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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 22 mars 1866

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboomµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 543) M. Thienpont, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 1/4 heures.

M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpontµ présente l’analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Molenbeek-Saint-Jean demandent que le droit de suffrage pour les élections communales et provinciales soit accordé à tous ceux qui savent lire et écrire. »

« Même demande d'habitants de Bruxelles. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi qui porte une modification aux lois communale et provinciale.


« Des habitants d'Anvers demandent que le droit de suffrage dans les élections soit accordé à tout citoyen sachant lire et écrire. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Bruxelles demandent le suffrage universel pour les élections communales et provinciales. »

- Même renvoi.


« Le sieur Delatte-Jaspar, teinturier-apprêteur, demande la suppression du droit dont la loi sur les patentes frappe les cuves du teinturier en bleu. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« Les instituteurs du canton de Quevaucamps présentent des observations relatives au projet de loi sur la réforme électorale et demandent que le droit de suffrage soit accordé à tous les chefs d'institutions communales. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la réforme électorale.


« Des artistes musiciens à Bruxelles demandent que les artistes musiciens de l'armée reçoivent une solde en rapport avec leur existence, et qu'il leur soit interdit d'entreprendre des bals. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Louvain proposent des réformes comme bases de la loi électorale soumise à la Chambre. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la réforme électorale.


« Des détenus pour dettes demandent l'abolition de la loi sur la contrainte par corps. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Van Biesebroeck demande la révision du code de procédure civile. »

- Même renvoi.


« Par message du 21 mars, le Sénat informe la Chambre que, dans sa séance du même jour, il a adopté le budget du ministère des travaux publics pour l'exercice 1866. »

- Pris pour notification.


« M. le directeur de la Banque de Belgique adresse à la Chambre 120 exemplaires du compte rendu des opérations de cet établissement pendant l'exercice 1865. »

- Distribution aux membres de la Chambre, et dépôt à la bibliothèque.


« M. David, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.

Projet de loi modifiant le nombre et la répartition des représentants et des sénateurs

Discussion générale

MiVDPBµ. - Messieurs, à la fin de la séance d'hier, l'honorable M. Orts a demandé que la Chambre voulût d'abord examiner isolément l'amendement présenté par l'honorable M. Kervyn. Je me rallie à cette proposition. Je crois, en effet, qu'il serait bon de discuter immédiatement le système présenté par l'honorable député d'Eccloo et de prendre une décision.

La Chambre aura remarqué que la proposition de l'honorable membre n'est pas, à proprement parler, un amendement à la proposition de la section centrale ; c'est un système entièrement nouveau, dont l'adoption entraînerait le rejet de la loi proposée et nécessairement l'ajournement de la mesure ayant pour objet l'augmentation du nombre des sénateurs et des représentants.

Il serait impossible, en effet, de fixer hic et nunc, et même dans un bref délai, quelles seraient les limites des circonscriptions des 124 collèges électoraux nouveaux, car vous auriez pour le moment déjà 124 collèges électoraux à créer.

Je crois donc que, quant à présent, il suffit de s'occuper de la proposition de l'honorable M. Kervyn, et je ne m'occuperai pas d'autre chose.

I/honorable rapporteur de la section centrale a demandé si le gouvernement se ralliait à cette proposition. Je n'hésite pas à répondre négativement.

Messieurs, la question soulevée n'est pas neuve. Elle a déjà été débattue dans cette enceinte et dans des conseils provinciaux, et la Chambre a été saisie de nombreuses pétitions en faveur de ce système ; mais je le constate, il n'a trouvé jusqu'ici que très peu d'adhérents dans nos Chambres législatives.

Ce système, dont j'aurai l'honneur de signaler les inconvénients à l'assemblée, a été expérimenté dans un pays voisin, à une époque où le suffrage universel n'y avait pas encore été admis, et cette expérience n'a pas été heureuse.

On a en effet constaté de nombreux abus, résultant de l'application de ce fractionnement ; ainsi on a reconnu que les députés élus par des collèges restreints étaient exposés à pouvoir rester moins indépendants de leurs électeurs que ceux qui sont élus par des collèges nombreux.

M. Coomansµ. - C'est très inexact.

M. Bouvierµ. - C'est très exact.

MiVDPBµ. - Je le prouverai tout à l'heure.

On a remarqué en outre que la pression électorale s'exerçait plus facilement sur les électeurs des petits arrondissements et que la corruption surtout y était plus aisée ; on y a remarqué enfin que les élus des petits collèges sont obligés, malgré eux, de se faire très souvent plus les défenseurs des intérêts locaux que les défenseurs de l'intérêt général.

Messieurs, l'honorable M. Coomans, qui m'interrompait il y a un instant, prétend que l'indépendance des députés est plus grande lorsqu'ils sont élus par un petit nombre que lorsqu'ils le sont par un grand nombre d'électeurs ; cela est inadmissible.

En effet, pour obtenir la majorité dans un petit collège, il faut nécessairement satisfaire aux vœux, et je dirai même dans certains cas, à la volonté des personnages influents de ce district.

Ces personnes, préoccupées d'intérêts locaux et quelquefois de leurs intérêts privés, exercent sur l'élu une pression dont il lui est très souvent difficile de se défendre.

Il faut, messieurs, tenir compte de la faiblesse humaine. Tous les représentants ne sont pas des héros comme l'honorable M. Coomans, tous n'ont pas le courage de ne tenir aucun compte des vœux et parfois des volontés de leurs électeurs. Plus le nombre des électeurs est restreint, plus on est entraîné à subir ces influences, et il est à remarquer que les électeurs de ces petits arrondissements sont parfois exigeants, et que très souvent l'élu s'expose à ne pas voir renouveler son mandat, s'il n'a pas déféré aux vœux et aux désirs de certains électeurs, et surtout des électeurs influents de ces localités.

Du reste, je ne constate pas ce qui se passe en Belgique, je parle de ce qu'on a remarqué dans des pays voisins.

J'ai dit, en second lieu, que la pression sur un petit corps électoral s'exerce plus facilement et que la corruption pourrait y être pratiquée bien plus facilement que dans un arrondissement populeux. Il est évident, en effet, que dans un arrondissement où chacun se connaît, où l'on connaît pour ainsi dire les familles de chaque électeur, le candidat peut agir beaucoup plus efficacement sur l'électeur lui-même, soit d'une (page 544) manière directe, soit par personne interposée, et que la corruption, dans les pays où corruption il y a, est beaucoup plus facile. Il est certain qu'il est beaucoup plus aisé de corrompre deux ou trois cents électeurs, formant la majorité, par promesses ou par argent, que de corrompre 2,000 à 3,000 électeurs, par exemple, dans un grand collège électoral.

Voilà pour l'indépendance des représentants et pour la possibilité de la pression et la facilité de la corruption.

Quant aux intérêts locaux, je demanderai à la Chambre quel est le meilleur moyen d'exercer une pression sur le corps électoral, si ce n'est celui de favoriser, autant que possible, les intérêts locaux. Là, tout le monde est attentif à ce que dit le député, lorsqu'il s'agit de l'intérêt de la commune ou de l'arrondissement qu'il défend, tandis qu'on s'inquiète rarement de ce que dit le député à la Chambre, lorsqu'il ne parle que de l'intérêt général.

Messieurs, loin de moi la pensée de dire que le député ne doit pas défendre les intérêts de la localité où il est élu, et ces intérêts sont sans doute respectables, mais il est constant aussi que ces intérêts, quelque respectables qu'ils soient, doivent céder devant l'intérêt général.

Or, dans les petits arrondissements, il arrive souvent que des électeurs influents ne comprennent pas cette vérité, et que l'élu (je parle toujours d'un pays voisin), en présence d'une mort politique, presque inévitable, au jour de l'élection, mettra quelquefois une sourdine à la voix de sa conscience, afin de s'assurer l'existence.

Il s'ensuit que l'élu d'une petite localité est, dans certaines circonstances, inévitablement, forcément plutôt le défenseur des intérêts locaux que le défenseur des intérêts généraux.

Ainsi donc, messieurs, dans les petits arrondissements, l’indépendance de l'élu est plus restreinte, et je ne puis admettre avec l'honorable M. Kervyn de Lettenhove que, par contre, dans ces arrondissements l'indépendance de l'électeur soit plus grande. En effet, comme je vous l'ai dit il y a un instant, la pression à exercer sur le corps électoral étant plus facile, l'électeur sera moins indépendant et j'ajouterai que la surveillance de l'électeur, là où on veut l'exercer et que le contrôle du vote sont infiniment plus aisés dans un petit arrondissement que dans un grand ; on constatera beaucoup mieux comment tel ou tel a voté, quand il n'y a que 300 ou 400 électeurs que quand il y en a 3,000 ou 4,000.

Je puis admettre moins encore avec l'honorable M. Kervyn qu'il serait bon et utile, on créant un grand nombre de petites circonscriptions électorales, de nous rapprocher du système communal qui est dans nos souvenirs. Ce système est une réminiscence d'une autre époque : anciennement aux états généraux ou provinciaux, les communes, les châtellenies, etc., étaient représentées par des députés qui avaient pour mandat impératif de défendre les intérêts des corps qui les envoyaient aux assemblées ; aujourd'hui, il n'en est plus ainsi, l'organisation politique du pays n'est plus la même ; chaque province avait alors son autonomie, ses privilèges, ses droits et son individualité ; aujourd'hui nous avons le bonheur d'être une nation dont les provinces ne forment que des parties et c'est pour cela que la Constitution, réagissant contre l'ancien système, a déclaré que les membres des deux Chambres représentant la nation et non la province ou la fraction de province qui les a élus.

L'honorable membre voit dans son amendement un moyen de décentralisation. Je suis très partisan de la décentralisation ; quand l'occasion s'en présente, j'applique ce système, mais il ne faut pas confondre la décentralisation administrative avec la décentralisation nationale ; la première produit d'excellents effets, la seconde divise le pays en une foule de petits collèges électoraux, développe l'esprit de clocher et nuit à l'unité nationale.

.Messieurs, ces considérations suffiraient déjà, je pense, pour engager la Chambre à ne pas admettre l'amendement. Je demande cependant la permission de dire encore quelques mots pour démontrer que le système de l'honorable membre serait très difficile à appliquer.

On a parlé, messieurs, d'intérêts locaux, mais je vous demande quels intérêts, ayant une certaine importance, pourraient avoir des circonscriptions de 40,000 âmes, circonscriptions sans lien avec le passé, sans lien dans le présent, formées je ne sais comment, en tous cas, arbitrairement ; je le demande, quels seraient les intérêts locaux un peu respectables de ces petits collèges ?

Quant aux arrondissements, il en en est tout autrement ; ils sont formés depuis deux tiers de siècle et il s'est établi là des liens sérieux, des intérêts communs, que le député doit, dans une certaine mesure, défendre et sauvegarder.

Je crois donc qu'au point de vue du groupement des intérêts locaux, le système actuel vaut infiniment mieux que le système préconisé par l'honorable M. Kervyn.

Maintenant je demanderai encore à la Chambre et à l'auteur de l'amendement, d'après quelles règles, d'après quels principes on formerait les 124 collèges électoraux que l'on propose de créer en Belgique ? Quelle serait la règle ? 40,000 âmes ! Mais cela est extrêmement arbitraire. Comment formeriez-vous ces collèges ? Et ne comprenez-vous pas que lorsqu'il n'y a aucun principe qui sert de base, les partis chercheraient à composer ces circonscriptions de manière à assurer la majorité à leur opinion dans le plus grand nombre possible de ces petits districts.

Puis quelle stabilité donnez-vous à votre système ? Vous formez aujourd'hui 124 collèges électoraux, mais dans trois ans, dans cinq ans, quand la population aura augmenté, que ferez-vous ?

Vous formerez de nouveaux collèges et, dans ce cas, vous serez obligé de prendre, si je puis parler ainsi, une côte dans plusieurs arrondissements pour en former un corps électoral nouveau !

