Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 9 mai 1867

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1866-1867)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboomµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 951) M. Thienpont, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpontµ présente l'analyse suivante des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Des membres du conseil communal de Cruyshautem se plaignent de l'envoi dans cette commune d'un commissaire spécial pour l'acquisition d'un terrain destiné à la construction d'une école, prient la Chambre de réviser la disposition législative en vertu de laquelle cette délégation a eu lieu et, s'il a été agi illégalement à l'égard de la commune, de prendre les mesures nécessaires pour rendre à la loi son cours. »

-Renvoi à la commission des pétitions.


« La veuve Lignon demande que son fils Charles, milicien de la levée de 1867, soit exempté du service militaire. »

- Même renvoi.


« La chambre des notaires de l'arrondissement de Nivelles prie la Chambre de supprimer l’article 15 du projet de loi sur l'organisation judiciaire, de décréter l'interdiction aux greffiers à tous les degrés de la hiérarchie judiciaire de procéder aux ventes publiques de meubles et effets mobiliers, et de maintenir la prérogative du notariat dans tout l'intégrité de son institution. »

- Renvoi à la commission qui a examiné le projet de loi.


« M. de Rongé, obligé de s'absenter pendant quelques jours, demande un congé. »

- Accordé.

Projet de loi érigeant la commune de Bruly

Rapport de la commission

M. Lambertµ. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la commission qui a examiné le projet de loi ayant pour objet de séparer le hameau de Bruly d'avec ma commune de Pesche. »

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant révision des évaluations cadastrales

Discussion générale

M. Landeloosµ. - Messieurs, on a été unanime pour reconnaître qu'en présence des plaintes nombreuses et des réclamations incessantes qui étaient adressées aux Chambres contre les inégalités de la répartition de l'impôt foncier, il était du devoir du gouvernement de rechercher si elles étaient fondées. Aussi les Chambres.se sont-elles empressées de mettre à sa disposition les moyens qu'il réclamait pour pouvoir s'en apurer.

Par la loi du 10 octobre 1860, le gouvernement a été autorisé à faire procéder à de nouvelles évaluations cadastrales.

Ces nouvelles évaluations devaient avoir pour effet de faire cesser ces inégalités, si elles existaient, et de faire répartir dans une juste proportion la contribution foncière entre tous les propriétaires.

Le but qu'on s'est proposé ne serait point atteint, si les opérations auxquelles les experts se sont livrés n'offraient point les éléments nécessaires pour pouvoir fixer avec certitude la quotité d'impôt dont chaque propriété doit être frappée en proportion des revenus qu'elle rapporte.

L'on ne pourrait, sans courir risque de consacrer la plus criante injustice, s'appuyer sur de telles évaluations, pour décréter une nouvelle répartition de la contribution foncière.

Messieurs, les documents qui accompagnent le projet de loi qui nous est soumis sont-ils de nature à nous donner l'assurance que les experts ne se sont pas trompés dans leurs opérations ? Pouvons-nous y puiser des éléments de conviction, que leurs évaluations sont à l'abri de tout reproche ? Enfin le mode de répartition proposé par le gouvernement n'est-il pas en opposition avec le principe d'égalité, qui doit présider à la loi et ne constitue-t-il pas la plus flagrante iniquité ?

Telles sont, messieurs, les questions que je me propose de traiter.

Je dirai tout d'abord, qu'il est impossible de juger en connaissance de cause, au moyen des documents fournis par le gouvernement, si les experts ont opéré avec toute l'impartialité et l'équité qu'on était en droit d'en attendre.

Si l'on se contentait d'un examen superficiel de l'instruction générale que le gouvernement a donnée, le 5 décembre 1860, pour l'exécution de la loi décrétant la révision des évaluations cadastrales, on serait tenté de croire qu'il n'a cherché qu'à entourer les opérations des experts de toutes les garanties qui pouvaient leur donner un caractère de sincérité ; mais lorsqu'on l'approfondit plus avant dans ses conséquences, on ne peut se faire illusion sur l'inanité de ces prétendues garanties.

Ainsi en ce qui concerne la mesure par laquelle il a voulu que les propriétaires pussent prendre communication des expertises et qu'ils pussent former des réclamations contre les évaluations de leurs propriétés bâties, elle semble, au premier aspect, leur donner une satisfaction complète contre les erreurs dont ils auraient pu être victimes de la part des experts.

Mais malheureusement cette garantie est rendue complètement illusoire par le mode que le gouvernement a tracé pour l'instruction et le jugement des réclamations, leur sort devant presque toujours dépendre de l'opinion des agents du gouvernement.

En effet, le soin de l'examen des réclamations était abandonné au contrôleur et à l'expert qui avaient fait les premières évaluations.

Eux seuls étaient chargés de contrôler leur propre ouvrage.

On ne sait que trop combien l'esprit fiscal mal entendu exerce parfois une fâcheuse influence sur le jugement des agents du trésor. On ne sait que trop combien la fausse honte d'avoir pu faillir empêche souvent certains hommes de reconnaître leurs erreurs.

Et c'est cependant sur les conclusions contenues dans les procès-verbaux dressés par de tels agents, que les inspecteurs du cadastre devaient faire leur rapport et que les gouverneurs devaient statuer.

Il n'est donc pas étonnant que souvent il n'ait pas été fait droit à de justes réclamations, et qu'il n'y ait qu'un seul cri contre l'exagération des évaluations.

On me dira peut-être : Vous vous plaignez de ce que les agents du cadastre ont été chargés de l'instruction des réclamations et de ce que les gouverneurs ont dû statuer sur des conclusions formulées par ces agents ; mais vous oubliez d'ajouter que les gouverneurs ne prenaient de résolutions qu'après avoir pris l'avis des députations permanentes, et comme ces corps constitués ne sont pas des agents fiscaux placés sous la dépendance du gouvernement, il faut aussi reconnaître que leurs avis offraient toute garantie désirable d'impartialité.

Je suis loin, messieurs, de vouloir contester le caractère d'impartialité qu'ont présenté les avis des députations permanentes, mais je soutiens qu'ils n'ont pu exercer aucune influence sur les décisions que les gouverneurs devaient prendre.

On voudra bien me concéder qu'en matière administrative comme en matière judiciaire, un avis n'a de valeur aux yeux de celui qui est appelé à prononcer, que pour autant qu'il est donné par une personne qui est censée avoir une connaissance parfaite de l'objet litigieux, et qu'au contraire si on pense que les éléments indispensables pour pouvoir l'apprécier lui font défaut, alors cet avis ne constitue plus qu'une vaine formalité et ne peut être d'aucun poids en justice.

(page 952) C’était dans cette dernière position que les députations permanentes se trouvaient lorsqu'elles devaient émettre un avis.

Complètement étrangères, dans la plupart des cas, aux localités dans lesquelles étaient situées les propriétés bâties qui donnaient lieu aux réclamations contre les évaluations cadastrales, les députations permanentes ne pouvaient ordinairement émettre qu'un avis n'ayant aucune portée.

Ce n'était donc pas à l'avis des députations permanentes qu'il aurait fallu soumettre les réclamations des propriétaires avec les conclusions et les rapports des agents du cadastre, mais bien à celui des administrations communales.

Ces administrations se trouvant sur les lieux possédaient les notions nécessaires pour pouvoir appuyer leurs avis de considérations raisonnées de nature à éclairer les gouverneurs sur le mérite des réclamations, et ces avis, sans aucun doute, n'auraient pas manqué d'exercer une salutaire influence sur l'esprit des gouverneurs.

Puisque le gouvernement n'a pas cru devoir adopter ce mode si juste et si rationnel d'instruction et qu'il n'a pas voulu recourir aux lumières des autorités administratives qui seules pouvaient servir de contre-poids à l'influence fiscale des agents du cadastre, je suis en droit de soutenir que le recours au gouverneur a été souvent illusoire et dès lors que rien ne prouve que les intérêts des propriétaires ont été sauvegardés.

Mais je vais plus loin. Fût-il même vrai que, grâce aux avis des députations permanentes, des erreurs ou des injustices aient à maintes reprises été redressées et que ces avis aient constitué réellement une véritable garantie pour les propriétaires, je demanderai alors comment il se fait qu'on n'ait accordé cette garantie que pour une seule catégorie de biens, à savoir les propriétés bâties et qu'on ne l'ait pas également décrétée pour les terres, les bois et les prés. Aux propriétaires de ces biens on n'a accordé aucun droit de réclamation contre les évaluations outrées que les experts ont pu leur donner. Pour eux il n'existait aucun moyen de faire redresser les griefs dont ils avaient à se plaindre.

Vainement prétendrait-on que les propriétaires des terres, des bois et des prés ont trouvé une garantie suffisante dans l'institution des commissions provinciales créées par l'article 5 de la loi du 10 octobre 1860. Vainement soutiendrait-on que les propositions et éventuellement les réclamations devant, d'après cet article, être soumises à l'avis des députations permanentes, puis transmises par les gouverneurs avec leurs observations au ministre des finances qui statuait en dernier ressort, on était certain de voir accueillir favorablement les justes demandes qui lui auraient été adressées.

Mais ici encore, messieurs, on devra convenir avec moi que ces prétendues garanties ont plutôt été nominales que réelles.

En effet nous voyons que de toutes les réclamations et observations qui ont été faites contre l'exagération des expertises, pas une n'a été admise et que toutes ont été systématiquement repoussées par l'honorable ministre des finances. Je suis donc de nouveau en droit de dire que rien ne nous donne l'assurance que les évaluations cadastrales ont été faites avec tout le soin et toute l'exactitude que comportait leur importance.

Les exemples d'ailleurs fourmillent, pour démontrer la légèreté avec laquelle les experts ont opéré. Parmi les faits nombreux que je pourrais invoquer à l'appui de ce que j'avance, je me contenterai d'en rapporter deux, que je trouve dans l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter.

Dans le canton de Glabbeek, les experts fixent l'augmentation que les biens situées à Cappellen ont subie, à 142 1/2 p. c., tandis que pour les propriétés situées dans la commune limitrophe de Meensel Kieseghem, ils n'accusent qu'une augmentation de 48 1/4 p. c, soit un écart entre les propriétés de ces deux communes de 94 p. c.

