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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 7 février 1867

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1866-1867)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboomµ.)

Appel nominal

(page 379) M. de Moor, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

Lecture du procès-verbal

M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

MjBµ. - Messieurs, les Annales parlementaires, qui ont paru ce matin, portent d'une manière inexacte l'amendement proposé par l'honorable M. Carlier à l'article 2 du projet de loi, qui était l'ancien article 4, c'est-à-dire l'amendement proposé par l'honorable M. de Naeyer.

Le but de l'amendement de l'honorable M Carlier était uniquement d'ajouter le mot « patrons » au mot « maîtres » et en outre de substituer aux anciens termes les mots « relatifs aux gages et aux salaires ». Mais les Annales parlementaires disent : « les actes seront dispensés de la formalité du timbre ». Ce n'est pas cela. L'honorable M. Carlier a demandé le maintien des termes de l'article tel qu'il était proposé par la section centrale. Je crois donc que ces termes doivent être rétablis comme la section centrale les avait proposés, sauf les modifications introduites par M. Carlier.

Cet article est donc ainsi conçu :

a Dans toutes les contestations entre maîtres et domestiques, patrons et ouvriers, relatives aux gages ou aux salaires, les écrits sous seing privé produits comme moyens de preuve, sont exempts des droits et des formalités du timbre et de l'enregistrement. »

MpVµ. - Il résulte dos explications données par M. le ministre que les Annales parlementaires ont rendu inexactement l'amendement proposé par M. Carlier. Mais comme le procès-verbal est exact, il n'y a pas lieu à le rectifier.

- La rédaction du procès-verbal est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moorµ présente l'analyse suivante des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Les secrétaires communaux du canton de Beeringen prient la Chambre d'améliorer la position des secrétaires communaux. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Caudron, ancien préposé des douanes, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir la moyenne de la pension accordée aux anciens préposés des douanes. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Frasnes demandent le suffrage universel pour toutes les élections. »

- Même renvoi.


« L'administration de la troisième section agricole du nord composant les communes de Brecht, Loenhout, Saint-Léonard et Westwezel, demandent l'achèvement du canal de Turnhout à Anvers. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.

Projet de loi ouvrant un crédit au budget des travaux publics

Rapport de la section centrale

M. Bouvierµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale, qui a examiné le projet de loi ouvrant un crédit de 120,000 fr. pour l'acquisition et l'appropriation d'un immeuble devant servira la direction des douanes, accises, etc., à Namur.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.

Projet de loi révisant le code pénal

Discussion des articles (Livre II (Des infractions et de leurs répressions en particulier), titre III (Des crimes et délits contre la foi publique)

MpVµ. - La discussion générale est ouverte sur le livre II, titre III.

M. Lelièvreµ. - Le titre III en discussion est relatif aux crimes et délits contre la foi publique. Au nombre de ces faits délictueux figure la fausse monnaie. Il est à remarquer que diverses lois spéciales prononcent les peines édictées par la loi du 5 juin 1832, modifiant le code pénal de 1810. Je présume que les peines du code pénal que nous discutons remplaceront de plein droit celles prononcées par ces dispositions spéciales, notamment par l'article 9 de la loi qui a approuvé la convention monétaire conclue entre la Belgique, la France, l'Italie et la Suisse, adoptée dans la séance du 24 avril 1866, et portant :« Les articles 132, 135, 136, 137 et 138 du code pénal modifiés par l'article 12 de la Constitution et par l'article 8 de la présente loi, sont applicables aux crimes et délits qui pourraient se commettre à l'égard des monnaies étrangères qui font l'objet de la convention mentionnée à l'article premier. »

L'article 8 de la même loi dérogeait aussi aux peines prononcées par le code pénal de 1810.

Je pense que du moment que le nouveau code pénal sera publié, ce seront les dispositions relatives à la fausse monnaie qui seront applicables aux cas prévus par les lois spéciales dont j'ai fait mention.

Au nombre des faits prévus par le titre III, chapitre V, se trouvent aussi le faux témoignage, le faux serment, etc. Je désire savoir si l'on entend par ces dénominations la déclaration mensongère faite avec l'invocation de la Divinité.

L'arrêté-loi de 1814 a prescrit la prestation de serment avec la formule usitée antérieurement qui considérait comme essentielle l'invocation de la Divinité. A mon avis, cela fait partie intégrante et indispensable du serment. Cette invocation ne tient pas à un culte déterminé. L'existence de Dieu est un principe de la morale universelle, reconnu par toutes les nations. Récemment un jugement du tribunal de Bruxelles a pensé qu'il ne s'agissait, dans l'occurrence, que d'un serment purement civil. Je ne puis partager cette opinion, qui est contraire à ce qui se pratique généralement dans toutes les juridictions.

Je demande donc que le gouvernement nous dise quelle déclaration fausse et mensongère il réputé délit contre la foi publique et s'il ne considère pas comme essentielle la prestation du serment sous l'invocation de la Divinité pour constituer le fait de faux témoignage et celui de faux serment réprimés par le code pénal en discussion.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Il est évident qu'il n'y a aucune difficulté à déclarer que les dispositions de la loi monétaire qui punissent la fausse monnaie sont remplacées par les dispositions du code pénal qui punissent également la fausse monnaie.

L'honorable M. Lelièvre demande si le faux témoignage rendu sans invocation de la Divinité, sous la foi de ce qu'on appelle parfois un serment purement civil, si ce faux témoignage sera puni comme le faux témoignage rendu avec un véritable serment. Il est évident pour moi que dès qu'il y a une déclaration avec l'affirmation solennelle admise par le juge comme étant un serment et en tenant lieu, cette déclaration doit avoir les mêmes conséquences que le serment religieux.

M. Lelièvre. — Ainsi, il est entendu que les articles 215 et 216, 218 et 219 ne sont applicables qu'à ceux qui ont prêté serment sous l'invocation de la divinité tandis que ceux qui n'auront fait qu'une simple déclaration civile seront atteints par les articles 217 et 221.

M. Coomansµ. - Il est possible, messieurs, que ce soit une question grave au point de vue juridique et constitutionnel, que de savoir si l'invocation de la Divinité, c'est-à-dire la reconnaissance officielle d'un Etre suprême, d'une Providence est une condition essentielle du serment. Mais dans le cas où ce problème serait résolu dans le sens négatif, je (page 380) trouve qu'il serait très moral de supprimer toute espèce de serment. Je ne conçois pas de serment sans une sanction religieuse. Libre à vous de supprimer la sanction religieuse, mais alors supprimez le serment, car le serment sans Dieu n'a aucune signification.,

M. de Moorµ. -Alors le serment de représentant ne vaut rien.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Nous ne devons pas étendre le débat au delà de ses limites rationnelles ; il ne s'agit pas, je pense, de discuter la question soulevée par M. Coomans ; il s'agit uniquement de savoir quelle sera l'application des articles dont nous nous occupons Au cas indiqué par M. Lelièvre, je crois que l'application de ces articles ne fait pas une difficulté, et, par conséquent, nous pouvons nous dispenser de traiter ici la question du serment, récemment agitée devant le tribunal de Bruxelles.

-La discussion générale est close.

La Chambre passe à la discussion des articles.

Chapitre premier. De la fausse monnaie

Articles 160 à 170

« Art. 160. Quiconque aura contrefait des monnaies d'or ou d'argent ayant cours légal en Belgique, sera puni des travaux forcé de dix ans à quinze ans. »

- Adopté.


« Art. 161. Sera puni de la réclusion celui qui aura altéré les mêmes monnaies. »

- Adopté.


« Art. 162. Celui qui aura contrefait des monnaies d'autre métal ayant cours légal en Belgique, sera puni d'un emprisonnement d'un an à trois ans.

« Le coupable pourra, en outre, être condamné à l'interdiction, conformément à l'article 33, et placé pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, sous la surveillance spéciale de la police.

« La tentative de contrefaçon sera punie d'un emprisonnement, de trois mois à deux ans. »

- Adopté.


« Art. 163. L'altération des mêmes monnaies sera punie d'un emprisonnement de trois mois à un an. »

- Adopté.


« Art. 164, Quiconque aura contrefait des monnaies d'or ou d'argent n'ayant pas cours légal dans le royaume, sera puni de la réclusion. »

- Adopté.


« Art. 165. Sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans, celui qui aura altéré les mêmes monnaies.

« Il pourra de plus être condamné à l'interdiction, conformément à l'article 33, et à la surveillance spéciale de la police pendant cinq ans au moins et dix ans au plus. »

- Adopté.


« Art. 166. La contrefaçon des monnaies d'autre métal n'ayant pas cours légal dans le royaume sera punie d'un emprisonnement de six mois à deux ans.

« La tentative de contrefaçon de ces monnaies sera punie d'un emprisonnement d'un mois à un an. »

- Adopté.


« Art. 167. L'altération de ces monnaies sera punie d'un emprisonnement de deux mois à six mois. »

- Adopté.


« Art. 168. Seront punis comme les faussaires où comme leurs complices, d'après les distinctions établies aux articles précédents, ceux qui, de concert avec eux, auront participé soit à l'émission ou a la tentative d'émission desdites monnaies contrefaites ou altérées, soit à leur introduction sur le territoire belge ou à la tentative de cette introduction. »

- Adopté.


« Art. 169. Quiconque, sans être coupable de la participation énoncée au précédent article, se sera procuré, avec connaissance, des pièces de monnaie contrefaites ou altérées et les aura mises en circulation, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à trois ans. »

- Adopté.


« Art. 171. Sera puni d'un emprisonnement d'un mois à trois ans et d'une amende de cinquante francs à mille francs, celui qui, après avoir donné l'apparence d'or ou d'argent à des monnaies d'un métal de moindre valeur, les aura émises ou aura tenté de les émettre. »

MpVµ. - La commission propose de supprimer cet article et de le reporter au titre IX. »

- Adopté.


« Art. 171 (nouveau). Ceux qui se rendront coupables de fraude dans le choix des échantillons destinés, en exécution de la loi monétaire, à la vérification du titre et du poids des monnaies d'or et d'argent, seront condamnés aux travaux forcés de quinze ans à vingt ans. »

- Adopté.


« Art. 172. Ceux qui auront commis cette fraude dans le choix des échantillons de monnaies d'autre métal seront punis de la réclusion. »

- Adopté.

Chapitre II. De la contrefaçon ou falsification des effets publics, des actions, des obligations, coupons d'intérêts et des billets de banque autorisés par la loi

Articles 173 à 176

« Art. 173. Seront punis des travaux forcés de quinze ans à vingt ans, ceux qui auront contrefait ou falsifié des obligations émises par le trésor public, des coupons d'intérêts afférents à ces obligations, des billets de banque au porteur, dont l'émission est autorisée par une loi, ou en vertu d'une loi. »

- Adopté.


« Art. 174. Seront punis des travaux forcés de dix ans à quinze ans, ceux qui auront contrefait ou falsifié soit des obligations au porteur de la dette publique d'un pays étranger, soit des coupons d'intérêts afférents à ces titres, soit des billets de banque au porteur dont l’émission est autorisée par une loi d'un pays étranger ou par une disposition y ayant force de loi. »

- Adopté.


« Art. 175. Ceux qui auront contrefait ou falsifié soit des actions, obligations ou autres titres légalement émis par des provinces, des communes, des administrations ou établissements publics, sous quelque dénomination que ce soit, par des sociétés ou des particuliers, soit des coupons d'intérêts ou de dividendes afférents à ces différents titres, seront punis de dix ans à quinze ans de travaux forcés, si l'émission a eu lieu en Belgique, et de la réclusion, sil 'émission a eu lieu à l'étranger. »

- Adopté.


« Art. 176. Seront punis comme les faussaires ou comme leurs complices, d'après les distinctions établies aux articles précédents, ceux qui, de concert avec eux, auront participé soit à l'émission ou à la tentative d'émission de ces actions, obligations, coupons ou billets contrefaits ou falsifiés, soit à leur introduction en Belgique, ou à la tentative de celle introduction. »

- Adopté.

