Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 13 avril 1866

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboomµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 605) M. de Moor, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 3 1/4 heures.

M. Van Humbeeck, secrétaireµ, lit le procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moorµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« La chambre syndicale de la première section du corps des courtiers d'Anvers et les chambres syndicales des courtiers et agents de change près les bourses de Gand, Bruxelles et Liège présentent des observations en faveur du maintien des courtiers légaux. »

-Dépôt sur le bureau pendant la discussion du titre V, livre Ier, du code de commerce.


« Par dépêche du 3 avril 1866, M. le ministre de l'intérieur transmet des explications sur les pétitions des habitants de Jandrenouille, relatives à l'établissement d'une école primaire. »

- Dépôt au bureau des renseignements.


« M. le ministre des finances adresse à la Chambre le rapport sur les opérations de la caisse d'amortissement et de celle des dépôts et consignations, pendant l'année 1865. »

- Impression et distribution aux membres de la Chambre.


« M. Quetelet, directeur de l'Observatoire royal de Bruxelles, fait hommage à la Chambre de 109 exemplaires du nouveau travail qu'il vient de publier sous le titre de : Sciences mathématiques et physiques chez les Belges, au commencement du XIXème siècle. »

- Distribution aux membres de la Chambre, et dépôt à la bibliothèque.


« M. Devroede, oblige de s'absenter, demande un congé. »

- Accordé.


« M. de Woelmont, empêché de se rendre à la séance, demande un congé. »

- Accordé.

Projets de loi de naturalisation

M. de Brouckereµ. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi ayant pour objet d'accorder la grande naturalisation au sieur Marx dont la demande a été prise en considération par le Sénat et par la Chambre.

Je dépose, en même temps, neuf projets de loi ayant pour objet d'accorder la naturalisation ordinaire à un pareil nombre de pétitionnaires dont les demandes ont été également prises en considération par les deux Chambres.

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. Thienpontµ, M. Moutonµ et M. Bouvierµ déposent successivement des rapports sur des demandes de naturalisation ordinaire.

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

Motion d’ordre

M. Hymansµ. - Messieurs, il s'est passé, ces jours derniers, un fait dont la presse belge et la presse étrangère s'occupent et qui a besoin d'explications.

II s'agit de plusieurs Polonais, habitant le sol belge et qui ont été arrêtés sous la présomption d'avoir fabriqué de faux billets de banque russes.

La presse étrangère, je le répète, s'occupe beaucoup de ce fait, et dans des termes tels, qu'il me paraît impossible qu'une interpellation à ce sujet ne soit pas faite dans cette Chambre. Je vais vous en donner une preuve, en vous faisant lecture d'un extrait d'une correspondance adressée de Bruxelles au journal l'Europe de Francfort :

« Après les détails que je vous ai transmis successivement au sujet de recherches touchant les réfugiés polonais qui se seraient prétendument rendus coupables de l'émission de faux billets de banque russes, vous concevez que l'importance politique des poursuites a dû s'accroître à mesure que le nombre des inculpés diminuait.

« Aujourd'hui que tous les prévenus qui avaient été tenus encore sous les verrous ont été relâchés, il ne reste de cette triste affaire, qui avait été entourée dès son origine de tant de bruit, que l'incarcération dans des cachots humides et infects de dix innocents, laquelle s'est élevée, pour quelques-uns d'entre eux, jusqu'à quatre ou cinq semaines ; pendant ce temps, la presse gouvernementale russe dénonçait à son de trompe l'honorable général Chalewski, le célèbre poète Wolski, le courageux Francoski comme des faux monnayeurs Et si c'était encore tout ! Aujourd'hui dira-t-on, que les prévenus ont été remis en liberté, ils pourront du moins invoquer leur relâchement comme preuve de leur innocence ! Mais détrompez-vous. En leur annonçant qu'ils étaient libres, le juge d'instruction ajoutait qu'il était convaincu de leur honorabilité. Mais, disait-il, gardez-vous de jamais faire connaître ce qui s'est passé entre vous et moi dans mon cabinet ; vous savez que la Russie est assez puissante pour obtenir votre expulsion du sol belge.

« Comment, vous avez obéi docilement à la voix des bourreaux de l'héroïque Pologne en privant dix infortunés de leur liberté, en les faisant inculper par la presse entière d'un crime vulgaire, indigne d'eux lors même qu'il eût eu la passion politique pour excuse, et ils n'auraient pas le droit d'établir leur innocence que vous avez proclamée vous-même, M. le juge d'instruction ?

« Ce n'est pas tout. Jusqu'ici aucun des papiers politiques qui avaient été saisis chez les infortunés réfugiés n'a été rendu à ses propriétaires.

« Et si c'était tout ! Mais d'aucuns prétendent que M. le commissaire de police H. vient d'être envoyé à l'étranger pour communiquer ces documents à certain agent occulte de la Russie.

« On ne se contente donc pas de priver dix hommes honorables de leur liberté et de compromettre leur honneur, il ne suffit pas d'avoir permis à la diplomatie russe d'examiner les papiers pendant l'incarcération des innocents, il faut les soumettre à un nouvel examen des agents du Czar pour compromettre la fortune, la vie peut-être des Polonais qui sont restés en son pouvoir, tandis qu'on ferme la bouche à ceux qui pourraient révéler ces scandales !

« Mais il ne sera pas dit, malgré la loi pour les étrangers, que de pareils dénis de justice puissent être commis impunément en Belgique. L'Illustration, le Monde illustré ont fait récemment force éloges de M. Bara, notre jeune ministre de la justice. Qu'il prouve par sa conduite dans cette affaire qu'ils étaient mérités. Et s'il préfère suivre l'exemple de quelques grands journaux belges en observant le silence sur le zèle insolite de nos magistrats, eh bien, il se trouvera bien quelque membre de la Chambre qui voudra venger l'insulte faite à la Belgique entière par les procédés inqualifiables dont je viens de parler.»