Et cependant ces communes sont restées dans les mêmes conditions où elles se trouvaient, lorsque les dernières évaluations cadastrales ont eu lieu. Dans aucune d'elles, un établissement on une usine quelconque n'a été érigé, qui lût de nature à modifier Je bien-être matériel de l'une ou l'autre localité.

Dans le canton d'Arschot, on rencontre encore un écart de 71 p. c. dans l'augmentation des revenus des propriétés situées dans deux communes limitrophes qui sont également restées dans les mêmes conditions. Pour les biens situés à Rillaer, on fixe l'augmentation des revenus à 105 p. c, tandis que pour ceux situés à Thielt, on la fixe à 34 p. c.

Je pourrais encore citer plusieurs autres exemples, pris tous indistinctement dans les divers cantons de l'arrondissement de Louvain et qui tous viennent corroborer la thèse que je soutiens, mais je crois que les deux faits que j ai relaté sont plus que suffisants pour vous convaincre que les travaux des experts ne peuvent nous inspirer aucun degré de confiance.

Mais je veux aller encore plus loin, j'admettrai avec les partisans du projet de loi, que les évaluations ont été équitablement établies, que les baux et les actes de vente, auxquels les experts ont eu recours pour constater le revenu moyen, étaient les seuls qui pouvaient servir à leurs opérations, alors encore le projet de loi qui nous est soumis devrait être repoussé, parce que le gouvernement, par le mode de répartition qu'il propose consacre la plus criante injustice.

En effet si d'une part il est juste de faire disparaître les inégalités de la contribution foncière entre les différentes provinces, d'autre part la justice distributive s'oppose à ce que ce résultat soit obtenu au moyen d'une répartition arbitraire de l'impôt, qui surtaxerait certaines localités ou certaines catégories de propriétés et en dégrèverait sans droit certaines autres.

Cependant toute l'économie de la loi consiste dans un tel système. D'abord, M. le ministre des finances commence par déclarer que, pour établir la moyenne des augmentations, il n'a eu aucun égard aux évaluations des bois et de prairies, et que pour fixer la valeur réelle des revenus de ces propriétés, il leur a appliqué le chiffre des augmentations constatées pour les terres.

Qui ne comprend pas, messieurs, qu'en agissant de la sorte, on devait, malgré soi, commettre nécessairement des injustices ? Les documents qui sont joints au projet de loi le démontrent d'ailleurs à la dernière évidence. Ainsi pour ne parler que de la province de Brabant, on voit que, d'après les experts, les prairies ont subi une augmentation de 154 p. c, tandis que les bois n'en ont subi une que de 18 p. c. En appliquant à ces deux espèces de propriétés les 77 1/2 p. c, dont on prétend que les terres ont profilé, on dégrève sans droit les prairies de 56 1/2 p. c, tandis qu'on surtaxe les bois de 39 p. c. Il est donc évident qu'une telle manière de procéder constitue une véritable iniquité. Et qu'on ne vienne pas prétendre, comme on le fait, qu'on n'a pu agir autrement, que les actes sur lesquels on a dû opérer étaient trop peu nombreux et qu'ils n'offraient dès lors pas un caractère suffisant de certitude. Car si ce fait est avéré, il en résulte que les données qui ont servi de base aux opérations des experts ont été incomplètes, par conséquent que leurs évaluations n'offrent aucune garantie qu'elles représentent le chiffre réel des augmentations. Une évaluation parcellaire serait seule de nature à pouvoir donner ce cachet de certitude.

Quoi qu'il en soit, il est inutile que je m'appesantisse davantage sur cette considération, pour démontrer l'iniquité du système préconisé par le gouvernement.

Qu'on veuille ne pas oublier, messieurs, que c'est en vue de faire disparaître les inégalités de la répartition de l'impôt foncier, dont les Flandres se plaignent, que le projet de loi nous est soumis. D'après les nouvelles évaluations cadastrales, que le gouvernement et l'honorable rapporteur de la section centrale soutiennent être de la plus rigoureuse exactitude, la Flandre orientale serait surtaxée de 19 1/2 p. c, et la Flandre occidentale le serait de 27 p. c. C'est cette surtaxe qu'il s'agit de faire disparaître.

Pour placer ces provinces sur le pied d'une parfaite égalité, la justice distributive exige qu'on répartisse toute la surtaxe, dont les Flandres doivent être dégrevées, entre les propriétaires des autres provinces, en proportion de, l'augmentation que leurs propriétés ont acquise.

Au lieu de suivre ce mode si conforme aux règles de la saine logique, le gouvernement propose un système qui doit produire les conséquences les plus absurdes. Après avoir fait évaluer les propriétés par commune, il fixe une augmentation moyenne par canton et veut que ce chiffre soit appliqué à toutes les communes qui font partie de ce canton.

Ainsi, en ce qui concerne l'arrondissement de Louvain, on voit que pour le canton de Glabbeek, on a fixé la moyenne de l'augmentation à 91 p. c, et quoique les experts n'aient évalué l'augmentation, que les revenus des biens situés dans la commune de Meensel-Kieseghem ont acquise, qu'à 48 1/4 p. c., on leur applique le chiffre de 91 p. c. et on leur fait subir par conséquent une surtaxe de 42 3/4 p. c, soit 15 3/4 p. c. de plus que celle dont se plaint la Flandre occidentale, et 23 1/4 p. c. de plus que celle contre laquelle réclame la Flandre orientale. En procédant de la même manière pour le canton de Tirlemont, on a fixé la moyenne à 92 p. c., et on veut que les biens situés à L'Ecluse, dont, d'après les experts, les revenus n'ont augmenté que de 49 1/2 p.c. subissent une surtaxe de 42 1/2 p. c, soit 15 1/2 p. e. de plu» que la Flandre occidentale et 25 p. c. de plus que la Flandre orientale.

(page 953) Ces inégalités choquantes, qu’on retrouve dans tous les cantons de l’arrondissement de Louvain et qui doivent également se trouver dans les cantons des autres arrondissements du pays, démontrent à la dernière évidence l'absurdité et l'iniquité du système que le gouvernement veut faire prévaloir.

Quoi ! messieurs, la surtaxe de 19 1/2 et de 27 p.c. dont les Flandres sont frappées constituerait une injustice et la surtaxe de 42 1/2 et de 42 3/4 p. c., dont on voudrait grever d'autres localités n'en constituerait pas une ? Poser la question c'est la résoudre.

J'aurais été heureux de pouvoir concourir par mon vote au redressement des griefs dont les Flandres se plaignent ; mais après les considérations que je viens de faire valoir, vous comprendrez, messieurs, que je ne pourrais, sans manquer à ma conscience, donner mon assentiment au projet de loi.

M. Wasseigeµ. - La révision cadastrale a été demandée dans un but de justice et d'équité auquel je me plais à rendre hommage. La propriété foncière n'avait pas augmenté dans la même proportion dans nos différentes provinces, depuis les premières évaluations cadastrales, de là injustice dans la répartition de l'impôt foncier, injustice qu'il importait de faire cesser au plus tôt ; c'est ce qui a donné naissance au projet de loi que nous discutons en ce moment.

Dans ce projet trois de nos provinces sont dégrevées, ce sont les deux Flandres et le Luxembourg ; les autres sont toutes augmentées, et la province de Namur jouit du triste honneur d'être la plus augmentée de toutes, la plus-value qui lui est attribuée s'élevant à 100 p. c.

Ce projet de loi atteindra-t-il son but ? Ne fera-t-il pas naître de nouvelles injustices plus criantes que celles auxquelles il est destiné à porter remède ? Il est permis d'en douter.

C'est d'ailleurs ce que je demande à la Chambre d'examiner maintenant devant elle.

La propriété foncière se divise en propriété bâtie et propriété non bâtie, et cette dernière se subdivise en terres arables, bois et prairies.

La nouvelle évaluation cadastrale devait sc faire pour cette dernière catégorie à l'aide de la ventilation des baux pour les terres, et des actes de vente pour les bois et les prairies, mais en dernière analyse, c'est le résultat seul de la ventilation des baux pour les terres qui a été appliqué à tout le reste, aux prairies comme aux bois, malgré les résultats bien différents obtenus par la ventilation des actes de vente.

Voilà, à mon avis, un grief capital, qui seul suffirait pour faire rejeter le projet de loi.

Que voyons-nous, en effet, tout spécialement pour les bois, dans les diverses provinces ?

Si d'un côté la province de Luxembourg voit ses bois qui ne devraient supporter qu'une plus-value de 8 1/2 p. c, frappés d'une plus-value de 60 p. c, et la province de Namur, ses bois qui ne devraient supporter qu'une plus-value de 28 p. c, frappés d'une plus-value de 100 p. c, le Brabant porté à 77 p. c. au lieu de 18, Liège à 91 p. c. au lieu de 43, nous voyons d'autre part que la Flandre orientale ne verra ses bois frappés que d'une plus-value de 51 1/2 p. c, tandis que, d'après le relevé des actes de vente, ils auraient du en supporter une de 113 p. c.

Voilà des anomalies inqualifiables que rien ne justifie dans l'exposé des motifs du projet de loi et que rien ne pouvait justifier.

Mais cela devient encore plus flagrant à un autre point de vue.

Le rapport entre la superficie de la propriété boisée et celle de la propriété cultivée varie excessivement de province en province ; ainsi, dans le Brabant la propriété boisée n'est que d'un septième du territoire, dans la Flandre occidentale d'un neuvième, dans la Flandre orientale également.

Mais dans la province de Liège le rapport entre les deux natures de propriétés est de près d'un quart pour les bois et dans les provinces de Luxembourg et de Namur il est de plus d'un tiers en prenant même égard aux parties défrichées depuis 30 ans.

De sorte que les provinces dont les bois sont le plus surchargés par les nouvelles évaluations cadastrales sont précisément celles qui en possèdent le plus, et par conséquent pour ces provinces l'injustice est double.

Pourquoi ces injustices criantes ? en quoi sont-elles justifiées ? Nous ne le voyons nulle part. Les éléments d'appréciation n'ont pas paru suffisants ; on n'en a pas cherché d'autres, on avait sous la main le produit de la ventilation des baux de la propriété cultivée, on l'a pris, on l'a appliqué aux bois, parce qu'on l’avait. Je ne crois pas que l'on puisse en donner d'autre raison.