Chapitre premier. De la fausse monnaie

Article 169

MjBµ. - Je demande la permission de revenir un instant sur l'article 169. Cet article est ainsi conçu :

« Quiconque, sans être coupable delfa participation énoncée au précédent article, se sera procuré, avec connaissance, des pièces de monnaie contrefaites ou altérées et les aura mises en circulation, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à trois ans. »

Pour mettre cet article en harmonie avec l'article 168, il faut aussi punir la tentative. Je propose donc de dire : « ...qui aura émis ou aura tenté d'émettre.... »

M. Lelièvreµ. - Je pense qu'il est entendu que, sous le mot « tentative », on entend celle qui réunit les conditions prescrites par le code dont nous nous occupons pour que la tentative soit punissable, ainsi celle suivie de commencement d'exécution et qui n'a été suspendue que par des circonstances fortuites.

Je fait toutefois remarquer à M. le ministre que par son amendement (page 381) il punit la tentative de la même peine que le fait principal, tandis que d'après les dispositions générales du code, la tentative doit être punie d'une peine inférieure. C'est là une anomalie qu'on devrait faire disparaître.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Je ne m'oppose pas à l'admission de l'amendement que propose M. le ministre de la justice, mais il doit être entendu que l'on pourra revenir sur cet amendement, au second vote.

Je ferai remarquer que l'article suivant ne punit pas non plus la tentative.

MjBµ. - Le cas est moins grave.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Soit, mais le cas de l'article 169 est aussi moins grave que celui de l'article 168. Je demande que cet article soit réservé.

MjBµ. - On pourrait admettre mon amendement provisoirement, sauf à y revenir au second vote.

- Cette proposition est adoptée ; l'amendement est admis provisoirement.

Chapitre II. De la contrefaçon ou falsification des effets publics, des actions, des obligations, coupons d'intérêts et des billets de banque autorisés par la loi

Articles 177 et 178

« Art. 177. Quiconque, sans s'être rendu coupable de la participation énonce au précédent article, se. sera procuré, avec connaissance, ces actions, ces obligations, coupons, billets contrefaits ou falsifiés et les aura émis, sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans. »

MjBµ. - Je dois faire à cet article la même observation que j'ai faite au sujet de l'article 169 : je propose également de dire : « ... ou aura tenté de les mettre... »

- Cet amendement est adopté.


« Art.178. Celui qui, ayant reçu pour bons des actions, obligations, coupons ou billets contrefaits ou falsifiés, l'a aura remis en circulation après en avoir vérifié ou fait vérifier les vices, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an, et d'une amende de cinquante francs a mille francs, ou d'une de ces deux peines seulement. »

- Adopté,

Chapitre III. De la contrefaçon ou falsification des sceaux, timbres, poinçons, marques, etc.

Article 179

« Art. 179. Seront punis des travaux forcés de dix ans à quinze ans, ceux qui auront contrefait le sceau de l'Etat, ou tait usage du sceau contrefait. »

- Adopté.

Article 180

« Art. 180. Seront punis de la réclusion :

« Ceux qui auront contrefait ou falsifié soit des timbres nationaux, soit les poinçons servant à marquer les matières d'or ou d'argent ;

« Ceux qui auront fait usage de ces timbres ou poinçons contrefaits ou falsifiés ;

« Ceux qui auront contrefait ou falsifié les poinçons, coins ou carrés destinés a la fabrication des monnaies ;

« Ceux qui auront contrefait ou falsifié les poinçons, matrices, clichés, planches ou tous autres objets servant à la fabrication soit de timbres, soit d'actions, obligations, coupons, d’intérêts ou de dividendes, soit de billets de banque dont l’émission a été autorisée par une loi ou en vertu d'une loi. »

M. Coomansµ. - Il conviendrait, je pense, de dire : « Ceux qui auront sciemment fait usage, etc. »

M. Pirmez, rapporteurµ. - L'addition de ce mot n'est pas nécessaire, attendu qu'il y a dans la loi une disposition spéciale qui fait droit à l'observation de M. Coomans. C'est l'article 215, ainsi conçu : « L'application des peines portées contre ceux qui auront fait usage des monnaies, effets, coupons, billets, sceaux, timbres, poinçons, marques, dépêches télégraphiques décrits contrefaits, fabriqués ou falsifiés, n'aura lieu qu'autant que ces personnes auront fait usage de la chose fausse, dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire. »

M. Coomansµ. - Si nous sommes d'accord, je n'insiste pas.

- L'article est adopté.

Article 181

« Art. 181. Seront punis de la même peine ceux qui auront sciemment exposé, en vente des papiers ou des matières d’or ou d'argent marqués d'un timbre ou d un poinçon contrefait ou falsifié.

M. Coomansµ. - Voilà votre « sciemment », M. Pirmez.

M. Teschµ. - Oui, mais ici il ne s'agit pas de l'usage.

M. Pirmez, rapporteurµ. - C'est évident ; il ne s'agit pas ici de l'usage, et dès lors le mot « sciemment » a parfaitement sa raison d'être.

- L'article est adopté.

Article 182

« Art. 182. Si les marques apposées par le bureau de garantie ont été frauduleusement appliquées sur d'autres objets, ou si ces marques ou l'empreinte, d'un timbra ont été contrefaites sans emploi d'un poinçon ou d'un timbre contrefait, les coupables seront punis d'un emprisonnement de six mois à cinq ans. »

- Adopté.

Article 184

« Art. 184. Sera puni de trois mois à trois ans d'emprisonnement et pourra être condamné à l'interdiction conformément à l'article 33 :

« Celui qui aura contrefait des coupons servant au transport des personnes ou des choses sur le chemin de fer de l'Etat ou des compagnies concessionnaires, ou qui aura fait usage du coupon contrefait.

« Celui qui aura contrefait le sceau, timbre ou marque soit d'une autorité quelconque, soit d'un établissement privé, de banque, d'industrie ou de commerce, soit d'un particulier, ou qui aura fait usage des sceaux, timbres ou marques contrefaits.

« La tentative de ces délits sera punie d'un emprisonnement d'un mois à un an. »

M. Coomansµ. - Messieurs, comme vous tous, j'aime beaucoup les chemins de fer, mais il y a encore d'autres voies de transport : je citerai notamment les bateaux à vapeur, dont les compagnies se servent aussi de coupons en Belgique. Il me semble que l'article 184 ne s'appliquerait pas aux bateaux à vapeur, puisqu'il n'y est question que de chemins de fer. Je pourrais même demander que les messageries jouissent de la même garantie ; c'est une observation que je soumets à la Chambre, spécialement à M. le rapporteur et à M. le ministre de la justice. Il me paraît qu'il y a quelque chose de fondé dans cette observation. Ainsi, l'individu qui se servira de coupons contrefaits de la compagnie des bateaux à vapeur d'Anvers à New-York ou d'Anvers à Rotterdam, par exemple (il y aura encore d'autres compagnies, j'espère), cet individu-là ne sera pas punissable, et cependant il aura commis le même acte répréhensible que celui qui aura contrefait les coupons d'une compagnie de chemin de fer.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Messieurs, il n'est parlé dans cet article que du chemin de fer de l'Etat et des chemins de fer concédés, parce que les coupons de ces chemins de fer sont les plus usuels. Il pourrait y avoir de l'utilité à étendre la mesure aux coupons employés pour d'autres voies de communication. Cependant, je dois faire remarquer à l'honorable M. Coomans que dès l'instant qu'il y a un sceau, un timbre ou une marque spéciale, la contrefaçon tombe sous l'application de l'article, en vertu du paragraphe 5.

Du reste, la Chambre pourrait renvoyer l'article à un nouvel examen de la commission.

M. Lelièvreµ. - Je pense qu'il y a lieu de renvoyer l'article à l'examen de la commission. J'estime que l'on doit étendre la disposition à l'hypothèse signalée par l'honorable M. Coomans. On pourra trouver une locution générale qui fera droit à l'observation de ce dernier.

- La Chambre consultée renvoie l'article 184 à la commission.

Article 185

« Art. 185. Sera puni d'un emprisonnement de deux mois à trois ans, quiconque, s'étant indûment procuré les vrais sceaux, timbres, poinçons et marques ayant l'une des destinations exprimées aux articles 179 et 180, en aura fait une application ou un usage préjudiciable aux droits et aux intérêts de l'Etat, d'une autorité quelconque, ou même d'un particulier.

« La tentative de ce délit sera punie d'un emprisonnement de quinze jours à un an. »

Article 186

« Art. 186. Ceux qui auront contrefait ou falsifié les sceaux, timbres, poinçons ou marquas ayant l'une des destinations indiquées aux articles 179 et 180 et appartenant à des pays étrangers, ou qui auront fait usage de ces sceaux, timbres et poinçons contrefaits ou falsifiés, seront punis de la réclusion. »

M. Pirmez, rapporteurµ. - Une erreur s'est glissée dans l'impression de l'article proposé par la section centrale.

L'article doit être ainsi conçu :

« Ceux qui auront contrefait ou falsifié les sceaux, timbres, poinçons ou marques ayant l'une des destinations indiquées aux articles 179 et 180 et appartenant à des pays étrangers, ou qui auront fait usage de ces sceaux, timbres et poinçons. »

Il faut ajouter le mot « marques ».

- L'article ainsi modifié est adopté.

Articles 187 à 189

« Art. 187. Sera puni d'un emprisonnement d'un mois à deux ans, quiconque s'étant indûment procuré les vrais sceaux, timbres, poinçons ou marques dont il est parlé à l'article précédent, en aura fait usage. »

- Adopté.


(page 382) « Art. 188. Seront punis d'un emprisonnement de deux mois à trois ans et pourront être condamnés à l'interdiction conformément à l'article 33, ceux qui auront contrefait ces timbres-poste ou antres timbres adhésifs nationaux ou étrangers, ou qui auront exposé en vente ou mis en circulation des timbres contrefaits.

« La tentative de contrefaçon sera punie d'un emprisonnement d'un mois à un an. »

- Adopté.

« Art. 189. Ceux qui, s'étant procuré des timbres-poste ou autres timbres adhésifs contrefaits, en auront fait usage, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à un mois. »

- Adopté.

Article 190

« Art. 190. Seront punis d'une amende de vingt-six francs à trois cents francs :

« Ceux qui auront fait disparaître soit d'un timbre-poste ou autre timbre adhésif, soit d'un coupon pour le transport des personnes ou des choses sur un chemin de fer, la marque indiquant qu'ils ont déjà servi ;

« Ceux qui auront fait usage d'un timbre ou d'un coupon dont on a fait disparaître celle marque. »

M. Maghermanµ. - Je crois que cet article doit être renvoyé à la commission pour les mêmes motifs qu'on lui a renvoyé l'article tenu en suspens tout à l'heure. L'article doit s'appliquer aux coupons des messageries, des bateaux à vapeur, etc. »

M. Teschµ. - Je voulais faire la même observation. On a renvoyé un article à la commission. Si cet article est modifié, celui-ci devra l'être dans le même sens.

On peut simplement tenir l'article en suspens.

- L'article est tenu en suspens.

Article 192

« Art. 192. Les personnes coupables des infractions mentionnées aux articles 160 à 168, 172 à 176, et au dernier alinéa de l'article 180, seront exemptes de peines, si, avant toute émission de monnaies contrefaites ou altérées, ou de papiers contrefaits ou falsifiés et avant toutes poursuites, elles en ont donné connaissance et révélé les auteurs à l'autorité. »

- Adopté.

Chapitre IV. Des faux commis en écriture et dans les dépêches télégraphiques

Article 193

« Art. 193. Le faux commis en écritures ou dans des dépêches télégraphiques, avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, sera puni conformément aux articles suivants.

« Est assimilée à l'écriture toute imitation qui en est faite à l'aide d'un procédé quelconque. »

- La commission propose la suppression du deuxième paragraphe.

MjBµ. - Messieurs, la commission propose la suppression des mots :

« Est assimilée à l'écriture toute imitation qui en est faite à l'aide d'un procédé quelconque. »

La commission demande cette suppression par la raison que l'article 193 paragraphe premier a toujours été interprété dans le sens que le Sénat a voulu indiquer ; la reproduction par la photographie, dans l'opinion de la commission, constitue un faux et sera punie comme tel. Au fond, il n'y a pas de dissentiment entre la Chambre et le Sénat sur cet article.

