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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 7 décembre 1866

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)

(Président de M. E. Vandenpeereboomµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 113) M. de Moor, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Thienpont, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moorµ présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Scaron demande que les traitements des secrétaires des parquets soient portés au taux de ceux des commis greffiers attachés aux cours et tribunaux respectifs. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de la justice.


« Des distillateurs agricoles et cultivateurs de la Flandre orientale prient la Chambre de ne pas donner suite à la pétition des distillateurs de première classe. »

M. de Macarµ. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission permanente d'industrie. Je me permets d'appeler l'attention sur l'intérêt que présente cette pétition au point de vue de l'industrie agricole tout entière.

M. de Naeyerµ. - J'appuie la proposition de l'honorable M. de Macar.

M. Van Cromphautµ. - Et moi aussi.

- Le renvoi proposé est ordonné.


« Le sieur Delanier fait hommage à la Chambre de ses recueils des dispositions prescrites par les règlements concernant les troupes en marche et le casernement et le logement des hommes et des chevaux. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« M. de Kerkhove, retenu par des affaires urgentes, demande un congé. »

- Accordé.

Motion d’ordre

M. Anspachµ. - Messieurs, dans la séance d'hier, l'honorable M. Delaet a avancé, d'une manière dubitative il est vrai, qu'il se serait produit dans la journée d'avant-hier, trois cas de choléra dans la rue de Brabant.

Comme il avait parlé d'une manière générale de l'agglomération bruxelloise, j'avais immédiatement protesté ; mais je ne pouvais être aussi affirmatif dans ma dénégation lorsqu'il s'agissait de communes suburbaines.

Vous comprenez cependant, messieurs, combien il était important que la vérification de l'exactitude de cette assertion fût immédiatement entreprise, car les paroles de l'honorable M. Delaet, et je m'en suis aperçu dans la matinée de ce jour, avaient jeté de nouveau l'inquiétude dans la population.

Il était donc désirable de savoir exactement à quoi s'en tenir. Je n'ai pas perdu un instant, et dès hier, un officier de la police s'est livré à une enquête près des autorités communales de Saint-Josse-ten-Noode et de Schaerbeek, la rue de Brabant se trouvant sur les deux communes, et j'ai reçu le rapport suivant :

« Il n'y a plus de cas de choléra à Schaerbeek depuis le 5 octobre dernier et à Saint-Josse-ten-Noode, depuis le 8 du même mois. Les commissaires de police de ces communes n'ont aucune connaissance des cas de choléra signales par l'honorable M. Delaet à la Chambre.

Cependant, messieurs, cette démonstration n'était pas encore assez complète pour moi, parce que, je le sais d'expérience personnelle, il arrive parfois que, si des cas de choléra se manifestent dans des familles aisées, la police n'en est avertie que quelques jours après, soit que le médecin traitant ait négligé de faire la déclaration à l'autorité communale ou à la commission médicale, soit qu'il ait trouvé opportun, dans l'intérêt même de la tranquillité des familles et du voisinage, de ne pas donner de suite son vrai nom à l'affection qui s'est déclarée.

Je dois à l'obligeance de l'honorable M. Delaet' de connaître la personne qui lui a donné ces renseignements.

J'ai fait prendre des informations dans sa famille, et les renseignements que j'ai obtenus, joints à ceux que j'ai fait prendre dans la localité même, me démontrent de la manière la plus formelle que les paroles de l'honorable M. Delaet étaient contraires à la réalité des faits.

Ce qui est la vérité, messieurs, c'est que, depuis la première quinzaine du mois dernier, il n'y a plus eu un seul cas de choléra dans l'agglomération bruxelloise tout entière.

Quant à la ville de Bruxelles proprement dite, j'ai envoyé mon dernier bulletin à M. le ministre de l'intérieur le 4 du mois dernier.

M. Delaetµ. - Je n'aurais pas pris la parole, n'était la fin des explications données par M. Anspach. L'honorable membre m'a demandé hier de qui je tenais mes renseignements, je me suis empressé de le lui dire. Il n'y avait rien d'indiscret à cela, ces renseignements m'ayant été donnés en présence de mon honorable collègue et ami M. Royer de Behr, par un homme qui tient au corps médical. Je pouvais donc attribuer à ces renseignements un peu plus d'autorité que s'ils m'avaient été transmis comme un simple bruit de ville et de voisinage. Je n'ai pas assuré que le choléra fût revenu à Bruxelles, j'ai malheureusement dû assurer qu'il s'était reproduit à Anvers, mais j'ai dit que, si mes renseignements étaient exacts, déjà des cas nouveaux s'étaient produits dans l'agglomération bruxelloise. Je suis heureux d'apprendre qu'il n'en est rien et j'espère que la Providence voudra bien préserver la capitale et le reste du pays de tout retour du fléau.

Projet de loi autorisant les personnes pensionnées à résider à l’étranger

Rapport de la section centrale

M. Thonissenµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale sur le projet de loi qui accorde aux personnes pensionnées la faculté de résider à l'étranger sans l'autorisation du gouvernement.

Projet de loi portant le budget des dotations de l’exercice 1867

Rapport de la section centrale

M. de Naeyerµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale sur le budget des dotations.

Projet de loi approuvant l’acte d’accesison du grand-duché de Saxe-Weimar à la convention littéraire et artistique conclue, le 28 mars 1863, entre la Belgique et la Prusse

Rapport de la section centrale

M. Hagemansµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale sur le projet qui approuve l'acte d'accession du grand-duché de Saxe-Weimar à la convention conclue, le 28 mars 1863, entre la Belgique et la Prusse.

Projet de loi portant le budget du ministère des affaires étrangères de l’exercice 1867

Rapport de la section centrale

Projet de loi approuvant le traité de commerce et de navigation entre la Belgique et le Japon

Rapport de la section centrale

M. Van Iseghemµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau les rapports de la section centrale. 1° sur le budget des affaires étrangères pour l'exercice 1867, 2° sur le projet de loi qui approuve le traité de commerce et de navigation entre la Belgique et le Japon.

- Ces rapports seront imprimés et distribués, et les projets qu'ils concernent mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l'exercice 1867

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XV. Instruction publique. Enseignement supérieur

Article 74

« Art. 74. Dépenses du conseil de perfectionnement de l'enseignement supérieur : fr. 4,000. »

- Adopté.

Article 75

« Art. 75. Traitements des fonctionnaires et employés des deux universités de l'Etat : fr. 751,950. »

MpVµ. - Il y a à ce paragraphe une augmentation de 700 fr. proposée par le gouvernement et consentie par la section centrale, en sorte que le chiffre serait porté à fr. 759,650.

M. Maghermanµ. - Je crois devoir appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la question de savoir s'il ne serait pas possible de supprimer l'école vétérinaire et d'annexer des cours de médecine vétérinaire à l'une des universités de l'Etat.

(page 114) Il résulterait de cette suppression une grande économie. A mon avis, elle serait possible, puisque plusieurs branches de l'instruction vétérinaire et de la médecine sont communes. Il suffirait donc d'adjoindre à l'une des universités d'Etat quelques professeurs chargés de l'enseignement de quelques branches spéciales de l'instruction vétérinaire ; il en résulterait une économie notable pour l'Etat.

On m'objectera peut-être qu'il en coûterait un peu plus aux élèves vétérinaires, puisqu'ils ne seraient plus, comme aujourd'hui, hébergés en quelque sorte gratuitement dans l'établissement de l'Etat.

Mais à certains points de vue, il n'y aurait aucun inconvénient à ce que le personnel des vétérinaires fût moins nombreux. Nous sommes saisis de plaintes du corps des artistes vétérinaires, dont il résulte qu'il y a un excédant de praticiens vétérinaires très considérable au delà des besoins des populations : l'encombrement des carrières est un inconvénient qu'il est bon d'éviter. Du reste, le droit d'inscription pour suivre les cours universitaires pourrait être considérablement réduit en faveur des élèves vétérinaires.

D'un autre côté, les bâtiments de l'école vétérinaire ont acquis aujourd'hui une valeur considérable et il est certain qu'on en retirerait un produit très important si on les aliénait. La proximité de la nouvelle station du Midi donne actuellement une grande valeur à rétablissement de Cureghem.

Je prie M. le ministre de l'intérieur d'examiner mûrement cette question.

M. Thonissenµ. - Cette demande a été agitée en section centrale et repoussée à l'unanimité ; à mon avis, elle ne pouvait avoir un autre sort.

Il est vrai qu'aujourd'hui il y a surabondance de médecins vétérinaires ; mais il est évident que l'adoption de la proposition de l'honorable M. Magherman aurait pour conséquence, au bout de quelques années, de produire une disette presque complète de vétérinaires capables.

S'il y a surabondance aujourd'hui, rien n'est plus facile que d'y porter remède ; il suffit que le gouvernement se montre plus sobre dans l'admission annuelle des élèves.

Il est incontestable pour moi, que, si les élèves vétérinaires devaient fréquenter une université, ils s'empresseraient tous de se rendre aux cours de la faculté de médecine, pour devenir médecins au lieu de vétérinaires.

On a fait des investigations sur l’état de fortune des élèves vétérinaires et on a constaté que tous, sauf quatre, se trouvaient dans l'impossibilité absolue de faire leurs études sans l'assistance très abondante de l'Etat. Je répète que vouloir forcer ces jeunes gens à fréquenter les cours d'une université, c'est exclure les uns et conduire les autres au doctorat en médecine.

Cette proposition ne me semble donc pas pouvoir être accueillie.

M. Maghermanµ. - Je dois faire remarquer à la Chambre que je n'ai fait aucune proposition. Je me suis borné à appeler l'attention de M. le ministre sur cette question, à lui demander s'il l'avait examinée et s'il croyait à la possibilité de réunir l'enseignement vétérinaire à l'une des universités de l'Etat.

MiVDPBµ. - Je crois avoir fait connaître, l'année dernière, à la Chambre que cette question avait fait l'objet d'une enquête approfondie. Il est résulté de cette enquête que, contrairement à mon opinion personnelle, il ne serait pas possible d'annexer l'école vétérinaire à l'une des universités de l'Etat.

L'honorable M. Thonissen a indiqué déjà plusieurs des motifs qui, dit-on, empochent cette annexion. On en allègue d'autres encore, on a dit que la plupart des élèves qui fréquentent l'école vétérinaire appartiennent à des classes peu aisées de la société et qu'il est indispensable qu'ils puissent trouver dans un internat une vie commune plus économique que celle qu'ils trouveraient dans une ville d'université et s'ils habitaient chez le bourgeois.

Si l'honorable M. Magherman m'avait fait l'honneur de me parler hier de cette question, comme je m'attendais à avoir une discussion sur cet objet, j'avais apporté toutes les pièces de l'enquête, j'aurais donc pu donner des détails et communiquer les pièces de l'enquête.

Je dois dire cependant que les résultats de cette enquête ne m'ont pas pleinement convaincu ; je n'ai pas pris de décision jusqu'ici. J'ai voulu examiner l'affaire à loisir. Mais tout en reconnaissant que l'enquête a produit des objections sérieuses contre l'adjonction de l'école vétérinaire à l'une des deux universités, je répète que ma conviction est loin d'être entière sur le point de savoir s'il faut conserver l'école vétérinaire comme établissement distinct, et surtout la conserver à Cureghem.

- La discussion est close.

L'article 75 est mis aux voix et adopté.