Je répète qu'il n'y avait aucun motif d'en agir de la sorte. En effet, celui que l'on allègue n'est pas sérieux. L'on paraît vouloir dire que le rapport entre le revenu de la propriété cultivée et celui de la propriété boisée ayant été équitablement établi par les premières évaluations cadastrales, en établissant la plus-value de l'une des natures de propriété, et en l'appliquant à l'autre, la proportion reste la même.

Mais pour que ce raisonnement fût admissible, il faudrait prouver que les deux natures de propriétés ont également progressé pendant la période que nous venons de traverser ; mais il serait impossible de faire cette preuve, c'est précisément le contraire qui est vrai. Cela résulte d'abord à l'évidence des propres recherches faites par le gouvernement dans les provinces de Namur, de Liège, de Luxembourg, de Brabant où l'écart entre la plus-value des terres et des bois est considérable.

Les causes qui ont fait baisser considérablement la valeur des bois, surtout dans nos provinces wallonnes, sont d'ailleurs évidentes.

La forgerie au bois, si florissante naguère dans ces provinces, n'existe plus. Voilà ce qui consommait nos taillis et leur donnait une valeur qu'ils ne retrouveront jamais. Il est d'ailleurs de notoriété publique, que les bois s'appauvrissent, le sol est fatigué de porter les mêmes essences, elles dépérissent, il faut les remplacer ; en un mot, les bois sont à refaire. Les progrès mêmes de l'agriculture, l'accroissement de la population, sont autant de causes de dépérissement pour les bois ; ils sont plus habités, on en enlève les feuilles et les herbages en beaucoup plus grandes quantités et cet engrais naturel des bois disparaissant, le produit s'appauvrit d'autant. Ce fait est notoire, et je ne crains pas d'être démenti par aucun de mes collègues habitant des contrées forestières.

Il est donc impossible de dire que la valeur des terres et des bois ait augmenté dans la même proportion ; il est de nombreuses contrées, notamment dans la province de Namur, où les bois ont diminué depuis les dernières évaluations cadastrales. J'aurai l'honneur de vous le prouver tout à l'heure d'une manière irréfutable, et je ne saurais trop le répéter, appliquer sans raison, sans motif, par pure fantaisie, la plus-value des terres aux propriétés boisées, c'est la plus révoltante injustice.

Mais, dira-t-on, et les défrichements que vous paraissez oublier et ces mauvaises forêts dont on a fait d'excellentes terres ? Non, messieurs, je n'oublie rien. et d'abord ce ne sont pas les mauvaises forêts que l'on a défrichées, mais les meilleures ; et ce ne sont pas d'excellentes terres que l'on en a fait, mais des terres de l'espèce le plus médiocre, et savez-vous ce qu'il arrive, c'est que dans plusieurs localités on replante dans l'impossibilité d'obtenir un prix rémunérateur de ses frais de culture.

Les bois de première classe tombant donc par le défrichement au taux des terres de deuxième et même de troisième classe ne payeraient pas plus d'impôt foncier, et ce n'est pas cette différence qui peut en rien justifier la mesure arbitraire qui vient frapper le restant de la propriété boisée.

Les défrichements n'ont d'ailleurs pas été aussi considérables qu'on le pense. M. l'inspecteur du cadastre les évalue à 30,000 hectares pour la province de Namur, je suis convaincu qu'il exagère, qu'il n'y en a pas 20,000, c'est-à-dire moins du sixième des bois de cette province, et d'ailleurs, si les défrichements ont donné au sol une valeur supérieure, que l'on estime cette valeur et qu'on lui fasse payer sa plus-value. Cela n'est que juste, et je ne réclamerai pas, pour ma part. Mais cela n'est pas une raison pour faire payer les propriétés restées en bois ce qu'elles ne doivent pas payer. Au contraire, le défrichement n'ayant eu lieu que dans les meilleures parties des forêts, ce qui reste est d'autant plus mauvais et la surtaxe est d'autant plus injuste.

Après avoir examine les injustices que le système adopté par le gouvernement dans son projet de. loi relativement à l'évaluation des bois, établit entre les provinces, examinons les injustices tout aussi criantes qui en sont la suite entre les cantons d'une même province ; nous verrons ensuite ce qui se passe entre les communes d'un même canton.

Je prendrai naturellement pour exemple la province de Namur que je connais mieux que les autres.

Eh bien, dans cette province, l'une des plus boisées de la Belgique, où la moyenne de la plus-value des bois est fixée à 28 p. c, quoiqu'ils supportent une plus-value de 100 p. c., on remarque des écarts des plus extraordinaires, si l'on compare entre eux les divers cantons. Nous trouvons que dans les deux cantons les plus boisés, ceux de Couvin et de Gedinne, dont le premier renferme 18,000 hectares de bois environ et le second 14,500, la plus-value des propriétés boisées a atteint pour le premier, le chiffre de 91 p. c. et pour le second celui de 217 p. c., tandis que pour les cantons de Walcourt et de Namur-sud, il y a moins-value pour le premier de 7 l/2 p. c. et pour le second de 10 p. c.

Ces énormes différences entre l'évaluation de la propriété boisée dans ces différents cantons va probablement réagir d une façon très sensible (page 954) sur le résultat général attribué à chaque canton ? Pas le moins du monde, c'est le contraire qui arrive.

Ainsi Couvin ne verra ses bois surévalués que de 74 p. e. quoiqu'ils eussent été estimés à 91 p. c. et Gedinne, dont les bois avaient atteint 217 p. c. de plus-value, et les propriétés cultivées 94 p. c., voit, par une faveur inexplicable, son chiffre définitif fixé d'abord à 60 p. c. et enfin réduit à 50 p. c. d'augmentation.

D'autre part dans le canton de Walcourt, les bois qui ont une moins-value de 7 1/2 p. c. devront supporter une plus-value de 117 p. c. et dans le canton de Namur sud, les bois qui ont une moins-value de 10 p. c. devront supporter une plus-value de 106 p. c. Est-ce croyable, messieurs ?

Eh bien, c'est ainsi, et pourquoi est-ce ainsi ? Impossible d'en découvrir la cause, si ce n'est dans une volonté aveugle et de hasard, que vous ne sanctionnerez pas.

Ainsi, les bois de Gedinne n'atteignant que 50 p. c d'augmentation au lieu de 217 sont dégrevés de 167 p. c, tandis que les bois de Namur sud atteignant 106 d'augmentation au lieu de 10 p. c. de diminution sont augmentés de 116 p. c, et cela sans le moindre raison, si ce n'est le caprice ministériel.

Peut-on, en présence de ces chiffres accablants, essayer de répondre que lors de l'exécution primitive du cadastre, le revenu imposable des bois a été établi de manière à se trouver eu harmonie parfaite avec celui des autres propriétés, et que les éléments recueillis étant insuffisants pour constater si cette harmonie se trouve détruite, il n'y avait rien de mieux à faire que de la maintenir en augmentant le tout de la même manière ; c'est impossible ! peut-on alléguer les défrichements ? dira-t-on enfin que la contenance ventilée ne représentant, pour ces bois, que le trentième à peine du territoire boisé, cela ne pouvait servir de base à une évaluation sérieuse ?

J'ai déjà répondu aux deux premiers motifs ; et je répète qu'il n'est pas vrai que l'harmonie se trouve maintenue entre la valeur des bois et celle des autres propriétés ; que le gouvernement ne l'établissait pas, et que le contraire résultait de faits patents reconnus par les agents du gouvernement eux-mêmes, car voici ce que dit l'inspecteur du cadastre de la province de Namur dans son rapport inséré dans l'exposé de la situation de cette province en 1866 :

« Quoique insuffisants pour constater le revenu moyen des propriétés boisées, les actes de vente recueillis prouvent assez cependant que ces propriétés sont loin d'avoir acquis la plus value attribuable aux terres, prairies, etc. surtout dans plusieurs cantons où l'on remarque que, pour des contenances ventilées plus ou moins considérables, le produit net des ventes n'atteint pas le montant des évaluations cadastrales. D'ailleurs il est de notoriété publique que dans la plupart des localités de cette province, les bois ont beaucoup perdu de leur valeur depuis 30 à 40 ans ; il est donc de toute justice de leur appliquer une proportion inférieure à celle admise pour les terres. »

Et c'est précisément le contraire que veut faire le gouvernement par son projet de loi.

Je répète également, quant au défrichement, qu'il est parfaitement juste de l'atteindre et de lui faire payer l'impôt à raison de sa plus-value, mais qu'il est parfaitement injuste, sous prétexte de défrichement, de surtaxer les parties restées en bois, c'est-à-dire les parties les plus mauvaises.

Mais, dit-on, la contenance ventilée ne représentant que le trentième du territoire, elle ne pouvait servir de base à une évaluation sérieuse !

Mais pourquoi la ventilation n'a-t-elle pas été plus complète ? A qui la faute ?

Quelles sont, d'ailleurs, les raisons qui peuvent faire supposer qu'une ventilation plus complète eût donné d'autres résultats ? Qui peut faire supposer surtout que ce résultat eût été d'attribuer une plus grande valeur aux bois, ainsi que le fait le gouvernement presque partout, et notamment dans treize cantons sur quinze composant la province de Namur ?

Le gouvernement avait bien d'autres moyens d'évaluation à sa disposition ; il en est qu'il a cherché à employer : le prix du stère de bois, le revenu moyen de l'hectare de bois pendant les deux périodes adoptées comme point de comparaison ; il prétend que ces investigations n'ont pas réussi ; mais il se contente de cette affirmation et ne nous en fait pas connaître les résultats, et j'ai le droit de croire qu'ils n'ont pas été favorables à l'augmentation de valeur des bois ; car si le gouvernement avait eu une apparence de raison à donner pour justifier le système dont il sent lui-même toute la faiblesse, il n'eût pas manqué de l'invoquer.

Mais, voyons un peu. Il est certaines localités où la ventilation a compris bien plus du trentième du territoire, il en est même où elle a été complète ; eh bien, c'est précisément dans ces localités où la valeur des bois a été la moindre, c'est là où presque toujours cette valeur est restée en dessous de celle fixée par l'ancien cadastre ; il est donc à supposer que si la ventilation des actes de vente avait pu être généralisée, presque partout la valeur attribuée aux bois eût été diminuée, et au lieu de cela, le projet de loi l'augmente en lui attribuant la plus-value constatée pour les terres cultivées.

