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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 5 décembre 1866

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1866-1867)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboomµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 93) M. de Moor, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Thienpont, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.


M. Maghermanµ (pour une motion d’ordre). - J'ai assisté à l'intéressante discussion dont notre situation militaire a été l'objet à la séance d'hier ; mais ayant dû quitter la Chambre quelque temps avant le vote sur la motion de l'honorable M. Couvreur, je tiens à déclarer que, dans cette circonstance, j'aurais voté pour cette motion, et, en agissant ainsi, j'aurais été guidé principalement par cette considération qu'il n'appartient pas à la Chambre, qui n'est qu'une des branches du pouvoir législatif, de dispenser le gouvernement de l'exécution d'une disposition formelle de notre loi de comptabilité.

Projet de loi approuvant la convention littéraire conclue entre la Belgique et le Portugal

M. Broustinµ dépose le rapport de la section centrale portant approbation de la convention littéraire conclue entre la Belgique et le Portugal.

Projet de loi allouant une pension à la veuve du général Trumper

Discussion générale

MiVDPBµ. - Je regrette, messieurs, d'avoir à intervenir dans ce débat ; car j'éprouve un vif sentiment de bienveillance pour une famille qui n'est pas heureuse ; mais, d'un autre côté, je crois de mon devoir de signaler, en très peu de mots, à la Chambre les inconvénients que pourrait avoir le précédent qu'on nous propose de poser.

Messieurs, une pension ne peut être accordée sur le trésor aux veuves d'officiers qu'en vertu de deux dispositions légales et réglementaires. On accorde des pensions aux veuves d'officiers tués sur le champ de bataille ou morts dans l'exercice d'un service commandé ; on en accorde encore aux veuves des officiers morts des suites des blessures reçues dans les deux cas indiqués ; de telles pensions sont assez rarement allouées dans notre pays.

En règle générale, les veuves d'officiers reçoivent des pensions sur la caisse des veuves, caisse à laquelle chaque officier doit contribuer et opérer dans toute sa carrière militaire des versements qui parfois sont assez onéreux.

Or, le général Trumper ne s'est trouvé ni dans l'un ni dans l'autre de ces cas ; il a été mis à la pension, et il est mort dix ans après avoir été mis à la retraite.

D'un autre côté, il n'a pas participe à la caisse des veuves pendant qu'il était en activité de service ; et lorsqu'il s'est marié, après sa mise à la pension, l'honorable général n'a pas demandé l'autorisation de participer à cette caisse, ce qui aurait pu lui être accordé ; du moins il n'existe dans les archives du département de la guerre, aucun document constatant que l'honorable général aurait demandé cette autorisation.

Telle est donc la situation. La veuve du général Trumper n'a aucun droit à une pension.

Reste maintenant la question de savoir s'il y a lieu, dans les circonstances où se trouve cette famille, d'accorder une pension à la veuve par un vote spécial et à titre de récompense nationale pour les services rendus par son mari.

Je connais la carrière très honorable du général Trumper, je suit loin de vouloir jeter le moindre discrédit sur cette carrière ; mais lorsqu'il s'agit d'une récompense nationale, ne doit-elle pas être motivée par des services d'une nature exceptionnelle et extraordinaire ?

La Chambre aura à examiner si l'honorable général a rendu de tels services au pays.

Je dois aussi faire observer à la Chambre que ce vote consacrerait une espèce de privilège qui pourrait être invoqué par un grand nombre de veuves d'officiers qui furent également très honorables. Grand nombre de ces veuves ne jouissent d'aucune pension parce qu'il n'y a eu mariage que lorsque l'officier a été mis à la pension et qu'il n'y a pas eu de versements dans la caisse des veuves.

Je donne ces renseignements à la Chambre en acquit d'un devoir. La Chambre pourra maintenant, en connaissance de cause, apprécier les conséquences de son vote.

M. Funckµ. - Messieurs, l'idée qui a présidé à la proposition sur laquelle la Chambre délibère est une pensée toute d'équité et de justice.

Je sais bien qu'en vertu de la législation existante, Mme Trumper n'a pas le droit d'exiger une pension ; si elle avait ce droit, ce ne serait pas à la Chambre, mais bien à l'administration qu'elle aurait dû s'adresser.

M. le ministre de l'intérieur a cru devoir appeler notre attention sur quelques considérations générales à faire valoir contre la proposition qui vous est soumise ; il vous a dit que deux dispositions légales permettent de donner des pensions aux veuves d'officiers sur le trésor public. Cela est très vrai, et cette assertion n'est contestée par personne. Aussi, n'est-ce pas en vertu d'une disposition légale existante que nous réclamons une pension pour la veuve du général Trumper, mais en vertu d'une disposition légale que nous vous proposons de décréter.

M. le ministre de l'intérieur vous fait remarquer en outre que si vous accordez la pension qui vous est demandée, il faudra le faire à titre de récompense nationale, et qu'alors vous auriez à statuer sur beaucoup de demandes semblables.

On ajoute que le général Trumper n'a pas rendu au pays des services assez considérables pour justifier une pareille distinction.

Je pense, messieurs, que ce n'est pas de cette manière qu'il faut envisager la question. S'il s'agissait en effet de récompenser dans la personne de sa veuve un homme qui aurait rendu des services éminents, des services hors ligne au pays, ce n'est certainement pas par une minime pension de 1,500 fr. que le pays croirait acquitter sa dette de reconnaissance vis-à-vis de la veuve de cet homme. C'est à titre de secours, et parce que la veuve du général Trumper se trouve dans une situation exceptionnellement malheureuse, que quelques-uns d'entre nous ont cru pouvoir vous proposer un projet de loi destiné à venir en aide à une grande infortune.

Il est évident pour moi que la dignité du pays est intéressée à ce que la veuve d'un homme qui a occupé des fonctions éminentes dans l'armée et dans l'administration, qui a rendu sinon des services signalés et hors ligne, au moins de bons et loyaux services pendant une période de 30 à 35 ans, ne reste pas dans une position voisine de la misère, et qu'il est juste de lui venir en aide en lui accordant le faible secours que nous sollicitons pour elle.

La crainte d'un précédent que l'on pourrait invoquer, comme le dit M. le ministre de l'intérieur, ne doit pas non plus vous arrêter. La Chambre n'intervient, en cette occurrence, que dans des cas excessivement rares. Il faut que les circonstances soient exceptionnelles, et c'est parce que nous avons cru reconnaître ces circonstances exceptionnelles dans la situation de Mme Trumper, que nous vous avons présenté une demande de pension.

Le précédent, nous le constatons dans le rapport de la section centrale, ne pourra jamais nous être opposé, et si une circonstance analogue et aussi malheureuse se présentait dans l'avenir, la Chambre serait toujours libre d'aviser, et d'apprécier comme elle le jugerait convenable la proposition qui lui serait soumise.

Moyennant ces considérations, je crois pouvoir maintenir la proposition que nous vous avons faite, et qui a été admise par la majorité de la section centrale.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles et rejet du projet

Article premier

La Chambre passe à la délibération sur les articles.

« Art. 1er. Il est accordé, à charge du trésor public, une pension annuelle de quinze cents francs, incessible et insaisissable, à la veuve du général-major Trumper. »

- Personne ne demandant la parole, l'article est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

En conséquence, la proposition vient à tomber.

Projet de budget de la chambre pour 1867

(page 94) M. Carlierµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de votre commission de comptabilité sur le compte des dépenses de la Chambre pour l'exercice 18G1 et sur le projet de budget pour l'exercice 1866.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1867

Discussion générale

MpVµ. - La discussion générale est ouverte.

M. Lelièvreµ. - A l'occasion de la discussion du budget de l'intérieur, je crois devoir proposer quelques observations qui me paraissent mériter l'attention du gouvernement.

Il existe dans la loi communale de 1836 une lacune qu'il importe de faire cesser. Dans l'état actuel de la législation, il est quelquefois impossible de faire exécuter les jugements de condamnation portés contre les communes. Les conseils communaux ne peuvent être contraints à établir des subventions à répartir entre les habitants. Cet ordre de choses a pour conséquence de paralyser l'exercice de créances légitimes et de porter ainsi atteinte à des intérêts privés que le législateur doit sauvegarder.

II a souvent été adressé à la Chambre des réclamations énonçant des faits qui constituent l'abus dont je parle.

Le gouvernement doit, ce me semble, faire étudier cette question qui touche à un objet de l'ordre le plus élevé.

Je crois aussi devoir faire remarquer que, en matière électorale, le régime en vigueur donne lieu à des inconvénients que l'on doit faire disparaître.

La révision des listes est fixée au mois d'avril de chaque année. Cette époque n'est pas convenable. Les élections provinciales ont lieu sur fin de mai, et c'est le second mardi de juin que le mandat des membres des deux Chambres est renouvelé. Il résulte de l'état de choses existant que les autorités légales n'ont pas le temps nécessaire pour statuer sur les réclamations relatives aux listes électorales. La cour de cassation, notamment, ne peut statuer sur les pourvois, de sorte qu'il arrive que des individus prennent part aux élections, alors qu'en réalité la qualité d'électeur ne leur appartient pas, et, d'un autre côté, sont écartées du scrutin des personnes qui, en définitive, sont reconnues posséder les conditions nécessaires pour l'exercice du droit électoral.

Il me semble que la révision des listes devrait avoir lieu au mois de décembre de chaque année, et qu'une disposition dans ce sens protégerait des intérêts dont l'importance ne peut être méconnue.

Tout récemment on a soulevé la question de savoir s'il ne conviendrait pas de déférer aux tribunaux les questions relatives aux listes électorales.

En ce qui me concerne, je ne pense pas que cette innovation soit heureuse ; elle a d'abord un vice capital, celui d'augmenter outre mesure la besogne des tribunaux, qui déjà ont peine à expédier les affaires nombreuses qui leur sont soumises.

Les causes qu'on prétend leur attribuer donneraient lieu à des débats qui absorberaient une grande partie des audiences de l'année. Non seulement les affaires ordinaires seraient de plus en plus arriérées, mais le nouveau régime rendrait indispensable l'augmentation du personnel de tous les tribunaux.

D'un autre côté, le système que je combats aurait pour conséquence d'associer la magistrature aux matières politiques. Or les considérations les plus sérieuses exigent que les corps judiciaires restent en dehors de semblables débats, étrangers à leurs attributions naturelles.

Il importe, à mon avis, de ne pas déférer aux tribunaux des affaires dans lesquelles on pourrait élever des doutes sur leur impartialité. Ce serait évidemment amoindrir la dignité de la magistrature que de l'immiscer dans des contestations sur lesquelles interviendraient des jugements qui pourraient être considérés comme émanés d'hommes politiques, plutôt que de magistrats consciencieux et indépendants. Je pense donc que l'innovation proposée sous ce rapport serait loin de produire de bons fruits.

Je désirerais aussi apprendre si M. le ministre de l'intérieur a fait étudier la question relative à la publicité des séances des conseils provinciaux en matière contentieuse ou au moins en matière électorale.

Il est nécessaire qu'il y ait une prompte solution sur cet objet important qui touche aux plus graves intérêts. Quant à moi, messieurs, je suis convaincu qu'il y a quelque chose à faire, et je prie le gouvernement de nous dire s'il s'est arrêté à une résolution concernant cette grave question.