Article 76

« Art. 76. Bourses. Matériel des universités : fr. 143,710 »

M. Mullerµ. - Messieurs, à propos du paragraphe a de l'article 70, je désire soumettre quelques observations à la Chambre et au gouvernement ; elles sont relatives à quelques articles de la loi du 1er mai 1857, qui est, selon moi, tout à fait insuffisant pour les libéralités qu'il confère. Voici comment ces articles sont conçus :

« Art. 42. Six bourses de 1,000 fr. par an peuvent être décernées annuellement par le gouvernement, sur la proposition des jurys d'examen, à des Belges qui ont obtenu le grade de docteur avec la plus grande distinction, pour les aider à visiter des établissements étrangers. »

Les articles 43 et 44 sont relatifs aux mêmes bourses ; ils sont ainsi conçus :

« Art. 43 Ces bourses sont données pour deux ans et réparties de la manière suivante : Deux pour des docteurs en droit et en philosophie et lettres, et quatre pour les docteurs en sciences et en médecine.

« Art. 44. Celles qui n'ont point été conférées une année peuvent l'être l'année suivante. »

Je pense que le nombre de ces bourses, limité à 6 pour les quatre universités que la Belgique possède, est tout à fait insuffisant et que le régime actuel entraîne des inconvénients très graves. Permettez-moi de vous signaler ce qui s'est passé pour la dernière collation des bourses de voyage.

Si j'ai bonne mémoire, il y a eu cette année seize postulants remplissant toutes les conditions prescrites par l'article 42 de la loi du 1er mai 1857, c'est-à-dire ayant obtenu le grade de docteur avec la plus grande distinction.

Or, messieurs, d'après cet article, six bourses seulement peuvent être conférées, deux pour les docteurs en philosophie et en droit, et quatre pour les docteurs en sciences et en médecine.

Le jeune homme qui se trouve dans les conditions requises par la loi a la conviction qu'en sollicitant une bourse il l'obtiendra, et à cet égard il y a eu des désappointements et des mécomptes extrêmement préjudiciables.

C'est ainsi, messieurs, que pour conférer ces bourses on a dû se préoccuper, non seulement du grade obtenu avec la plus grande distinction à l'examen de docteur, mais encore des grades obtenus dans les examens préparatoires ; et M. le ministre de l'intérieur, je ne puis l'en blâmer, a fait conférer les bourses à ceux des postulants qui avaient obtenu le plus de fois la plus grande distinction dans leurs épreuves successives.

Mais il est arrivé, de cette manière, que les bourses ont été données à une destination de droit, de philosophie et lettres, de sciences ou de médecine au détriment du système de répartition établi par la loi, et cela parce qu'il y avait plus de preuves de mérite de la part des pétitionnaires d'une catégorie que de la part des autres, en remontant aux années antérieures.

Je ne propose pas de changement au budget parce que je doute qu'il soit régulier de remplacer par une disposition budgétaire un article qui fait partie d'une loi qui a en quelque sorte un caractère d'organisation. Mais j'appelle la plus sérieuse attention du gouvernement et de la Chambre sur l'insuffisance du nombre des bourses qui sont conférées par l'article 42. Il évident que, pour toute la Belgique, six bourses, c'est absolument trop parcimonieux. Je livre ces observations à l'appréciation de la Chambre.

M. Delcourµ. - Messieurs, la lacune que vient de signaler l'honorable M. Muller est réelle. Chaque année, à chaque session, les jurys d'examen rencontrent les plus grandes difficultés, lorsqu'ils sont appelés à donner leur avis sur le mérite des récipiendaires. Non seulement il y a beaucoup de jeunes gens qui ne peuvent pas obtenir la faveur qu'ils ont méritée, après avoir fait les plus brillantes études, mais il y a une autre lacune que je me fais un devoir de signaler à la Chambre.

La loi de 1849 a organisé en Belgique le grade spécial de docteur en sciences politiques et administratives. Eh bien, messieurs, aujourd'hui les docteurs en sciences politiques et administratives ne sont pas admis à jouir de cette faveur.

Plusieurs demandes ont été adressées au gouvernement pour obtenir des bourses de voyage, par des jeunes gens les plus méritants. Le gouvernement, lié par les dispositions de la loi, n'a pas pu y faire droit. La (page 115) préférence est toujours accordée aux docteurs en droit. J'étendrai donc le cercle des observations présentées par l'honorable M. Muller, et je demanderai à M. le ministre, lorsqu'il aura une proposition à nous faire, de bien vouloir comprendre dans cette proposition les docteurs en sciences politiques et administratives. Je crois que ce serait un service réel rendu à la science et aux bonnes études.

MiVDPBµ. - Comme vient de le dire l'honorable M. Muller, il serait, je pense, peu régulier de modifier, à l'occasion du budget, une loi organique, la loi sur l'enseignement supérieur. Il ne peut donc être question pour le moment de changer le chiffre porté au budget en exécution de cette loi.

J'ai demandé la parole non pour défendre le crédit, mais pour répondre aux deux honorables orateurs qui ont parlé avant moi.

Messieurs, si les jurys éprouvent une certaine difficulté à faire un choix, quand il s'agit de faire des propositions au gouvernement pour l'obtention des bourses de voyage, parfois le ministre de l'intérieur n'éprouve pas moins d'embarras lorsqu'il doit choisir entre tous les jeunes gens proposés.

Pour éviter toute espèce d'arbitraire en cette matière fort délicate, je me suis tracé une règle invariable, et que je suis imperturbablement. On commence par porter, sur la liste des propositions, tous les jeunes gens qui sont dans les conditions voulues pour obtenir une bourse, c'est-à-dire tous ceux qui ont passé leurs deux derniers examens avec la plus grande distinction.

Puis je remonte aux examens antérieurs et si je reconnais qu'un d'eux a passé son examen de candidat, ses premiers examens avec la plus grande distinction, c'est à lui que je confère la bourse. En d'autres termes, le candidat qui a toujours eu la préférence est celui qui dans le courant de ses études universitaires a obtenu le plus grand nombre de grades à ses divers examens.

Je n'ai dévié de cette règle pour personne, sans avoir égard à aucune recommandation. Je crois qu'il n'était pas possible d'en adopter une autre. L'honorable M. Muller a bien voulu le reconnaître.

Quant à la dernière question soulevée par l'honorable M. Delcour, celle de savoir s'il faut tenir compte du grade de docteur en sciences politiques et administratives, cette question devra être examinée dans la discussion du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur ou faire l'objet d'une disposition spéciale.

- Le chiffre de 143,710 fr. est mis aux voix et adopté.

Articles 77 à 79

« Art. 77. Frais de route et de séjour, indemnités de séance des membres des jurys d'examen pour les grades académiques, pour le titre de gradué en lettres et pour le grade de professeur agrégé de l'enseignement moyen de l'un et de l'autre degré, et pour le diplôme de capacité relatif à l'enseignement de la langue flamande, de la langue allemande et de la langue anglaise, et pour le diplôme de capacité à délivrer aux élèves de la première commerciale et industrielle des athénées ; salaire des huissiers des jurys, et matériel : fr. 185,000. »

- Adopté.


« Art. 78. Dépenses du concours universitaire. Frais de publication et d'impression des Annales des universités de Belgique : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Art. 79. Subsides pour encourager la publication des travaux des membres du corps professoral universitaire et pour subvenir aux frais des missions ayant principalement pour objet l'intérêt de cet enseignement : fr. 12,000. »

- Adopté.

Chapitre XVI. Enseignement moyen

Articles 80 à 94

« Art. 80. Dépenses du conseil de perfectionnement de l'enseignement moyen : fr. 5,000. »

- Adopté.


« Art. 81. Inspection des établissements d'instruction moyenne. (Personnel.) : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Art. 82. Frais de tournées et autres dépenses de l'inspection des établissements d'instruction moyenne : fr. 9,000 »

- Adopté.


« Art. 83. Frais ci bourses de l'enseignement normal pédagogique, destiné à former des professeurs pour les établissements d'instruction moyenne du degré supérieur et du degré inférieur ; subsides pour aider les élèves les plus distingués de l'enseignement normal du degré supérieur qui ont terminé leurs études, à fréquenter des établissements pédagogiques étrangers ; acquisition, en six années, du local de l'école normale des humanités, quatrième annuité : fr. 86,928.

« Charge extraordinaire : fr. 19,387 80. »

- Adopté.


« Art. 84. Crédits ordinaires et supplémentaires des athénées royaux ; augmentation de traitement aux professeurs de flamand, d'allemand et d'anglais, dans les athénées royaux, par application des arrêtés royaux des 27 et 28 janvier 1863 : fr. 415,478. »

- Adopté.


« Art. 85. Part afférente au personnel des athénées royaux dans le crédit voté par la loi du 8 avril 1857, en faveur des employés de l'Etat dont le traitement est inférieur à 1,600 francs : fr. 2,800. »

- Adopté.


« Art. 86. Crédits ordinaires et supplémentaires des écoles moyennes : fr. 335,500. »

- Adopté.


« Art 87. Part afférente au personnel des écoles moyennes dans le crédit voté par la loi du 8 avril 1857, en faveur des employés de l'Etat dont le traitement est inférieur à 1,600 francs : fr. 50,000. »

- Adopté.


« Art. 88. Bourses à des élèves des écoles moyennes : fr. 15,000. »

- Adopté.


« Art. 89. Subsides a des établissements communaux ou provinciaux d'instruction moyenne : fr. 176,500. »

MpVµ. - Il y a une augmentation de 5,500 fr. à cet article, demandée par le gouvernement et consentie par la section centrale. Le chiffre serait donc porté à 182,000 fr.

- L'article, ainsi modifié, est adopté.


« Art. 90. Frais du concours général entre les établissements d'instruction moyenne : fr. 25,000. »

- Adopté.


« Art. 91. Indemnités aux professeurs de l'enseignement moyen du premier et du deuxième degré qui sont sans emploi ; charge extraordinaire : fr. 9,700. »

- Adopté.


« Art. 92. Traitements de disponibilité : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Art. 93. Encouragements pour la publication d'ouvrages classiques ; subsides, souscriptions, achats, etc. : fr. 8,000. »

- Adopté.


« Art. 94. Frais de rédaction du cinquième rapport triennal sur l'état de l'enseignement moyen, fourniture d'exemplaires de ce rapport pour le service de l'administration centrale. (Article 40 de la loi du 1er juin 1850, sur l'enseignement moyen) ; charge extraordinaire : fr. 10,000. »

- Adopté.

Chapitre XVII. Enseignement primaire

M. Wasseigeµ. - Messieurs, lorsque, au dernier jour de la session dernière, s'ouvrait la discussion sur le projet de loi qui était destiné à permettre au gouvernement d'ériger de nouvelles écoles normales, l'honorable ministre de l'intérieur, pour excuser cette discussion tardive, nous disait qu'il serait toujours permis d'y revenir lorsque, en exécution de la loi, il présenterait, dans son budget de 1867, le chiffre nécessaire pour ériger ces écoles.

Je me rends aujourd'hui à l'invitation de l'honorable ministre et je viens compléter les observations qu'il m'avait été impossible de présenter alors contre le projet de loi eu discussion.

MiVDPB. - Aucun chiffre n'est proposé pour des écoles normales nouvelles. Un crédit spécial sera présenté, et alors tous les renseignements désirables seront donnés.

Il a été convenu qu'on pourrait aborder la discussion sur l'organisation des écoles normales nouvelles, en temps utile et à l'occasion du vote (page 116) du crédit qui serait proposé de ce chef, mais je le répète, aucun crédit nouveau n'est porté au budget pour la création d'écoles normales.

M. de Haerneµ. - Il y a cependant des augmentations. Est-ce qu'elles ne se rapportent pas à la création de nouvelles écoles normales ?