Messieurs, ce membre qui se charge de venger l'insulte faite à des étrangers s'est trouvé en effet, et je suis d'avis, pour ma part, que si les faits énoncés dans cette correspondance et dans beaucoup d’autres étaient exacts, ils seraient de nature à provoquer dans notre pays la plus vive et la plus légitime indignation. Je crois, pour ma part, impossible que de pareils faits se soient passés, et je prie instamment M. le ministre de la justice de vouloir nous donner quelques explications à cet égard.

(page 606) MjBµ. - Je n’ai pas attendu qu’une interpellation se produise dans cette Chambre pour prendre des renseignements au sujet des faits qui sont signalés, non seulement par la presse étrangère, mais par plusieurs journaux du pays.

On a prétendu que des Polonais avaient été arrêtés sous prévention de fabrication et d'émission de faux assignats russes et que ces poursuites avaient été intentées à la suite d'une dénonciation du gouvernement russe, et par ordre du gouvernement belge.

Je commence par déclarer que le gouvernement russe, ainsi que me l'a dit mon honorable collègue des affaires étrangères, n'a adressé au gouvernement belge aucune espèce de dénonciation.

En effet, cette dénonciation était inutile. Car, depuis 1862, on sait qu'il circule dans l'Europe et en Belgique un grand nombre de faux assignats russes. Ce fait était connu du gouvernement et était connu de tout le monde.

Si le parquet et le juge d'instruction ont entamé une instruction à ce sujet, c'est de leur propre volonté, par accomplissement des devoirs que leur impose la loi. Le ministre de la justice n'a connu les poursuites que lorsqu'elles étaient intentées, par la révélation qui lui en a été faite par les journaux. Il n'a été informé des saisies qui avaient été faites, que par la voie de la presse ; et il est donc tout à fait inexact de soutenir que ces poursuites ont été intentées par suite d'une dénonciation d'un gouvernement étranger ou bien par suite des instructions données par le gouvernement belge. Voici comment l'instruction a été provoquée :

Des changeurs belges avaient été victimes de négociations de faux assignats russes. De faux assignats russes pour une somme d'environ 1,800 fr. avaient été changés chez des changeurs belges, des nationaux avaient été victimes de ces faux.

C'est à la suite de dénonciations de changeurs que le parquet a commencé des poursuites et que le juge d'instruction a procédé à des arrestations.

Les faits, messieurs, étaient tels, que les changeurs ne voulaient plus se charger de l'échange des roubles russes. La panique était arrivée à ce point sur la place de Bruxelles que tous les changeurs avaient pris la résolution de ne plus procéder au change des valeurs russes. La fraude est si adroite qu'il est presque impossible de distinguer, à moins d'une grande habitude, le faux assignat russe de l'assignat véritable. On a procédé à des arrestations et, je dois le dire, parmi les personnes arrêtées il n'y a pas seulement des Polonais, mais il y a même des Russes. On a procédé à ces arrestations avec beaucoup de prudence ; on a relâché plusieurs des personnes arrêtées parce que les preuves n'étaient pas suffisantes, mais il y en a d'autres qui sont encore incarcérées et à l'égard desquelles l'instruction se poursuit.

Vous comprenez, messieurs, qu'il m'est impossible de dire quel sera le résultat de l'instruction dont les prévenus sont l'objet ; mais ce que je puis dire c'est qu'aucune faute n'est imputable à la magistrature belge et qu'elle n'a été mue par aucune autre considération que le désir de faire respecter la loi.

On a dit, dans l'article dont M. Hymans a donné lecture, qu'un commissaire de police était allé à Dresde et avait livré des papiers à un agent russe. Ai-je besoin de réfuter de pareilles inepties ? On sait parfaitement que les papiers saisis ne sont pas en la possession de la police, mais qu'ils restent entre les mains du juge d'instruction ; il y a plus, quand le commissaire de police est allé à Dresde, pas un seul papier n'avait encore été saisi ; la saisie des papiers n'a eu lieu que postérieurement, et ce fonctionnaire auquel on a fait allusion est allé à Dresde, uniquement en vue d'une extradition. Voilà, messieurs, l'exacte vérité des faits.

Quant aux cachots humides et infects dans lesquels des étrangers auraient été enfermés, je demanderais à l'honorable M. Coomans, s'il était ici, ce qu'il en pense, lui qui trouve que les prisonniers sont mieux logés que les militaires. Les personnes dont il s'agit ont été détenues à la prison de Bruxelles et on sait que le régime de cette prison est très supportable.

Ainsi, messieurs, dans cette affaire, la justice a agi de son propre mouvement, sans avoir été provoquée, soit par une dénonciation étrangère, soit par le ministre de la justice et quant, aux étrangers qui ont été arrêtés, ils l'ont été par des motifs sérieux comme des Belges l'auraient été dans un pareil cas.

Ordre des travaux de la chambre

M. Delaetµ (pour une motion d’ordre). - Messieurs, la Chambre a été avertie hier que le.rapport de l'honorable M. Thonissen sur les visites domiciliaires en matière de presse, était déposé, qu'il allait être imprimé et nous serait remis, le soir même. La discussion de ce rapport pour mardi a même été demandée par un de nos honorables collègues ; mais sur une observation de M. le ministre de la justice qu'il ne pouvait pas s'engager à étudier ce rapport pour mardi, la Chambre n'a pas fixé de jour. Je viens de voir que le projet de loi dont il s'agit et qui figurait à l'ordre du jour d'hier, en a disparu aujourd'hui. Je ne crois pas que la Chambre ait décidé qu'elle ne s'occuperait pas, dans un bref délai, de la loi sur la presse.

Je ne pense pas qu'il y ait décision dans ce sens.

M. le présidentµ. - Il y a décision en ce sens que la Chambre fixerait ultérieurement le jour où aurait lieu cette discussion.

M. Delaetµ. - Je ne pense pas que cette décision doive être considérée comme un renvoi aux calendes grecques d'un projet de loi qui déjà n'est que trop longtemps ajourné. Aucun membre de la Chambre n'a pu croire que cette décision engageait le bureau à faire disparaître cet objet de l'ordre du jour.

L'ordre du jour porte toujours des objets qui ne sont pas immédiatement discutés et qui continuent à y figurer pour mémoire et pour être discutés à la première occasion favorable.