Mais il y a, dans le rapport de la commission, une opinion que je ne puis admettre. D'après le rapport, l'imitation mécanique d'un acte imprimé serait un faux. Je crois que c'est aller trop loin.

Ainsi, je suppose un document diplomatique, confidentiel, imprimé et envoyé à une personne déterminée ; on reproduit ce document diplomatique avec des caractères semblables. Est-ce un faux ?

Je suppose un autre cas. Un éditeur publie un ouvrage. On se procure les mêmes caractères et l'on imite l'ouvrage d'une manière complète. Est-ce un faux ? Je ne le pense pas.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Ce n'est pas ce que nous avons voulu dire.

MjBµ. - Ce n'est pas ce qu'a voulu dire l'honorable M. Pirmez. Je le crois aussi. Mais ici les expressions ont excédé sa pensée. Il est certain qu'il a parlé de faux qui existeraient par la reproduction d'imprimés.

Je fais cette observation pour obtenir des explications de la section centrale.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Messieurs, je crois que le faux peut très bien exister par la reproduction d'un imprimé, Mais pour savoir s'il y a lieu à une peine, il faut voir si le document reproduit donne lieu à une peine de faux.

Ainsi, je suppose un faux journal, un numéro de l'Indépendance se publiant frauduleusement. Cela constituerait, un faux ; mais ce ne serait pas un faux punissable. Pourquoi ? Parce qu'il ne s'agit pas là d'un titre qui emporte obligation ou décharge, qu'il ne s'agit ni de passeport, ni de feuille de route, ni d'aucune autre écriture dont la falsification constitue le faux punissable.

Mais je suppose qu'il s'agisse de la signification d'un jugement. Vous savez que, quand il y a beaucoup de parties, on fait imprimer le jugement pour le signifier aux parties. Je suppose qu'on fasse imprimer un feuillet que l'on intercale parmi ceux qui contiennent le jugement.

Il est évident qu'on se rendrait ainsi coupable de faux dans un acte authentique, parce qu'on aurait altéré un acte que la loi protège par la peine de faux.

De même, pour le document diplomatique dont a parlé M. le ministre de la justice ; quand ce document, étant manuscrit, donne lieu à la peine de faux pour celui qui le contreferait en imitant l'écriture, ce document étant imprimé, il y aura faux de la part de celui qui le contrefera par l'impression. Je crois qu'il ne peut pas y avoir de doute à cet égard et que nous sommes d'accord.

Je reconnais qu'il ne peut y avoir de faux dans les faits indiqués par M. le ministre de la justice, comme celui de la reproduction d'un livre, parce que le livre n'est pas protégé par la peine du faux. Mais ce n'est pas à cause du mode de contrefaçon que l'infraction n'existe pas.

M. Coomansµ. - Messieurs, dans la falsification des dépêches télégraphiques, il ne s'agit que des fonctionnaires de l'Etat. On ne conçoit pas qu'une falsification de ce genre puisse se commettre par d'autres.

Or, je remarque qu'on ne punit que la fraude et l'intention de nuire. Mais d'autres falsifications peuvent se produire. Il se pourrait, je puis même dire : il se peut que des fonctionnaires, pour faire ce qu'on appelle une farce, une plaisanterie, sans esprit de fraude, sans intention de nuire, falsifient une dépêche télégraphique, Cela a eu lieu. Eh bien, ce fait est complètement innocenté, par notre article. Le voulez-vous ? Il. me semble qu'il y a là un véritable faux de la part d'un fonctionnaire.

MjBµ. - Il y a des règles administratives.

M. Coomansµ. - Nous les connaissons, ces règles.

Je ne parle pas ici des particuliers, de ce que je pourrais appeler les libres farceurs ; mais de la part d'un fonctionnaire toute espèce de falsification me paraît un fait grave. Si vous ne punissez que la fraude commise avec intention de nuire, vous permettrez les abus auxquels j'ai fait allusion.

MjBµ. - Messieurs, il y a déjà assez de délits et de crimes dans le code pénal.

M. Coomansµ. - Il y en a de trop.

MjBµ. - Alors, M. Coomans devrait commencer par ne pas proposer d'en créer de nouveaux.

M. Coomans voudrait que l'on punît de deux ou trois mois de prison le fonctionnaire qui aurait, dans le seul but de faire une plaisanterie, falsifié une dépêche télégraphique ; mais le fonctionnaire qui commettrait un pareil acte ne jouirait pas de l'impunité, il serait destitué ou il encourrait une peine disciplinaire quelconque.

Il est inutile que le code pénal intervienne dans la manière dont les fonctionnaires remplissent leurs fonctions, du moment que l'intention de nuire n'existe pas. M. Coomans, qui trouve qu'il y a trop de crimes et délits dans le code pénal, voudrait que l'on punît les fonctionnaires qui comprennent mal leurs plaisirs ! Si nous entrons dans cette voie, nous devrions atteindre tous ceux qui se permettent de mauvaises plaisanteries, soit dans les relations de la vie civile, soit même à la Chambre.

M. Coomansµ. - Je ne parle que des fonctionnaires.

MjBµ. - Nous sommes aussi en quelque sorte des fonctionnaires ; nous remplissons un mandat public.

Je crois, messieurs, que le législateur ne doit pas s'occuper de plaisanteries, quelque mauvaises qu'elles soient ; je doute fort d'ailleurs qu'il y ait beaucoup de fonctionnaires qui falsifient des dépêches dans le but de s'amuser, cela leur coûterait cher.

M. Coomansµ. - Quelquefois,

M. Pirmez, rapporteurµ. - Nous avons voulu assurer aux dépêches télégraphiques les mêmes garanties qu'aux écrits ; or une plaisanterie faite dans un écrit n'entraîne pas la peine de faux.

(page 383) M. Coomansµ. - Je vois, messieurs, qu'il faut que je précise. Il ne s'agit pas, comme l'insinue M. le ministre de la justice, de faire punir les plaisants bons ou mauvais ; s'il en était ainsi, nous verrions qui de lui ou de moi aurait le plus à redouter du code pénal ; il ne s'agit pas non plus de faire punir les particuliers qui se permettent d'induire en erreur des correspondants ou des amis. Point. J'ai fait ma remarque sur ceci, c'est que c'est un fait grave que des fonctionnaires falsifiant des dépêches télégraphiques, même sans esprit de fraude et sans intention de nuire. Les honorables préopinants disent que de pareils faits de falsification d'un objet confié à la transmission officielle, que ce fait n'est pas punissable. Je trouve que les fonctionnaires de l'Etat falsifiant des dépêches télégraphiques sont tout aussi coupables qu'un fonctionnaire qui empêcherait une lettre d'arriver à son adresse, ou qui se permettrait de faire des commentaires.

L'honorable ministre dit que ces faits sont suffisamment réprimés par les peines disciplinaires. Je ne le pense pas. Il y a une véritable lacune. Vous punissez la fraude, vous punissez l'intention de nuire, vous faites bien ; mais je voudrais qu'il fût également interdit et sérieusement interdit aux fonctionnaires de modifier des dépêches télégraphiques. Voilà ma remarque, et je pense qu'il y a lieu d'y répondre par autre chose que par des plaisanteries.

M. Lelièvreµ. - Je ferai remarquer à l'honorable M. Coomans, que le faux commis par un fonctionnaire dans les dépêches télégraphiques est réprimé par l'article 24, qui porte : « Les fonctionnaires, employés et préposés d'un service télégraphique qui auront commis un faux dans l'exercice de leurs fonctions, en fabriquant ou en falsifiant des dépêches télégraphiques, seront condamnés à la réclusion. »

Ainsi, un fonctionnaire qui a commis un faux dans une dépêche télégraphique est puni, si, bien entendu, il a agi avec intention criminelle, condition indispensable pour la punition de tout faux. Si, au contraire, il a agi sans une semblable intention, il échappe à la pénalité. Il me semble que cette disposition satisfait à toutes les exigences. Sans volonté criminelle, le faux n'est pas possible.

Mais, pour toutes les administrations publiques, nous devrions alors adopter des dispositions semblables.

MjBµ. - L'honorable M. Coomans croit que quand quelqu'un aura falsifié une dépêche télégraphique soit en omettant des mots, soit en y ajoutant une phrase, il pourra se disculper en disant : « C'est par farce que j'ai agi. » Je suppose qu'on invite par télégramme M. Coomans à dîner ; M. Coomans croit que l'invitation est sérieuse alors qu'elle ne l'est pas, et il se rend chez le prétendu signataire de la pièce. M. Coomans n'aura éprouvé d'autre préjudice que la perte de ses frais de voyage ; mais si un individu altère le sens d'une dépêche et qu'à l'aide de ce moyen il cause un préjudice sérieux, l'excuse d'avoir agi « par farce » ne sera certainement pas admissible.

Si par plaisanterie je porte préjudice à quelqu'un, je serai puni ; j'ai eu l'intention de nuire. Mais ce que M. Coomans veut faire punir, c'est le fait inoffensif d'un individu.

M. Coomansµ. - D'un fonctionnaire.

MjBµ. - Le fait inoffensif d'un fonctionnaire qui enverrait une dépêche pour s'amuser et sans avoir aucunement l'intention de nuire.

L'honorable M. Coomans s'appuie surtout sur ce que le fait émanerait d'un fonctionnaire.

Ainsi, quand l'honorable M. Coomans se présentera à l'enregistrement, au timbre, aux hypothèques, si le fonctionnaire manque à ses devoirs, s'il ne donne pas à l'honorable membre les pièces qu'il réclame, il faudra que les tribunaux sévissent.

Je dis que les règles administratives suffisent pour ces cas, et que le code pénal ne peut comminer des peines que contre des faits qui ont un caractère délictueux.

Les articles 193 et 211 suffisent.

M. Coomansµ. - L'article 211 n'est pas applicable.

MjBµ. - Je le reconnais, mais l'article 193 et les règles administratives donnent des garanties suffisantes.

- L'article 193 est adopté.

Section I. Des faux en écritures authentiques et publiques, en écritures de commerce ou de banque et en écritures privées
Article 195

« Art. 195. Sera puni des travaux forcés de dix ans à quinze ans tout fonctionnaire ou officier public qui, en rédigeant des actes de son ministère, en aura dénaturé la substance ou les circonstances,

« Soit en écrivant des conventions autres que celles qui auraient été tracées ou dictées par les parties,

« Soit en constatant comme vrais des faits qui ne l'étaient pas. »

M. Lelièvreµ. - Le code pénal de 1810, en s'occupant du crime prévu par notre article, s'exprimait en ces termes :

« ... en aura frauduleusement dénaturé la substance ou les circonstances ». Le mot « frauduleusement » indiquait clairement l'intention méchante. Il était essentiel pour caractériser le crime. Je pense qu'on devrait le maintenir dans le nouveau code, comme précisant parfaitement le fait puni par la loi.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Je dirai à l'honorable M. Lelièvre qu'il tombe dans la même erreur que tantôt M. Coomans.

L'article 195 du projet porte que le faux commis en écritures ou dans les dépêches télégraphiques, avec une intention frauduleuse, sera puni conformément aux articles suivants.

Nous avons supprimé le mot « frauduleusement » aux articles suivants, parce qu'il devenait inutile par suite des termes de l'article 195.

M. Lelièvreµ. - S'il est bien entendu que la disposition suppose que le fonctionnaire a agi frauduleusement, je ne crois pas devoir insister, mon observation avait pour but de ne laisser aucun doute sur ce point important.

- L'article est adopté.

Section II. Des faux commis dans les passeports, ports d'armes, livrets, feuilles de route et certificats
Articles 198 à 210

« Art. 198. Quiconque aura contrefait ou falsifié un passeport, un port d'armes ou un livret, ou aura fait usage d'un passeport, port d'armes ou livret contrefait ou falsifié, sera puni d'un emprisonnement d’un mois à un an. »

- Adopté.