Enfin, je dois signaler la nécessité de s'occuper du projet de loi dont nous sommes saisis depuis longtemps, relatif au cens pour l'éligibilité au Sénat. Je ne saurais assez engager la commission à déposer le rapport attendu avec impatience. Le projet énonce des principes sur lesquels il est indispensable que la législature se prononce.

Il est donc essentiel que nous soyons mis à même de statuer à cet égard dans le plus bref délai.

M. Thonissenµ. - Plusieurs de nos honorables collègues, entre autres feu le comte de Renesse, ont, à diverses reprises, saisi l'occasion de la discussion générale du budget de l'intérieur pour vous entretenir de la méthode d'inoculation du bétail découverte par le docteur Willems. Je viens aujourd'hui user du même droit ou, pour mieux dire, remplir le même devoir.

En mars 1852, au moment où la pleuropneumonie exsudative du bétail sévissait dans toute sa force, M. le docteur Willems se rendit à Bruxelles et remit au ministre de l'intérieur, qui était alors l'honorable M. Rogier, un mémoire signalant la découverte d'un remède efficace contre cette maladie éminemment contagieuse.

Dès le 3 avril, l'honorable M. Rogier, comprenant toute l'importance d'une découverte de cette nature, institua une commission d'hommes spéciaux et celle-ci commença les expériences sur une vaste échelle.

Vous le savez, messieurs, toutes les innovations médicales ont eu le privilège d'être longtemps et ardemment contestées. Le docteur Willems ne pouvait échapper à la loi commune. Son procédé d'inoculation fut bruyamment attaqué, surtout en Belgique, ou l'on se charge si souvent et si tristement de justifier le proverbe que nul n'est prophète dans son pays. De toutes parts, les membres de la commission instituée par l'honorable M. Rogier reçurent le conseil de se mettre en garde, de se montrer prudents et sévères. On eût dit que la Belgique était intéressée à ne pas posséder un homme capable de rendre à l'agriculture un de ces services que la science recueille dans ses annales.

Bientôt cependant cette opposition si bruyante, si passionnée, reçut une réponse éclatante. Des centaines de cultivateurs, de distillateurs, d'éleveurs de bétail, voyant chaque jour l'efficacité manifeste du remède, crurent devoir devancer les conclusions de la commission gouvernementale. En novembre 1853, ils se réunirent à Hasselt, et, plaçant à leur tête les agronomes les plus importants et les plus éclairés du pays, ils se rendirent en cortège au domicile du docteur Willems, pour lui offrir une médaille d'or, comme un témoignage solennel de leur adhésion et de leur reconnaissance. Pendant que beaucoup de savants doutaient encore, eux, hommes de pratique, éclairés chaque jour par des faits aussi nombreux qu'irrécusables, n'hésitaient pas à donner au nouveau procédé d'inoculation un assentiment sans réserve.

La commission instituée par l'honorable M. Rogier fut plus sévère, plus prudente si vous voulez. Elle multiplia les expériences, les épreuves, les contre-épreuves, les enquêtes, les contre-enquêtes, les visites des étables ; pendant plus de douze années, elle continua ses études avec une persévérance digne des plus grands éloges, et enfin, en 1864, elle fut forcée de ratifier le jugement que les hommes de pratique avaient prononcé dès 1853. Le 18 novembre 1864, elle prit, à l'unanimité de ses membres, une série de conclusions longuement motivées. Permettez-moi, messieurs, de vous donner lecture de quelques-uns des principaux passages. Les voici :

« L'inoculation est une opération inoffensive et généralement couronnée de succès, lorsqu'elle est pratiquée avec les précautions convenables ; les sinistres produits par elle dans ces conditions se présentent dans une proportion minime.

« L'inoculation possède une vertu prophylactique évidente, et dans les localités infectées, le nombre des bêtes inoculées avec succès, qui sont frappées par le fléau, est insignifiant vis-à-vis de celui des bêtes non inoculées, surtout si l'on tient compte de la longue durée possible de l'incubation de la maladie.

« Nous devons donc recommander aux éleveurs et aux cultivateurs la pratique de l'inoculation ; ils doivent l'appeler à leur aide dès que la maladie se déclare dans leurs étables et surtout y soumettre immédiatement le nouveau bétail qu'ils y introduisent.

« Lorsque l'inoculation a été une première fois pratiquée sans succès, il faut y procéder une seconde fois, afin d'être bien sûr que des circonstances accidentelles n'en ont pas enrayé la manifestation. »

La commission termina son rapport par les lignes suivantes :

« Nous sommes heureux que nos recherches nous aient conduits à un résultat positif, et nous aient permis de constater la haute valeur du (page 95) service que notre compatriote, M. le docteur Willems, a rendu à l'agriculture, en inventant et propageant avec persévérance l'inoculation prophylactique de la pleuropneumonie. »

Et quels sont les hommes qui placent leurs signatures au bas de ces conclusions si nettes, si précises, si formelle» ? Ce sont MM. Thiernesse et Delwart, deux des professeurs les plus éminents de notre école vétérinaire ; c'est M. Crocq, l'un des membres les plus éminents de l'Académie de médecine ; ce sont MM. Gaudy, Vanvinckeroye, Platel et Willoucx, distillateurs et éleveurs, chaque jour éclairés par les résultats de l'inoculation d'un nombreux bétail.

Voilà, messieurs, ce qui s'est fait en Belgique. Je vous demande la permission de vous dire également, en peu de mois, le résultat des expériences pratiquées en pays étranger.

En Hollande, où l'élève du bétail joue un si grand rôle dans la richesse publique et où la pleuropneumonie du bétail a si longtemps et si cruellement sévi, le procédé Willems devint également l'objet d'une série d'investigations on ne peut plus sérieuses. Une commission gouvernementale fut instituée à La Haye, des commissions provinciales furent établies en Frise, dans la Hollande méridionale, à Utrecht, ailleurs encore, et toutes ces commissions, toutes, remarquez-le bien, furent unanimes à vanter l'excellence de l'inoculation. Voici les conclusions de la commission scientifique instituée près du ministère de l'intérieur des Pays-Bas :

« Les résultats obtenus par les nombreuses expériences sur l'inoculation de la pneumonie sont de nature à confirmer entièrement l'opinion déjà émise par la commission sur le pouvoir préservateur temporaire de l'inoculation ; elle n'hésite donc pas à déclarer que, quoique l'inoculation n'ait pas la puissance de prévenir toujours et dans toutes les circonstances, l'invasion et les progrès ultérieurs de la maladie, il n'existe pour le moment, en médecine vétérinaire, aucun moyen connu qui, appliqué convenablement et avec soin, puisse lui être comparé.

« La commission croit donc, conformément à sa conviction, devoir recommander avec instance l'inoculation :

« 1° Dans les étables où la pneumonie a éclaté, et, en ce cas, d'en faire usage le plus tôt possible ;

« 2° Chez le bétail que l'on suppose se trouver sous l'influence de la contagion.

« En outre, dans les contrées où la pneumonie est devenue plus on moins enzootique, il est bon d'inoculer convenablement, dans le courant de l'automne, les veaux d'élève, et de les soumettre plus tard à une réinoculation.»

Et ici encore, quels sont les signataires de ce document officiel ? Sont-ce des hommes ignares, inexpérimentés, des hommes prévenus ou incapables ? Non, messieurs ? Ce sont MM. Wellenberg, directeur de l'école vétérinaire d'Utrecht, Jeunes, Hockmeyer, Rynders, Wit, professeurs de la même école, Vanlaer et Hagevelt, vétérinaires. Ce sont les hommes les plus capables de se prononcer en parfaite connaissance de cause, et quelques-uns d'entre eux jouissent à juste titre d'une célébrité européenne.

Aussi le gouvernement néerlandais s'empressa-t-il de recommander l'inoculation à tous les agriculteurs du royaume, et, à l'heure même où le gouvernement prenait cette mesure, le roi des Pays-Bas, juste appréciateur du mérite, fit remettre au docteur Willems les insignes de l'ordre du Lion néerlandais.

Après la Hollande, le nord de l'Italie est l'une des contrées où l'élève du bétail a lieu sur la plus vaste échelle. C'est assez vous dire que, là aussi, la découverte du docteur Willems ne tarda pas à être sérieusement étudiée. Le cercle médical de la Lomelline et la chambre de commerce et d'industrie de Pavie, transformées en commissions gouvernementales, multiplièrent les expériences et, à la suite d'un examen approfondi, ils publièrent des rapports dans lesquels nous trouvons les lignes suivantes :

« L'inoculation du virus de la pleuropneumonie est un remède d'une grande efficacité pour préserver les animaux de l'espèce bovine des atteintes de cette maladie. »

Et plus loin :

« L'inoculation est plus puissante que les moyens curatifs et prophylactiques mis autrefois en usage à empêcher la propagation de la pleuropneumonie, à limiter la perte des bestiaux en cas d'infection pulmonaire, à hâter la guérison des étables infectées, à donner à celles qui sont préservées la santé et la prospérité. »

Informé de ce résultat si hautement avantageux à l'agriculture, le gouvernement de Turin s'empressa d'imiter l’exemple donné à La Haye, et le roi Victor-Emmanuel, rendant à son tour un hommage mérité à la science de notre compatriote, lui décerna les insignes de l'Ordre des SS. Maurice et Lazare.

Je n'en finirais pas, messieurs, si je devais vous mettre sous les yeux les résultats d'une foule d'expériences analogues faites, avec le même succès, en Prusse, en France, en Saxe, en Russie, dans le Hanovre. Je me bornerai à vous rappeler brièvement les résolutions finales des commissions officielles instituées en Prusse et en France.

Dans son quinzième rapport, la commission prussienne s'exprime ainsi :

« Le résultat des observations faites pendant le cours de l'épizootie dans nos contrées prouve que l'inoculation a promptement arrêté les ravages du fléau, et que les pertes, en proportion du bétail, ont été minimes. »

Le langage tenu par la commission française n'est pas moins explicite. Par l'organe de son rapporteur, M. Bouley, inspecteur général des écoles vétérinaires de France, elle fait la déclaration suivante :

« Il ressort incontestablement des relevés statistiques des inoculations essayées jusqu'aujourd'hui dans la pratique, comme mesures préventives contre la contagion de la péripneumonie, que la décroissance dans l'intensité de cette maladie, le nombre des animaux qu'elle attaque et conséquemment la mortalité qu'elle entraîne, a coïncidé constamment avec la pratique de l'inoculation dans les troupeaux ravagés actuellement ou menacés par l'épizootie.

