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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 12 mai 1866

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboomµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 781) M. Thienpont, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. Van Humbeeck, secrétaireµ, lit le procès-verbal de la dernière

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpontµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Ninove se plaignent que la députation permanente du conseil provincial de la Flandre orientale ait donné l'autorisation de construire, au centre de cette ville, un établissement pour la fabrication du gaz et demandent que le gouvernement fasse instruire cette affaire à nouveau. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

M. Van Humbeeckµ. - Je demande en outre, que la commission soit invitée à faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Des habitants de Bruxelles demandent le suffrage universel pour les élections communales et provinciales. »

« Même demande d'habitants de Molenbeek-Saint-Jean. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la réforme électorale.


« Le sieur Barthel prie la Chambre, de donner suite à sa pétition datée du 27 avril dernier. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation ordinaire, formée par le sieur Beauwé, Joseph. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


MiVDPBµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le cinquième rapport triennal sur l'enseignement supérieur.

- Impression et distribution aux membres de la Chambre.

Projet de loi accordant un crédit au budget du ministère de la justice

Rapport de la section centrale

M. Hymansµ. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale qui a examiné la demande d'un crédit de 500,000 fr. faite par le département de la justice pour la continuation des travaux de l'église de Laeken.

- Impression, distribution et mise à la suite de l’ordre du jour.

Projets de loi accordant des crédit aux budget du ministère des travaux publics

Rapports de la section centrale

M. Dupontµ. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi allouant des crédits spéciaux, jusqu'à concurrence de 1,160,000 fr. au département des travaux publics.

- Même décision.


M. Moutonµ. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale qui a examiné la demande d'un crédit spécial de 106,000 francs faite par le département des travaux publics.

- Même décision.

Suite de l’incident relatif aux bourses d’études

MpVµ (pour une motion d’ordre). - Messieurs, au début de la séance d'hier, j'ai signalé l'absence d'un dossier relatif aux bourses d'étude, et j'ai exprimé le désir qu'on voulût bien faire rentrer ce dossier. Jusqu'à présent il n'est pas rentré. Je dois donc renouveler mon invitation. Ce dépôt a été fait par le gouvernement. Le dossier peut contenir des pièces dont il a besoin pour l'exécution de la loi. D'un autre côté, il a été confié à notre loyauté ; il est de notre devoir de rendre les pièces au gouvernement, telles qu'il nous les a remises. J'insiste donc pour que ceux qui ont eu le maniement de ces documents veuillent bien examiner si, par mégarde, le dossier n°14 ne serait pas resté parmi leurs papiers.

MjBµ. - Messieurs, vous vous souvenez que, dans la discussion, on a dit que les administrateurs spéciaux dont j'ai parlé dans mon discours ne pouvaient faire entendre leurs réclamations ; je m'empresse à vous faire connaître celles qui me sont adressées, par la voie de la presse ; je trouve dans un journal de Tournai la pièce que voici :

« M. le rédacteur,

« Dans une charge à fond contre un certain nombre d'administrateurs spéciaux de bourses d'étude, M. Bara, à la séance de la Chambre du 3 mai, s'est permis, à mon adresse, des insinuations aussi malveillantes que mensongère.

« J'en aurais déjà fait justice, si les divers journaux de la capitale, dans leurs comptes rendus de la séance, ne présentaient des différences essentielles.

« C'est pourquoi je viens réclamer de votre obligeance le numéro des Annales parlementaires qui en donne le texte officiel, afin d'y répondre au plus tôt, sans m'exposer à un fâcheux quiproquo.

« Entre-temps, toutefois, fort du témoignage de ma conscience, je dois à l'honneur du corps sacerdotal et à mes paroissiens, dont je n'ai pas démérité, de protester, dès aujourd'hui, contre les imputations de M. le ministre, au nom de la vérité sciemment travestie et de la justice foulée aux pieds. A bientôt la preuve.

« Agréez l'assurance de ma considération distinguée.

« Burgeon.

« Curé-doyen de Saint-Brice. »

Je. crois que je fournirai la preuve des faits que j'ai avancés avant celle qu'annonce M. le curé Bourgeon, et, pour qu'il n'y ait aucune espèce de retard, je vais avoir l'honneur de donner lecture des pièces à l'appui du passage de mon discours relatif à l'administration de la fondation Duquesne :

« Tournai, le 27 août 1856.

« Monsieur le bourgmestre,

« En rentrant chez moi de la retraite ecclésiastique, qui m'interdisait toute autre occupation, je trouve votre honorée, du. 28 courant qui réclame itérativement le compte de la fondation de M. Duquesne, en vertu d'une dépêche de M. le gouverneur, en date du 27 juillet dernier.

« Je regrette vivement, M. le bourgmestre, de n'avoir pu répondre avant la retraite à votre première lettre sur cet objet, par suite de préoccupations qui ne me laissaient aucun loisir, et, rendu à mes occupations ordinaires, je m'empresse de vous exposer le motif qui m'a empêché jusqu'ici d'obtempérer à l'invitation de M. le gouverneur.

« Ce motif n'est autre que la conviction intime que je ne le puis en conscience, à moins qu'une disposition légale ne m'en fasse une nécessité, ce qui ne m'est pas démontré jusqu'à ce jour ; aussi ne vois-je, dans l’insistance de M. le gouverneur, que le résultat d'une méprise, en ce qu'il assimile le don de M. Duquenue à une fondation de bourses d'étude et lui assigne en conséquence un proviseur dont le testament ne fait pas la moindre mention et pour cause, parce que dans une clause expresse, le testateur, en instituant le contrôle du curé sur la gestion du tiers administrateur, à l'exclusion de tout autre contrôle, avait suffisamment pourvu à la bonne administration de son legs et à ce que le revenu annuel ne fût pas détourné de sa destination, puisque c'est bien le curé qui, par la nature de ses fonctions, est le plus intéressé au maintien de l'école gratuite pour les pauvres et à la conservation des libéralités qui rendent cette tâche moins onéreuse pour lui. J'aime à me persuader, M. le bourgmestre, que M. le gouverneur, (page 782) satisfait de ces observations, n'exigera pas plus de moi que de mes prédécesseurs, en présence surtout d'un projet de loi, dont la discussion n'est pas bien éloignée et qui promet de dissiper tous les doutes sur la question qui fait l'objet de cette correspondance.

« Votre serviteur dévoué,

« (Signé) ... curé-doyen de Saint-Brice. »

Ainsi vous voyez que, par cette première lettre, l'administrateur déclare qu'il ne peut, en conscience, remettre au gouverneur le compte de la fondation, et que la demande qu'on lui adresse n'est que le résultat d'une méprise.

Seconde lettre ;

« Mons, le 19 juin 1860.

« Monsieur le ministre,

« Sous la date du 22 novembre 1856, j'ai eu l'honneur de vous transmettre entre autres pièces une lettre par laquelle M. le doyen de Saint-Brice, à Tournai, administrateur de la fondation Duquesne, refuse de rendre compte des intérêts qui lui sout confiés.

« Comme il n'est intervenu jusqu'à ce jour aucune décision à ce sujet et que l'administrateur s'abstient de soumettre à l'autorité supérieure la gestion des revenus qui lui sont confiés, je prends la confiance, M. le ministre, de vous prier de vouloir bien me faire connaître ce qu'il reste à faire pour amener cet administrateur à remplir enfin les obligations qui lui incombent et s'il n'y a pas lieu, comme il s'agit d'une fondation d'école primaire, d'engager l'administration communale de Tournai à solliciter du gouvernement un nouvel arrêté qui la mette en possession du revenu de cette fondation.

« Le gouverneur, (Signé) Troye. »

Vous voyez que, dans l'opinion de M. le gouverneur, la fondation était administrée contrairement à la loi, la fondation Duquesne étant une fondation d'instruction publique.

« Mons, le 16 juillet 1861.

« Monsieur le Ministre,

« Comme suite à ma lettre du 28 mai dernier, j'ai l'honneur de vous faire connaître que je viens de recevoir le compte de la fondation Duquesne, à Tournai, établi d'après les instructions.

« Ce compte n'étant accompagné d'aucun mémoire, la députation devra réclamer des explications sur plusieurs points.

« Cette affaire est traitée au département de la justice sous le n°1991, première division, 2ème bureau.

« Le gouverneur, (Signé) Troye. »

« Tournai, le 20 septembre 1861.

« Messieurs,

« Je puis enfin répondre à la lettre dont vous m'avez honoré en date du 19 juillet dernier, et à laquelle était annexée une dépêche de M. le gouverneur de la province du 18, 1ère division, n°20695.

« Le rétablissement de l'école externe de Monnelles remonte à l'année 1819, et fut le résultat d'une convention entre la commission administrative des hospices de Tournai, et feu M. Duquesne, curé-doyen de Saint-Brice.

« Il y fut arrêté que la commission, en acceptant la somme de 2,500 florins de Brabant offerte par M. Duquesne, céderait, dans l’établissement des Monnelles, une place convenable pour y établir une école en faveur des petites filles pauvres de la paroisse de Saint-Brice, aux conditions suivantes :

« 1° Que l'institutrice serait nommée par M. Duquesne et après lui par ses successeurs dans la cure de Saint-Brice, et sa nomination confirmée par la commission administrative.

« 2° Que l'institutrice, outre la nourriture et le logement, recevrait de l'administration un traitement annuel de deux cents francs.

« C'est ainsi que l'administration des hospices put rétablir ladite école, fermée depuis de longues années, par suite de la réduction considérable des revenus de la fondation de Monnelles, sous le régime des lois désastreuses de la république française.

« Indépendamment du don susmentionné, M. Duquesne, par son testament en date du 5 janvier 1821, disposa de sa succession en faveur de l’école, sous la réserve de quelques legs particuliers, et le tout fut sanctionné par arrêté royal du 1er juin 1822.

« Voilà, messieurs, l'unique source des revenus de la fondation Duquesne, tous renseignés dans le compte ci-joint.

« Une lettre du receveur à feu M. Roulez, mon prédécesseur, datée du 22 juin 1849, porte ce qui suit :

« Je tiens à intérêt, provenant de la donation faite pour l'école des pauvres aux Monnelles par feu l'honorable M. Duquesne :

« 1er Un capital de 6,000 francs.

« 2° Un autre de 3,200 francs.»

« Quant à la rente sur l'Etat belge de 5,000 francs dont le titre, au nom de l'école des Monnelles, repose entre mes mains, et dont les intérêts semestriels sont versés à leur échéance chez le receveur de la fondation Duquesne. elle doit provenir de même source que les capitaux précédents, car tout le monde ici lui attribue cette origine.

De longues et minutieuses recherches dans les archives de la cure de Saint-Brice ne m'ont fait connaître qu'une chose à cet égard, c'est que cette rente sur l'Etat provient d'un capital placé à intérêt chez feu M. ... et que la fondation Duquesne a pu recouvrer lors de la liquidation de sa faillite, en ne subissant qu'une perte de 280 francs, montant des honoraires de l'avocat qui fut chargé de cette affaire.

« De là la réduction des intérêts de ce capital à 225 francs au lieu de 236, qu'il rapportait avant 1845.

« Voilà, messieurs, la seule modification que présentent les revenus de la fondation Duquesne depuis sa naissance jusqu'à ce jour.

« Pour ne vous laisser ignorer aucune des ressources acquises à l'école externe des Monnelles, j'ajouterai qu'en dehors de la fondation Duquesne, elle possède aussi une rente annuelle de cent francs, créée à son profit par Mlle de Kulleberg, par testament du 1er juillet 1849, au moyen d'un legs affecté de cette charge, fait à l'église de Saint-Brice et autorisé par arrêté royal, l'année suivante.

« Cette rente vient en aide pour couvrir une partie des frais de l'école auxquels le curé doit pourvoir chaque année, avec le concours de quelques personnes bienfaisantes ; elle n'a jamais figuré dans le compte de la fondation Duquesne parce qu'elle y est étrangère bien qu'ayant la même destination.

« 3° Quant à l'observation de M. le gouverneur, concernant l'emploi de timbres pour quittance de sommes excédant dix francs, je me conformerai désormais au prescrit de la circulaire du 16 octobre 1858, puisqu'il juge que je dois le faire.

« 4° Enfin, messieurs, ce n'est pas par oubli que le compte de la fondation soumis deux fois déjà à l'approbation de M. le gouverneur, n'accuse aucun prélèvement pour denier de recette, mais uniquement parce que le receveur et moi n'avons jamais pensé à d'autre rémunération qu'à la jouissance attachée à tout acte de charité.

« Voilà, messieurs, tous les renseignements réclamés par M. le gouverneur, dans sa dépêche, et aussi complets que je puis les donner.

« L'administrateur de la fondation Duquesne.

eSigné..., curé-doyen de Saint-Brice. »

J'ai lu cette lettre, messieurs, qui n'a pas directement rapport au débat, pour que M. le curé Burgeon ne puisse pas dire que j'ai caché une pièce de la correspondance.

« Mons, le 9 octobre 186l.

« Monsieur le ministre,

« Comme suite à votre dépêche du 19 janvier dernier, 3ème division, 2ème bureau, n°4,152, j'ai l'honneur de vous faire connaître que la députation permanente vient de revêtir de son approbation le compte de la fondation de bourse Duquesne à Tournai pour l'exercice de 1860.

« A ce compte était annexée la lettre explicative ci-jointe eu copie et sur laquelle j'appelle votre attention toute particulière, notamment en ce qui concerne le revenu, composé eu majeure partie d'un capital placé sur particulier et d'une rente annuelle de cent francs laissée par Mile de Kulleberg à la fondation et qui n'est pas renseignée.

« Le gouverneur, (Signé) Troye. »

Voici, messieurs, la justification du fait que j'ai avancé :

« Messieurs les bourgmestre et échevins de la ville de Tournai,

« En réponse à votre lettre du 7 de ce mois, à laquelle était annexée une dépêche de M. le gouverneur, n° 1991, s'enquérant si les deux capitaux de 6,000 et 3,200 francs de la fondation Duquesne sont régulièrement placés, j'ai l'honneur de vous répéter ce qui a été consigné parmi les renseignements du compte, qui m'est enfin revenu approuvé, savoir : que ces deux capitaux sout entre les mains d'une personne qui les a reçus en fidéicommis et en paye annuellement un intérêt de 4 1/2 p. c ; que cette personne, qui présente toutes les garanties désirables de (page 783) solvabilité et d'honorabilité, est prête à rembourser ces deux capitaux si l'on exige davantage.

« L'administrateur de la fondation Duquesne,

« (Signé)..., curé-doyen. »

C'est ce que j'avais dit, c'est que les capitaux de la fondation étaient prêtés sur simple billet à des particuliers.

« Mons, le 27 novembre 1861.

« Monsieur le ministre,

« J'ai communiqué, par l'intermédiaire des proviseurs, les observations contenues dans votre dépêche du 31 septembre dernier, 1ère division, 2ème bureau, n°1991, à M. le doyen de Saint-Brice à Tournai, administrateur de la fondation Duquesne, et j'ai l'honneur de vous transmettre copie de la réponse qui vient de me parvenir ; elle se rapporte exclusivement, comme vous le verrez, au mode suivi jusqu'à ce jour pour le placement des capitaux appartenant à la fondation.

« Le gouverneur, (Signé) Troye. »

Voici, messieurs, la lettre où l'administrateur regrette de ne pouvoir fournir certaines justifications, la mort ayant affranchi la personne qui devait les lui donner des tracasseries de ce bas monde.

« A M. le bourgmestre et échevins de la ville de Tournai.

« Messieurs,

« En réponse à votre lettre du 24 de juin relative à la dépêche de M. le gouverneur du 21 dito, 1ère division, n° 24135, j'ai l'honneur de vous faire savoir que les capitaux dont il s'agit s'élevant à la somme de 9,200 fr. ont été employés à l'acquisition de neuf obligations belges 4 1/2 de mille francs et deux de cent francs lesquelles ont été rendues nominatives au profit de l'école de Monnelles pauvres par l'inscription en avril.

« Vous trouverez ci-joint le bulletin qui prouve cet emploi de fonds, et que je vous prie de me retourner, car j'aurai besoin de le reproduire avec le compte de l'exercice de 1862, pour justifier l'emploi des 125 fr. 20 c. que j'ai dû verser en supplément, pour couvrir le montant de la note.

« Quant à la quittance de 101 fr. 51 c. de Mlle Despretz, que M. le gouverneur ne trouve pas suffisamment justifiée, parce qu'elle n'y a pas donné le détail des avances faites par elle, je regrette de ne pouvoir apaiser ses scrupules, car la mort a affranchi cette bonne fille le 10 de ce mois de toutes les tracasseries de ce bas monde.

« L'administrateur de la fondation Duquesne.

« (Signé)..., curé doyen de St-Brice.

« Tournai, le 24 juin 1862. »

Reste à vous communiquer, messieurs, une lettre de M. le gouverneur du Hainaut.

« Mons, le 3 juillet 1862.

« Monsieur le ministre,

« En réponse à la communication qui m'a été faite de votre dépêche du 16 juin dernier 1ère division, 2ème bureau, n°1991, j'ai l'honneur de vous transmettre la réponse que je viens de recevoir de l'administrateur de la fondation Duquesne à Tournai.

« Vous remarquerez, M. le ministre, que, contrairement à l'article 9 de la loi du 2 décembre 1823, ce placement a été opéré sans l'autorisation de la députation permanente et que l'inscription des obligations a été faite non au profit de la fondation Duquesne, mais au profit de l'école des Monnelles pauvres, de Tournai.

« Par suite du décès récent de Mlle Depretz, on pourrait, si vous le jugez convenable, admettre une dernière fois en compte le montant des avances qu’elle a faites pour l'école, mais en spécifiant qu'à l'avenir des avances de cette nature devront être justifiées.

« Je vous serai obligé, M. le ministre, de me faire connaître, en me renvoyant, avec le bordereau joint à la lettre de l'administrateur, le compte que je vous ai communiqué le 10 janvier dernier, la suite que l'on donne à cette affaire.

« Le gouverneur,

« (Signé) Troye. »

Je crois, messieurs, qu'après cette lecture vous aurez la preuve évidente, que tous les faits que j'ai avancés, sont complètement exacts.

M. Thonissenµ. - Messieurs, y a-t-il eu des abus dans l'administration des fondations de bourses ?

Oui, il y a eu des abus, des abus nombreux, et je n'entends pas m'en constituer le défenseur.

Dans une période de cinquante années, il y a eu des abus, comme il y en a dans toutes les administrations publiques, comme il y en a partout où l'on trouve des hommes.

Si tous les ministres, imitant l'exemple de leur honorable collègue du département de la justice, voulaient dresser le long et triste bilan de toutes les négligences, de toutes les indélicatesses, de toutes les dilapidations, de tous les vols, de tous les abus de confiance, de toutes les concussions commis, dans une période de cinquante années, par les notaires, les percepteurs des contributions, les receveurs de l'enregistrement, les directeurs des monts-de-piété, les employés des postes, les directeurs des prisons, les secrétaires communaux, à quel tableau plein de scandales n'arriverait-on pas ?

Des abus, il y en a partout et il y en aura toujours. Il y a quelques jours, en examinant les comptes des dépenses des funérailles du Roi, dépenses effectuées sous le contrôle direct et pour ainsi dire sous les yeux de l'administration centrale, n'avons-nous pas découvert certains abus ?

Admettons un instant que les abus signalés par M. le ministre de la justice soient tous vrais, tous réels, qu'est-ce que cela prouverait ? Cela prouverait tout simplement que les garanties administratives étaient insuffisantes. Cela prouverait que le contrôle de l'autorité supérieure devait être renforcé. Cela prouverait que de nouvelles précautions étaient devenues indispensables pour assurer la bonne gestion des biens et l'exécution loyale, fidèle, entière, de la volonté des fondateurs.

Mais tous ces abus, ajoutés à mille autres abus, autorisaient-ils le gouvernement à refaire les testaments, à fouler aux pieds la volonté des fondateurs, à supprimer cette volonté, sous prétexte de la faire mieux exécuter ? Evidemment non, et cependant là est toute la question !

Aussi, messieurs, ne me fais-je pas illusion sur le but du gouvernement, sur le but de l'honorable ministre de la justice, quand il a fait cette longue énumération d'abus dans son discours du 3 mai. Personne ne croira sérieusement que le gouvernement ait pu se croire un seul instant atteint par cette ignoble épithète de voleurs, si tant est que cette épithète, que je réprouve, ait été réellement proférée. (Interruption.)

- Une voix à gauche. - Et vos évêques ?

M. Thonissenµ. - On dit : Vos évêques. Nos évêques n'ont pas adressé à MM. les ministres l'épithète de voleurs.

Si vous ne croyez pas à leurs vertus, au moins avouez qu'ils sont des gens bien élevés, incapables d'employer d'aussi ignobles expressions.

M. Allardµ. - Le mandement de l'évêque de Liège.

M. Thonissenµ. Votre but, je vais vous l'indiquer avec ma franchise habituelle.

Dans tout le bruit qui s'est fait ici ci ailleurs autour des abus commis dans les fondations de bourses, il n'y a autre chose qu'une tactique électorale.

M. de Naeyerµ. - Il n'y a pas autre chose.

M. de Moorµ. - Et les mandements des évêques ?

M. Thonissenµ. - Du reste, messieurs, puisque l'éclat est produit, j'ai usé de mon droit en allant étudier, autant que mes nombreux travaux me le permettaient, les dossiers déposés au greffe de la Chambre par l'honorable ministre de la justice.

J'y ai trouvé bien des erreurs, bien des accusations injustes ; mais y pour le moment, je me bornerai à parler d'actes d'indélicatesse. (Interruption.)

Un instant ; vous ne savez pas encore ce que je vais dire ! Je me bornerai donc à parler d'actes d'indélicatesse imputés par M. le ministre de la justice à deux hommes honorables entre tous, que j'ai intimement connus, qui m'ont encouragé au début de ma carrière et qui, jusqu'à leur dernier jour, m'ont honoré de leur estime, de leur confiance et de leur amitié.

C'est pour moi un devoir impérieux, un devoir sacré, de venger leur mémoire des outrages qui leur ont été adressés au sein de la représentation nationale.

MjBµ. - De qui parlez-vous ?

M. Thonissenµ. - Vous allez le savoir. Dans son discours du 3 mai, l'honorable ministre a prononcé les paroles suivantes :

« Jean Ariens avait fondé une bourse qui, au besoin, pouvait servir de titre presbytéral.