« Art. 199. Quiconque aura pris dans un passeport, un port d'armes ou un livret, un nom supposé, ou aura concouru comme témoin à faire délivrer ces pièces, sous le nom supposé, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à six mois. »

- Adopté.


« Art. 200. Sera puni d'un mois à deux ans d'emprisonnement quiconque aura fabriqué, contrefait ou falsifié une feuille de route ou aura fait usage d'une feuille de route fabriquée, contrefaite ou falsifiée. »

- Adopté.


« Art. 201. Toute personne qui se sera fait délivrer par l'officier public une feuille de route sous un nom supposé ou en prenant une fausse qualité, sera punie d'un emprisonnement de huit jours à deux ans. »

- Adopté.


« Art. 202. L'officier public qui aura délivré un passeport, un port d'armes, un livret, une feuille de route à une personne qu'il ne connaissait pas, sans avoir fait attester ses nom et qualité par deux citoyens à lui connus, sera puni d'une amende de vingt-six francs à deux cents francs.

« Si l'officier public était instruit de la supposition de nom ou de qualité, lorsqu'il a délivré ces pièces, il sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans.

« Il sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans, s'il a été mû par dons ou promesses.

« Dans ces deux derniers cas, il pourra, en outre, être condamné à l'interdiction, conformément à l'article 53. »

- Adopté.


« Art. 203. Sera punie d'un emprisonnement de huit jours à un an, toute personne qui, pour se rédimer ou affranchir un autre d'un service dû légalement, ou de toute autre obligation imposée par la loi, aura fabriqué un certificat de maladie ou d'infirmité, soit sous le nom d'un médecin, chirurgien ou autre officier de santé, soit sous un nom quelconque en y ajoutant faussement une de ces qualités. »

- Adopté.


« Art. 204. Tout médecin, chirurgien ou autre officier de santé qui, pour favoriser quelqu'un, aura certifié faussement des maladies ou des infirmités propres à dispenser d'un service du légalement ou de toute autre obligation imposée par la loi, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à deux ans.

« S'il a été mû par dons ou promesses, il sera puni d'un emprisonnement d'un an ù cinq ans ; il pourra de plus être condamné à l'interdiction, conformément à l'article 33. »

- Adopté.


« Art. 206. Quiconque aura fabriqué, sous le nom d'un fonctionnaire ou officier public, un certificat attestant la bonne conduite, l'indigence ou toute autre circonstance propre à appeler la (page 384) bienveillance de l'autorité publique ou des particuliers sur la personne y désignée, ou à lui procurer places, crédit ou secours, sera punt d'un emprisonnement d'un mois à un an.

« Si le certificat a été fabriqué sous le nom d'un particulier, le coupable sera puni d'un emprisonnement de huit jours à six mois. »

- Adopté.


Art. 206. Ceux qui auront fabriqué, sous le nom d'un fonctionnaire ou officier public, des certificats de toute nature pouvant compromettre des intérêts publics ou privés, seront punis d'un emprisonnement de six mois à cinq ans, et pourront de plus être condamnés à l'interdiction, conformément à l'article 33.

« Si le certificat a été fabriqué sous le nom d'un particulier, le coupable sera puni d'un emprisonnement de deux mois à un an. »

- Adopté.


« Art. 207. Celui qui aura falsifié un certificat, et celui qui se sera servi d'un certificat falsifié, faux ou fabriqué dans les circonstances énumérées aux articles 203, 204, 205 et 206, seront punis des peines portées par ces articles et selon les distinctions qu'ils établissent. »

- Adopté.


« Art. 208. Tout fonctionnaire on officier publie qui, dans l'exercice de ses fonctions, aura délivré un faux certificat, falsifié un certificat, ou fait usage d'un certificat faux ou falsifié, sera puni de la réclusion. »

- Adopté.


« Art. 209. Ceux qui auront concouru comme témoins à faire délivrer un faux certificat par une autorité publique seront punis d'un emprisonnement de huit jours à deux ans.

« S'ils se sont laissé corrompre par dons, ou promesses, ils seront punis d'un emprisonnement de six mois à trois arts, et ils pourront être condamnés à l'interdiction, conformément à l'article 33. »

- Adopté.


« Art. 210. Les logeurs et aubergistes qui auront sciemment inscrit sur leurs registres, sous des noms faux ou supposés, les personnes logées citez eux, ou qui auront falsifié leurs registres de toute autre manière, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à trois mois. »

- Adopté.

Section III. Des faux commis dans les dépêches télégraphiques
Article 211

« Art. 211. Les fonctionnaires, employés et préposés d'un service télégraphique, qui auront commis un faux dans l'exercice de leurs fonctions, en fabriquant ou en falsifiant des dépêches télégraphiques, seront condamnés à la réclusion.

M. Pirmez, rapporteurµ - La Chambre avait d'abord admis la peine d'un an à cinq ans d'emprisonnement. Dans le rapport, j'ai indiqué les motifs qui militent pour le rétablissement de cette peine. Je crois qu'elle est suffisante pour les faits dont il s'agit.

En conséquence, je propose de remplacer les mots : « seront condamnés à la réclusion » par ceux-ci : « seront punis d'un emprisonnement d'un an à cinq ans. »

- L'article ainsi amendé est adopté.

Article 212

MpVµ. - L'article 212 ancien a été remplacé par une disposition nouvelle ainsi conçue :

« Celui qui aura fait usage de la dépêche fausse sera puni comme s'il était l'auteur du faux. »

- Adopté.

Dispositions communes aux quatre précédents chapitres

Articles 213 et 214

« Art. 213. L'application des peines portées contre ceux qui auront fait usage des monnaies, effets, coupons, billets, sceaux, timbres, poinçons, marques, dépêches télégraphiques et écrits contrefaits, fabriqués ou falsifies, n'aura lieu qu'autant que ces personnes auront fait usage de la chose fausse, dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire. »

- Adopté.


« Art. 214. Dans les cas prévus aux quatre chapitres qui précèdent et pour lesquels aucune amende n'est spécialement portée, il sera prononcé une amende de vingt-six francs à deux mille francs. »

- Adopté.

Chapitre V. Du faux témoignage, du faux serment et des fausses excuses alléguées pour s'affranchir d'un service dû légalement

M. Pirmez, rapporteurµ. - Le Sénat a maintenu l'intitulé de ce chapitre : « Du faux témoignage, du faux serment et des fausses excuses ; » mais il a supprimé les articles qui traitent des fausses excuses. Je crois donc qu'il convient de modifier l'intitulé et de se borner à mettre : « Du faux témoignage et du faux serment. »

- Cette proposition est adoptée.

Articles 215 à 226

« Art. 215. Le faux témoignage en matière criminelle, soit contre l'accusé, soit en sa faveur, sera puni de la réclusion. »

- Adopté.


« Art. 216. Si l'accusé a été condamné, soit a une détention de pins de dix ans, soit aux travaux forcés, le faux témoin qui aura déposé contre lui subira la peine des travaux forcés de dix ans à quinze ans.

« Il subira celle des travaux forcés à perpétuité, si l'accusé a été condamné à mort. »

- Adopté.


« Art. 218. Le coupable de faux témoignage en matière correctionnelle, soit contre le prévenu, soit en sa faveur, sera puni d'un emprisonnement de six mois à cinq ans. »

- Adopté.


« Art. 219. Le coupable de faux témoignage en matière de police, soit contre le prévenu, soit en sa faveur, sera puni d'un emprisonnement de trois mois à un an. »

- Adopté.


« Art. 220. Le faux témoignage en matière civile sera puni d'un emprisonnement de deux mois à trois ans. »

- Adopté.


« Art. 221. L'interprète et l'expert coupables de fausses déclarations, soit en matière criminelle contre l'accusé ou en sa faveur, soit en matière correctionnelle ou de police, contre le prévenu ou en sa faveur, soit en matière civile, seront punis comme faux témoins, conformément aux articles 215, 216, 218 et 220.

« L'expert en matière criminelle qui aurait été entendu sans prestation de serment sera puni conformément à l'article 217. »

- Adopté.


« Art. 222. Dans les cas prévus par les cinq articles précédents, le coupable pourra, de plus, être condamné à l'interdiction, conformément à l'article 33. »

- Adopté.


« Art. 223. Le coupable de subornation de témoins, d'experts ou d'interprètes, sera passible des mêmes peines que le faux témoin, selon les distinctions établies par les articles 215 à 222. »

- Adopté.


« Art. 225. Les dispositions précédentes relatives aux fausses déclarations ne sont pas applicables aux enfants âges de moins de seize ans, ni aux personnes qui sont entendues sans prestation de serment, à raison de la parenté ou de l'alliance qui les unit aux accusés ou aux prévenus, lorsque ces déclarations uni été faites en faveur des accusés ou prévenus. »

- Adopté.


« Art. 226. Celui à qui le serment aura été déféré on référé en matière civile, et qui aura fait un faux serment, sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans, et d'une amende de vingt-six francs à dix mille francs ; il pourra de plus être condamné à l'interdiction, conformément à l'article 33. »

- Adopté.

Chapitre VI. De l'usurpation de fonctions, de titres ou de nom

Articles 228 à 232

« Art. 228. Toute personne qui aura publiquement porté un costume, un uniforme, une décoration, un ruban ou autres insignes d'un ordre qui ne lui appartient pas, sera punie d'une amende de deux cents francs à mille francs. »

- Adopté.


« Art. 229. Le Belge qui aura publiquement porté la décoration, le ruban ou autres insignes d'un ordre étranger avant d'en avoir obtenu l'autorisation du Roi, sera puni d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs. »

- Adopté.


(page 385) « Art. 230. Sera puni d'une amende de deux cents francs à mille francs, quiconque se sera publiquement attribué dos titres de noblesse qui ne lui appartiennent pas. »

- Adopté.


« Art. 231. Quiconque aura publiquement pris un nom qui ne lui appartient pas sera puni d'un emprisonnement de huit jours à trois mois, et d'une amende de vingt-cinq francs à trois cents francs, ou d'une de ces peines seulement. »

- Adopté.


« Art. 232. Tout fonctionnaire, tout officier public qui, dans ses actes, attribuera aux personnes y dénommées des noms ou des titres de noblesse qui ne leur appartiennent pas, sera puni, en cas de connivence, d'une amende de deux cents francs à mille francs. »

- Adopté.

Discussion des articles (Livre II (Des infractions et de leurs répressions en particulier), titre IV (Des crimes et délits contre l’ordre public, commis par des fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions ou par des ministres des cultes dans l'exercice de leur ministère

M. Lelièvreµ. - Le titre IV, dont nous abordons la discussion, concerne les délits commis par les ministres des cultes dans l'exercice de leurs fonctions. Sur ce point, il s'était élevé, à la Chambre, un grave et long débat, mais au Sénat il est intervenu une véritable transaction qui, je pense, doit recevoir notre assentiment. Je pense donc que ce qu'il y a de mieux à faire, c'est d'adopter les dispositions votées par le Sénat.

Cependant, la commission propose d'augmenter les peines en cas de récidive, dans l'hypothèse prévue par l'article 267. D'abord, on ne détermine pas quand il y aura récidive. Il est évident qu'il faudrait déterminer un certain intervalle de temps après l'expiration duquel la deuxième contravention ne pourrait être considérée que comme un fait nouveau. Il n'est pas possible, par exemple, de considérer comme constituant la récidive, le fait commis plus de cinq ans après le premier.

D'un autre côté, la disposition admise par le Sénat est suffisante pour la répression dans tous les cas quelconques. En effet, la peine peut être portée jusqu'à cinq cents francs d'amende. Or, il faut remarquer qu'il ne s'agit que d'une simple contravention qui, dans certaines circonstances, peut être excusable. D'un autre côté, il faut remarquer que, dans le mariage religieux, le ministre du culte catholique n'est qu'un témoin qualifié, de sorte que le contrat est valablement conclu, alors même qu'il n'y aurait pas donné son assentiment. Ce sont les contractants qui, par leur consentement, émis devant le ministre du culte, rendent le mariage irrévocable. En cette occurrence, il me semble qu'il ne faut pas traiter trop sévèrement le ministre du culte qui a procédé à la bénédiction nuptiale, et qu'une simple amende, qui peut être élevée jusqu'à cinq cents francs, est une peine plus que suffisante dans toutes les hypothèses quelconques.