« En rapprochant les résultats donnés par ces expériences directes sur l'inoculation préventive, des résultats semblables obtenus par les expériences de même nature faites à l'école vétérinaire d'Utrecht ; en comparant le chiffre si affaibli de la mortalité dans les troupeaux inoculés aux chiffres si considérables des accidents mortels dans les troupeaux ravagés par l'épizootie suivant sa marche naturelle, la commission française s'est crue autorisée à formuler la proposition suivante comme la conclusion définitive de ses recherches sur l'inoculation préventive de la péripneumonie épizootique du gros bétail :

« L'inoculation du liquide extrait des poumons d'un animal malade de la péripneumonie possède une vertu préservative ; elle investit l'organisme du plus grand nombre des animaux auxquels on la pratique d'une immunité qui les protège contre la contagion de cette maladie pendant un temps encore indéterminé. »

Je puis donc affirmer hardiment et sans crainte d'un démenti, que, dans l'Europe entière, toutes les commissions officielles ont reconnu la réalité et l'efficacité de la découverte du docteur Willems. Une seule, celle du nord de la France, siégeant à Valenciennes, avait émis dos doutes dans un rapport de 1854 ; mais, plus tard, dans un rapport de 1861, elle a loyalement avoué son erreur.

Mais ce n'est pas tout. A côté des avis émis par les commissions officielles, il existe une foule de résolutions favorables prises par un grand nombre de sociétés appartenant à tous les pays où la pleuropneumonie du bétail a cruellement exercé ses ravages. Je me contenterai de citer les suivantes : le Congrès agricole international réuni à Hombourg en 1864, la réunion internationale de vétérinaires et d'agriculteurs tenue à Leipzig en 1865, le congrès agricole de Leewaerde de la même année, la société agricole de Hanovre, la société d'agriculture des Pays-Bas, l'association des vétérinaires des Pays-Bas réunie en assemblée générale à Rotterdam en 1860, la société impériale d'agriculture de Valenciennes, l'institut des sciences et des lettres de la Lombardie, l'Académie de médecine de Turin, la société centrale d'agriculture de Belgique et l'Académie royale de médecine de Bruxelles.

Comme les deux derniers de ces corps appartiennent à notre pays, je ferai succinctement connaître leur opinion.

Dans un rapport du 11 février 1861, M. Daumerie, membre de l'Académie de médecine, et vice-président de la Société centrale d'agriculture, communiqua à cette société les résultats constatés par une commission spéciale dont il était l'organe.

Le rapport de la société relate 98,093 fails d'inoculation bien observés, constate que la perte des animaux morts à la suite de l'inoculation est de 1.10. c. et que le chiffre des animaux qui ont contracté la pleuropneumonie après l'inoculation est de 1.25 p. c. tandis que les animaux non inoculés deviennent malades dans la proportion de 35 %.

M. Daumerie conclut dans les termes suivants :

« 1° L'efficacité de l'inoculation, d'après le procédé du docteur Willems, comme moyen préservatif de la pleuropneumonie exsudative de l'espèce bovine, semble, d'après l'enquête, ne plus offrir de doute aujourd'hui.

« 2° Il est du plus haut intérêt pour l'agriculture et pour l'humanité que des efforts sérieux et constants soient faits pour sa propagation ; surtout (page 96) les médecins vétérinaires, la presse et toutes les associations agricoles doivent être appelés à lui prêter leur puissant concours.

« 3° Il incombe au gouvernement d'encourager les applications de cette utile découverte par tous les moyens dont il dispose, comme il n'a cessé de le faire pour la vaccine. Il pourrait même couvrir les pertes subies par l'opération, à l'instar de ce qui se pratique dans certaines provinces du royaume des Pays-Bas. »

Quant à l'Académie royale de médecine, elle a voté, le 26 mai dernier, la résolution suivante :

« L'Académie,

« Vu les propositions faites par M. Thiernesse, dans la séance du 30 septembre 1865, concernant la prophylaxie de la péripneumonie dite exsudative des bêtes bovines ;

« Considérant qu'il ne lui appartient pas de rendre des jugements doctrinaux ;

« Prononce la clôture de la discussion ;

« Remercie M. le docteur Willems pour les communications qu'il lui a dressées, juge ses travaux dignes d'encouragement, et l'engage à persévérer dans cette voie et à continuer à lui faire part des résultats de ses recherches. »

On avouera, messieurs, qu'il serait difficile de réunir un ensemble plus imposant de témoignages. Dans l'Europe entière, la science et la pratique se sont rencontrées dans une approbation dont la valeur décisive ne saurait être méconnue par des hommes impartiaux. Dans la lettre d'envoi de son dernier rapport, la commission instituée par le gouvernement n'a pas même hésité à demander pour le docteur Willems une récompense nationale.

Plusieurs fois, dans cette Chambre et au sein du Sénat, des orateurs appartenant aux deux grandes opinions qui nous divisent ont demandé à l'honorable M. Rogier et à l'honorable. M. Vandenpeereboom si l'intention du gouvernement n'était pas de récompenser l'auteur d'une découverte si hautement utile à l'agriculture et si généreusement mise à la disposition du public.

Les deux honorables ministres ont répondu, l'un en 1854, l'autre en 1862, qu'ils aviseraient quand la commission gouvernementale se serait définitivement prononcée.

Aujourd'hui cette commission a dit son dernier mot. Elle a émis une résolution approbative, à l’unanimité de ses membres.

J'ai en conséquence l'honneur d'adresser à M. le ministre de l'intérieur la demande que, dès 1854, l'honorable comte de Renesse adressa à l'honorable M. Rogier. J'ajouterai que, puisque l'honorable ministre de l'intérieur ne nous a pas habitués à des actes de parti, à des dénis de justice, j'attends sa réponse avec une entière confiance.

MiVDPBµ. - L'honorable M. Lelièvre a ouvert la discussion générale du budget de l'intérieur en posant au gouvernement quelques questions, formulées en termes très concis, mais qui soulèvent des difficultés sérieuses.

L'honorable membre a demandé s'il n'y avait pas lieu de modifier la loi électorale en ce sens que la révision des listes se ferait à une autre époque que celle qui est aujourd'hui déterminée par la loi.

D'un autre côté, l'honorable député de Namur demande s'il n'y aurait pas lieu d'entourer de certaines garanties, de la publicité par exemple, les délibérations des députations permanentes, au moins en matière de révision des listes électorales.

Ainsi que je le disais tout à l'heure, ce sont là des questions fort difficile à résoudre et sur lesquelles le gouvernement ne peut prendre d'autre engagement en ce moment que celui d'examiner ce qu'il y aurait lieu de faire ; déjà dans la session précédente, l'honorable M. Delcour, avec un talent auquel tout le monde s'est plu à rendre hommage, a soulevé la question de la publicité des séances des députations permanentes et celle du débat oral. Une discussion s'est alors engagée à cet égard. J'ai signalé quelques difficultés pratiques que semblait présenter l'introduction de ce système.

Aujourd'hui je suis pleinement confirmé dans mes idées premières. Je crois plus que jamais que l'introduction pure et simple du débat oral et de la publicité des séances des députations donnerait lieu à de très grandes difficultés. Il faudrait inévitablement modifier nos lois électorales ; il faudrait fixer des délais beaucoup plus longs pour les opérations de la révision. Vous le comprendrez sans peine, messieurs, quand vous saurez que, dans la seule province de la Flandre orientale, il y eut, en 1866, 1,550 réclamations contre des inscriptions sur les listes électorales ou contre des omissions.

Il y aurait donc des changements à faire à l'ensemble de notre législation, si l'on voulait décréter la publicité des séances des députations. C'est là une question très grave, qui se lie à d'autres questions ; le gouvernement veut bien les examiner toutes, mais il lui est impossible de se prononcer aujourd'hui à cet égard.

Messieurs, l'honorable M. Thonissen a traité de nouveau devant vous, et a traité à fond la question de la pleuropneumonie, ou plutôt la question Willems. Je lui en fais d'autant moins un reproche que l'honorable membre a traité cette question avec une sollicitude tout amicale et qu’il nous a donné des renseignements fort intéressants ; mais je me déclare, quant à moi, et la Chambre sera sans doute de mon avis, incompétent, pour apprécier l'efficacité du système Willems.

Il se peut que l'Académie de Turin, les assemblées provinciales et agricoles de la Saxe, les comices agricoles de la Hollande aient une opinion sur ce point ; mais ce qui est certain, c'est que l'Académie de médecine de Belgique n'en a pas. Dernièrement encore des discussions très longues ont eu lieu à cet égard dans le sein de notre Académie. D'un côté on a soutenu que le système était excellent ; on contestait, d'autre part, qu'il en fût ainsi. Je le répète, le gouvernement n'est pas compétent pour se prononcer sur cette question toute spéciale.

L'honorable membre me demande si je suis disposé à faire accorder à M. Willems une récompense nationale. En présence de cette divergence d'opinion, je crois qu'il n'y a pas lieu de soumettre à la Chambre un projet de loi pour accorder une telle récompense à M. Willems.

Si, du reste, l'honorable M. Thonissen était d'un autre avis, il pourrait prendre l'initiative d'un projet de loi.

La Chambre me dispensera de suivre l'honorable M. Thonissen dans les développements qu'il a donnés à son discours ; la discussion ne pourrait aboutir à autre chose qu'à la déclaration que je viens de faire.

M. Thonissenµ. - L'honorable ministre de l'intérieur décline sa compétence en matière de pleuropneumonie et d'inoculation. Mais, messieurs, il ne s'agit pas du tout d'examiner ici la découverte de M. le docteur Willems en elle-même ; il s'agit uniquement de savoir si un Belge auteur d'une découverte qui lui a valu d'honorables et nombreux suffrages dans tous les pays étrangers, ne recevra aucune espèce d'encouragement dans son propre pays. Comment ! en Hollande, en Prusse, en France, en Saxe, dans le Hanovre, en Russie, ailleurs encore, des commissions officielles proclament l'excellence du système de M. le docteur Willems, des gouvernements étrangers lui accordent des distinctions honorifiques, et en Belgique que fait-on ? On dit simplement : Nous sommes incompétents !

Mais les cultivateurs et les éleveurs ne sont pas de cet avis ! Je puis affirmer à M. le ministre de l'intérieur, sans vouloir faire ici le moins du monde acte d'homme de parti, je puis lui affirmer que la population entière du Limbourg a été péniblement surprise en voyant que le gouvernement n'ait pas même cru devoir comprendre M. le docteur Willems parmi les personnes qui, à l'occasion de la visite du Roi, ont reçu les insignes de l'Ordre de Léopold.

M. le ministre de l'intérieur dit que l'Académie de médecine n'a pas voulu reconnaître le mérite du système du docteur Willems II y a erreur de la part de l'honorable ministre. Je tiens à la main le procès-verbal de la séance de l'Académie.