J'ai dit qu'il y avait des localités où la ventilation avait été complète, et que dans ces localités il avait été constaté que, non seulement les biens n'avaient pas augmenté de valeur, mais même qu'ils se trouvaient actuellement en dessous de l'ancienne évaluation cadastrale ; je vais prouver ce que j'ai avancé, et je prie la Chambre de me prêter sa bienveillante attention sur un fait extrêmement curieux.

Il existe, dans le canton de Namur Sud, une commune qui se nomme Dave et dans cette commune une grande propriété contenant un ensemble de bois de 750 hectares environ, situés dans de bonnes conditions à 6 kilomètres de Namur, sur les bords de la Meuse. Cet ensemble est à peu près tel encore qu'il était il y a-40 ans, bien peu d'hectares ont été défrichés, 20 à 25 tout au plus.

Eh bien, j'ai eu l'honneur de fournir moi-même à l'administration les moyens de faire la ventilation complète de ce domaine ; c'est-à-dire que je lui ai remis 18 actes de ventes authentiques des bois de Dave, comprenant la révolution intégrale de tous ses bois, dont le taillis se vend à l'âge de 18 ans. Cette période de 18 ans comprenait de bonnes et de mauvaises années commerciales, plusieurs correspondaient à une époque où la forgerie au bois avait encore un semblant d'existence sur les bords de la Meuse.

Eh bien, savez-vous, messieurs, quel a été le résultat de cette ventilation faite dans des conditions réellement parfaites ?

Le voici :

L'ancien revenu cadastral du bois de Dave était de 14,690 francs, et le revenu réel constaté par 18 actes de ventes authentiques n'a été que de 13,175 francs !! C'est-à-dire qu'il y a eu dépréciation constatée de plus de 10 p. c.

Et savez-vous, messieurs, à combien le revenu imposable du bois de Dave va être porté par suite du chiffre d'augmentation attribué, par la loi que nous discutons, au canton de Namur sud, c'est-à-dire 106 p. c. ? Eh bien, ce revenu imposable va être porté à la somme de 30,261 fr., au lieu de 13,175 revenu réel provenant d'actes authentiques fournis par moi.

Et voulez-vous savoir en chiffre de contribution quel sera le résultat fiscal de cette opération pour le propriétaire des bois de Dave ? Le voici :

Le multiplicateur à appliquer au revenu imposable étant de 6,70, le propriétaire des bois de Dave payera pour ses bois une contribution annuelle en principal de 2,027 fr. au lieu de 882 fr. qu'il aurait payés, si ce multiplicateur avait été appliqué au revenu réel.

Et tous ces résultats sont de la plus grande exactitude. Le gouvernement, frappé lui-même de ces faits, les a fait contrôler avec le plus grand soin par ses agents ; j'ai vu de mes propres yeux l'inspecteur du cadastre parcourir les lieux, prendre les informations les plus minutieuses, et je puis affirmer que rien n'est venu contredire ce que je viens d'avoir l'honneur d'exposer devant vous.

Eh bien, messieurs, je le déclare, une loi qui crée une pareille énormité dans un cas particulier, énormité irréfutablement constatée, peut en avoir créé beaucoup d'autres ; elle ne peut pas être une loi juste, et puisqu'elle n'est pas une loi juste, vous ne pouvez pas la voter.

Il existe encore, messieurs, bien d'autres griefs à charge de la loi que nous discutons, l'application du résultat de la révision par canton, au lieu de l'application par commune, la surélévation de certaines propriétés dont la valeur a diminué par suite de circonstances exceptionnelles, comme les prairies situées le long des rivières canalisées, et, par conséquent, soustraites aux inondations, l'exagération de la valeur des propriétés bâties dans les campagnes, tous ces griefs sont sérieux, ils vous ont déjà été présentés par mon honorable ami, M. Landeloos ; ils le seront encore par des collègues plus expérimentés que moi. Je n'ai voulu vous exposer, messieurs, que l'un des côtés de la question, côté bien important pour la province que j'ai l'honneur de représenter et j'espère avoir porté la conviction dans vos esprits.

Je ne puis cependant terminer sans demander au gouvernement quelques explications sur la situation faite, dans son travail, à une province (page 955) que vous avez tous été aussi étonnés que moi, messieurs, de voir dégrevée, lorsque chacun s'attendait à la voir augmentée ; je veux parler de la question du Luxembourg. (Interruption.)

Ne craignez rien, messieurs, la conférence de Londres n'a rien à voir dans la question que je veux traiter devant vous, elle n'est pas de nature à mettre l'Europe en feu.

Vous avez remarqué, messieurs, que dans toutes les provinces et dans tous les cantons, le taux provenant de la ventilation des baux des terres arables avait été, à très peu de chose près, maintenu par le gouvernement et appliqué aux bois et aux prairies. Une seule exception a eu lieu dans la province de Namur, pour le canton de Gedinne, et cette exception inexplicable va peut-être s'expliquer tout à l'heure. Eh bien, cette règle à peu près fixe a été complètement méconnue pour la province de Luxembourg.

Si mes renseignements sont exacts, dans cette province la ventilation des baux avait produit une augmentation moyenne de 85 pour les cantons sur calcaire, et pour les cantons ardennais de 78 ; eh bien, sans que l'on puisse s'en expliquer la raison, sans que l'on en connaisse les motifs, cette moyenne est descendue à 60 pour les premiers cantons et à 50 pour les cantons ardennais, et voilà ce qui explique jusqu'à un certain point le chiffre de 50 adopté pour le canton de Gedinne, canton ardennais lui-même, quoique appartenant à la province de Namur, et que l'on ne pouvait pas traiter autrement que ses frères du Luxembourg, sans montrer une partialité par trop révoltante et sans s'exposer à faire crier trop fort.

J'ai dit que cette diminution avait été faite sans raison ni motif, et, en effet, les raisons invoquées par la commission provinciale du Luxembourg avaient été vigoureusement réfutées par les agents du gouvernement eux-mêmes à propos de l'évaluation des propriétés bâties.

La commission avait demandé une réduction de 25 p. c. sur le résultat de l'expertise parcellaire, fondée sur la circonstance que. le Luxembourg se trouve aujourd'hui dans des conditions moins favorables qu'à l'époque du cadastre primitif.

Le gouvernement répond dans l'exposé des motifs. « Cette assertion n'est aucunement fondée, car s'il est une province du royaume qui a été transformée depuis 40 ans, c'est bien le Luxembourg, qui ne possédait à cette époque qu'une seule voie de communication et des chemins inaccessibles, tandis qu'elle est aujourd'hui sillonnée de routes, de chemins excellents et de diverses voies ferrées ; je crois inutile d'énumérer davantage toutes les modifications qui ont augmenté la valeur des propriétés dans cette province, pour justifier le rejet de cette proposition. »

Eh bien, ces mêmes raisons, invoquées par le gouvernement pour justifier l'augmentation des propriétés bâties, existaient également pour les terrains cultivés.

Peu de provinces, en effet, ont été aussi avantagées, depuis l'évaluation cadastrale, que le Luxembourg, peu de provinces ont plus largement puisé dans les coffres de l'Etat pour construction de routes nouvelles, voirie vicinale, distribution de chaux à prix réduit, etc., toutes mesures éminemment propres à améliorer considérablement la valeur des terrains destinés à l'agriculture. Et n'avais-je pas raison de dire qu'il était réellement inexplicable de voir cette province dégrevée, alors que chacun de nous s'attendait à la voir l'une des plus augmentées, toute proportion gardée ?

J'ai cherché à faire le calcul et à établir la différence qui aurait existé dans le quantum de la contribution à mettre à la charge du Luxembourg, si l'on avait suivi le produit de la ventilation des baux, au lieu de le diminuer aussi considérablement, si, en un mot, on l'avait traité comme les autres provinces, et voici ce que j'ai trouvé.

En suivant la ventilation des baux et en appliquant à l'augmentation qui en fût résultée le marc le franc du projet de loi, on aurait obtenu une majoration d'impôt d'environ 40,000 francs au lieu d'une diminution de 52,000 que l'on vous propose. Différence, 92,000 francs.

Différence énorme pour une province dont la quote-part dans l'impôt foncier est déjà si faible ; car si un pareil traitement avait été accordé au Hainaut, par exemple, qui paye environ huit fois plus d'impôt que le Luxembourg, cela aurait produit une diminution pour cette province de plus de 700,000 fr. sur le chiffre qui lui est attribué par le projet de loi.

Avouez, messieurs, que cela est par trop fort, et que si un Luxembourgeois s'était trouvé seul chargé au département des finances de tout le travail qui a abouti à la loi qui vous est présentée, il n'aurait pas mieux fait.

Mais vous, messieurs, vous ne vous associerez pas à de semblables anomalies, vous direz que la loi que l'on vous présente sous prétexte de réparer des injustices ne fait que les déplacer, et vous direz avec moi que, pour être juste, tout est à refaire.

En résumé.

Des injustices étaient depuis longtemps signalées dans la répartition de l'impôt foncier entre les diverses provinces du royaume ; les Flandres avaient gravement à se plaindre de cet état de choses, nous avons été unanimes pour déclarer qu'il fallait leur rendre justice, et voilà ce qui a donné lieu à la loi de 1860. Nous sommes toujours du même avis, et nous voulons encore que justice soit rendue aux Flandres.

Mais cette loi a été mal exécutée et l'expérience a prouvé qu'elle ne pouvait pas donner de résultats sérieux, qu'au contraire les anomalies les plus inqualifiables, les injustices les plus flagrantes devaient forcément en être la conséquence. Je crois vous l'avoir démontré à l'évidence en ce qui concerne les bois, qui n'ont réellement pas été expertisés, mais frappés aveuglément et au hasard ; d'autres vous le démontreront pour les prairies, pour les terres, pour les propriétés bâties ; bref, c'est un travail à refaire.