« Le titre presbytéral était un revenu que l'on donnait à un prêtre qui avait fait ses études et qui n'était pas encore placé. C'était en quelque sorte une position d'attente. Eh bien, il y a lui prêtre, le sieur Brouwers, qui a joui de ce titre pendant quarante-quatre ans, de 1794 à 1838... Le doyen de Peer, qui était curé, en a joui pendant douze ans, de 1838 à (page 784) 1850. Quoique curé-doyen, il a joui pendant douze ans de cette bourse qui avait été fondée pour de pauvres ecclésiastiques, ne mendicant in opprobrium cleri, afin qu'ils ne mendient pas, à la honte du clergé. Certes, le doyen de Peer n'était pas dans une position à devoir tendre la main.

« Voilà comment administraient ces administrateurs spéciaux que vous chérissez tant ! »

Et à la suite de ces paroles, l'honorable M, Bouvier, dont je suis l'adversaire politique mais dont je connais la loyale franchise, s'écria : «i Et l'on crie au vol ! »

L'honorable M. Bouvier avait raison. Si l'honorable ministre de la justice a dit la vérité, le doyen de Peer était indigne de la considération publique ; il aurait vécu et serait mort voleur !

Mais il n'y a pas dans tout cela, messieurs, un mot de vrai. L'honorable ministre s'est complètement trompé ; tout ce qu'il a dit se trouve démenti par les pièces mêmes du dossier qu'il nous a communiqué.

Voici l'analyse fidèle du testament ; vous verrez s'il est question d'une bourse fondée pour de pauvres ecclésiastiques.

Par son codicille du 12 décembre 1732, Jean Ariens, curé de Dormael, fonde un office perpétuel dans l'église paroissiale de la ville de Peer. Il lègue à cette fin quatre bonniers de terre. Il donne à cette fondation le titre d'Office de Notre-Dame des Sept-Douleurs. Il accorde la jouissance de cet office avec le titre de recteur au prêtre le plus proche et le plus âgé de sa famille, à condition qu'il célèbre ou fasse célébrer chaque semaine deux messes en l'église de Peer.

Il ajoute que, si un prêtre de sa famille n'en jouit pas, l'un de ses parents en pourra jouir depuis l'âge de quatorze ans, pourvu qu'il s'applique à l'étude avec l'intention de devenir prêtre. Il dispose ensuite que le revenu de l'office pourra au besoin servir de titre presbytéral. Enfin, il nomme collateurs de l'office ses deux plus proches parents et le curé de Peer.

Etrange bourse d'étude qui s'appelle l'Office perpétuel de Notre-Dame des Sept-Douleurs !

Où donc M. le ministre a-t-il trouvé ce solécisme latin : Ne mendicant in opprobrium cleri ?

Le testament contient-il une seule clause, une seule phrase, un seul mot qui révèle la pensée que l'office aurait été institué en faveur d'ecclésiastiques pauvres, pour les empêcher de mendier ?

Non, messieurs, le testament se borne a dire qu'on nommera recteur de cet office le prêtre le plus ancien et le plus proche de la famille du fondateur ; mais il ne dit nullement que ce prêtre doive être pauvre ; il dit simplement : le prêtre le plus proche de la famille. Voici la phrase flamande dont se sert le testament : « Mynen naesten en oudsten bloedverwand. »

- Voix à droite. - Très bien !

M. Thonissenµ. - Ainsi, vous le voyez, messieurs, Jean Ariens n'a pas fondé une bourse d'étude, mais un office ecclésiastique dans l'église de Peer, pour les prêtres de sa famille ; il a ajouté que, à défaut de prêtre, on pourra donner cet office, et non pas cette bourse, à un parent âgé de plus de quatorze ans et étudiant pour arriver à la prêtrise.

Mais, a dit l'honorable ministre de la justice, et il a répété cette allégation hier. Jean Ariens ne voulait accorder à ces prêtres qu'une jouissance momentanée.

M. le ministre, vous n'avez donc pas lu le testament ou bien on doit l'avoir singulièrement mal traduit.

Eh bien, la famille m'a communiqué ce testament, et je vous le lirai tout à l'heure si vous le désirez.

Le testateur nomme pour premier recteur son neveu Jean-François Brauwers, prêtre et curé d'un village de la Camphre, et il ajoute que Jean-François Brauwers gardera l'office aussi longtemps qu'il le désirera, à moins qu'il ne veuille le résigner au profit de Guillaume-Henri Brauwers, autre prêtre de la famille. Il n'y a là rien de provisoire.

Mais, objecte encore M. le ministre, il n'y a pas ici de véritable bénéfice ; il n'y a pas de fondation ecclésiastique proprement dite ; il y a un titre clérical et surtout une bourse d'étude.

Je ne veux pas discuter la question de savoir s'il y a ici un véritable bénéfice. A la vérité cette opinion a été émise par l'honorable M. Tesch dans une lettre que j'ai entre les mains ; mais, pour moi, la fondation Ariens était un office ecclésiastique, institution d'une nature particulière assez fréquente au diocèse de Liège sous l'ancien régime.

Je me borne à faire remarquer à la Chambre que Jean Ariens a eu pour but de fonder un office ecclésiastique et non pas un titre clérical. Les termes du testament l'attestent à l'évidence.

Mais allons plus loin : admettons un instant que, dans l'espèce, il y ait une véritable fondation de titre clérical. Devrons-nous, M. le ministre, admettre qu'un titre clérical ne constitue jamais qu'une position d'attente donnée à un ecclésiastique pauvre pour le soustraire à la mendicité ?

M. le ministre a cité Durand de Maillane, auteur médiocre, pour ne pas dire mauvais (Interruption.) C'était de plus un janséniste effréné, ayant au cœur la haine du prêtre catholique, et, à ce titre, je conçois qu'il figure dans certaines bibliothèques.

Examinons donc l'opinion de cet auteur.

Vous avez mal compris Durand de Maillane, M. le ministre.

Il ne dit pas qu'un titre clérical forme une ressource momentanée, une position d'attente, en attendant qu'on obtienne un bénéfice ou une cure.

Plusieurs choses vous ont trompé dans la lecture de cet auteur.

C'est d'abord la définition même qu'il donne du titre clérical :

« On appelle ainsi, dit-il, le titre que les ecclésiastiques sont obligés de se constituer quand ils reçoivent les premiers ordres sacrés, afin que, s'ils ne parviennent pas à posséder des bénéfices, ils aient de quoi subsister : Ne mendicant in opprobrium cleri. »

Cette définition est conforme au droit canon. Que dit l'auteur ? Il enseigne que si un élève se présente pour recevoir les ordres sacrés, il doit posséder un titre presbytéral, afin qu'il ne soit pas réduit à la misère, s'il n'obtient pas plus tard un bénéfice ; mais il ne dit pas que, si plus tard le prêtre obtient un bénéfice, il est obligé de renoncer au titre clérical. Voilà ce que vous avez dit, et voilà ce que l'auteur n'a pas dit ; il le dit si peu, qu'à la page, suivante, il cite un passage du concile de Trente, où cette assemblée décide que l'ecclésiastique jouissant d'un titre presbytéral ne peut pas l'aliéner, avant qu'il ait obtenu un bénéfice suffisant ; ce qui n'implique nullement la pensée que si, plus tard, il obtient un bénéfice, il ne peut pas conserver le titre presbytéral.

Ce qui vous a trompé encore, c'est un modèle de contrat fourni par l'auteur, et dans lequel il fait paraître un père constituant un titre clérical au profit de son fils, en attendant que ce fils obtienne un bénéfice ; ce qui est réellement le cas ordinaire.

Enfin, ce qui vous a surtout induit en erreur, c'est la phrase suivante :

« On doit aussi stipuler que le titre clérical n'aura lieu que jusqu'à ce que le titulaire soit pourvu d'un bénéfice suffisant pour son entretien. »

Mais les lignes suivantes viennent immédiatement dissiper le doute. Pourquoi Durand de Maillane dit-il qu'il est bon de stipuler que le clerc ne jouira du titre clérical que jusqu'au jour où il obtiendra un bénéfice ? La raison qu'il donne est celle-ci :

« Sans quoi le patrimoine irait avec toutes sortes de bénéfices, même avec ceux qu'il (le clerc) aurait reçus du constituant lui-même. »

C'est donc pour empêcher un cumul, et non pour appliquer une prescription du droit canon, que Durand de Maillane recommande l'insertion de cette clause. Cela est tellement vrai qu'il cite l'exemple d'un clerc à qui son oncle avait constitué un titre clérical et qui, plus tard, ayant renoncé à un bénéfice ecclésiastique, vint de nouveau revendiquer le payement de la rente.

En résumé donc, que trouve-t-on ici ? On trouve une espèce de bénéfice ecclésiastique destiné à l'un des parents les plus proches du fondateur. C'est un titre de recteur que les membres de la famille peuvent recevoir dès l'âge de quatorze ans.

Dès lors tout devient simple. Pourquoi l'abbé Brouwers a-t-il joui pendant 44 ans, non pas d'une bourse, mais du rectorat de cette fondation ? Pourquoi, après lui, M. le doyen de Peer a t-il joui de cette fondation, également comme recteur, pendant douze ans ? Par une raison fort simple : c'est que ces ecclésiastiques, que j'ai particulièrement connus, étaient les plus proches parents du fondateur.

On avait adressé au gouvernement un arbre généalogique, qui établissait que ces deux prêtres étaient les plus proches parents du fondateur.

L'erreur est ici vraiment inexplicable. Je ne révoque pas en doute la bonne foi de M. le ministre de la justice ; mais je puis lui dire que ses fonctionnaires ont fait preuve de trop de zèle.

Maintenant voici une circonstance sur laquelle j'appelle l'attention toute particulière de la Chambre. Elle est précieuse en ce sens qu'elle fera connaître aux familles catholiques comment on récompense leurs révélations les plus généreuses et les plus désintéressées.

Elle doit être signalée, afin que le pays sache comment, dans certaines régions officielles, on se conduit dès qu'il est question de prêtres, quand même ces prêtres sont décédés depuis un quart de siècle !

(page 785) Le doyen de Peer, homme respectable à tous égards, était le dernier prêtre de la famille.

Que fit ce prétendu voleur de bourses ? Il se présenta le 20 décembre 1844 devant le notaire Daels, de Lommel, et là il déposa d'abord le testament de Jean Ariens créant la fondation, puis un arbre généalogique de la famille du testateur depuis le décès de Jean Ariens jusqu'au jour de la rédaction de l'acte.

Il ne cacha donc rien, et il déclara formellement agir de la sorte pour conserver les biens à leur destination et pour fournir à tous les ayants droits le moyen de réclamer éventuellement le bénéfice établi en 1752.

Le doyen de Peer mourut en 1830, et la famille du fondateur, exécutant toujours loyalement sa volonté, conféra le rectorat de l'office à un parent, étudiant au séminaire de Saint-Trond pour arriver à la prêtrise.

Mais bientôt un jurisconsulte alla trouver la famille et lui fit remarquer que sa position n'était pas entièrement régulière, et que la fondation devait être légalement reconnue. La famille, une des plus anciennes et des plus honorables du Limbourg, répondit : « Nous ne demandons pas mieux ; nous ne voulons pas de ces biens, s'ils ne nous appartiennent pas. » Un de ses membres alla trouver le curé de Peer, et offrit les biens au conseil de fabrique de l'église paroissiale.

Mais le curé lui conseilla à son tour de s'adresser à Mgr l'évêque de Liège. Et savez-vous ce que répondit l'évêque ? Le fait est vraiment curieux. « Ne remettez pas ces biens à l'église ; écrivez au gouvernement ; mettez-le au courant de tout, et suivez ses ordres. »

- Un membre. - Voilà les voleurs ! (Interruption.)

M. Thonissenµ. - Voici la pièce officielle :

« Liège, le 28 novembre 1859.

« Monsieur le doyen,

« Après avoir mûrement examiné et discuté tout ce qui concerne la fondation Ariens, nous sommes d'avis que le meilleur ou même l'unique bon parti à prendre, c'est de soumettre le tout à la décision du gouvernement Je vous envoie en conséquence le modèle d'une lettre que vous aurez à copier, à signer et à adresser à M. le ministre de la justice, en y joignant la copie de l'acte de fondation.

« Agréez, monsieur le doyen, l'expression de ma respectueuse considération.

« F.-V.-V. Jacquemotte, Vicaire général. »

Voici maintenant le modèle de révélation rédigé par Mgr l'évêque de Liège lui-même. Dans cet acte, on fait le récit de la fondation ; on indique ses biens, on énumère les conditions attachées à leur jouissance, et puis l'on ajoute :

« Le 13 mai 1794, M. Brouwers fut pourvu de cet office et continua d'en avoir la jouissance jusqu'en 1838. M. Wilsens, qui lui succéda, mourut en 1850 et depuis lors cet office est vacant. Les héritiers de ce dernier, se considérant comme propriétaires des biens de cette fondation, en ont pris l'administration et l'ont continuée jusqu'à ce jour.

« On prétend, d'une part, que le conseil de fabrique doit se mettre en possession des biens de cette fondation et pourvoir à l'accomplissement des charges qui en dépendent. D'autre part, on considère cette fondation comme revêtant le caractère principal d'une fondation de bourse d'étude et qu'il faut solliciter du gouvernement un arrêté royal qui en porte le rétablissement et la reconnaissance conformément aux arrêtés des 26 décembre.818, 2 décembre 1S23 et 12 février 1829.

« Dans l'incertitude où ces deux opinions nous laissent, nous avons pris le parti de vous en référer, vous priant de bien vouloir nous faire connaître la marche à suivre pour amener la régularisation de cette fondation. »

Remarquez bien tous ces faits. Voilà M. le doyen de Peer qui détient tous les titres entre ses mains, qui a la jouissance des biens, mais qui se dit : « Les biens ne m'appartiennent pas, et il n'y a plus de prêtre dans ma famille. » Il se rend chez un notaire ; il dépose entre ses mains l'acte de fondation et l'arbre généalogique. Il meurt, et que fait la famille ? Elle va trouver le nouveau doyen de Peer et le charge d'écrire à l'évêque. Et que fait l'évêque ? Il dit : « Révélez tout au gouvernement et demandez son avis. » Et tout cela fut fait !...

Or, messieurs, c'est dans ces pièces mêmes que l'on a pris les indications à l'aide desquelles l'on est venu jeter l'outrage à une mémoire vénérée ; c'est dans ces pièces que l'on a vu que, le 13 mai 1794, M. Brouwers fut pourvu de cet office et qu'il continua d'en jouir jusqu'en 1838 ; c'est dans ces pièces que l'on a vu que le doyen Wilsens, qui mourut en 1850, en avait ensuite joui pendant douze ans.

Y a-t-il jamais eu une affaire plus simple, plus lucide ? Y a-t-il jamais eu une famille se conduisant avec plus de délicatesse, avec plus de désintéressement ? Et cependant vous voyez comme elle a été récompensée ! Dans cette enceinte, devant le pays entier, ou a qualifié de voleur de bourses un de ses membres les plus honorables, les plus respectés, un homme dont la mémoire est en vénération dans tout le Limbourg.

Et ne vous y trompez pas ! Savez-vous comment dans le Limbourg cette accusation a été accueillie ? Un homme de votre bord, un homme qui a combattu vivement mon élection, m'a adressé une lettre dans laquelle se trouve la phrase suivante :

« Ami de ce noble et digne vieillard, je m'adresse à vous, monsieur, à vous, mon adversaire politique, et j'en appelle à votre loyauté, à votre amour de la justice, pour vous prier de bien vouloir qualifier comme il le mérite, dans l'enceinte même de la Chambre, un dénigrement sans exemple. » (Interruption.)

Mais, messieurs, je n'incrimine pas les intentions, la bonne foi de M. le ministre. Il ajoute : « Ce n'est pas ainsi que moi je comprends le libéralisme ! »

- Des membres. - Qui a écrit cette lettre ?

M. Thonissenµ. - Messieurs, j'ai communiqué la lettre à mes amis politiques ; ils l'ont lue ; mais quant au nom du signataire, je ne vous le communiquerai pas. (Interruption.)

Me croyez-vous par hasard capable de l'inventer ?

Messieurs, tout à l'heure un point m'a échappé. Je vous ai dit que la famille avait fait spontanément la révélation de ces biens et qu'on avait adressé une lettre officielle à l'honorable M. Tesch, alors ministre de la justice. C'était le 2 décembre 1859. L'honorable ministre de la justice devait aviser ; il prit son temps et ne répondit que le 27 mai 1861. II émit un avis très bien motivé, très loyal, je l'avoue. Il dit :

« A mon avis cette fondation avait un caractère mixte. Elle impliquait la création 1° d'une fondation de bourses d'étude, qui doit être rétablie, et 2° d'un bénéfice ecclésiastique simple. Ce dernier se trouve aujourd'hui légalement transformé en un service ordinaire de célébration de messes, qui revient à la fabrique de l'église de Peer. C'est d'après cette double base qu'il y a lieu de réorganiser la fondation. »

Ce conseil fut suivi. Les pièces furent renvoyées à M. le ministre de la justice. Mais la famille fut étonnée de ne pas recevoir une solution. (Interruption.) Je prie l'honorable M. Tesch de croire que je ne lui en fais pas un reproche.

M. Teschµ. - Vous en avez l'air.

M. Thonissenµ. - Si j'en ai l'air, mon air n'est pas conforme à mes intentions. Le bourgmestre de Peer, l'un des parents de l'ancien doyen de Peer, écrivit à M. le commissaire d'arrondissement de Hasselt. Le commissaire d'arrondissement en référa à M. le gouverneur de la province, et M. le gouverneur en référa probablement à M. le ministre de la justice. Toujours est-il que, le 17 septembre 1862, M. le commissaire de l'arrondissement de Hasselt adressa au bourgmestre la lettre suivante :

« J'ai l'honneur de vous informer que M. le ministre de la justice vient de faire connaître qu'il a cru devoir ajourner la réorganisation de l'institution fondée par le sieur Ariens jusqu'après l'adoption de la loi projetée sur les fondations d'instruction publique.

« Votre lettre du 8 novembre 1861, n°442, se rapportait en dernier lieu à cette affaire.

« Pour le commissaire d'arrondissement,

« Le délégué, Ceysens. »

J'ignore si à présent on a réorganisé cette fondation. Mais dans tous cas, l'on s'est servi des pièces fournies par la famille pour la flétrir !...

M. Vilain XIIIIµ. - Il faut ajouter que cet office ecclésiastique est chargé de 104 messes par an et que le revenu n'était que de 200 fr. en 1850. Ainsi l'honoraire n'est pas de 2 fr. par messe.

M. Thonissenµ. - Je continue. Après le doyen de Peer est venu l'évêque de Liège, Mgr Van Bommel. Celui-ci a aussi commis un grand crime ! Il n'a pas voulu redresser une injustice commise par le fisc français. Il a eu recours au moyeu peu loyal de la prescription. II a complètement ratifié les confiscations révolutionnaires. Et après lui avoir adressé ces sanglants reproches, M. le ministre, généralisant suivant son habitude, s'est écrié :

« Je le demande, est-on autorisé à dire alors : Il y a un droit au-dessus de la loi, une morale au-dessus des lois du pays, une justice universelle qu'on ne peut en vain enfreindre, lorsque vous, princes de l'Eglise, lorsque votre séminaire, en possession de biens par erreur, vous dites (et comme juristes vous êtes fondés à le prétendre) que vous êtes aux (page 786) droits du domaine et que vous n'avez pas à remplir les charges de la fondation ! »

Il ajouta :

« Après de pareils faits, on n'est plus autorisé à venir parler d'infraction à la loi, à la morale et à la conscience. »

Le fait est donc tellement grave qu'après l'avoir commis, un homme n'a plus le droit de venir parler de morale et de conscience !

Eh bien, messieurs, ici encore, je dois le dire, les faits ont été exagérés, pour ne pas dire dénaturés, par l'honorable ministre de la justice. Voici l'état réel des choses :

En 1603, Béatrice Kermerlinx établit au petit séminaire de Saint-Trond trois bourses de 60 florins de Liège. Les boursiers devaient passer deux ans au petit séminaire ; mais ensuite ils pouvaient aller étudier la théologie, la philosophie le droit ou la médecine à Louvain.

L'administration des biens était donnée au régent du petit séminaire. Les plus proches parents étaient institués collateurs des bourses ; mais, à leur défaut, cette collation devait également se faire par l'administration du petit séminaire.

Etait-ce là une fondation de bourse dans toute la force du mot ? Etait-ce une personne civile nouvelle, placée à côté d'une autre personne civile, le petit séminaire de Saint-Trond ? Ou bien n'était-ce, au contraire, qu'un legs fait au petit séminaire de Saint-Trond, à la condition de payer les bourses ? L'acte de fondation est passablement embrouillé ; mais cependant, en consultant ses termes, tout porte à croire que la fondatrice avait voulu établir une personne civile nouvelle, séparée du petit séminaire de Saint-Trond. En effet, j'y remarque que le régent du petit séminaire sera tenu de faire, tous les ans, des revenus de cette fondation un compte séparé, et que, s'il existe un excédant, celui-ci devra être appliqué à l'accroissement de la fondation.

Cependant, messieurs, par suite de faits qui nous sont inconnus, par des motifs qui ne sont pas expliqués au dossier, un procès s'engagea entre la fondation et le petit séminaire de Saint-Trond. On plaida d'abord devant la justice ecclésiastique du pays de Liège et ensuite, suivant les lois de la principauté, on se pourvut, en dernier ressort, devant le tribunal de la rote romaine.

Et qu'arriva-t-il ? La fondation perdit son procès en première instance à Liège, en seconde instance à Rome.

Les juges décidèrent qu'il n'y avait autre chose qu'un legs fait au petit séminaire, avec obligation de payer des bourses d'étude.

Ce jugement était-il bien ou mal fondé ? Là n'est pas la question. Je constate ce que le jugement a décidé.

Un nouveau fait intervint alors, et celui-là vous ne l'avez pas cité. Le 28 mai 1743, une transaction intervint, attribuant au petit séminaire de Saint-Trond l'administration et la jouissance des biens, à la condition, bien entendu, de servir les bourses d'étude.

Cinquante ans plus tard, la Belgique fut envahie par les armées républicaines de la France ; on confisqua les biens des petits séminaires, comme ceux des grands séminaires. Tous les biens ecclésiastiques furent nationalisés, et par conséquent le domaine devint propriétaire de la dotation du petit séminaire de Saint-Trond comme de la dotation du grand séminaire de Liège.

En 1804, à la suite du concordat, on établit un nouveau séminaire à Liège, et, par un décret du 12 septembre 1806, tous les biens non aliénés du grand et du petit séminaire, supprimés par la révolution, furent rendus au nouvel établissement.