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - Je demande la parole.

MiVDPBµ. - Là vous aurez un excédant de 10,000, de 20,000 ou de 30,000 âmes, tvus l'ajouterez à un autre excédant de 30,000 ou 20,000 âmes pris dans un autre collège. Vous aurez tous les 2 ou 3 ans un remaniement complet à faire de notre système électoral. C'est ainsi que si le système de l'honorable M. Kervyn de Lettenhove eût été adopté en 1858, nous serions obligés de le remanier aujourd'hui complètement, car nous serions tenus de trouver place pour 8 nouveaux collèges.

Si vous ne faites pas cela, vous arriverez à ce résultat qu'une partie de la population nouvelle ne sera pas représentée dans nos Chambres législatives.

Enfin, messieurs, et c'est par là que je termine, car je n'ai voulu faire que quelques courtes observations, et il me resterait beaucoup à dire, former des collèges de 40,000 âmes est nécessairement en arriver à former bientôt des collèges représentant les villes et des collèges représentant les campagnes, ayant des intérêts divergents, de là luttes, divisions inévitables.

En créant des collèges électoraux de villes et des collèges ruraux nous revenons à un état de choses que la Constitution a proscrit, à l'existence d'ordres.

Si le système de l'honorable M. Kervyn était adopté, il ne nous manquerait que l'ordre équestre pour en arriver où nous en étions avant 1830, sinon en droit du moins en fait.

Je crois donc que la proposition de l'honorable membre n'est pas admissible en principe. Je crois qu'en pratique elle serait inapplicable ; elle donnerait lieu aux plus grandes difficultés et c'est pour ce motif que le gouvernement ne peut s'y rallier.

M. Pirmezµ. - Messieurs, les discours qui ont été prononcés dans votre séance d'hier ont roulé sur deux ordres d'idées : le mode de répartition des nouveaux membres de la législature et les circonscriptions électorales.

Mon intention est de présenter à la Chambre quelques observations sur ces deux points.

Deux amendements, messieurs, ont été présentés : le premier a pour objet de faire décider par la Chambre que les nouveaux représentants à élire seront répartis d'après la population non plus des provinces mais des arrondissements. Cet amendement a été appuyé non seulement par les signataires, mais encore par l'honorable M. de Theux.

M. de Theuxµ. - J'ai demandé la répartition par province.

M. Pirmezµ. - Je vais y venir. Cet amendement a pour but de reprendre les représentants qui, d'après le projet, sont attribués à Liège et à Thuin pour les attribuer à Alost et à Courtrai.

BI. de Tlieux. — On en donne 5 à Bruxelles et 2 à Charleroi.

M. Pirmezµ. - Pardon, voici l'amendement.

Anvers 6 représentants, Bruxelles 13, Louvain 5, Courtrai 4, Alost 4, Charleroi 3, Philippeville, 2.

Je lis l'amendement, ainsi donc je ne me suis pas trompé et il est bien clair que l'amendement déposé dans la séance d'hier a pour but de prendre un représentant à Thuin et un à Liège pour les. attribuer à Courtrai et à Alost.

M. de Theuxµ. - Vous m'attribuez un système qui ne m'appartient pas.

(page 545) M. Pirmez. — Je parle de l'amendement. Maintenant je viens à votre discours ; je trouve ceci au Moniteur, dans le discours de M de Theux :

« Messieurs, le système qu'a défendu mon honorable ami M. de Naeyer est, à quelques exceptions près, le même que j'ai soutenu en section centrale et je me rallie à la répartition qu'il a indiquée pour les districts de Courtrai et d'Alost parce qu'elle est la plus équitable. »

Ainsi donc, malgré toutes ces interruptions, je maintiens ce que je dis que l'amendement déposé dans la séance d'hier a pour but de prendre un représentant à Thuin et un à Liège pour les attribuer à Courtrai et à Alost.

M. Bouvierµ. - Cela est clair.

M. de Theuxµ. - Voulez-vous me permettre de m'expliquer ?

M. Pirmezµ. - J'ai lu votre discours et je crois l'avoir bien compris.

M. de Theuxµ. - Je demande la parole.

M. Pirmezµ. - Je relis la phrase et je m'y rapporte, à moins que M. de Theux ne déclare qu'il s'est trompé dans son argumentation : la voici :

« Je me rallie à la répartition qu'il a indiquée pour les districts de Courtrai et d'Alost parce qu'elle est la plus équitable. »

M. de Naeyerµ. - Je n'ai parlé que de la répartition entre les provinces, je n'ai pas cité un seul arrondissement.

M. Pirmezµ. - Vous avez signé l'amendement.

M. de Naeyerµ. - Je ne l'ai pas défendu. (Interruption.)

M. Pirmezµ. - C'est vraiment inconcevable. Je dis qu'il y a un amendement qui attribue les représentants de Liége et de Thuin à Courtrai et à Alost et cette simple assertion soulève une tempête d'interruptions. (Nouvelle interruption.)

Je dis que M. de Naeyer a patronné ce système. M. de Naeyer répond qu'il ne l'a pas défendu. (Interruption.) Son nom se trouve cependant au bas de l'amendement. Si c'est une faute d'impression, je n'ai plus rien à dire. Et lorsque je dis que M. de Theux s'est rallié à ce système, je ne fais que lire le Moniteur.

M. de Theuxµ. - Vous ne citez pas intégralement.

M. Pirmezµ. - J'examine l'amendement et je dis que ce système a pour but de prendre un représentant à Liège et un à Thuin pour les attribuer à Courtrai et à Alost. (Interruption de M. de Theux.) Je ne parle pas du vôtre, M. le comte. Je parle de l'amendement imprimé et qui porte entre autres le nom de M. de Naeyer.

M. de Naeyerµ. - J'ai signé l'amendement, mais je ne l'ai pas développé.

M. Pirmezµ. - Je vais le développer cet amendement qu'a signé M. de Naeyer.

M. de Naeyerµ. - Vous l'avez déjà dit dix fois...

M. Pirmezµ. - M. de Theux le trouve au moins équitable ; eh bien, je n'ai pas besoin de chercher des arguments pour le combattre, il me suffira pour cela d'indiquer à la Chambre ce qu'en ont dit MM. de Theux et de Naeyer.

L'honorable M. de Theux nous a démontré hier que cet amendement était parfaitement inconstitutionnel, et en effet voici ce que je lis dans le discours de l'honorable membre. La Chambre remarquera que cet amendement, qui change l'attribution de plusieurs représentants, part de ce principe qu'il faut attribuer les nouveaux représentants non pas d'après les excédants de population des provinces, aux provinces d'abord, mais directement aux arrondissements d'après les excédants de population des arrondissements. Or voici ce que l'honorable comte de Theux nous a dit :

« Je dis, messieurs, que le partage doit se faire par province. L'article 53 de la Constitution le dit clairement :

« Art. 53. Les membres du Sénat sont élus à raison de la population de chaque province, par les citoyens qui élisent les membres de la Chambre des représentants. »

« Or, si c'est par province que se fait le partage pour le Sénat, c'est également par province qu'il doit se faire pour la Chambre des représentants. Cela est évident comme le jour.

« D'ailleurs les provinces sont les seules fractions du pays qui ont une existence réellement séparée ; les arrondissements ne comptent pas parmi nos institutions. Nous n'avons pas ici de conseils d'arrondissement comme il en existe en France, nous n'avons ici que des provinces.

« Il ne peut être question ici de partage entre tous les arrondissements abstraction faite des provinces. »

Ainsi l'amendement déposé hier par l'honorable M. de Naeyer et ses amis est un amendement que l'honorable M. de Theux déclare inconstitutionnel.

MfFOµ. - Et il l'est.

M. Bouvierµ. - Un beau gâchis !

M. Pirmezµ. - Je reconnais que l'honorable M. de Naeyer, qui a signé l'amendement et qui ne l'a pas défendu jusqu'à présent, ne le déclare pas inconstitutionnel. Mais l'honorable M. de Naeyer, qui ne l'a pas défendu, l'a, au contraire, fort attaqué et il l'a déclaré mauvais en principe.

M. de Naeyerµ. - Non ! non !

M. Pirmezµ. - Je vais vous le prouver. Je rappelle toujours à la Chambre qu'il est question de savoir si on répartira les représentants par excédant de population de province ou par excédant de population d'arrondissement. Or, voici ce que l'honorable membre a dit dans la séance d'hier. C'est bien l'honorable M. de Naeyer qui l'a dit et j'espère que cette fois on ne le contestera pas.

Le problème, je le reconnais, n'est pas facile à résoudre ; mais il présente une importance toute spéciale, en ce qui concerne les répartitions entre les provinces, parce que tout le monde reconnaîtra qu'entre les neuf provinces de la Belgique, il y a des différences d'intérêts beaucoup plus marquantes qu'entre les arrondissements d'une même province.

M. de Naeyerµ. - Cela est clair.

M. Pirmezµ. - Cela est très clair. Mais, s'il y a une différence d'intérêts beaucoup plus grande entre les différentes provinces qu'entre les divers arrondissements, quand vous avez un excédant de population dans une province, vous ne devez pas faire nommer dans une autre province le représentant dû à cet excédant de population. Si vous avez un excédant de population dans le Hainaut, par exemple, vous devez attribuer le représentant de cet excédant à la province du Hainaut, et non à la province de Flandre orientale, qui, d'après vous, a des intérêts tout différents, à moins que vous ne vouliez soutenir qu'il faut faire représenter cette population par des mandataires qui ont des intérêts contraires aux siens, ou mieux qu'il faut confier la nomination des représentants de certains populations, non à ces populations mais à un corps électoral qui a des intérêts opposés à celui des populations qu'il s'agit de représenter.

L'honorable M. de Naeyer a donc reconnu et proclamé que la répartition devait se faire par province parce que les provinces ont des intérêts différents, que par conséquent lorsque divers arrondissements d'une même province ont des excédants de population, c'est à cette province qu'il faut donner la nomination d'un représentant, et qu'on ne doit pas aller chercher à trente ou quarante lieues de là des arrondissements qui n'ont aucune espèce de rapport, d'affinité d'intérêt avec les populations qui ne sont pas représentées.

Dans les cas dont il s'agit, l'observation de l'honorable M. de Naeyer est d'une justesse frappante, je dirai même écrasante pour son amendement.

M. de Naeyerµ. - C'est l'amendement de l'honorable M. Kervyn ; ce n'est pas le mien ; en le signant, je n'ai fait qu'autoriser la prise en considération.

M. Pirmezµ. - Vous avez signé cet amendement de l'honorable M. Kervyn ; si la Chambre me le permet, je dirai ce que je soupçonne du fait ; l'honorable membre aura vu que l'amendement attribuait un représentant à Alost, et il aura signé l'amendement, sans se rendre compte du principe d'où il part.

M. de Naeyerµ. - A cela on ne répond pas.

M. Pirmezµ. - Je disais donc que l'observation de l'honorable membre est écrasante pour l'amendement, quand on l'applique aux faits spéciaux qui nous occupent.

Je prends d'abord les arrondissements de Thuin et de Charleroi ; remarquez que ces deux arrondissements électoraux ne forment qu'un seul arrondissement judiciaire ; les deux arrondissements administratifs ont chacun un excédant de 17,000 habitants ; total : 34,000 habitants pour les deux arrondissements administratifs.

Je prends maintenant l'arrondissement d'Alost ; cet arrondissement forme, je crois, avec les arrondissements de Termonde et de Saint-Nicolas un arrondissement judiciaire.

Enfin, si je prends ensemble les trois arrondissements d'Alost, de Termonde et de Saint-Nicolas, je trouve que ces trois arrondissements formant un même arrondissement judiciaire, ont un excédant de 12,000 habitants.

Ainsi d'une part, un excédant de 34,000 habitants, de l'autre un excédant de 12,000 habitants. a qui faut-il attribuer le représentant ?