Je ne pense pas que M. le ministre de la justice veuille nous opposer, à nous signataires du projet, une fin de non-recevoir, en disant qu'il n'a pas le temps d'étudier la matière. Nous savons tous que la session ne sera pas très longue et la question est assez importante pour être examinée avant que nous nous séparions.

M. Bouvierµ. - Et la reforme électorale ?

MjBµ. - En ce qui concerne la loi modificative des dispositions sur la presse, je ferai remarquer à l'honorable membre que si cet objet arrive à la fin de la session, ce n'est point la faute du gouvernement. M. Moreau a, je crois, déclaré dans une séance précédente que c'était plutôt la faute de membres de la section centrale qui, bien que convoqués à deux reprises différentes, n'avaient pas assisté à la réunion.

L'honorable M. Debaets a donné fort peu de développements à sa proposition. L'honorable M. Thonissen a compris si bien toute l'importance du projet de loi, qu'il a cru de son devoir de faire un rapport très étendu ; il n'a pas échappé à l'honorable rapporteur que des questions de constitutionnalité se trouvaient en jeu.

Je demande s'il est possible de dire au gouvernement : Vous allez examiner en 48 heures le rapport de M. Thonissen et tous les points qui se rattachent à la loi modificative de la presse.

Je me suis engagé, messieurs, dans la discussion du code pénal au Sénat. Je ne pense pas que je puisse interrompre le vote de cette importante révision qui a si longtemps occupé la Chambre et le Sénat pour m'occuper, séance tenante, de l'affaire de la presse. La discussion du code pénal me retiendra au Sénat à partir de lundi en huit.

Si l'on veut ultérieurement fixer le jour où l'on discutera le projet de loi sur la presse, je suis complètement à la disposition de la Chambre.

M. Royer de Behrµ. - Je pense que le projet sur la presse est excessivement important, mais le projet de loi sur la réforme électorale est aussi très important ; je voudrais savoir quand le rapport sera déposé et si nous pourrons discuter ce projet pendant la session actuelle ?

M. Hymansµ. - En ce qui concerne le projet de loi sur la réforme électorale, je puis répondre en très peu de mots à l'honorable M. Royer de Behr. J'espère que le rapport pourra être déposé dans le commencement de la semaine prochaine. La section centrale a terminé son travail et il est plus que probable que le rapport pourra être distribué et imprimé de manière que la discussion puisse avoir lieu au plus tard mardi en huit.

Puisque j'ai la parole, je ferai une observation au sujet de ce qui a été dit par l'honorable M. Delaet relativement à la loi sur la presse ; je ne crois pas qu'on me suspectera d'être hostile à la liberté de la presse, j'ai besoin plus que personne de cette liberté, mais je me permettrai de faire remarquer, après avoir lu le rapport de l'honorable M. Thonissen, que le projet de la section centrale qui nous est soumis diminue considérablement l'importance que. le projet pouvait avoir d'abord.

La section centrale nous propose de maintenir la jurisprudence (page 607) existante, en ce qui concerne les faits relatifs à la vie privée et de ne renvoyer au jury que l'examen des délits de presse relatifs à la vie publique.

M. Thonissenµ. - Mais non.

M. Hymansµ. - Certainement ; or, les procès qui ont eu lieu de ce chef depuis 1830 sont tellement peu nombreux, qu'en fait la question n'a aucune espèce d'importance de la façon dont elle est présentée aujourd'hui par la section centrale.

M. Thonissenµ. - M. Hymans a très mal compris l'ensemble du projet. (Interruption.) Il a, dans tous les cas, très mal lu le projet de la section centrale. Ce projet ne distingue pas le moins du monde entre les imputations dirigées contre des fonctionnaires et celles qui s'adressent à d'autres citoyens. Il n'admet de distinction que par rapport aux imputations dirigées exclusivement contre la vie privée...

M. Hymansµ. - C'est encore plus restrictif.

M. Thonissenµ. - Il ne distingue, dis-je qu'entre les imputations dirigées exclusivement contre la vie privée et les imputations en rapport direct ou indirect avec la vie publique. Ainsi, par exemple, j'attaque la vie publique d'un citoyen d'une manière quelconque : l'intervention du jury sera obligatoire, même pour obtenir des dommages-intérêts. Je mêle aux attaques, dirigées contre la vie publique, des imputations en rapport avec la vie privée : l'intervention du jury sera encore indispensable. Le projet présente donc une importance considérable. (Interruption.) Ce qui est vrai, c'est que nous voulons maintenir le droit commun pour les attaques dirigées exclusivement contre la vie privée.

M. Hymansµ. - C'est ce que j'ai dit.

M. Thonissenµ. - Du tout ; vous avez dit que le projet n'exigeait l'intervention du jury que pour les attaques dirigées contre les fonctionnaires. Si votre assertion avait quelque fondement, le projet n'aurait évidemment plus une grande importance ; mais je ferai remarquer que, parmi les procès intentés en matière de presse, depuis dix ans, devant les tribunaux civils, les neuf dixièmes se rapportent à des attaques dirigées contre la vie publique des plaignants, fonctionnaires ou non.

Prompts rapports de pétitions

M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition sans date, des habitants de Péruwelz demandent la révision des lois sur l'expropriation pour cause d'utilité publique et pour cause d'assainissement.

Les pétitionnaires paraissent avoir en vue d'obtenir une plus prompte expédition des affaires soumises aux tribunaux.

Je ferai remarquer qu'il s'agit ici d'une question des plus importantes, puisqu'elle intéresse le droit de propriété. Les pétitionnaires voudraient que les tribunaux prissent des décisions plus promptes en ce qui concerne les expropriations pour cause d'utilité publique et pour cause d'assainissement.

Votre commission a pensé qu'il était bon d'envoyer cette question à l'examen du gouvernement, sous cette réserve que lorsqu'il s'agit d'intérêts aussi graves que la propriété individuelle, il ne faut pas précipiter les décisions judiciaires, qu'il faut laisser les tribunaux, dans lesquels nous avons tous la plus grande confiance, examiner avec maturité les affaires qui leur sont soumises, alors surtout qu'il y a opposition de la part de ceux contre lesquels l'expropriation est provoquée.