Ne perdons pas de vue que, dans certains cas, le ministre du culte croit même obéir à un devoir religieux. C'est donc une matière où une peine aussi sévère que celle de l'emprisonnement ne doit pas être prononcée. Je pense donc qu'il n'y a pas lieu d'aggraver la disposition de l'article 267, telle qu'elle a été admise par le Sénat.

M. Jacobsµ. - L'honorable M. Lelièvre vient de discuter les articles 267 et 268 du code pénal. Je crois que nous ferions mieux d'attendre que nous soyons à cette partie du code pour les discuter.

MjBµ. - C'est évident.

Chapitre premier. De la coalition des fonctionnaires

Articles 233 à 239

« Art. 235. Lorsque des mesures contraires aux lois ou à des arrêtes royaux auront été concertées, soit dans une réunion d'individus on de corps dépositaires de quelque partie de l'autorité publique, soit par députation ou correspondance entre eux, les coupables seront punis à un emprisonnement d'un mois à six mois. »

- Adopté.


« Art. 234. Si, par l'un des moyens exprimés à l'article précédent, il a été concerté des mesures contre l'exécution d'une loi ou d'un arrêté royal, la peine sera un emprisonnement de six mois à cinq ans.

« Les coupables pourront en outre être condamnés à l'interdiction des droits mentionnes aux trois premiers numéros de l’article 31.

« Si le concert a eu lieu entre les autorités civiles et les corps militaires ou leurs chefs, ceux qui l'auront provoqué seront punis de la détention de dix ans à quinze ans ; les autres, de la détention de cinq ans à dix ans. »

- Adopté.


« Art. 235. Dans le cas où les autorités civiles auraient formé avec les corps militaires ou leurs chefs un complot attentatoire à la sûreté de l'Etat, les provocateurs seront punis de la détention extraordinaire ; les autres, de la détention de dix ans à quinze ans.

- Adopté.


« Art. 236. Seront punis d'un emprisonnement d'un mois à deux ans et d'une amende de cent francs à cinq cents francs, les fonctionnaires qui, par suite de concert, auront donné leurs démissions dans le but d'empêcher ou de suspendre, soit l'administration de la justice, soit l'accomplissement d'un service légal.

« Ils pourront être condamnés, en outre, à l'interdiction du droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics. »

- Adopté.

Chapitre II. De l’empiètement des autorités administratives et judiciaires

Articles 237 à 239

« Art. 237. Seront punis d'un emprisonnement d'un mois à deux ans, d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs, et pourront être condamnés, pendant cinq ans à dix ans, à l'interdiction des droits mentionnés aux trois premiers numéros de l'article 31 :

« Les juges, les officiers du ministère public et de la police judiciaire qui se seront immiscés dans l'exercice du pouvoir législatif, soit par des règlements contenant des dispositions législatives, soit en arrêtant ou suspendant l'exécution d'une ou de plusieurs lois, soit en délibérant sur le point de savoir si ces lois seront exécutées ;

« Les juges, les officiers du ministère public et de la police judiciaire, qui auront excédé leur pouvoir en s'immisçant dans les matières attribuées aux autorités administratives, soit en faisant des règlements sur ces matières, soit en défendant d'exécuter les ordres émanés de l'administration. »

- Adopté.


« Art. 239. Les gouverneurs, commissaires d'arrondissement, bourgmestres et membres des corps administratifs qui se seront immiscés dans l'exercice du pouvoir législatif, comme il est dit au paragraphe 2 de l'article 237, ou qui se seront ingérés de prendre des arrêtés tendants à intimer des ordres ou défenses quelconques à des cours ou tribunaux, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à deux ans et d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs.

« Ils pourront de plus être condamnés, pendant cinq ans à dix ans, à l'interdiction des droits mentionnés aux trois premiers numéros de l'article 31. »

- Adopté.

Chapitre III. Des détournements et des concussions commis par des fonctionnaires publics

Articles 240 à 245

« Art. 240. Sera puni de la réclusion tout fonctionnaire ou officier public, toute personne chargée d'un service public, qui aura détourné des deniers publics ou privés, des effets en tenant lieu, des pièces, titres, actes, effets mobiliers qui étaient entre ses mains, soit en vertu, soit à raison de sa charge.

« Si le détournement n'excède pas le cautionnement, le coupable sera puni d'un emprisonnement d'un mois à six mois. »

- Adopté.


« Art. 241. Seront punis de la réclusion tous fonctionnaires ou officiers publics, et toutes personnes chargées d'un service public, qui auront méchamment ou frauduleusement détruit, ou supprimé des actes ou titres dont ils étaient dépositaires en cette qualité, ou qui leur avaient été communiqués à raison de leur charge. »

- Adopté.


« Art. 242. Lorsqu'on aura soustrait ou détruit des pièces ou des procédures criminelles, soit d'autres papiers, registres, actes ou effets contenus dans les archives, greffes ou dépôts publics, ou remis à un dépositaire public en cette qualité, le dépositaire coupable de négligence sera puni d'un emprisonnement de huit jours à six mois. »

- Adopté.


« Art. 243. Tous fonctionnaires ou officiers publics, et toutes personnes chargées d'un service public, qui se seront rendus coupables de concussion, en ordonnant de percevoir, en exigeant ou recevant (page 386) ce qu'ils savaient n'être pas dû ou excéder ce qui était dû pour droits, taxes, contributions, deniers, revenus ou intérêts, pour salaires ou traitements, seront punis d'un emprisonnement de six mois à cinq ans, et pourront être condamnés, en outre, à l'interdiction du droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics.

« La peine sera la réclusion, si la concussion a été commise a l'aide de violences ou de menaces. »

- Adopté.


« Art. 244. Les infractions prévues par le présent chapitre seront punies, en outre, d'une amende de cinquante francs à mille francs.

« Ces peines seront appliquées aux préposés ou commis des fonctionnaires ou officiers publics, et de toutes personnes chargées d'un service public, d'après les distinctions établies ci-dessus. »

- Adopté.


« Art. 245. Tout fonctionnaire ou officier public, toute personne chargée d'un service public, qui, soit directement, soit par interposition de personnes ou par actes simulés, aura pris ou reçu quelque intérêt que ce soit dans les actes, adjudications, entreprises ou régies dont il avait, au temps de l'acte, en tout ou en partie, l'administration ou la surveillance, ou qui, ayant mission d'ordonnancer le payement ou de faire la liquidation d'une affaire, y aura pris un intérêt quelconque, sera puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans, et d'une amende de cinquante francs à trois mille francs, et pourra, en outre, être condamné à l'interdiction du droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics, conformément a l'article 33.

« La disposition qui précède ne sera pas applicable à celui qui ne pouvait, en raison des circonstances, favoriser par sa position ses intérêts privés, et qui aura agi ouvertement. »

- Adopté.

Chapitre IV. De la corruption des fonctionnaires publics

Articles 246 à 251

« Art. 246. Tout fonctionnaire ou officier public, toute personne chargée d'un service public, qui aura agréé des offres ou promesses, qui aura reçu des dons ou présents pour faire un acte de sa fonction ou de son emploi, même juste, mais non sujet à salaire, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs.

« Il sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de cinquante francs à mille francs, s'il a agréé des offres ou promesses, ou s'il a reçu des dons ou présents, soit pour faire, dans l'exercice de sa fonction ou de sou emploi, un acte injuste, soit pour s'abstenir de faire un acte qui rentrait dans l'ordre de ses devoirs ; il pourra être condamné, en outre, à l'interdiction du droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics, conformément à l'article 33. »

- Adopté.


« Art. 247. Tout fonctionnaire ou officier public, toute personne chargée d'un service public qui, par offres ou promesses agréées, dons ou présents reçus, aura fait, dans l'exercice de sa charge, un acte injuste, ou se sera abstenu de faire un acte qui entrait dans l’ordre de ses devoirs, sera puni d'un emprisonnement de trois mois à trois ans, et d'une amende de cent francs à trois mille francs. Il pourra en outre être condamné à l'interdiction, conformément à l'article 33. »

- Adopté.


« Art. 248. Le coupable sera condamné à un emprisonnement d'un an à cinq ans, à une amende de deux cents francs à cinq mille francs et à l'interdiction, conformément à l'article 33, s'il a agréé des offres ou promesses, ou reçu des dons ou présents pour commettre, dans l'exercice de sa charge, un crime ou un délit. »

- Adopté.


« Art. 249. Le juge, l'arbitre ou le prud'homme, qui se sont laissé corrompre seront punis, le premier, des travaux forcés de dix ans à quinze ans, les deux autres, d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et de l'interdiction, conformément à l'article 33. »

- Adopté.


« Art. 250. Le juré qui s'est laissé corrompre sera puni de la réclusion. »

- Adopté.


« Art. 251. Si le juge, l'arbitre, le prud'homme ou le juré, qui s'est laissé corrompre, a reçu de l'argent, une récompense quelconque ou des promesses, il sera condamné, outre les peines ci-dessus, à une amende de deux cents francs à cinq mille francs. »

- Adopté.

Articles 252

« Art. 252. Ceux qui auront contraint par violences ou menaces ou corrompu par promesses, offres, dons ou présents, un fonctionnaire, un officier public, un juré, un arbitre ou un prud'homme, pour obtenir un acte de sa fonction ou de son emploi, même juste, mais non sujet à salaire, ou l'abstention d'un acte rentrant dans l'ordre de ses devoirs, seront punis des mêmes peines que le fonctionnaire, officier, juré, arbitre ou prud'homme coupable de s'être laissé corrompre.

« Les tentatives de contrainte ou de corruption seront punies d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs. »

MjBµ, demande que l'on complète le premier paragraphe de l'article 252, en ajoutant après les mots : « un officier public » ceux-ci : « une personne chargée d'un service public », et que dans le second paragraphe, où il ne s'agit que d'une tentative, on substitue à l’emprisonnement d’un mois à un an un emprisonnement de 8 jours à un an.

M. Lambertµ. - Messieurs, il faut laisser le moins de vague possible dans les lois pénales ; c'est pour cela que je demande la parole pour obtenir une explication sur les articles 251 et 252. Ces articles emploient le mot « arbitres ». De quels arbitres s'agit-il ? 11 y a des arbitres amiables et des arbitres publics. Les articles 251 et 252 s'appliquent-ils aux arbitres nommés des deux façons ?

M. Pirmez, rapporteurµ. - Messieurs, il est incontestable que les articles 251 et 252 sont applicables aux deux espèces d'arbitres ; leurs décisions sont également exécutoires, et les arbitres sont aussi de véritables magistrats choisis par les parties.

- L'article 252, modifié comme le propose M. le ministre de la justice, est mis aux voix et adopté.

Article 253

« Art. 253. Il ne sera jamais fait au corrupteur restitution des choses par lui livrées, ni de leur valeur : elles seront confisquées et mises à la disposition de la commune où le délit aura été commis avec charge de les remettre aux hospices ou au bureau de bienfaisance, selon les besoins de ces établissements. »

- Adopté.

Chapitre V. Des abus d’autorité

Articles 254 à 260

« Art. 254. Sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans, tout fonctionnaire public, agent ou préposé du gouvernement, de quelque état ou grade qu'il soit, qui aura requis ou ordonné, fait requérir ou ordonner l'action ou l'emploi de la force publique contre l'exécution d'une loi ou d'un arrêté royal, ou contre la perception d'un impôt légalement établi, ou contre l'exécution soit d'une ordonnance ou mandat de justice, soit de tout autre ordre émané de l'autorité.

« Le coupable pourra être condamné, en outre, à l'interdiction des droits mentionnés aux trois premiers numéros de l'article 31. »

- Adopté.