(page 546) Il faut l'attribuer à l'arrondissement qui a 12,000 habitants d'excédant en le prenant à celui qui en a 34,000 ! A Alost plutôt qu'à Thuin et Charleroi !

Voilà la solution qu'on nous présente au nom de l'équité !

M. Van Wambekeµ. - M. Pirmez, vous avez commis une erreur ; l'arrondissement administratif d'Alost fait partie de l'arrondissement judiciaire d'Audenarde et de Termonde. Les cantons de Ninove, Herzele, Grammont et Sottegem appartiennent à l'arrondissement judiciaire d'Audenarde.

M. Pirmezµ. - Soit, il n'en est pas moins vrai que les arrondissements de Termonde, de Saint-Nicolas et d'Alost sont des arrondissements voisins qui ont les plus grands rapports, qui ont les mêmes intérêts ; il n'en est pas moins vrai que les arrondissements de Thuin et de Charleroi ont aussi des intérêts étroitement liés ; que, par conséquent, si on attribue un représentant à l'arrondissement de Thuin, l'arrondissement de Charleroi en profite, comme si Termonde a un représentant en trop, Alost a en lui un défenseur naturel.

Il reste vrai que les trois arrondissements de la Flandre orientale dont je parle appartiennent à la même couleur politique, comme les deux arrondissements du Hainaut, dont il est question en ce moment, appartiennent à une autre opinion politique.

Et je conclus de tout cela que les 34,000 habitants de Thuin et de Charleroi ne doivent pas être représentés par un député d'Alost !

Ce n'est pas tout : Vous parlez de l'arrondissement d'Audenarde qui est voisin aussi. Mais quelle est sa position ? II est, de tout le pays, l'arrondissement le plus représenté. Il a un représentant de trop !

On le maintient uniquement par un prétendu respect de position acquise ; mais ce représentant, qui, en justice, n'est,plus dû à Audenarde, on l'oublie, On n'y pense plus, quand il s'agit de donner un représentant de plus à Alost ! Mon calcul devient encore plus fort donc, si je substitue Audenarde à Termonde.

Pour Liège et pour Waremme, la question est exactement la même. Liège et Waremme ont ensemble un excédant de 35,000 habitants. Or, on veut attribuer le représentant, du chef de cet excédant, à l'arrondissement de Courtrai, parce qu'il a un excédant de 25,000 habitants ; mais les arrondissements voisins de Thielt et d'Ypres ont 23,000 habitants en moins ; donc on ôte le représentant à deux arrondissements voisins qui ont 35,000 habitants d'excédant, et on l'attribue à un excédant de population de 1,000 ou de 2,000 habitants.

Messieurs, les honorables MM. de Naeyer et de Theux ont senti, sans doute, que ce système était pas trop insoutenable ; ils en présentent un autre qu'on appelle le système des compensations.

Et d'abord il est impossible d'admettre le système des compensations ; parce que, suivant la Constitution, les représentants et les sénateurs doivent être répartis d'après la population de chaque province ; or, si la Constitution vous fait une obligation d'opérer la répartition d'après la population des provinces, comment le système des compensations, qui a pour effet de s'écarter de ce système quant à l'une ou à l'autre Chambre serait-il admissible ?

Mais il y a quelque chose de remarquable dans le système des honorables membres. Quant il s'agit de prendre un représentant aux arrondissements de Thuin ou de Liège, pour l'attribuer aux Flandres, on invoque le système des compensations ; ce système est tout-puissant ; on ne peut pas y résister ; l'équité commande qu'on lui obéisse.

M. de Theuxµ. - Je conserve à la province de Liège le représentant et le sénateur que le projet lui attribue.

M. Pirmez. - Voyons comment on applique le système des compensations.

Il est dans toute sa force quand il s'agit d'enlever des représentants aux provinces auxquelles le projet de loi les attribue ; mais une fois qu'on est parvenu à faire attribuer un représentant à la Flandre orientale et un représentant à la Flandre occidentale, que fait-on du système des compensations ? On l'abandonne entièrement.

Vous allez voir que c'était cependant le moment de s'en occuper. Les chiffres ici sont réellement curieux.

C'est en vertu du système d'une juste considération des habitants représentés à la Chambre et au Sénat qu'on attribue un représentant à Alost.

Alost a, en effet, 24,000 habitants qui ne sont pas représentés à la Chambre ; mais Alost a un déficit de 15,000 habitants pour sa représentation au Sénat. Or, si on déduit 15,000 de 24,000, il reste 9,000 ; 9,000 habitants, voilà donc l'excédant d'Alost.

Pourquoi donc ne parle-t-on pas de l'arrondissement de Gand ? Cet arrondissement a un excédant de 56,000 habitants sur sa représentation au Sénat et un excédant de 16,000 âmes sur sa représentation à la Chambre ; oubliant le système des compensations, on attribue un représentant à Alost qui n'a qu'un excédant de 9,000 habitants, et on ne songe pas à le donner à l'arrondissement de Gand où 70,000 habitants ne sont pas représentés. Il faut avouer que c'est par trop fort.

Est-on plus heureux lorsqu'il s'agit de prendre et d'attribuer un représentant à fa province de Flandre occidentale ?

Non, messieurs, la différence est un peu moins grande, je le reconnais ; cependant elle est encore énorme. On trouve qu'à Courtrai il y a 25,000 habitants non représentés à la Chambre et l'on attribue un représentant à Courtrai.

Mais Courtrai a 14,000 habitants représentés en trop au Sénat ; si l'on déduit 14,000 de 25,000, il reste 11,000 habitants non représentés. Voilà tout l'excédant non représenté pour l'arrondissement de Courtrai.

Mais à Bruges, il y a 5,000 habitants non représentés à la Chambre et 45,000 âmes non représentées au Sénat, total 50,000.

Entre les deux arrondissements dont l'un a un excédant de 11,000 et l'autre un excédant de 50,000 âmes, auquel attribue-t-on le représentant ? On veut l'attribuer à celui qui a l'excédant de 15,000 plutôt qu'à celui qui a l'excédant de 50,000.

Voilà où l'on arrive dans votre système.

M. Bouvierµ. - Dans le système des escamoteurs.

M. de Theuxµ. - Ce n'est pas d'ici que vient ce système.

M. Pirmezµ. - Pardon, M. le comte,

M. de Theuxµ. - Ce n'est pas à vous que je réponds, c'est à M. Bouvier qui a interrompu.

MpVµ. - Je demande qu'on n'interrompe pas.

M. Pirmezµ. - Messieurs, je crois que la Chambre sera peu tentée d'adopter le système des compensations, que si dans tous les cas, il fallait l'adopter, elle serait plus logique que ses auteurs et que, le prenant au point de départ, elle le combinerait jusqu'au bout.

Mais les honorables auteurs de l'amendement ne me paraissent pas avoir bien grande confiance dans le système de répartition par arrondissement, système nouveau et né pour les besoins de la situation actuelle. Aussi, à côté du système des compensations, l'honorable M. Kervyn a imaginé un autre argument. Il trouve que la population des arrondissements des Flandres vaut mieux que celle de l'arrondissement de Charleroi, et appuyant son système de cette considération, il trouve qu'il faut attribuer aux populations flamandes un représentant.

M. Kervynµ. - Je n'ai pas dit cela.

M. Pirmezµ. - Je n'invente pas, j'ai ici les Annales parlementaires.

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - Lisez.

M. Pirmezµ. - Je lis.

« Au profit de quel élément a lieu cette augmentation de représentation ? Il est évident que c'est au profit de populations flottantes qui présentent à la fois le moins de garanties pour l'ordre public et le moins de garanties pour l'exercice des droits électoraux.

« Quelles sont les populations que l'on sacrifie ? Ce sont celles qui sont restées fidèles au foyer de la famille, qui continuent à cultiver le champ de leurs pères et qui présentent au pays les garanties les plus solides et les plus indispensables. »

Messieurs, si l'on adoptait un pareil système, on pourrait aller loin. Si l'on voulait prendre garde aux populations que l'honorable M. Kervyn considère comme présentant le plus de garanties pour la cause de l'ordre, pour la cause de la stabilité gouvernementale, l’honorable membre, ayant à faire une loi électorale, serait naturellement très tenté d'attribuer aux arrondissements qui représentent sa propre opinion une plus forte représentation qu'aux autres, parce qu'il les considérera comme plus éclairés et comme plus amis de l'ordre. (Interruption.)

Je crois que c'est la conséquence naturelle de votre système.

Pour moi, messieurs, je considère toutes les populations du pays comme ayant, conformément à la Constitution, des droits égaux, et je suis très surpris que ce soit un honorable député des Flandres qui vienne attaquer ce qu'il appelle la population flottante de l'arrondissement de Charleroi. Car, cette population, d'où vient-elle ? Mais des Flandres !

Il faut qu'aux yeux de l'honorable M. Kervyn les populations des Flandres aient beaucoup de défauts pour qu'il les traite ainsi, et l'honorable membre fait involontairement beaucoup d'honneur à l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter, en admettant que ses anciens habitants sont tellement supérieurs à ceux qui viennent des Flandres.

(page 547) Mais, messieurs, que l'honorable membre ne s'y méprenne pas, il n'y a pas à Charleroi de population flottante, Il y a une population nouvelle, qui est venue des Flandres, parce qu'elle a eu le courage de chercher au loin du travail au lieu de périr de misère dans les endroits où elle se trouvait. C'est une population qui a préféré le rude travail des mines à la mendicité qui lui restait chez elle.

Voilà ce qu'est cette population, et je le répète, ce n'est pas là une population flottante ; elle est établie dans l'arrondissement de Charleroi, et je puis le dire, elle y est établie sous peine de mort ; car si elle quittait l'arrondissement de Charleroi, elle périrait de misère. Elle y trouve sa subsistance, elle doit y rester, et quand on vient dire que cette population devrait être représentée par l'arrondissement d'Alost où par celui de Courtrai, je dis que l'on méconnaît l'intérêt de cette population. Quel est en effet son intérêt ? Mais c'est la prospérité de nos industries ! Et je demande si les intérêts de cette population seront mieux défendus que par ceux qui représentent plus spécialement ces industries dans lesquelles elle trouve son pain de chaque jour !

Voilà, messieurs, ce que j'avais à dire sur l'amendement qui a été déposé hier.

M. de Naeyerµ. - Et qui a été signé par moi, vous alliez l'oublier.

M. Pirmezµ. - Et qui a été signé par l'honorable M. de Naeyer.

Messieurs, il me reste un mot à dire du premier amendement de l'honorable M. Kervyn, car non seulement l'honorable M. Kervyn propose de faire la répartition par arrondissement, il propose aussi de le faire par canton.

Ceci, messieurs, est une question beaucoup phis grave que celle que nous discutons. C'est, en fait, le renversement de tout notre système électoral.

Je crois qu'on a été fort injuste envers ce système électoral. Il peut avoir des défauts, mais il ne faut pas perdre de vue que ce système électoral, qui divise le pays en circonscriptions d'arrondissement, nous a donné, depuis trente-cinq ans, des législatures sous le gouvernement desquelles le pays est parvenu à un état de prospérité morale et matérielle qu'aucune nation n'a atteint, au moins en aussi peu de temps.

Je crois qu'avant de toucher à un système qui a produit de pareils résultats, il faudrait autre chose que les critiques de détail qu'on fait contre ce système.

L'honorable M. de Smet vous à présenté hier des calculs consciencieusement faits et intéressants sur les résultats de ce système, Mais je crois que l'honorable membre s'est laissé égarer par un désir d'innover.

Je ne le suivrai pas dans tous les détails de chiffres qu'il vous a présentés ; permettez-moi seulement de vous citer un exemple des erreurs auxquelles il est arrivé.

L'honorable membre a trouvé qu'aux élections dernières, 88 membres de cette Chambre avaient été nommés par les suffrages de 41,000 électeurs, sur 83,000 composant le corps électoral.