Votre commission, messieurs, sous réserve de ces observations, a conclu au renvoi de ce dossier à MM. les ministres de l'intérieur et de la justice.

M. Bouvierµ. - La pétition que l'on vient de me passer et sur laquelle rapport vient d'être fait, renferme des faits d'une très haute portée.

D'après l'honorable rapporteur, il faut que la justice ait le temps d'examiner avec soin, avec maturité, les causes qui lui sont soumises. Cela est parfaitement juste, et personne ne songe bien certainement à combattre une telle appréciation. Mais, messieurs, il y a cependant entre le temps nécessaire pour mûrir un jugement et celui indiqué dans la pétition un laps de temps tellement long, tellement considérable que cette lenteur dans la décision de la justice devient très préjudiciable aux intéressés et provoque de leur part des plaintes qui ne devraient jamais retentir dans cette enceinte.

La pétition que j'ai sous les yeux porte un nombre considérable de signatures.

Je ne m'occuperai pas à les compter ; mais je suis certain de ne pas exagérer en les évaluant à 300. (Interruption.) 330, me dit l'honorable M. de Baillet-Latour.

Permettez-moi, messieurs, de vous en citer quelques passages ; ils vous mettront à même de juger de la gravité des faits qui y sont signalés :

« Les soussignés sont particulièrement à même de juger des vices existant dans la loi qui nous régit aujourd'hui quant à l'expropriation forcée pour cause d'utilité publique ; car ils ont souffert et ils souffrent encore des longues et dispendieuses formalités exigées pour arriver à la prise de possession des terrains à exproprier. »

Voici, messieurs, quelques faits que signalent les pétitionnaires à l'appui de leur juste et légitime réclamation.

En 1860, un arrêté royal autorisa la ville de Péruwelz à acquérir même par expropriation pour cause d'assainissement une partie d'étang sise au milieu de l'agglomération de la ville. L'administration communale fit les diligences et commença immédiatement les poursuites, et seulement quatre ans après (quatre ans, M. Vander Donckt !), vers la fin de 1864, elle obtint du tribunal de première instance de Tournai un jugement qui lui permit de se mettre en possession de la propriété à acquérir.

J'espère que le tribunal de Tournai a eu largement le temps de mûrir son jugement.

Autre fait : Au mois de janvier 1865, la Compagnie du chemin de fer Hlainaut et Flandres a attrait devant le tribunal plusieurs propriétaires, à fin d'expropriation de diverses parcelles de terrain nécessaires à l'établissement de la station du chemin de fer à Péruwelz. Les expertises ont été faites, et les autres formalités ont été remplies. Les plaidoiries contradictoires ont eu lieu au mois de juillet, d'octobre et de novembre 1865,c'esl-à-dire que plus de trois mois se sont écoulés depuis que les pièces de la dernière procédure ont été soumises à l'examen du tribunal et tenues en délibéré, et jusqu'à l'heure actuelle aucun jugement n'est intervenu.

Je demanderai à l'honorable rapporteur comment il faut qualifier la conduite de ce tribunal, et je l'engage à me dire si, oui ou non, la magistrature tient compte des dispositions formelles de la loi du 17 mai 1835.

Je dis que cette singulière conduite est et reste inexplicable.

Quelles sont les prescriptions de la loi à laquelle je viens de faire allusion ? Elle veut que les formalités du code de procédure, parfois longues et dispendieuses, disparaissent en quelque sorte quand il s'agit d'expropriation pour cause d'utilité, pour faire place à une procédure plus expéditive, tout en garantissant les droits sacrés de la propriété quand il s'agit d'expropriation pour cause d'utilité publique. Cela est tellement vrai qu'elle abroge les dispositions de la loi du 16 septembre 1807 et de celle du 8 mirs 1810 en ce qu'elles ont d'incompatible et de contraire à cette procédure expéditive renfermée dans cette nouvelle législation.

Elle porte que la cause sera appelée à l'audience pour y procéder toute affaire cessante. Toute affaire cessante, entendez-vous, M. Vander Donckt ?

Les délais d'appel qui, d'après le code de procédure sont de 3 mois à partir de la signification à partie au domicile, sont également abrégés par la loi de 1835. Ces appels doivent être interjetés dans un délai de quinzaine de la prononciation du jugement, sans attendre la signification. Et que porte l'article 11 de la même loi ? Il porte que le jugement qui détermine l'indemnité sera prononcé dans les dix jours après les plaidoiries. Entendez-vous, M. Vander Donckt ?

Or, d'après la pétition que j'ai dans les mains, les plaidoiries datent du 3 janvier 1866, et nous sommes, si je ne me trompe, au 15 avril ; donc plus de trois mois depuis la dernière affaire se sont écoulés sans que le tribunal ait donné signe de vie, comme je l'ai constaté il y a un moment.

L’honorable M. Vander Donckt dit que le droit de propriété est une chose fort respectable ; que le droit de propriété doit être entouré de toutes les garanties et de toutes les formalités nécessaires. Nous convenons de tout cela ; nous savons que nul ne peut être privé de sa propriété sans une juste et préalable indemnité, mais je demande si l'honorable M. Vander Donckt était exproprié d'une de ses propriétés, et qu'il eût à subir les lenteurs judiciaires dont se plaignent les pétitionnaires, ne dirait-il pas : C'est une justice intolérable, une justice que je ne comprends pas, qui a besoin d'une maturité qui en fait perdre tout le mérite ?

(page 608) Je ne comprends donc pas l'inaction du tribunal de Tournai, Un des premiers devoirs de la justice, c'est qu'elle soit rendue promptement et après un examen sérieux. Or, en est-il ainsi dans la circonstance présente ? Nullement. Je demande donc que le gouvernement intervienne ; je demande que M. le ministre de la justice appelle l'attention du parquet sur les lenteurs de la justice rendue par le tribunal de Tournai.

Un honorable voisin appelle mon attention sur un point de la pétition que je n'ai pas eu le temps de vérifier : c'est l'attestation de l'exactitude de tous les faits signalés dans la pétition par le conseil communal tout entier de Péruwelz ; en voici les termes :

« Le conseil communal, après avoir pris connaissance de la pétition qui précède, certifie que les faits y relatés sont de la plus complète exactitude, et déclare s'associer à la demande des pétitionnaires. »

Les faits, messieurs, sont excessivement rares, et je me demande s'il n'y a pas là un véritable déni de justice.