Il est très vrai qu'un membre de ce corps savant a soutenu que l'inoculation du virus pleuro-pneumonique n'était pas une découverte réelle et que, dans tous les cas, cette inoculation ne produisait pas les résultats que M. le docteur Willems en faisait résulter. Il est vrai encore que ce membre a cité des faits et des exemples. Mais quel a été le résultat de cette attaque ? On lui a répondu, fait par fait, chiffres par chiffres, allégation par allégation ; et, à la fin de la discussion, M. Thiernesse, professeur éminent de notre école vétérinaire, lui a adressé ces paroles sévères :

« Il résulte évidemment, messieurs, de l'examen que je viens de faire du discours de M. Boëns, que ce médecin ne connaît que très imparfaitement la pleuropneumonie exsudative, et que les longs détails dans lesquels il est entré, relativement à l'inoculation préventive de cette maladie épizootique, n'ont abouti qu'à jeter de la confusion dans la discussion et à donner quelque satisfaction aux rares adversaires, quand même de l'importante découverte de M. Willems. »

A la suite de ce débat, que fait l'Académie ? Déclare-t-elle que la découverte n'est pas réelle ? En aucune manière. Deux membres, l'honorable M. Vleminckx et l'honorable M. Fallot se lèvent pour dire que (page 97) l’Académie n'a pas pour mission de déclarer que tel ou tel remède possède une efficacité souveraine ; qu'elle doit laisser faire la science, en un mot, qu'elle n'a pas de jugements dogmatiques à rendre, et qu'elle est obligée de se borner à accepter les communications de M. le docteur Willems. (Interruption.) Puisqu'on semble révoquer en doute ce que je dis, voici les paroles prononcées par M. Fallot :

« Se prononcer sur la vertu préservatrice de l'inoculation, d'après la méthode dite de Willems, c'est porter un jugement doctrinal ; or, les jugements doctrinaux frappent la science d'immobilité, tuent le progrès, et l'Académie, en en prononçant un, manquerait à sa mission et au but même de son institution. »

C'est à cet avis que l'Académie crut devoir se ranger ; mais elle n'alla pas au delà.

Vous voyez donc, messieurs, que l'Académie de médecine ne nie pas du tout le mérite de la découverte ; elle dit uniquement qu'elle ne doit pas se prononcer ; et, à la suite de cela, à l'unanimité de ses membres, elle remercie le docteur Willems de ses communications et l'engage à persévérer dans ses savantes recherches !

Encore une fois, nous ne sommes pas appelés à nous prononcer sur la nature même de la découverte. Nous ne sommes pas compétents pour discuter ce point. Mais nous sommes incontestablement compétents pour apprécier les résultats, et il ne faut être ni médecin, ni vétérinaire pour savoir que tel homme a fait une découverte parfaitement appréciable.

En 1852, M. le docteur Willems se rend auprès de l'honorable M. Rogier et lui dit : « J'ai fait une découverte importante ; je ne veux pas la tenir cachée ; je vous la communique pour que le public en profite sans retard. » L'honorable ministre de l'intérieur lui répond : « Je ne me prononce pas ; je suis incompétent pour admettre ou pour rejeter votre système, mais je le mettrai à l'épreuve ; je nommerai une commission et, si cette commission se prononce favorablement, vous serez promptement et largement récompensé. »

A la suite de cet entretien on institue une commission ; elle travaille pendant douze années, et, après cette longue série d'investigations s'étendant à plus de 100,000 cas d'inoculation, elle vient dire, à l'unanimité de ses membres : « La découverte est réelle, cette découverte a rendu des services immenses au pays, et son auteur mérite une récompense nationale. » Et à la suite de tout cela, quand une province possède un homme dont l'Europe entière proclame le mérite, on ne le juge pas même digne de recevoir une décoration nationale, lui dont la poitrine est couverte de croix étrangères !

Eh bien, il y a là quelque chose d'étrange et de triste. L'ordre de Léopold n'est ni un ordre libéral ni un ordre catholique ; ce n'est pas un ordre de parti, c'est un ordre national ; et quand un homme rend des services éminents au pays, que cet homme soit l'ami ou l'adversaire de la politique ministérielle, il mérite une récompense nationale, et je blâme ceux qui la lui ont refusée !

(page 103) M. Lambertµ. - Je me proposais d'adirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur, dans la discussion générale de son budget, sur quelques points. Mais ma tâche est singulièrement abrégée parce que l'honorable M. Lelièvre a traité plusieurs d'entre eux et je dirai même tous.

J'ai suivi avec attention la réponse de M. le ministre de l'intérieur sur ce point et il m'a paru d'abord qu'il avait omis de répondre relativement à la position qu'ont les personnes qui ont plaidé, malheureusement pour elles, dirai-je, contre les communes. Je ne sais si je n'ai pas bien entendu ; je ne suis pas encore fait à l'acoustique de la salle ; mais je crois que M. le ministre n'a pas répondu sur ce point.

MiVDPBµ. - Je n'ai pas compris l'honorable M. Lelièvre sur ce point.

M. Lambertµ. - Il est certain, messieurs, que je ne me suis pas servi d'un mot trop fort, lorsque je disais que la position, n'était pas bonne pour ceux qui malheureusement plaidaient contre les communes. En effet, d'après notre législation, il n'y a pas d'exécution parée contre les communes. Il en résulte que bien souvent des personnes qui ont eu des intérêts majeurs à faire triompher contre les communes et qui ont réussi à les faire triompher en justice, restent complètement désarmées et ont une créance véritablement nulle.

Je pourrais vous citer des faits qui vous prouveraient la nécessité que l'on s'occupe sans délai de mettre fin à un pareil état de choses. Si la Chambre me le permettait, je lui citerais un exemple que j'appellerai personnel, parce que j'ai eu l'affaire à traiter.

J'ai connu une famille dont le chef, bourgmestre de son village, avait eu l'obligeance de faire de sa bourse tous les fonds nécessaires pour subvenir aux dépenses nécessitées par l'invasion de 1813 et de 1814. Il avait fait toutes les avances nécessaires, et elles étaient grandes, à l'effet de dégager la commune qui, en ce moment, était pauvre et qui n'aurait pas su subvenir à cette dépense.

De son vivant, il n'a pas su récupérer un centime. Ses héritiers se sont vainement adressés à l'autorité communale, en disant : Voilà des créances sacrées pour vous ; ils n'ont rien pu obtenir. Ils se sont adressés à l'autorité administrative, et n'en ont pas obtenu davantage. Au moment où la prescription allait s'accomplir, et notez que les démarches auprès des autorités administratives avaient duré près de trente ans, les héritiers ont dû s'adresser à la justice. Ils ont obtenu gain de cause en première instance et en appel. Aujourd'hui, et je parle d'un fait qui remonte à 14 ou 15 ans, ils n'ont pas encore pu obtenir un centime.

Je demande si une pareille situation doit durer plus longtemps, si lors, qu'on cite des faits de cette espèce, on n'a pas le droit de dire : s'il y a lieu d'introduire une modification dans la loi, il faut nécessairement l'introduire.

Mais telle est la position des justiciables non seulement vis-à-vis des communes, mais aussi vis-à-vis des fabriques d'église, et les communes, si elles avaient de l'argent, sont exposées à payer pour les fabriques d'église. Je suppose un justiciable (et il y en a, je puis citer des faits), je suppose, dis-je, un justiciable ayant payé pour une fabrique d'église des dépenses considérables ; il s'adresse à celle-ci pour en obtenir le remboursement de sa créance ; la fabrique pourra toujours tenir ce langage : Nous n'avons rien, et aux termes du décret de 1809, c'est à la commune à payer. Dans ce cas, qu'arrive-t-il ? On se retourne vis-à-vis la commune et celle-ci adopte le système que je vous ai fait connaître.

Il est évident qu'il y a, à cet égard, une lacune dans la loi, et il me semble que M. le ministre de l'intérieur doit s'appliquer à combler cette lacune le plus vite possible.

Parmi les points dont l'honorable M. Lelièvre vous a entretenus, et ici M. le ministre de l'intérieur a répondu, figure celui de l'époque de la révision des listes électorales.

Il est vrai, messieurs, que si l'on entreprend tout à la fois, il faut un travail considérable ; mais enfin, quand on apporte une amélioration, fût-elle partielle, encore est-elle utile et avantageuse.

Dernièrement, dans cette assemblée, j'entendais avec beaucoup de plaisir (et naturellement nous sommes tous du même avis, attendu que nous sommes tous d'honnêtes gens), j'entendais, dis-je, des plaintes sur le défaut de sincérité des élections. Ces plaintes sont réellement fondées et j'ajouterai qu’elles le sont principalement à propos des élections communales.

Je ne sais pas, messieurs, ce qui se passe dans vos arrondissements respectifs, mais j'ai vu ce qui se passe dans le mien, et je vous avoue que c'est une chose pénible à voir que cette masse d'électeurs créée à propos des élections communales, non pas pour des questions de parti, pour des questions de clérical ou de libéral, mais parce qu'il y a des questions de personnes en jeu et rien de plus.

Ici encore, je pourrais citer des faits posés par des hommes d'opinions opposées ; mais, en fait, il n'y avait en jeu que des questions de personnes. Ainsi, je vous signalerai ce fait qui s'est passé dans un village de l'arrondissement qui m'a envoyé dans cette Chambre. Vous savez qu'en vertu de la loi communale on doit payer le cens un an d'avance, mais on ne regarde pas si l'on prend la patente au commencement, au milieu ou à la fin de l'année ; du moment que l'on est inscrit, cela suffit. Eh bien, j'ai vu dans ce village inscrire, le 31 décembre, 22 électeurs patentables.

Qu'arrive-t-il ? C'est que ces personnes, payant au dernier moment, au 31 décembre, une patente propre à les faire électeurs, sont naturellement portées sur les listes qui se font au mois d'avril. Certes si, comme le disait l'honorable M. Lelièvre, on révisait les listes au mois de décembre, il en résulterait que ces faux électeurs devraient avoir payé une année de plus, et ce serait quelque chose pour la sincérité des élections. Ce ne serait pas tout, mais ce serait quelque chose ; on pourrait peut-être, par une simple modification à la loi communale, décider que la révision des listes, en ce qui concerne les élections communales, s'opérera dans le mois de décembre de l'année précédente. Je crois, je le répète, que ce système rendrait de la sincérité à des élections qui en manquent souvent, et que nous aurions fait une bonne œuvre.

Je n'insiste pas davantage, messieurs ; si j'avais besoin de citer de nouveaux faits à l'appui de ce que je soutiens, je ne me verrais pas embarrassé d'en prodiguer énormément.

J'espère que M. le ministre de l'intérieur tiendra bonne note de mes observations. Il est intéressé, comme nous tous, à avoir la sincérité dans les élections.

(page 97) MiVDPBµ. - Messieurs, je n'avais pas bien compris la question dont vient de parler l'honorable M. Lambert, et qui, d'après ce qu'il m'apprend, avait déjà été soulevée par M. Lelièvre. Il s'agit de savoir s'il n'y a pas de moyen légal de faire acquitter par les communes les sommes qu'elles sont condamnées à payer par un jugement passé en force de chose jugée. Plusieurs communes ont été condamnées de cette manière, et le gouvernement a épuisé inutilement tous les moyens en son pouvoir pour amener l'exécution de ces jugements.

Lorsqu'il y a des ressources communales, la députation peut inscrire d'office la somme due au budget communal dans la catégorie des dépenses obligatoires, mais là où il n'y a rien, le roi perd son droit, et celui qui a obtenu un jugement perd aussi le sien. Il n'y a en ce cas aucun moyen de forcer une commune à voter des impôts malgré elle. Il faudrait pour cela présenter un projet de loi, et la question est délicate ; il s'agit de savoir si la Constitution permet d'imposer d'office une commune. Le droit de ne pas être imposées malgré elles, est la plus belle garantie des communes.

- Un membre. - Cela ne doit pas aller jusqu'à l'abus.

MiVDPBµ. - Sans doute, mais où est la limite ? On reconnaîtra avec moi qu'elle est extrêmement difficile à tracer d'une manière absolue.