Il en conclut que là législature ne représente pas le pays, parce que les 41,000 électeurs, qui ont nommé ces 88 membres, font moins que la moitié du nombre total d'électeurs.

La Chambre comprend immédiatement ce qu'a d'inexact cette appréciation.

Il faut, en effet, d'abord retrancher du nombre des électeurs ceux qui n'ont pas voté.

Ce retranchement modifiera déjà la proportion. Mais ce n'est pas tout.

Les électeurs des arrondissements qui ont nommé les 28 députés restants, n'ont pas tous voté pour ces 28 députés. Si vous ne comptez pas comme représentés aux Chambres les électeurs des arrondissements nommant ces 88 députés, qui ont voté contre eux, vous ne pouvez compter non plus, pour les 28 députés, les électeurs de leur arrondissement qui ne leur ont pas donné leur vote.

L'honorable membre ne compte pour les 88 députés que les électeurs qui ont voté pour eux. Il suppose contre eux non seulement ceux qui votent contre eux, mais tous ceux qui s'abstiennent et tous ceux des autres arrondissements qui ne peuvent émettre de vote à leur égard.

Si M. de Smedt veut prendre le nombre des voix données aux 88 et le nombre des voix données aux 28, seul mode équitable de procéder, il se convaincra que les Chambres représentent bien le pays.

M. de Smedtµ. - Il n'en est pas moins vrai que la majorité de la Chambre est élue par la minorité des électeurs.

M. Pirmezµ. - Vous n'arrivez à ce résultat que parce que vous procédez par un mode vicieux. En procédant autrement, vous arriverez à un tout autre résultat.

Mais j'arrive à l'amendement. Pouvons-nous prendre le système d l'honorable M. Kervyn ou plutôt le système qu'il a pris sous son patronage ?

L'honorable ministre de l'intérieur vient de démontrer tout ce que ce système aurait de désastreux.

Je me permettrai d'ajouter aux considérations si graves qu'il a présentées sur l'indépendance de l'électeur et l'indépendance de l'élu, une considération qui me touche profondément, l'importance qu'il y a à conserver ce qui est.

Je n'admets pas que nous bouleversions nos lois électorales, que nous changions tout ce régime sous lequel s'est développée la prospérité du pays, sans avoir, pour le faire, les motifs les plus impérieux, sans une nécessité presque absolue.

Nous assistons, je dois le dire, à un très singulier spectacle : le parti qui se dit conservateur, propose aujourd'hui de faire table rase de toutes nos lois électorales. Il nous demande aujourd'hui de renverser toute l'œuvre du Congrès, quant aux circonscriptions ; on vous présentera demain un système qui conduit directement au suffrage universel.

Nos adversaires ont éprouvé certains échecs dans les élections ; cela suffit-il pour renverser tout ce qui a été la base du régime représentatif en Belgique jusqu'aujourd'hui ? Pour ma part, je suis moins tenté de les suivre dans une pareille voie que dans toute autre, et quels que soient leurs auxiliaires, quels que soient les noms dont on décore ces tentatives de changements, elles me sourient peu.

Je crois que dans notre pays il est beaucoup plus essentiel de chercher à conserver que de chercher à renverser. Nous sommes arrivés à un très haut degré de prospérité ; quand on en est là, il y a toujours danger à marcher vers l'inconnu.

Quand vous aurez le suffrage universel ou, ce qui ne vaut pas beaucoup mieux, un régime qui y conduit, quand vous aurez remanié les circonscriptions qui existent depuis trente-cinq ans, vous aurez remis tout en question.

Livrer une situation sûre et prospère à des hasards de toute sorte, est-ce un acte de sagesse ? Vous avez quelques espérances d'obtenir par des changements des avantages de parti, mais ne seraient-ils pas compensés par des éventualités fâcheuses dent nous ne pouvons pas mesurer l'étendue ?

Vous ne savez pas, je le répète, ce qui sortirait des bouleversements que l'on médite.

M. Coomansµ. - Il en sortirait la volonté nationale.

M. Pirmezµ. - Je ne crois pas que la volonté nationale n'ait pas pu se faire jour jusqu'à présent. Je suis convaincu que si, pendant 35 ans, le système qui a été en vigueur avait comprimé la volonté nationale, nous ne serions plus ici. Je ne crois pas que le pays soit disposé à voir pendant cette longue période de temps sa volonté méconnue.

C'est cependant ce que vous devez prétendre si vous soutenez que notre système électoral a pour résultat de faire méconnaître la volonté nationale.

Mais, messieurs, si je suis profondément conservateur et si je désire, avant tout, conserver ce que nous avons, je reconnais que la conservation même demande quelquefois des changements. Il arrive des faits nouveaux qui peuvent obliger à apporter des modifications aux lois, pour qu'elles conservent leurs salutaires effets, pour qu'elles ne soient pas dénaturées par les changements qui surviennent dans les faits qu'elles régissent. Je crois que, même quant aux circonscriptions électorales, il pourra être, dans un avenir plus ou moins éloigné, utile d'apporter certains changements à la loi de 1831.

Il y a, messieurs, un fait extrêmement remarquable, au temps où nous vivons, c'est la tendance de toutes les villes à s'agrandir. La population urbaine croit partout, elle croît dans une proportion très marquée, non seulement dans notre pays où la population générale augmente, mais même dans les pays où la population totale diminue.

Ce fait est sans doute une conséquence des facilités des communications.

Les villes sont des centres et si vous me permettez cette expression mathématique, les villes attirent en raison inverse du carré des distances et c'est parce que toutes les populations ont été rapprochées par les chemins de fer d'une manière si étonnante, que leur attraction a augmenté dans des proportions considérables. Je ne crois pas que ce mouvement doive s'arrêter, je crois au contraire que l'accroissement des villes doit leur amener de nouveaux accroissements, parce que l'on peut dire aussi que ces centres attirent en raison directe de leurs masses : les grandes villes sont en effet celles qui tendent le plus à s'accroître.

48 CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS, SÉANCE DU Si MARS 1SCC.

Nous devons donc nous attendre à voir la plupart des villes du pays prendre une extension considérable. Nous devons nous attendre à voir Bruxelles surtout prendre un développement de plus en plus grand.

Messieurs, ce fait je ne le crains pas, je le désire parce que ce sera un signe certain de la prospérité nationale, parce que tout est avantage à voir Bruxelles être, par sa population et les ressources dont elle disposera, une capitale digne de la Belgique.

Il est incontestable que l'accroissement de la capitale doit lui procurer aussi une représentation proportionnée à l'étendue de sa population.

Mais ne doit-il pas arriver un moment ou la circonscription électorale de Bruxelles devra être modifiée ?

Lorsque le nombre des députés à élire par l'arrondissement de Bruxelles, s'élèvera à 15, 18 ou 20, ne devra- t-on pas fractionner cet arrondissement pour éviter de faire nommer par les mêmes électeurs 15, 18 ou 20 députés.

La solution de cette question ne me paraît pas douteuse.

Le système contraire aurait pour effet de constituer une inégalité choquante entre les différentes parties du pays. Il me paraît impossible, en effet, que nous ayons des arrondissements ne nommant qu'un seul député, et des arrondissements en nommant un aussi grand nombre.

Peut-être les avantages pour les représentés sont-ils compensés ; je crois qu'un député du Luxembourg obtient pour ses commettants autant d'avantages personnels que les députés de Bruxelles pour les leurs.

Mais sous d'autres rapports, sous celui de la direction des affaires générales, l'inégalité n'en subsiste pas moins.

Il peut certainement arriver des moments où un corps de représentants, aussi considérable que peut le devenir celui de Bruxelles, serait dans notre politique un très grand embarras.

Il y a deux ans, messieurs, nous nous sommes trouvés dans des conjonctures très graves par suite des élections d'Anvers à propos d'une question d'intérêt local.

M. Jacobsµ. - Et général en même temps.

M. Pirmezµ. - Mais non, M. Jacobs, l'affaire de la citadelle du Nord est une affaire d'intérêt local.

M. Bouvierµ. - C'est de l'histoire ancienne.

M. Pirmezµ. - On me dit que la question d'Anvers est une question d'intérêt général.

Le conseil communal d'Anvers a essaye de le constater. Il a envoyé une pétition à tous les conseils communaux du pays. Quel a été le résultat ? Une division s'est produite.

Une partie de ces conseils communaux a passé à l'ordre du jour et l'autre n'a pas même cru devoir s'occuper de la pétition !

M. Jacobsµ. - Sans compter ceux qui ont répondu.

M. Bouvierµ. - Voilà l'intérêt général.

M. Delaetµ. - Cela prouve que les bourgmestres sont nommés par le Roi.

M. Jacquemynsµ. - Et les conseils communaux ?

M. Pirmezµ. - L'honorable M. Delaet oublie l'essence de nos institutions communales : les conseils communaux qui étaient appelés à voter sont nommés par les électeurs et le bourgmestre, qui est également nommé par les électeurs, n'a qu'une seule voix au conseil.

M. Delaetµ. - Et les échevins ne sont-ils pas nommés par le Roi ?

M. Pirmezµ. - Si c'eût été un intérêt général, on aurait bien trouvé un petit conseil communal d'une petite commune pour appuyer la pétition, mais cet unique conseil communal est, je pense, encore à trouver.

M, Delaetµ. - Quand l'honorable M. Pirmez voudra discuter le caractère national des fortifications, nous sommes prêts.

M. Pirmezµ. - Quand vous voudrez.

M. Bouvierµ. - Nous verrons aux élections prochaines.

M. Jacobsµ. - Nous vous y attendons.

M. Pirmezµ. - La position des députés d'Anvers a causé au pays les plus grands embarras. On s'est trouvé dans cette situation d'avoir une députation tout entière faisant l'office contraire d'un centre parlementaire, c'est-à-dire qu'à l'inverse d'un centre disposé à se rallier à des gouvernements différents, cette députation était disposée à combattre tous les gouvernements qui n'auraient pas satisfait l'intérêt spécial qui l'avait amenée dans cette enceinte.

Nous sommes sortis de cette situation, messieurs ; mais il est évident que si une question d'intérêt local pouvait s'emparer au même point d'une députation plus importante que celle d'Anvers, d'une députation composée de 15 à 20 membres, vous arriveriez à une position politique telle qu'elle pourrait être sans issue et que le gouvernement pourrait être amené à subir la loi de cette députation, plutôt que de marcher dans les vues du pays. (Interruption.)

Je discute une question générale, abstraction faite des personnes, je crois n'avoir rien dit de blessant, ni pour les députés de Bruxelles, ni pour ceux d'Anvers.

Je me borne à constater les résultats possibles avec un corps électoral nommant quinze ou vingt représentants disposés à voter contre tous les gouvernements qui ne feraient pas droit aux griefs qu'ils articulent contre une loi.

M. Delaetµ. - Si dans dix ans on vous reprenait vos houillères, que diriez-vous ?

M. Pirmezµ. - Je ne comprends pas.

Si vous considérez, messieurs, ce qui se fait dans les gouvernements parlementaires, vous pourrez constater que jamais, ni en France, ni en Angleterre, on n'a admis une représentation aussi considérable que celle que l'on peut entrevoir à Bruxelles.

M. Crombezµ. - Excepté en 1848, en France, où le département de la Seine élisait, par scrutin de liste, 28 représentants du peuple.

M. Pirmezµ. - Le résultat a été beau !

Si je fais l'observation spécialement pour l'arrondissement de Bruxelles, je ne méconnais pas qu'on ne puisse l'appliquer à d'autre arrondissements.

Ainsi celui de Charleroi, qui aura peut-être d'ici à 20 ou 25 ans une population qui lui donnera droit à un nombre de représentants qui rendrait nécessaire de le diviser.

La même chose peut se produire pour Liège.

Je constate donc seulement un fait, c'est qu'il arrivera un moment où la population de certains arrondissements doit amener la division de ces arrondissements.