Je laisse à M. le ministre de la justice le soin d'apprécier la conduite tout au moins étrange et singulière ; je ne veux pas me servir d'une autre expression plus vraie et plus énergique pour qualifier la conduite du tribunal de Tournai.

Quant à moi, en présence des faits qui sont révélés dans la pétition, et qui, je le répète, constituent, à mon point de vue, un véritable déni de justice, je. crois de mon devoir de les dénoncer du haut de la tribune nationale à M. le ministre de la justice, et j'espère que cette dénonciation suffira pour faire cesser une situation contraire à la dignité et à la majesté de la justice.

M. Allardµ. - Messieurs, vous connaissez le but de la pétition : C'est de demander des modifications à la loi sur les expropriations pour cause d'utilité publique et d'assainissement. L'honorable M. Vander Donckt a dit tout à l'heure que cette affaire était très peu importante...

M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Je n'ai pas dit cela.

M. Allardµ. - Je croyais l'avoir compris ainsi ; soit, si vous ne l'avez pas dit ; moi, je dirai que cette affaire est très importante et très urgente.

Messieurs, il y a près de dix ans que les Chambres ont autorisé le gouvernement à concéder trois lignes de chemin de fer partant de Saint-Ghislain, la première vers Gand, la deuxième vers Tournai passant par Péruwelz, la troisième vers Ath.

De longues discussions eurent lieu à cette époque ; l'honorable M. de Naeyer nous disait alors que de ces trois chemins de fer qu'il appelait la patte d'oie, un seul serait exécuté, celui de Saint-Ghislain à Tournai par Péruwelz parce que le ministre des travaux publics de l'époque était député de Tournai.

Eh bien, qu'est-il arrivé ? C'est que la ville de Péruwelz, qui est une localité des plus industrielles (c'est la seconde ville de l'arrondissement de Tournai ; elle a une population de 10,000 habitants environ), n'a pas de chemin de fer après 10 ans d'attente ; le chemin de fer de Basècles arrive à 50 mètres de ses portes, et elle ne peut s'en servir, attendu que la compagnie ne peut construire la station, parce que les formalités et les plaidoiries pour acquérir par expropriation forcée les terrains nécessaires pour l'établir sont interminables.

Je n'incrimine pas le tribunal de Tournai. C'est peut-être un peu de sa faute et un peu celle des avocats qui ont traîné démesurément les affaires en longueur.

Il faut en finir une bonne fois avec le chemin de fer de Saint-Ghislain à Tournai. Je demande en conséquence, à M. le ministre de la justice, s'il n'y aurait pas un moyen de faire prononcer les jugements des affaires tenues depuis si longtemps en délibéré.

Je demanderai aussi à M. le ministre des travaux publics qu'il mette l'épée dans les reins à la société Hainaut et Flandres, qui se moque des villes et communes qui doivent profiter du chemin de fer de Saint-Ghislain à Tournai.

Ce chemin de fer aurait dû être terminé depuis 1859. Or, qu'avons-nous vu ? Plusieurs années après que la société avait obtenu la concession, on a placé quelques jalons de Basècles jusqu'au canal, près de Péruwelz ; cette ville a cru alors qu'on allait commencer les travaux, lorsque, en 1861, elle apprit avec étonnement que dans une assemblée générale la société Hainaut et Flandres avait décidé que l'exécution des embranchements vers Ath et vers Péruwelz serait ajournée.

Nous nous sommes récriés. Quelques années après, on a de nouveau planté quelques jalons, cette fois jusqu'à Tournai, puis on a formé une nouvelle société pour construire ce chemin de fer. Le gouvernement a accordé l'autorisation d'émettre des obligations à cet effet. Eh bien, jusqu'à présent nous avons un pont construit sur le canal.

M. Dolezµ. - C'est le pont d'Avignon.

M. Allardµ. - Soit, appelons-le le pont d'Avignon. (Interruption.) Vous voyez, messieurs, que tous les deux ou trois ans on arrive avec des jalons pour nous donner quelque espoir. La dernière fois que j'en ai vu, il y a une couple d'années, ils étaient placés dans les champs élysées près de Tournai et au-dessus du pont d'Amour (interruption), jusque sous les murs de la ville derrière la tour d'Henri VIII ; c'est là, annonçait-on, qu'on allait placer la station de Tournai. Nouvelle mystification !!! Or, petit à petit, les jalons ont disparu et nous n'avons pas encore de chemin de fer.

La société vient encore d'avoir recours à un autre moyen ; pour nous endormir de nouveau, elle s'est dit : Nous avons jusqu'ici traîné les choses en longueur ; puisque cela nous a si bien réussi, continuons. Elle vient de former une nouvelle société, cette fois-ci en commandite ; son apport comme commanditaire comporte la ligne de Saint-Ghislain à Gand et tout son matériel et ses autres lignes à créer, de Basècles à la frontière de France, de Péruwelz à Tournai et de Saint Ghislain à Ath. La ligne de Péruwelz à la frontière (il y a environ 2 à 3 kilomètres) devra être exécutée pour le 1er janvier 1867. La ligne de Péruwelz à Tournai devra être terminée en 1868 ; elle a décidé cela, cette excellente compagnie. C'est un petit espoir qu'elle nous donne de nouveau, et cependant je suis persuadé que les deux lignes ne seront pas mises en exploitation pour ces époques, si le gouvernement ne la fait pas exproprier.

Il faut en finir avec cette société qui n'exécute pas ses engagements et trompe ainsi l'attente très légitime de toutes les populations entre Basècles et Tournai. J'espère que le gouvernement la forcera enfin à s'exécuter, j'en ai l'espoir dans la déclaration que M. le ministre a faite au Sénat le mois dernier, et qu'il renouvellera, je l'espère, dans cette enceinte.

MjBµ. - Messieurs, lorsque cette pétition est arrivée à la Chambre, l'honorable M. Allard a demandé que le gouvernement prît des renseignements sur ce qui s'était passé au sujet des affaires d'expropriation introduites.