MiVDPBµ. - Non. Cependant je ne vois aucun inconvénient à ce que l'honorable M. Wasseige présente ses observations, s'il le juge convenable ; c'est son droit.

M. Wasseigeµ. - Quoi qu'en dise M. le ministre, mes observations pourraient néanmoins être présentées, puisqu'elle ont précisément pour but de combattre l'érection des nouvelles écoles et par conséquent de rendre inutile la demande d'un crédit spécial. Cependant pour ne pas faire perdre les moment de la Chambre et d'après le désir exprimé par l'honorable ministre, je consens à attendre la demande du crédit annoncé pour les produire.

M. De Fréµ. - Messieurs, M. le ministre de l'intérieur a beaucoup fait pour l'enseignement primaire, sans le développement duquel il n'y a pas moyen de propager nos institutions nationales. Il vient d'ajouter un nouveau fleuron à sa couronne en organisant les écoles d'adultes.

D'après la loi de 1842, les enfants pauvres quitte nt l'école primaire à 14 ans. De là, ils vont aux champs, à l'atelier.

Il faut que ces enfants gagnent leur pain. La famille est nombreuse et les parents ne peuvent suffire aux nécessités de l'instruction.

Il arrive donc que les connaissances acquises dans l'école primaire, lorsqu'elles n'ont pas poussé de profondes racines, s'effacent facilement et que beaucoup de citoyens qui ont été à l'école primaire depuis 7 à 14 ans arrivent, par le défaut d'exercice, à l'âge d'adultes sans avoir une instruction suffisante ; à vingt ans ils ont souvent oublié ce qu'ils savaient à 14 ans.

Il y avait donc là une lacune à combler.

L'honorable ministre de l'intérieur a, par un règlement du 1er septembre 1866, organisé des écoles d'adultes afin d'empêcher que les connaissances acquises par l'enseignement primaire ne s'effacent de la mémoire des enfants et afin de développer leur intelligence par des connaissances nouvelles.

Mais, messieurs, si j'ai félicite M. le ministre de l'intérieur d'avoir comblé cette lacune, je regrette, il faut dire la vérité à ses amis, surtout à ses amis, qu'à l'occasion de cette organisation l'honorable ministre ait donné une nouvelle consécration à la loi de 1842, à un principe que nous avons tous combattu, c'est-à-dire : à la confusion dans la même école de deux éléments, je ne dirai pas hostiles, mais distincts : l'élément laïque et l'élément religieux, qu'il importe, dans l'intérêt de leur indépendance et de leur dignité respectives, ainsi que dans l'intérêt d'une bonne administration, de tenir éloignés l'un de l'autre.

Je ne demande pas au gouvernement qu'il propose demain la réforme de la loi de 1842, afin de faire disparaître un principe qui est contraire aux bases de notre gouvernement représentatif, à la séparation complète des pouvoirs, à la séparation complète des doctrines, à la. séparation complète d'administrations qui doivent vivre l'une et l'autre dans une liberté absolue et qu'il est imprudent de mettre en lutte.

Non, je ne demande pas au gouvernement qu'il propose demain la réforme de la loi de 1842, dont nous avons combattu le principe ; qu'il prenne son jour et son heure.

Mais, messieurs, s'il ne faut pas de suite réformer la loi de 1842, fallait-il, à l'occasion de l'organisation des écoles d'adultes, donner à cette loi une consécration nouvelle ?

Or, c'est ce que l'honorable ministre vient de faire par sa circulaire aux gouverneurs, du 20 octobre dernier. Cette circulaire publiée pour l'exécution du règlement du Ier septembre 1866, contient le passage suivant :

« On réservera un temps convenable pour l'enseignement de la religion, dans la division inférieure. Cet enseignement sera donné d'après les indications et sous la direction des chefs des cultes ou de leurs délégués.

« La religion ne figure pas dans le programme de la division supérieure ; on doit supposer qu'au moment de leur admission dans celle-ci, les élèves possèdent l'instruction nécessaire dans cette branche essentielle. Dès lors, il suffira sans doute que, fidèles aux traditions de la famille, ils pratiquent le culte comme leurs coreligionnaires. »

La loi de 1842 est la loi de l’enseignement primaire, elle est faite pour des enfants de 7 à 14 ans qui n'ont pas fini leur enseignement religieux, qui n'ont pas fait leur première communion.

Elle ne contient pas l'enseignement des adultes ; ce ne sont pas le principes de cette loi qui devaient inspirer l'organisation de cet enseignement. D'ailleurs on pourrait comprendre à la rigueur que pour éviter des allées et venues, on ait disposé par la loi que l'enseignement religieux sera donné à l'école. Mais ici il s'agit de jeunes gens qui sont affranchis de l'enseignement primaire, qui ne sont plus des enfants, qui sont des citoyens, qui gagnent leur pain quotidien à la sueur de leur front, qui sont en un mot des hommes libres et que vous placez sous le joug.

Si un motif a pu exister pour inscrire dans la loi de 1842 le principe qui s'y trouve et que nous avons tous combattu, il n'y avait pas de motifs pour maintenir ce principe lorsqu'il s'agit de l'organisation d'écoles d'adultes.

J'aurais été heureux de voir le gouvernement non abolir ce principe ou le modifier, mais ne pas lui donner une consécration nouvelle, alors surtout que l'opinion libérale l'a condamné depuis vingt ans.

Maintenant j'ai l'honneur de faire à l'honorable ministre de l'intérieur une interpellation.

L'Etat vient en aide aux communes pour l'organisation des écoles d'adultes ; eh bien, je suppose qu'une administration communale se dise : Je ne suis pas partisan de la loi de 1842 ; cependant, comme administration, je lui dois obéissance, je dois l'exécuter. Mais dois-je exécuter la circulaire de M. le ministre de l'intérieur qui n'est basée sur aucune loi ?

Si une administration communale trouve que l'application de cette circulaire froisse la liberté la plus précieuse que nous ayons conquise, la liberté de conscience, et si dans cette conviction cette administration communale ne l'applique point, jouira-t-elle des subsides du gouvernement ? Si une administration communale croit qu'elle ne peut sans froisser la conscience des adultes appliquer la circulaire, obéissant ainsi à l'esprit et à la lettre de la Constitution, va-t-elle perdre le bénéfice du concours de l'Etat, ou sera-t-elle obligée d'abandonner les écoles d'adultes ?

C'est une question que j'ai l'honneur de soumettre à l'honorable ministre.

Je le répète, je félicite M. le ministre de l'initiative qu'il a prise ; il a comblé une lacune et cette réglementation portera les fruits les plus heureux, les plus salutaires ; mais à côté de cette organisation je regrette que l'honorable ministre de l'intérieur ait affirmé un principe que nous avons combattu et condamné.

M. Bouvierµ. - Je viens également féliciter l'honorable ministre de l'intérieur de l'arrêté du 1er septembre, instituant les écoles d'adultes en Belgique. Cet acte de bonne administration, je le considère comme le complément indispensable de l'instruction primaire. Dans un pays libre et démocratique comme le nôtre, le premier comme le plus impérieux devoir des pouvoirs publics, c'est de répandre largement à pleines mains les lumières parmi toutes les classes de la société.

Mais à côté de l'éloge, je me vois à regret, comme l'honorable M. De Fré, dans la nécessité de formuler un blâme. Je ne comprends pas qu'on applique aux écoles d'adultes les dispositions de la loi du 23 septembre 1842 qui introduit le prêtre dans l'école à titre d'autorité.

La loi de 1842 est tolérée, mais n'est pas acceptée par les véritables libéraux ; cet arrêté foule aux pieds le grand principe de l'égalité des Belges devant la loi, et viole cet autre principe non moins précieux de la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Si nous ne demandons pas la révision immédiate de la loi de 1842, c'est parce que l'éducation politique, surtout dans les campagnes, n'est pas assez développée. L'instruction générale de plus en plus répandue et le temps aidant seront les véritables démolisseurs de cette loi. Dans noire pays où le clergé exerce une si grande influence politique en dehors des grands centres de population, je préfère subir cette loi qui conduit l'enfant à l'école que de la voir disparaître et laisser l'école laïque presque déserte.

Déjà en Hollande et en Amérique, la sécularisation de l'enseignement primaire est arrivée à l'état de fait accompli.

Que la Chambre me permette de lui donner lecture de la disposition légale qui en Hollande consacre la doctrine que nous préconisons :

« L'enseignement devra être organisé de façon que l'étude des connaissances utiles soit accompagnée du développement des facultés intellectuelles et que les élèves soient préparés à l'exercice de toutes les vertus chrétiennes ; il sera pris des mesures pour que les écoliers ne soient point privés d'instruction dans la partie dogmatique de la confession religieuse à laquelle ils appartiennent, mais cette partie de l’enseignement ne sera pas à la charge de l'instituteur. »

Celte disposition renferme le principe moderne de l'enseignement laïque. L'instituteur comme le prêtre restent chacun dans leur véritable (page 117) sphère ; le premier développe et enrichit l'intelligence de l'enfant, tout en lui inculquant les principes de morale, le second lui enseigne le dogme.

Grâce à ce système de démarcation bien tranchée, aucune communion n'est froissée ; juifs, protestants, catholiques peuvent s'asseoir sur les mêmes bancs de l'école. Chaque culte est également protégé, tout différend disparaît, toute difficulté entre les autorités religieuses et civiles est aplanie et la liberté de conscience devient une réalité.

L'instituteur laïque est d'ailleurs incompétent pour enseigner le dogme, ses études n'ayant jamais été dirigées vers les questions théologiques. Cette doctrine est partagée par un journal bien cher à la droite. C'est du Bien public que je veux parler.

Faisant allusion à la loi sur le temporel du culte, voici en quels termes ce journal s'exprime :

« Et tout d'abord se présente ici une question de compétence. Elle n'en est pas une, nous le savons bien, pour l'absolutisme libéral qui se croit tout permis, qui affirme effrontément son omnipotence et son infaillibilité et ne reconnaît l'existence d'aucun droit en dehors de son pouvoir universel et souverain... Mais pour des catholiques qui reconnaissent à l'Eglise une vie indépendante, une personnalité propre, une hiérarchie, une organisation divinement libre, le problème se pose en de tous autres termes !... Un législateur catholique, mais laïque, peut-il, sans mandat, stipuler en matière de droit ecclésiastique ? Peut-il, de sa seule autorité, résoudre des problèmes qui confinent étroitement à l'organisation de la société religieuse, et cela sans l'Eglise, peut-être même malgré l'Eglise ?... Ce qu'on peut alléguer de plus fort, dans l'espèce, pour justifier l'intervention du législateur séculier, c'est qu'il s'agit d'une matière mixte, c'est-à-dire d'une matière où le concours des deux pouvoirs est de droit.

« Nous n'avons pas à résoudre des cas de conscience, ni à dicter une ligne de conduite à des hommes politiques éminents, qui voient sans doute mieux que nous et ne seront pas embarrassés de trouver des conseils autorisés. Ce que nous voulons faire entendre, c'est qu'il surgit ici une question plus grave qu'on ne le croit trop souvent.

« Mais allons plus loin et admettons, gratuitement si l'on veut, qu'il ne soit pas permis à un législateur laïque de s'immiscer dans le droit propre de l'Eglise... Dans quelle position vont se trouver les députés catholiques des deux Chambres ?...