Serait-ce là, messieurs, quelque chose d'anomal ? Pas le moins du monde.

Nous avons actuellement dans le pays des arrondissements judiciaires divisés. Tous les arrondissements judiciaires du Hainaut sont divisés en deux arrondissements administratifs.

Pourquoi la même chose ne pourrait-elle pas se faire pour l'arrondissement de Bruxelles ?

Notre système actuel est empreint à cet égard de toutes sortes de bizarreries. non seulement nous avons des arrondissements judiciaires divisés, nous avons aussi des arrondissements administratifs divisés.

Les arrondissements de Virton et d'Arlon n'ont qu'un seul commissaire d'arrondissement et ils nomment des représentants dans des collèges séparés.

La même chose ne pourrait-elle être appliquée avec plus de raison à Bruxelles qu'à Virton et à Arlon qui réunis ne seront jamais rien de trop considérable ? J'engage le gouvernement à examiner cette question. Il ne faut pas attendre que la députation de Bruxelles soit devenue si considérable que, si la réforme était repoussée par elle, elle devienne une difficulté. Il ne faut pas attendre surtout qu'un des inconvénients de la situation que je signale se soit produit.

Car, dans ce cas, on pourrait croire que le gouvernement qui demanderait la réforme est animé par un désir de vengeance ou d'hostilité envers le corps électoral qui lui aurait causé ces embarras.

Il faut la faire dans un moment opportun, mais sans retards inutiles ; il faut, pour qu'elle se fasse sans secousse, qu'elle soit préparée et décidée à l'avance ; de manière que les combinaisons électorales aient le temps de se produire ; il faut enfin qu'elle se fasse dans des conditions telles, que tous les intérêts politiques et locaux soient parfaitement sauvegardés.

Je termine, messieurs. Dans ces questions électorales, ne changeons qu'en nous inspirant avant tout des idées de conservation.

Maintenons notre système de circonscriptions électorales.

Si les faits demandent, pour qu'il ne se dénature pas, que certains fractionnements soient faits, gardons-nous d'adopter un système qui, morcelant à l'excès les collèges électoraux, n'aurait d'autre conséquence que d'abaisser la législature et les corps électoraux en soumettant les élus et les électeurs à une dépendance réciproque, funeste à la liberté et à la dignité des uns et des autres.

M. Dumortierµ. - Je n'entrerai pas dans l'examen des diverses questions auxquelles l'honorable membre qui vient de se rasseoir a fait allusion, parce que la question que nous discutons en ce moment est assez grave pour que nous nous y renfermions.

Je partage l'avis de l'honorable membre lorsqu'il dit qu'il importe de conserver nos lois fondamentales ; non seulement je partage cet avis, mais j'ai toujours voté contre les mesures qui portaient atteinte à ces lois, et je regrette de devoir le dire, l'honorable membre n'en a pas (page 549) toujours fait autant. Pour respecter nos lois fondamentales, il fallait commencer par respecter la loi principe qui règle les augmentations des membres du parlement et les subordonne au recensement décennal, loi principe que la gauche a violée en autorisant la proposition qui se discute en ce moment.

Mais les lois fondamentales ne sont pas seulement les lois électorales. Il y a des lois de liberté, il y a des lois d'intérêt, il y a des lois de droit public, et dans combien de circonstances ces lois n'ont-elles pas été singulièrement écornées par la politique nouvelle ?

L'honorable préopinant a parlé d'une politique qui a existé depuis 35 ans, mais il perd de vue que depuis 35 ans il y a eu deux politiques distinctes : la politique ancienne et celle qui, pour se distinguer de la politique des dix-huit premières années de notre existence nationale et des traditions du Congrès, s'est qualifiée elle-même de politique nouvelle.

La politique ancienne avait tellement peu détruit nos institutions par des lois de parti que la politique nouvelle, en arrivant au pouvoir, n'a rien trouvé à démolir. Quant à elle, elle s'est beaucoup plus occupée de refaire nos institutions, de refaire la Constitution par les lois organiques dans son intérêt de parti que de toute autre chose. Votre organe, l’Echo du Parlement, en faisait dernièrement l'aveu lorsqu'il disait de votre parti : « Il s'en est tenu à la Constitution de 1830 et il corrige dans la pratique les fautes qui ont pu être commises sous les illusions des théories. »

Voilà la vérité des faits.

MaeRµ.- Vous combattiez les lois avant notre arrivée.

M. Dumortierµ. - J'ai combattu des lois, bien qu'elles fussent présentées par mes amis, lorsqu'elles ne me paraissaient pas assez libérales ; vous les avez parfois combattues avec moi (interruption), pas toujours, je le sais bien, mais vous en avez combattu avec moi, et il n'en est pas moins vrai que lorsque vous êtes arrivés au pouvoir en 1858, après avoir écrit dans votre programme que vous vouliez le retrait des lois réactionnaires, vous n'avez trouvé pour toute loi réactionnaire que la nomination des bourgmestres en dehors du conseil, avec ou sans l'avis du conseil provincial. La belle affaire vraiment ! Si, à côté de cela, nous devions examiner vos actes, nous pourrions dire que chaque année vous prenez des mesures réactionnaires et que vous en prenez surtout aux époques des élections. L'année où il y a des élections, nous sommes toujours sûrs de vous voir prendre des mesures réactionnaires, afin de donner du courage à vos amis pour vous assurer une majorité. Et la loi que vous faites aujourd'hui, comme celui sur les prétendues fraudes électorales, n'est encore qu'une loi de parti, avouée comme telle par son auteur, pour vous empêcher de devenir minorité, ainsi qu'il l'a déclaré lui-même.

Je n'entrerai pas dans les questions de détail qui nous conduiraient trop loin. Mais j'ai dû dire ce peu de mots pour faire mes réserves quant à ce que vient de dire l'honorable député de Charleroi.

J'entre donc dans l'examen de la question. Je crois, avec l'honorable préopinant, qu'il importe de ne pas bouleverser nos lois électorales et je suis persuadé que c'est l'avis de l'immense majorité de mes amis ; je crois, avec lui, que rien n'oblige à faire des districts de 40,000 habitants ; ce n'est pas que je voie dans ce système ce qu'y voit M. le ministre de l'intérieur, la division du pays, loin de là.

Je ne sache pas qu'en Angleterre et en France, où il existe de petits districts, le pays soit plus divisé ; au contraire, vous avez souvent plus de patriotisme dans un pays lorsque les bureaux électoraux sont plus divisés parce que tous les intérêts y sont mieux représentés. Voici mes motifs. Je voudrais, si la chose était possible, que tous vos districts fussent de deux députés et d'un sénateur. Je voudrais que nous ayons tous districts de 80,000 habitants ; mais ce système n'est pas possible et d'ailleurs pour l'appliquer il faudrait une dissolution des Chambres. C'est pour cette raison que je ne pourrai donner mon vote à l'amendement de mon honorable ami M. Kervyn de Lettenhove.

Prenons nos institutions comme elles sont ; seulement, comme l'a dit l'honorable membre auquel je réponds, soyons fidèles aux précédents que nous a donnés le pouvoir législatif et surtout aux précédents du Congrès qui connaissait mieux que personne la portée de la Constitution qu'il avait élaborée.

Eh bien, messieurs, quelles sont les prescriptions qu'il nous a faites pour le cas où il s'agirait de réviser les lois électorales, en ce qui touche l'organisation des deux Chambres ?

A cet égard, la Constitution contient deux ordres de dispositions, qu'il importe de respecter et de faire coïncider dans la loi. Aux termes de l'une, vous pouvez nommer un député par 40,000 habitants et un sénateur par 80,000. Mais ce n'est pas là une disposition impérative. Rien n’oblige à nommer un représentant, chaque fois qu'il y aura un excédant de 40,000 habitants, un sénateur chaque fois qu'il y aura un excédant de 80,000 habitants ; c'est une disposition limitative, et jamais il n’est entré dans la pensée de personne de modifier cet état de choses ; seulement il y a une divergence d'opinion sur la portée de cette disposition.

Bien évidemment quand le Congres se sert de cette expression « qui n'excède pas 40,000 habitants », il a en vue d'établir une limite. Au reste il n'est pas besoin d'insister sur ce point : en fait nous sommes d'accord. Voilà donc une disposition limitative.

Mais à côté de celle-là il y a une disposition impérative et celle-ci est répétée deux fois dans la Constitution ; c'est celle qui oblige la Chambre des représentants et le Sénat aux sorties périodiques par moitié. L'article 51 dispose que la Chambre des représentants est renouvelée par moitié tous les 4 ans, l'article 53 que le Sénat est renouvelé par moitié tous les huit ans. Pourquoi cette prescription ?

Il existe, en matière représentative, deux systèmes d'organisation des Chambres électives.

Dans certains pays constitutionnels le mandat de chaque député commence le même jour et finit le même jour ; il en est ainsi en France, en Allemagne, en Angleterre et dans d'autres pays.

Dans ces pays le nombre d'années pour lequel le mandat a été donné une fois écoulé, la Chambre n'existe plus. Le Congrès n'a pas voulu de commotions, et dans sa sagesse il a décidé que le renouvellement des deux Chambres se ferait par moitié. C'est là une prescription fondamentale impérative, une forme sacramentelle de nos institutions à laquelle nous ne pouvons pas nous soustraire, et qui doit être la première des bases à respecter dans l'examen de la loi dont nous nous occupons. Or, messieurs, je suis frappé d'une chose, c'est, que dans le projet de loi que nous discutons, cette base si sérieuse paraît avoir été perdue de vue,

M. Ortsµ. - C'est une loi nouvelle.

M. Dumortierµ. - Vous ne pouvez faire une loi qui modifie la Constitution. Or, la Constitution dit que la Chambre elle Sénat se renouvellent par moitié ; vous devez donc avoir des chiffres qui se divisent par deux. Or, il n'existe pas deux manières de compter ; il n’y a pas une moitié mathématique et une moitié légale. Si la moitié légale n'était pas la moitié mathématique, elle serait une moitié illégale.

Voilà donc la base première de nos institutions.

Ainsi il y en a deux : Un député par 40,000 âmes, un sénateur par 80,000 âmes. Sortie des deux Chambres par moitié. Voilà la prescription constitutionnelle, la prescription organique de nos institutions et cette dernière est bien plus organique, bien plus sacramentelle que le nombre des députés, puisque c'est le fondement de nos institutions. Car le chiffre des députés peut varier ; mais la prescription de la sortie par moitié est invariable et doit rester par conséquent dans la loi que nous avons à voter.

Eh bien, le projet a-t-il respecté cette décision ?

Messieurs, si j'examine les chiffres qui vous sont présentés, je trouve qu'en ce qui concerne la Chambre, la première série aurait 61 députés et la seconde série 63 députés. Et pour le Sénat la première série serait de 30 sénateurs et la seconde de 32. Ainsi le renouvellement par moitié prescrit par la Constitution n'existerait plus.

M. Ortsµ. - On changera la loi de 1835 et tout sera dit.

M. Dumortierµ. - Il n'y a pas de loi qui puisse changer la Constitution et la durée du mandat.

M. Ortsµ. - Non, mais l'ordre des séries peut être changé. Je puis faire passer un arrondissement d'une série dans une autre.

M. Dumortierµ. - Vous ne le pouvez sans recourir à une dissolution de la Chambre ; le député est nommé pour quatre ans ; vous ne pouvez lui retirer son mandat. Il a un droit acquis que vous ne pouvez lui enlever. Il n'y aurait qu'un moyen, ce serait la dissolution ; le cas serait le même qu'avec la proposition de l'honorable Kervyn.

Ainsi que je viens de le dire, pour le Sénat, c'est la même chose. La première série se composerait de 30 membres et la seconde de 32 membres.

Vous le voyez donc, le projet de loi qui vous est présenté pèche par la base constitutionnelle par excellence, celle qui exige la division par moitié.