J'ai pris des renseignements, et voici les faits qui m'ont été communiqués par le chef du parquet de ce tribunal :

Dix affaires en expropriation ont été introduites devant le tribunal de Tournai pour la construction du chemin de fer de Tournai à Péruwelz par Antoing.

Quatre se sont terminées, soit par arrangement, soit par jugement. Six sont restées pendantes devant le tribunal. Les plaidoiries de la première affaire se sont terminées le 1er août 1865.

M. Bouvier.µ. - C'est conforme à la pétition.

MjBµ. - Le ministère public a pris ses conclusions le 1er août 1865, et l'affaire a été mise ce jour en délibéré.

Les cinq autres causes ont été plaidées dans les mois de novembre, de décembre et de janvier. A la date du 8 ou du 10 avril, il n'y avait encore aucun jugement rendu.

M. De Fréµ. - C'est une violation de la loi.

M. Bouvierµ. - Certainement. C'est intolérable, cela !

MjBµ. - L'affaire, dont les débats ont été terminé le 1er août 1865, est donc en délibéré depuis huit mois et demi ; les autres affaires sont en délibéré au moins depuis trois mois.

Voici l'explication que donne le chef du parquet au sujet de ces lenteurs :

« Le tribunal met la cause en délibéré (il s'agit de celle qui a été mise en délibéré le 1er août 1865), et il est convenu que le tribunal ne prononcera jugement que lorsque toutes les affaires introduites pour la station de Péruwelz auront été plaidées, parce qu'il y a plusieurs points, et entre autres la question de la marne, qui sont communs à toutes ces affaires. »

Ainsi, le motif pour lequel le tribunal de Tournai n'a pas prononcé dans l'affaire terminée le 1er août 1865, c'est qu'il estimait qu'il pouvait y avoir des points communs entre l'affaire plaidée et les autres affaires à plaider, et qu'il était préférable de statuer en même temps sur toutes ces affaires.

Je ferai remarquer à la Chambre qu'il ne s'agit pas, comme le dit l'honorable M. Vander Donckt, d'une question de propriété. Le droit de (page 609) propriété est parfaitement sauvegardé par les formalités de toute espèce auxquelles l'expropriation donne lieu. On peut même dire qu'il y a, dans la loi sur l'expropriation, un luxe de précautions en vue de protéger la propriété privée, et ce luxe est poussé si loin, qu'un grand nombre de conseils communaux demandent actuellement la réforme des lois sur l'expropriation.

Il ne s'agit donc ici nullement de question de propriété ; il importe seulement de savoir si la loi sur les expropriations forcées a été observée.

Or, je ne puis, quant a moi, m'empêcher de regretter que lorsque l'audience du 1er août 1865, le tribunal a annoncé son intention de ne rendre jugement qu'après les plaidoiries de toutes les affaires d'expropriation où il pouvait y avoir des points communs, le ministère public ne se soit pas levé pour requérir l'exécution de la loi de 1835, qui oblige les tribunaux, en matière d'expropriation forcée, à prononcer leur jugement dans les dix jours après les conclusions du ministère public.

Le ministère public aurait dû faire remarquer au tribunal qu'il ne lui était pas permis, par une sorte de règlement, de se mettre en opposition avec les dispositions de la loi.

Et quelles ont été les conséquences de la marche suivie par le tribunal ? C'est que d'abord une affaire est restée pendant huit mois sans solution ; ensuite on a augmenté d'une manière notable les frais de justice et les honoraires d'avocats.

Je ne m'associe pas à ce qu'a dit M. Allard au sujet du barreau de Tournai, parce qu'il ne m'est pas démontré que c'est le barreau de Tournai qui a émis le désir que les jugements se fissent attendre.

Je suis convaincu que le tribunal a agi spontanément et qu'il n'a consulté ni le ministère public ni les parties.

Du reste, toutes les parties n'étaient pas au procès lorsque le tribunal a fait connaître son intention après l'affaire plaidée le 1er août 1865. Une seule partie était en cause, et c'est alors que le tribunal a décidé qu'il ne prononcerait que lorsque les plaidoiries de toutes les affaires seraient terminées.

M. Ortsµ. - C'est le contraire qu'il fallait faire.

MjBµ. - C'est ce que j'allais dire.

Si le tribunal avait prononcé immédiatement sur la première affaire, que serait-il arrivé ? Ou aurait connu l'opinion du tribunal, et il est probable que les autres procès se seraient arrangés à l'amiable.

De sorte que la marche suivie par le tribunal de Tournai est contraire à la fois à la loi de 1835 et à loi du 15 juin 1849 et est contraire aux intérêts de la bonne administration de la justice.

Quelle est la mesure que le gouvernement peut prendre en présence de faits semblables ?

Il ne peut que les regretter. Le gouvernement adressera au parquet de Tournai, par l'intermédiaire du procureur général, une circulaire à l'effet de lui recommander de veiller à ce que la loi soit observée.

Sans doute, l'on ne peut exiger que tous les jugements en matière d'expropriation forcée soient rendus dans le délai de dix jours. Cependant il y a un temps moral, et personne dans cette Chambre, ni à gauche, ni à droite, n'admettra qu'il faille huit mois pour juger une affaire d'expropriation.

Quand un tribunal laisse reposer les affaires aussi longtemps, il oublie les plaidoiries, et si le prononcé devait toujours suivre la plaidoirie à de si longs intervalles, mieux vaudrait instruire les affaires par écrit.

Le rôle du gouvernement est très restreint. Le gouvernement n'a pas d'action sur la magistrature assise, il ne peut qu'engager le parquet à requérir auprès du tribunal ; c'est ce qui sera fait. Le parquet de Tournai aura pour mission de veiller à ce que la loi de 1835 soit complètement observée.

J'espère que cette recommandation suffira et que les motifs qui ont provoqué la pétition soumise à la Chambre ne se reproduiront plus ; si d'autres mesures étaient nécessaires, il faudrait nécessairement recourir à la législature.