« Ils ne peuvent évidemment pas prendre part à la discussion des articles du projet de loi. Ce serait se mettre en contradiction ouverte avec leurs devoirs de conscience. Nous comprenons fort bien, nous espérons même, le cas échéant, une manifestation collective, une protestation énergique, basée précisément sur la monstrueuse usurpation commise par l'Etat sur l'indépendance de l'Eglise, mais nous ne comprendrions plus un débat sur les articles, un débat qui serait la rétractation et le désaveu de cette déclaration d'incompétence. »

Je le demande, si la Chambre est incompétente dans une question de temporel de culte, matière mixte comme le prétend le Bien public, l'instituteur ne le sera-t-il pas davantage quand sans études préliminaires il devra aborder les redoutables questions en matière religieuse, quand il devra toucher à des problèmes où les lumières naturelles de la raison peuvent produire sur son esprit les troubles les plus profonds.

Pourra-t-il parler avec autorité des mystères de la religion et cela sans l'église, peut-être même malgré l'église ? Ou bien devenir le complice de l'usurpation que le Bien public caractérise de monstrueuse, de l'usurpation de l'Eglise sur l'indépendance de l'Etat ? L'instituteur ne le pourra pas, il est incompétent dans l'intérêt même de la religion, qui est l'intérêt le plus vital, le plus élevé de toute société bien organisée. Il est indispensable que l'élément religieux reste séparé de l'élément civil. Au prêtre incombe le devoir d'enseigner la religion, à l'instituteur celui d'enseigner la morale. En appliquant ces idées, les grands principes de l'indépendance civile et de l'indépendance ecclésiastique sont sauvegardés.

Les arrêtés royaux instituant les écoles d'adultes ayant méconnu ces principes, j'ai cru devoir, au nom de la liberté de la science, faire entendre ma protestation.

MiVDPBµ. - Les deux honorables orateurs qui viennent de prendre la parole ont reproché au gouvernement d'avoir organisé des écoles d'adultes sur les bases de la loi de 1842...

M. Van Humbeeckµ. - Non, non.

- Voix diverses. - Si, si.

MiVDPBµ. - D'avoir maintenu les principes de la loi de 1842.

M. Van Humbeeckµ. - D'avoir exagéré ces principes.

MiVDPBµ. - J'ai compris qu'on m'avait reproché d'avoir appliqué aux écoles d'adultes les principes de la loi de 1842 ; nous verrons tout à l'heure si je les ai exagérés.

Mais, messieurs, si j'avais voulu organiser les écoles d'adultes en dehors de la loi de 1842, je n'en aurais pas eu le droit. Pour faire une telle organisation sans prendre pour base cette loi, il eût fallu, pour se conformer aux principes de la Constitution, organiser des écoles d'un genre nouveau. Ce n'est donc qu'en me fondant sur la loi de 1842 que j'ai eu le droit de créer des écoles d'adultes, et créant ces écoles en me fondant sur la loi de 1842, je devais nécessairement les organiser conformément à l'esprit de cette loi.

Le gouvernement avait le droit d'organiser de telles écoles, il avait le droit aussi de poser des conditions à l'allocation des subsides à payer de ce chef ; en effet, la loi de 1842 porte dans son article 25, « qu'une partie des subsides votés annuellement par la législature pour l'enseignement primaire recevra pour destination spéciale de favoriser les écoles du soir et du dimanche pour les adultes. »

Or, mettant cet article à exécution, le gouvernement pouvait imposer telles conditions qu'il croyait convenables ; les conditions imposées ont pour objet de s'assurer si les fonds donnés sont bien employés, de contrôler l'enseignement et de savoir s'il est donné conformément à la loi dont il vient d'être parlé.

Maintenant on me dit : Vous exagérez la loi de 1842. Je ne comprends pas en quoi. (Interruption.) Parce que le programme des écoles d'adultes de la section inférieure comprend l'enseignement de la religion ?

L'enseignement de la religion fait partie du programme de la loi de 1842 et, je le répète, j'ai dû prendre et j'ai adopté pour programme des écoles d'adultes le programme de l'enseignement primaire. C'est le programme de l'article 8 de la loi sur l'enseignement primaire qui a été transporté dans le règlement organique des écoles d'adultes.

Mais, dira-t-on, vous n'êtes pas allé jusqu'au bout ; l'enseignement de la religion ne figure pas dans le programme des écoles supérieures d'adultes.

C'est vrai, mais cela s'explique parfaitement : en général, les jeunes hommes qui suivent ce cours supérieur ont reçu une instruction religieuse complète.

L'enseignement de la religion ne figure pas plus dans le programme du cours supérieur des écoles d'adultes que l'enseignement de la lecture, par exemple, parce qu'on doit supposer qu'à 18 ou 19 ans les jeunes gens qui fréquentent ces écoles savent lire, comme ils connaissent les principes de leur religion.

Je crois, pour ma part, que l'organisation de ces institutions est irréprochable.

Je sais que cette organisation a donné lieu à des critiques différentes, et en sens opposés, mais j'ai la conviction que lorsqu'on aura sérieusement examiné l'organisation adoptée, il sera impossible de ne pas reconnaître qu'elle est conforme à la loi et de nature à produire de bons effets.

L'honorable M. De Fré m'a posé une question, à laquelle il me reste à répondre : Donnerez-vous, me dit-il, des subsides à une commun qui refusera d'organiser ces établissements d'instruction conformément à l'arrêté royal du 1er septembre dernier ?

Evidemment, messieurs, je refuserais les subsides dans ces conditions.

M. De Fréµ. - En vertu de votre circulaire, oui ; mais dans l'arrêté royal il n'est pas question de ministres de culte.

Le passage que j'ai lu se trouve à la page 42 de la circulaire du 25 octobre 1866, adressée à MM. les gouverneurs.

MiVDPBµ. - La circulaire n'est pas la loi.

M. Bouvierµ. - Non, mais elle l'explique.

MiVDPBµ. - Voici le passage auquel on fait allusion :

On se réservera le temps convenable pour l'enseignement de la religion dans les divisions inférieures. Cet enseignement sera donné d'après les indications et sous la direction des chefs du culte ou de leurs délégués.

II est évident que, dans les écoles où aux termes de la loi il doit exister un cours de religion, la commune ne peut se dispenser d'organiser ce cours comme les autres cours réglementaires...

(page 118) M. De Fréµ. - C'est la question.

MiVDPBµ. - ... et si une commune n'acceptait pas les conditions attachées aux subsides, il ne serait impossible de. rien lui accorder.

Mais, me dit l'honorable M. De Fré, il peut se faire qu'il y ait des enfants n'appartenant pas au culte de la majorité. Sans doute, messieurs, cela est possible et cela est parfois. Mais ce seront là des cas exceptionnels et on n'a jamais froissé les croyances de personne, jamais on n'a forcé ces enfants à fréquenter le cours de religion donné par le ministre du culte de la majorité., Pans ce cas, les enfants appartenant à un culte dissident sont affranchis de l'obligation de suivre l'enseignement religieux.

MaeRµ. - C'est prescrit par la loi.

M. De Fréµ. - Permettez-moi une courte explication... J'ai eu l'honneur de demander ce qui arriverait si une administration communale, très soucieuse des principes constitutionnels et trouvant dans le passage de votre circulaire que j'ai cité une violation de la liberté des cultes, s'abstenait de faire intervenir le prêtre dans l'enseignement des adultes ; j'ai demandé : Dans ce cas, refuseriez-vous des subsides à cette commune ?

Je n'ai point parlé d'enfants protestants ou appartenant à un autre culte. Cette question, comme vient de le rappeler l'honorable M. Rogier, cette question est tranchée par la loi en ce qui concerne les cultes dissidents. Mais il s'agit, je le répète, de savoir quelle serait la conduite du gouvernement à l'égard d'une administration communale qui serait d'avis que l'obligation imposée par votre circulaire est anticonstitutionnelle. Voilà la question, telle que je l'ai formulée.

MiVDPBµ. - Il m'est impossible, messieurs, de répondre à de pareilles questions de fait, à des cas particuliers, à des cas supposés. Tout ce que je puis dire, c'est que si un cas non prévu se présentait, on l'examinerait. Mais le principe est celui-ci : c'est qu'une commune qui refuserait d'exécuter la loi de 1842 et l'arrêté royal du 1er septembre dernier qui a été pris en vertu des principes consacrés par cette loi, cette commune ne pourrait pas obtenir de subsides parce qu'il ne dépend ni de moi ni d'une commune de ne pas exécuter la loi.

M. Van Humbeeckµ. - Comme mes honorables collègues, MM. De Fré et Bouvier, j'ai applaudi aux mesures prises par M. le ministre de l'intérieur, lorsqu'il a réglé les encouragements auxquels les écoles d'adultes auraient dorénavant droit. Mais comme l'honorable M. De Fré aussi, j'ai regretté que M. le ministre de l'intérieur, en prenant ces mesures, eût exagéré, comme je l'ai dit tout à l'heure dans une interruption, les principes de la loi de 1842.

En présence de cette loi, je comprends parfaitement que M. le ministre de l'intérieur n'aurait pas voulu décréter en principe qu'il refusait des subsides à toute école où l'enseignement laïque, l'enseignement purement scientifique ne serait pas entièrement distinct de l'enseignement religieux. Mais ce qu'il aurait pu faire, selon moi, ce que la loi de 1842 ne l'empêchait pas de faire, c'était de laisser aux communes la liberté d'organiser les écoles d'adultes, soit en mettant l'enseignement religieux à côté de l'enseignement laïque, soit en réservant le premier à l'église, le second à l'école, et en ne permettant plus au prêtre d'exercer en dehors de son église un contrôle sur l'enseignement de branches qui ne le concernent pas, et dans lesquelles il n'a aucune compétence. (Interruption.)

M. de Theuxµ. - Je demande la parole.

M. Van Humbeeckµ. - D'après la circulaire qu'il a adressée à MM. les gouverneurs de province et d'après les explications mêmes qu'il a données à cette séance, M. le ministre de l'intérieur, croit ne pas pouvoir accorder de subsides, aux termes de la loi de 1842, à des écoles d'adultes dans lesquelles il n'y aurait pas d'enseignement religieux.

Je ne saurais être d'accord avec lui sur ce point. Son opinion est basée sur l'article 25 de la loi. Or, que dit cet article ? Qu'une partie des subsides votés annuellement par la législature pour l'instruction primaire aura pour destination spéciale d'encourager l'établissement de salles d'asile, ainsi que de favoriser des écoles du soir et du dimanche polir les adultes. Un dernier alinéa porte que le gouvernement s'assurera du concours des provinces et des communes, pour obtenir les résultats que ces subsides ont pour objet. L'article ne dit rien de plus.

Quant au programme des écoles d'adultes, l'article ne dit absolument rien. (Interruption.)

Une autre disposition de la loi, je le sais, porte que les subsides ne peuvent être accordés qu'aux institutions qui se soumettent au régime. d'inspection prescrit par la loi de 1842 ; mais il ne faut pas confondre le régime d'inspection avec la question du programme ; pour toutes les institutions dont le programme n'est pas précisé par la loi de 1842, il est évident que ce programme ne doit pas comprendre nécessairement l'enseignement religieux à côté de l’enseignement scientifique ; ces institutions sont affranchies des règles posées pour les écoles primaires proprement dites.

L'article 25 de la loi n'empêche nullement que des salles d'asile ou des écoles d'adultes soient instituées, où il n'y aurait pas d'enseignement religieux ; dans ces conditions, si elles jouissaient de subsides, elles devraient se soumettre à l'inspection laïque et non pas à l'inspection ecclésiastique, celle-ci n'ayant plus aucun rôle à remplir du moment qu'un enseignement religieux n'existe pas.

