande aujourd'hui.

Il n'y a pas péril en la demeure. Nous n'avons pas un impérieux besoin de tous les canons qui restent à construire puisqu'ils n'ont pas été construits jusqu'ici.

Mais, dit l'honorable ministre de la guerre ad intérim, ma parole en cette matière n'exercerait aucune autorité dans la Chambre.

C'est beaucoup de modestie, mais supposons que cela soit vrai. Pourquoi M. le ministre qui affirme lui-même avoir tant besoin d'un lieutenant n'en place-t-il pas un à ses côtés ?

Pourquoi ne se renforce-t-il pas d'un commissaire royal, d'un homme compétent ?

Je trouve que c'est manquer de respect à la Chambre. (Interruption.)

M. Delaetµ. - Certainement.

M. Coomansµ. - Chacun entend les choses à sa manière. Je trouve que le gouvernement manque de respect à la Chambre en lui proposant de voter sur une chose qu'elle ne connaît pas, alors qu'il refuse de répondre aux questions qui lui sont posées et cela sous prétexte que les hommes qui formulent ces questions n'entendent rien à la chose.

M. Vilain XIIIIµ. - Cela ne peut continuer.

M. Coomansµ. - L’honorable M. Vilain XIIII dit que cela ne peut continuer. Je le désire, mais cela continue et je ne vois pas quand cela finira.

Je voudrais bien voir aujourd'hui à côté de l'honorable ministre le lieutenant désiré, ne fût-ce que pour avoir l'air de discuter un peu parlementairement...

M. A. Vandenpeereboom, ministre de l’intérieur (chargé par intérim du département de la guerre)µ. - L’air...

M. Coomansµ. - Oui, car nous n'en avons pas même l'air en ce moment.

M. Delaetµ. - Il faut au moins sauver les apparences.

M. Coomansµ. - J'espère que l'honorable ministre, lors du prochain examen du budget de la guerre, voudra bien nous faire l'honneur de nous faire entendre une parole qui a quelque autorité, car enfin il serait par trop fort d'escamoter encore la discussion du budget de la guerre comme on escamote aujourd'hui les 2 millions pour les wahrendorff, sous prétexte qu'on n'est pas homme compétent.

J'appuie donc la proposition de M, Hayez, et je profite de la circonstance pour prier le gouvernement de faire asseoir un homme spécial au banc des ministres.

M. A. Vandenpeereboom, ministre de l’intérieur (chargé par intérim du département de la guerre)µ. - Un seul mot. Je ne puis laisser passer une expression dont vient de se servir l'honorable préopinant. Le gouvernement ne veut rien escamoter. Si dans cette circonstance je ne discute pas le fond de la question, c 'est parce que le général Chazal l'a discuté déjà en temps utile. Personne d'ailleurs ici ne désire remettre en discussion une question qui est résolue depuis 1861 ; tout a été longuement examiné alors.

Messieurs, je l'avoue, je n'ai pas pensé un instant, ni vous non plus, que ce projet put. rencontrer la moindre opposition dans cette enceinte, car il s'agit d'une simple question de comptabilité.

Du reste, je prie M. Coomans de croire que je ne suis pas ambitieux, (page 414) je ne désire aucunement conserver deux portefeuilles, celui de l'intérieur et celui de la guerre.

Voilà huit mois que je suis chargé de ce dernier, et l'honorable membre peut être assuré qu'il me pèse lourdement et que je ne le garderai pas une minute de plus qu'il ne le faudra absolument.

Je ne puis que m'opposer à l'ajournement. Des engagements sont et doivent être pris, et depuis le 1er janvier on ne peut plus rien faire, on ne pourrait liquider aucune dépense. Si la Chambre ne vote pas maintenant le crédit qui lui est demandé, il sera impossible de continuer les travaux commencés. C'est pourquoi je demande que la Chambre n'adopte pas la proposition de M. Hayez.

M. Delaetµ. - C'est impossible !

M. Hayezµ. - Je crois que M. le ministre est dans l'erreur. Si l’on a fait de nouvelles dépenses depuis le 1er janvier de cette année, on les a faites illégalement.

M. A. Vandenpeereboom, ministre de l’intérieur (chargé par intérim du département de la guerre)µ. - On n'en a pas fait.

M. Hayezµ. - J'avais compris que depuis le 1er janvier de nouveaux engagements avaient été pris. Il n'en pouvait être ainsi, puisque je lis dans le rapport de la section centrale « qu'il reste, après liquidation des fournitures faites et les réserves pour les engagements pris, une somme de 2,285,670 fr. parfaitement disponible.

La Chambre peut donc, sans le moindre inconvénient, retarder le vote du projet qui lui est soumis.

- La discussion est close.

Discussion des articles

MpVµ. - Je vais d'abord mettre aux voix la proposition d'ajournement ; elle est ainsi conçue :

« Les comptes des dépenses faites pour la transformation de notre artillerie, en vertu de la loi du 8 mai 1861, seront arrêtés à la date du 19 janvier de la présente année.

« Le restant non engagé du crédit, porté dans le rapport de la section centrale à 2,285,670 fr., ne sera mis à la disposition du département de la guerre que lorsque, ce département aura soumis à la législature un rapport détaillé appuyé d'un devis estimatif, sur l'armement qu'il compte faire construire pour assurer la défense des passes de l'Escaut, et que ce projet aura été approuvé par elle. »

- Cette proposition est mise aux voix par assis et levé et n'est pas adoptée.

Articles 1 à 3

« Art. 1er. Le crédit de 14,461,170 francs, alloué par la loi du 8 mai 1861 pour la transformation du matériel de l'artillerie, restera disponible pendant les exercices 1866, 1867 et 1868, et sa répartition entre ces divers exercices se fera par arrêtés royaux. »

- Adopté.


« Art. 2. II sera rendu, chaque année, à la législature, un compte détaillé de l'emploi des fonds compris dans la présente loi, lors de la présentation du budget de la guerre. »

- Adopté.


« Art. 3. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble.

72 membres y prennent part.

54 membres répondent oui.

18 membres réponde non.

En conséquence, la Chambre adopte ; le projet sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui :

MM. Guillery, Hymans, J. Jouret, M. Jouret, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Nothomb, Orban, Orts, Rogier, Tack, Tesch, Thonissen, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Overloop, Vleminckx, Warocqué, Allard, Ansiau, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Couvreur, Crombez, C. De Bast, de Florisone, De Fré, de Haerne, de Kerchove, de Liedekerke, de Macar, de Mérode, de Moor, de Rongé, de Ruddere de te Lokeren, de Terbecq, de Theux, Dewandre, Dupont, Elias, Frère-Orban, Funck et Ernest Vandenpeereboom.

Ont répondu non :

MM. Grosfils, Hayez, Jacobs, Landeloos, Reynaert, Rodenbach, Royer de Behr, Thienpont, Vander Donckt, Van Renynghe, Vilain XIIII, Wasseige, Beeckman, Coomans, P. Debaets, Delaet, de Muelenaere, de Smedt.

- Des voix. - A demain !

- La séance est levée à 4 heures et demie.