Aussitôt tous les créanciers de l'ancien séminaire se présentèrent et dirent : « Vous êtes les continuateurs de l'ancien séminaire et vous devez supporter les charges dont il était grevé. » Les administrateurs répondirent, comme ils devaient le faire : « Nous ne sommes pas les continuateurs de l'ancien séminaire, nous formons un nouveau séminaire. N'ayant pas reçu l'actif de l'ancien séminaire, comment voulez-vous que nous supportions son passif ? » L'administration était si bien obligée de répondre de la sorte, qu'un seul créancier réclamait pour sa part 100,000 florins de Liège, et qu'on avait à peine restitué au nouvel établissement la dixième partie des immeubles appartenant à l'ancien, et ces biens, on le sait, avaient été confisqués par l'Etat, qui les avait rendus libres d'hypothèques.

L'administration du séminaire disait encore aux anciens créanciers :

« Vos créances ne sont pas perdues. C'est l'Etat qui doit vous payer, puisqu'il s'est approprié des biens qui vous servaient de gage. Nous n'avons pas le droit, nous, de grever des biens dont nous n'avons que l'administration, et qui nous ont été donnés par le gouvernement quittes et libres de charges. »

Je conçois très bien que, si l'empereur des Français avait rendu au nouveau séminaire de Liège tous les immeubles de l'ancien, la question se fût présentée sous un autre aspect ; mais, je l'ai déjà dit, il n'avait reçu qu'une dixième partie des biens, et dès lors, évidemment, il ne pouvait pas accepter les dettes.

J'arrive maintenant à la bourse Kermerlinck. En 1847, cette bourse ayant été rétablie, un des membres de la famille écrivit à l'évêque de Liège : « Vous avez parmi les biens de votre séminaire des immeubles affectes à une fondation de bourses créées en faveur de ma famille. Rendez-moi ces biens ; c'est par erreur que l'empereur, en 1806, les a remis à votre prédécesseur. »

El que répondit l'évêque ? Sa lettre est au dossier. Il répondit : « Je ne puis faire ce que vous me demandez ; je ne suis pas le maître de la dotation de mon séminaire ; je ne puis pas vous remettre des immeubles qui lui appartiennent. Et quant à votre allégation que les bourses Kermelinck formaient une fondation distincte du petit séminaire, vous vous trompez ; mes archives renferment un jugement de la Rote romaine qui déclare que ces biens constituaient un legs fait à cet établissement.

Qu'y a-t-il à reprendre à ce langage ? Rien au monde n'est plus simple. M. le ministre sait parfaitement bien que ceux qui administrent une personne civile n'ont pas le droit de grever les biens de l'institution.

MjBµ. - C'est ce que je vous ai dit.

M. Thonissenµ. - Vous savez, aussi bien que moi, que ceux qui administrent les fondations, que les tuteurs d'une personne civile, n'ont pas même le droit de renoncer à une exception quelconque sauvegardant les droits de l'institution.

Mais la famille ne voulut pas accepter ces raisons ; elle voulut plaider. Vous avez dit que la famille a été provoquée à plaider par l'évêque, qui aurait tenu ce langage : « Il y a des juges en Belgique ; si vous voulez plaider, plaidons. »

L'évêque a dit, au contraire, qu'on lui demandait une chose qu'il ne pouvait pas accorder. La famille intenta un procès, et l'évêque dut plaider malgré lui.

Qu'arriva-t-il ? L avocat du séminaire, faisant valoir tous les moyens que lui offrait sa cause, plaça parmi ces moyens la prescription. Encore une fois, rien au monde n'est plus simple ! S'il y a là un acte déloyal, cet acte a été commis une quarantaine de fois par le département des finances. Dans des procès que j'ai eu à soutenir, comme avocat, contre lui, le département des finances m'a opposé la prescription. Je n'ai pas trouvé cela déloyal ; je l'ai trouvé excessivement naturel. Je vais plus loin. Je soutiens que ceux qui doivent défendre les intérêts d'une personne civile n'ont pas le droit de renoncer à une exception de cette nature.

Un particulier est libre de renoncer à une prescription ; mais un simple administrateur n'a pas ce droit. Il est même probable que l'évêque ignorait les moyens que l'avocat faisait valoir, mais, en tout cas, comme administrateur, si on lui avait demandé son avis, il aurait été obligé de ne pas renoncer à une prescription acquise.

Il pouvait dire : « Voici de l'argent puisé dans ma bourse, je vais rétablir la fondation. »

Mais assurément vous ne prétendez pas qu'il dût aller jusque-là !

Dans la réponse de l'évêque de Liège à un membre de la famille, se trouve la phrase suivante :

« Je sais, monsieur, que vous mettez en moi une vraie confiance et que vous me croyez incapable de commettre sciemment la moindre injustice. Je m'honore de cette confiance et j'espère qu'il ne sortira jamais de ma plume une lettre, ni de ma bouche un mot qui puissent me la faire perdre. »

Ces lignes, messieurs, peignent admirablement le caractère du courageux, pieux et savant évêque de Liège. Son honneur, sa probité scrupuleuse, n'ont jamais été soupçonnés par ses ennemis les plus ardents, les plus acharnés, les plus implacables. Il a fallu que, huit ans après sa mort, un outrage fût lancé à cette mémoire vénérée, et cet outrage devait tomber de la bouche d'un ministre de la justice !!

- Plusieurs voix à droite. - Bravo ! (Interruption).

M. de Borchgraveµ. - Oui, bravo ! (Interruption).

Ml. Thonissenµ. - J'ai cité deux faits.

Je n'irai pas plus loin, messieurs, sans y être provoqué ; car, convenons-en tous, nos débats actuels sont profondément déplorables, et le ministère, en les provoquant, a commis une faute politique dont je ne veux pas me rendre complice.

Un appel à la conciliation... (Interruption.) Un appel à la conciliation, (page 787) à la paix, à l'union, était tombé d'une bouche auguste. L'opposition, déférant au vœu du Roi, au vœu du pays, avait suivi ce conseil si patriotique et si sage.

- Une voix à gauche. - Et les évêques ?

M. Thonissenµ. - Elle avait imposé silence à ses griefs, elle avait refoulé ses plaintes les plus légitimes. Le calme régnait dans cette enceinte et nos travaux marchaient rapidement vers leur terme. Nous, hommes de l'opposition, nous avions compris que la trêve n'était pas seulement un acte de déférence envers notre jeune souverain, mais aussi et surtout un acte de prudence impérieusement commandé par la situation actuelle de l'Europe.

Qui a rouvert l'arène des passions ? Qui a recommencé la lutte ? Qui a rendu à nos débats une ardeur, une irritation qu'ils ne connaissaient plus ?

- Une voix à gauche. - Et les mandements !

M. Thonissenµ. - C'est le gouvernement, le gouvernement seul. C'est un acte bien grave et dont il devra répondre devant le Roi, devant le pays et peut-être devant l'histoire. (Interruption.)

A l'époque où l'Europe traverse l'une des crises les plus dangereuses qu'elle ait subies depuis la révolution de Février ; au moment où la Confédération germanique s'écroule et où la Prusse conservatrice tend, par dessus les Alpes, la main à l'Italie révolutionnaire ; à une époque où la force brutale, foulant aux pieds les traités, seule garantie des peuples faibles, dépouille au Nord le roi de Danemark, au Midi le saint-père, le roi de Naples et le duc de Toscane ; à l'heure où des hommes aventureux, insensés si vous le voulez, mais bien plus puissants que vous, rêvent le remaniement de la carte de l'Europe ; quand l'indépendance même de la nation, que Dieu écarte le présage !, est peut-être menacée, quel était votre devoir le plus sacré, le plus impérieux ?

Ah ! de véritables hommes d'Etat ne s'y seraient pas trompés.

Vous deviez calmer les passions, éteindre les haines ; vous deviez rallier tous les cœurs ; vous deviez chercher dans l'union et le patriotisme de tous une barrière assez puissante pour braver les dangers du jour et les éventualités redoutables du lendemain. Au lieu de cela, vous avez rouvert l'arène des passions, vous avez recommencé la lutte et semé l'irritation dans toutes les provinces.

Je ne serai pas votre complice. C'est une responsabilité qui pèsera sur vous et sur vous seuls.

MjBµ. - Vous avez dû être vivement étonnés, messieurs, du contraste qui existe entre les dernières paroles de M. Thonissen et le ton qui a régné pendant tout son discours. Après avoir dit que les évêques sont des gens bien élevés, qu'ils ne s'étaient jamais servis du mot de voleur et n'avaient jamais incriminé les intentions du gouvernement, l'honorable membre n'a cessé de dire que je m'étais rendu coupable de diffamation.

M. Thonissenµ. -- Oh ! non.

MjBµ. - ... que j'avais outragé la mémoire d'hommes honorables. (Interruption.) Il est venu apporter dans cette enceinte une calomnie extraite d'une lettre qu'il dit avoir en mains.

M. Hymansµ. - D'une lettre anonyme.

MjBµ. - On parle de modération, on vous dit : Les intérêts belges demandent de l'entente entre tous les partis.

Mais, messieurs, qui donc s'est opposé à cette entente ? L'homme qui vous parle en ce moment a fait sur ses propres convictions des concessions au parti adverse au Sénat. Lorsque j'ai discuté au Sénat la question de la liberté de la chaire, en considération de la parole royale et eu vue de la situation du pays, j'ai fait des concessions que, si je n'avais écoulé que mes convictions politiques, je n'aurais peut-être pas faites. (Très bien.)

Et nous étions dans cette voie de calme et de paix, nous étions en train de faire des œuvres administratives utiles, nous poursuivions à la Chambre la réforme du code de commerce, au Sénat la réforme du code pénal...

- Une voix. - Et la réforme électorale.

MjBµ. - ... nous nous trouvions dans ces dispositions, lorsque tout à coup, sans motifs, ni raisons, au moment de Pâques, à l'époque où les fidèles se présentent au tribunal de la Pénitence et à la veille des élections, tombe de la chaire épiscopale un manifeste où l'on vient dire à la Chambre et au gouvernement : Vous avez froissé toutes les lois de la conscience ; c'est au pays, c'est aux fidèles à résister à cette loi odieuse, à cette loi de spoliation.

Et on vient nous reprocher d'avoir rompu la trêve et on voudrait empêcher le gouvernement de défendre son honneur et de dire à la face de l'Europe, comme à la face des fidèles qu'on veut induire en erreur : Non, la loi de 1864, loi qu'on incrimine, n'est pas une loi de spoliation, une loi de vol ; la vérité est que les administrations spéciales étaient un repaire d'abus, que les administrateurs spéciaux étaient pleins d'incurie et de négligence et que la loi de 1864 n'a eu pour but que de prévenir le retour de tous ces abus. Et c'est dans de pareilles conditions, alors que vous connaissez l'origine de la discussion actuelle que vous croyez pouvoir élever des protestations ! (Interruption.)

Vous n'ignorez pas, en effet, l'existence des manifestes épiscopaux ; vous savez bien que les évêques en corps et individuellement ont exhorté les fidèles à ne point exécuter la loi de 1864. Mais on a fait plus : dans le confessionnal, on a prêché la résistance aux actes du gouvernement. (Interruption.) On a poursuivi nos journaux, on a commencé la lutte en grand parce qu'on approchait du moment des élections. Et nous qui n'avons pas de chaire de vérité, qui ne disposons pas du confessionnal, nous ne pourrions pas nous expliquer devant la Chambre ! Ce serait par trop fort. (Interruption.)

Nous ne pouvons pas nous laisser calomnier, fût-ce même par les évêques.

M. de Mérodeµ. - Mettez-les en prison, c'est plus court.

MjB£. - Je ne poursuis pas sur ce terrain ; je laisse de côté les attaques injustes et passionnées que l'honorable M. Thonissen a dirigées contre moi ; je regrette même d'avoir dû y répondre, mais il n'était pas possible de laisser croire au pays que nous sommes les agresseurs alors que nous sommes dans les conditions de la plus légitime défense.

Vous savez, messieurs, le grand nombre de faits que j'ai cités ; j'ai signalé plus de deux cents abus. Depuis deux séances, la droite essaye de faire tomber cet échafaudage d'abus, et à quel résultat est-elle arrivée ? Pas un de ces abus, sauf celui de la fondation Colin que j'ai rectifié, pas un de ces abus n'a été réfuté.

Aujourd’hui M. Thonissen s'attaque à deux faits.

Déjà M. Delcour avait parlé d'un de ces faits : le fait Ariens ; mais probablement plus prudent comme jurisconsulte que l'honorable M. Thonissen, il ne s'était pas aventuré jusqu'aux doctrines canoniques de l'honorable membre.

Nous allons voir ce qu'il y a de fondé dans la réfutation de M. Thonissen.

J'ai diffamé le doyen de Peer, le curé Brauwers, deux bienfaiteurs de M. Thonissen ! Mais je n'ai diffamé personne. J'ai cité des faits. Voyons s'ils sont vrais. Il n'est pas permis à M. Thonissen de me prêter des choses que je n'ai pas avancées. Voici en quels termes je me suis exprimé :

« Jean Ariens avait fait une bourse, qui, au besoin, pouvait servir de titre presbytéral. »

M. Vilain XIIIIµ. - C'est le contraire ; c'est un titre presbytéral qui au besoin pouvait servir de bourse.

MjBµ. - Vous êtes dans l'erreur, M. le comte. Je reprends :

« Jean Ariens avait fondé une bourse qui, au besoin, pouvait servir de titre presbytéral. Le titre presbytéral était un revenu que l'on donnait à un prêtre qui avait fini ses études et qui n'était pas encore placé. C'était en quelque sorte une position d'attente. Eh bien, il y a un prêtre, le sieur Wauters, qui a joui de ce titre pendant quarante-quatre ans (de 1794 à 1838).

« M. Vilain XIIII. - Il n'était pas devenu curé !

« M. Bara, ministre de la justice. - L'honorable comte Vilain XIIII dit qu'il n'était pas devenu curé. Mais le doyen de Peer qui était curé, en a joui pendant douze ans (de 1858 à 1850).

« Quoique curé-doyen, il a joui pendant douze ans de cette bourse qui avait été fondée pour de pauvres ecclésiastiques, ne mendicant in opprobrium cleri, afin qu'ils ne mendient pas à la porte du clergé.

« Certes le doyen de Peer n'était pas dans une position à devoir tendre la main.

« Voilà comment administraient ces administrateurs spéciaux que vous chérissez tant. »

Voilà donc ce que j'ai dit.

Or, que porte le testament ? Le voici vérifié et dix fois vérifié. Le testateur dit qu'il fonde un office perpétuel sous le titre de N.-D. des Sept Douleurs, dans l'église paroissiale de la ville de Peer.

(page 788° Quant aux titulaires, après avoir institué en premier lieu ses deux neveux, il appelle après eux son parent le plus proche et le plus âgé, qui pourra jouir de l'office et le faire desservir dès l'âge de 14 ans, s'il étudie dans l'intention de devenir prêtre.

Et le testament ajoute :

« Je veux que cet office et ses biens et revenus puissent servir (et non pas servent) comme titre à l'effet de recevoir par ce moyen l'ordination. »

Ainsi donc, la première institution est faite au profit de jeunes gens de plus de 14 ans qui se destinent à la prêtrise, et accessoirement, subsidiairement ce titre pourra servir, et non pas servira, de titre pour recevoir l'ordination.

Ainsi, vous avez fait de l'accessoire la chose principale ; vous avez converti en bénéfice ecclésiastique une bourse d'étude destinée avant tout à des jeunes gens à partir de 14 ans. La bourse devait être donnée à des jeunes gens de plus de 14 ans, afin de leur permettre de faire les études nécessaires pour arrivera la prêtrise ; et mon honorable collègue, M. le ministre de l'intérieur à qui je viens de soumettre le testament, traduit cette partie du testament dans les termes suivants : « ...Après c'est mon parent le plus proche et le plus âgé (et non : mon parent prêtre le plus proche et le plus âgé) qui pourra jouir de l'office et le faire desservir dès l'âge de 14 ans, s'il a étude et intention de se faire prêtre. » (Traduction littérale.)

M. Thonissenµ. - C'est cela.

MjBµ. - Mais ce n'est qu'une clause accessoire puisqu'elle porte « et pourra servir/ » Effectivement, viendrez-vous prétendre que le fondateur avait eu l’intention de doter d’un bénéfice de 300 à 400 francs un doyen ecclésiastique bien rétribué ? Evidemment ce fondateur voulait favoriser les études ecclésiastiques. Et avec votre belle administration à quoi êtes-vous arrivé ? Vous êtes arrivé à ce résultat que ce sont de gros ecclésiastiques, jouissant d’une position plantureuse, qui ont joui pendant plus de 40 ans d’une bourse appartenant à des jeunes gens ! Voilà les abus que nous avons voulu réprimer.

Il est facile, messieurs, quand on se met à côté de la question, quand on ne traduit pas bien les pièces, il est facile de venir dire : Vous calomniez d'honorables ecclésiastiques, vous traînez à la barre de la Chambre un bienfaiteur qu'il est de mon devoir de défendre contre vos accusations ! Tout cela est très bien ; mais votre bienfaiteur, M. Thonissen, n'en a pas moins joui pendant 12 ans d'une bourse qu'il aurait beaucoup mieux fait de laisser à des jeunes gens, conformément à l'intention du fondateur.

M. Thonissenµ. - Encore une fois, c'était un office et non une bourse.

MjBµ. - Encore une fois aussi, vous faites de l'accessoire le principal. Mais enfin voyons si, comme le prétend l'honorable M. Thonissen, c'était un titre clérical, le doyen pouvait en profiter. Voyons ce que c'est qu'un titre clérical.

Mon honorable collègue M. Tesch, après un premier examen de cette affaire, avait pensé que la fondation Ariens constituait un bénéfice ecclésiastique. Mais cette opinion vous était très préjudiciable. En effet, vous auriez touché indûment la fondation depuis la révolution française, puisque les bénéfices ont été supprimés à cette époque. Ayant examiné de plus près le testament, j'ai cru qu'on pouvait considérer la fondation Ariens comme une fondation en faveur des études théologiques, et au lieu de remettre aux domaines les biens de cette fondation, je les ai rendus aux jeunes gens qui pourraient y avoir droit pour étudier la théologie.

Voilà mon crime ! J'ai donné à des jeunes gens belges le moyen de se faire prêtres et je leur ai restitué une bourse dont un doyen avait joui jusqu'à présent. (Longue interruption.)

M. Thonissenµ. - C'est la famille elle-même qui a rendu ces biens.

MjBµ. - Vous êtes dans l'erreur : Ce n'est pas la famille qui a écrit au gouvernement, c'est la fabrique d'église. C'est une lettre de la fabrique qui a fait connaître les faits.

M. Thonissenµ. - A la demande de la famille ! (Interruption.) J'en ai la preuve ici.

MjBµ. - La famille a fait connaître les faits quand le curé-doyen était mort ; mais jamais la famille n'a offert de restituer ce que le doyen avait touché.

M. Dumortierµ. - Ce qu'il avait légitimement touché.

M. Wambekeµ. - Belle récompense qu'il reçoit aujourd'hui !

MjBµ. - L'honorable membre trouve donc que c'est une chose extraordinaire que de signaler à l'autorité publique l'existence de biens indûment retenus. Mais depuis quand donc l'honnêteté est-elle devenue chose si rare dans notre pays, qu'il faille décerner des triomphes à des détenteurs illégaux qui finissent par renoncer à une possession illégale ?

Il me semble que c'est la tout simplement un acte de bon citoyen de ne point cacher l'existence de biens dont on n'a pas le droit de jouir.

M. Dumortierµ. - On ne doit pas accuser ceux qui ont fait la dénonciation.

MjBµ. - Je ne les accuse pas, mais je fais remarquer que ce ne sont pas les héritiers du doyen de Peer qui ont joui du revenu de la fondation et qu'au surplus on n'offre pas de restituer des revenus indûment perçus.

Prenons donc la clause subsidiaire.

L'honorable M. Thonissen dit : C'était un titre clérical et M. le ministre de la justice ne sait pas ce que c'est qu'un titre clérical. Il en a pris la définition dans Durand de Maillane, un janséniste ; nous ne voulons pas d'une pareille autorité.

Mais, messieurs, est-ce sérieux et que vient faire ici la qualité de janséniste rappelée à propos de Durand de Maillane, examinant la question de savoir ce que c'est qu'un titre clérical ?

Oseriez-vous soutenir que Durand de Maillane a été influencé dans l'examen de cette question par un caprice de janséniste ?

M. Thonissenµ. - C'est un médiocre auteur.

MjBµ. - Pas si médiocre que vous voulez bien le dire.

M. Thonissenµ. - Ah ! mais non !

MfFOµ. - Pascal aussi était janséniste.

MaeRµ. - Et Jansénius a été professeur à l'université de Louvain.

M. Bara, ministre de la justice. — Vous allez voir comment Durand définit le titre clérical.

« On appelle titre clérical ou sacerdotal, dit-il, le titre que les ecclésiastiques sont obligés de se constituer quand ils reçoivent les premiers ordres sacrés afin que, s'ils ne parviennent pas à posséder un bénéfice, ils aient de quoi subsister : ne mendicant in approbrium cleri. »

Et l'honorable. M. Thonissen de s'écrier : M le ministre de la justice mérite un pensum ; un élève de quatrième dirait : « Ne mendicent. »

Or, il se trouve que Durand de Maillane dit : « Ne mendicant in opprobrium cleri. »

M. Thonissenµ. - C'est une faute d'impression. (Longue interruption.)

MjBµ. - Oh, il y en a bien d'autres. Je sais que les actes du clergé rédigés dans le latin de cuisine du moyen âge renferment une foule de fautes de ce genre.

M. Vilain XIIIIµ. - Il contient des barbarismes, mais pas de solécismes.

MjBµ. - Il contenait des fautes de toute espèce. Quant à l'expression « ne mendicant... » j'ai pensé que je ne pouvais mieux faire que de m'appuyer sur une autorité qui explique la signification du titre presbytéral et je l'ai fidèlement copiée. Quant à moi, je ne défends nullement le latin de cuisine du moyen âge.

M. Jacobsµ. - J'aime mieux Lhomond.

MjBµ. - Donc, non seulement il n'y a pas d'erreur dans le fait que j'ai cité, mais j'ai lieu de croire qu'il n'y en a pas davantage dans le texte que j'ai indiqué, même au point de vue du style.

Durand de Maillane, après avoir défini le titre clérical, donne un exemple de ce qu'était un titre clérical. Vous allez voir que c'est le fait en question ; l'honorable M. Thonissen a été obligé de reconnaître lui-même que cela se passait ainsi. (Interruption.)

Je vais vous lire la constitution du titre presbytéral :

Des personnes qui fondaient de petites pensions avaient l'intention de faire quelque chose, non en faveur d'hommes qui étaient bien rentés, mais en faveur de personnes qui doivent trouver dans cette ressource le moyen d'arriver à la prêtrise.