Et pour être convenablement refait, il ne peut l'être qu'au moyen de l'expertise parcellaire. C'est le seul mode parfaitement juste, parfaitement équitable qui donnera à chacun sa part, ni plus ni moins ; il est d'ailleurs réclamé par la plupart des commissions provinciales, par celle de la Flandre orientale elle-même, par plusieurs députations permanentes, et enfin par les agents du gouvernement eux-mêmes.

Car voici ce que disait l'inspecteur du cadastre de la province de Namur dans son rapport sur les résultats des délibérations de l'assemblée provinciale :

« Quoi qu'il en soit, on est d'accord sur le principe qu'il y a lieu d'appliquer une proportion réduite et spéciale aux prairies de la Sambre. Mais outre qu'il est impossible de déterminer exactement le chiffre de cette proportion, la mesure est rendue impraticable par le changement de nature de culture de beaucoup de ces prairies, il n'y a donc pas moyen de les dégrever sans en venir ç l'expertise parcellaire. »

Et puis, à propos des bois, ce même fonctionnaire ajoute :

« Tout bien considéré, je ne vois qu'une seule mesure équitable à prendre à l'égard des bois dérodés et non dérodés, c'est de les faire expertiser parcelle par parcelle pour que chacun soit imposé comme il doit l'être..»

Le gouvernement lui-même n'oppose à ce moyen, dont il est forcé de reconnaître la justice, que la question d'argent et la question de temps.

Ecoutez ce que dit l'honorable ministre des finances dans l'exposé des motifs :

« Je reconnais volontiers que certaines parties de prairies, dans quelques communes, ont subi une dépréciation par suite des circonstances locales ; les mêmes faits se reproduisent pour les terres, et le seul moyen d'y remédier complètement pendant une période plus ou moins longue, consisterait à procéder à une expertise parcellaire ; mais les Chambres n'ont pas jugé à propos de recourir à cette mesure dispendieuse, qui ne redresse les inégalités que momentanément. »

Et répondant à la commission provinciale de la Flandre orientale qui réclamait la même mesure, l'honorable ministre ajoute :

« Il est certain que l'expertise parcellaire pourrait seule rétablir l'égalité proportionnelle de parcelle à parcelle, je l'ai reconnu dans l'exposé des motifs de la loi de 1860, mais j'ai fait valoir les considérations qui me déterminaient à ne pas recourir, pour le moment, à une opération aussi dispendieuse. »

Eh bien, la question d'argent ne doit pas arrêter dans une affaire aussi grave, et d'ailleurs, une partie de la besogne est déjà faite, puisque l'expertise parcellaire des propriétés bâties a déjà eu lieu dans les villes et dans les campagnes ; cela répond également à la question de temps, qui serait ainsi considérablement abrégé par suite de ces premiers travaux.

Quant à cette fin de non-recevoir invoquée par le gouvernement et qui consiste à dire que l'expertise parcellaire ne redresserait les inégalités que momentanément, il m'est impossible de l'admettre. En effet, la Belgique a été presque complètement transformée depuis l'époque de la première évaluation cadastrale, elle a été sillonnée de chemins de fer, de routes, de canaux, la plus grande impulsion a été donnée à la construction des chemins vicinaux ; voilà ce qui a tant contribué à l'amélioration de la culture et à l'augmentation du revenu des terres ; mais tous ces moyens d'amélioration doivent avoir un terme que nous sommes bien prêts d'avoir atteint, et je ne pense pas que la Belgique puisse faire, (page 956) à a ce point de vue, autant de progrès en un siècle, qu'elle vient d'en faire en trente ans. Il est donc très probable que l'expertise parcellaire nous donnerait des résultats justes, équitables pour tous pour un espace de plus de cent ans. Eh bien, je vous avoue, messieurs, que, pour ma part, je m'en contenterais, laissant à mes arrière-neveux le soin de réclamer une nouvelle expertise parcellaire, s'ils le jugent convenable.

M. de Macarµ. - Messieurs, ce n'est pas sans quelque hésitation, je l'avoue, que je me suis décidé à prendre part au débat qui nous occupe. La question est ardue en elle-même ; et je ne puis me dissimuler que les idées que je vais développer vont à l’encontre d'une opinion qui semble fortement établie dans cette Chambre.

L'opposition que je me vois forcé de faire doit, en outre, rencontrer deux obstacles sérieux.

D'abord, je dois réagir contre les principes de la loi de 1860, loi qui a été votée à l'unanimité dans cette Chambre et à une très forte majorité au Sénat.

En second lieu, il semble qu'en signalant les vices du système que l'on nous propose de consacrer, on veuille ajourner indéfiniment la réparation de ce que l'honorable rapporteur de la section centrale nous a dit être une criante injustice faite aux Flandres.

Je dirai tout à l'heure dans quel sens a été votée, selon moi, la loi de 1860 ; mais je tiens à déclarer immédiatement que je veux autant que qui que ce soit dans cette Chambre dégrever les Flandres du payement de la surtaxe dont elles sont frappées ; que c'est une des principales raisons qui m'ont fait hésiter, dans le principe, à combattre le projet ; qu'enfin je me rallierais très volontiers à toutes propositions qui seraient faites ayant pour but le dégrèvement immédiat des Flandres, à une seule condition cependant, c'est qu'on puisse le faire sans que l'avenir de la propriété foncière soit engagé d'une façon aussi fâcheuse que celle que le projet de loi doit infailliblement créer.

J'avoue que c'est parce que j'ai vu dans le projet de loi un danger pour l'avenir, que je me suis décidé en section centrale à lui refuser mon adhésion, et que je me lève aujourd'hui pour vous faire connaître les motifs qui m'ont guidé.

Messieurs, vous le savez, le cadastre n'est autre chose que la constatation de la contenance du territoire, et l'évaluation de ses revenus.

Le cadastre de 1826 avait établi une répartition, somme toute, assez exacte ; la révision parcellaire avait été faite avec beaucoup de soin ; les mesures les plus minutieuses avaient été prises. Le travail avait été généralement approuvé par les propriétaires.

N'étaient les différences saillantes que l'introduction des chemins de fer, la transformation de la plupart de nos grandes industries ont dû nécessairement provoquer, il est plus que probable que l'on n'aurait pas touché encore à l'œuvre de 1826.

Je rappelle ces faits parce que je crois qu'il est très important que le cadastre soit fait avec un soin et une exactitude extrême. Destiné à déterminer pendant une période assez longue d'années la quote-part de chaque contribuable dans le principal impôt du pays, il est indispensable que les bases sur lesquelles il repose soient incontestablement acceptées par tous et ne soient pas d'avance frappées de suspicion par une partie du pays.

Procédant à la révision d'un travail fait dans de. pareilles conditions, je dois regretter que le gouvernement ait cru pouvoir le faire, sans s'assujettir aux mêmes minutieuses investigations.

Je crois qu'à un état de choses qui pouvait laisser à désirer sans doute dans certaines parties du pays, par suite des circonstances que j'ai dites, il en substituera un qui ne sera accepté qu'avec une extrême défiance par les propriétaires et ne contentera même que momentanément les Flandres qui s'apercevront bientôt des inégalités flagrantes que la loi va consacrer.

Ce sont ces inégalités, je le disais tout à l'heure, qui, comme membre de la section centrale, m'ont empêché de donner mon approbation au projet. Je crois devoir rendre compte à la Chambre de ma conduite, d'autant plus que la section dont je faisais partie m'a envoyé à la section centrale comme favorable au projet. C'est l'examen du travail en section centrale qui, je le confesse, a modifié mes convictions. Pour refaire cet examen ici, messieurs, j'ai besoin de toute votre indulgence. J'en ai besoin parce qu'il s'agit de rencontrer le travail d'une administration extrêmement intelligente et éclairée. J'en ai besoin surtout, parce que cette administration sera défendue par M. le ministre des finances.

Pour commencer, je veux faire preuve d'une extrême modération. Je n'attaquerai pas le mode d'exécution de la loi de 1860. Je crois qu’on pourrait soutenir avec quelque chance de succès que le contrôle des administrations provinciales a été inefficace, que les éléments d’appréciation et le temps ont manqué pour apprécier sainement les différences qui existent entre les divers cantons dont il fallait déterminer les valeurs respectives.

Je ne le ferai pas, j'accepte hypothétiquement comme bon le travail qui nous est présenté.

Je crois qu'il est inutile aussi de refaire l'historique des opérations cadastrales ; l'honorable M. Wasseige l'a fait tout à l'heure. Vous savez qu'on a opéré par ventilation de baux pour les propriétés non bâties et que l'on a procédé à une expertise parcellaire pour les propriétés bâties.

Pour moi, ce qui rend essentiellement défectueux le travail qui nous est soumis, c'est le principe même de la loi de 1860. Je l'ai dit tantôt, dans une matière aussi grave, où, malgré tous les soins possibles, on ne peut être certain d'un résultat parfait, il fallait, dût-on pour cela dépenser un peu plus de temps et d'argent, se garder de procéder par approximation, de conclure du particulier au général, de laisser supposer surtout qu'on le faisait sans preuves entières et complètes.

La révision parcellaire était indispensable, parce que seule elle pouvait poser un titre nouveau aussi respectable que celui de 1826, et comme les changements considérables qui se sont produits depuis cette époque sont le résultat d'une véritable révolution dans l'économie agricole, produite par les chemins de fer et par l'extension de l'industrie, il eût été bon de constater le véritable état de choses, d'établir une bonne fois les bases nouvelles sur lesquelles l'impôt foncier devait être établi, d'arriver ainsi à la possibilité d'une révision permanente du cadastre.

Cette révision permanente est le seul moyen, je pense, de créer un état de choses constamment exact.

Messieurs, les idées que j'émets ne sont pas nouvelles. Dès 1860, on doutait énormément de l'efficacité du projet de loi. L'exposé des motifs de la loi de 1860 reconnaît sans difficulté que le système auquel on donnait la préférence pourrait soulever dans les communes rurales des objections sérieuses résultant de l'absence d'expertise parcellaire et du maintien de la classification antérieure des propriétés, quels qu'aient pu être, depuis la mise en vigueur du cadastre, les accroissements ou les diminutions de valeurs de ces dernières. « Seuls, des motifs d'économie de temps et d'argent déterminaient le gouvernement et la législature, mais il fut bien convenu alors que les opérations que l'on allait entreprendre ne devaient revêtir qu'un caractère d'essai, » elles ne devaient engager l'avenir de telle sorte que certaines inégalités ou surtaxes qui ressortiraient de l'application absolue du système, ne pussent être ni amoindries, ni corrigées.