D'autre part c'est, messieurs, un des côtés fâcheux de la position dans laquelle nous nous trouvons, de devoir examiner des lois pareilles sans avoir le contrôle du recensement général.

Je regrette que l'esprit de parti n'ait pas su attendre jusqu’à la fin de (page 350) l'année le recensement général. Car les chiffres que l'on vous donne, l'augmentation de députés qui en résulte et que nous allons voler, rien ne nous prouve que tout cela soit dans le vrai. Si j'examine les précédents, je dirai même qu'il y a tout lieu de croire que ces chiffres, que cette répartition sont complètement faux.

Vous le savez, messieurs, la population du pays s'accroît, chaque année, d'une quarantaine de mille habitants. Eh bien, si nous examinons le tome V de l'Exposé décennal qui nous a été récemment soumis par le gouvernement, vous verrez, chose curieuse, qu'en 1855, année qui a précède le dernier recensement général, la population était de 4,607,066 habitants, tandis qu'après le recensement général, malgré l’augmentation normale de 40,000 habitants qui a dû avoir lieu, la population tombe à 4,529,431 habitants ; c'est-à dire qu'il y a une réduction de près de 80,000 habitants, non compris l'augmentation nominale constatée par les années postérieures et antérieures.

Cela vous prouve à l'évidence qu'il n'y a qu'un seul travail sérieux sur lequel vous puissiez vous baser, c'est le recensement général. Vous ne pouvez croire sérieusement qu'en 1865, ii y a l'augmentation de population qu'on vous indique et qui sert de base au travail que nous discutons, lorsque à la suite du recensement général nous trouvons une réduction de 80 mille habitants, non compris 1 accroissement normal annuel.

D'où cela vient-il ? Cela vient de ce que les documents sur lesquels on s'appuie aujourd'hui comme ceux sur lesquels on s'appuyait en 1865 ne présentent aucune espèce de garantie, qu'ils ne reposent sur rien de sérieux, qu'il n'y a que le recensement général, pour lequel nous avons voté, si ma mémoire est fidèle, 600 à 700 mille francs qui soit entouré de garanties réelles et qui donnent un résultat sérieux. Combien n'y a-t-il pas en effet de personnes, de domestiques, d'étrangers, qui sont domiciliés deux fois ? Et dans la capitale, dans la ville de Bruxelles surtout, le chiffre que l'on indique est, suivant toute présomption, grossi de plus de 30,000 habitants.

On inscrit des étrangers qui ne devraient pas être comptés dans la population, on inscrit des habitants du pays qui sont venus ici comme domestiques ou autrement et l'on arrive ainsi à un chiffre forcé auquel le recensement général vient donner un éclatant démenti.

C'est ainsi que la population de l'arrondissement de Bruxelles qui en 1855 était inscrite comme étant de 786,378 habitants, s'est trouvée après le recensement général de 1856 n'être plus que de 748,84O habitants et présenter une réduction de près de 40,000 habitants, non compris l'augmentation normale.

M. Ortsµ. - Vous n'avez pas lu le rapport.

M. Dumortierµ. - Pardonnez-moi, je l'ai lu. Je sais fort bien tout ce que dit le rapport ; s'il présente certaines considérations, je trouve des considérations diamétralement opposées dans le travail que j'ai déjà cité et dans lequel M. le ministre de l'intérieur déclare de la manière la plus formelle qu'on ne peut avoir une confiance absolue dans les documents qu'il présente et qu'il n'y a que le recensement général qui puisse donner le chiffre exact de la population.

Messieurs, je dis donc que le travail sur lequel nous nous basons n'offre pas toutes les garanties que nous voudrions avoir en pareille circonstance, et, qu'il eût été beaucoup plus sage, comme nous l'avons demandé lors de la prise en considération de la proposition, d'attendre le recensement général.

J'ajoute que c'est précisément dans les capitales, dans les grandes villes que l'on rencontre ces excédants de population dont le recensement vient faire justice ; que l'on trouve ces habitants comptés deux fois, ces étrangers qu'on compte à la police et qui sont décomptés dans le recensement général ; que dès lors, dans le travail que nous avons à faire, nous devons tenir compte de cette considération, si nous ne voulons pas faire un travail qui pèche par sa base même.

Maintenant je demanderai à la Chambre la permission de lui présenter une considération d'un autre ordre.

En matière de droit à une augmentation de représentants ou de sénateurs, il y a deux situations tout à fait différentes pour les districts.

D'après le projet de loi, l'accroissement général de la population accuse 8 députés et 4 sénateurs de plus, voilà donc un droit général pour le pays entier. Mais quant aux districts, quant aux provinces, où est le droit général ?

D'abord permettez-moi de vous faire une remarque : c'est que la province n'est pas une circonscription électorale ; la province n'étant pas une circonscription électorale, ne doit pas entrer en compte dans la répartition des députés par districts ; mais la province doit entrer en compte dans la répartition des deux séries sortantes, pour satisfaire à la prescription constitutionnelle relative à la sortie des membres par moitié. Là est le motif, l'unique motif du compte par province. C'est pour cela que, lorsque le Congrès, en 1831, et les Chambres, en 1847, ont eu à faire une loi analogue à celle sur laquelle nous délibérons en ce moment, on a opéré, d'abord et avant tout, la répartition par provinces ; et pourquoi ? Afin de conserver aux deux séries sortantes une pondération parfaite pour la Chambre et pour le Sénat. Les provinces ne figuraient dans le travail qui nous occupe, que pour le seul et unique motif qui est la base première de ce travail. Comme la Chambre sort par provinces, d'après la Constitution, il faut bien que, dans l'exécution, les deux séries de provinces obtiennent le même nombre de députés.

Et c'est uniquement à ce point de vue, je le répète, que les provinces entrent en compte. Donc, c'est bien à tort, quand il s'agit des arrondissements, qu'on met la province en cause, car, encore une fois, la province n'est pas une circonscription électorale.

D'autre part, au point de vue des arrondissements électoraux, il existe deux situations tout à fait distinctes et qu'il importe de ne pas confondre : Certains districts, à raison de l'augmentation de leur population de 40 ou 80 mille habitants, ont un droit strict à un représentant ou à un sénateur en plus ; au contraire, d'autres districts ont aussi une augmentation de population, mais qui cependant ne s'élève pas au chiffre de 40 ou 80 mille habitants, et dès lors ne leur donne pas un droit strict à avoir un sénateur ou un représentant en plus. Tout district qui a une augmentation de population de 40,000 habitants ou plus a droit, ipso facto, à un représentant de plus ; tout district qui a une augmentation de population de 80,000 âmes a droit à un sénateur.

Maintenant quelle est la position des districts dont les augmentations de population n'atteignent pas les chiffres constitutionnels de 40,000 times pour la Chambre, et de 80,000 âmes pour le Sénat ? Elles n'ont pas droit à une augmentation, et en la leur donnant malgré qu'elles n'y aient pas droit, ce sont des faveurs qu'on leur accorde en leur attribuant des habitants d'autres districts qui par là ne sont pas représentés ; les faveurs, vous ne pouvez pas les accorder d'une manière absolue, les cumuler par la collation d'un représentant et d'un sénateur sans commettre une injustice. Vous devez tenir compte de la répartition des faveurs lorsque le droit n'existe pas ; vous devez tenir compte surtout des sorties périodiques de la Chambre des représentants.

Voilà le système dans lequel la Chambré a constamment versé, quand elle s'est occupée de lois de cette espèce, système dont on a complètement dévié dans le projet de loi en discussion.

Ainsi, l'arrondissement de Bruxelles, ayant un excédant de population de plus de 80,000 habitants, a droit à deux représentants ; l'arrondissement de Charleroi, ayant un excédant de population de 57,000 habitants, a droit à un représentant ; l'arrondissement d'Anvers, ayant un excédant de population de plus de 40,000 âmes, à droit à un représentant.

Mais les autres districts, n'ayant pas cet excédant constitutionnel, ne peuvent invoquer un droit strict ; Si donc vous donnez un représentant, à l'un de ces districts, c'est au moyen de l'excédant de population d'autres districts que vous ajoutez à son propre excédant qui est insuffisant pour lui constituer un droit.

C'est donc une simple faveur que vous accordez ; or, quant il s'agît d'une simple faveur, je demande s'il est raisonnable d'accumuler sur un seul district toutes les faveurs et pour la Chambre des représentants et pour le Sénat.

Je dis que cette manière d'agir ne serait pas seulement injuste, mais qu'elle serait monstrueuse.

Messieurs, que disait à ce sujet la section centrale qui avait été chargée de l'examen de la loi de 1847 ? Je prendrai la confiance de vous lire ce passage, parce qu'il est extrêmement significatif.

Voici ce que disait la section centrale dans son rapport, qui porte la date du 13 février 1847 :

« L'attribution absolue d'un représentant ou d'un sénateur à l'excédant le plus élevé, sans tenir compte du déficit, serait une véritable injustice envers d'autres districts, puisqu'on pourrait ainsi arriver à ce résultat qu'un sénateur et un représentant dussent être attribués ensemble à un district qui n'aurait que quelques habitants de plus qu'un autre, bien que tous deux aient de forts excédants. D'ailleurs, appliquer le principe de la fraction la plus forte au représentant, et puis l'appliquer ensuite au sénateur, ce serait cumuler tous les avantages d'un côté, et tous les désavantages de l'autre. En pareille matière, en présence de deux districts dont les excédants se combattent, le système le plus juste est la compensation qui donne le sénateur à l'un et le représentant à l'autre. »

(page 551) C'est ainsi que l'avait entendu le Congrès national en 1831, quand il a fait la loi électorale ; cela résulte à l'évidence des citations qui se trouvent dans le rapport de la section centrale de 1847 ; il serait trop long d'en donner lecture à la Chambre.

Vous le voyez donc, c'est une vérité constante : quand un district, par l'augmentation de sa population, a un droit constitutionnel à avoir un représentant ou un sénateur en plus, vous devez le lui accorder ; vous ne pourriez le lui refuser sans injustice ; mais quand à raison de l'addition d'excédants qui, isolément, ne représentent pas les chiffres constitutionnels pour la Chambre et pour le Sénat, vous accordez un représentant et un sénateur à des districts qui n'y ont pas un droit rigoureux ; ces districts jouissent d'une faveur, d'un privilège, et vous ne pouvez pas accumuler toutes les faveurs sur un seul district ; vous devez les répartir.

Voulez-vous, messieurs, voir l'application de ce système ? Je prends, par exemple, le tableau du Sénat ; je déclare d'abord, comme je le disais tout à l'heure, qu'il faut commencer par donner des sénateurs aux districts qui sont dans le droit ; mais que quant aux districts qui ont des excédants insuffisants, vous devez appliquer ces excédante avec justice, et de manière à conserver les séries constitutionnelles. Je reviens maintenant au tableau du Sénat.

Au Sénat, dans la première série :

La Flandre orientale a un excédant de 24,175 habitants, le Hainaut 68,194, Liége 90,534 ; le Limbourg 39,693.

Mais il faut défalquer le déficit que présentent les provinces d'Anvers et de Namur : Anvers présente un déficit de 1,927, Namur de 8,866. Soit 10,795. De sorte que le chiffre des excédants de la seconde série n'est que de 122,241 habitants.

Par conséquent, la seconde série n'a droit qu'à un sénateur, plus seulement 42,301 habitants.

Que résulte-t-il de ce tableau ? II en résulté à l'évidence que le sénateur que vous attribuez au Luxembourg doit être donné au Limbourg.

Cela est d'autant plus vrai, que l'arrondissement de Tongres a un excédant pour le Sénat de 36,364 habitants, tandis que ceux d'Arlon et de Marche n'ont qu'un excédant de 30,618 habitants. Vous ne l'attribuez au Luxembourg qu'au moyen d'un calcul par province qui ne signifie rien, qui doit être mis complètement de côté, car encore une fois, la province n'est pas une circonscription électorale.