M. de Haerneµ. - Il n'y a pas seulement le titre bénéficiaire, mais (page 789) aussi le titre patrimonial. C'est là une distinction admise en droit canon. Or, il s'agit ici d'un titre patrimonial, auquel le titulaire avait droit. Il y avait ici un double but, celui d'une jouissance patrimoniale, et éventuellement celui du titre requis pour les ordres sacrés.

MjBµ. - Malheureusement, vous êtes à côté du testament ; il porte que les revenus de ces biens pourront servir à recevoir l'ordination.

Ce n'était pas un bénéfice, mais un titre clérical. Voici un modèle d'acte de titre clérical ou patrimonial, selon M. de Haerne, donné par Durand de Maillane :

« Titre clérical constitué par un père à son fils.

« Fut présent N., lequel, pour seconder la pieuse intention que N. son fils a de parvenir aux ordres sacrés, pour lui donner moyen de vivre honnêtement dans l'état où Dieu l'appelle, lui assigne dès maintenant et promet de garantir de tous troubles et empêchements quelconques, audit N., son fils, ici présent et acceptant, la somme de..., en forme de rente ou pension, pour lui tenir lieu de titre clérical que ledit N, son père, promet et s'oblige de lui payer par chacun de six en six mois, à commencer etc., et ainsi continuer jusqu'à ce que ledit N. soit pourvu et jouisse paisiblement d'un bénéfice d'un revenu suffisant pour remplir son dit titre, etc. »

Eh bien, qu'était-ce donc autre chose qu'une position pour parvenir à l'ordination ?

Sohel, qui n'était pas janséniste, Fleury et André ne contredisent pas l'opinion du janséniste Durand de Maillane. Veut-on un autre exemple ;

Gaspard de Lusseau, par son testament du 29 octobre 1725, fonde un patrimoine autant qu'il se trouvera un de ses petits-neveux idoine, et habile pour se présenter aux ordres sacrés et il ajoute :

« Et cas arrivant que celui qui sera choisi pour ledit bénéfice viendrait à être pourvu d'un bénéfice de cure de la valeur de 600 florins alors ledit patrimoine devra retourner à ses prédits héritiers pour en jouir jusqu'à ce qu'il s'en trouve un capable de soi dénommer. »

On voit donc bien que l'on ne jouit du titre clérical qu'autant qu'on ne soit pas pourvu de bénéfice.

J'ai donc eu parfaitement raison de dire que l'honorable M. Delcour avait bien fait de ne pas s'aventurer dans ce débat théologique et canonique, car il ne pouvait ignorer que le titre presbytéral n'a eu d'autre but que de donner au titulaire une position d'attente ; et que c'était contrairement aux intentions du fondateur que les ecclésiastiques dont il s'agit se sont attribué les revenus de la fondation Ariens. J'ai dit que la loi de 1864 était une loi de réparation, parce qu'elle avait pour but de rendre à la théologie des bourses dont elle avait été privée pendant si longtemps.

L'honorable M. Thonissen aurait mieux fait de réserver ses accents indignés pour d'autres circonstances. Je n'ai calomnié personne ; je n'ai énoncé que des faits ; les faits sont exacts et conformes à la science du droit canon.

M. Thonissenµ. - De votre droit canon.

MjBµ. - Prouvez que vous le connaissez mieux que moi. Arrivons au second fait.

Ici la thèse est beaucoup plus singulière encore. Qu'est-ce que j'ai dit ? J'ai dit à la droite : « On attaque violemment, la loi de 1864 et ses principes ; vous dites que le législateur n'a pas le droit de. violer la volonté des testateurs ; respect à la volonté des fondateurs : voilà la première règle : point de droit contre la justice universelle ; avant tout, il faut exécuter les testaments et rien que les testaments. »

J'ai dit que les princes de l'église, ceux qui nous attaquent si violemment dans leurs mandements, ont professé les mêmes principes que nous.

L'honorable M. Thonissen vient de vous faire l'histoire des biens du séminaire de Saint-Trond qui ont été attribués au séminaire de Liège, et il a trouvé que tout était parfait.

Voyons. Des bourses d'étude sont fondées près le séminaire de Saint-Trond en faveur de jeunes gens pour étudier la théologie.

L'honorable M. Thonissen reconnaît lui-même que, dans son opinion, d'après le testament, ces biens devaient former une administration distincte.

M. Thonissenµ. - D'après le testament seul.

MjBµ. - Eh bien, en vertu du testament il faut une administration distincte ; vous le reconnaissez, n'est-ce pas ?

M. Thonissenµ. - Vous n'avez pas le droit de m'interroger,

MjBµ. - Messieurs, je crois que dire à l'honorable M. Thonissen qu'il les reconnaît, c'est lui être beaucoup moins désagréable que de dire à son adversaire : Vous vous êtes rendu coupable d'un outrage et d'une diffamation. Cependant je ne me suis pas fêché quand l'honorable membre m'a dit cela.

Eh bien, c'est donc une administration distincte ; M. Paquet, en sa qualité de secrétaire général du département de la justice, l'avait parfaitement reconnu dans une note qui a été imprimée et qui s t au dossier. L'évêque de Liège et le séminaire sont donc dans l'erreur quand ils soutiennent que ce n'est pas une administration distincte.

Mais dit l'honorable membre, il y a un jugement qui est intervenu à Liège ; et il y en a aussi un de la Rote de Rome qui déclare que ce n'était pas une administration distincte. Voilà donc la Rote de Rome qui refait les testaments. (Interruption.)

Vous m'interrompez. Mais, contrairement au testament, que fait la Rote de Rome ? Elle décide que l'administration des biens doit être donnée au séminaire ; mais ce qu'a oublié l'honorable nombre, c'est que la Rote de Rome n'avait pas dispensé le séminaire de payer les bourses ; elle avait dit : Soit, vous aurez l'administration des biens ; mais vous aurez à payer les bourses.

M. Thonissenµ. - Je l'ai dit.

MjBµ. - Voilà la conciliation dont vous avez parlé tout à l'heure ; je souhaite que nous soyons d'accord jusqu'au bout.

Eh bien, messieurs, la Rote de Rome n'avait pas dispensé le séminaire de Liège de payer les bourses.

Qu'arrive-t-il ? A la révolution, ces biens sont sécularisés ; ils entrent dans le domaine national. Plus tard, on fait des arrêtés de restitution, et par erreur on les comprend parmi les biens dans la possession desquels on envoie le séminaire de Liège. Ces biens sont chargés de bourses. Le séminaire prend possession de ces biens. Mais il n'y avait rien dans l'arrêté qui dît qu'il devait acquitter les charges.

Quelques années après, on rétablit la fondation, et les parents, les administrateurs viennent dire au séminaire de Liège : Il n'y a pas de loi contre le droit ; il n'y a rien qui puisse agir contre la volonté des testateurs. Il y avait des bourses qui grevaient les biens dont vous êtes en possession, veuillez-nous les rendre. Et que fait le séminaire de Liège ? Il répond : Cela ne me regarde pas. J'ai un arrêté qui m'a envoyé en possession. Nous sommes aux droits ; nous ne sommes pas aux charges. Nous ne nous occupons pas du testament. Nous reconnaissons qu'il y avait des charges ; nous aurons soin des parents ; s'ils viennent au séminaire, nous leur ferons l'aumône de quelques petits secours. Mais quant aux bourses, nous ne devons pas les acquitter. (Interruption.)

Voilà où vous ne me comprenez plus, je dis ceci : Comment êtes-vous autorisés à résister à la loi de 1864, alors que vous, évêque de Liège, vous prêtez votre concours à une loi qui a violé les testaments et a enlevé les biens des bourses ? La loi de 1864 change les administrateurs, elle n'enlève, pas les charges, et vous avez prêté votre concours à une loi qui dépouillait les boursiers au profit de votre séminaire.

Vous avez invoqué cette loi et la prescription pour ne pas acquitter les charges que le testament impose. Peut-on, après cela, monter en chaire et dire : Il n'y a pas de loi contre la morale universelle ; il n'y a rien qui puisse prévaloir contre le respect des contrats, contre la volonté des testateurs ?

Mais vous, avez-vous respecté la volonté des testateurs ? Vous êtes en possession des biens et les boursiers sont à la porte de votre séminaire. Vous violez ces principes de morale, ces règles imprescriptibles que vous invoquez avec tant de bruit.

El j'ai ajouté : Il est évident que vous ne pouviez en droit être tenus d'acquitter toutes les charges. Mais ne venez pas dire que le pouvoir législatif n'a pas le droit de rien modifier aux actes de fondation.

L'honorable M. Thonissen disait en commençant son discours : On pouvait réformer les abus. Mais pour réformer, il faut aller où est l'abus. El où était l'abus ? Il était chez vos administrateurs. Si vous aviez un serviteur infidèle, maintiendriez-vous ce serviteur ? Non, vous le remplaceriez. Si vous aviez de mauvais fonctionnaires, de mauvais employés, vous les feriez disparaître et vous en nommeriez d'autres. C'est ce qu'on a fait.

Je dis donc que la seconde .réfutation de l'honorable M. Thonissen n'est pas plus sérieuse que la première. Le fait Ariens et le fait Kemerlincx (page 790) restent complètement établis et je n'ai rien à retirer de ce que j'ai dit à cet égard.

M. Jacobsµ. - Messieurs, j'ai quelque droit de m'étonner de ce que M. le ministre de la justice, en commençant son discours, ait imputé à la droite, tout au moins à des personnes qu'on aime à confondre avec elle, la provocation qui a troublé la trêve des partis.

j'ai le droit de m'étonner de voir M. le ministre de la justice vanter les sacrifices d'opinion qu'il aurait faits sur l'autel de la Concorde.

Dans la question de la liberté de la chaire, vous a-t-il dit, j'ai sacrifié une partie de mes convictions ; le fait est vrai ; mais je vais vous dire comment. M. le ministre de la justice, dans un ouvrage dont j'ai déjà entretenu la Chambre, a soutenu, comme M. De Fré, comme la droite, comme moi-même, la liberté de la chaire de la manière la plus absolue. Oui, il a sacrifié une partie de ses opinions ; mais il en a sacrifié la seule partie qui le rapprochât de nous, pour s'identifier avec ses amis.

MjBµ. - J'ai soutenu la liberté de la chaire avec le droit de réponse immédiate.

M. Jacobsµ. - Chacun l'admet, en ce sens que, si la réponse est justifiée par une injure, jamais vous ne trouverez eu Belgique un tribunal pour la condamner.

MjBµ. - C'est une erreur, il y a des arrêts.

M. Jacobsµ. - Je répète que si un homme, injurié par un prêtre, lui répond, il ne trouvera pas un tribunal en Belgique pour le condamner.

D'où est venue la provocation ? La première provocation a été la proposition de l'honorable M. Orts, relative à l'augmentation du nombre des représentants et des sénateurs. La seconde a été la discussion actuelle.

On cherche en vain à la présenter comme une réponse au mémoire justificatif des évêques, qu'on transforme en manifeste provocateur. Je l'ai à la main et je n'y trouve pas une critique plus sévère que celles que vous avez reconnues légitimes et parlementaires, lorsqu'elles sont sorties de la bouche de l'honorable M. Delcour. L'autre jour, l'honorable membre taxait la loi des bourses d'injustice ; M. le président lui ayant fait une observation, M. le ministre des finances l'a interrompu, en disant : « L'honorable M. Delcour est dans son droit, c'est son appréciation. »

Le mémoire déclare la loi injuste. Il déclare encore qu'elle méconnaît la volonté des testateurs. C'est une critique plutôt trop modérée dans la forme et qui avait été employée ici par chacun de nous. Ne transformez donc pas ce mémoire justificatif en manifeste provocateur, laissez-lui son véritable caractère.

L'honorable M. Funck ne s'est-il pas indigné l'autre jour de ce qu'on supposât qu'il se fût mis d'accord avec le gouvernement pour l'interpeller sur la loi des bourses ? Ah ! si le gouvernement s'est cru provoqué, il ne s'est guère pressé de répondre. Le mémoire est daté du 21 mars, et ce n'est que le 3 mai, et encore grâce à l'interpellation non concertée de M. Funck, que M. le ministre de la justice y a répondu !

L'initiative de la provocation est jugée par tout homme de bon sens.

Je reviens au débat qui nous occupe. Je commence par répéter ce que j'ai dit dans une séance précédente et ce qui a été le point de départ du remarquable discours de l'honorable M. Thonissen.

Il ne s'agit pas ici du principe de la loi des bourses, seul objet du mémoire où l'épiscopat justifie son refus de concourir à son exécution. Qu’il y ait eu mille abus ou qu’il n’y en ait eu aucun, votre loi n’en est ni meilleure ni plus mauvaise.

Quand j'ai de mauvais employés, répond à cela M. le ministre de la justice, je les révoque ; quand j'ai de mauvais fonctionnaires, je les remplace.

C'est parfait ; mais quand vous avez de mauvais fonctionnaire-, vous ne changez pas toute l'organisation de l'administration.

MjBµ. - Cela dépend.

M. Jacobsµ. - Si vous avez un mauvais employé, vous l'éloignez de l'administration à laquelle il appartient. J'étais donc personnellement d'avis qu'il n'y avait pas lieu d'aborder le débat sur le terrain étroit où l'on voulait le placer. Mais vous êtes déjà trop heureux d'avoir échappé à la réforme électorale ; je ne veux pas vous laisser le malin plaisir d'exploiter le silence de la droite, qui, diriez-vous, est restée muette et écrasée sur ses bancs.

Je me suis donc résigné à examiner quelques-uns des nombreux dossiers déposés sur le bureau de la Chambre. Je m'y suis résigné avec la plus profonde répugnance. J'avoue qu'il me répugne souverainement de voir le parlement bulge transformé en tribunal de simple police. Mais, avocat de profession, n'ayant jamais refusé à un malheureux d'être son avocat d'office, puisque la majorité m'impose la défense d'administrateurs de bourses avec lesquels je n'ai eu aucun rapport, je ne leur refuserai pas mon concours. Pour les uns je ne plaiderai que les circonstances atténuantes, pour les autres je plaiderai non coupable.

M. le ministre de la justice a déposé mardi 38 dossiers, il en a déposé mercredi 12, et jeudi 9 ; en somme donc 60 dossiers environ, formant un cube de papier d'un mètre.

D'après la déclaration de M. le ministre, ce cube de pièces aurait rapport à 150 faits ; M. le ministre exagère ; s'il y avait 150 faits, il serait dérisoire de vouloir nous les faire examiner en trois jours.

- Un membre. - En deux.

M. Jacobsµ. - J'en donne trois.

Supposons donc qu'il n'y ait que 60 faits ; autant que de dossiers.

Impossible de les vérifier tous. J'en ai choisi un certain nombre, et avec l'aide de quelques collègues, que je remercie de leur utile et obligeante coopération, nous en avons compulsé une bonne douzaine.

Je vais faire rapport exact et sincère de ce que j'ai trouvé dans les dossiers de l'accusation ; j'ajouterai les pièces de la défense lorsqu'il m'en sera parvenu.

Dans le nombre des faits contrôlés par moi, il en est qui sont vrais, mais incomplètement exposés ; d'autres sont présentés d'une manière inexacte ; d'autres, enfin, sont matériellement faux.

1° D'abord la fondation du curé Adriaenssens à Arendonck.

Voici ce qu'en dit M. le ministre de la justice :

« Dans la fondation Adriaenssens, l'administrateur a gardé des intérêts arriérés pendant un grand nombre d'années. »

Le fait est exact, mais il eût été bon d'ajouter que ce fait s'est passé de 1810 à 1825, lorsque les fondations n'avaient pas d'existence légale, avant le contrôle que le roi Guillaume a établi en 1819 et en 1823. Il eût été bon d'ajouter encore que le déficit, montant à 687 fr., a été restitué à la fondation au moyen d'une constitution de rente, faite par les héritiers de l'administrateur.

M. le ministre de la justice a cité une restitution de ce genre dans la fondation Beauvarlet. Il est bon de savoir que, dans la fondation Adriaenssens comme dans la fondation Beauvarlet, sous le régime des administrations spéciales, il n'a pas été perdu un centime.

2° Fondation du curé Thomassen à Ath.

« Dans la fondation Thomassen, c'est le ministre qui parle, on vit, par le compte de 1859, que les anciens administrateurs avaient constitué une rente au profit d'une religieuse ; c'était sans doute encore par respect pour la volonté du fondateur. »

Ici de même il eût été juste d'ajouter que c'est en 1817, avant donc les arrêtés du roi Guillaume, que les administrateurs ont accordé un secours annuel de 30 francs à une petite-nièce du testateur, secours qui a été continué depuis ; la députation permanente l'avait constamment approuvé, et dès que, en 1860, le ministre de la justice fit des observations, les administrateurs s'y conformèrent.

M. le ministre de la justice a pris plaisir à nous rappeler que dans les fondations Delcour et Ducochey, administrées pour des communes, les capitaux de la fondation ont doublé ; il eût été juste de constater aussi que, malgré la petite rente de 50 fr., les revenus de la fondation Thomassen ont triplé.

3° Fondation du curé Dumont, à Virton.

« Il y avait, en vertu des anciennes administrations, de véritables majorats constitués au profil des familles. Ainsi dans la fondation Dumont, l'administrateur distribue 1,200 à 1,300 fr. de bourses et perçoit, à titre d'indemnité, un revenu de 1,950 francs. Cela se pratiquait encore en 1864. »

D'abord une rectification de chiffre. Ce n'est pas à 1,200 ou 1,300 fr. que se monte le revenu de la fondation, mais à fr. 1,776 20.

Mais M. le ministre de la justice a reconnu, un instant après avoir cité le fait, qu'il n'a rien à voir au débat ; il a reconnu que les arrêtés de 1819 et de 1823 ne permettaient pas plus ce fait que la loi de 1864. S'il est illégal d'après cette loi, il l'est aussi en vertu des arrêtés ; la loi était inutile pour le réprimer.

Il n'y a là qu'une question de droit à élucider, et un membre libéral du conseil provincial du Luxembourg, M. l'avocat Tedesco, qui ne vous est pas suspect, a donné une consultation au gouverneur de la fondation, dans laquelle je lis ce qui suit :

« Dans le testament, le fondateur n'avait pris aucune disposition relative au salaire et au travail du gouverneur. A ce défaut c'était à la fondation elle-même à y pourvoir. Ne voulant pas que la charge fût onéreuse, désirant à la fois la rémunérer et la maintenir dans la famille, Henri Dumont la dota ; il fit son codicille et institua son neveu Gilles Dumont dam tous ses biens qui n'avaient pas été compris dans la (page 791) fondation, ni par le testament, ni par le codicille même, il les lui donna avec défense de les aliéner. C'était le seul moyen de conserver à sa famille les biens qu'il ne voulait pas affecter à la fondation et en même temps d'assurer au gouvernement de la bourse une dotation pour les temps à venir. »

« Nous estimons qu'il y a lieu purement et simplement de rapporter l'arrêté du 3 novembre 1862 en ce qu'il attribue à la fondation le revenu net de la dotation. »

Il y a donc à examiner, messieurs, si, en réalité, une substitution prohibée existe ; et, dans l'affirmative, si ces biens doivent revenir à la famille, au domaine, ou à la commission provinciale des bourses. Cela est complètement étranger à notre discussion.

4° Fondation du chanoine Franck, dans le Hainaut.

« Dans la fondation Franck, vous avez un échantillon de la manière dont les administrateurs spéciaux déféraient aux invitations des autorités supérieures ; on était en retard de produire les comptes ; sept ou huit lettres de rappel ont été adressées inutilement.

« Il y a plus : cette même fondation avait été créée pour deux bourses distinctes ; que faisait-on ? On donnait les deux bourses au même étudiant. »

Ici j'ai d'abord une plainte à faire. Les dossiers, ce mètre cube de pièces, ne sont pas encore suffisants ; il manque un très grand nombre de pièces.

Dans ce dossier Franck, c'est l'acte de fondation. Il m'est donc impossible de m'assurer s'il y a deux bourses, ou s'il n'y en a qu'une seule. J'ai cependant lieu de croire qu'on n'en a pas réuni deux en une, car dans le compte de 1856, je vois ce qui suit :

Recettes, 572 99

Dépenses, 159 53

Reliquat, 412,76

Ce reliquat fait supposer que la deuxième bourse n'a pas été conférée.

Quant aux 7 ou 8 lettres de rappel qui doivent servir à prouver comment les administrateurs spéciaux défèrent aux vœux de l'administration supérieure, il est assez curieux de constater que ces lettres, au nombre de 7, en effet, ont été adressées non pas aux administrateurs spéciaux, mais au commissaire de l'arrondissement d'Ath par le gouverneur du Hainaut.

C'est donc un fonctionnaire public, le commissaire d'arrondissement qui se trouvait en retard de répondre au gouverneur. Et sur quoi portaient ces lettres ?

Le gouverneur l'invitait à engager les administrateurs à remployer les excédants.

Et que répond à la septième lettre le commissaire d'arrondissement ? Il répond que le remploi constituerait le receveur eu avance pour les payements à faire aux boursiers en 1857.

Voilà l'objet grave de cette correspondance entre le gouverneur et le commissaire d'arrondissement.

5° J'arrive, à la fondation de l'autre chanoine Franck, celle du Luxembourg. C'est peut-être le plus joli fait de la mise en scène du 3 mai.

« Dans la fondation Franck, c'est un curé qui était administrateur, et il a disposé de tous les fonds.

« On ne dira pas que j'invente ; il est parti avec la caisse et avec les livres, plus rien n'a été retrouvé.

« Du reste le desservant de l'église de Villers-Ia-Bonne-Eau, auquel on écrivait, répondait à la date du 15 février 1831 : « Je suis fâché de ne pouvoir vous donner les renseignements demandés touchant la dilapidation des revenus de la bourse en question. En entrant à Villers, je n'ai trouvé ni registres de cure ni de la fabrique. Vous avez entendu dire aussi comment s'est comporté M. Dupuis en sortant contre son gré ; on l'accuse de toutes ces supercheries ; il est mort, requiescat in pace. »

Ne dirait-on pas que l'auteur de cette lettre est le successeur immédiat du curé Dupuis ?

Or, M. Dupuis était curé au siècle dernier. (Interruption.)

La bourse a été fondée le 28 juillet 1767.

Le 27 janvier 1788, une rente de 150 écus a été remboursée au curé Dupuis et a sou coadministrateur, Charles Franck, neveu du testateur ; on ne voit pas qu'ils aient replacé ce capital.