La législature, en acceptant l'essai que l'on tentait ne devait donc être nullement engagée quant à l'appréciation des résultats, et, fait bien remarquable et qui dénote combien le gouvernement lui-même doutait encore de l'excellence du système qu'il proposait, l'exposé des motifs fait entendre que dans la supposition très improbable que le travail fût insuffisant ou défectueux, il n'y aurait ni perte de temps ni dépense inutile ; car les opérations effectuées pourraient servir soit à un renouvellement complet du cadastre, soit même à constater la valeur vénale au cas où l'on voudrait changer la base du revenu.

Le rapporteur de la section centrale, de 1860, l'honorable M. Muller, vise expressément ces divers points dans son rapport, et la discussion du projet de loi à la Chambre, séance du 23 novembre 1859, démontre à l'évidence que c'est dans ce sens que la loi fut votée.

Je puis citer ici les noms de quelques-uns des orateurs qui ont pris part à ce débat.

Il y a d'abord l'honorable M. Vander Donckt, qui fait la déclaration suivante :

« La discussion ne saurait porter que sur les bases, et quand même ces bases ne conviendraient pas à quelques honorables membres, encore serait-il utile d'autoriser le gouvernement à les poser, parce que ce n'est, comme le dit l'exposé des motifs, ni du temps ni de la peine perdue. C'est un commencement pour procéder à une révision plus large, si toutefois la Chambre le juge à propos. »

Voilà l'opinion de M. Vander Donckt.

L'honorable M. Muller déclare de son côté :

« Ce n'est que lors de ce dernier travail, que nous aurons à statuer, et comme il est dit dans le rapport, il n'y a aucun engagement de la part de la Chambre.

(page 957) « Elle reste parfaitement libre, tout comme le gouvernement, qui appréciera préalablement le résultat des opérations pour lesquelles il vous demande un premier crédit de 300,000 francs. »

Enfin l'honorable M. Frère disait :

« La Chambre, d'après l'examen en sections et les dispositions qui se manifestent en ce moment, semble se rallier à cette idée. Il s'en tiendrait donc au système que nous proposons, qui, au surplus, n'engage pas, qui sera de nouveau soumis à la Chambre, quand les opérations seront faites ; elle jugera .si elles sont assez satisfaisantes pour être sanctionnées, sinon elle pourra prescrire le complément de ces travaux. »

De tout ceci, messieurs, il y a une chose qui ressort à l'évidence, c'est que la responsabilité de la mesure qu'il s'agit de sanctionner tombera tout entière sur la Chambre de 1867 et non sur la Chambre de 1859 qui, elle, n'a voulu autre chose que de tenter un essai.

Messieurs, quand je me suis livré à l'examen du projet de loi, les premiers documents que j'ai voulu consulter sont les procès-verbaux des commissions provinciales. Les délégués nommés par tous les bourgmestres d'un canton ou par les conseils communaux des villes et communes-faubourgs, appelés à juger dans tous leurs détails des diverses réclamations produites, me paraissent être bien aptes en effet à apprécier le travail fait au point de vue des intérêts de tous. Leur témoignage m'inspire d'autant plus de confiance que les choix ne sont pas tombés sur les premiers venus.

Je ne puis me rendre parfaitement compte de ce qui s'est passé dans toutes les provinces ; mais pour la province de Liège, je trouve sur 35 délégués, neuf conseillers provinciaux, un sénateur, un ancien représentant ; en un mot, une assemblée parfaitement capable de remplir les fonctions dont elle était chargée.

Eh bien, messieurs, pour moi des rapports des commissions provinciales il ressort deux faits graves. Le premier, c'est l'affirmation de l'exagération de la valeur attribuée à la propriété foncière ; le second, la constatation d'inégalités plus ou moins considérables. Le premier fait est reconnu formellement par les délibérations de six commissions provinciales. Le second a été signalé dans presque toutes les commissions par plusieurs membres.

Selon moi, la première question, l'exagération de la valeur attribuée à la propriété foncière est bien sérieuse. Je ne sais comment il faut la résoudre.

Le fait est que la valeur de la propriété foncière est fixée par le projet de loi à 99 fr. 43 c. par hectare pour toute la Belgique.

Je me demande combien de mes honorables collègues me diront que dans les cantons de leur arrondissement l'hectare de terre vaut en moyenne 100 francs.

Quelques-uns répondront oui, mais il n'y en aura pas beaucoup, et à coup sûr, ces messieurs du Luxembourg ne diront pas oui.

M. Thonissen. - Ceux du Limbourg non plus.

M. de Macarµ. - Evidemment, le contingent fourni par les provinces de Limbourg et de Luxembourg vient en déduction de celui des autres provinces et 100 fr. me paraît une valeur bien élevée.

J'ai voulu, messieurs, me rendre compte pour mon arrondissement de la valeur des propriétés foncières, et je n'ai cru pouvoir mieux faire que de m'adresser à un homme dont j'ai tantôt indiqué le nom à l'honorable ministre des finances, à un homme qui m'inspire la plus entière confiance. C'est un notaire qui a rempli des fonctions administratives importantes et dont le caractère est au-dessus de toute suspicion. Je l'ai prié, de me donner le prix moyen de la vente des terres faite par lui de 1849 à 1858.

Il a bien voulu faire ce travail d'où il ressort qu'en moyenne la valeur de la terre aux environs de Huy était d'environ 2,100 fr. C'est-à-dire, puisqu'il faut capitaliser à 2 1/2 p. c., 60 fr. de location par hectare.

Je vous soumettrai tout à l'heure, messieurs, des extraits de tableaux qui démontrent que nous sommes loin de 60 fr. à Huy, d'après les évaluations qui viennent d'êtreflaites.

A ce sujet, messieurs, il est un point important qui se rapporte aux baux. Les agents du gouvernement ont eu à leur disposition tous les baux enregistrés tandis que les baux non enregistrés n'ont contribué à former la totalité que dans nue mesure excessivement restreinte.

Il résulte de l'exposé des motifs qu'il y a un septième des terres pris par les baux enregistrés et un septième par les baux non enregistrés.

Chacun sait que les baux enregistrés sont consentis à des prix plus élevés que les autres ; l'augmentation pour les baux enregistrés est de 64 p. c. tandis que pour les baux non enregistrés elle est de 73 3/4 p. c, soit environ 10 p. c. de différence.

Or, on a eu à sa disposition tous les baux enregistrés, tandis que l'on n'a eu qu'une quotité minime de baux non enregistrés.

MfFOµ. - On en a caché beaucoup.

M. de Macarµ. - C'est possible, mais vos agents en ont refusé aussi. Ainsi il y a eu certaines personnes qui ont offert leurs baux, lesquels arbitrairement et sans qu'il soit dit pourquoi, ont été repoussés.

Je ne dis pas que les agents du cadastre aient mal fait en agissant ainsi, je n'en sais rien, mais ce que je puis dire, c'est que ces agents n'ont pas été contrôlés dans l'exécution de leur travail. Ils ont accepté ou refusé comme ils l'ont voulu. Donc, quant au fait de la non production des baux que vous m'avez opposé en m'interrompant. M. le ministre, il y a beaucoup à déduire de son importance en présence du pouvoir illimité qu'ont eu vos agents. Quant à moi, je pense que, pour être juste, il aurait fallu tenir compte de la quantité des terres reprises par baux non enregistrés et leur attribuer une proportion de deux ou trois à un à l'égard des baux enregistrés ; c'eût été une proportion plus réelle et plus vraie, et de ce chef-là seul vous aurez déjà une réduction sur le prix que vous attribuez à l'hectare de terre.

Un autre fait qui a pu induire en erreur est la production de baux consentis à des prix fictifs. J'ai déjà eu l'occasion d'en connaître et je ne sais pas jusqu'à quel point les agents du cadastre ont pu s'apercevoir de ces choses-là. Je sais fort bien que dans la ville de Huy, ce sont de nos amis, des gens qui voulaient l'exécution loyale et complète de la loi qui ont dû signaler aux agents du cadastre que tels et tels baux étaient augmentés ou diminués sous l'empire de circonstances exceptionnelles.

Sous ce rapport encore il y a donc quelque doute à avoir sur l'exactitude des résultats du travail opéré.

Un dernier point. Je dois faire remarquer que pendant la période de 1849-I850 l'agriculture était très florissante et que cette période est, peut-être de toutes celle où la propriété territoriale a atteint la valeur la plus élevée. C'est un hasard fâcheux sans doute, mais c'est un fait dont il aurait été prudent de tenir compte.

Messieurs, je vous demande pardon si j'insiste sur ce point, mais je crois que l'exagération de valeur attribuée à la propriété foncière peut avoir une importance capitale.

On nous dira certainement aujourd'hui, l'impôt foncier est un impôt de répartition : si l'ensemble du pays est surtaxé, chacun ne paye cependant que ce qu'il doit et peu importe alors d'attribuer à la propriété une valeur même exagérée.

Mais, messieurs, je ne suis pas persuadé que l'impôt foncier d'impôt, d'impôt de répartition qu'il est aujourd'hui, ne se transformera pas un jour en impôt de quotité...

M. Ortsµ. - Je l'espère bien.

M. de Macarµ. - ... l'impôt de quotité serait peut-être à certains égards préférable, on peut soutenir qu'il faut frapper la terre comme toutes les choses imposables à proportion de la valeur qu'elle peut avoir. (Interruption.)

Ce système peut parfaitement se justifier. Je crois qu'actuellement la situation de l'agriculture exige encore quelques ménagements ; niais je comprends parfaitement le danger que dans un temps déterminé elle peut courir, et c'est précisément parce que je comprends cela que je vois un grand inconvénient à évaluer aujourd'hui les terres à un prix trop élevé. Lorsqu'on viendra nous demander de changer l'impôt de répartition en impôt de quotité, les propriétaires auront très mauvaise grâce à venir soutenir que leurs propriétés vont être frappées trop fort.