D'où veut-on encore induire qu'il faut nécessairement dans les écoles d'adultes un enseignement religieux aux termes de la loi de 1842 ?

C'est de l'article 6 déterminant le programme de l'instruction primaire que M. le ministre de l'intérieur fait découler cette conséquence. Mais, messieurs, cet article est tout à fait inapplicable aux salles d'asile d'une part, et aux écoles d'adultes d'autre part.

Il s'agit, dans les salles d'asile, d'enfants encore trop jeunes pour qu'on puisse leur appliquer le programme de l'article 6.

II s'agit, d'autre part, dans les écoles d'adultes, de citoyens qui sont arrivés à un âge trop avancé pour que ce programme puisse leur être appliqué tel qu'il est.

Comment voulez-vous appliquer l'article 6 de la loi sur l'instruction primaire aux salles d'asile, à des institutions destinées à recevoir des enfants qui n'ont pas encore atteint l'âge requis pour pouvoir entrer dans l'école primaire ? Ce n'est certes pas à ces enfants-là que vous irez appliquer le programme de l'école dont leur âge les exclut.

Cela est tellement vrai que lorsque dans les salles d'asile et dans les écoles gardiennes, l'enseignement s'élève trop, les inspecteurs font des observations aux directeurs de ces établissements spéciaux.

Dans les salles d'asile vous avez des enfants qui sont encore au berceau ; dans les écoles gardiennes, vous avez des enfants de 3 ans à 7 ans ; à partir de 7 ans ils vont à l'école primaire.

S'il est vrai que vous soyez obligés, en vertu de l'article 6 de la loi, d'enseigner la religion aux enfants de moins de sept ans, vous devez leur enseigner également la lecture, l'écriture, le système légal des poids et mesures, les éléments du calcul, et, suivant les besoins des localités, les éléments de la langue française, flamande ou allemande.

Tout cela est dans l'article. Et si cette conclusion est fausse pour les salles d'asile et les écoles gardiennes, elle est également fausse pour les écoles d'adultes. L'argument ne se lire que de la mention faite des unes comme des autres, dans le texte de l'article 25.

Il faut donc reconnaître que le programme de l'enseignement primaire ne s'applique ni aux salles d'asile, ni aux écoles gardiennes, ni aux écoles d'adultes, et que par conséquent les communes qui ont l'intention d'ériger de semblables établissements peuvent en rédiger le programme comme elles l'entendent.

Que si, d'après des convenances locales, certaines communes croient devoir faire donner un enseignement religieux dans ces établissements, rien ne s'y oppose ; mais il serait illégal et mauvais aussi de refuser des subsides aux écoles d'adultes, parce qu'il n'y aurait pas d'enseignement religieux. Il faut ici laisser toute liberté aux communes.

Et, messieurs, il ne s'agit pas seulement d'une question de légalité, de liberté, il s'agit encore d'une question d'intérêt. M. le ministre de l'intérieur a dit quelque part que les besoins des localités devaient être pris en considération. Eh bien, s'il est certaines localités où il peut être nécessaire d'avoir un enseignement religieux dans les écoles d'adultes, il en est d'autres où l'enseignement religieux écartera de l'école d'adultes un grand nombre d'élèves, non parce qu'ils sont moins religieux que d'autres, mais parce qu'il y a un certain amour-propre au cœur de l'homme ; il est telles localités où les adultes ne voudront pas aller à l'école qui leur est destinée, s'ils doivent s'y placer sous la direction du prêtre ; des citoyens qui, arrivés déjà à un certain âge, comprenant qu'il leur manque une instruction suffisante, consentiront bien à aller la puiser dans une école indépendante de tout enseignement religieux, n'iront jamais cependant se remettre au catéchisme comme de petits enfants. Ils se croiraient humiliés ; ils renonceraient plutôt à l'école.

Messieurs, le parti le plus sage à prendre, c'était de laisser la liberté aux communes. Je regrette que l'honorable ministre de l'intérieur ne l'ait pas compris ; mais en exprimant ce vif regret, je n'en rends pas (page 119) moins justice à ses intentions, et quelle que soit l'imperfection de son système, je le loue d'avoir donné au développement des écoles d'adultes dans le pays un premier élan, qui, je l'espère, sera bientôt fécond en heureux résultats.

M. de Theuxµ. - Messieurs, d'honorables préopinants ont prétendu que la loi sur l'instruction primaire ne peut pas s'appliquer aux écoles d'adultes. C'est là une très grande erreur : il est fait mention dans l'article 25 d'écoles du soir et du dimanche pour les adultes, écoles qui pourront recevoir une partie du subside voté annuellement par la législature pour l'instruction primaire ; et l'article 26, qui suit immédiatement, dit en termes formels qu'aucune école ne pourra obtenir ou conserver un subside qu'en se conformant aux dispositions de la loi. Il n'y a pas d'équivoque possible ; cela est clair comme le jour.

Mais, dit-on, il ne s'agit que de l'inspection dans l'article 26 de la loi.

C'est encore là une grave erreur : Les inspecteurs ne sont pas seulement institués pour se promener dans les écoles et voir ce qui s'y passe ; mais ils doivent encore adresser des rapports au gouvernement sur l'exécution de la loi et sur toutes les contraventions qu'ils constatent. Mais s'ils doivent faire un rapport sur les contraventions à la loi, il est évident que la loi doit être appliquée à toutes les espèces d'écoles qu'elle énumère.

Comment, a-t-on dit encore, peut-on organiser un enseignement religieux dans les salles d'asile et les écoles gardiennes ? Il est vrai que ces établissements sont fréquentés par des enfants en très bas âge ; mais on leur apprend là à faire le signe de la croix et à dire leurs prières ; et à mesure que leurs facultés intellectuelles le permettent, l'enseignement religieux se développe.

Maintenant quelle sera la portée de l'enseignement religieux dans les écoles d'adultes ? C'est ce que le gouvernement déterminera plus amplement, de concert avec le clergé qui est appelé à diriger ou à surveiller l'enseignement religieux. Cet objet doit être réglé par une instruction ultérieure.

Quant à moi, je ne vois aucune difficulté légale ou constitutionnelle, soit dans l'arrêté royal, soit dans les instructions données par M. le ministre de l'intérieur pour l'exécution de cet arrêté.

M. le ministre de l'intérieur a dit avec vérité que cet arrêté, dont on proclame l'utilité, a cependant soulevé quelques critiques dans cette Chambre, et qu'elle en a soulevé aussi en dehors de cette enceinte, mais à un autre point de vue. On s'est demandé si la mesure prise par le gouvernement n'était pas un moyen de faire tomber les écoles du dimanche existantes. Telle n'est pas l'intention de M. le ministre de l'intérieur.

Il y a donc des scrupules des deux côtés. Tout ce que nous demandons, c'est que M. le ministre de l'intérieur exécute loyalement la loi et l'arrêté royal ; de cette manière, il parviendra à entourer les écoles du soir et du dimanche pour les adultes, de la confiance dont ces écoles ont besoin pour rendre les services que le gouvernement en espère.

Si le gouvernement laissait professer dans les écoles d'adultes des principes contraires à la loi sur l'instruction primaire dont ces écoles doivent être le complément, il est évident que le gouvernement manquerait le but qu'il a en vue.

Ainsi, messieurs, je ne puis pas du tout m'associer aux critiques qui ont été faites ; ce que je me borne à demander, c'est que M. le ministre de l'intérieur veuille appliquer avec toute loyauté la loi de 1842 et l'arête royal.

M. Funckµ. - Messieurs, je ne suis pas du tout surpris de voir l'honorable comte de Theux se joindre à M. le ministre de l'intérieur, pour approuver l'arrêté royal ou plutôt l'exposé des motifs qui précède l'arrêté royal que nous examinons en ce moment. L'opinion que représente l'honorable M. de Theux a trop à gagner au maintien et à l'extension de la loi de 1842, pour qu'il ne donne pas son approbation entière à la mesure que nous discutons.

Messieurs, il est un fait constant, c'est que la loi de 1842 a été condamnée depuis longtemps, sinon par l'unanimité, au moins par l'immense majorité de l'opinion libérale.

Si mon affirmation était contestée sur ce point, je pourrais rappeler les décisions solennelles prises par une grande assemblée à laquelle a assisté M. le ministre de l'intérieur, assemblée qui a eu lieu, il y a vingt ans, où l'on a proclame les vœux et les principes de l'opinion libérale et où l'on a demandé le retrait de la loi de 1842 à l'unanimité, sans la moindre protestation. Déjà à cette époque, alors que la loi de 1842 n'avait fonctionné que pendant quatre ans, l'opinion libérale tout entière comprenait combien il était important de la modifier et de parer aux abus qui s'étaient manifestés par suite de son application.

Ce fait posé, j'ajoute que si quelques membres de cette assemblée appartenant à l'opinion libérale peuvent avoir des raisons de penser qu'il est utile de la maintenir encore pendant quelque temps, et je me haie de déclarer que je ne partage pas cette manière de voir, il n'est personne qui puisse l'approuver en principe et surtout qui puisse chercher à l'étendre.

Or, je maintiens que l'arrêté royal dont il s'agit, tel qu'il est motivé, est une extension de la loi de 1842, une extension inutile et j'ajoute une extension dangereuse.

M. le ministre de l'intérieur nous répond : Mais je ne peux pas organiser les écoles d'adultes sans me baser sur la loi de 1842. Je soutiens que c'est là une erreur profonde ; et je dis que c'est une erreur profonde parce que la loi de 1842 ne parle nulle part des .classes d'adultes. Elle organise l’enseignement primaire pour les enfants et non pour les adultes. Cela est incontestable.

On veut argumenter des dispositions qui se trouvent dans les article 23 et 25 de la loi de 1842. Mais ces dispositions n'ont pas le sens qu'on leur attribue. L'article 25 dit : « Une partie du subside voté annuellement par la législature pour l'instruction primaire aura pour destination spéciale, 1° D'encourager l’établissement de salles d'asile... »

Est-ce que les salles d'asile tombent sous l'empire de la loi de 1842 ?

« 3° De propager les écoles connues sous le nom d'ateliers de charité et d'apprentissage. »

Est-ce que les ateliers de charité et d'apprentissage tombent sous l’application de la loi de 1842 ?

L'article ajoute aussi au même titre : « de favoriser les écoles du soir et du dimanche pour les adultes. » Est-ce à dire pour cela que les classes d'adultes seront régies par la loi de 1842 ?

Mais l'article 24 porte aussi que les fonds votés par les provinces sont destinés à être donnés en subsides aux caisses de prévoyance en faveur des instituteurs, et personne n'a jamais soutenu que les caisses de prévoyance tombent sous l'application de la loi de 1842.

Il n'est donc pas exact de dire que, pour organiser l'enseignement des adultes, il faut avoir recours à cette loi. L'enseignement des adultes est un enseignement tout spécial, complètement différent de l'instruction primaire proprement dite. L'honorable M. Van Humbeeck vous l'a démontré surabondamment, en vous disant que non seulement l'enseignement pour les adultes ne tombe pas sous l'empire de la loi de 1842 au point de vue de l'inspection, mais encore au point de vue du programme. Comment voulez-vous, en effet, appliquer le programme des écoles primaires aux écoles d'adultes et aux écoles dominicales ?

MiVDPBµ. - Le programme de l'enseignement primaire est un minimum.

M. Funckµ. - Raison de plus, vous renforcez mon argumentation, M. le ministre. Car si ce programme n'est qu'un minimum, comment voulez-vous qu'on enseigne dans les écoles d'adultes et du dimanche, où l'enseignement n'a qu'une heure de durée par jour ou par semaine, la matière qu'on enseigne pendant toute une journée dans les écoles primaires ?