La révolution a passé par dessus ; l'avoir de la bourse est perdu c'est le seul fait constant, car le desservant ajoute à sa lettre au juge de paix de Sibret une phrase que M. Bara a oublié du lire : « Des ouï-dire ne peuvent vous suffire, il serait trop difficile après un si long temps. »

Si M. le ministre de la. justice avait lu cette finale à la Chambre, on aurait vu le long intervalle écoulé entre les deux faits et l'accusation se réduire à ces on-dit. »

MjBµ. - Je vous en lirai d'autres,

M. Jacobsµ. - Soit, vous en produirez de nouveaux.

MjBµ. - Vous les avez lus.

M. Jacobsµ. - Vous ne m'en lirez pas que j'ai vus et qui soient compromettants ; en attendant, vous auriez mieux fait de lire celle-ci en entier.

6° Je passe à la fondation de Jacques Mahieu, curé à Elouges.

« Dans la fondation Jacques Mabieu, à Elouges, il existe deux bourses ; pendant longtemps on n'en a donné qu'une seule. Le montant de la seconde bourse était employé en œuvres charitables. »

Le testament de Jacques Mabieu, curé à Elouges, fait le 4 juillet 1726, constitue une fondation mixte et très compliquée, mais où la bienfaisance a la plus large part. Il lègue : 1 rente pour des obits et saluts, 8 rentes pour distributions de vêtements, 3 rentes pour distributions de viande et bouillon, 1 rente pour distributions de couvertures de lit, 1 rente pour une bourse, 5 rentes pour une autre bourse, I rente pour distribuer 23 livres à 4 filles pauvres. Le surplus reviendra aux pauvres de la paroisse d'EIouges.

II se trouve que parmi ces rentes l'une était due par les Etats du Hainaut. C'était le seul bien affecté à l'une des bourses.

Les Etats du Hainaut ayant cessé de payer, la bourse s'est trouvée dénuée de ressources.

Or l'artile 29 du testament stipulait que, lorsque l'une des créations du curé d'Elouges se verrait privée de ses revenus, ils lui seraient reconstitués au moyen de la part affectée aux pauvres de la paroisse.

On pouvait donc prendre trois cents livres de rente aux pauvres pour rétablir la bourse ; n'a-t-on pas pensé à appliquer l'article 29 ou n'a-t-on pas voulu le faire ? Je l'ignore, mais voilà le grief.

On n'a pas pris les revenus de la bourse pour les donner aux pauvres, mais on a négligé de reprendre sur le patrimoine des pauvres de quoi reconstituer la bourse dont le capital est perdu. Quel abus !

7° Fondation du chanoine De Marcy, à Chassepierre, Luxembourg.

« Dans la fondation Marcy, à Chassepierre, il y avait une dotation en immeubles d'une valeur de 200,000 fr. environ. Les revenus de cette fondation devaient être employés à aider les jeunes gens à faire des études primaires, moyennes et supérieures.

« Un beau jour, il plaît au neveu du fondateur, lequel administrait la fondation, de dire : Il n'est pas bon de favoriser les études moyennes et supérieures ; elles corrompent la jeunesse, supprimons ces études. Pour exécuter probablement les intentions du fondateur, on n'enseignera plus que les études primaires. »

Voilà l'accusation et voici ce qui résulte du dossier :

Le testament du chanoine De Marcy, du 16 novembre 1751, contient un article 15, ainsi conçu : « Je veux que mes neveux aient tous les quatre ensemble et chacun en particulier, à mesure qu’ils se survivront, le même pouvoir que j’aurais moi-même, si je vivais, pour exécuter et faire exécuter les articles de la présente fondation. »

Un codicille du ler juillet 1763 leur donne « dès à présent toute l’autorité et pouvoir que j'ai eus jusqu'à présent sur la fondation que j'ai faite, me considérant comme mort, de manière qu'ils puissent ou conjointement, ou séparément, agir dans tout ce qui concerne ou concernera cette fondation, directement ou indirectement, et cela outre ce qui est porté à ce sujet dans les articles de ladite fondation. »

Je conçois que ceci prête matière à discussion, qu'on puisse dire : Autre chose est d'exécuter, autre chose de modifier la fondation, le chanoine ne pouvait la modifier lui-même. Cependant, comme la fondation n'avait d'autre avoir que ce qu'il lui laissait par testament, elle était à sa merci. Quoi qu'il en soit, c'est là un point de droit sur lequel on peut être en désaccord, ce n'est pas un abus.

D'autant plus qu'en réalité la fondation était établie en faveur de paroissiens de Chassepierre pour l'instruction primaire, moyenne et supérieure. Pour les quatre élèves auxquels l'administrateur doit donner lui-même l'instruction, il n'était guère possible de former des cours d'enseignement à tous les degrés, et le plus nécessaire, à coup sûr, aux pauvres habitants de Chassepierre, c'est bien l'enseignement primaire.

Le conseil de la commission provinciale du Luxembourg émet l'avis, à propos de la fondation Hertzig, fondation mixte, que la commission (page 792) doit revendiquer tout son patrimoine parce que les administrateurs spéciaux ont assigné le tout à l’instruction et qu'elle a autant de pouvoirs qu'eux.

Si les administrateurs avaient ce pouvoir dans la fondation Hertzig, à plus forte raison le neveu du chanoine De Marcy pouvait-il affecter tout le revenu de sa fondation à l'un des trois degrés d'enseignement auxquels elle s'applique.

Voilà donc ce qu'a fait le neveu, mais je n'ai pas trouvé trace dans ce dossier, fort en désordre d'ailleurs, de l'effroi que lui inspirait l'instruction supérieure corruptrice de la jeunesse. Ce doit être là un commentaire de M. le ministre de la justice.

MjBµ. - Vous ne lisez pas bien.

M. Jacobsµ. - Je serais charmé que M. le ministre de la justice voulût me procurer le plaisir d'entendre lire mieux.

MjBµ. - Je vous le procurerai.

M. Jacobsµ. - Du reste c'eût été là son mobile, que cela ne changerait rien à son droit.

Le second grief est celui ci :

« Dans la fondation Marci de Chassepierre, aucun compte n'avait été rendu depuis 1853 par l'administrateur qui était un ecclésiastique, habitant la commune de Chassepierre. Le curé de cette paroisse fut chargé, en qualité de proviseur, d'exercer des poursuites ; mais le curé ne voulut rien faire contre son paroissien ; ce n'est qu'à force d'instances nouvelles, qu'en 1862 l’administrateur consentit enfin à rendre des comptes.»

Je trouve au dossier l'explication très claire de cette absence de reddition de comptes pendant un certain nombre d'années.

Voici la lettre adressée par l'administrateur de la fondation à M. le ministre de la justice, le 20 juillet 1861 :

« En 1854 j'ai fait exécuter à la ferme et au moulin de Lischert, appartenant à la fondation, des travaux de réparation et de construction pour environ 20,000 fr. ; la députation permanente du conseil provincial d'Arlon confia l'exécution de ces travaux par voie de régie à M. l'architecte Jamot ; celui-ci était chargé de diriger les travaux, de faire marché avec les entrepreneurs, les fournisseurs, ouvriers, etc., de les payer et d'en tirer quittance ; ces travaux auraient pu être terminés dans un an ou deux au plus, d'autant que les fonds destinés à en couvrir les dépenses étaient disponibles d'avance.

« Qu'est-il arrivé ? L'architecte les a laissé traîner en longueur pendant 5 ans, tantôt sous un prétexte, tantôt sous un autre. Je n'ai cessé de me plaindre de ces déplorables lenteurs ; maintes fois j'ai vainement réclamé son compte en régie, et toutes mes instances réitérées n'ont abouti qu'à des promesses restées sans exécution jusqu'aujourd'hui.

« Le 1er avril 1860, j'ai cru de mon devoir d'en rendre compte à M. le gouverneur et par sa dépêche du 12 même mois je fus informé que l'architecte Jamot avait été invité itérativement de ma part à remplir les obligations qui le concernent ; un an après, le 3 avril 1861, j'ai adressé à M. le gouverneur une nouvelle réclamation à ce sujet, mais je n'ai plus eu l'honneur d'une réponse. Je tiens ces pièces à l'inspection de M. le ministre.

« Il est donc établi que, sans le compte de l'architecte qui m'est indispensable et que je ne possède pas encore, je me trouve, malgré moi, dans l'impossibilité de m'occuper du mien, qui doit nécessairement comprendre, non seulement les recettes, mais aussi les dépenses tant ordinaires qu'extraordinaires faite s jusqu'alors.

« En cet état de choses, vu que je n'ai en mon pouvoir aucun moyen coercitif à exercer contre M. Jamot et que, d'un autre côté, l'autorité, dont il tient pourtant sa mission, ne m'a pas soutenu dans mes réclamations, comme elle aurait dû le faire, je viens vous prier, M. le ministre, et avec les plus vives instances, de vouloir bien inviter sérieusement la députation permanente du conseil provincial, dont M. le gouverneur est président, de mettre M. Jamot en demeure de me fournir sans plus de délai son compte de régie avec les pièces justificatives de l'emploi des fonds qui lui ont été versés par l'administrateur de la fondation. Quant à moi, je décline toute responsabilité du chef de sa négligence.

« L'administrateur de la fondation Marci,

« (Signé) : J. G. Dawans.

« Chassepierre, 20 juillet 1861. »

Et voici ce qu'écrivait, le 12 décembre 1861, M. le gouverneur du Luxembourg au ministre de la justice :

« Monsieur le ministre,

« En vous renvoyant la réclamation ci-jointe du directeur de la fondation Marci de Chassepierre, communiquée par votre bulletin du 16 août dernier, 1ère division, 2ème bureau, n_247, j'ai l'honneur de vous informer que M. l'architecte Jamot vient de me donner l'assurance positive qu'il avait envoyé à M. Jamot, à Chassepierre, le compte avec les pièces à l'appui concernant les réparations de la ferme et du moulin de Lischert.

« Monsieur l'administrateur de la fondation Marcy est donc, à présent, en situation de rendre les comptes qui lui ont été demandés.

« Le gouverneur du Luxembourg,

« (Signé) Dubois-Thorn. »

Vous voyez, messieurs, que c'est par suite d'un travail exécuté en régie par un architecte désigné par la députation permanente, que l'administrateur s'est trouvé dans l'impossibilité de rendre des comptes complets avant 1861 et qu'aussitôt que cela lui a été rendu possible, son compte a été dressé et rendu.

Troisième grief à charge de cette fondation :

« Et quel était l'état des choses ? Le compte de 1864 accuse une recette de 32,800 francs et il n'est dépensé au profit des élèves que 269 francs !

« C'est là le sublime du genre. Devant des faits de cette espèce, ce n'est pas à nous qu'on doit adresser le reproche d'avoir détourné les biens de leur destination.

« Je n'accuse pas l'administrateur de dilapidation ; il dit qu'il employait les fonds non consacrés aux études à l'amélioration des propriétés bâties et non bâties de la fondation. Je pense qu'il aurait beaucoup mieux valu qu'on donnât l'argent aux pauvres pour étudier.

« Vous voyez, messieurs, qu'il y a des faits graves, des abus véritablement scandaleux. »

Je renvoie ce reproche à la députation permanente du Luxembourg ; c'est elle qui a ordonné l'exécution en régie des travaux qui ont absorbé les fonds qu'il aurait mieux valu employer dans l'intérêt des pauvres et de l'instruction.

MjBµ. - Il ne se donnait pas la peine de consulter la députation et faisait les travaux de sa propre autorité.

M. Jacobsµ. - Il les faisait exécuter en régie.

MjBµ. - De sa propre autorité.

M. Jacobsµ. - Niez-vous que l'architecte ait été nommé, par la députation permanente et le mode de régie prescrit par elle ?

MjBµ. - Pas pour faire tous ces travaux.

M. Jacobsµ. - On voit partout des architectes qui poussent les travaux plus loin qu'on ne le leur a ordonné. Ce reproche n'est pas spécial aux architectes des administrations spéciales.

- Un membre. - L'église de Laeken.

M. Jacobsµ. - Quant au compte dont on a relevé deux chiffres, 32,000 fr. d'un côté, deux cents et quelques francs de l'autre, il faut, pour s'en rendre compte, en examiner le détail.

On y trouve d'abord une recette fictive de 8,800 fr. ; c'est l'arriéré des fermiers ; il y a des lettres fort instructives de l'administrateur quant aux fermages.

Lorsqu'il louait de la main à la main, il avait des fermiers qui payaient régulièrement ; mais depuis qu'on l'a forcé de recourir aux adjudications et qu'il est oblige d'accepter celui qui offre le plus, il se plaint d'avoir des fermiers ignorants, ivrognes, insolvables, qui font le tourment de l'administrateur.

Outre ce chiffre de 8,800 fr., il y a le reliquat du compte de 1863 qui s'élevait à 22,822 fr. 12 c. ; ce sont les fonds qui s'accumulaient depuis 1853 pour payer les bâtisses ; je vois, en effet, au débit du compte :

« Payé pour construction à l'architecte Jamot, 20,948 fr. 92 c. »

Il n'y a, en réalité, de revenus ordinaires qu'une recette d’arriérés de 300 francs et la recette de l'année, 884 fr. 65 cent., total 1,184 francs 65 centimes.

8" J'en viens à la fondation Hertzig, province de Luxembourg.

« Le capital de la fondation Hertzig s'élève à environ 8,000 francs. »

J'arrête ici 31. le ministre de la justice pour lui dire que l'acte de fondation ne se trouve pas au dossier.

MjBµ. - Il y a un jugement.

M. Jacobsµ. - Il y a un jugement et d'autres pièces encore par lesquelles on a cherché à reconstituer le capital de la fondation : toutes ces pièces commencent ainsi : « On présume que... on croit que... les anciens pensent que... » Des présomptions, rien autre chose.

« Ce capital, dit M. le ministre de la justice, est complètement perdu. »

Je l'arrête encore ici, car j'ai trouvé au dossier la mention de rentes produisant 99 fr. 33 c.

(page 733) Si le capital est complètement perdu, d'où proviennent ces rentes ?

« Quant aux immeubles le receveur qui était en fonctions en 1836 en a fait donation à sa famille. »

Je n'ai trouvé au dossier aucune trace d'une donation de ce genre.

« Une instance fut engagée et par jugement du 6 mai 1832 les droits de propriété de la fondation furent reconnus. »

En effet, une instance fut engagée entre les héritiers et l'administrateur. Je n'ai pas vu dans le dossier qu'ils aient invoqué une donation pour se prétendre propriétaires ; ils prenaient si peu au sérieux leur revendication de ce titre que, dès le 1er juillet 1851, leur avocat, maître Simon, écrivait à son adversaire, Maître Tesch, qu'on pouvait considérer ce procès comme terminé. Néanmoins on a dû prendre un défaut en 1852.

« En 1849, le nouveau receveur loua ces biens à son frère. »

Ici je m'interromps de nouveau pour dire que j'ai bien vu le même nom, mais que je n'ai pas trouvé la preuve de cette parenté.

« Il les loua par bail perpétuel à un prix très minime. »

C'était le prix auquel le bien avait été loué jusque-là.

« Les héritiers du locataire prétendent maintenant que ces biens leur appartiennent. »

Je n'ai trouvé nulle part non plus cette prétention... (Interruption). Dans tous les cas, elle n'aurait pas plus de valeur que la précédente, puisqu'il n'appartient pas à un administrateur d'accorder un bail perpétuel. J'ai eu beau feuilleter le dossier, je n'y ai trouvé aucune pièce justificative de ces assertions.

9° Fondation Capitte, à Malines.

« L’administrateur de la fondation Capitte, à Malines, n’admettait depuis longtemps qu’un boursier, alors que la fondation avait institué deux bourses. De plus, l’administration appliquait le reliquat des comptes annuels aux frais généraux du séminaire de Malines. »

C'est en effet ce qui semble résulter d'une première inspection du dossier ; il y a même une lettre du cardinal qui confirme ce qui est dit des frais généraux ; mais lorsqu'on perce les fictions de comptabilité et qu'on va au fond des choses, voici ce qu'on constate :

Par testament du 4 juillet 1807, la demoiselle Capitte léguait au séminaire de Malines ses propriétés immobilières, à charge d'employer l’excédant des revenus sur les frais d'administration à donner la nourriture à un ou deux étudiants en théologie dans ledit séminaire. Un codicille du. 8 février 1819 porte : « J'avais ordonné pour jouir des revenus de ce legs un ou deux étudiants ;'je dispose qu'il en soit admis deux, attendu que mes acquisitions affectées à ce legs le rendent suffisant pour deux étudiants. »

Un arrêté royal, pris par l'honorable comte de Theux, le 29 novembre 1834, autorisa la fondation conformément à la volonté de la testatrice, à condition de faire vendre, au profit des héritiers, quatre des huit pièces de terre léguées au séminaire.

Les biens estimés à fr. 25,484-65 furent ainsi réduits à une valeur de fr. 14,542-86 ; leur revenu était en 1846 de fr. 472-35, en 1856 de fr. 542 09, dont à déduire 5 p. c. pour frais d'administration.

La pension au grand séminaire de Malines était de 435 fr. jusqu'en 1856, plus tard de 472 francs et depuis quelques années de 512 fr.

La réduction de la dotation entraînait évidemment l'annulation du codicille qui n'avait substitué le nombre fixe de 2 à l'alternative 1 ou 2 que parce que les nouvelles acquisitions de la testatrice rendaient la dotation suffisante, c'est son mot ; on rentrait dans l'hypothèse du testament de 1807, jamais l'intention de la demoiselle Capitte n'avait été que son legs fût onéreux au séminaire.

Le revenu dépassait légèrement la pension d'un étudiant. On commença donc par n'admettre qu'un pensionnaire ; en 1838, 1839 et 1840 on en admit deux. On absorba ainsi la réserve des années antérieures, on escompta celle des années suivantes, car il est à remarquer que chaque année simple ne laissait qu'un excédant insignifiant tandis que chaque année double créait un déficit de 400 francs.

Jusqu'en 1858 la députation permanente approuva les comptes ; en 1839 on exigea l'exécution du codicille quant aux charges sans l'avoir exécuté quant aux biens. Le séminaire se soumit, depuis lors, il y a eu constamment deux boursiers, et, à moins qu'ils ne suppléent ou ne profilent d'autres bourses, depuis lors aussi le séminaire se trouve chaque année à découvert de la différence entre le prix de deux pensions et le revenu de la fondation, soit environ 400 francs.

Voilà comment le séminaire se sert de la fondation Capitte pour payer ses frais généraux !

10° J'arrive à la fondation Terninck, à propos de laquelle on relève deux griefs.

Le premier n'est plutôt qu'une circonstance aggravante.

M. le ministre prétend que les maîtresses sont des religieuses, et cela est tellement vrai, dit-il, qu'elles suivent des règles, qu'elles ont des supérieures. Si M. Delaet ne veut pas voir des religieuses dans des dames qui sont d'un ordre spirituel, qui portent un costume, qui suivent des règles et qui ont des supérieurs ecclésiastiques, je ne sais vraiment pas ce qu'on pourra appeler encore des religieuses.

Eh bien, messieurs, dans tout cela ce qui est vrai est puéril et ce qui n'est pas puéril n'est pas vrai. Ce qui est puéril ce sont les règles et le costume : elles portent le costume des dames pieuses du commencement du XVIIIème siècle, elles ont un règlement comme tout pensionnat. Mais ce ne sont pas des religieuses, elles n'appartiennent à aucun ordre spirituel, elles n'ont pas de supérieurs ecclésiastiques ; elles sont sous l'autorité d'un collège de proviseurs, composé d'un ecclésiastique, le doyen d'Anvers...

- Voix à gauche. - Ah ! ah !

M. Jacobsµ. - Un instant, s'il vous plaît... et de deux laïques dont l'un est M. le baron Gilles de 's Gravenwezel, membre du Sénat, et'l'autre un ancien échevin d'Anvers, l'honorable M. Jean Elsen ; ce ne sont pas là, je pense, des supérieurs ecclésiastiques.

M. le ministre de la justice ne contestera pas que la fondation Terninck ne soit encore aujourd'hui ce qu'elle était du temps du fondateur. Or, il faut supposer ce fondateur singulièrement borné pour supposer que, ne voulant créer ni un couvent ni rien qui s'en rapprochât, il n'en eût pas moins constitué un couvent à son insu. L'acte de fondation porte qu'il crée een wereldlijke fondatie, une fondation temporelle, onder de wereldlijke jurisdictie, sous la juridiction temporelle ; aussi les maîtresses sont-elles des geestelijke dochters et non des kloosterlingen, des filles pieuses et non pas des filles cloîtrées.

Ce qui a causé la méprise de M. le ministre de la justice, c'est que le fondateur se sert du mot sœur et de quelques expressions empruntées au vocabulaire monastique ; mais il a soin de dire, dans l'article 2 des statuts, après avoir déclaré qu'il ne voulait créer ni un couvent, ni quoi que ce soit qui sente le couvent :

« Niet tegenstaende in de regels of te manieren van leven vorschreven, eenige woorden overeenkwamen met die van de kloosterlyke regels, welke maar gebruykt zyn tot hulpe van uitdrukkinge, » ce qui veut dire : « et peu importe que, dans les règles et manières de vivre prescrites, quelques mots soient empruntés aux règles monastiques, car ils ne sont employés que pour mieux rendre ma pensée. »

Ainsi, monsieur, les expressions qui vous ont induits en erreur sont employées par le fondateur uniquement pour mieux rendre sa pensée.

Du reste, les maîtresses de l'institut Terninck ne prononcent aucuns vœux, et vous devez savoir que des religieuses sont des personnes qui vont des vœux ; il n'y a pas d'autre définition du mot.

Les maîtresses de l'orphelinat Terninck peuvent sortir quand elles veulent, elles conservent leur pécule propre lorsqu'elles en ont, et il est même arrivé, il y a quelques années, que l'une d'elles s'est mariée.

Malgré tout, l'on veut que ce soit un couvent et l'on ajoute que l'école sert tout bonnement d'enseigne au couvent.

L'honorable M. Tesch a particulièrement insisté sur ce point. « Le fait est, dit-il, que dans l'établissement Terninck il y a 70 à 75 élèves et que pour ce nombre d'élèves il y a 22 à 27 institutrices. Voilà un fait auquel il faut répondre. »

Eh bien, je vais lui donner la réponse demandée.

Il y a dans la fondation Terninek 90 élèves et 22 maîtresses ; j'ai en main l'état de population et je suis prêt à le soumettre à tous ceux qui voudront le contrôler. Mais il y a différentes observations àfiaire pour expliquer ces chiffres de population.

Dans l'article 9 des statuts, Terninck accorde aux anciennes maîtresses le droit de rester dans l'établissement leur vie durant, à charge de la fondation, qui devient ainsi pour elles une sorte d'hospice.