« Art. 257. Lorsqu'un fonctionnaire ou officier public, un administrateur, agent ou préposé du gouvernement ou de la police, un exécuteur des mandats de justice ou des jugements, un commandant en chef ou en sous-ordre de la force publique, aura, sans motif légitime, usé ou fait user de violences envers les personnes, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le minimum de la peine portée contre ces faits sera élevé conformément à l'article 266. »

- Adopté.


« Art. 258. Tout juge, tout administrateur ou membre d'un corps administratif, qui, sous quelque prétexte que ce soit, même du silence ou de l'obscurité de la loi, aura dénié de rendre la justice qu'il doit aux parties, sera puni d'une amende de deux cents francs à cinq cents francs, et pourra être condamné à l'interdiction du droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics. »

- Adopté.


« Art. 260. Lorsqu'un fonctionnaire ou officier public, un dépositaire ou agent de la force publique, aura ordonné ou fait quelque acte contraire à une loi ou à un arrêté royal, s'il justifie qu'il a agi par ordre de ses supérieurs, pour des objets du ressort de ceux-ci et sur lesquels il leur était dû une obéissance hiérarchique, il sera exempt de la peine, qui ne sera, dans ce cas, appliquée qu'aux supérieurs qui auront donné l'ordre. »

- Adopté.

Chapitre VI. De l’exercice de l’autorité publique illégalement anticipé ou prolongé

Article 262

« Art. 262. Tout fonctionnaire public révoqué, destitué, suspendu ou interdit légalement, qui, après en avoir eu la connaissance officielle, aura continué l'exercice de ses fonctions, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs.

« Sera puni des mêmes peines tout fonctionnaire public électif ou temporaire qui aura continué à exercer ses fonctions, après leur cessation légale. »

- Adopté.

Chapitre VII. De quelques délits relatifs à la tenue des actes de l’état civil

Articles 264 et 265

« Art. 264. Sera puni d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs, l'officier de l'état civil qui a négligé d'énoncer dans l'acte de mariage les consentements ou d'y insérer les actes respectueux prescrits par la loi ;

« Qui a procédé à la célébration d'un mariage sans s'être assuré de l'existence de ces consentements ou de ces actes respectueux ;

« Qui a reçu un acte de mariage dans le cas de l'article 228 du code civil et avant le terme prescrit par cet article ;

« Qui a procédé à la célébration d'un mariage sans exiger la preuve que le futur a satisfait aux lois sur la milice nationale. »

- Adopté.


« Art. 265. Sera puni d'un emprisonnement de trois mois à un an et d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs, l'officier de l’état civil qui a célébré un mariage contre le gré des personnes dont le consentement est requis. »

- Adopté.

Disposition particulière

Article 266

« Art. 266. Hors le cas où la loi règle spécialement les peines encourues pour crimes ou pour délits commis par les fonctionnaires ou officiers publics, ceux d'entre eux qui se seront rendus coupables d'autres crimes ou d'autres délits qu'ils étaient chargés de surveiller ou de réprimer, seront condamnés aux peines attachées à ces crimes ou à ces délits, dont le minimum sera doublé, s'il s'agit de l'emprisonnement, et élevé de deux ans, s'il s'agit de la réclusion, de la détention et des travaux forcés à temps.

M. Lelièvreµ. - Il me semble que l'on pourrait rendre l'aggravation de la peine purement facultative. II serait préférable, à mon avis, de dire : « dont le minimum pourra être doublé ». En effet il me semble exorbitant d'imposer au juge une règle absolue, alors que des circonstances pourraient ne pas exiger une disposition aussi rigoureuse. J'estime donc qu'il faudrait n'accorder au juge qu'une simple faculté.

MjBµ. - Cependant il me semble que le fonctionnaire qui se laisse corrompre dans la surveillance de faits qu'il doit réprimer et qui commet lui-même un délit, doit être puni sévèrement. Il y a là deux délits distincts ; le fonctionnaire est d'autant plus coupable qu'il a pour mission d'empêcher les actes délictueux qu'il commet lui-même. Je crois que l'indulgence dans ce cas serait contraire au respect dû à la loi, et à l'intérêt qu'a la société à ce que le fonctionnaire remplisse son devoir.

M. Coomansµ. - Je ne comprends pas bien la signification de ces mots : « surveiller des crimes ou des délits ». Je ne sais pas en quoi consiste cette opération officielle. (Interruption.)

L'article dit ceci : « Ceux d'entre eux qui se seront rendus coupables d'autres crimes ou d'autres délits qu'ils étaient chargés de surveiller ou de réprimer.» Il me semble que les officiers publics doivent veiller avant le crime et non surveiller le crime en train d'exécution. (Interruption.) Comme on le dit à côté de moi, on surveille les hommes, les criminels, mais non les crimes. Je maintiens donc ma critique.

M. Pirmez, rapporteurµ. - Je ne pense pas me tromper en disant que cette rédaction est celle du code actuel. Mais je reconnais qu'au point de vue littéraire, l'observation de l'honorable M. Coomans n'est pas dénuée de fondement. On pourrait renvoyer l'article à la commission qui examinerait s'il y a lieu de rendre l'article plus correct.

M. Coomansµ. - Je croyais que nous réformions le code actuel.

MjBµ. - Je crois qu'ici surveiller veut dire prévenir. Il est évident que, dans le langage usuel, ce mot ne veut pas dire cela, mais il n'est pas impossible que l'expression « surveiller les délits » ait été employée par les criminalistes. Ces mots expriment les diverses fonctions qui incombent au procureur du roi et aux fonctionnaires qui sont investis du droit de rechercher les délits, de les poursuivie, de faire exécuter les décisions de la justice, etc. Or, je doute fort que l'on parvienne à rendre en un seul mot la multiplicité de ces attributions.

J'ajouterai que le mot « surveiller » se trouve employé dans le code de 1810 ; nous pourrions donc le maintenir.

M. Coomansµ. - Je ne connais pas d'article du code qui contienne cette expression. Je crois le mot inutile. Le mot « réprimer » suffit.

MfFOµ. - Non ! c'est autre chose.

M. Moncheurµ. - Je pense qu'on pourrait renvoyer l'article à la commission. Elle verra si l'expression est juridique ou non. Elle proposerait, dans le cas contraire, une rédaction plus correcte.

- L'article est renvoyé à la commission.

Chapitre VIII. Des infractions commises par les ministres des cultes dans l'exercice de leur ministère

M. De Fréµ. - Je ne veux pas laisser passer l'article 268 sans faire une protestation.

J'ai été un de ceux qui ont lutté avec le plus de conviction pour maintenir ce qu'on est convenu d'appeler la liberté de la chaire.

II y a quelques jours, vous avez supprimé une dérogation au droit commun. L'honorable ministre de la justice est venu proposer à la Chambre d'établir l'égalité entre le maître et l'ouvrier.

Ici, messieurs, il ne s'agit pas d'égalité, il s'agit de liberté et il y a, dans l'article en discussion, en ce qui concerne les ministres des cultes, une dérogation au droit commun ; c'est évident. En Belgique, c'est la liberté qui est la règle. Le professeur dans sa chaire est libre, le journaliste est libre, tous ceux qui parlent sont libres. Pourquoi le prêtre ne le serait-il pas ? Pour établir une dérogation contre une classe de la société, il faut, messieurs, des raisons majeures.

En France, il y avait un tout autre système que celui qui existe en Belgique. En France, sous le code pénal de 1810, le droit commun, c'était la servitude, et lorsque le professeur ne pouvait pas parler, lorsque le publiciste ne pouvait pas parler, lorsque le journaliste ne pouvait pas parler, il était clair que le prêtre ne le pouvait pas davantage.

En Belgique, tout le monde a le droit de critiquer le gouvernement, d'attaquer les actes de l'autorité ; ce qu'on n'a pas le droit de faire, c'est de diffamer, c'est de calomnier.

Pourquoi, messieurs, cette dérogation ? Craignez-vous l'influence du prêtre dans sa chaire ? Mais vous le mettez dans l'école, où cette influence est beaucoup plus grande, s'exerçant sur des enfants, où elle est permanente, où elle est pour ainsi dire cachée. Il y a là un défaut de logique. Craignez-vous l'influence du prêtre au point de vue de la possibilité de soulever les populations ? Mais vous avez, comme remède, le bon sens des populations, vous avez l'instruction qui se répand.

Je comprends qu'à l'époque du code pénal de 1810, on ait voulu armer l'Etat contre le prêtre, pour empêcher qu'il ne soulevât les populations, mais est-ce que depuis lors l'instruction publique n'a pas marché ? Est-ce que depuis lors il n'y a pas beaucoup plus de bon sens, et dans cette instruction plus répandue n'avez-vous pas un contre-poids suffisant pour empêcher que les attaques du prêtre contre le gouvernement n'amènent des désordres ?

Messieurs, il y a d'autres moyens de combatte le prêtre qui oublie sa mission. Il y a le droit commun, il y a la presse, il y a les meetings, il y a l'instruction.

Je ne comprends pas qu'un homme croyant sincèrement que telle loi, que tel acte de l'autorité est mauvais, ne puisse pas le dire en chaire comme il le pourra le dire dans un journal ou dans un lieu public.

Maintenant, messieurs, une dernière observation. Vous ne vous servez pas de la loi. Il y a pas d'église ou du moins il y a peu d'églises dans lesquelles, à la veille des élections, ou dans des circonstances solennelles à propos de mesures qui froissent les intérêts du parti catholique, vous n'entendiez retentir en chaire les attaques contre la loi ou contre le gouvernement, et vous ne sévissez pas parce que vous ne pourriez pas sévir. Vous auriez contre vous, à moins de circonstances extraordinaires, (page 388) vous auriez contre vous les protestations, non pas seulement des catholiques, mais les protestations de tous les libres penseurs.

Depuis huit ans, messieurs, j'ai beaucoup réfléchi à cette question, peut-être la plus élevée que le code pénal soulève. C'est une question de liberté, et il ne faut pas que, par cet article, on puisse attaquer le parti qui veut le progrès par la liberté. Je suis resté fidèle à mes convictions de 1859.

Je borne là, messieurs, les observations que je voulais produire à titre de protestation contre une dérogation au droit commun.

Aujourd'hui, messieurs, nous sommes plus près que jamais de l'abrogation de l'article 268. Nous avons, au ministère de la justice, un homme d'Etat qui cherche à faire disparaître les dérogations au droit commun et qui a fait voter l'abrogation de l'article 1781 du code civil.

Je ne crois pas que la Chambre veuille entamer un long débat sur cette question, mais il me semble que l'assemblée qui a abrogé l'article 1781 du code civil comme étant une dérogation au principe de l'égalité, pourrait bien voter l'abrogation de l'article 268 comme une dérogation au principe de la liberté.

M. Coomansµ. -- Et de l'article 287 aussi.

M. Jacobsµ. - Je viens, comme l'honorable M. De Fré, convier la Chambre à repousser l'article 268 du code pénal.

Je retracerai succinctement les péripéties que cet article a subies depuis la présentation du projet de code pénal révisé.

La Chambre sait que le code pénal de 1810 contenait 6 articles relatifs aux critiques, censures et provocations dirigées contre l'autorité publique, soit dans des discours, soit dans des écrits pastoraux.

Le projet présenté maintenait les 6 articles, modifiés seulement dans quelques-uns de leurs détails.

A la suite d'une première discussion, en 1859, les trois derniers articles, ceux relatifs aux écrits pastoraux, furent supprimés comme inconstitutionnels.

Une deuxième discussion eut lieu en 1862 ; elle aboutit à l'adoption d'un amendement de l'honorable M. Guillery qui, au moins en apparence, généralisait la disposition en substituant aux termes « ministre du culte » le mot quiconque : « Quiconque, dans un édifice servant au culte, aura critiqué le gouvernement sera puni de... »

Telle était la situation lorsque le code pénal passa au Sénat. Cette assemblée à son tour introduisit des modifications dans le projet.

Des trois articles il n'en reste plus qu'un. Cet article lui-même est modifié à son avantage, en ce sens qu'aux expressions vagues et élastiques : « critiques ou censures », on substitua l'expression beaucoup plus précise d'« attaque directe ». Mais le caractère spécial que la Chambre avait enlevé à la disposition lui fut restitué par le Sénat.