Comme je le disais donc tantôt, c'est une erreur de prétendre que l'enseignement pour les adultes ne pouvait pas être organisé en dehors de la loi de 1842. Mais en supposant qu'on prît pour base de cette organisation les dispositions principales de cette loi, encore ne fallait-il pas étendre inutilement certaines dispositions dont le principe est en définitive fort discutable.

Il est évident que si l'inspection ecclésiastique inscrite dans la loi de 1842 peut se comprendre à un certain point de vue dans l'enseignement primaire, qui s'adresse aux enfants, cette inspection de même que l'enseignement auquel elle se rapporte deviennent complètement inutiles et n'ont plus aucune raison d'être, quand il s'agit de l'enseignement des adultes, par la bonne raison que les adultes sont censés avoir reçu l'enseignement religieux. Les adultes ne sont plus des enfants fréquentant l'école primaire ; ils désirent avant tout savoir lire, écrire et compter, et ils ont passé l'âge où s'acquiert d'ordinaire l'enseignement religieux, enseignement qu'ils peuvent recevoir du reste à l'église.

Je crois donc que M. le ministre de l'intérieur aurait grand tort de refuser des subsides aux communes qui viendraient lui en demander et qui croiraient ne pas devoir soumettre à toutes les dispositions de la loi de 1842 les écoles d'adultes qu'elles organiseraient.

M. Dumortierµ. - J'éprouve une véritable peine en entendant dans la Chambre des représentants les reproches que l'on adresse au (page 120) gouvernement, parce que, en exécution de la loi de 1842, il a établi que dans les écoles d'adultes de premier degré, l'enseignement de la religion serait donné. J'éprouve une peine très vive ; car il me semble qu'en tenant ce langage, certains membres de cette Chambre voudraient, comme on l'a vu dans quelques villes, bannir de l'école l'enseignement religieux.

Eh bien, je le dis avec une profonde conviction, cette pensée exprimée en Belgique en tous temps et dans les circonstances actuelles, est une pensée mauvaise, très mauvaise, et au point de vue national et au point de vue des intérêts du pays.

Comment ! Vous voudriez, dans cette catholique Belgique, chasser le prêtre de l'école, avoir des écoles athées ? Car vos écoles, comme vous les entendez, comme les entendait tout à l'heure l'honorable M. De Fré, sont des écoles purement athées.

Vous voudriez donc que les deniers publics, que l'argent des contribuables servissent à créer des écoles sans religion, c'est-à-dire à faire perdre au peuple belge ce sentiment religieux qui a fait sa force à toutes les époques de son histoire et qui a toujours été sa plus grande garantie d'honnêteté, de probité et d'indépendance.

Eh bien, je dis que ces paroles sont douloureuses et qu'elles auront un fâcheux et triste retentissement dans le pays ; je dis que, dans les circonstances actuelles surtout, il est regrettable qu'elles aient été prononcées.

Je sais fort bien qu'il y a des personnes qui professent des idées athées. Ce ne sont pas les miennes. Mais ce que je ne conçois pas, c'est que ces personnes ne fassent pas ce que font les catholiques, ce que font les libéraux modérés, qu'ils n'établissent pas des écoles à leurs frais. Ce que je ne conçois pas, c'est que ce soit l'argent des catholiques qui doive servir à l’enseignement de leurs maximes. Si vous êtes sincères dans vos principes, commencez par donner l'exemple de votre sincérité, organisez des écoles athées et inscrivez au fronton de ces écoles : Ici l'on enseigne l'athéisme, vous verrez combien, dans la catholique Belgique, vous aurez d'élèves.

- Un membre. - A qui vous adressez-vous ?

M. De Fréµ. - Je demande la parole.

M. Dumortierµ. - Mais non, vous ne voulez pas. Peut-être votre générosité n'est pas suffisante. Vous avez un système beaucoup plus commode : c'est de dissimuler votre jeu, en faisant supprimer l’enseignement religieux dans les écoles publiques, de manière à pervertir le sentiment religieux de nos populations.

Eh bien, je le répète encore, c'est là une chose déplorable, une chose qui sera on ne peut plus mal accueillie dans le pays. Le peuple belge, qu'il soit catholique, qu'il soit libéral, est un peuple est tout au moins religieux, qui tient aux principes dans lesquels il a été élevé et ne souffrira jamais que l'on crée des générations auxquelles on n'inculquerait pas ces principes qui font sa sagesse.

Et quelles générations voulez-vous donc élever, lorsque vous aurez banni de vos écoles les principes qui, de tous temps, ont fait la force de nos populations ? Où sera le frein intérieur qui empêchera les classes infimes de la société d'attaquer les classes qui possèdent ? Où sera ce frein ? Dernièrement, des hommes se sont avancés en Angleterre et se sont adressés au chef du gouvernement anglais, à lord Derby, pour lui proposer aussi de bannir l'enseignement religieux ; et qu'a répondu lord Derby ? Il a répondu avec infiniment de sagesses, comme l'avait fait M. Guizot à une autre époque, que l'atmosphère de l'école devait être avant tout religieuse. Eh bien, ici on veut rendre l'atmosphère de l'école antireligieuse.

Je le demande, messieurs, l'honorable ministre de l'intérieur pouvait-il agir autrement qu'il ne l'a fait ? La Constitution porte en termes exprès que « l'enseignement donne aux frais de l'Etat est réglé par la loi ». Or, le ministre tire son droit de la loi portée en vertu de la Constitution ; .son devoir est donc d'exécuter la loi. Il ne peut pas exécuter une partie de la loi et rejeter l'autre partie ; il doit exécuter la loi tout entière. Ou bien il devait présenter une autre loi à la Chambre.

Maintenant, d'honorables membres viennent dire : Comment voulez-vous que telle ou telle commune ne soit point libre de supprimer l'enseignement religieux dans l'école, c'est-à-dire : comment voulez-vous que l'autorité communale ne soit pas libre de supprimer la loi ? C'est là une étrange liberté communale ! Je suppose qu'une administration communale ne partageant pas votre avis sur la question des bourses d'étude, refuse d'exécuter la loi sur cette matière ; l'approuveriez-vous ? Non, parce qu'il s’agit de bourses d'études. Mais ce même principe, aujourd'hui, vous le retournez et vous voulez donner aux communes le droit de fouler la loi aux pieds, parce qu'il s'agit de propager l'athéisme.

M. Bouvierµ. - Il ne s'agit pas d'athéisme. Personne n'est athée ici.

M. Dumortierµ. - Je ne dis pas que l'honorable membre soit athée ; je m'en garderais bien ; mais je dis que ce qu'on propose rendrait les populations athées. Supprimer dans l'école la prière et l'enseignement religieux, ce n'est plus la liberté des ailles, c'est la propagation de l'athéisme.

M. Funckµ. - Vous avez dit que nous voulons fonder des écoles d'athéisme.

M. Dumortierµ. - Ce n'est pas notre pensée peut-être, mais c'est la conséquence inévitable de ce que vous voulez faire.

M. Mullerµ. - Il n'y a donc que des écoles d'athéisme en Hollande ?

M. Dumortierµ. - Est-ce que vous connaissez l'organisation hollandaise ? Il y a, en Hollande, des écoles de tous les cultes, et toutes ces écoles sont subsidiées.

MfFOµ. - Je demande la parole.

M. Dumortierµ. - Le régime hollandais n'a rien de commun avec le nôtre. En Hollande la moitié de la population est protestante et l'autre moitié est catholique.

M. Teschµ. - En Hollande on ne donne pas l'enseignement religieux dans l'école.

M. Dumortierµ. - Nous ne sommes pas ici en Hollande, et nous nous sommes séparés de la Hollande précisément parce qu'on voulait protestantiser la Belgique.

M. Teschµ. - Le clergé en Hollande demande lui-même que l'enseignement religieux ne soit pas donné dans l'école.

- Un membre. - C'est la séparation de l'Eglise et de l'Etat.

M. Dumortierµ. - Mais la séparation de l'Eglise et de l'Etat, telle que la veut la Constitution, est une séparation amicale qui permet à toutes les forces vives du pays de concourir au bien-être général ; ce que vous entendez, au contraire, par séparation de l'Eglise et de l'Etat, c'est un divorce haineux entre l'Eglise et l'Etat et voilà ce que nous ne voulons pas.

Je dis, messieurs, que les dispositions prises par M. le ministre de l'intérieur, il ne pouvait les prendre qu'en vertu de la loi de 1842 ; que par conséquent il ne pouvait se dispenser d'exécuter cette loi comme il l'a fait, et que donner aux communes le droit d'exclure l'enseignement religieux de l'école, ce serait placer chaque commune au-dessus de la loi ; ce serait autoriser chaque administration communale à violer la loi en toute circonstance.

MfFOµ. - Messieurs, la Chambre se livrait à une discussion très calme sur une question plus ou moins controversable, il s'agissait de l'interprétation d'une disposition de la loi de 1842, sur l’enseignement primaire.

L'honorable M. Dumortier a cru nécessaire d'y intervenir ; et, avec une exagération de langage extraordinaire, il a accusé ceux qui soutiennent que l'on peut séparer, dans l'école, l'enseignement laïque de l'enseignement religieux, il les a accusés, dis-je, de vouloir fonder des écoles d'athéisme et de faire de nos jeunes générations un peuple d'athées. En formulant cette accusation aussi violente qu'injuste, l'honorable M. Dumortier a méconnu l'un des principes les plus essentiels de notre Constitution, qu'il s'applique cependant si souvent à défendre, et en voulant appuyer sa thèse d'exemples puisés dans quelques pays étrangers, il a complètement travesti la législation qui s'y trouve en vigueur en matière d'enseignement.

Je dis que l'honorable M. Dumortier a méconnu la Constitution. En effet, messieurs, la Constitution proclame de la manière la plus absolue la liberté des cultes et la liberté de conscience. De par l'autorité de la Constitution, il ne pourrait donc pas exister d'écoles publiques dans lesquelles un culte quelconque serait exclusivement enseigné. L'école publique doit accepter tous les cultes. La loi de 1842 s'est placée à côté de ce principe : elle a introduit l'enseignement religieux dans l'école, mais elle a admis en même temps que ceux qui ne professeraient pas le culte de la majorité, seraient dispensés d'assister à cet enseignement. C'était un hommage rendu à la liberté de conscience.

Il est un autre principe qui, bien que non inscrit dans la loi de 1842 et malgré certaines explications données à ce sujet, dérive encore de cette loi : c'est que ceux mêmes qui professent le culte de la majorité peuvent être dispensés par les pères de famille d'assister à l'enseignement religieux. (Interruption.) Je sais que l'on a soutenu le contraire lors de la discussion de la loi de 1842, mais on n'oserait plus aujourd'hui contester ce droit, méconnaître ce principe.

(page 121) Messieurs, aussi longtemps que la loi de 1812 subsistera, elle doit être respectée, et nous serions heureux de voir que toutes les lois du pays obtinssent le même respect.

Est-ce à dire que cette loi soit parfaite, et que l'on ne saurait la modifier sans poser un acte qui justifierait les étranges accusations de l'honorable M. Dumortier ? Assurément, il n'en est rien. Lorsque l'honorable membre soutient que, sans redouter les plus grands dangers, l'on ne peut avoir en quelque sorte que des écoles confessionnelles ; lorsqu'il affirme que celles qui n'ont pas ce caractère sont des écoles d'athéisme, il oublie ce qui se passe à nos portes, depuis plus de cinquante ans, comme on le lui a rappelé dans une interruption.