MfFOµ. - Si ! si ! c'est la Constitution qui le dit.

M. Dumortierµ. - La Constitution ne le dit pas. Si nous entrons dans la question constitutionnelle, je vous répondrai bien vite. Il y avait, lorsqu'on s'est occupé de la Constitution, deux systèmes en présence : celui qui ferait nommer les sénateurs par les électeurs et celui qui les ferait nommer par les conseils provinciaux, et l'on a admis les mots « par province », pour laisser la question entière.

S'il en est autrement, si votre interprétation n'est pas fausse, dites que les sénateurs doivent être nommés par toute la province et que depuis 1830 vous êtes dans l'inconstitutionnalité.

Le Congrès lui-même, qui savait ce qu'il avait voulu, a réglé la loi électorale contrairement au principe que vous invoquez.

Je le répète, messieurs, si j'examine les chiffres du tableau, je trouve que les arrondissements de Tongres et de Maeseyck ont un excédant de 36,364 habitants, tandis que les arrondissements d'Arlon, de Bastogne et de Marche n'ont qu'un excédant de 30,618 habitants ; d'où il suit que les arrondissements de Tongres et de Maeseyck ont l'excédant le plus considérable.

En opérant comme je le propose, vous rendez les deux séries du Sénat égales, et vous rétablissez l’exécution de la Constitution dont on est malheureusement sortie dans la dernière loi qu’on a faite, en assignant deux députés de plus à une série qu'à l'autre. Vous rectifierez ainsi cette erreur et à l'avenir le Sénat sortira par moitié. Ainsi le droit et le fait vous ordonnent de suivre ce système, c'est-à-dire d'attribuer aux arrondissements de Tongres et de Maeseyck le sénateur que vous voulez donner aux arrondissements d'Arlon, de Bastogne et de Marche, et je présenterai un amendement dans ce sens en y joignant le petit tableau dont je viens de donner lecture.

Messieurs, qu'arrive-t-il pour la Chambre des représentants ? Mais vous arrivez aussi à la rupture de la pondération, puisque l'une des deux sorties aura 61 représentants, tandis que l'autre sortie en aura 63. Cela est-il possible ? Que devient la Constitution en présence de cela ? Où est la sortie par moitié que le Congrès a inscrite deux fois dans la Constitution ? Ici encore, si vous voulez être justes, si vous voulez rester dans les limites constitutionnelles, vous devez attribuer au district d'Alost, qui a le plus grand excédant, le député que vous accordez au district de Thuin : Alost a un excédant de 25 mille habitants ; Thuin, au contraire, n'a que 17 mille d'excédants. Alors vous resterez dans les limites constitutionnelles, et vous aurez deux séries égales pour les sorties/

Messieurs, revenons toujours à ce principe qui est celui de la vérité ; c'est que lorsqu'un district n’a pas, par le nombre de ses habitants, un droit incontestable à l'augmentation de ses sénateurs ou de ses députés, ce n'est plus un droit, c'est une faveur que vous lui accordez, et cette faveur, vous devez la répartir de manière à laisser intacte la prescription constitutionnelle qui veut la sortie par moitié tant pour la Chambre que pour le Sénat. C'est une base qui a été perdue de vue dans le projet de loi actuel et à laquelle il faut revenir, si nous voulons faire une loi constitutionnelle.

L'honorable M. Orts disait tout à l'heure : Il faudra retirer tel district d’une série pour le faire passer dans l’autre série. Je lui réponds : On ne peut agir de la sorte qu’au moyen de la dissolution. Car le mandat du député lui est acquis ; vous ne pouvez le lui retirer. C'est déjà trop d’agit ici d’une manière fort peu légale, en faisant une loi malgré les prescriptions impératives sur le recensement général. N'ajoutons pas à cela la violation de deux articles de la Constitution, articles impératifs qui l’une des bases de notre édifice constitutionnel.

Une autre difficulté a été indiquée par l'honorable M. Pirmez, et ici je suis entièrement de son avis en ce qui concerne le danger que pourrait présenter une représentation trop grande d'un district, représentation qui viendrait peser trop fortement sur la législature. Les considérations de notre honorable collègue, M. Pirmez, sont trop pleines de sagesse et de raison pour ne pas avoir été saisies par chacun de nous.

En 1846, l'arrondissement de Bruxelles n'avait que 7 députés, maintenant on lui en accorde treize.

Il en résulté à l'évidence que le jour peut arriver où la capitale aura 800,000, un million d'habitants et alors vous auriez une représentation nationale qui serait faussée par suite de la prépondérance qu'acquerrait la représentation de cette capitale.

Cela n'est pas possible ; cela est complètement antipathique aux mœurs du peuple belge, qui est un pays de fédération, un pays de communes, mais qui n'a jamais été sous le poids de la dictature d'une cité, quelle qu'elle puisse être. Sur ce point, je partage complètement l'avis de mon honorable collègue et je pense que quinze membres qui s'entendraient entre eux pourraient, dans telle ou telle circonstance, faire la loi au gouvernement et au pays. J'ajouterai avec lui que si jamais un tel événement se produisait, il serait trop tard et qu'il faut s'y prendre en temps opportun.

Eh bien, messieurs, je crois que le moment actuel est précisément favorable pour faire un pas dans cette voie ; il y a pour Bruxelles une augmentation de deux députés, je proposerai d'en donner un à un arrondissement de Hal et le second à un arrondissement de Vilvorde. Nous aurions ainsi posé un premier jalon pour empêcher une augmentation de députés qui pourrait devenir, à un moment donné, véritablement dangereuse pour le pays.

M. Hymansµ. - Messieurs, je ne comptais pas prendre la parole, mais après la péroraison que vous venez d'entendre, il m'est impossible de garder le silence. Il faut absolument qu'un député de Bruxelles vienne protester contre la doctrine qui est professée ici depuis deux jours au sujet de la nécessité de couper en pièces et morceaux l'arrondissement de Bruxelles, à la condition, bien entendu, que le fractionnement que l'on propose soit fait de telle manière qu'il amène quelques députés catholiques de plus à la Chambre. (Interruption.)

En principe, messieurs, je ne suis pas un adversaire absolu du fractionnement. La division du pays en circonscriptions de 40,000 habitant», nommant chacune un députe, me paraîtrait un» doctrine très soutenable, (page 552) s’il il n'y avait pas deux grands arguments a y opposer : la corruption plus grande dans les petits collèges et l'arbitraire permanent qui, naturellement, présiderait à la fixation des circonscriptions elles-mêmes, par suite de la mobilité de la population qui change à chaque élection.

Mais, messieurs, quand on est venu nous proposer le fractionnement de l'arrondissement de Bruxelles (et c'est l'honorable M. de Theux qui en a parlé le premier hier) ç’a été à une condition, à la condition que le fractionnement se fît de manière que la ville et les faubourgs, où l'élément libéral domine, formassent un seul arrondissement et que les campagnes formassent un autre arrondissement, voilà dans quel sens on veut le fractionnement.

Si nous en venions à décréter un fractionnement, nous demanderions, nous, des circonscriptions s'étendant du centre à la circonférence, de telle sorte que l’élément libéral, qui est en immense majorité dans l'arrondissement actuel, restât prédominant dans les nouveaux districts. Or, ce fractionnement-là on n'en voudrait plus. (Interruption.)

Vous protestez, mais pourquoi donc voulez-vous fractionner ? Où est cette prépondérance effrayante de l'arrondissement de Bruxelles dans les Chambres ?

Les faits le prouvent et c'est la conséquence toute matérielle de la nature même des hommes et des institutions, plus vous augmentez la députation d'un arrondissement, plus elle se divise.

La députation de Bruxelles est peut-être la seule dans cette Chambre qui ne soit pas complètement unie, qui ne soit pas complètement homogène ; et cela est inévitable dans un pays où règne une liberté absolue de discussion, dans un arrondissement où prédomine l'élément libéral, c'est-à-dire le droit d'examen, où la discussion des candidatures est complètement libre, où l'on ne peut pas imposer les candidats comme on le fait dans certains arrondissements qui appartiennent à l'opinion adverse.

Dans un pareil arrondissement, il arrive tout naturellement que la députation se divise et dès lors quel est le danger du nombre ? Et si la députation est unie, si elle est issue des mêmes principes, qu'importe qu'elle représente 13 fractions de 40,000 âmes ou un seul arrondissement de 13 fois 40,000 âmes ? Qu'importe qu'on vote par scrutin de liste ou que chaque électeur ne vote que pour un seul député ? Si nous sommes unis, nous le serons de toute façon, et si nous sommes divisés, la coalition sera impossible.

D'ailleurs, messieurs, si les députés de Bruxelles se coalisaient pour peser sur la Chambre, immédiatement les députés de la province se coaliseraient contre eux.

L'honorable M. Pirmez a parlé tantôt de l'influence que peut exercer une députation nombreuse sur les nominations de tout genre ; mais je puis l'affirmer ici, il nous est plus difficile d'obtenir une nomination quelconque, qu'à un député qui ne représente qu'un collège de 40,000 habitants.

La raison en est toute simple : nous sommes 11 et chaque fois qu'il y a une place vacante il y a 11 candidats, chaque député présente le sien. Une seule fois les représentants de Bruxelles sont parvenus à se mettre d'accord pour recommander un notaire ; il nous fut répondu qu'il était impossible de le nommer, précisément parce qu'on s'était mis d'accord pour appuyer le candidat. Le ministre nous a dit, non sans quelque raison, que le gouvernement ne voulait pas subir la pression des onze députés de Bruxelles réunis.

Ce que je dis de Bruxelles, messieurs, s'applique à tous les grands arrondissements. Ainsi, par exemple, si l'arrondissement d'Anvers, au lieu d'avoir cinq députés, en avait dix, ce que je lui souhaite, sur ces dix députés, vous auriez cinq partisans de la citadelle du Nord et cinq adversaires. On n'est d'accord que parce qu'on est peu nombreux, et je suis persuadé que le nouveau député, dont on veut gratifier l'arrondissement d'Anvers et dont les représentants d'Anvers ne veulent point, viendra voter ici tout autrement que ses collègues.

Je ne comprends véritablement rien aux étranges théories que l'on veut faire prévaloir dans cette enceinte, Nous avons entendu hier l'honorable M. de Smedt soutenir des théories tellement extraordinaires, tellement bizarres, tellement dangereuses qu'il est impossible de les laisser passer sans la plus énergique protestation.

Comment ! l'honorable M. de Smedt élu par l'arrondissement de Furnes, plusieurs fois, légalement, sans contestation et appartenant à la minorité de cette Chambre, vient nous dire que la majorité de la Chambre représente la minorité du pays.

M. de Smedtµ. - La minorité numérique.

M. Hymansµ. - Vous avez dit que la majorité de la Chambre représente la minorité du pays. Cela est au Moniteur. Eh ben, je demande, dans ce cas, ce que représente la minorité de cette Chambre ? Si la majorité ne représente rien, que représentez-vous ? (Interruption.)

La majorité de la Chambre, nous dit-on ensuite, représente la minorité du corps électoral. Mais, messieurs, avec le système de l'honorable membre, non seulement la Chambre ne représente pas le pays, mais une Chambre quelconque ne représentera jamais la nation.

Eussions-nous le suffrage universel, tous les Belges âgés de 21 ans eussent-ils le droit de suffrage, tous se rendissent-ils au scrutin pour user de leurs droits, tous en vinssent-ils à réunir leurs suffrages sur un seul candidat, ce candidat fût-il l'honorable M. de Smedt, l'honorable membre ne représenterait pas encore la majorité numérique du pays, attendu que ceux qui auraient été au scrutin seraient toujours moins nombreux que ceux qui n'auraient pas le droit de suffrage et il ne peut pas prétendre que j'aie tort de prendre en considération jusqu'à l'exclusion des femmes du scrutin, car l'honorable membre invoque à l'appui de sa thèse la doctrine de Stuart Mill qui admet les femmes à déposer leurs bulletins dans l'urne.