J'avoue avec les honorables MM. Lambert et Lelièvre qu'il est à peine croyable qu'une commune qui a été condamnée puisse pendant 20 ou 30 ans se soustraire au payement de sa dette, mais ce sont là des inconvénients qui résultent de la législation et il est bien difficile de la changer.

Quant à la question de savoir s'il n'y a rien à faire pour assurer la sincérité des élections, surtout en ce qui concerne la formation et la révision des listes électorales, c'est, je le répète, un problème difficile à résoudre. Je veux bien reconnaître qu'il y a quelque chose à faire, et nous examinerons, en temps utile, ce qu'il est possible de faire.

M. Dumortierµ. - La question que vient de soulever l'honorable M. Lambert et dont j'avais parlé dans une séance précédente, est réellement d'une gravité extrême. Comme l'a dit l'honorable député de Philippeville, la falsification des listes électorales dans certaines communes est arrivée aujourd'hui à un degré que je dois nécessairement qualifier de scandale et il est à remarquer que tous les moyens mis en usage jusqu'ici pour porter remède à ce mal, ont été complètement inapplicables.

L'honorable membre, qui a dit d'excellentes choses, voudrait que la révision des listes électorales se fît au mois de décembre. Cela ne changerait rien, car, ainsi que l'a dit un honorable préopinant, il suffirait de déclarer les faux électeurs huit jours plus tôt.

Il n'y a qu'un seul moyen contre cet abus, c'est de supprimer cet impôt au lieu de déclarer, comme on l'a fait autrefois, qu'il ne comptera pas pour former le cens électoral. De quoi s'agit-il ? D'un impôt sur une matière soumise à l'accise ; c'est identiquement la même chose que l'impôt qui existe en France sous le nom de droit de détail. A aucune époque, aucun parlement, aucune cour de cassation, aucune cour d'appel n'a considéré cela comme un impôt direct, et nous ferions un acte de vérité et de justice si nous déclarions, comme on a déclaré en 1838, que l'impôt suite débit des boissons distillées né compte pas dans le cens électoral.

Pour mon compte je préférerais la suppression de l'impôt parce qu'il pèse sur une classe de petits contribuables, parce qu'il frappe aussi lourdement un pauvre débitant que le plus grand banquier de la Belgique. C'est ce qui prouve que ce n'est pas une patente, puisque la patente est calculée sur le bénéfice présumé. C'est donc un impôt spécial, une espèce de capitation imposée aux cabaretiers.

Eh bien, c'est là une injustice que vous devez faire disparaître aussitôt que la situation financière le permettra.

(page 103) M. Lambertµ. - Messieurs, je regrette d'avoir peut-être commis une imprudence. Mon intention n'était pas de provoquer une nouvelle discussion sur l'impôt des débitants de boissons. Tout ce que j'ai dit, c'est que, le 31 décembre, 22 personnes se sont faites électeurs au moyen de la patente. Je n'ai pas cité l'impôt sur les débitants de boissons. La même chose aurait pu se faire au moyen de l'impôt sur les chevaux, au moyen de la patente des marchands de bois ou des marchands de farine.

L'honorable ministre de l'intérieur a répondu en partie, dirai-je, à mes observations en ce qui concerne la position faite aux communes. Il nous a dit : Mais que peut-on faire ? Est-ce que l'autorité administrative peut d'office mettre au budget communal les sommes nécessaires à l'effet de payer les condamnations prononcées ? Où il n'y a rien, le roi perd ses droits.

Cela n'est pas tout à fait exact. Quand il n'y a rien dans une commune et quand il s'agit non pas d'un malheureux plaideur, mais de dépenses communales, on arrive bien à trouver de l'argent. Il y a les centimes additionnels qui servent à remplir les caisses communales quand elles sont vides.

Or, messieurs, n'est-ce pas une dette sacrée que celle qui est reconnue par l'autorité administrative elle-même et qui a reçu la sanction de la justice ?

Sera-t-il permis aux communes de rendre inertes les décisions de l'administration et de la justice quand elles se trouvent en face de leurs créanciers ? Cela ne se peut pas. Il y a quelque chose à faire et j'aime à croire que lorsque M. le ministre de l'intérieur aura examiné mes observations et celles de l'honorable M. Lelièvre, il trouvera moyen d'édicter un texte qui permettra de sortir de la situation dans laquelle on se trouve.

(page 97) M. Dumortierµ. - Je vous assure, messieurs, que quant à moi, je n'ai nullement reproché à l'honorable membre qui se rassied d'avoir fait une imprudence. Il a signalé un fait d'une gravité excessive et que chacun de nous a pu comprendre. Si un reproche d'imprudence lui a été adressé, ce n'est pas par moi, mais par ceux qui veulent conserver l'abus, et ceux-là ne siègent pas sur nos bancs.

Tout le monde sait bien quelles sont les patentes qu'on déclare au 31 décembre.

Le fait signalé par l'honorable membre est très grave. Il est de nature à faire mettre le doigt sur la plaie et peut être à faire crier le malade.

On m'a fait connaître ce matin un fait de cette nature qui est fort grave.

Dans une de nos principales villes, on avait protesté contre 2 ou 3 déclarations semblables.

La députation permanente a voulu s'assurer si les personnes dont il s'agissait tenaient ou non des débits de boissons. On a ordonné une enquête. Le fait a été connu de ceux qui avaient fait leur déclaration et le jour même où l'on devait faire visite chez eux, entraient les bouteilles et les verres formant la base électorale ; le lendemain les bases sortaient, mais il y avait des témoins de l'entrée et de la sortie des bases électorales, et ils sont venus dire à la députation permanente ce qu'ils avaient vu. Dès lors on a fait sortir les électeurs.

Vous venez nous parler de fraudes électorales, vous dites qu'il faut les réprimer, mais la plus grande est là et vous n'en parlez pas.

MfFOµ. - Cette fraude est prévue dans le projet de loi.

M. Dumortierµ. - Je pourrais vous citer telle commune du Brabant, dans laquelle il y avait 80 électeurs ; mais où, par le fait non pas d'opinion cléricale ou libérale, mais de deux opinions individuelles, de deux concurrents qui veulent l'emporter l'un sur l'autre, on a porté le nombre des électeurs à 450, au moyen des débits de boissons. Aujourd'hui on ne peut plus en faire, parce qu'on est arrivé au vote universel. On a épuisé la matière électorale, les pauvres et les mendiants ont été créés électeurs.

Vous connaissez tous de pareils faits, messieurs ; le pays en est rempli. Vous nous parlez de fraudes électorales, vous nous dites qu'il faut les réprimer et quand nous vous parlons de ces faits, vous restez silencieux (page 98) sur vos bancs considérant presque comme un délit les paroles de celui qui les signale à votre attention. Je dis donc que c'est vous qui voulez les fraudes électorales.

M. Delcourµ.— Messieurs, je ne dirai que quelques mots. L'honorable ministre de l'intérieur vient de constater une lacune et une lacune très grande dans la loi communale.

Il est certain que les inconvénients signalés d'abord par l'honorable M. Lelièvre et ensuite par l'honorable M. Lambert sont réels ; personne ne peut les contester. Il est impossible d'admettre que l'autorité communale puisse s'élever au-dessus de l'autorité de la chose jugée. Eh bien, c'est ce qui arrive malheureusement aujourd'hui, lorsque le budget communal est ramené à des proportions telles qu'il suffit à peine pour couvrir les dépenses obligatoires. L'administration est complètement désarmée. La loi présente une lacune à laquelle il est urgent de pourvoir, c'est ce que M. le ministre a reconnu. Je dis, messieurs, qu'il est du devoir du gouvernement de veiller à ce qu'elle soit comblée le plus tôt possible.

Le cas que l'honorable M. Lambert a signalé à la Chambre n'est pas isolé. Il se présente très souvent : je n'exagère pas en disant que dans le cours de ma pratique j'ai été consulté peut-être cinquante fois par des créanciers qui ne savaient plus à qui s'adresser pour obtenir justice.

Je n'ignore pas, messieurs, que la question présente des difficultés sérieuses en présence de l'article 110 de la Constitution. A la première vue, ce texte paraît obscur. Il porte qu'aucune imposition communale ne peut être établie sans le consentement du conseil communal.

Si l'article 110 de la Constitution ne renfermait que ce principe fondamental, je comprendrais les doutes du gouvernement, l'hésitation de la Chambre, car, tous deux désirent conserver à la commune toute son autonomie.

Mais la Constitution a reconnu qu'il peut être nécessaire d'établir des exceptions ; l'article 110 contient la disposition suivante :

« La loi détermine les exceptions dont l'expérience démontrera la nécessité relativement aux impositions provinciales et aux impositions communales.»

Je vous le demande, messieurs, y a-t-il une nécessité mieux constatée que celle qui a été signalée à la Chambre par les honorables préopinants ?

J'engage M. le ministre de l'intérieur à examiner de nouveau la question ; je suis convaincu qu'il n'hésitera plus à présenter un projet de loi pour combler une lacune qu'il est urgent de faire cesser.

Ce n'est pas la première fois, messieurs, que la question est portée devant la Chambre ; la Chambre a eu à s'en occuper à diverses reprises. .

Je pense même...

MfFOµ. - Il y a un projet de loi.

M. Delcourµ. - Oui, c'est ce que je voulais dire, un projet de loi a été déposé.

J'engage M. le ministre de l'intérieur à reprendre ce projet de loi, à le soumettre h un nouvel examen, à nous faire, en un mot, une proposition qui réponde aux besoins de la justice. Le respect de l'autorité de la chose jugée est une des premières nécessités de l'ordre social ; une commune, quelque indépendante qu'elle puisse être, doit être soumise à la décision du pouvoir judiciaire comme le dernier des citoyens.

- La discussion est close.

Discussion du tableau des crédits

Articles 1 à 4

« Art. 1er. Traitement du Ministre : fr. 21,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Traitements des fonctionnaires, employés, gens de service et gens de peine, et frais du comité de législation et d'administration générale : fr. 300,684.

« (Une somme de 10,000 fr. pourra être transférée de l’article 2 à l'article 136, Traitements de disponibilité). »

- Adopté.


« Art. 3. Matériel. Fournitures de bureau, impressions, achats et réparations de meubles, éclairage et chauffage, menues dépenses ; frais de rédaction et de souscription au Bulletin administratif du ministère de l'intérieur ; matériel du bureau de la librairie : fr. 49,400.

« Charge extraordinaire : fr. 2,000. »

- Adopté.


« Art. 4. Frais de route et de séjour, courriers extraordinaires : fr. 4,300. »

- Adopté.

Chapitre II. Pensions et secours

Articles 5 à 8

« Art 5. Pensions. Premier terme des pensions à accorder éventuellement : fr. 6,000. »

- Adopté.


« Art. 6. Subvention à la caisse centrale de prévoyance des secrétaires communaux ; subvention complémentaire à la même caisse, à laquelle les employés des commissariats d'arrondissements sont affiliés : fr. 27,000. »

- Adopté.


« Art. 7. Secours à d'anciens employés belges aux Indes, ou à leurs veuves ; charge extraordinaire : fr. 4,094 66. »

- Adopté.