Aujourd'hui notre commission nous propose d'adopter cet article unique, d'après lequel les ministres des cultes qui, dans l'exercice de leur ministère, par des discours prononcés en assemblée publique, auront directement attaqué le gouvernement seront punis.

Je ne disconviens pas, messieurs, des améliorations notables qu'a subies le projet.

Des six articles qu'il contenait à l'origine il n'y en a plus qu'un, et ce seul article est notablement atténué.

Pas plus que qui que ce soit je ne désire voir transformer la chaire en tribune, mais j'attends ce résultat du bon sens, du tact des ministres des cultes, de l'intervention de leurs supérieurs, s'il le faut ; je ne veux pas le demander à la loi, je ne veux surtout pas créer un délit spécial aux ministres des cultes, et ériger en délit pour eux seuls, ce qui pour tous les autres Belges n'est que l’exercice d'un droit, l'attaque du gouvernement.

Au point de vue pratique, la question est singulièrement rapetissée ; mais, au point de vue des principes, elle reste entière.

L'honorable M. De Fré disait, en commençant son discours : Hier, vous avez abrogé l'article 1781 du code civil sans aucun intérêt pratique, par cette seule considération théorique, l'égalité devant la loi.

Aujourd'hui, messieurs, vous êtes en face d'une réforme à laquelle aucun véritable intérêt pratique ne s'oppose. Depuis 1830, il n'y a pas eu dix poursuites à charge de ministres des cultes en vertu des six articles du code dont vous en supprimez cinq et dont vous atténuez le sixième.

Ce n'est pas tant une concession pratique que je vous demande ; c'est avant tout cette satisfaction d'amour-propre, d'honneur, que par respect de l'égalité, vous avez accordée hier à ceux qu'on appelle valets de ferme et manouvriers, que vous ne refuserez pas aux ministres du culte.

Je n'ai pas l'intention de faire un long discours ; je crois cependant devoir rappeler l'origine de ces délits spéciaux administres des cultes.

En 1791, une première tentative fut faite, et, chose curieuse, c'est grâce à l'intervention de Robespierre qu'elle échoua.

M. Alquier proposa à la Constituante un décret portant, à son article 5 :

« Les comités de constitution et de la judicature seront chargés de présenter incessamment un projet de décret sur les peines à infliger aux ecclésiastiques qui, soit par leurs discours, soit par leurs écrits, excitent le peuple à la révolte. »

Voici le discours que tint Robespierre :

« Le décret qu'on vous demande serait du plus grand danger pour la liberté publique ; il serait contraire à tous les principes...

« Il n'y a point ici de distinction à faire entre un ecclésiastique et un autre citoyen. Il serait absurde de porter contre un ecclésiastique une loi qu'on n'a pas encore osé porter contre tous les citoyens. Des considérations particulières ne doivent point l'emporter sur les principes de la justice et de la liberté. Un ecclésiastique est un citoyen et aucun citoyen ne peut être soumis à des peines pour des discours ; il est absurde de faire une loi unique dirigée contre les discours des ecclésiastiques.

« J'entends des murmures et je ne fais qu'exposer l'opinion de membres qui sont les plus zélés partisans de la liberté, et ils appuieraient eux-mêmes mes observations s'il n'était pas question d'affaires ecclésiastiques. (Murmures à gauche.) »

Ce n'est qu'en l'an IV, le 17 vendémiaire, que les premiers délits spéciaux aux prêtres furent introduits dans la législation française ; encore ne punissait-on que certaines attaques :

« Si le discours ou l'écrit provoque au rétablissement de la royauté, à l'anéantissement de la république ou à la dissolution de la représentation' nationale ;

« S'il a provoqué au meurtre ou a excité les défenseurs de la patrie à déserter leurs drapeaux, ou leur père et mère à les rappeler ;

« S'il a blâmé ceux qui voudraient prendre les armes pour le maintien de la Constitution républicaine et la défense de la liberté ;

« S'il a invité des individus à abattre des arbres consacrés à la liberté, à en déposer ou avilir les signes et couleurs ; enfin s'il a exhorté ou encouragé des personnes quelconques à la trahison ou à la rébellion contre le gouvernement,. »

C'est à l'empire que nous devons la transformation de l'exception en règle.

Pie VII enlevé violemment de Rome était prisonnier à Savone à l'époque où le conseil d'Etat français discutait le code pénal. Ce ne fut pas sans discussion que nos articles furent adoptés. Il fallut que Cambacérès, S.A. S. le prince archichancelier de l'empire, employât une péroraison qui dispensait de toute raison : « D'ailleurs S. M., dit-il, a manifesté la volonté que les délits des ecclésiastiques formassent une classe à part. » Sic volo sic jubeo, sit pro ratione voluntas.

Pour nous qui délibérons librement dans un pays libre, ne faisons pas de lois d'exception, ne créons pas de délits spéciaux aux ministres des cultes. Si le droit commun ne suffit pas, élargissons-le. Le moyen jusqu'ici usité pour concilier l'égalité devant la loi avec la nécessité de proportionner la peine au délit en tenant compte de la qualité des personnes, c'est la peine uniforme tempérée par la latitude laissée au juge entre un maximum et un minimum ; si la marge est insuffisante, augmentons-la.

Si l'article 565, qui punit l'injure et la menace, ne suffît pas, transformons-le, faisons-le passer du chapitre des contraventions dans celui des délits, mais faisons-le pour tout le monde ; je le répète, ne faisons pas d'exceptions. La Chambre a manifesté son antipathie pour les lois de cette nature en adoptant, au premier vote, l'amendement de l'honorable M. Guillery. Substituons aujourd'hui la réalité aux apparences, revenons au droit commun en écartant l'article 268 du code pénal.

L'honorable ministre est personnellement partisan de la liberté de la chaire ; qu'il ne recule pas devant la réalisation de son opinion.

J'ai doublement applaudi à l'abrogation de l'article 1781. .Je l'ai fait parce que cette abrogation enlève un grief aux classes ouvrières, je l'ai fait encore parce qu'elle l'enlève sans inconvénient sérieux.

M. le ministre a l'occasion d'agir de même à l'égard des ministres des cultes. C'est quelque chose, ne vous le dissimulez pas, que d'enlever un grief à ses adversaires. C'est folie que de ne pas le faire lorsqu'il en coûte si peu.

Un peu de courage, M. le ministre. Ne craignez pas d'être Robespierre ; craignez plutôt d'être Cambacérès.

MpVµ. - Je crois devoir faire remarquer que nous sommes à l'article 267. L'honorable M. De Fré a parlé un peu sur l'article 267 et sur l'article 268.

(page 389) MjBµ. - Comme on a anticipe, je crois devoir répondre.

M. Coomansµ. - Les deux articles se tiennent.

M. Guilleryµ. - L'un est une conséquence de la Constitution.

M. Coomansµ. - Une amende de 5 francs suffirait alors.

MjBµ. - Les honorables MM. De Fré et Jacobs viennent de soutenir devant la Chambre la thèse que j'ai toujours défendue et que je continue à considérer comme bonne.

Je ne demande pas mieux que de réaliser le vœu des honorables membres et je prie la Chambre de vouloir bien se joindre à moi, mais à une condition, c'est que le droit commun soit établi. Je le veux comme pour l'article 1781 (Interruption à droite.)

MfFOµ. - C'est ce que nous vous avons offert en 1859.

MjBµ. - Si les honorables membres veulent, en vertu du grand principe de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, soutenir que le ministre du culte n'est qu'un simple particulier, qui peut parler comme il l'entend sur routes choses, soit, je ne demande pas mieux ; le ministre du culte n'aura à répondre devant la loi que des injures, des calomnies dont il se sera rendu coupable, des séditions qu'il aura provoquées ; mais, du moment où le code pénal déclare que le ministre du culte dans la chaire est inviolable, qu'il peut m'attaquer, se livrer à mon égard à des invectives qui, sans être précisément des injures ou des calomnies, n'en portent pas moins atteinte à ma vie politique ou privée, et cela sans que j'aie le droit de le réfuter, de lui répondre, la thèse change de face.

M. de Haerneµ. - Sauf le droit commun.

MfFOµ. - Le droit commun, c'est le droit de réponse.

MjBµ. - Le ministre du culte peut dans sa chaire dire tout ce qu'il veut en dehors de l'injure et de la calomnie, et moi qui suis vilipendé, qui suis attaqué, la veille des élections, de manière que, grâce à ces attaques, je succombe le lendemain, je ne puis pas répondre ! Si je suis au meeting et si l'on m'attaque, je puis prendre la parole et il n'y a pas de disposition dans la loi qui me punisse d'une peine, pour avoir repoussé les attaques dont j'ai été l'objet.

Si le ministre des cultes ne jouissait pas d'un privilège dans sa chaire, il ne faudrait pas de pénalités contre le ministre des cultes qui attaque directement le gouvernement ou les actes de l'autorité publique. C'est précisément parce que le ministre des cultes a obtenu cette garantie qu'on a été obligé de garantir contre eux les citoyens et les actes de l'autorité.

Vous demandez le droit commun mais vous le demandez lorsqu'il s'agit du particulier et vous ne le demandez pas lorsqu'il s'agit du ministre des cultes. Or, c'est là toute la question.

M. Jacobs vous a dit : M. le ministre de la justice est partisan de ma thèse, mais M. Jacobs ne lit jamais qu'un chapitre de l'étude que j'ai publiée et sur laquelle il fonde cette assertion.

M. Jacobsµ. - Je vous la lirai tout entière si vous le voulez.

MjBµ. - J'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de vous répondre à cet égard.

M. Jacobs donc prend une partie de ma thèse.

M. Jacobsµ. - Je l'admets tout entière, y compris la page 119.

M. Teschµ. - C'est l'abrogation de l'article 145. Or cet article est voté et vous n'avez rien dit. (Interruption.)

MjBµ. - Le débat va s'éclaircir et nous allons peut-être arriver à une excellente solution, mais je doute fort que M. Jacobs représente la majorité de la droite. Je crois que dans cette question il restera seul.

M. Nothombµ. - Non, non.

MjBµ. - En ce qui me concerne il est certain que j'ai demandé le droit pour les particuliers de répondre aux ministres des cultes, ce que ne faisait pas M. De Fré, et c'était en quoi il était inconséquent. (Interruption.)

M. De Fré, lors de la première discussion, voulait le privilège pour le ministre des cultes dans sa chaire. (Nouvelle interruption.)

Vous le vouliez parfaitement, et c'est à cete époque que vous êtes tombé dans les bras de l'honorable M. Dumortier.

M. De Fréµ. - Ce n'est pas un argument.

MjBµ. - Sans doute, c'est pour vous prouver que votre théorie n'était pas la mienne. Car M. Dumortier lui, ne demandera pas la suppression du privilège ; ses discours sont là pour le prouver.

« Le ministre des cultes dans sa chaire, dit-on, c'est le conseil communal en séance, c'est l'avocat devant les tribunaux. » Or, l'honorable M. Nothomb qui, tout à l'heure, voulait aller jusqu'où irait M. Jacobs, se raccroche maintenant à la robe de l'avocat pour ne pas suivre M. Jacobs, et il nous soutiendra tout à l'heure qu'il faut pour le ministre des cultes la même inviolabilité que pour l'avocat.

Examinons donc les deux arguments.

Les conseillers communaux sont chargés d'un mandat public, ils accomplissent un service public ; si l'un d'eux s'avisait d'invectiver le bourgmestre ou un conseiller, ne leur répondrait-on pas ?

Quant à l'avocat, M. Nothomb me paraît oublier qu'ils sont les auxiliaires de la magistrature, que s'ils ne sont pas des officiers publics, ils sont cependant reconnus par la loi, comme aidant à l'administration de la justice ; au moment où l'avocat parle, il y a des juges qui l'écoutent et en l'interrompant, on interrompt l'exercice d'un service public.

Dans le système de la séparation complète de l'Eglise et de l'Etat, le prêtre en chaire n'est qu'un citoyen qui, dans un endroit déterminé, prononce un discours et qui est soumis à tous les inconvénients de la liberté.