La Chambre ne représente que la minorité du corps électoral. Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie qu'il y a des électeurs qui ne vont pas voter. Cela signifie qu'une voix de majorité peut décider de l'élection d'un candidat et l'honorable M.de Smedt en conclura que celui qui n'aura pas obtenu cette seule voix aura autant de droits de siéger à la Chambre, que l'élu de la majorité.

M. de Smedtµ. - Je n'ai pas dit cela.

M. Hymansµ. - Vous avez soutenu la doctrine de M. Hare qui tend à faire représenter les minorités dans les assemblées. Vous en avez conclu qu'un candidat qui a obtenu dans un arrondissement 6,000 voix sur 10,000 votants ne représente pas son arrondissement.

Cela est en toutes lettres au Moniteur. Vous nous avez fait l'apologie de la doctrine de M. Hare, d'un système qu'on a appelé très judicieusement un système d'horlogerie politique et à l'aide duquel on peut devenir député à la condition d'avoir 1,000 voix dans un arrondissement qui a 13,000 électeurs, système absurde qui n'a jamais été soutenu nulle part, bien qu'il ait été considéré comme très ingénieux et qu'il ait été soumis au congrès des sciences sociales.

Ce système est la négation absolue de la vie politique.

Si vous admettez que les minorités ont le droit d'être représentées, ou allez-vous ? que devient le principe des majorités qui est de l'essence même du régime représentatif ?

Je me rappelle qu'un illustre homme d'Etat de l'Angleterre à qui on proposait de prendre le système M. Hare sous son patronage, Richard Cobden répondit : Jamais ; en acceptant une proposition pareille, je tuerais la vie politique dans mon pays.

Le rôle des minorités politiques est de lutter pour devenir majorités et le jour où nous leur donnerions des droits sans les obliger à les faire prévaloir par leur activité, la vie politique n'existerait plus. A quel beau gâchis aboutiriez-vous si la Chambre était composée de 116 députés représentant 116 fractions de corps électoraux ? Toutes les minorités seraient représentées, c'est vrai, mais il n'y aurait plus de majorité et l'honorable M. Desmet serait satisfait.

Je vous le demande encore une fois, que devient le gouvernement représentatif avec une pareille façon de raisonner ?

Messieurs, l'idée de fractionner le pays en circonscriptions de 40,000 âmes, nommant chacun un député, ou en circonscriptions de 80,000 nommant chacun deux députés et un sénateur a été discutée déjà.

On a fait valoir tous les arguments pour et contre ce système, Je n'ajouterai qu'un mot.

On a fondé l'introduction de cette idée dans nos débats sur ce que trop souvent l'élément urbain, l'élément électoral des villes absorbe l'élément des campagnes ; cela a encore été dit hier par un honorable orateur. Mais le contraire arrive très souvent.

Ne voyons-nous pas des villes où une opinion domine envoyer à la Chambre des députés d'une autre opinion, grâce à la prédominance des campagnes ? Il y a donc des deux côtés une certaine injustice apparente, mais par cela même l'équilibre se rétablit. D'ailleurs, comme le disait très bien M. Pirmez, notre système électoral ne nous a pas donné de si mauvais résultats, il ne nous a pas exposés à de si rudes épreuves, il n'a pas produit en Belgique de si terribles secousses qu'il faille absolument le renier et le bouleverser aujourd'hui.

Je termine, car la proposition de la section centrale est dirigée (page 553) exclusivement contre l’arrondissement de Bruxelles et la prépondérance que la capitale pourrait prendre un jour dans la politique du pays. Je vous ai indiqué les raisons pour lesquelles cette prépondérance n'était pas à craindre, et considérant toutes les autres modifications proposées à notre système électoral comme inopportunes et comme n'étant sollicitées par personne, je me bornerai à voter le projet de loi qui nous est soumis par la section centrale, parce qu'il est l'application juste d'un principe équitable et qu'il est conforme à tous les précédents de la Chambre, depuis la première augmentation du nombre des représentants.

Les arguments qu'a fait valoir M. Dumortier sont tous des arguments en faveur d'un ajournement.

L'honorable membre ne croit pas à l'exactitude et à la sincérité des chiffres qui nous sont présentés ; en attendant le recensement, nous aboutirions, selon lui, à d'autres combinaisons que celles de la section centrale. La Chambre s'est déjà prononcée sur ce point ; elle a repoussé l'ajournement par deux votes et le pays désire que, pour les élections prochaines, la représentation nationale soit mise en harmonie avec le chiffre de la population. C'est une raison suffisante pour que nous ne nous occupions plus à chercher des raisons pour ou contre l'ajournement et pour que nous votions la proposition qui nous est soumise, proposition qui a été examinée avec soin et qui laisse intacts tous les principes sur lesquels repose notre édifice politique.

- Des voix. - A demain.

M. Funckµ. - J'avais demandé la parole hier en entendant M. de Theux développer la théorie qu'il a soumise à la Chambre relativement à la division de l'arrondissement de Bruxelles et à la limitation de la représentation de cet arrondissement. M. Hymans vient de faire entendre la protestation que je croyais faire, et je m'empresse de me joindre à lui. S'il fallait donner suite à la proposition émise par M. de Theux, et soutenu par MM. Pirmez et Dumortier, on créerait à l'arrondissement de Bruxelles une situation exceptionnelle qu'il ne peut accepter et qu'il n'acceptera jamais, parce qu'elle constituerait une mesure de défiance, une espèce de mise hors la loi. Les représentants de Bruxelles uniront tous leurs efforts pour repousser une pareille prétention, et pour s'opposer à ce que nous considérerions tous comme une iniquité.

- Voix nombreuses. - A demain !

- Voix à gauche. - Non, non.

- La Chambre consultée décide que la séance continue.

MPVµ. - La parole est à M. Kervyn.

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - J'aurais des observations assez étendues à présenter pour répondre aux discours prononcés par M. le ministre de l'intérieur, par MM. Pirmez et Hymans ; la discussion est très importante, je demande que la Chambre veuille bien accorder la remise à demain. (Interruption). Il est impossible de rentrer dans la discussion en ce moment, il est près de 5 heures.

M. Gobletµ. - Il y a décision de la Chambre.

MpVµ. - M. Kervyn demandé à ne parler que demain…

M. Bouvierµ. - Si la séance doit être remise, je demande de la fixer à demain à une heure.

M. Moreauµ. - Je me permettrai de faire observer à la Chambre que demain je dois présider deux sections centrales et que l'une d'elles doit être remise à 11 heures. Si la séance de la Chambre est fixée à une heure, il faudra que les sections centrales commencent leurs travaux à 10 heures, ce qui n'est guère possible. Je demande donc que la Chambre ne siège qu'à l'heure habituelle.

MpVµ. - Insiste-t-on pour que la séance continue ?

- Voix à gauche. - Oui ! oui !

M. Kervyn de Lettenhoveµ renonce à la parole.

M. Reynaertµ. - Je ne puis que me rallier au système qui a été exposé et défendu, à la séance d'hier, par les honorables MM. de Theux et de Naeyer. Ce système me paraît tellement équitable, tellement conforme aux principes d'équité qui doivent présider à toute répartition des membres de la représentation nationale, que j'ai le ferme espoir que la Chambre consentira à le consacrer par son vote.

Le mode de répartition le plus juste, à mes yeux, le plus en harmonie avec nos principes constitutionnels, est celui qui laisse la moindre fraction de population sans représentation, en d'autres mots, celui qui réalise l'équation la plus parfaite entre ces deux termes : population et représentation.

Or, quand on examine les chiffres qui ont été fournis tant par la section centrale que par la minorité, on acquiert la conviction que le seul mode de répartition possible est celui qui a été préconisé hier par les honorables membres que j'ai eu l'honneur de nommer tantôt.

En effet, que voyons-nous, une fois la répartition faite entre les provinces qui ont un droit absolu ?

D'une part, la Flandre orientale a un excédant pour la Chambre de 21,175 habitants et un excédant d'autant pour le Sénat, ensemble 48,350 habitants. La Flandre occidentale a un excédant pour la Chambre de 19,938 habitants et le même excédant pour le Sénat ; ensemble, 39,876 habitants, soit un excédant pour les deux Flandres, Chambre et Sénat réunis, de 88,220 habitants.

D'autre part, le Hainaut, quand on lui a attribué le représentant qui lui revient en droit absolu, a encore un excédant de 28,194 habitants et un déficit pour le Sénat de 11,800 habitants ; différence en excédant de 16,288 habitants. Le Brabant a un excédant pour la Chambre de 24,545 habitants et un déficit pour le Sénat de 15,415 habitants ; différence en excédant de 9,170 habitants, soit un excédant pour le Hainaut et le Brabant, Chambre et Sénat réunis, de 25,458 habitants, tandis que les deux Flandres ont un excédant de 88,226 habitants.

- Un membre. - Vous réunissez deux provinces.

M. Reynaertµ. - C'est le système de compensation développé hier et qui jusqu'ici n'a pas rencontré d'objection sérieuse. Car l'honorable M. Pirmez s'est attaché aux arrondissements et n'a guère parlé des provinces.

MfFOµ. - Votre système est condamné par l'arithmétique.

M. Reynaertµ. - C'est ce que nous verrons ; je vous attends à la preuve.

Il y a donc une différence en moins pour le Hainaut et le Brabant, relativement aux Flandres, de 62,788 habitants.

Eh bien, que faites-vous ? Il reste deux représentants à répartir : vous les attribuez aux provinces qui ont l'excédant le moins considérable, un excédant qui ne comporte pas même un représentant, et vous négligez deux provinces dont l'excédant global dépasse de 8,226 le chiffre qu'il faut pour avoir deux représentants.

Eh bien, messieurs, je n'hésite pas à dire qu'un système qui arrive à des résultats aussi absurdes, aussi iniques, est un système condamné par la raison et par l'équité. Et qu'on ne vienne pas dire, comme l'honorable M. Lelièvre, hier, M. Orts, dans son rapport, et M. Hymans, aujourd'hui, que ce système est conforme aux précédents, et spécialement au précédent de 1859. L'honorable M. de Naeyer a fait remarquer hier qu'en 1859 il n'existait pas un cas semblable, qu'il n'existait pas un cas d'une aussi frappante inégalité. A mon tour, je répondrai aujourd'hui à ces honorables membres qu'ils sont mal venus à nous engager au respect des précédents de la Chambre, eux qui ne professent aucun respect pour une loi organique, pour la loi du 2 juin 1856.

Singulière logique que de prêcher l'inviolabilité des précédents, quand on affiche le dédain le plus absolu pour une loi qui a conservé toute sa force obligatoire !

Vous proclamez le droit de refaire ou de défaire la loi qui engage même votre honneur comme parti politique ; proclamez donc aussi le droit de la Chambre de déroger à ses précédents, si telles sont les exigences de l'égalité et de la justice.

Mon intention n'est pas de combattre le projet de loi au point de vue des principes ; Ce côté élevé de la question a été traité, à diverses reprises beaucoup mieux que je ne pourrais le faire, par d'honorables orateurs qui siègent sur les mêmes bancs que moi.

Au reste, je considère la chose comme superflue. L'auteur même de la proposition, l'honorable M. Orts, qui lui a donné et sa signature et son nom, a infligé à son œuvre une flétrissure qui résume, dans son énergique brièveté, tous les reproches qu'on pourrait lui adresser ; il l'a appelée un acte de parti.

M. Ortsµ. - Juste.

M. Reynaertµ. - C'est-à-dire un acte qui a pour principal mobile (page 554) l’intérêt, et qui, pour atteindre son but intéressé, fait abstraction des conditions de moralité et de justice qui doivent se trouver au fond de toute loi.

M. Dumortierµ. - Je dépose l'amendement que j'ai annoncé.

MpVµ. - Cet amendement sera imprimé et distribué.

- La séance est levée à 5 heures.