On leur dira : C'est un vote solennel de la Chambre qui a décidé, qui a constaté la valeur de vos terres ; vous devez subir les conséquences de ce voie. Le résultat sera de frapper la propriété d'une manière exorbitante. (Interruption.) Vous demanderez alors une révision parcellaire, me dites-vous. Oui, mais on vous fera attendre 6 années et pendant tout ce temps nous subirons les conséquences de la mesure prise, quelque pénible qu'elle soit.

Messieurs, il y a une autre raison qui me fait croire qu'il y a danger à exagérer la valeur de la propriété. Nous nous trouvons actuellement dans des conditions de paix et de calme ; mais ces conditions ne peuvent-elles se modifier ? Notre situation financière est très belle ; je me plais à croire qu'elle se maintiendra ; mais il peut se faire cependant que nous ayons à traverser encore des périodes difficiles.

Eh bien, à qui s'adressera-t-on alors pour faire face aux charges publiques ? Ce sera évidemment à la propriété foncière. Si donc cette propriété est évaluée d'une manière exagérée, toute mesure qui serait prise ne pourra l'être sans causer les perturbations les plus graves.

(page 958) Pour qu'on puisse songer à recourir à ces moyens extrêmes, il faut indispensablement que la valeur de la propriété soit exactement et sainement établie.

Tout ce que je viens de dire, messieurs, ne se rapporte, je le reconnais, qu'à des éventualités ; ces éventualités ne se réaliseront pas, je l'espère, mais elles sont possibles et cela suffit pour justifier mes observations.

C'est sur un autre terrain maintenant que je veux me placer pour constater les torts réels que le projet de loi va inévitablement produire.

Je crains que la grande injustice dont se plaignaient les Flandres ne soit remplacée par une multitude de petites injustices qui, pour ne pas atteindre en masse quelques provinces, ne frapperont pas moins un nombre considérable d'individus.

L'impôt de répartition, vous le savez, est un impôt dont la somme fixée d'avance se répartit entre tous les contribuables. La cote des contribuables résulte du montant de l'imposition ; toutes les cotes sont solidaires les unes des autres : l'une ne peut être dégrevée sans que les autres n'aient à payer en plus la somme dont elle a été dégrevée. Toute inégalité donc est une injustice qui frappe directement les coparticipants à l'impôt. Ce sont les inégalités que l'exécution du projet de loi doit nécessairement amener que je vais avoir l'honneur de vous signaler.

La première est celle qui résulte de la taxation de la moyenne des baux par canton et non par commune.

Il est inadmissible de dire que toutes les propriétés d'un canton ont progressé d'une façon uniforme. La fixation au moyen de la ventilation des baux par canton produit les conséquences suivantes : Un chemin de fer, un grand établissement industriel, une sucrerie par exemple, viennent doubler, tripler, parfois même décupler la valeur de la propriété de la commune dotée de ces bienfaits. Et cependant, messieurs, les communes qui se trouvent dans cette position, loin de payer à raison de la plus-value de la propriété, vont être dégrevées précisément parce que dans le même canton se trouvent des communes pauvres qui n'ont pas été favorisées des mêmes bienfaits et qui, par conséquent, vont être dans le cas de supporter une charge très forte bien qu'elles n'aient profité en rien de l'état de choses créé ailleurs.

Quelques exemples démontreront clairement, je pense, ce qu'il y a de choquant dans l'inégalité que je signale. Je trouve dans le procès-verbal de la commission du Limbourg, que la commune de Genck a augmenté de 152 p. c. et celle de Satendael, qui y touche, seulement de 1 p. c ; toutes deux cependant vont subir la même augmentation : 97 p. c. ; par conséquent la commune de Genck va payer 55 p. c. de moins que le taux de la plus-value de ses propriétés, tandis que la commune de Satendael subira une augmentation de 90 p. c. de trop.

Autre exemple, pris celui-ci du canton de Huy dont vous m'excuserez, je pense, de m'être occupé plus spécialement. Ce canton est frappé d'une augmentation de 120 p. c. Le canton de Huy se compose de trois groupes, situés l'un en Hesbaye, l'autre dans le bassin de la Meuse, le troisième dans le Condroz. Quelques communes de ces dernières régions sont situées à 4 lieues de Huy. Il est certain que, si l'on faisait un travail spécial pour chacune de ces régions, on arriverait à des résultats complètement différents.

Evidemment, le rivage de la Meuse auquel l'établissement d'un chemin de fer, la canalisation de la Meuse, la grande extension qu'y a prise l'industrie, ont donné une valeur très grande, a augmenté dans des proportions hors de tous rapports avec celles qu'ont atteintes les communes de Bois-Borsu, Ocquier, Pailhe, etc., qui se trouvent en plein Condroz.

Cependant, par l'application de la proportion cantonale, elles seront soumises à la même augmentation.

Est-ce là de la justice distributive, est-ce dans de pareilles conditions que l'on peut établir notre principal impôt ? Car notez-le bien, sans doute peu de cantons offriront des anomalies aussi saillantes que celle que je viens d'avoir l'honneur de vous signaler ; mais dans tous les cantons, j'ose l'affirmer, des inégalités existeront, une partie de la population pourra dire qu'elle paye pour l'autre.

Une seconde inégalité, messieurs, est celle qui résulte d'une proportion différente de baux de grande, moyenne et petite tenue par province et par cantons.

Le tableau joint au projet de loi fournil, en effet, la preuve de cette inégalité par province.

Je voudrais, messieurs, pouvoir vous fournir la démonstration pour les cantons, mais je ne veux prendre que des chiffres fournis par l'exposé des motifs ; je ne le ferai donc que par province, mais vous apprécierez par là même quelle influence cette production différentielle a dû exercer par canton. Je ne le relirai pas en entier, mais permettez-moi de vous faire remarquer que tandis que dans les provinces d'Anvers, de Flandre occidentale, de Liège et de Luxembourg il y a en proportion plus considérable des baux de grande tenue que de ceux de petite tenue ; dans les provinces de Brabant, de Flandre orientale, de Hainaut, il y a en proportion un nombre plus considérable de baux de petite tenue.

Les provinces de Namur et de Limbourg ont seules une moyenne égale.

Or, notez-le bien, la moyenne de la proportion d'augmentation obtenue par la ventilation des baux de grande tenue est de 58 1/4 p. c.

Celle de la petite tenue est de 85 1/4, soit 25 p. c. de différence. L'influence de la quantité plus considérable de baux de l'une ou de l'autre tenue produits n'a-t-elle pas dû nécessairement amener à des résultats inégaux, injustes par conséquent, par cantons et provinces.

La troisième inégalité est celle qui résulte de l'augmentation proportionnelle égale affectée à toutes les classes de terre.

Il est un fait qui ne sera, je pense, contesté par personne, c'est que les progrès réalisés par notre industrie agricole l'ont été surtout sur les terres de qualité inférieure, tout au moins sur des terres pour lesquelles le drainage, le sartage et l'emploi d'amendements considérables devaient avoir une. influence prépondérante.

Ces terres ainsi amendées sont devenues d'excellentes terres. Mais lorsqu'elles ont été classées lors de la formation du cadastre, elles n'avaient qu'une valeur très minime et avaient été mises dans les quatrième et cinquième classes. Ces terres dont la ventilation des baux a amené une moyenne de valeur élevée parce qu'en réalité elles ont une valeur équivalente aujourd'hui en grande partie ou tout au moins se rapprochent beaucoup de celles des terres de première et deuxième classes vont cependant n'être augmentées que d'une somme insignifiante, puisque l'augmentation d'autant p. c. ne sera prise que sur la valeur qu'elle avaient avant leur amendement.

Elles auront donc servi à faire accroître considérablement la moyenne des valeurs attribuées et ne subiront elles-mêmes qu'une très faible partie de l'augmentation qu'elles auront produite.

Une hypothèse que je vais faire et que je donne comme exemple démontrera à l'évidence tout ce qu'a de disproportionné et d'injuste le système adopté. Je suppose 100 hectares de terres révisés au cadastre de 1826, ces 100 hectares divisés en autant de classes que l'on voudra, la première cotée à 100 fr., la dernière à 10 fr. ; je suppose une augmentation de 100 p. c. sur l'ensemble, et ce n'est pas trop pour la plupart des cantons de nos provinces wallonnes, car dans l'arrondissement de Huy, sur cinq cantons deux sont augmentés de 120 p. c., un de 117, un de 114 et un seulement de 71p. c. et la commune de Huy de 176 p. c. La première classe va être portée à 200 fr., la dernière à 20 fr. ; et, cependant, réellement la première classe vaudra à peine ou ne vaudra pas les 200 fr. La dernière classe vaudra beaucoup plus que 20 fr.

Les premières classes vont payer un impôt considérable, une quotité énorme de leurs revenus ; les dernières classes vont se trouver ne payer qu'une somme en plus, excessivement minime, une quotité insignifiante de leurs revenus.

J'ai sous les yeux un tableau qui démontre combien ces inégalités sont choquantes.

Dans la commune de Terwagne, la première classe de terres labourables était évaluée à 46 fr., la deuxième classe à 7 fr. .50 c. ; elles vont être portées, la première à 100 fr., la deuxième à 16 fr. 27 c.

Dans la commune de Couthuin, la première était à 61 fr. et va être portée à 131 fr. ; la dernière à 9 fr. 55 c. va être portée à 20 fr. 55 c.

Dans les communes d'Amay et d'Ampsin, la 1" classe, de 80 fr. à 176 ; la 2°, de 9 fr. à 20 fr.

Enfin, à Huy, de 95 fr. à 209 fr. pour la première classe ; de 13 fr. à 29 fr. pour les dernières.

Eh bien, j'ose affirmer qu'il n'existe dans toutes ces communes presque pas de terres louées aux prix constatés pour les premières classes, de même qu'il n'en est plus probablement loué aux prix attribués aux dernières classes.

Vous le voyez donc, les premières classes payent la plus grande partie de l'impôt dû par les dernières. Est-ce là, encore une fois, de la justice ?

Et notez que dans les évaluations que je rapporte, ne sont pas compris les prés, les jardins, les vergers. Il ne s'agit là que des terres labourables.

(page 959) Messieurs, une quatrième inégalité est celle qui résulte de ce que les bases de l'ancien cadastre étant maintenues, les terres dont le sol a changé de nature et qui auraient été améliorées, ne seront pour ainsi dire pas augmentées. Les pâtures, vous le savez, n'étaient que faiblement atteintes par le cadastre de 1826.