« Art. 8. Secours à d'anciens fonctionnaires et employés, à des veuves et enfants d'employés qui, sans avoir droit à la pension, ont néanmoins des titres à l'obtention d un secours, à raison de leur position malheureuse : fr. 12,000. »

- Adopté.

Chapitre III. Statistique générale

Articles 9 et 10

« Art. 9. Frais de bureau et jetons de présence de la commission centrale de statistique.—Frais de bureau des commissions provinciales. Vérification des registres de la population : fr. 9,000. »

- Adopté.


« Art. 10. Frais de rédaction et de publication des travaux du bureau de statistique générale, de la commission centrale et des commissions provinciales : fr. 10,000. »

- Adopté.

Chapitre IV. Frais de l’administration dans les provinces

Articles 11 à 13 (province d’Anvers)

« Art. 11. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 12. Traitement des employés et gens de service : fr. 58,500. »

- Adopté.

« Art. 13. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,500. »

- Adopté.

Articles 14 à 16 (province de Brabant)

« Art. 14. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 15. Traitement des employés et gens de service : fr. 73,500 »

- Adopté.

« Art. 16. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,500. »

- Adopté.

Articles 17 à 19 (province de Flandre occidentale)

« Art. 17. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 18. Traitement des employés et gens de service : fr. 64,000. »

- Adopté.

« Art. 19. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,500. »

- Adopté.

Articles 20 à 22 (province de Flandre orientale)

(page 99) « Art. 20. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 21. Traitement des employés et gens de service : fr. 70,000. »

MpVµ. - Le gouvernement propose à cet article une augmentation de 4,800 fr. ; ce qui porte le chiffre à 74,800 fr.

- Ce chiffre est mis aux voix et adopté.


« Art. 22. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,500. »

- Adopté.

Articles 23 à 25 (province de Hainaut)

« Art. 23. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 24. Traitement des employés et gens de service : fr. 73,500. »

- Adopté.

« Art. 25. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,500. »

- Adopté.

Articles 26 à 28 (province de Liège)

« Art. 26. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 27. Traitement des employés et gens de service : fr. 66,000. »

- Adopté.


« Art. 28. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,500. »

- Adopté.

Articles 29 à 31 (province de Limbourg)

« Art. 29. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 30. Traitement des employés et gens de service : fr. 48,000. »

- Adopté.

« Art. 31. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 15,500.

« Charge extraordinaire : fr. 101 43. »

- Adopté.

Articles 32 à 34 (province de Luxembourg)

« Art. 32. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 33. Traitement des employés et gens de service : fr. 48,000. »

- Adopté.

« Art. 34. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 15,500. »

- Adopté.

Articles 35 à 37 (province de Namur)

« Art. 35. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 36. Traitement des employés et gens de service : fr. 54,000. »

- Adopté.

« Art. 37. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 15,500. »

Chapitre V. Frais de l’administration dans les arrondissements

Article 38

« Art. 38. Traitement des commissaires d'arrondissement : fr. 189,550. »

MpVµ. - Le gouvernement avait proposé à cet article une augmentation de 1,300 fr., mais la section centrale n'a pas approuvé cette augmentation ; le gouvernement insiste-t-il ?

MiVDPBµ. - Oui, M. le président.

M. Thonissenµ. - Comme membre de la section centrale qui a examiné le budget de l'intérieur, je. donnerai en peu de mots les motifs de la résolution de cette section. Elle a refusé d'accorder l'augmentation de 1,300 fr. qui devait servir à donner des suppléments de traitement aux commissaires d'arrondissement de Nivelles et de Dinant, par le motif que des augmentations de traitement avaient déjà été accordées en 1864, et que, d'autre part, s'il est vrai qu'il y a dans les arrondissements de Dinant et de Nivelles autant de communes que dans l'arrondissement de Mous, il y a entre les deux premières et la dernière de ces villes une différence considérable quant au loyer des habitations.

MiVDPBµ. - Le gouvernement a demandé, à l'article en discussion, une augmentation de crédit, afin de pouvoir faire passer les commissaires d'arrondissement de Dinant et de Nivelles, de la troisième classe à la deuxième. Un de ces fonctionnaires m'a déclaré qu'il avait toute la peine du monde à faire face à la besogne avec le personnel dont il disposait et qui n'est que de trois employés. En passant à la deuxième classe, ces commissaires auraient droit à un expéditionnaire en plus. L'autre commissaire, qui n'a pas réclamé, se trouva dans le même cas. L'arrondissement de Dinant, dans l'importance des arrondissements du pays, qui est calculée sur le chiffre de la population, le nombre des communes et l'étendue territoriale, occupe le quatrième rang, et l'arrondissement de Nivelles, le huitième ; cependant ces deux arrondissements sont placés dans la troisième classe, tandis que d'autres, moins importants au triple point de vue de la population, de l'étendue et du nombre des communes, sont placés dans la deuxième et même dans la première classe. C'est ainsi que l'arrondissement de Louvain qui figure dans la deuxième classe, et Liège dans la première, n'obtiennent que le n°5.

M. Mullerµ. - Eu égard à la population...

MiVDPBµ. - Dans tous les cas on a égard à la population ; mais on a égard aussi au nombre des communes et à l'étendue territoriale. Or, l'arrondissement de Dinant compte 136 communes et l'arrondissement de Nivelles en a 107. Ce grand nombre de communes occasionne nécessairement une correspondance très considérable et c'est pour ces motifs seuls que j'ai demandé une augmentation de crédit ; il n'y en a pas d'autres.

M. Dumortierµ. - Le classement dont parle M. le ministre de l'intérieur a été fait en effet ; mais quand ? Avant l'époque où la poste rurale était organisée comme elle l'est aujourd'hui. Il était donc rationnel, dans ces conditions, de tenir compte du nombre des communes et de leur éloignement ; mais aujourd'hui que par la poste rurale et par les chemins de fer les relations entre les communes sont devenues tellement faciles et fréquentes que le point de départ du classement adopté autrefois n'existe plus aujourd'hui, et qu'on pourrait même parfaitement supprimer tout à fait les commissariats d'arrondissement que notre ancien collègue feu M. Ch. de Brouckere appelait, très spirituellement et fort justement, de véritables boîtes à lettres.

A une époque où n'existaient point les facilités que la poste rurale et les chemins de fer ont créées, il était naturel qu'il y eût entre le gouvernement et les communes un agent spécial pour leur transmettre ses communications administratives, et il y avait alors des messagers piétons pour faire ce service. Mais depuis longtemps ces messagers piétons ont été supprimés parce que la poste rurale, telle qu'elle est organisée, les a rendus tout à fait inutiles.

L'organisation actuelle des commissariats d'arrondissement remonte à 1842. (Interruption.) C'est sous le ministère de l'honorable M. J.-B. Nothomb qu'elle a été arrêtée. (Interruption.) Au surplus pas plus en 1851 qu'en 1842 la poste rurale n'était organisée comme elle l'est aujourd'hui ; or, c'est précisément l'organisation de ce service qui a modifié de fond en comble la situation sous l'empire de laquelle les commissariats d'arrondissement ont été institués et classés.

Personne ne contestera que la correspondance est proportionnelle à la population, et qu'elle est infiniment plus considérable à Bruxelles et dans les autres chefs-lieux de province que dans une foule d'autres arrondissements.

On me répondra sans doute que la plupart des villes de quelque importance sont soustraites à la tutelle des commissaires d'arrondissement, mais n'y a-t-il pas une foule de villages, beaucoup plus importants que bien des villes, et dont la population s'élève jusqu'au chiffre de 20,000 (page 100) âmes et qui cependant sont soumis à la juridiction des commissaires d'arrondissement ?

D'ailleurs n'est-il pas au moins singulier de voir ranger des commissariats d'arrondissement comme ceux de Nivelles et de Dinant dans la seconde classe, c'est-à-dire immédiatement après un commissariat comme celui de l'arrondissement de Bruxelles.

Nous devons, messieurs, être économes des deniers publics et il me semble que les commissaires d'arrondissement sont déjà suffisamment rétribués à raison du travail qui leur incombe ; car enfin nous ne devons pas oublier qu'ils n'ont aucune attribution aux termes de la loi et que ce ne sont, comme le disait avec raison l'honorable M. de Brouckere, que de véritable boîtes à lettres.

Je pense donc que la section centrale a très sagement agi en refusant l'augmentation sollicitée par le gouvernement, non pas à cause de l'augmentation même, qui est peu importante, mais parce que une fois ce précédent posé, nous verrons bientôt surgir une foule de réclamations par lesquelles d'autres commissaires d'arrondissement prétendront également à des augmentations de traitement, basées aussi sur l'insuffisance du personnel. Or, messieurs, si ce personnel est insuffisant, c'est apparemment qu'il n'est pas bon, et il faut convenir qu'il est par trop étrange d'accorder des augmentations de traitement à des commissaires d'arrondissement, parce que leurs employés sont mauvais ou insuffisants.

M. Vermeireµ. - Messieurs, plusieurs fois déjà à l'occasion de la discussion du budget de l'intérieur je me suis prononcé pour la suppression des commissaires d'arrondissement. Et, en effet, messieurs, ainsi qu'on l'a dit avec beaucoup de justesse, les commissariats d'arrondissement n'ont plus, selon moi, de raison d'être aujourd'hui.

Il est à remarquer, d'abord, que l'institution du commissariat d'arrondissement a pour conséquence de placer certaines communes dans une espèce d'infériorité comparativement à d'autres.

C'est ainsi, par exemple, que dans l'arrondissement de Termonde vous avez la commune de Zele qui a près de 13,000 habitants ; celle de Hamme en compte environ 11,000 et la ville de Termonde en a environ 9,000 ; eh bien, aucune de ces grandes communes ne peut transmettre directement sa correspondance au gouverneur ; elle doit la faire passer par l'intermédiaire du commissaire d'arrondissement.

Et qu'en résulte-t-il, messieurs ? C'est que la plupart du temps la correspondance des communes avec les gouverneurs et réciproquement est copiée deux fois, ce qui constitue un double emploi dans la besogne, occasionnant un double emploi dans le personnel.

Voilà, messieurs, quelle est la position d'une foule de communes, souvent plus importantes que d'autres sous le rapport du commerce et de l'industrie et sans contredit toujours plus importantes sous le rapport de l'agriculture ; elles sont obligées de faire passer leur correspondance par les commissaires d'arrondissement, tandis que les autres sont affranchies de cette tutelle.

Ainsi, messieurs, quand je me demande comment il se fait que l'institution des commissaires d'arrondissement a été maintenue jusqu'à ce jour, il m'est impossible de ne pas m'arrêter à cette pensée, que c'est surtout à raison des services politiques qu'ils rendent au gouvernement dans les élections. Eh bien, je blâme hautement, pour ma part, l'intervention d'agents du gouvernement pour peser sur le corps électoral ; je la blâme surtout quand cette intervention est exigée de la part de fonctionnaires publics qui doivent patronner des candidatures contraires à leurs convictions.

Je me borne pour le moment à ces courtes observations que je termine en exprimant le vœu que le gouvernement veuille bien examiner la question de la suppression des commissaires d'arrondissement.