Avec votre système vous voulez les avantages sans les inconvénients ; c'est ce qui a été parfaitement compris au Sénat par le compromis qui est survenu, compromis hostile aux principes, je le veux bien, mais qui est la conséquence inévitable de l'inviolabilité consacrée au profit du ministre des cultes lorsqu'il est en chaire.

Aussi longtemps que vous ne ferez pas admettre le droit de réponse, des peines seront maintenues contre les ministres des cultes qui attaqueront l'autorité. Cela est évident. (Interruption.)

Si vous voulez abandonner le privilège du ministre des cultes, le ministre des cultes sera libre, sauf toutefois la grande question de savoir si les églises, qui sont des propriétés publiques, peuvent être considérées comme des lieux particuliers.

M. Jacobsµ. - Ainsi la transaction n'est pas pure et simple ; il y a un sauf.

MjBµ. - Certainement, il y a encore un sauf. Du moment qu'on soulève la question de la liberté absolue de l'Eglise dans l'Etat, il y a à examiner la question de propriété des églises. Les églises ont été remises au clergé dans un intérêt déterminé, non dans l'intérêt du ministre des cultes, mais dans l'intérêt des catholiques, dans l'intérêt des populations que le clergé ne représente pas seul.

Cette question n'est pas soulevée ; le compromis l'a laissée complètement intacte. Si des honorables membres veulent revenir sur l'article 145, nous aurons alors à prendre une décision en connaissance de cause.

M. Guilleryµ. - Je reconnais que plusieurs membres de la droite ont défendu le droit commun, mais je dois aussi constater une chose, c'est qu'ils ne se souviennent du droit commun que lorsqu'il s'agit de consacrer, pour le clergé, le droit de parler politique dans les églises.

Mais ce zèle pour le droit commun disparaît lorsqu'il s'agit d'accorder au clergé une position privilégiée, et de punir non seulement les outrages aux ministres, mais même aux objets d'un culte.

J'ai regretté de ne pas pouvoir me rendre à la Chambre lorsqu'on a discuté les articles 142 et suivants du projet actuel. Veuillez, messieurs, vous reporter à ces articles et vous verrez que le chapitre II est intitulé. « Des délits relatifs au libre exercice des cultes. » Je regrette de n'avoir pu prendre la parole sur ce chapitre ; mais la discussion qui vient de s'ouvrir, discussion bien digne, comme l'a dit l'honorable M. De Fré, des sérieuses méditations de la Chambre, me fournissant l'occasion d'y revenir, je déclare que je suis tout disposé, quant à moi, à signer avec les honorables MM. De Fré, Jacobs et Nothomb un amendement qui nous ramènerait au droit commun.

Je n'irai pas jusqu'à dire : Acceptez ce droit commun comme on l'entend dans certains pays où le clergé n'est pas rétribué, où le prêtre est un citoyen comme un autre ; le droit commun comme l'acceptent certains prêtres en Belgique, car il y a des cultes en Belgique qui ne sont pas salariés par l'Etat et ne veulent pas l'être. Je n'irai pas jusqu'à proposer le droit commun dans un sens aussi absolu ; mais je demande qu'il n'y ait pas de privilège pour le clergé, et que, tout en lui conservant le salaire que lui accorde la Constitution, on ne lui accorde pas du moins une protection spéciale sanctionnée par des peines sévères.

Voyons ce que dit ce terrible article 268 et l'article 302 qu'il a remplacé.

L'honorable M. De Fré nous a dit, messieurs, que les dispositions qui (page 390) nous sont proposées et qui sont un adoucissement à celles que la Chambre avait d'abord votées, et aux art. 201 à 206 du code pénal actuellement en vigueur, n'avaient jamais été appliquées. C'est une grave erreur. Elles ont été appliquées notamment à un ancien curé de Boitsfort, et l'honorable baron d'Anethan, qui était alors ministre de la justice, n'a point été d'avis que la grâce dût être accordée ; et l'arrêt de la cour a reçu son exécution.

MjBµ. - Il y en a d'autres encore.

M. Guilleryµ. - Sans doute. II est donc avéré que la disposition a été appliquée même sous des ministres catholiques, qui n'y voyaient pas alors les énormités que l'esprit de parti y a découvertes depuis.

Mais, s'il est vrai que cet article n'eût pas été appliqué souvent, ne peut-on pas dire qu'il a suffi de l'existence de cette disposition pour empêcher bien des écarts qui eussent été regrettables ; pour empêcher des prêtres, méconnaissant leur mission, de transformer la chaire de vérité en tribune politique ?

On dit que le prêtre doit pouvoir parler politique comme tout le monde ; mais, messieurs, personne ne le conteste. Ni l'amendement adopté par la Chambre, et que je regrette d'avoir vu modifier par le Sénat, car il était plus logique, plus complet, il était le maintien de ce qui existait depuis 57 ans sans inconvénient, de ce que le Congrès constituant n'a pas songé à modifier, en exprimant cependant d'une façon nette et précise, dans l'article 16 de la Constitution, ce qu'il entendait par liberté des cultes ; ni, dis-je, cet article, ni l'amendement adopté par la Chambre, ni la disposition qui nous est soumise en ce moment, n'interdirent au ministre du culte de parler politique au même titre que les autres citoyens.

Mais on lui demande de ne pas le faire dans une chaire consacrée à un usage tout autre que les discussions politiques. Quand un prêtre voudra se rendre dans un club, dans une réunion publique quelconque pour y parler politique, qui l'en empêchera ? Où y a-t-il un article du code pénal qui interdise au prêtre de faire tout ce qui est permis aux autres citoyens ?

Tout à l'heure on comparaît le prêtre à l'avocat. Mais on perd donc de vue que si l'avocat, revêtu de sa robe, allait se mettre à parler politique, il serait immédiatement rappelé à l'ordre. On lui dirait qu'il méconnaît son caractère, qu'il oublie ce qu'il doit à la robe dont il est revêtu, parce que l'avocat, dans cette position, n'est plus un citoyen comme les autres et qu'il a une mission à remplir qui lui impose des devoirs particuliers.

Il en est de même de tous les citoyens, messieurs, et quand ils remplissent une mission spéciale, quand ils s'acquittent d'un service public, ils ne sont plus des citoyens ; ils sont momentanément, pour cette circonstance, privés de leurs droits de citoyens. Cela est de toute évidence.

Ainsi, messieurs, les ministres des cultes, hors de leurs temples, sont dans le droit commun. Mais voulez-vous que les églises deviennent des lieux soumis au droit commun ? Alors nous verrons une situation toute nouvelle, car actuellement ni les honorables MM. Jacobs et Nothomb ni moi ne pouvons parler dans les églises. Ainsi, quand le prêtre réclame le droit de parler politique dans son église, ce n'est pas le droit commun qu'il réclame, car il revendique un droit dont personne autre que lui ne pourrait user, il réclame un privilège.

Le prêtre, je le répète, peut donc faire tout ce que peuvent les autres citoyens ; le droit commun existe parfaitement pour lui partout où il existe pour les autres. Mais ce que nous lui contestons, parce que cela n'est plus le droit commun, c'est le droit de parler où nous ne pouvons pas lui répondre.

Et cependant, messieurs, ce n'est pas seulement ce privilège qu'on réclame. On demande aussi que les ministres des cultes et les cérémonies religieuses soient spécialement et exceptionnellement protégés.

Enfin, on ne demande pas seulement une protection spéciale pour sa personne ; mais on a été jusqu'à voter cette disposition exorbitante qui punit de 15 jours à 6 mois d'emprisonnement et d'une amende de 20 à 500 francs, quiconque aura outragé par gestes un objet d'un culte, dans des cérémonies.

Ainsi, sous l'empire de ce qu'il vous plaît d'appeler le droit commun, il suffira de faire un geste à un objet qui par lui-même est fort insignifiant aux yeux de tous les fidèles, un goupillon, par exemple, à un drapeau figurant dans une procession, à un objet quelconque appartenant au cérémonial du culte, pour être passible de cette peine énorme, de six mois d'emprisonnement !

Qu'il arrive à un médecin, par exemple, d'être obligé, pressé par un devoir urgent, pour ne pas manquer un convoi, de passer en voiture par une rue que parcourt dans ce moment même une procession religieuse. Impatienté de ce contre-temps, qui peut avoir des conséquences regrettables, car il peut s'agir d'un homme exposé à perdre la vie ; impatienté, dis-je, d'être arrêté par cet obstacle imprévu, il donne l'ordre à son cocher d'avancer ; celui-ci fait un geste irrévérencieux dirigé non pas contre un prêtre, mais contre un objet exhibé dans une procession, et il sera passible d'un emprisonnement de 15 jours à 6 mois !

Franchement, messieurs, je n'aurais jamais cru qu'une pareille disposition eût pu être proposée par un ministère libéral. Il est probable qu'un ministère catholique eût hésité à la défendre devant la Chambre et n'eût pas réussi à la faire accepter, par deux fois, par la législature.

Je comprends le respect qui est dû aux ministres des cultes ; mais, quant aux objets d'un culte, il doit être permis de distinguer.

J'admettrai même volontiers que les convenances et les sentiments véritablement libéraux commandent le respect de tout ce qui est respecté dans une religion ; mais un manque de convenance est-il punissable de six mois d'emprisonnement ?

Il est, messieurs, d'honorables membres qui ne se souviennent du droit commun que lorsqu'il s'agit de la liberté de la chaire ; qui disent alors ce que disait l'honorable M, Nothomb, à l'époque où la Chambre a rejeté l'article 302, devenu l'article 268 du Sénat ; l'honorable membre a déclare alors franchement qu'il regrettait ces dispositions protectrices des ministres du culte, qu'il regrettait ces privilèges qui leur étaient accordés.

En proposera-t-il l'abrogation ?

Pour moi, je suis très grand partisan du droit commun ; je suis très grand partisan de la conciliation ; chaque fois qu'il y aura un moyen de s'entendre avec la droite, je serai fort heureux d'y recourir ; mais ce ne peut être aux dépens des principes fondamentaux de la société politique.

Je regrette même que le Sénat ait adopté l'article 302 ; je regrette qu'on ait permis aux évêques de faire ce qui n'est pas permis au prêtre dans sa chaire.

En effet, c'est une dérogation évidente aux principes. Du moment qu'on pose en principe qu'un prêtre ne peut pas se servir de sa qualité de prêtre, pour critiquer en chaire les actes de l'autorité publique, l'évêque ne doit pas pouvoir le faire dans un mandement, plus que le curé dans une église.

Voici une conséquence du système adopté par le Sénat : ce qu'on ne pourra pas dire, on l'écrira ; par exemple, un simple curé ne pourra pas prêcher contre le gouvernement, mais si l'évêque fait un mandement à ce sujet, le curé pourra venir, à titre de mandement, lire ce qu'il ne pourrait dire verbalement comme simple prêtre. Evidemment, il y a là une contradiction. Le Sénat n'est pas dans la vérité des principes. Ou il faut que le prêtre respecte les lois et qu'il n'use pas de son caractère sacré pour parler politique. Les évêques ont les mêmes droits que tous les citoyens. Ils peuvent écrire comme tous les citoyens. Le système du Sénat leur accorde des privilèges qu'eux seuls possèdent en Belgique, c'est d'attaquer le gouvernement dans ses mandements.

Pour ma part, j'accepte le droit commun, et je suis prêt à m'associer avec les honorables MM. De Fré, Jacobs et Nothomb pour le consacrer par un amendement.

Si l'on veut supprimer les articles 142 à 146, où il s'agit des délits relatifs au libre exercice des cultes, je suis prêt à supprimer l'article 268. Dans le cas contraire, je demande le rétablissement de l'article 302, que je reproduirai par amendement.

- La suite de la discussion est remise à demain à trois heures. motion d'ordre.

MpVµ. - Je propose à la Chambre de ne se réunir demain en séance publique qu'à 3 heures, pour laisser à la commission du code pénal le temps d'examiner les articles qui lui ont été renvoyés. M. le président de la commission en a exprimé le désir.

- Cette proposition est adoptée.

La séance est levée à cinq heures.