En Hollande, les écoles sont absolument et exclusivement laïques. Aucun enseignement religieux dogmatique n'y est donné, et la loi a été établie sur ce principe dans l'intérêt même des catholiques. Ce sont les catholiques qui ont surtout demandé que les écoles établies en vertu de la loi de 1806 ne fussent pas organisées dans un esprit exclusivement sectaire.

Leur désir a été accompli : et pourtant, les écoles de la Hollande sont-elles athées ? A-t-on fait des populations hollandaises une race d'athées ? Mais, messieurs, personne n'ignore que le peuple hollandais est aussi moral et aussi religieux que le peuple belge, bien que toutes les générations qui s'y sont élevées depuis un demi-siècle aient été formées dans des écoles non confessionnelles.

Il en est de même en Irlande. L'honorable M. Dumortier a rappelé tout à l'heure les paroles attribuées à lord Derby, répondant, suivant un journal, à quelques personnes qui s'étaient adressées à lui pour demander que les écoles fussent désormais exclusivement laïques ; lord Derby, prétend-on, aurait dit comme à une autre époque M. Guizot : « L'atmosphère de l'école doit être religieuse. »

Mais lord Derby, arrivé au pouvoir, lord Derby qui avait combattu auparavant, je le reconnais, l'établissement des écoles mixtes en Irlande, s'est convaincu depuis par l'expérience qu'il n'y avait pas lieu de modifier l'état de choses existant.

Et, encore une fois, a-t-on fait en Irlande des écoles athées ? A-t-on fait des Irlandais un peuple d'athées ? N'est-ce pas, au contraire, un peuple tout aussi catholique, tout aussi religieux que celui de la religieuse et catholique Belgique ?

On pourrait donc avoir en Belgique des écoles érigées suivant le même système, sans que le principe religieux fût en rien compromis.

Qu'est-ce qui s'oppose en effet à ce que l'enseignement religieux soit donné ailleurs que dans l'école, ou même à ce qu'il soit donné à l'école, mais seulement à ceux qui veulent le recevoir ?

N'est-ce pas encore, pour rappeler un autre grand exemple, ce qui se passe aux Etats-Unis, dont le peuple est signalé comme étant des plus religieux ? L'école y est mixte cependant ; aucun enseignement dogmatique n'y est donné, ce qui n'empêche pas les populations américaines d'être animées d'une profonde conviction religieuse, et de nourrir les sentiments d'un ardent prosélytisme. C'est précisément là le résultat de l'absence d'enseignement religieux dans les écoles. Pour y suppléer, les sectes religieuses, les confessions religieuses s'attachent à organiser partout un enseignement dogmatique conforme à leur croyance, et s'efforcent, par tous les moyens, de répandre cet enseignement dans les populations.

D'ailleurs, messieurs, on s'exagère beaucoup l'importance de l’enseignement religieux tel qu'il se donne actuellement dans nos écoles. A entendre ce qui se dit à ce sujet dans cette enceinte, on pourrait supposer, qu'il y a dans chaque école primaire un enseignement religieux spécial donné par les ministres du culte ; mais, messieurs, en réalité, il n'en est rien. Dans la plupart de nos écoles, ce ne sont pas les ministres du culte qui donnent l'instruction religieuse. On se repose de ce soin sur l'instituteur, qui a une sorte de délégation pour enseigner le catéchisme. Hors de là, rien ne se fait. Cependant, si le clergé pensait que l'enseignement ainsi donné fût insuffisant, il établirait des écoles religieuses spéciales. Mais de pareilles écoles n'existent pas. A part le catéchisme, que l'on enseigne pour la première communion, il n'y a rien, absolument rien ! (Interruption.) Où y a-t-il un enseignement religieux après la première communion ? Il n'en existe pas.

N'exagérons donc pas. Il est bien évident que l'on n'affaiblirait en aucune façon le sentiment religieux, alors qu'il y aurait des écoles absolument laïques dans lesquelles on ne s'occuperait aucunement de l'enseignement religieux.

Je crois même que l'on contribuerait beaucoup au développement de cet enseignement s'il en était ainsi, et ce qui se passe dans d'autres pays me porte à le croire. On sentirait alors le besoin de développer davantage le sentiment religieux ; on pourrait dire alors avec vérité que les enfants se trouveraient dans une atmosphère religieuse, et l'on exercerait sur leur esprit un empire bien plus grand que dans l'école, où le piètre enseignement religieux qui leur est donné dans les conditions que je viens d'indiquer, leur répugne comme celui de la lecture et de l'écriture.

Il faut voir les choses telles qu'elles sont : c'est, pour les enfants, une espèce de punition que d'aller à l'école, et ils ont une égale répugnance pour tout ce qu'ils doivent y apprendre, y compris même l'enseignement religieux.

Si donc il y avait des écoles spéciales où se donnerait l'instruction dogmatique, il y aurait, selon moi, un plus grand développement des idées religieuses en Belgique que dans les conditions actuelles.

Je n'ai pu, messieurs, laisser passer sans protestation les assertions exagérées de l'honorable M. Dumortier. Tout le monde sait que pour ce qui me regarde, et un grand nombre de mes amis partagent cette opinion,, je pense que l'enseignement pourrait être organisé en Belgique sur d'autres bases que celles qui ont été admises dans la loi de 1842. Si une réforme de cette législation n'a pas été admise jusqu'à ce jour, c'est parce qu'il y a sur cette question une grande division dans l'opinion libérale ; c'est parce qu'un grand nombre d'honorables membres, d'accord avec nous sur le principe, sont cependant convaincus qu'en touchant à la loi de 1842, on nuirait considérablement au développement de l'enseignement primaire en Belgique. C'est là ce qui a empêché jusqu'à présent une réforme d'ailleurs rationnelle et parfaitement constitutionnelle.

C'est en vain que l'on vient se prévaloir de l'opinion exprimée par des hommes d'Etat de pays étrangers sur la nécessité de maintenir l'école primaire dans une atmosphère religieuse. On applique cette espèce d'axiome dans un sens général, alors qu'il a une portée tout à fait exclusive.

Que signifient en effet ces paroles, prononcées par M. Guizot et lord.Derby ? Elles s'adressent à des protestants, en faveur d'une religion toute différente de celle que vous voulez faire prévaloir. (Interruption.)

Est-ce l'anglicanisme ou le protestantisme qu'il faudrait faire dominer dans les écoles ?

M. Dumortierµ. - C'est le principe religieux.

MfFOµ. - Oui ! mais lequel ? Ce n'est pas un principe religieux unique, ce sont divers principes religieux.

C'est de là que je conclus qu'il faudrait laisser à chacun, aux diverses croyances, aux diverses confessions, le soin de former l'esprit religieux de leurs adhérents.

M. Dumortierµ. - Messieurs, l'honorable ministre qui vient de se rasseoir est tombé dans une étrange exagération. (Interruption.) Je me sers de son expression...

M. Bouvierµ. - Il a été très calme.

M. Dumortierµ. - ... favorite quand il s'adresse à moi. J'ai le plaisir de la lui renvoyer, et j'espère que ce ne sera pas la dernière fois.

Il est tombé dans l'exagération lorsqu'il est venu comparer la Belgique à la Hollande, aux Etats-Unis et à l'Angleterre, pays dans lesquels il existe des religions diverses. Il est tombé surtout dans une étrange exagération, lorsqu'il a parlé des lois qui en Hollande existaient depuis cinquante ans, sans réfléchir que ce sont ces lois qui ont été l'élément principal de notre glorieuse émancipation.

MfFOµ. - Pas de tout.

M. Dumortierµ. - Comment ! Qu'est-il arrivé sous le royaume des Pays-Bas ?

Qu'est-il arrivé sous le gouvernement des Pays-Bas ? Le gouvernement a commencé par bannir le prêtre des écoles ; puis il a fermé toutes les écoles religieuses ; il ne s'en est pas tenu là : il a fini par déclarer que tout enfant qui aurait été étudier à l'étranger ne serait plus habile à aucune espèce de fonctions publiques. Voilà un système suivi et entier ; eh bien, c'est ce système qui a été l'élément le plus fort de la résistance au gouvernement hollandais et qui a été la base la plus sacramentelle de notre révolution qu'on vient nous présenter aujourd'hui comme un bienfait. Etrange exagération, encore une fois, dans la bouche de l'honorable ministre des finances ! Mais je ne suis pas surpris de cette exagération. Comment M. le (page 122) ministre qualifie-t-il l’enseignement religieux ? Il le qualifie de piètre enseignement religieux.... (Interruption.) Ne l'avez-vous pas tous entendu ? Il le qualifie de piètre enseignement religieux.

M. Teschµ. - Par la manière dont il est donné...

M. Dumortierµ. - Et il ajoute que cet enseignement est une punition. Est-ce là de l'exagération oui ou non ? (Interruption.) Quoi ! l'enseignement qui se donne sous la surveillance du prêtre est un piètre enseignement ! l'enseignement qui je donne à des élèves catholiques dont les familles veulent conserver les sentiments religieux est une punition ! Eh bien, quand on s'est exprimé de la sorte, on est condamné, et je me rassieds.

MfFOµ. - Messieurs, ce que vient de dire l'honorable M. Dumortier sera demain, j'en suis convaincu, le thème de toute la presse cléricale. (Longue interruption.) Ainsi, j'aurai dénoncé l'enseignement de la religion comme détestable ; c'est un piètre enseignement, c'est une punition, qu'on ne doit pas infliger aux enfants ! Voilà ce que j'aurai dit, d'après M. Dumortier. Eh bien, je fais à cet égard appel à la loyauté de tous les membres de cette Chambre, et j'ai la certitude que pas un seul ne se lèvera pour soutenir cette assertion. Si quelqu'un pouvait prendre au sérieux l'honorable M. Dumortier, je lui ferais une réponse renfermant la punition qu'il mérite. (Interruption.) Je me borne à protester. Personne n'a pu, de bonne foi, se méprendre sur la portée de mes paroles : c'est en préconisant les sentiments religieux et l'idée religieuse que j'ai soutenu l'insuffisance de l'enseignement religieux dans l'école.

J'ai dit que, dans les conditions actuelles, c'était là un piètre enseignement, donné seulement par un instituteur, comme simple délégué des ministres du culte ; j'ai dit que de jeunes enfants, pour lesquels tout enseignement est une espèce de punition, confondent dans leur répugnance tout ce qui s'apprend à l'école, et assimilent l'enseignement de la religion à celui de l'écriture et du calcul. J'ai dit que je voudrais voir l'enseignement religieux donné dans de meilleures conditions, d'une façon plus efficace, que je voudrais le voir donné pour lui-même, afin de développer davantage les sentiments moraux et religieux chez les enfants. Voilà ce que j'ai dit, c'est-à-dire précisément le contraire de ce que l'honorable M. Dumortier m'attribue.

M. Dumortierµ. - J'ai rappelé les paroles de M. le ministre.

Voix nombreuses. - Non ! non !

M. Dumortierµ. - Vous en avez tiré ce que vous avez voulu, mais il reste un fait certain, c'est que la manière dont s'est exprimé M. le ministre des finances est la condamnation des évêques, du corps épiscopal et de tous les prêtres.

- Une voix. - C'est juste le contraire.

M. de Haerneµ. - Messieurs, je n'abuserai pas des moments de la Chambre, mais je ne puis laisser passer sans quelques observations certaines idées que vient d'émettre M. le ministre des finances.

Il me semble que l'honorable ministre fait erreur dans l'application des principes de la Constitution en matière de liberté religieuse. J'ai toujours compris l'esprit du Congrès et, j'ose le dire, la lettre de la Constitution dans un autre sens, dans un sens plus pratique.