M. Thonissenµ. - L'honorable ministre de l'intérieur n'a pas répondu à l'argumentation de la section centrale.

Il est question de faire passer de la troisième classe à la seconde les commissaires d'arrondissement de Nivelles et de Dinant.

Il est vrai qu'en thèse générale, le travail des commissaires d'arrondissement est en rapport direct avec le nombre des communes et avec la population du district ; mais ce n'est pas par cette considération que la section centrale s'est laissée guider. Les traitements des fonctionnaires doivent être fixés d'après un double élément ; le premier élément, c'est la rémunération du travail même à effectuer par les titulaires ; le second élément, c'est de fournir à ces fonctionnaires le moyen de vivre convenablement, d'après les exigences de la position qu'ils occupent dans la hiérarchie administrative. La section centrale s'est donc dit : Si le traitement du commissaire d'arrondissement de Mons s'élève à telle somme, ce n'est pas là une raison pour accorder les mêmes traitements aux commissaires d'arrondissement de Nivelles et de Dinant, parce qu'il y a quant aux besoins de la vie matérielle, une différence notable entre Mons, d'une part, Nivelles et Dinant, d'autre part ; en d'autres termes, on a cru que, si la somme allouée à la troisième classe était insuffisante pour rétribuer convenablement le commissaire d'arrondissement de Mons, la même somme était suffisante pour assurer un traitement convenable aux commissaires d'arrondissement de Dinant et de Nivelles, ayant pour résidence des villes bien moins importantes que le chef-lieu du Hainaut.

M. Wasseigeµ. - Messieurs, au point de vue général, je partage les opinions de mes honorables amis, MM. Dumortier et Vermeire ; si nous discutions l'existence des commissaires d'arrondissement, je dirais, comme eux, que c'est une superfétation, la plupart du temps inutile, quand elle n'est pas dangereuse. Je suis aussi d'avis qu'une des occupations principales de ces fonctionnaires, c'est de servir d'agents électoraux au ministère, comme un exemple récent vient de le démontrer à Gand ; comme mes honorables amis, je blâme de toutes mes forces le rôle qu'on leur fait jouer trop souvent.

Mais puisque les commissaires d'arrondissement sont maintenus, je pense qu'il y a lieu de faire passer le commissariat d'arrondissement de Dinant à une classe supérieure, ainsi que le propose M. le ministre de l'intérieur.

Il est positif que le prix de location des maisons n'est pas le seul point de vue auquel on doive envisager le traitement de ces fonctionnaires ; le nombre des communes, l'étendue de l'arrondissement et sa population sont des bases qui doivent aussi entrer en ligne de compte ; or, il faut avouer qu'à cet égard l'arrondissement de Dinant se trouve dans une position exceptionnelle, dont il n'a pas été tenu compte. C'est l'arrondissement du pays qui a le plus grand nombre de communes et qui a la plus grande étendue territoriale ; il faut faire de nombreuses tournées, parcourir de longues distances, il faut examiner quantité de budgets et de comptes, se livrer à une correspondance nombreuse. Il est indubitable qu'à ce point de vue le commissaire de l'arrondissement de Dinant n'a pas le traitement auquel il aurait droit.

Une seule chose m'étonne : c'est que l'honorable ministre s'en soit aperçu si tard et qu'il ait fallu la nomination du commissaire actuel, pour lui ouvrir les yeux sur un acte de justice. Nous n'avons pas attendu, nous représentants de la province de Namur, et pendant que M. de Monge occupait ces fonctions, nous avons réclamé avec instance, à diverses reprises, et par les mêmes arguments que ceux que le gouvernement invoque aujourd'hui, l'augmentation qu'il vient vous proposer aujourd'hui si généreusement et qu'il nous refusait alors d'une façon catégorique. Autre temps, autres mœurs !

M. De Fréµ. - Messieurs, il ne s'agit pas, dans ce débat, de la question de savoir s'il faut, oui ou non, maintenir les commissaires d'arrondissement ; mais je dois déclarer ici que j'ai été à même, dans différentes circonstances, d'apprécier les services signalés que les commissaires d'arrondissement rendent aux administrations communales.

D'abord, il s'agit des communes rurales, où vous ne rencontrez pas toujours les hommes capables que vous trouvez dans les villes et dans les faubourgs ; eh bien, les administrations de ces communes ont souvent besoin de conseils de stimulant, et s'il s'élevait un débat à ce sujet, je pourrais vous citer telle administration rurale qui ne savait comment s'y prendre pour l'application d'une nouvelle loi, et qui s'en est tirée par suite des conseils donnés par le commissaire d'arrondissement.

Un second point, c'est que les communes rurales sont visitées à certaines époques par le commissaire d'arrondissement ; il vient constater si les registres aux délibérations, si les registres de l'état civil sont bien tenus ; si les subsides sont bien employés ; si l'école est bien entretenue ; si la voirie est en bon état ; et la crainte d'être pris en défaut fait que les administrations communales accomplissent leur devoir. Si vous supprimiez les commissaires d'arrondissement, vous n'auriez plus de visites dans les communes rurales, à moins de les remplacer par d'autres fonctionnaires ; car, messieurs, il est impossible que le gouverneur parcoure deux fois par an toutes les communes de sa province.

Il y a un autre point, et ce point est très important : des délibérations sont transmises sur des questions mal élucidées ; le commissaire d'arrondissement les examine et renvoie le dossier à la commune avec ses observations critiques à l'effet de régulariser la procédure ou il envoie à la députation permanente un avis qui rend beaucoup plus facile la besogne de ce collège.

Encore une fois, si vous n'aviez pas un commissaire d'arrondissement pour faire ce travail préparatoire, il faudrait que les conseils provinciaux nommassent de nouveaux employés.

Mon expérience comme bourgmestre me met à même de certifier ce (/page 101) que je viens de déclarer à la Chambre, et je n'interviens dans ce débat que pour rendre témoignage à l'utilité de ces fonctionnaires,

M. Vermeireµ. - Messieurs, j'ai demandé la parole lorsque j'ai entendu l'honorable M. De Fré dire que les commissaires d'arrondissement étaient surtout nécessaires pour aider de leurs conseils et de leurs lumières les administrations des communes rurales.

J'avais donc raison, dans les premières observations que j'ai eu l'honneur de présenter à la Chambre, d'avancer que les communes rurales étaient dans une position d'infériorité à l'égard des villes. Cependant cette infériorité, au point de vue où nous nous plaçons, ne peut exister pour des communes telles que celles de Wetteren, de Zele et de Hamme ; en effet, ces communes ont une population respective de 12,000, de 13,000 et 11,000 habitants. Dans ces communes, personne ne le contestera sans doute, l'instruction est assez générale et assez complète, pour que les administrations communales puissent très facilement se passer d'un commissaire d'arrondissement.

Je vais plus loin, dans les plus petites localités rurales, voire même dans celles où le bourgmestre ne possède pas une instruction suffisante, vous avez aujourd'hui des secrétaires communaux qui ont des connaissances assez étendues pour pouvoir faire convenablement la besogne administrative qui leur incombe ; de manière que, dans ces petites localités, il n'y a plus aujourd'hui de lacunes dans l'administration.

Je voudrais donc, messieurs, que le gouvernement étudiât sérieusement la question de savoir s'il n'y a pas lieu de supprimer les commissaires d'arrondissement qui, à une autre époque, ont pu être nécessaires jusqu'à un certain point, mais aujourd'hui ne sont en tout cas qu'une superfétation.

M. Mullerµ. - Ayant fait assez longtemps partie d'une députation permanente, l'expérience m'a appris, comme à l'honorable M. De Fré, qu'en dehors de toute question politique, c'est-à-dire, au point de vue exclusivement administratif, au point de vue de la bonne gestion des affaires communales, la suppression des commissariats d'arrondissement serait un acte déplorable, et provoquerait la désorganisation de services publics importants. (Interruption.)

Vous pourrez me répondre ; mais, permettez-moi de vous le dire ; lorsque, vous étayant d'une boutade échappée à un des hommes les plus distingués, dont la mort a été unanimement regrettée, vous considérez les commissaires d'arrondissement comme étant des boîtes à lettres, vous ne connaissez pas bien ces fonctionnaires, ni la nature de leur mission.

Il est possible qu'il y ait eu des commissaires d'arrondissement ne remplissant qu'un office postal ; mais c'est à coup sûr une exception, et si ces fonctionnaires ne travaillaient pas, ne venaient pas en aide à une grande partie des administrations communales, dans lesquelles les lumières sont souvent en raison de la population, évidemment la marche des affaires publique et des intérêts administratifs serait entravée. (Interruption.)

Comment, messieurs, vous contestez l'utilité des commissaires d'arrondissement ?

M. Dumortierµ. - Bien certainement.

M. Mullerµ. - Mais contesterez-vous l'utilité, dans l'ordre ecclésiastique, des doyens pour éclairer le clergé, transmettre les instructions et exécuter les ordres des évêques ?

M. Dumortierµ. - C'est une autre affaire.

MpVµ. - M. Dumortier, pas d'interruption.

M. Mullerµ. - Je reconnais, quant à moi, l'utilité des doyens, à ce point de vue, parce qu'un chef doit avoir sous lui des agents prêts à le seconder, à maintenir l'autorité qu'il tient de ses attributions ou de la loi. Et lorsque je vous oppose cet exemple, je le fais très sérieusement.

Quant au point de vue de l'économie, croyez-vous que vous en feriez une par votre suppression ? Pas le moins du monde. Ainsi, quel que soit le système de recrutement que vous adoptiez, évidemment il vous faudra des commissaires de milice, il vous faudra des agents que vous devrez rétribuer.

MM. les commissaires d'arrondissement rendent des services continuels, ils ont un travail de tous les jours. Sur toutes les affaires importantes ils adressent des rapports aux députations permanentes. Si les pièces arrivent au gouvernement provincial sans aucune espèce d'éclaircissement, de rectification, il faudra évidemment refaire souvent toute une instruction ; il faudra, dans un grand nombre de cas, envoyer des commissaires spéciaux dans les communes ; il faudra que le personnel des employés provinciaux soit accru.

On a parlé de l'espèce d'infériorité dans laquelle se trouvent les administrations communales qui ont à passer par l'intermédiaire des commissaires d'arrondissement.

Je ne vois là rien qui puisse blesser leur susceptibilité. Il en est sans doute qui n'ont pas besoin du concours de ces fonctionnaires ; mais, pour le dire en passant, je connais une commune très importante de mon arrondissement, dont l'administration était assez vivement affectée du vote qui avait été émis par la Chambre, et que le Sénat a écarté à la presque unanimité. Et cependant ce vote le dispensait du contrôle des commissaires d'arrondissement ; mais elle se disait qu'elle allait avoir une tâche beaucoup plus lourde à remplir.

Messieurs, je n'ai pris la parole que pour qu'aux yeux de l'opinion publique, il ne soit pas constaté que le désir, unanime ou général, de cette Chambre, tendrait à la suppression des commissaires d'arrondissement. Des orateurs de la droite s'étant levés pour la demander, il n'était pas inopportun que des membres de la gauche leur répondissent.