MjBµ. - C'est donc un couvent.

M. Jacobs. — Cela n'a d'autre objet que d'économiser les pensions que, sinon, l'institut devrait payer aux institutrices parvenues à un âge avancé.

Or, parmi les 22 institutrices il y a cinq septuagénaires, et l'on voudra bien admettre que celles)là ont mérité d'obtenir leur retraite. Il n'en reste donc que 17 pour 90 élèves, ce qui réduit la proportion à un chiffre qui n'est pas trop effrayant.

Remarquez encore, messieurs, qu'il s'agit d'un internat et que les 17 personnes désignées comme institutrices comprennent les surveillantes, celles qui s'occupent du ménage, de la cuisine, du blanchissage, la concierge, etc.

(page 794) Eh bien, je demande qu'on me cite beaucoup d'internats qui comptent un personnel moins considérable proportionnellement au nombre d'élèves. Je fais remarquer en terminant que ces maîtresses ne reçoivent aucun traitement ; elles n'ont droit qu'à leur entretien et ne sont donc pas fort à charge à l’établissement.

11° Je passe à la fondation Wansart.

« Dans cette fondation il s'agit d'une bourse créée pour la prêtrise.

« En 1858 les administrateurs spéciaux, qui respectent toujours la volonté des testateurs, ont conféré la bourse pour les études professionnelles, »

Ici, encore ure fois, l'acte de fondation est absent ; le dossier est incomplet. Cependant j'ai été à même de vérifier autrement que l'acte de fondation est tel que M. Bara l'a dépeint, mais que le reste de son commentaire est inexact.

Et d'abord, messieurs, j'aurais voulu que le grief relatif à cette affaire fût écarté, par la raison qu'il tombe sur une administration officielle. En fait, les administrateurs spéciaux sont l'administration communale de Fontaine-l'Evêque.

MjBµ. - Qu'importe ? Cela prouve mon impartialité.

M. Jacobsµ. - Cela prouve votre impartialité, dites-vous. Je crois, moi, que cela prouve peut-être une erreur de votre part et bien certainement que les administrations officielles n'offrent pas plus de garanties que les administrations spéciales. (Interruption.)

MjBµ. - Qu'est-ce que cela fait ?

M. Jacobsµ. - Cela fait que ceux qui sont capables d'abus comme celui qui aurait été commis dans la fondation Wansart sont capables d'en commettre d'autres dans l'administration officielle confiée à leurs soins. Ne sont-ce pas les mêmes hommes de part et d'autre, et pourquoi vous inspireraient-ils plus de confiance comme administrateurs publics que comme administrateurs privés ?

Je n'ai d'ailleurs à disculper l'administration de Fontaine-l'Evêquc d'aucune espèce de reproche ; elle n'en mérite aucun ; c'est un hommage que je lui rends volontiers ; voici un extrait de la délibération prise par cette administration sous la date du 25 octobre 1855 :

« Les bourgmestre et échevins, etc.,

« Vu la demande du sieur. . . . etc.

« Revu sa résolution en date du 10 août 1850, etc.

« Vu, etc.,

« Vu le testament dela prédite Suzanne Wansart, en date du 5 décembre 1712, par lequel elle fonde une bourse d'étude en faveur de ses petits-neveux et proches parents pour parvenir à l'état de prêtrise ;

« Attendu que le sieur .... a justifié, etc., sa parenté avec la fondatrice, etc.

« Par ces motifs :

« Les soussignés décident conférer, à partir du 1er octobre 1855, à .... la bourse d'étude créée par S. Wansart, montant à 149 fr. 6 c., etc.

« Sous la condition que le prénommé devra fréquenter assidûment un des établissements du royaume et y suivre graduellement les cours des classes françaises et de langue latine, à justifier chaque année par un certificat du chef de l'établissement.

« (Signé) Cambin, bourgmestre, L. Dulièbe, Abrassart, échevins.

« Le secrétaire communal : (Signé) Dassisse. »

Ainsi, la bourse n'a pas été conférée pour les études professionnelles ; mais il y a dans le dossier une pièce qui tendrait à prouver que, bien qu'elle n'ait pas été conférée pour ce but, elle y a cependant servi.

Le rapport de la députation permanente du Hainaut, pour l'année 1857, contient un passage où il est dit qu'une bourse a été allouée sur la fondation Wansart à un élève du collège d'Enghien pour suivre le cours professionnel.

Un infatigable chercheur comme M. le ministre de la justice, à qui rien n'échappe, doit s'être demandé si cet abus ne s'est pas reproduit les années suivantes ; il aura trouvé que la bourse a été conférée les années suivantes au même élève pour l'étude des humanités ; ce fait lui aura semblé étrange ; et à la suite de la constatation de ce fait, il aura pris des renseignements au collège d'Enghien.

Un boursier dans le cours professionnel en 1857 et le même boursier dans les classes d'humanités les années suivantes ! Qu'est-ce à dire ?

Je vais donner l'explication de l'énigme à M. le ministre de la justice, puisqu'elle lui fait défaut.

Dans les collèges des petites localités, l'enseignement n'est pas toujours organisé d'une manière aussi complète que dans les athénées royaux et dans les collèges des grandes villes.

En 1857, le collège d'Enghien, au lieu d'avoir une septième professionnelle et une septième d'humanités qui, d'après le programme officiel, s'appelle classe préparatoire et fait partie des humanités, avait réuni ces deux septièmes en une seule ; les élèves recevaient les mêmes leçons, sauf que ceux qui se destinaient à continuer leurs humanités recevaient, en outre, des leçons de latin ; ils suivaient le programme de la septième ; seulement, au lieu de s'appeler cours préparatoire, la classe s'appelait cours professionnel ; les deux classes préparatoires étaient confondues en une seule,

Il en est résulté que pendant que le boursier faisait sa septième, on lui a délivré un certificat sous le titre de cours professionnel ; et que quand il a fait sa sixième, son certificat portait cours d'humanités.

L'élève s'était donc conformé d'une manière exacte à l'arrêté des administrateurs de Fontaine-l'Evêque qui lui avaient conféré la bourse pour études d'humanités, afin de se préparer à la prêtrise.

Ce grief, encore, vient à sombrer.

12° Messieurs, j'avais dans mon dossier la fondation Colin, dont l'honorable M. Pirmez a voulu avoir les prémisses au commencement de la séance d'hier. C'est de ce fait qu'on aurait pu dire que c'est le sublime du genre ; et c'est pour nous l'enlever que l'honorable membre a fait sa motion.

Il a invoqué des circonstances atténuantes que, pour ma part, je n'admets pas sans réserve. M. le ministre n'en sera pas quitte pour le ridicule, il y a dans ce fait quelque chose d'odieux. Voilà deux boursiers qui ont le même nom, mais qui ont des prénoms différents ; l'un se nomme Léopold-Alexandre, l'autre, Léopold-Augustin-Léonard ; on les confond ; on a sous les yeux un rapport de la députation permanente dans lequel n'est indiqué que le prénom commun ; et immédiatement, sans plus ample examen, on affirme que ces deux individus n'en font qu'un seul.

Si de cette confusion ne pouvait résulter aucune conséquence grave, je serais disposé à l'indulgence, mais M. le ministre de la justice devrait savoir que, pour pouvoir jouir de ce privilège d'ubiquité jet pour toucher deux bourses dans deux internats différents, ce jeune homme aurait dû produire deux certificats de présence ; M. le ministre de la justice devrait savoir que dès lors il accusait ou l'élève ou le directeur de l'un des deux établissements d'avoir fait ou délivré un faux certificat.

M. Bara trouve qu'il n'y a rien de grave dans l'erreur qu'il a commise ; à mes yeux, c'est plus qu'une étourderie de jeune ministre,

MjBµ. - Dites cela à M. Dumortier pour l'affaire Peemans ; dites cela à M. Delaet pour l'affaire Terninck ; et quand vous votez deux fois, c'est une autre étourderie.

M. Jacobsµ. - M. Bara prétendra-t-il qu'il y avait quelque chose d'intentionnel dans ce fait que j'ai expliqué à la Chambre, à l'instant même ?

M. Mullerµ. - Non, il ne s'agit que d'étourderie.

M. Bara vous a dit que vous, aussi, dans un vote récent, vous avez commis une t

M. Jacobsµ. - J'admets l'explication de l'honorable M. Muller, mais je lui ferai remarquer qu'il n'y a à établir, entre les faits, aucune espèce de comparaison ; j'ajouterai qu'une étourderie est presque permise à un simple député, mais que lorsqu'on a l'honneur de siéger au banc des ministres du Roi, une étourderie a une tout autre gravité.

13° J'arrive à la fondation Nizramont. Ici nouvelle étourderie de M. le ministre de la justice ; il ne connaît pas le nom de cette fondation ; elle s'appelle non pas Nevraumont, comme il l'a dit et écrit, mais bien Nizramont.

MjBµ. - C'est une faute d'impression.

M Jacobsµ. - Et un lapsus linguae : Voici ce que vous en avez dit :

« En 1841, le receveur de la fondation de Nevraumont était tombé en déconfiture, laissant un déficit de 1,621 fr. 50 c. »

Le fait est exact, mais il y a au dossier une pièce assez curieuse, c'est une lettre adressée au gouverneur du Luxembourg, par le proviseur de la fondation, président du tribunal de Marche. Voici cette lettre :

« 20 août 1841.

« J'ai l'honneur de vous adresser, avec l'état de situation entre le (page 795) dernier receveur et celui actuel, le compte de la fondation de la bourse d'étude de Nizramont pour l'exercice 1840, compte que j'ai demandé; dès le mois d'avril dernier, même itérativement et que MM. les administrateurs m'ont enfin transmis par lettre du 18 courant, n°457.

« Ce compte révèle que le dernier receveur a touché le remboursement d'un capital dû par le sieur Deumer d'Ollomont, qu'il a quittancé ce remboursement sur le titre même qui a été remis au débiteur et que ce capital, il ne l'a pas renseigné à son successeur.

« II est connu que ce receveur, qui était aussi receveur des contributions directes et accises de l'Etat et en outre receveur de plusieurs communes, a fait mauvais usage de ses caisses ; qu'après avoir aliéné tout ce qu'il possédait, pour couvrir ses déficits, il reste débiteur de fortes sommes, au moins à l'égard des communes de Laroche et Dochamps. »

Les administrations spéciales ont cet avantage que, vis-à-vis d'elles, il y a plus de recours que vis-à-vis des administrations officielles. Car M. le président du tribunal de Marche ajoute : « Au demeurant ou le receveur a reçu valablement le remboursement et en ce cas les administrateurs sont responsables ; ou il n'a pas reçu valablement et dans ce cas Deumer n'est pas libéré.

« Il me paraît qu'en tout événement la fondation est à l'abri de perte. »

Les administrateurs furent assignés en justice, le dossier ne fait pas connaître l'issue du procès.

La fondation de bourse avait ici l'avantage et sur la commune et sur l'Etat, pour lesquels la perte était nette.

Ceci me conduit à examiner si, comme on a cherché à le faire croire, la mauvaise gestion est le caractère distinctif des administrations spéciales, si chez elles c'est un système, une règle, tandis que dans les administrations officielles c'est l'exception ; ou bien si, au contraire, il ne se présente pas des abus bien plus graves dans ces dernières. Je ne remonterai pas, comme M. Bara, au siècle dernier ; je ne remonterai pas même au delà de 1830. Je ne prendrai que des faits récents et le moindre d'entre eux est plus grave que le plus grave de tous ceux qu'a cités M. le ministre de la justice. Mon relevé est bien loin d'être complet. Je l'ai fait à la hâte, d'après des renseignements fort incomplets et en feuilletant quelques journaux judiciaires :

En 1860, le receveur de l'enregistrement de Grammont laisse un déficit de caisse de 4,500 fr. ; il se suicide.

En 1864, le receveur des contributions d'Onkerzeele laisse un déficit de 4,000 fr. ; il se suicide.

En 1865, le receveur de l'enregistrement de Caprycke laisse un déficit de 7,000 fr. ; il est destitué ; le cautionnement suffit à couvrir le manquant.

Le receveur de l'enregistrement de Gand s'enfuit en 1864, laissant un déficit de plus de 50,000 fr.

Par arrêt de la cour d'assises de Liège du 13 juin 1850, un chef de station du chemin de fer de l'Etat est condamné à 10 années de travaux forcés pour avoir détourné une somme de 5,360 fr. 78 c.

Par arrêt de la même cour du 26 mai 1852, un receveur du chemin de fer de l'Etat a été condamné à la même peine pour avoir détourné une somme de 2,137 fr. 50 c. au préjudice d'un professeur de l'enseignement supérieur officiel.

Par arrêt de la même date, le receveur communal de Chokier, qui était en même temps receveur du bureau de bienfaisance, est condamné pour avoir détourné une somme de 2,611 fr. 55 au préjudice de la commune et une autre somme de 293 fr. 49, au préjudice du bureau de bienfaisance.

Par arrêt du 25 mai 1853, le directeur caissier du banc d'épreuves, à Liège, accusé d'avoir détourné une somme de 55,389 fr. 28, est condamné à sept ans de travaux forcés et à 5,000 fr. d'amende.

Le receveur des taxes municipales à Verviers est condamné le 13 août 1857 aux travaux forcés à perpétuité, pour faux et détournements.

Le receveur de l'octroi communal à Liège est condamné le 1er août 1859 à six ans de travaux forcés pour détournement d'une somme de 8,717 fr. 40.

En ce moment, le receveur communal de Fouron-Saint-Pierre est poursuivi devant la cour d'assises de Liège, accusé d'un détournement de plus de 40,000 fr.

La plupart d'entre vous ont entendu parler de la comptabilité de l'école militaire. Tout le monde sait que les officiers, professeurs de cette école, ont été forcés de se cotiser pour couvrir le déficit d'un comptable qui a été destitué.

La commission des hospices de Louvain n'avait pas reçu de comptes de 1807 à 1829 de son receveur. Après son décès, les héritiers ont rendu compte ; il y avait un déficit de 100,156 fr. 135c. Ce n'est qu'en 1839 que ce reliquat a été soldé ; les hospices ont perdu 20,000 fr.

A Diest, le compte du receveur des hospices n'avait pas été rendu de 1847 à 1854 ; quand la ville a arrêté les comptes, il y avait un déficit de 86,175 fr. 65 c.

Le receveur du mont-de-piété de Louvain a laissé un déficit de plus de 300,000 fr., et il y a peu de jours que les journaux nous ont appris que le directeur d'une succursale du mont-de-piété de Bruges avait passé la frontière laissant un déficit considérable.

Quelques-uns de ces faits ont été cités par l'honorable M. Landeloos dans son discours du 21 avril 1863. L'honorable M. Hymans faisait alors cette interruption très judicieuse : « Qu'est-ce que cela prouve ? » Et l'honorable M. Van Overloop lui répondait non moins judicieusement : « Cela prouve que les administrations officielles ne valent pas mieux que les autres. » Partout où il y a des hommes, il y a des abus, et à moins de supprimer les hommes, vous ne supprimerez pas les abus.

Vous voyez qu'il est souverainement injuste de dire qu'en matière d'administrations spéciales, l'abus devient la règle, et que dans les administrations officielles il n'est que l'exception. Grâce à Dieu, en Belgique il est l'exception partout.

Dans la province d'Anvers et je dirai même, dans la seule ville d'Anvers, combien d'abus n'ont pas été commis par des fonctionnaires !

Un ancien receveur de la ville d'Anvers, le sieur Van Cranfort (je le nomme, parce qu'il a été aussi honnête que malheureux) avait un homme de confiance, comme le doyen de Louvain ; un jour, on constata un déficit d'environ 80,000 francs dans la caisse communale. Van Cranfort dut solder le déficit ; l'homme de confiance avait disparu..

Un vérificateur des douanes à Anvers a été condamné le 11 août 1845 par la cour d'assises à dix ans de travaux forcés pour vol de 28,185 francs 86 cent, au préjudice de la douane.

Un commis chez le commissaire d'arrondissement d'Anvers, ayant détourné plusieurs milliers ec francs au préjudice des communes, fut condamné, le 16 avril 1856, à cinq mois d'emprisonnement pour abus de confiance.

Un employé du receveur des droits de quai à Anvers avait détourné plus de 25,000 fr. ; il fut condamné, en 1862, à 5 ans d'emprisonnement.

Le secrétaire de la commission des prisons d'Anvers, s'est livré à des détournements s'élevant à la somme de 55,421 fr., et ce qui est plus curieux, c'est qu'il avait volé les détenus, à concurrence de 19,600 fr. Il était sans doute, à une variante près, de l'avis de ce coq de Lafontaine : « et c'est double plaisir de voter un voleur. »

Après cela, ceux qui appellent la loi des bourses une loi de spoliation se diront, à la suite de cette discussion, qu'elle n'a été pour le gouvernement qu'un plaisir simple.

Enfin, un chef de bureau du gouvernement provincial d'Anvers a été condamné pour faux le 5 août 1849, par la cour d'assises, à cinq ans de réclusion dans les circonstances suivantes. Le gouvernements l'avait chargé d'expédier un navire à Guatemala pour ramener les colons dénués de ressources. Il avait reçu du ministère un mandat de 10,000 francs. Il en détourna la plus grande partie à son profit et transmit au gouvernement deux factures fausses, signées J.-C. Carpentier, l'une de 7,800 fr. 12 c, l'autre d'une somme de beaucoup inférieure. Il fut condamné à cinq années de réclusion ; mais il avait de hautes protections. En prison il déclarait à qui voulait l'entendre, qu'il n'y resterait pas longtemps.

En effet, moins d'une année après, cet homme sortait de la maison de force, et un peu plus tard il était réhabilité.

Entré comme rédacteur à l’Indépendance, bientôt on l'aidait à créer à Anvers l'Avenir. Plus tard, on constituait dans cette même ville une grande société pour la publication de journaux libéraux, pour l'exploitation du Précurseur et de l'Avenir ; il était mis à la tête de cette société. Cet homme se trouvait dans les meilleurs termes avec les plus grands personnages et bien peu dédaignaient de lui serrer la main.

A la suite des élections de 1857, dans lesquelles sa plume avait rendu de grands services à l'opinion libérale, on lui vota un vase d'honneur.

M. Wasseigeµ. - C'était un vase d'élection. (Interruption.)

M. Jacobsµ. - On s'était contenté d'offrir une plume d'or à Eugène Sue, l'auteur du Juif errant ; on offrit un vase d'honneur au forçat libéré.

Pour finir l'histoire de cel intéressant personnage, la société fit faillite et distribua 15 p. c. à ses créanciers. Le gérant responsable ne put distribuer aux siens que 2 1/2 p. c ; le vase d'honneur, considéré comme papiers de famille ou titres de noblesse, lui fut laissé. Aujourd'hui, grâce toujours à ses protecteurs, il occupe une position lucrative à Paris.

(page 796) Si je voulais, messieurs, m'étendre sur les abus des bureaux de bienfaisance, je pourrais être fort long ; je me bornerai à une courte citation du rapport fait par M. Germeau, au nom d'une commission, au conseil provincial de Liège pendant sa session de 1863 :

« Il est des communes, comme par exemple celle de Fooz, où les 4/5 de la population se partagent les revenus du bureau de bienfaisance.

« Nous citons cette commune, mais un grand nombre se trouvent dans la même situation. »

« Qu'on n'aille pas croire que les 4/5 de la population de ces communes est indigente ; sur la liste des pauvres se trouvent de respectables propriétaires qui jouissent de tous les droits électoraux ! »

J'en ai fini, messieurs, et j'ai quelque droit de me plaindre en finissant d'en avoir été réduit à discuter de pareilles misères ; j'ai droit de plaindre mon pays, les discussions parlementaires descendre aussi bas. Nous sommes arrivés au niveau des Romains de la décadence et des Grecs du Bas-Empire ; non, depuis le Sénat romain délibérant sur la sauce du turbot, jamais un parlement ne s'est occupé de pareilles futilités.

Après ce rapprochement, permettez-moi un contraste : Le même jour, à la même heure où à la Chambre française M. Thiers s'élevait aux plus hauts sommets de l'éloquence politique, ici, nous entendions le discours que vous savez !

Ah ! M. Bara avait bien raison de se tourner vers nous et de nous dire : « Quel est donc celui qui vous parle ? C'est le ministre de la justice ! » Vous aviez bien raison de nous le dire, car à votre langage, personne ne s'en fût douté. (Interruption.)

MjBµ. - Messieurs, l'honorable membre vient de faire allusion au discours prononcé par M. Thiers au corps législatif français. Je ne sais ce que le discours de M. Thiers vient faire ici. Je vois que le corps législatif français s'occupe de grandes questions, mais s'occupe également de questions d'administration intérieure et je ne sache pas que l'honorable membre, qui se vante de planer dans les régions supérieures, se soit élevé à une bien grande hauteur lorsqu'il s'est mis à relever des fautes de syntaxe ou des erreurs typographiques et à cuber les dimensions des dossiers déposés.

Quand il a détaillé tous les petits faits et toutes les petites choses dont il a entretenu la Chambre, je ne me suis pas aperçu qu'il faisait de la grande politique et qu'il prononçait un discours à la M. Thiers.

Mais, messieurs, nous sommes en progrès : on nous disait d'abord : Il n'y a pas d'abus dans la collation des bourses, la loi était inutile.

- Un membre. - On n'a pas dit cela.

MjBµ. - On n'a jamais dit cela. Mais nous avons passé une heure et demie à entendre lire par l'honorable M. Nothomb des rapports des députations permanentes au moyen desquels l'honorable comte de Theux voulait nous prouver qu'il n'y avait pas eu d'abus.

On nous dit : Ce sont des vétilles ; non, la loi n'était pas nécessaire pour réformer les abus et quand nous citons des faits pour prouver la nécessité de la loi, on répond que le gouvernement a tort de signaler ces abus.

Je sais bien qu'il vous aurait convenu que nous eussions gardé le silence et que l'on eût pu croire que toutes vos administrations spéciales étaient des administrations modèles. (Interruption.)

Je sais que cela vous eût convenu. (Interruption.) Je prie la droite de vouloir bien m'écouter. Mais nous ne consentons pas à être dupes.

Messieurs, comment s'explique t-on ? Ou nous dit :« Oui, il y a des abus dans les administrations spéciales, mais il y en a aussi dans vos administrations publiques. »

- Un membre. - Un peu plus.

MjBµ. - Ainsi parce qu'il y a des abus dans certaines administrations, il faudrait maintenir les abus dans d'autres administrations !

Est-ce une manière de raisonner ? Est-ce sérieux ? Premier point.