M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Messieurs, je n'ai pas mission pour défendre ici le tribunal de Tournai ; je répondrai seulement à l'honorable M. Bouvier, qui a dit que la pétition était revêtue d'un grand nombre de signatures, je dis que cela s'explique très facilement, l'impatience et l'empressement des pétitionnaires est grand quand il s'agit d'un chemin de fer, cette impatience est toute naturelle.

M. Allardµ. - Il y a dix ans qu'ils attendent.

Vander Donckt, rapporteurµ. - Vous savez tous, messieurs, combien l'impatience est grande en pareille matière.

M. Bouvierµ. - La patience a des bornes.

M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Je ne conteste pas qu'il n'y ait quelque chose à faire ; mais je dis que, pour le cas présent, l'honorable M. Bouvier a si bien expliqué toutes les mesures prises par la législature pour la prompte expédition des affaires d'expropriation, qu'il en résulterait qu'il n'y aurait pas lieu de modifier la loi, comme le demandent les pétitionnaires.

D'après l'honorable M. Bouvier, il n'y aurait pas lieu de modifier la loi le moins du monde, mais ce serait le tribunal qui n'aurait pas rempli complètement les prescriptions de la loi.

Cependant, messieurs, sans rien préjuger, la commission, à l'unanimité, a proposé le renvoi de l'affaire à MM. les ministres de la justice et de l'intérieur.

MjBµ. - Je dois ajouter, messieurs, pour être complet, que j'ai reçu aujourd'hui une lettre du parquet de Tournai, qui m'annonce que dans trois des affaires dont j'ai eu l'honneur d'entretenir la Chambre, jugement a été rendu il y a un jour ou deux. Il reste encore quelques affaires à juger, et on espère que des jugements seront prochainement prononcés.

MtpVSµ. - L'honorable M. Allard s'est plaint avec justice de la lenteur que la société Hainaut-Flandres apporte dans l'achèvement de la section de Saint-Ghislain à Tournai.

D'autres membres de la Chambre peuvent se plaindre avec plus de justice encore de la lenteur bien plus grande que la société apporte dans l’exécution de la section de Saint-Ghislain à Ath ; la première est au moins commencée, la seconde ne l'est pas.

M. Allardµ. - Nous avons un pont.

MtpVSµ. - C'est ce qui m'autorise à dire que vous avez au moins quelque chose. Depuis plusieurs années il s'est agi dans cette enceinte à plusieurs reprises de la compagnie Hainaut-Flandres en ce qui concerne les obligations que lui impose son cahier des charges. J'ai fait valoir, à plusieurs reprises aussi, les circonstances atténuantes que l'on pouvait invoquer en faveur de la société et les motifs qui pouvaient faire excuser les lenteurs de la compagnie ; je crois, messieurs, que ces motifs n'existent plus et que les circonstances atténuantes ont disparu. J'ai déclaré au Sénat et je déclare itérativement ici que je suis décidé à poursuivre énergiquement et prochainement l'exécution intégrale de toutes les obligations imposées à la compagnie Hainaut-Flandres par son contrat de concession.

J'informe les honorables membres que la chose concerne, que la semaine prochaine l'affaire sera remise aux mains des conseils du département afin qu'ils fassent les diligences que je viens d'annoncer.

- Le renvoi à MM. les ministres de la justice et de l'intérieur est mis aux voix et adopté.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée d'Emptinne, le 11 mars 1866, des propriétaires et cultivateurs à Emplinne demandent que le gouvernement fasse vendre les peupliers croissants dans cette commune sur la route de Namur à Marche.

Messieurs, les pétitionnaires allèguent que les arbres dont il s'agit sont arrivés à un degré de maturité tel, qu'il serait profitable pour le trésor de les vendre. Ils signalent en même temps le grand préjudice que ces arbres causent à l'agriculture.

La commission conclut au renvoi à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Waermaerde, en mars 1866, les membres de l'administration communale et des habitants de Waermaerde prient la Chambre d'accorder au sieur Cambier la concession d'un chemin de fer reliant la ville de Tournai à celle d'Audenarde par la rive gauche de l'Escaut.

La commission a l'honneur de proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


(page 610) M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Bruges, le 20 mars 1866 le sieur Van Biesebroeck demande la révision du code de procédure civile.

Le pétitionnaire se plaint de la longueur d'un procès dans lequel il est partie en cause, qui traîne, prétend-il, depuis une trentaine d'années devant le tribunal de première instance de Bruges et qui court le risque, assure-t-il, de durer pendant une période d'années correspondante à celle qu'il indique dans sa requête. Il demande en conséquence la révision du code de procédure civile, pour y voir introduire des améliorations empêchant la durée des procès.

Le pétitionnaire n'ayant signalé ni la nature des réformes à introduire dans le code, ni la cause du retard qu'éprouve l'issue de son procès, votre commission a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Bruxelles, le 19 mars 1866, le sieur Cuvelle prie a Chambre de donner suite à sa réclamation contre une condamnation illégale.

Le sieur Cuvelle se plaint d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Gand.

Le pétitionnaire avait le droit de se pourvoir en cassation pour en obtenir le redressement. Il n'a pas jugé convenable de le faire ; en désespoir de cause il s'adresse aujourd'hui à la Chambre pour obtenir la révision de cet arrêt. Celle-ci étant incompétente pour statuer sur des affaires litigieuses, votre commission a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour sur celle pétition.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Louvain, en mars 1866, le sieur Louis Moysard, chef de musique pensionné, demande la révision de sa pension.

Le pétitionnaire, ancien chef de musique du 2ème régiment des lanciers, demande la révision de sa pension, s'élevant à 594 francs.

Le chiffre des pensions étant réglé par la loi, le pétitionnaire n'allègue même pas que ce règlement n'ait point été fait conformément à celle-ci. Il n'invoqué à l'appui de sa demande que les services rendus, récompensés déjà par la décoration de l'ordre de Léopold et la collation de la pension dont il jouit.

Votre commission a en conséquence l'honneur de vous proposer l'ordre du jour sur cette pétition.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Bruxelles, le 18 mars 1866, le sieur Victorin demandé que les employés de la douane ne puissent être admis à déposer comme témoins dans une poursuite du chef de saisies.