MiVDPBµ. - Il serait parfaitement inutile de discuter, je pense, en ce moment, de nouveau la question de supprimer les commissaires d'arrondissement, la Chambre voudra bien se rappeler que, l'année dernière, cette question a été sérieusement et longuement examinée et qu'il y a eu un vote. La Chambre a adopté la suppression de quelques commissaires. La discussion s'est ouverte devant le Sénat, et le Sénat n'a pas été de l'avis de la Chambre.

II me semble, messieurs, qu'une question qui a été l'objet d'une discussion aussi longue, aussi approfondie et aussi récente ne doit pas se renouveler tous les ans et qu'il est peu convenable, passez-moi le mot, de remettre en question, à toute occasion, l'existence de fonctionnaires honorables qui rendent de très grands services au pays et dont, dans mon opinion, l'on ne pourrait se passer, On ne pourrait pas plus se passer des commissaires d'arrondissement que de certains autres intermédiaires entre le gouvernement provincial et les communes.

Il est donc hors de raison de renouveler le débat qui, du reste, ne peut pas aboutir en ce moment. Il ne s'agit aujourd'hui que d'examiner s'il y a lieu d'élever d'une classe deux commissariats d'arrondissement. Je vous donne les motifs pour lesquels je crois que ce serait un acte de justice.

Un de ces commissaires a réclamé. Il m'a déclaré, je le répète, que son personnel ne suffit plus à la besogne.

Je dis qu'il y a à cela un acte de justice à poser, parce que, dans le tableau de classement fait, non, en 1845, comme l'a dit l'honorable M. Dumortier, mais en 1849 et appliqué en 1850, je pense, l'arrondissement de Dinant occupe le quatrième rang et l'arrondissement de Nivelles le huitième ; or, l'on est allé jusqu'au n°11, et, sans doute, deux y compris Tournay, ont été classés dans la première ou dans la deuxième catégorie ; les commissariats de Nivelles et de Dinant ont été placés dans une condition d'infériorité je ne sais trop pourquoi.

L'honorable M. Wasseige dit : J'ai souvent réclamé cette faveur, et je ne l'ai pas obtenue. Je déclare que je n'ai pas souvenance, depuis que j'ai l'honneur de siéger sur ce banc, d'avoir entendu faire cette demande. Elle a pu être faite antérieurement ; mais non depuis que je suis ministre. Il me semble, en tous cas, qu'il n'est jamais trop tard pour bien faire, et l'honorable M. Wasseige l'a reconnu, puisqu'il a déclaré qu'il voterait l'augmentation.

M. Jacobsµ. - Je n'ai pas l'intention de mettre en question l'existence de tous les commissaires d'arrondissement, dont je ne conçois cependant pas la très grande utilité, peut-être parce que je n'ai pas été membre de l'administration d'une commune rurale ou d'une députation permanente. Mais, puisqu'on a signalé au gouvernement plusieurs questions à étudier, il y a, à cet égard, une observation que je désire lui soumettre.

Je me demande à quel point les commissaires d'arrondissement des chefs-lieux de province sont utiles. En France, où il y a une organisation gouvernementale puissante, il n'y a pas de sous-préfets dans les préfectures.

Je conçois que certains travaux doivent nécessairement se faire. Mais ne serait-il pas possible d'avoir, à chaque gouvernement provincial, un chef de bureau ou un chef de division faisant l'office de commissaire d'arrondissement ? Cela aurait l'immense avantage d'éviter de nombreuses écritures, et cela pour envoyer une lettre de telle rue d'une ville dans une (page 102) autre rue de cette même ville. Si l'on concentrait dans une seule administration, comme cela se fait en France, le service du commissaire d'arrondissement de chef-lieu de province et le service du gouverneur, il y aurait une économie notable d'écritures.

Je signale ce point à l'honorable ministre de l'intérieur.

MiVDPBµ. - Cette question a été examinée plusieurs fois et l'on a reconnu que le chef de bureau dont parle l'honorable M. Jacobs, serait en fait un commissaire d'arrondissement. Il n'y aurait que le nom de changé.

M. Jacobsµ. - Et les écritures ? Les envois de pièces du commissariat d'arrondissement au gouverneur et réciproquement ?

MiVDPBµ. - Il y aurait peut-être une légère économie de temps, mais pour la milice, pour les inspections, le chef de bureau devrait faire exactement le. même travail que le commissaire d'arrondissement.

On ne peut comparer nos commissaires d'arrondissement aux sous-préfets de France ; il y a à cet égard une très grande différence : le sous-préfet a une juridiction sur la ville même qui est chef-lieu de son ressort, tandis que le commissaire d'arrondissement n'en a plus.

Ce serait donc rompre l'uniformité sans obtenir de grands avantages.

Cette question, je le répète, a été longuement examinée. Au Sénat aussi, si je me rappelle bien, il en a été question l'année dernière et la question a été résolue, dans un sens contraire à celui qu'indique l'honorable M. Jacobs.

M. Moncheurµ. - J'ai demandé la parole lorsque M. le ministre de l'intérieur a dit que jusqu'à présent on n'avait pas réclamé contre le classement actuel du commissariat d'arrondissement de Dinant. Je vais vous prouver, messieurs, qu'il y a longtemps que j'ai fait, entendre cette réclamation dans cette assemblée.

Je me rappelle parfaitement ce qui s'est passé ici en 1849, lorsqu'il s'est agi de la classification des commissariats d'arrondissement. Je viens d'ailleurs de rafraîchir ma mémoire en recourant aux Annales parlementaires. J'y retrouve le discours que j'ai prononcé dans la séance du 9 février 1849 et dans lequel je présentai à peu près les mêmes considérations que fait valoir, aujourd'hui,, l'honorable ministre de l'intérieur pour élever d'une classe le commissariat d'arrondissement de Dinant.

Je disais alors que puisque, par l'application des trois bases adoptées par le gouvernement pour la classification des commissaires d'arrondissement, celui de Dinant obtenait le quatrième rang, il fallait lui conserver ce rang au lieu de le reléguer au onzième rang, comme on l'a fait arbitrairement à cette époque.

Messieurs, aujourd'hui sur ce point la discussion a déjà duré assez longtemps, mais si vous voulez bien me le permettre, je vous donnerai cependant lecture de quelques-unes des paroles que je prononçai dans la séance du 9 février 1849.

« Puisque l'on a admis, disais-je, pour le classement des commissariats d'arrondissement trois bases qui sont celles de la population totale de l'arrondissement, du nombre de ses communes et de l'étendue de son territoire, on aurait dû y être fidèle ; mais on ne l'a pas été. Je remarque, par exemple, que Dinant, qui obtient le quatrième rang, d'après ces bases, est placé au onzième rang. Je n'appartiens en rien à l'arrondissement de Dinant et M. le commissaire de cet arrondissement ne m'a ni directement ni indirectement manifesté le désir que je prisse la défense de son arrondissement en cette circonstance : si je fais à la Chambre cette observation, c'est qu'elle est chez moi le résultat d'une conviction sincère. »

Voilà donc, messieurs, comment dès 1849 je réclamais contre le classement de l'arrondissement de Dinant.

MaeRµ. - Ce sont là des choses déjà anciennes.

M. Moncheurµ. - Sans doute ; elles datent de 17 à 18 ans, mais, messieurs, si je fais cette petite revue rétrospective, c'est que j'y ai, en quelque sorte, été convié par l'honorable ministre de l'intérieur, lorsqu'il a dit que jusqu'à présent personne n'avait réclamé contre le rang assigné au commissariat de Dinant.

M. Bouvierµ. - Il n'était pas né en 1849 !

M. Moncheurµ. - Vous vous trompez, M. Bouvier, l'honorable M. Vandenpeereboom est né, en même temps que moi, à la vie parlementaire en 1848.

A cette époque, lorsque l'honorable ministre actuel de l'intérieur et un grand nombre d'autres membres dont je faisais partie, sommes entrés dans cette Chambre, après la dissolution amenée par la loi sur les incompatibilités. L’on n'avait qu'un seul mot à la bouche, c'était le mot « économie », dans toutes les administrations.

Or, au point de vue des administrations provinciales, le gouvernement proposa de réduire à 4 le nombre des membres des députations permanentes ; je m'opposai, pour ma part, à ce projet qui fut rejeté. D'un autre côté, beaucoup de membres de la Chambre proposèrent la suppression des commissaires d'arrondissement. Je m'opposai encore à cette suppression. J'avais rempli pendant longtemps les fonctions de membre de la députation permanente, et je reconnaissais l'utilité, la nécessité même de ces fonctionnaires, surtout dans les conditions administratives où le pays se trouvait alors ; je les crois encore relativement utiles ; mais j'avoue que depuis 18 ans plusieurs faits considérables se sont produits qui ont changé les conditions administratives dont je parlais à l'instant, et qui, par conséquent, ont dû modifier mon opinion sur la nécessité absolue du maintien des commissaires d'arrondissement.

Certes, je ne dirai pas qu'il faille supprimer d'emblée tous les commissaires d'arrondissement, mais je dis que, dans mon opinion, plusieurs faits considérables et surtout deux faits que je vais citer, rendent, à mes yeux, leur suppression plus ou moins possible graduellement et dans un avenir prochain. Le premier de ces fails, c'est l'ouverture d'une quantité énorme de voies de communication qui n'existaient pas il y a vingt ans et qui donnent aux membres des administrations communales et aux administrés eux-mêmes de très grandes facilités pour se rendre aux chefs-lieux des provinces. L'autre fait, c'est la forte organisation de services spéciaux dans les arrondissements et dans les provinces ; vous comprenez, messieurs, que je veux parler surtout des services spéciaux créés pour l'inspection de l'enseignement primaire et pour la voirie vicinale. J'ajouterai celui des architectes provinciaux.

Il est bien certain qu'aujourd'hui, dans un très grand nombre de cas, les rapports des fonctionnaires appartenant à ces services spéciaux forment double emploi avec ceux des commissaires d'arrondissement, et que, dans leur spécialité, ils ont même plus d'autorité que ces derniers rapports.

L'honorable M. Muller disait tout à l'heure qu'il est très précieux pour les députations permanentes de se trouver en présence d'un rapport d'un fonctionnaire tel que le commissaire d'arrondissement, rapport qui leur donne tous les renseignements nécessaires sur les questions que ces corps ont à décider. Eh bien, messieurs, les députations possèdent aujourd'hui de semblables rapports qui émanent des chefs des services spéciaux que des lois, des arrêtés ou des règlements ont organisés partout.

L'utilité des commissaires d'arrondissement est donc beaucoup amoindrie depuis l'époque déjà éloignée à laquelle je me reportais tout à l'heure. D'un autre côté, il faut bien reconnaître que l'intervention obligée des commissaires d'arrondissement apporte très souvent beaucoup de retard dans la prompte expédition des affaires. C'est là un grave inconvénient.

Je me résume, messieurs, et je dis : Vous pouvez agiter la question du maintien ou de la suppression des commissariats d'arrondissement, mais aussi longtemps qu'ils seront maintenus, il faut que la justice préside à leur classement ; or, depuis 1849 on a infligé grief à l'arrondissement de Dinant en ne lui donnant pas le rang qui lui est acquis par l'application des bases admises pour le classement. Je voterai donc pour la proposition du gouvernement, qui n'est qu'une réparation tardive.

- Le chiffre de 190,850 fr., proposé par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.