Deuxième point. L'honorable M. Jacobs relève un certain nombre de faits commis par des fonctionnaires publics. Mais combien y a-t-il de fonctionnaires publics ? Combien de fonds ont-ils à gérer ? Combien y a-t-il d'administrations différentes : prisons, enregistrement, contributions, travaux publics, armée, bienfaisance, etc., etc. !

Dans ces administrations nombreuses, il s'est passé des faits répréhensibles. Mais, veuillez ne pas l'oublier, il n'y a pas en tout, dans le pays, 300 administrations spéciales, bien que le nombre des fondations soit plus considérable ; et j'ai apporté plus de deux cents abus et j'aurais pu eu apporter un plus grand nombre encore.

- Un membre. - En combien de temps ?

MjBµ - La plupart des faits ne remontent pas au delà de 1822, un petit nombre sont plus anciens, mais tous sont postérieurs à 1789.

Ceci dit, messieurs, j'arrive à l'examen des faits que l'honorable M. Jacobs a cherché à renverser ou à amoindrir. Or il n'a absolument rien ébranlé. (Interruption.) Ecoutez ! Il n'a absolument rien dit qui pût atténuer la gravité des abus que j'ai signalés, et pour le prouver je me bornerai à lire les pièces. Cela suffira pour répondre à tous ses récits, à toutes ses histoires. Citer vaut mieux que faire du roman. Je n'ajouterai pas un mot. Fondation par fondation, je lirai les pièces, ce sera un peu fatigant, mais il est indispensable que la lumière se fasse.

Fondation Adriaenssens.

« Anvers, le 17 août 1841.

« Monsieur le ministre,

« Par une dépêche du 9 de ce mois, reçue le 9, 1ère division, n°19,489, votre prédécesseur a bien voulu me demander des renseignements, au sujet de la différence qu'il y a entre le revenu fixe de la fondation N. Adriaenssens et ses recettes des années 1835 à 1839.

« Les recettes de 1835 ne se sont pas élevées réellement à 1,873 fr. 80 c., mais bien à 633 fr. 83 c. ; la différence de 1,239 fr. 95 forme la somme pour laquelle le comptable a été forcé en recette, elle provenait d'excédants d'exercices précédents et d'intérêts arriérés de rentes. »

Voilà donc, messieurs, le fait parfaitement éclairci ; le receveur a été forcé en recette pour une somme de 1,200 et des francs :

« En 1836, on a porté en recette la somme de 835 fr. 96 c., formant l'excédant de 1835, ainsi que celle de 370 fr. 5 c., provenant d'intérêts de rentes, ensemble 1,208 fr. 1 c. Sur cet exercice, il restait à percevoir 295 fr.

« Lors de la reddition du compte de 1837, on s'aperçut de nouveau, M. le ministre, qu'il contenait des irrégularités et des lacunes qu'en bonne administration, on ne pouvait admettre, et que la députation du conseil provincial s'était flattée de voir disparaître en recommandant au receveur, par l'arrêté pris sur le compte de l'exercice 1836, de mettre dorénavant de la circonspection dans le placement des capitaux et de la diligence dans le recouvrement des intérêts échus.

« La députation avait décidé aussi, sur la proposition du proviseur, que l'excédant du dernier compte, s'élevant à 589 fr. 88 c., serait déposé provisoirement à la caisse d'épargne ; on ne croyait pas, dans le compte de 1837, qu'il eût été satisfait à cette injonction, tandis qu'une bonne administration réclamait impérieusement qu'on ne laissât pas improductifs des capitaux d'une certaine importance.

« Il n'était pour ainsi dire aucun article des revenus qui ne présentât des arriérés dont il importait de connaître au juste le montant pour se faire une idée de la situation financière de la fondation.

« Le compte susdit fut donc renvoyé pour régularisation.

« Par suite des explications données, la députation décida qu'une somme de 589 fr. 38 c. pour laquelle le prédécesseur du receveur actuel avait dans le temps été forcé en recette, et qui avait toujours figuré depuis dans les comptes, conjointement avec les excédants des revenus antérieurs, serait défalquée du compte de 1837, dont les recettes présentaient un total de 930 fr. 49 c.

«Toutefois on enjoignit expressément au receveur de faire toutes les poursuites et diligences nécessaires pour le recouvrement des arriérés qui s'élevaient alors à un total de 794 fr. 15 c., et de faire passer, pour la sécurité des capitaux, des obligations ou contrats de rente aux débiteurs dont les titres n'étaient pas en règle.

«L a députation insista aussi pour que la comptabilité de cette fondation fût tenue avec plus de soin.

« Le compte de 1838 fut arrêté ainsi qu'il suit :

« En recettes à la somme de fr. 444 01 , fr. 21 31.

« En dépenses à celle de fr. 422 70.

« Différence

« Sommes encore à recouvrer, 871 fr. 9 c.

« En approuvant entièrement les conclusions du proviseur sur la rentrée des arrérages et la production de titre nouvel de plusieurs rentes, la députation lui témoigna néanmoins le désir que l'exécution des mesures qu'il proposait ne se fît pas avec trop de dureté et de rigueur.

« Par suite du remboursement de deux capitaux montant ensemble à 743 fr. 75 c, et du recouvrement de quelques arriérés, les recettes se (page 797) sont élevées, en 1859, à 1,443 fr. 87 c. ; les dépenses ayant été de 653 fr. 56 c., il en est résulté un excédant de 790 fr. 31 c., qui doit se trouver actuellement à la caisse d'épargne, en attendant une occasion favorable pour le placement définitif.

« Il restait encore à recouvrer une somme de 637 fr. 70 c., dont il est à croire qu'une bonne partie aura été encaissée en 1840.

« De plus, les héritiers d'un ancien collateur, le sieur... qui paraît avoir reçu, pendant nombre d'années, des intérêts arriérés, ont été invités à constituer de ce chef une rente au profit de la fondation.

« Je pense, monsieur le ministre, qu'après l'approbation du compte de 1840, il me sera possible de vous faire connaître plus exactement la situation financière de cette institution.

« Le gouverneur de la province. »

Vous voyez, messieurs, que les héritiers ont été invités à constituer une rente. Vous voyez aussi qu'une partie des arriérés n'est pas rentrée. Et l'honorable membre trouve que si la rente est constituée par des tiers tout est pour le mieux.

Dans le fait du directeur du mont-de-piété de Louvain, prétendrez vous qu'il n'y aurait plus d'abus si les parents avaient remboursé le déficit ?

M. Jacobsµ. - Je n'ai fait que compléter pour ce fait-là.

M. de Naeyerµ. - Soyez complet.

MjBµ. - Il n'y a rien à compléter ; l'abus existe, indépendamment du remboursement par des tiers. Au surplus, je ferai imprimer toutes les pièces à l'appui de mon discours.

M. Thonissenµ. - Faites imprimer toutes les pièces.

- Plusieurs membres à droite. - Oui, toutes.

MjBµ. - C'est bien mon intention. Dans la fondation Thomassen, j'ai dit qu'on avait, sur le patrimoine des bourses, créé une rente pour une religieuse.

L'honorable M. Jacobs trouve que ce fait n'est pas établi et il essaye de l'atténuer. Une simple lecture vous fera juger de l'assertion de l'honorable membre.

Voici la délibération :

« Extrait du registre aux délibérations de la fondation patrimoniale de Jean-François Thomassen, en son vivant pasteur de Chapelle-à-Wattines.

« L'administration de la fondation de M. Jean-François Thomassen, en son vivant pasteur de Chapelle-à-Wattines ;

« Vu son arrêté en date du 2 octobre 1815 par lequel elle a disposé sur les revenus de la fondation d'une somme de deux mille deux cents francs, en faveur de Catherine Chevalier, petite nièce du fondateur, pour lui faciliter les moyens d'être reçue religieuse au couvent des Ursulines à Tournai ;

« Considérant que ladite Chevalier est à la veille d'être reçue et de faire profession audit couvent ;

« Considérant que la somme promise par l'arrêté déjà cité a été uniquement destinée pour obtenir l'admission de la dite Catherine Chevalier à l'état de religieuse ;.

« Considérant qu'il est d'usage qu'une religieuse jouît d'une rente viagère pour ses petits besoins et menus plaisirs,

« Arrête :

« Il sera payé à ladite Catherine Chevalier sur les revenus de la fondation une rente annuelle et viagère de trente francs qui prendra cours le jour qu’elle aura fait profession au couvent des Ursulines à Tournai, pour en faire le premier payement un an en suivant et ainsi continuer d'année à autre jusqu'à son décès, époque où cette rente demeurera éteinte et amortie.

« Copie du présent arrêté sera remise à ladite Catherine Chevalier pour lui servir de titre.

« Fait à Ath, en séance le 3 novembre 1817.

« Ont signé : Ph.-Jos. Demory, recteur de Saint-Martin ; L.-E. Gary. et P. Delatte. »

Voilà donc une rente viagère constituée pour les petits besoins et les menus plaisirs d'une religieuse, cette rente a été, malgré l'arrêté de l’établissement, payée jusqu'en 1860.

M. le ministre de la justice a écrit à M. le gouverneur la lettre suivante :

« Bruxelles, le 6 juillet 1860.

« Monsieur le gouverneur,

« Comme suite à votre dépêche du 14 juin dernier, 1ère division, n°1826, j'ai l’honneur de vous informer que je considère comme abusive la collation faite par les administrateurs de la fondation Thomassen à mademoiselle Catherine Chevalier, petite-nièce du fondateur.

« Il me semble évident que l'arrêté ministériel du 28 juillet 1829 n'a rétabli la fondation Thomassen que pour l'étude de la philosophie et des sciences supérieures (y compris les études théologiques), et qu'ainsi les personnes du sexe, qui ne se vouent point à ces études, n'en sauraient profiter. »

C'étaient des bourses créées pour les jeunes gens et on s'en va les donner à une religieuse qui entre dans un couvent !

« C'est ce qui résulte, en effet, clairement de l'article 2 dudit arrêté, stipulant : « que les études se feront dans une université ou dans un séminaire. »

« C'est aussi uniquement dans ces limites que l'arrêté du 26 décembre 1818 permet le rétablissement des anciennes fondations de bourses pour études. Aucune disposition n'a rétabli les fondations de bourses pour faciliter l'entrée en religion des filles : l'article 6 du décret du 18 août 1792 n'a maintenu que provisoirement, en faveur des individus de l'un et de l'autre sexe qui en jouissaient, les bourses fondées, soit dans les collèges, soit dans les maisons de congrégations de filles, et les bourses pour les études théologiques (en faveur de garçons) n'ont été rétablies que pour autant que ces études se fassent dans un séminaire, pour faciliter l'accès à la prêtrise séculière.

« Dans l'espèce, la collation me paraît d'autant plus abusive que la demoiselle Chevalier n’est plus, vu son grand âge, en état de se livrer à des études.

« Je vous prie donc, M. le gouverneur, de vouloir bien inviter les administrateurs de ladite fondation à faire cesser la collation dont il s'agit et quu ne saurait se justifier sous aucun rapport.

« Comme les sommes annuelles payées à la demoiselle Chevalier l'ont été à titre de bourse par collation, elle ne peut évidemment pas se prévaloir de la prescription, pour réclamer la continuation de sa jouissance précaire.

« D'un autre côté, comme la collation a été faite d'une manière irrégulière, ce serait prescrire contre la loi, qui est ici le titre constitutif de la fondation, que de vouloir invoquer la prescription pour faire continuer une collation illégale.

« Le ministre de la justice, (Signé) Victor Tesch. »

Je crois donc que pour la fondation Thomassen les petites critiques de l'honorable M. Jacobs n'ont aucune valeur.

Fondation Dumont.

Vous avez accusé, me dit-on, l'administrateur d'avoir perçu, à titre de traitement, une somme de 1,955 fr. 10 pour ses fonctions. Ce traitement a été touché par l'administrateur jusqu'en 1860.

J'ai dit que c'était contraire aux actes de rétablissement et au code civil ; le code civil défend les substitutions et il n'est pas permis de les rétablir de quelque manière que ce soit. Or, que fait le testament ? La loi défendait de payer cet émolument et l'administration ne l'a pas moins touché au préjudice des boursiers.

Fondation Jacques Franck.

Voici ce que dit M. le gouverneur du Hainaut dans son rapport du 10 janvier 1862 : « Les administrateurs de la fondation Jacques Franck montrent parfois beaucoup de négligence dans l'accomplissement du mandat qui leur est confié. Ainsi pour obtenir le compte de 1859 on a dû adresser au proviseur neuf lettres de rappel. »

Mais, dit l'honorable M. Jacobs, c 'est au commissaire d'arrondissement que ces lettres de rappel ont été adressées. Mais le commissaire d'arrondissement sert d'intermédiaire entre le gouverneur et les administrations ; et de plus ici le commissaire d'arrondissement était, je pense, le proviseur de la fondation. Croit-on qu'il ait négligé de transmettre les lettres de rappel aux administrateurs qui avaient à rendre compte ?

Dans la fondation Nizramont, dit M. Jacobs, le receveur était en même temps receveur communal et receveur des contributions. Cela empêche-t-il qu'il ait laissé un déficit dans la caisse de la fondation,, ainsi que le constate la pièce suivante :

« Arlon, le 20 juin 1844.

« Monsieur le ministre,

« Le sieur ..., receveur des contributions à ... , en même temps receveur de la fondation des bourses d'études dite Nisramont, et de plusieurs communes, tombé en déconfiture, a laissé envers ladite fondation un déficit qui, d'après les arrêtés de compte, pour 1840, 1841 et 1842 ci-joints, s'élève à 1,621 fr. 30 c., y compris le remboursement d'un capital de 896 fr. par le sieur Deumer d'Ollomont.

« La députation du conseil provincial. »

(page 798) Voilà les faits contestés par l'honorable M. Jacobs, prouvés par pièces authentiques.

Fondation Jacques Mahieu.

Il y a, dans le testament du 4 juillet 1726, une clause portant que si les rentes affectées aux deux bourses venaient à se perdre, on y pourvoirait sur les rentes laissées aux pauvres. et quelle était la répartition des revenus de la fondation :

Une bourse, 272 11

Œuvres de bienfaisance. 822 02

Services religieux, 160 71

Le fait est complètement exact comme je l'ai indiqué.

J'arrive à la fameuse fondation Franck de Luxembourg.

Vous savez, messieurs, que j'ai dit que le curé Dupuis était parti avec les livres et la caisse.

L'honorable M. Jacobs dit : C'est un revenant ; le curé Dupuis existait au siècle dernier.

L'honorable membre se trompe. La fondation est de 1768 et le curé Dupuis n'est venu que plus tard.

Vous n'avez pas de preuve de ce que vous dites et moi je suis convaincu que le curé Dupuis est mort de 1820 à 1830.

Les biens ont disparu avec lui et voici la lettre de M. l'abbé Noblel :

« Lozange, 15 février 1831.

« Monsieur,

« Je suis fâché de ne pouvoir vous donner des renseignements demandés touchant la dilapidation des revenus de la bourse en question. En entrant à Villers, je n'ai trouvé ni registres de cure, ni de la fabrique : vous avez entendu dire aussi comment s'est comporté M. Dupuis en sortant contre son gré ; on l'accuse de toutes ces supercheries ; il est mort. Resquiescat in pace.

- Un membre. - Il y a encore un paragraphe. Lisez-le.

MjBµ. - Pourquoi pas ? Il est d'ailleurs insignifiant.

« Des ouï-dire ne peuvent vous suffire ; il serait trop difficile après un si long temps. »

- Un membre. - Ce sont des ouï-dire.

MjBµ. - Vous allez voir.

L'honorable M. Jacobs dit que je ne puis invoquer que cette seule lettre. Eh bien, eu voici d autres : Je trouve d'abord une lettre de M. Casaquy, juge de paix.

« Reumont, le 15 juillet 1831.

« M. Collignon,

« Vous avez reçu, avec la lettre du 1er courant, cotée n0243, 1831, 2ème division, copie de l'arrêté de S. E. le ministre de l'intérieur, sous date du dix-huit juin dernier, coté n°690, 2ème division, qui vous informe de votre nomination d'administrateur aux bourses fondées par le sieur Franck, en son vivant chanoine à Soignies. J'ai l’honneur de vous adresser avec la présente, cinq pièces, plus amplement détaillées dans la copie de l’inventaire ci-joint que je vous prie de me retourner, lorsque vous l'aurez signé. Ces pièces sont :

« 1° Copie authentique d'un acte constitutif d'une rente de 300 écus en capital au profit de la fondation P.-F. Franck et à charge de Henri Lepage, passé le 10 décembre 1771, devant le notaire Malempré de Bastogne ;

« 2° Copie authentique d'un titre de rente au capital da trois cents écus au profit de la même fondation et à charge de François Franck, passé le même jour 10 décembre 1771, devant le même notaire ;

« 3° Copie authentique d'un jugement du tribunal de première instance de Neufchâteau, en date du 26 juillet 1822, concernant les deux rentes ci-dessus.

« 4° Lettre de Jean-François Nezer, en date du 9 septembre 1823, d'où il conste que ce particulier est en possession des documents concernant la fondation.

« N/ B. Il y a de plus une apostille écrite en encre rouge, qui sert d'avis à l'effet d'attaquer le sieur Nezer comme caution et d'autres en la même qualité, ou comme débiteurs principaux, pour avoir rembourse des capitaux appartenant à la fondation, à des personnes qui n'avaient aucune qualité pour les recevoir, etc.

« 5° Copie des différentes notas parvenue au ministère concernant cette fondation.

« Vous trouverez de plus uns lettre de M. Noblet, autrefois desservant de la paroisse de Villers-la-Bonne-Eau, et enfin copie de l'arrêté du ministre de l’intérieur du dix-huit mai 1830. En vous conformant à l'arrêté du 2 décembre 1823, l'on pourra, sans doute, faire rentrer les trois cents écus et l'arriéré de ce capital mentionné aux n°1 et 2, puisque Nezer, qui avait remboursé à une personne non autorisée à recevoir, n'est pas légalement déchargé. Quant au restant de la fondation, il paraît que le sieur Dupuis, en son vivant curé à Villers, en aurait reçu plusieurs remboursements de capitaux, dont les héritiers résident à Florenville et qui pourront vous être indiqués par le sieur Bouniol, receveur à Bastogne.

« J'ai sollicité jusqu'à présent en vain M. Collin, notaire à Martelange, à me donner une déclaration de ce qui se trouve dans son protocole, dont les actes reçus par M. H.-J. Collard, notaire à Chaumont, font partie, concernant les actes passés en faveur de cette fondation ; peut-être serait-il nécessaire que vous vous transportiez dans son étude pour en faire une perquisition exacte.

« Je n'exige rien pour les voyages que j'ai faits ; ma santé, qui depuis quelque temps s'est affaiblie, m'a fait craindre qu'elle ne me permettrait pas de donner à cette affaire tous les soins nécessaires et j'ai pensé que vous ferez plus que moi.

« Agréez, etc.

« (Signé) P. Casaquy. »

Voici deux lettres adressées à M. le commissaire d'arrondissement de Bastogne :

« M. le commissaire d'arrondissement à Bastogne.

« Le 16 février dernier vous m'avez adressé les pièces ci-jointes concernant la fondation de bourses de feu le chanoine Franck pour faire un rapport, après avoir entendu M. le curé et les anciens de Villers-la-Bonne-Eau ; après avoir examiné avec M. le curé toutes pièces concernant ladite fondation, il nous est impossible de donner aucun renseignement. D'après ce que j'ai toujours entendu dire, le curé Dupuis avant de quitter la cure avait fait rembourser le plus possible les capitaux. Qu'en a-t-il fait ? ON dit qu’il a tout dépensé. »

Le bourgmestre, (Signé) Goosse. »

« Fauvillers, le 15 mars 1866.

« M. le commissaire,

« En m'adressant le dossier qui se compose de diverses pièces relatives à des fondations de bourses d'étude, créées en 1767, par M. Pierre-François Franck, en son vivant prêtre chanoine à Soignies, vous m'avez demandé des renseignements au sujet de ces fondations et des capitaux y affectés ; vous trouverez ce dossier ci-joint, tel que je l'ai reçu, et j'ai l'honneur de vous informer que je ne connais absolument rien de cette affaire, sauf que j'en ai entendu parler dans le temps, et je me rappelle que j'ai oui dire, que Charles-Joseph Franck de Villers-Ia-Bonne-Eau, décédé depuis environ 40 ans, qui doit avoir été le neveu du fondateur, était administrateur ou collateur des bourses d'étude dont il s'agit, conjointement avec le curé Dupuis du même lieu et que ceux-ci avaient fait »

Le curé Dupuis vivait donc, il y a quarante ans, vers 1820. Il administrait conjointement avec Charles Franck.

M. Jacobsµ. - C'était l'autre administrateur, qui est mort en 1820.

MjBµ. - Et vous venez dire sans aucune espèce de fondement qu'il était du siècle dernier.

M. Van Hoordeµ. - Vous ne pouvez pas nier la date du remboursement qui lui a été fait au siècle dernier.

M. Jacobsµ. - 1788.

MjBµ. - Je ne sais ce que vous voulez dire. Je reprends :

« J'ai ouï dire, que Charles-Joseph Franck de Villers-la-Bonne-Eau, décédé depuis environ 40 ans, qui doit avoir été le neveu du fondateur, était administrateur ou collateur des bourses d'étude dont il s'agit, conjointement avec le curé Dupuis du même lieu et que ceux-ci avaient fait rentrer et employé à leur profit les revenus, rentes et capitaux affectés auxdites fondations, et avaient tout dissipé, de façon qu'il n'existe plus aucun titre des capitaux, rentes et revenus en question, et quand même il y en aurait encore, ils seraient prescrits depuis un grand nombre d’années. »

(page 799) - Une rumeur.

MjBµ. - Oui, rien que cela ; une simple erreur. Continuons la lettre :

« Une pareille administration doit ouvrir les yeux à ceux qui ne cessent d'accuser notre gouvernement d'être le spoliateur de bourses d'étude.

« On ne pourrait non plus revenir à charge de la succession dudit Charles-Joseph Franck, les biens qu'il a délaissés se trouvant déjà aujourd'hui en la possession du 4ème ou 5ème propriétaire. La prescription décennale est acquise depuis bien longtemps ; au surplus M. Casaquy, juge de paix du canton de Sibret et après lui M. Collignon, notaire à Bastogne, ont été successivement nommés administrateurs provisoires par deux arrêtés de M. le ministre de l'intérieur, en date des 8 mai 1830 et 18 juin 1831 ; le premier de ces arrêtés est joint au dossier et l'autre est rappelé dans une lettre d'envoi également jointe ; si les démarches et recherches auxquelles ces MM. ont sans doute en recours avaient produit un résultat favorable, cette affaire aurait eu son dénouement alors.