De quoi le Congrès s'cst-il préoccupé avant tout ? Il s'est préoccupé des abus qui avaient surgi sous l'administration précédente, il a voulu prendre des garanties contre le renouvellement de ces abus. La liberté des cultes existait sous le gouvernement des Pays-Bas, mais comme elle avait été souvent violée, on a voulu prémunir le pays contre les violations futures et donner, à cet effet, de la force au gouvernement.

En matière d'enseignement comme en matière de cultes, on s'est basé sur des faits ; il existait différents cultes subsidiés : les cultes ont été subsidiés par notre Constitution ; il existait des écoles appartenant aux divers cultes : écoles pour les protestants, écoles pour les catholiques ; on a maintenu le fait et on a continué ce régime.

Ainsi donc, lorsqu'on a voulu appliquer dans la Constitution le principe de la liberté des cultes à l'enseignement, on a toujours eu en vue les précédents et on l'a fait pour obvier aux abus qui s'étaient produits sous le gouvernement des Pays-Bas. Mais on n'a pas voulu autoriser le gouvernement à introduire la négation des cultes ; telle n'a pas été la pensée du Congrès. Là gît la différence fondamentale entre M. le ministre des finances et plusieurs orateurs de la gauche d'un côté et nous de l'autre, membres de la droite.

La Constitution n'a pas voulu de la négation des cultes et je suis persuadé que si pareil principe s'était produit au Congrès, il y aurait eu dans cette assemblée une protestation pour ainsi dire unanime. L'honorable ministre des finances, pour corroborer son système, a rappelé des exemples qu'il avait déjà cités plusieurs fois dans cette enceinte. Il a parlé de la Hollande, de l'Irlande et des Etats-Unis.

Permettez-moi quelques courtes observations relativement aux divers régimes qui se rencontrent dans ces pays vraiment remarquables au point de vue des institutions constitutionnelles, libérales, particulièrement en matière d'enseignement.

Je dirai d'abord un mot des Etats-Unis parce que c'est l'exemple de ce pays qui a surtout été mis en avant en Hollande et en Irlande pour arriver à une espèce d'école mixte.

Il est vrai que la législation fédérale n'a jamais lié les Etats dans cette matière ; la constitution fédérale a proclamé la liberté des cultes, mais elle a laissé une grande latitude sous ce rapport aux Etats particuliers, parce qu'on voulait consacrer l'autonomie presque complète des Etats. Il s'en est suivi que dans quelques Etats on est allé loin sous ce rapport ; mais il ne faut pas en conclure qu'on ait voulu arriver à la négation des cultes.

On a voulu que la vraie liberté fût sacrée, qu'elle fût inviolable dans son application à l'enseignement. Mais cela n'a pas empêché que, dans plusieurs Etats, on ait proclamé que l'enseignement doit être basé sur le christianisme. Il y a une décision formelle du premier des Etats, de celui de New-York conçue dans ce sens.

On y a discuté pendant assez longtemps cette question, et l'on est arrivé à cette conclusion que la base de l'instruction doit être religieuse, et même chrétienne, le mot s'y trouve. Vous voyez donc qu'il y a une énorme différence entre le système des Etats-Unis et celui qu'on préconise ici.

Du reste, il y a, dans la plupart des Etats, une autre garantie, c'est le suffrage universel appliqué directement à la nomination des comités administratifs (trustees) des écoles locales. Or, messieurs, qu'en résulte-t-il ? C'est que dans les localités où les presbytériens, par exemple, sont en majorité, la commission d'instruction est composée en majorité de presbytériens, comme elle se compose de catholiques dans les localités où ceux-ci dominent. Ces trustees veillent sur les abus qui peuvent se glisser dans l'enseignement.

MfFOµ. - C'est un petit roman que vous faites là.

M. Thonissenµ. - C'est l'exacte vérité.

MfFOµ. - Je vous montrerai la vérité, les textes à la main.

M. de Haerneµ. - Messieurs, il ne s'agit pas du tout de faire l'application à tous les pays de ces principes que vous trouverez dans les Codes of public instruction ; mais je dis que les Etats-Unis trouvent là une garantie d'autant plus grande que les écoles libres, qui existent à côté des écoles publiques, exigent de grands aménagements dans la direction de celles-ci. On ne peut par conséquent pas argumenter de leur exemple pour apprécier ce qui doit se faire en Belgique. Je pourrais citer messieurs, encore bien des faits relatifs aux Etats-Unis, si je ne craignais d'être trop long. Ainsi, dans plusieurs Etats, à New-York, par exemple, l'autorité publique rétribue des écoles catholiques. Le gouvernement fédéral subsidie dans ce moment des écoles confessionnelles dans les Etats du Sud. On n'est donc pas absolu.

M. le ministre des finances a fort bien dit qu'en Hollande le principe qui régit l'instruction primaire remonte au moins à 50 ans. En effet, il faut recourir à la loi de 1806 pour connaître le principe de l'instruction primaire en Hollande. Mais, messieurs, on a considérablement abusé de ce principe, on l'a torturé dans tous les sens, et surtout dans un sens exclusivement protestant, si bien qu'en 1856 les protestations sont devenues presque générales, et que partout on a demandé la liberté pour les écoles.

On a demandé la liberté en faveur des protestants, des catholiques, etc., et l'on est arrivé à une transaction, qui est le principe déposé dans la loi invoquée tout à l'heure par l'honorable M. Bouvier et à laquelle M. le ministre des finances a également fait allusion. Mais, notez-le bien, on y a conservé le mot de « vertus chrétiennes », et la première des vertus chrétiennes est la foi.

Mais, dit-on, les catholiques ont voté cette loi. Oui, messieurs, un assez grand nombre de catholiques ont voté cette loi par concession, pour avoir plus de liberté pour leurs écoles privées ; mais il en est beaucoup d'autres aussi qui ont voté contre la loi ; beaucoup ont protesté et protestent encore, et le nombre de ces derniers augmente chaque jour. J'ajoute qu'il en est de même de beaucoup de protestants.

MfFOµ. - Certainement.

(page 123) M. de Haerneµ. - Cette loi est tombée dans un discrédit complet et, en effet, M. Groen Van Prinsterer, le chef du parti protestant orthodoxe, avec la plupart des catholiques, en demande la révision.

Vous croyez, messieurs, que cette loi est appliquée comme un théorème de géométrie et que, par respect, pour la liberté de conscience de quelques bambins, on n'ose pas même prononcer le nom de Dieu dans les écoles ! Pas le moins du monde ; et si la loi est en quelque sorte muette sur le principe religieux, l'application qu'on en fait n'exclut pas toute religion, comme nos adversaires voudraient le faire en Belgique. La loi, il est vrai, est nécessairement tolérante, d'autant plus qu'en Hollande, il y a un grand mélange de populations appartenant à des opinions religieuses différentes.

C'est pour cela qu'on a dû en arriver à une transaction, qui se produit surtout dans la pratique.

Cela est tellement vrai qu'un célèbre ministre hollandais, M. de Thorbeeke, n'a pas craint de dire que cet enseignement, qu'on appelle mixte ou neutre, onzijdig, n'est tel que de nom. Het zoogemamde onzijdig onderwijs, c'est l'expression dont s'est servi cet homme d'Etat.

Voilà, messieurs, comment les choses se passent en Hollande. Sans doute le système qui y est pratiqué offre des inconvénients, surtout dans le sens de la loi de 1806 ; et c'est pour cela qu'on en demande la réforme. Du reste il y a des inconvénients dans l'application de tous les systèmes.

Quant à l'Irlande, je pourrais en dire autant : là non plus on n'est pas absolu dans la pratique. Mais là aussi il y a eu des protestations très nombreuses dès le principe, et elles augmentent de jour en jour. On y demande l'abrogation de la loi à cor et à cris, et c'est dans un pareil moment qu'on vient nous le prôner.

Il y a plus : un membre du parlement, élu par l'Irlande, M. Myle Orelley, n'a pas craint de déclarer, dans une publication faite à Bruxelles même, que, dans les neuf dixièmes des écoles, le principe mixte, comme on l'entend en Belgique, n'existe que de nom.

Voilà, messieurs, comment il faut comprendre les divers systèmes qui sont en vigueur dans ces pays auxquels on fait allusion, et lorsqu'on les examine de près, on arrive nécessairement à des conclusions autres que celles qu'on vient de préconiser dans cette enceinte et qui tendent à accorder la préférence à ce qu'on appelle le système mixte, système que nous regardons, nous, comme menant logiquement à l'incrédulité, à la négation des cultes, système dont nous ne voulons pas, que nous ne pouvons admettre en aucune manière.

- La discussion sur le chapitre est close.

Articles 95 à 102

« Art. 95. Traitements de l'inspecteur général des écoles normales, d'instituteurs et d'institutrices, de l'inspectrice des écoles normales, d'institutrices et des inspecteurs provinciaux de l'enseignement primaire : fr. 48,200. »

- Adopté.


« Art. 96. Frais de bureau de l'inspecteur des écoles normales et des inspecteurs provinciaux de l’enseignement primaire : fr. 19,000. »

- Adopté.


« Art. 97. Indemnités aux inspecteurs diocésains et aux inspecteurs cantonaux ecclésiastiques des écoles primaires : fr. 54,000. »

- Adopté.


« Art. 98. Personnel des écoles normales de l'Etat et des sections normales primaires établies près des écoles moyennes ; traitements et indemnités : fr. 114,000. »

- Adopté.


« Art. 99. Traitements de disponibilité pour des professeurs des établissements normaux de l'Etat ; charge extraordinaire : fr. 5,170. »

- Adopté.


« Art. 100. Subventions -des écoles normales agréées pour la formation d'institutrices : fr. 30,000. »

- Adopté.


« Art. 101. Dépenses variables : Frais d'administration, impressions, registres, etc. ; commission centrale de l'instruction primaire ; frais de voyage de l'inspecteur général des écoles normales et de l'inspectrice des écoles normales d'institutrices, des inspecteurs provinciaux, des inspectrices déléguées, des inspecteurs ecclésiastiques des écoles protestantes et Israélites ; indemnités aux inspecteurs cantonaux civils, du chef des conférences et des concours, ainsi que des tournées extraordinaires ; frais des jurys d'examen dans les écoles normales ; matériel des établissements normaux de l'Etat ; frais des conférences horticoles des instituteurs ; subsides aux bibliothèques cantonales des instituteurs ; bourses aux élèves instituteurs et aux élèves institutrices des diverses écoles normales ; bourses de noviciat (article 28, paragraphe 2 de la loi) ; construction de maisons d'école ; service annuel ordinaire des écoles primaires communales adoptées ; subsides aux communes ; subsides a des établissements spéciaux (salles d'asile et écoles d'adultes) ; récompenses en argent ou en livres aux instituteurs primaires qui font preuve d'un zèle extraordinaire et d'une grande aptitude dans l'exercice de leurs fonctions ; achat de livres, d'images, etc., à distribuer par les inspecteurs aux élèves les plus méritants des écoles primaires ; publications périodiques et autres, intéressant l'instruction primaire ; souscriptions, acquisitions, subsides ; subsides aux caisses de prévoyance des instituteurs ; secours à d'anciens instituteurs et dépenses diverses : fr. 3,185,764. »

- Adopté.


« Art. 102. Frais de rédaction du 8ème rapport triennal sur l'état de l'enseignement primaire, et fourniture d'exemplaires de ce même rapport pour le service de l'administration centrale ; charge extraordinaire : fr. 10,000. »

- Adopté.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.