Le pétitionnaire signale comme un abus l'admission des employés de la douane en qualité de témoin dans les affaires où ils ont pratiqué des saisies dont une part leur revient. Il prétend qu'intéressés dans leur propre cause, leur témoignage peut-être suspect de sincérité. Le pétitionnaire ne tient pas compte que le saisi a toujours le droit de faire valoir ses moyens de défense devant les tribunaux et que ceux-ci tiennent compte non seulement de toutes les circonstances du procès mais encore de la mesure de confiance que leur inspirent les témoins. Votre commission a en conséquence l'honneur de vous proposer l'ordre du jour sur cette pétition.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Fresin, le 16 mars 1866, le sieur Jadoul demande que le pays soit divisé en autant de groupes électoraux qu'il y a de représentants à nommer.

La question soulevée par la pétition a été l'objet d'une discussion très approfondie, à la suite de laquelle un vote est intervenu. La commission conclut au dépôt au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Liège, le 17 mars 1866, le sieur Bodes appelle l'attention de la Chambre sur les inconvénients qui résultent du système actuel de circonscriptions électorales pour la nomination des représentants.

La commission propose le dépôt au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition sans date, le conseil communal de Rosoux-Crenwick demande que la route destinée à relier Waremme à Saint-Trond passe par Goyer, Mielen-sur Aelst, Aelst et Brusthem.

Le conseil communal de Rosoux présente des considérations pour faire ressortir l'utilité de voir le tracé de la route appelée à relier Waremme à Saint-Trond suivre la ligne directe entre ces points en passant à Goyer, Mielen-sur-Aelst et Brusthem. Ce tracé, prétend le conseil communal, exonérerait l'Etat d'une forte dépense, en ce que le chemin actuel pourrait être utilisé, les communes intéressées étant disposées à le lui céder gratuitement. Il profiterait également aux communes de Bettincourt, Berloz, Boêthe et autres.

En présence des considérations exprimées dans cette pétition, votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Saint-Trond, le 13 mars 1866, l'administration communale de Saint-Trond demande que la route à construire de Saint-Trond à Waremme passe par Aelst, Mielen-sur-Aelst et Goyer ou du moins qu'elle parte de la route de Liège, sur le territoire de Brusthem, pour traverser ensuite Aelst, etc.

Cette pétition, comme celle émanée du conseil communal de Rosoux, réclame le tracé de la route de Saint-Trond à Waremme par Aelst, Mielen-sur-Aelst et Goyer. Elle en diffère en ce que cette demande tend à ce qu'elle parte tout au moins de la route de Liège, sur le territoire de la commune de Brusthem, pour traverser ensuite les communes d'Aelst, etc.

Les pétitionnaires mentionnent que ce tracé a été fortement recommandé à la sollicitude du gouvernement par le conseil provincial du Limbourg, qu'il ouvrirait une voie directe entre Huy et Saint-Trond et faciliterait le commerce et l'industrie entre la province de Liège et la province de Limbourg.

Votre commission vous propose le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Gand, le 20 mars 1866, le sieur Reynaerts présente des observations au sujet de la décision prise sur la pétition par laquelle il se plaint de la conduite qui a été tenue à son égard avant sa mise à la pension.

Dans la séance du 17 mars l865, la Chambre a adopté l'ordre du jour sur une pétition identique à celle soumise aujourd'hui à sa délibération. Votre commission a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Trognée, le 10 mars 1866, les membres de l'administration communale de Trognée réclament l'intervention de la Chambre pour que le chemin de grande communication de Hannut à Gingelom soit achevé, dans un bref délai, sur tout son parcours.

L'administration communale de Trognée entre dans de longs détails et des considérations pleines d'intérêt local pour obtenir le prompt achèvement du chemin de Hannut à Gingelom.

En présence de ces considérations, votre commission a l'honneur de proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée d'Ambly, le 10 février 1866, le sieur Protin se plaint de n'avoir point obtenu, au jour convenu par le chef de la station du chemin de fer à Forrières, un waggon pour le transport de ses marchandises et demande s'il ne serait pas en droit d'exiger de la Compagnie une indemnité pour cause de dépréciation, ou pour refus d'acceptation, des marchandises trop tardivement expédiées.

Le pétitionnaire se plaint que l'administration des chemins de fer du Luxembourg n'a pas mis en temps et lieu un waggon à sa disposition pour le transport de ses marchandises.

Comme il s'agit dans cette pétition d'intérêts purement privés sur lesquels les tribunaux seuls et non la Chambre ont le droit de statuer, votre commission a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Tongre-Notre-Dame, le 5 février 1866, des1 habitants de Tongre-Notre-Dame demandent que la compagnie Hainaut-Flandres soit mise en demeure de construire le chemin de Saint-Ghislain à Ath par Beloeil et Tongre-Notre-Dame.

Les pétitionnaires se plaignent avec raison de l'oubli des engagements contractés par la Compagnie Hainaut-Flandres en ce qui concerne le chemin de Saint-Ghislain à Ath par Beloeil et Tongre-Notre-Dame.

Ils rappellent qu'en 1856 plusieurs sociétés se disputaient la concession des chemins de fer de Saint-Ghislain à Gand, à Tournai et à Ath et qu -la Compagnie Hainaut-Flandres, pour écarter les concurrents, contracta l'obligation d'exécuter à elle seule les trois chemins de fer mentionnés dans la pétition.

Jusqu'à ce jour il n'y a qu'une seule de ces voies de communication qui soit achevée, la deuxième est sur le point de l'être, la troisième n'est pas encore commencée.

(page 611) Déjà au sein du Sénat des plaintes se sont manifestées sur le retard qu'apporte la compagnie à l'exécution de ses engagements. M. le ministre des travaux publics a déclaré qu'il y serait fait droit et il vient de prendre l'engagement d'user de mesures énergiques pour forcer la compagnie à les respecter. Votre commission a en conséquence l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Vleminckxµ. - Messieurs, les développements dans lesquels je suis obligé d'entrer au sujet de la pétition des sieurs Bouquié, Picard et autres membres du congrès international des étudiants de Liège sont très considérables. Je ne sais s'il peut convenir à la Chambre de les écouler aujourd'hui.

- Plusieurs voix. - A demain !

- La séance est levée à 4 3/4 heures.