« Agréez, etc.

« (Signé) A.-J. Reding, père. »

Un administrateur spécial emporte la caisse et les livres et vous voulez que nous vous apportions les pièces.

Mais quelle autre preuve voulez-vous que nous vous donnions, sinon celle résultant du témoignage de personnes honorables, quant aux pièces qui ont disparu avec le curé Dupuis ?

Fondation de Marcy de Chassepierre.

Dans cette fondation, M. Jacobs s'est arrêté à une foule de petites choses, il y avait des rentes qui n'étaient pas payées, etc. Voici les faits :

La fondation est de 200,000 francs ; or, combien dépensait-on pour l'enseignement ? 269 francs.

M. Jacobsµ. - La fondation ne produisait pas 10,000 francs.

MjBµ. - Parce qu'elle est mal administrée ; il y a à sa tête un très brave homme qui a la manie des bâtisses.

Quand cette fondation sera dans les mains de l'administration publique, elle prospérera et pourra produire un grand bien pour l'instruction.

L'honorable M. Jacobs a dit qu'il ne savait pas que le neveu du testateur avait, de sa propre autorité, supprimé le latin.

Le testament disait que les revenus de la fondation devaient être employés pour aider les jeunes gens à faire des études primaires, moyennes et supérieures. Qu'a fait le neveu ? Il s'est dit : Le latin est une mauvaise chose, supprimons l'étude du latin et voici par quel acte. M. Jacobs ne l'a pas lu, je vais le lire, il est très intéressant :

« Malines, le 30 novembre 1763.

« Mémoire au lieu [de réponse à la lettre de] l'administrateur du 5 novembre 1763.

« Je commence par les causes où il rencontre ou prévoit des difficultés.

« Je crois qu'il ne convient pas d'augmenter le nombre des écoliers au delà de 4 quand on en choisit des nouveaux ; en prendre six c'est surcharger la fondation, soustraire le surplus des sujets au travail du labeur et tout autre, en un mot, faire des vaux-rien et des fainéants dans l'état, d'autant plus dangereux qu'ils ne sont propres que pour les vols, meurtres, etc. ; ou parce qu'ils savent lire et écrire un peu plus que les autres, faire les plaideurs, chicaneurs et ruiner un quartier entier comme faisait Loriquet à Fontenville et dans toute la terre ; si l'administrateur par un zèle indiscret croit pouvoir faire le contraire, il négligera les 4 qu'il doit enseigner à titre de la fondation, et perdra le surplus contre le bien de l'Etat, le bonheur et l'honneur des familles ; il a le choix des quatre avec le curé et le vicaire, mais pas l'augmentation du nombre des écolliers à quoi je m'oppose, m'opposerai toujours, et ferai même opposer le gouvernement pour l'intérêt des sujets et de la fondation.

« Selon le nouveau plan la fondation ne peut être chargée que d'artisans et point de latinistes parce qu'on n'en saurait quoi faire après leurs études, ni même leur fournir suffisamment pour pouvoir les faire soit en droit, médecine ou théologie, outre que ces derniers ne pouvant être admis aux ordres sans titres suffisants seraient des théologiens ignorants, errant dans les pays ou les monastères, dangereux à la religion et à l'Etat par leurs mauvais principes et le scandale qu'ils donnent par tout où ils se trouvent. »

Vous le voyez, cet homme était consciencieux.

« Je ne veux pas des meubles pareils sur la conscience de notre oncle et les nôtres, il n'appartient même à personne d'en charger la fondation, qui doit être pour le bien et pas la source du vice et du mal. »

Je crois que M. Jacobs reconnaîtra maintenant que j'étais dans le vrai lorsque j'exposais les faits.

M. Jacobsµ. - Si j'avais eu des imprimés comme vous...

MjBµ. - Vous n'avez lu que les petites choses. Tout est dans le dossier.

« Au reste, s'il y a des habitants de la paroisse qui connaissent assez leur obligation de faire instruire leurs enfants qu'ils les envoient chez le vicaire, c'est celui qui est préposé à cet effet par le curé et par la paroisse, ainsi que par l'église et le prince, ce vice- curé est chargé de cet enseignement, et ce n'est que chez lui que les parents peuvent décharger leur obligation, sauf les 4 qui par octroi peuvent être instruits à la fondation et personne ne peut y en admettre davantage au péril de la perte et négligence de ces 4.

« D'où je conclus que l'administrateur ne devait pas s'embarrasser si le nommé Delille élevé dans la fondation a témoigné du goût pour l'étude du latin et lui promettre à cet effet les 400 fr. qui lui venaient pour apprendre un métier, l'artisan pouvoir faire un très bon sujet, et le latiniste jamais qu'un très mauvais, faute de pouvoir être secondé dans aucune des carrières qu'ouvre la seule étude du latin, ainsi voilà qu'on tombe activement et passivement dans les inconvénients repris ci-dessus ; mais quant à ce Delille, passe pour lui et cette fois-ci il fera la preuve de ce que je dis. Je suis bien aise, du reste, de voir que l'administrateur peut lui fournir par an 24 fl. de sa poche lorsqu'il sera entre les 10 premiers, c'est une marque qu'il ne doit pas crier haro, ni à la misère ; je crois cependant qu'il ne risque pas grand-chose et qu'il peut compter qu’il gardera ses 24 fl.

« La suite sera notre maître.

(Signé) J.-J. Marci, consr. »

Fondation Hertzig.

L'honorable M. Jacobs déclare qu'il n'a trouvé au dossier aucune preuve des faits que j'ai avancés relativement à la fondation Hertzig et cependant ces faits résultent du dossier qui a été déposé.

J'ai dit que le revenu de la fondation était d'environ 8,000 fr. et j'en puise la preuve dans un jugement qui condamne l'ancien receveur à fournir une provision de 6,000 fr. dans le cas où il ne restituerait pas les titres et valeurs de la fondation dans un délai déterminé.

D'après les comptes produits par l'avocat de l'administration la somme s'élève à 8,000 fr. et aux termes du jugement l'évaluation provisoire des capitaux est de 6,000 fr. (Interruption.). Le chiffre fixé par le.tribunal à titre approximatif prouve que ce n'est pas exagéré.

Maintenant l'honorable membre me dit que ce n'est pas une donation. Mais comment est-il possible d'y voir autre chose qu'une donation, alor, que les parents soutiennent qu'ils sont propriétaires. S'ils sont propriétaires c'est qu'ils le sont devenus par donation, à cause de mort ou entre-vifs.

M. Jacobsµ. - Ils n'ont aucun titre.

MjBµ. - Mais quand le bail du 23 avril 1827 a été fait, qu'est-ce que le bailleur y a stipulé ? Il a dit à propos des biens « comme ils appartiennent au bailleur ».

M. Van Hoordeµ. - Il louait au nom de la fondation dont il était administrateur, et il portait les fermages en compte.

MjBµ. - Mais vous ne connaissez donc pas le bail ; le voici :

« Par devant Grégoire-Michel Schmidt, notaire royal, résidant en la ville d'Arlon, Grand-Duché de Luxembourg, et en présence des témoins ci-après à dénommer, soussignés :

« Fut présent sieur Jean-Baptiste Schung, garde forestier, demeurant à Sampont, canton d'Etalle, en ce duché, lequel a par ces présentés donné titre de bail à ferme, pour le terme de vingt années consécutives, au sieur Georges Lambré, cabaretier, demeurant en cette ville d'Arlon, présent et acceptant,

« 1° Une prairie située territoire d'Arlon, lieu dit : « bey der Jinckeh Wiesem Weyler Pauth.

« 2° Un autre ban de Waltzing, s'échangeant annuellement avec les héritiers de Henri Meyer, dudit Waltzing.

« 3° Enfin une pièce de terre, même ban d'Arlon, lieu dit : auf dem alten hohgericht, tels que ces immeubles se poursuivent et contiennent et comme ils appartiennent au bailleur, le preneur déclare les connaître parfaitement, en être content et n'en demandant plus ample spécification. Il a été arrêté que le preneur n'entrera point en jouissance de ces biens qu’à partir du premier janvier 1829. Les impositions et contributions (page 800) de toute nature sont à la charge du preneur. Le bail est fait pour le rendage annuel de 14 florins 17 cents et demi, que le preneur s'oblige de payer au bailleur chaque année, le 1er octobre, jusqu'à l'expiration du présent bail, et s'oblige aussi d'apporter auxdits biens les soins d'un bon père de famille.

« Dont acte fait et reçu à Arlon, maison du preneur, l'an 1827, le 23 avril, en présence, etc. »

M. Van Hoordeµ. - Mais le bailleur n'avait-il pas procuration de la fondation ? (Interruption.)

MjBµ. - Il est réellement curieux, quand je viens, pièces en mains, prouver qu'un administrateur se refuse à rendre compte de sa gestion et dispose des biens comme s'ils lui appartenaient, qu'on ose dire qu'il administrait pour la fondation. Or, c'est précisément ce que les parents n'admettent pas ; ils se déclarent, eux, propriétaires du bien. Après cela on vient dire : Il avait sans doute une procuration ! Mais s'il en est ainsi, comment se fait-il que l'acte ne le mentionne pas ? L'honorable M. Van Hoorde est avocat, je pense, eh bien, je lui demanderai s'il a jamais vu un acte passé par un porteur de procuration sans que la qualité de celui-ci soit mentionnée.

A propos de la fondation Capitte, l'honorable M. Jacobs a déclaré qu'il était exact que des biens auraient été employés aux frais généraux du séminaire, or, je demande s'il était conforme à la volonté du testateur de faire servir à des frais généraux d'un séminaire une rente destinée à payer deux bourses d'étude, en même temps qu'on ne servait plus qu'une seule de ces bourses. Voilà cependant ce qui a eu lieu ainsi que l'a reconnu lui-même M. l'archevêque de Malines dans une lettre adressée à M. le gouverneur de la province.

« Bruxelles, le 18 mai 1859.

« Monsieur le Ministre,

« A l'occasion de l'examen du compte de 1857 de la fondation Capitte, la députation remarqua que depuis quelques années un seul étudiant profitait des libéralités de la fondatrice, alors qu'aux termes de l'arrêté royal du 29 novembre 1834 et d'un testament de la dame Marie-Louise Capitte, en date du 8 février 1819, les revenus de la fondation créée par cette dame doivent servir à deux jeunes gens de Bruxelles, pour étudier la théologie au séminaire de Malines.

« J'avais ordonné, dit la testatrice, pour jouir des revenus de ce legs, un ou deux étudiants ; je dispose qu'il en soit admis deux, attendu que mes acquisitions affectées à ce legs le rendent suffisant pour deux étudiants. »

« Des observations en ce sens furent faites à M. l'archevêque de Malines-proviseur, et à M. le curé doyen de l'église des Saints Michel et Gudule, à Bruxelles, collateur de la fondation.

« Ils répondirent par lettre, que vous trouverez ci-jointe, que l'arrêté royal du 29 novembre ayant réduit de 25,484 fr. 65 c. à 14,542 fr. 86 c. l'importance des libéralités dont il s'agit, en imposant au proviseur l'obligation de vendre au profit des héritiers de la dame Capitte, une partie des biens laissés par celle-ci, les dernières dispositions de la testatrice se trouvaient virtuellement abrogées, qu'au surplus, la dotation actuelle de la fondation ne pouvait plus suffire à l'entretien de deux étudiants.

« La députation permanente, M. le ministre, ne peut partager la manière de voir de MM. les proviseur et collateur.

« En effet, l'arrêté royal de rétablissement, en réduisant la dotation de la fondation, n'a pas entendu anéantir les dispositions du testament ; bien du contraire, il est dit à l'article premier que l'établissement de la fondation sera exécuté selon la volonté de la testatrice.

« Quant à l'insuffisance des revenus dont il est parlé plus haut, la députation trouve que la donation, même réduite, suffit amplement pour remplir, dans toute son étendue, la volonté exprimée par la fondatrice. En effet, l'article 3 de l'arrêté royal précité porte :

« M. l'archevêque est autorisé à faire vendre, s'il le trouve convenable, dans l'intérêt de la fondation, les biens non distraits de la fondation et d'en appliquer le produit en rentes. »

« Il est évident, M. le ministre, que si le produit de la vente de ces biens était appliqué en rentes sur l'Etat, le revenu de la fondation se trouverait doublé et dépasserait de beaucoup la somme à laquelle s'élevaient, à la mort de la dame Capitte, les fermages de la totalité de ses biens.

« Il résulte de ce qui précède, que les conditions posées par le gouvernement à l'acceptation du legs n'ont pas du tout anéanti les dispositions testamentaires qui fixent à deux le nombre de bourses à conférer, et que ces dispositions pourront être exécutées dans la mesure la plus large, lorsque le proviseur voudra user de l'autorisation que lui accorde l'article 3 de l'arrêté royal du 29 novembre.

« J'ai l'honneur, M. le ministre, de vous soumettre le dossier de l'affaire, en espérant que vous partagerez l'avis de la députation permanente qui est aussi le mien.

« Le gouverneur, (Signé) Liedts. »

« Bruxelles, le 22 juin 1860.

« Monsieur le ministre,

« Des instructions ont été données pour l'admission immédiate d'un second boursier au séminaire de Malines, en conformité du testament de la dame Capitte et de l'arrêté royal du 29 novembre 1834, et des explications ont été demandées en même temps, au sujet de l'excédant que devait présenter le compte de 1857 et qui ne figure pas à l'état de renseignements.

« En m'informant que l'administration du séminaire était disposée à admettre deux boursiers, M. l'archevêque de Malines ajoute que l'excédant de 1857, après déduction du tantième de recette, a été attribué au séminaire et a servi à subvenir aux frais généraux de l'établissement. »

Votre dépêche du 20 janvier dernier, 1ère division, 1er bureau, n°10179, était, M. le ministre, relative à cette affaire.

« Le gouverneur, (Signé) Liedts. »

Ce fait est donc prouvé de la manière la plus évidente.

Vient maintenant la fondation Terninck.

Ici encore l'honorable M. Jacobs triomphe. Voyez, dit-il, comme vous vous êtes trompé ! Vous avez cru qu'il s'agissait de religieuses et ce ne sont pas des religieuses. Enorme grief !

Voilà quatre jours que nous discutons ; voilà deux cents abus que je signale, et parce que j'ai qualifié de religieuses des personnes qui, dit-on, n'en sont pas on crie : victoire ! Quelle plaisanterie.

Voyez l'erreur ! une telle légèreté est-elle pardonnable de la part d'un ministre de la justice : confondre avec des religieuses des personnes qui n'ont pas prononcé de vœux ! Ou bien encore : considérer comme une seule personne deux individus portant identiquement les mêmes noms et prénoms !

Voilà, après quatre jours de discussion, les énormités qu'on est parvenu à me reprocher !

Mais, messieurs, nous n'avons jamais prétendu à l'infaillibilité ; ce n'est pas sur nos bancs qu'on a cette prétention, et dès mon premier discours, j'ai commencé par déclarer qu'il était possible, probable même qu'il y aurait quelques inexactitudes dans l'exposé de la masse de faits dont j'aurais à parler.

Et comment, messieurs, pourrait-il en être autrement dans un travail de ce genre ? Comment parvenir à faire une pareille compilation sans commettre des inexactitudes, et n'ai-je pas le droit de dire que le résultat auquel nous sommes parvenus est une preuve manifeste de l'impartialité des fonctionnaires du département de la justice et du soin qu'ils ont mis à ce travail ? N'est-il pas vraiment extraordinaire que dans un si grand nombre de faits on ne soit parvenu à découvrir qu'une seule erreur ?

- Voix à droite. - Ah ! ah !

- Voix à gauche. - Oui ! oui !

MjBµ. - Une seule erreur, je le répète, et je dis que cela fait honneur aux fonctionnaires de mon département qui ont fait ce dépouillement.

M. Delaetµ. - C'est une mauvaise plaisanterie.

MjBµ. - Il paraît donc que les dames de Terninck ne sont pas des religieuses, et cependant le testament leur donne clairement le nom de sœurs, de filles religieuses.

Mais, dit l'honorable M. Jacobs, elles ne font pas de vœux. Je réponds que, dans le langage vulgaire, on appelle religieuses tout groupe de femmes réunies dans un but religieux, quand même elles n'auraient point fait de vœux.

M. Delaetµ. - C'est très vulgaire cela !

M. de Mérodeµ. - C'est une plaisanterie.

MjBµ. - Comment ! c'est une plaisanterie ; mais est-ce que les novices dans un couvent ne sont pas appelées religieuses ? Et cependant elles n'ont pas prononcé de vœux.

(page 801) M. de Mérodeµ. - Est-ce qu'on appelle avocat un étudiant en droit ?

MjBµ. - Cela ne répond pas à ma question.

Je viens de citer les novices. Mais est-ce que les béguines ne sont pas des religieuses ? (Interruption.)

M. Dumortierµ. - Encore un peu et les francs-maçons seront des religieux à ce compte-là.

MjBµ. - Messieurs, ce grief n'est vraiment pas sérieux, et je crois pouvoir me dispenser d'y insister. Mais est-ce parce qu'il y a à Terninck des religieuses que j'ai cité le fait ? Non, c'est parce que le couvent a effacé la maison d'instruction ; en effet il reste prouvé que dans un établissement qui, d'après l'acte de fondation, ne devait pas dégénérer en couvent, il y avait, en 1864, pour 75 élèves, 22 religieuses, soit une religieuse pour 3 élèves.

M. de Naeyerµ. - On a expliqué cela.

MjBµ. - Mais tout ce qu'on a dit n'a pas eu le pouvoir de démontrer que cela ne fût pas contraire à la volonté du fondateur, lequel n'a jamais voulu que cet établissement dégénérât en couvent.

M. de Mérodeµ. - Vingt religieuses ne constituent pas un couvent.

MjBµ. - Comment, une religieuse pour trois élèves, cela ne constitue pas un couvent ! Mais l'établissement de Messines qui au 1er janvier 1865 comptait 265 élèves, n'avait que 10 institutrices et 12 femmes de service, soit 1 institutrice pour 26 élèves, tandis qu'à Terninck, il y a 1 religieuse pour 3 élèves ! Or, qui ne comprend combien une pareille administration est contraire à l'intérêt public ? (Interruption.)

Reste la fondation Wansart.

L'honorable M. Jacobs me dit qu'ici encore je suis dans l'erreur, qu'on avait erronément délivré un certificat pour la fréquentation des cours professionnels.

Si c'est une erreur, elle ne peut m'être imputée. Je ne dis pas que l'honorable M. Jacobs n'a pas raison sur ce fait-là. Mais en tout cas, je ne pouvais présenter ce fait autrement que je l'ai présenté. En effet, l'élève produit un certificat de fréquentation de cours professionnels. Or, d'après le testament, il ne pouvait recevoir la bourse que pour étudier la théologie et l'on n'arrive à la prêtrise que par les humanités. Donc je maintiens le fait ; il est exact : s'il y a eu une erreur, c'est le certificat qui l'a commis, et non pas moi. Du reste, c'est à vérifier.

Messieurs, je n'ai plus qu'à répondre un mot sur l'affaire Colin.

L'honorable M. Jacobs a trouvé étonnant que j'eusse confondu deux personnes différentes pour n'en faire qu'une seule. Je vous demande, messieurs, s'il est possible de m'attaquer au sujet de cette affaire. Deux boursiers portent le même nom ; ils sont de la même commune ; ils étudient l'un et l'autre la théologie ; on relève le fait dans un compte produit à une députation permanente. Et l'honorable M. Jacobs vient me faire un grief de ce fait-là ; il me dit : « Vous auriez dû aller aux informations. » Evidemment j'avais toutes les apparences pour moi ; et l'honorable M. de Theux, en commençant son discours d'hier a déclaré que joutes les apparences étaient en faveur de l'exactitude de ce fait...

M. de Theuxµ. - J'ai dit qu'avant de dénoncer ce fait dans la Chambre, vous auriez dû prendre des renseignements.

MjBµ. - Vous avez fait bien autre chose, vous avez dit que j'avais posé un acte de diffamation, avant que vous eussiez pu voir les pièces sur lesquelles j'appuyais mes allégations et que j'ai déposées sur le bureau.

Quant à la légèreté dont j'aurais fait preuve dans cette circonstance, la Chambre, sans doute, ne pourra pas y croire, maintenant qu'elle a entendu tout ce que j'ai dit, maintenant qu'elle a pu prendre connaissance de toutes les pièces que je lui ai loyalement communiquées.

L'honorable M. Jacobs m'accuse de légèreté ; mais il n'a pas songé à adresser ce reproche à l'honorable M. de Theux qui, étant ministre de l'intérieur, s'est armé d'une loi qui était abrogée, pour motiver un arrêté royal enlevant des biens à une commune pour les donner à un couvent ! (Interruption.)

Messieurs, la question des bourses d'étude est jugée. Les abus sont connus. Nos adversaires ne pourront plus dire ici, leur presse ne pourra plus dire au dehors que la loi de 1864 sur les bourses est une loi de spoliation, de vol. C'est une loi à laquelle ils n'oseront pas toucher, s'ils reviennent au pouvoir... (Interruption.) Aucun de vous n'osera y toucher. C'est une loi qui restera, comme réparatrice des nombreux abus qui auront été commis dans les administrations spéciales des bourses d'étude.

MpVµ. - Il est parvenu au bureau une proposition ainsi conçue :

« La Chambre décide l'impression de toutes les pièces contenues dans les dossiers produits par le département de la justice à propos de l'incident relatif à la loi des bourses d'étude, avec les inventaires des dossiers.

« (Signé) de Theux, Nothomb, Schollaert, de Liedekerke, Thibaut, Wasseige. »

MjBµ. - Mais un des dossiers que j'ai communiqués à la Chambre manque au greffe. Ce dossier contient des pièces excessivement importantes : elles doivent nous servir d'éléments pour revendiquer, au profit de la commission provinciale du Brabant des biens qui sont actuellement possédés au profit des bourses pour les séminaires. Il importe donc que ce dossier rentre le plus tôt possible dans les archives de mon département.

MpVµ. - Je n'ai pas attendu la demande de M. le ministre de la justice pour porter ce fait à la connaissance de la Chambre dès qu'il m'a été signalé ; et pour renouveler d'une manière pressante les instances que j'ai faites hier, par un second avertissement fait au début de la séance de ce jour, afin que le dossier soit restitué. Je suis assuré que le membre qui, par mégarde, pourrait avoir laissé ce dossier dans ses papiers, s'empressera de le déposer au greffe. J'ai, d'ailleurs, donné des ordres pour que de nouvelles recherches soient faites au greffe lui-même.

- La suite de la discussion est remise à mardi à 2 heures.

La séance est levée à 5 heures.