Par suite des défrichements et des améliorations considérables qu'on a faites, ces pâtures sont devenues en partie d'excellentes terres. Eh bien, elles vont continuer à ne payer qu'un impôt excessivement minime.

Or, chaque fois qu'une terre ne paye pas assez, il faut que les autres terres payent le surplus ; donc si vous n'atteignez pas les immeubles qui ont changé de nature, vous frappez d'autant plus ceux anciennement classés comme terres labourables.

Ce fait est d'une importance capitale.

Depuis 1830, de nombreux bois ont été dérodés ; on a défriché les bruyères ; on a créé les prairies de la Campine ; tous ces terrains qui avaient jadis peu ou point de valeur, ont acquis aujourd'hui une valeur plus ou moins considérable.

Ainsi dans l'arrondissement de Huy, les pâtures de première classe étaient cotées à 1 fr. 90 c., elles vont être cotées à 4 fr. 18 c.

Evidemment presque toutes valent infiniment plus et ne seront cependant frappées qu'à raison des valeurs que je viens de citer. Les autres terrains devront donc payer pour ceux-ci.

La seule conclusion légitime à tirer, c'est qu'il faut arriver à un classement général de la propriété pour amener un résultat exact et vrai.

J'arrive, messieurs, à un dernier point. Je dois l'avouer, si je voulais allonger ma nomenclature, rien ne me serait plus facile, mais je ne veux pas abuser de l'attention de la Chambre.

La dernière inégalité que je vous signale, messieurs, et qui a été parfaitement présentée par l'honorable M. Wasseige, c'est celle qui concerneleçs bois.

Pour les bois, on n'a pas suivi la loi de 1860. On a commencé par recueillir un certain nombre d'actes de ventes de produits des bois. Mais cette ventilation n'a porté que sur une partie trop peu considérable pour qu'elle puisse être utilisée convenablement. En effet, la partie ventilée est de 1/30 seulement de la quantité totale des bois. On ne pouvait donc arriver à un résultat convenable au moyen de cette ventilation, on a purement et simplement décidé qu'on donnerait aux bois la même valeur qu'aux terres, malgré que l'évaluation insuffisante ne constatât que 57 p. c. d'augmentation. La raison pour laquelle on a agi ainsi, je n'ai pu la comprendre et je crois que si M. le ministre l'av at voulu, il aurait pu augmenter avec autant de titre l'impôt sur les bois de 50 p. c. qu'il l'a fait de 10 p. c. .

En fait, selon moi, les bois n'ont pas augmenté de valeur dans la même proportion que les terres. L'honorable M. Wasseige l'a dit, les bois croissant sur bons fonds ont été dérodés pour la plupart, ceux qui restent sont de qualité inférieure. En second lieu, la concurrence est plus forte qu'elle ne l'était précédemment.

Les voies de communication sont devenues plus nombreuses ; les traités de commerce que nous avons consentis selon nos idées libérales permettent d'amener les bois à des conditions telles, que les produits indigènes ont quelque peine à soutenir la lutte.

Les forges aux bois que nous avions dans trois ou quatre de nos provinces ont cessé d'exister ; et notez-le bien, elles consommaient énormément de bois. Il faut cent hectares de taillis de 32 ans pour alimenter un haut fourneau pendant une année

C'était un débouché plus assuré que ceux que nous possédons maintenant pour ces provinces.

Je le répète donc, je ne puis m'expliquer ce que l'on a fait au sujet des bois et j'attendrai les explications de M. le ministre pour croire que la chose a été faite justement.

Au surplus, messieurs, dans les commissions provinciales, certains agents du cadastre n'ont pas méconnu la vérité du fait que je viens de signaler. Dans la province de Liège, M. Leblanc, contrôleur délégué, répondant à M. David-Fischback, a fait cette déclaration importante : Il n'a pu, dit-il, faire la ventilation des bois d'une manière aussi complète qu'il l'aurait désiré, parce que les aménagements n'étaient pas réguliers, il a cependant reconnu qu'ils avaient plutôt perdu que gagné.

Ce que je viens de dire pour les bois s'applique partiellement aux prés. Par suite de certains travaux faits aux rivières, et de travaux de canalisation, certains prés qui avaient une grande valeur, n'en ont presque plus. Les irrigations ont cessé. Ces prés cotés auparavant à la première classe, vont se trouver surtaxés d'une façon très forte, bien qu'étant devenus en partie des prés de dernière classe. Le fait suivant a été attesté par une personne en qui j'ai confiance : il y a certaines parties de prés situés sur les bords de la Sambre, pour lesquels on payera en impôts 50 p. c. du produit.

Je voudrais aussi vous parler des propriétés bâties ; mais je désire ne pas abuser de vos moments, je me bornerai à quelques mots.

On a comparé les bâtiments des villes aux bâtiments des campagnes, et ce procédé a conduit, de très bonne foi, je le veux bien, à donner à des maisons de campagne une valeur beaucoup plus forte qu'elle n'ont réellement. Ainsi la location d'une maison de ville ou d'une maison de campagne n'est pas en rapport le moins du monde avec l'apparence de ces maisons.

Je crois que sous ce rapport, cependant, la révision parcellaire a donné un assez bon résultat, je préfère de beaucoup les conséquences du projet pour les propriétés bâties que pour les propriétés non bâties.

Il y a toutefois quelque chose encore à faire et si l'on se décidait à refaire le travail à nouveau, je demanderais qu'on eût égard à ces observations.

En second lieu, je crois que pour les châteaux on n'a nullement suivi les prescriptions de la loi de 1860. Ces prescriptions étaient qu'on devait prendre pour base les baux, et, quand il n'y en avait pas assez, appliquer aux propriétés les baux qu'on pouvait avoir pour des propriétés à peu près similaires.

Je conçois que pour les châteaux il a été difficile d'avoir des baux. Aussi qu'a-t-on fait ? On a évalué ces immeubles à vue de pays et Tl’n a dit : Nous allons prendre 1, 1 1/2, 2 p. c. de la valeur vénale que nous leur attribuons. Messieurs, la loi est faite pour tout le monde et je crois qu'ici encore on devait suivre ses prescriptions.

Il me reste un dernier point à traiter.

Les bâtiments destinés à l'exploitation des houilles et des mines doivent-ils être imposés ?

Ces bâtiments ne sont réellement que des charges, ils sont destinés uniquement à faire produire la mine, laquelle paye déjà une redevance. C'est donc l'outillage, l'engin nécessaire à l'exploitation d'une valeur déjà soumise à l'impôt que l'on voudrait frapper.

Messieurs, ce principe tout nouveau me paraît mauvais en lui-même ; il est en opposition du principe en vertu duquel les bâtiments agricoles sont dégrevés.

Jusqu'ici, il n'avait pas prévalu ; tout au moins, dans la province de Liège, il est considéré par les industriels comme contraire à la loi du 3 frimaire an VII, qui, en effet, mentionne comme devant être imposées, les usines, forges et manufactures, c'est-à-dire les bâtiments destinés à transformer des matières brutes en produits fabriqués ; mais non pas les houillères et bâtiments de mines, lesquels, comme je viens de le dire, ne sont destinés qu'à extraire le produit brut sur lequel l'impôt a déjà été prélevé.

Trois commissions provinciales se sont occupées de la question, Liège, Namur et le Hainaut. De ces trois provinces, la dernière seulement a admis le principe par 28 contre 22, mais les deux premières ont rejeté le principe de l'imposition de ces bâtiments spéciaux, Liège par 17 voix contre 8, Namur à l'unanimité.

Messieurs, non seulement le principe est injuste en ce qu'il consacre le payement en double, mais l'application même du principe est contraire aux règles à suivre pour établir un impôt.

En effet, toujours c'est sur la valeur de la base que l'impôt doit être proportionné.

Dans le cas actuel, c'est à l'inverse de la valeur de cette base qu'il sera établi. Je m'explique.

Une houillère ou une mine a des difficultés souvent très considérables à vaincre pour arriver à production.

Je ne citerai pour le moment que deux des grands obstacles qu'elle peut rencontrer : l'eau et l'aérage. Ces deux obstacles n'ont pas partout la même intensité.

II arrive même qu'on ne les rencontre point du tout.

Mais lorsqu'ils existent, le moyen employé pour vaincre en pareil cas est l'établissement de machines d'exhaure et de ventilateurs de force de chevaux relative au plus ou au moins d'eau qu'il faut extraire et d'air qu'il faut donner.

Plus il faut de force, plus il en coûte à l'extraction. Eh bien, c'est précisément sur le cheval vapeur de force motrice que l'impôt va être frappé.

De sorte que je suppose deux houillères, l'une se trouvant dans des conditions entièrement favorables de production, n'ayant ni machine d'exhaure, ni ventilateur, n'ayant donc aucuns frais, l'autre ayant ses (page 960) deux machines de la force de 200 ou de 300 chevaux, nécessitant par conséquent la dépense de combustible, de personnel, de frais de premier établissement, le tout s’élevant à une somme considérable. La première pourra produire sans l’hectolitre de houille sans un centime de frais de ces chefs. La seconde verra son prix de revient s'augmenter de 10 à 15 cenimes peut-être.

La première gagnera donc beaucoup, la deuxième infiniment moins parce que, je viens de le dire, son prix de revient sera beaucoup plus levé.

Et cependant la première ne payera pas un liard à l'Etat.

La deuxième payera beaucoup précisément parce qu'elle ne pourra gagner beaucoup et d'autant plus qu'elle aura plus de difficultés à vaincre, plus de dépenses à faire, que la valeur donc de la propriété sera moindre.

N'est-ce pas là, messieurs, le renversement des principes de l'impôt ?

Je me résume, messieurs. Il résulte pour moi des faits que j'ai énumérés la conviction qu'un changement du classement du territoire est devenu indispensable. Dans les conditions qu'il nous fait, je ne puis voter le projet de loi.

En matière d'impôt, il faut, avant tout, la justice distributive.

Je ne puis le voter non plus, messieurs, parce que je le crois dangereux pour l'avenir de la propriété foncière.

Je sais que l'on m'objectera la modicité des augmentations qui seront imposées.

En regard des inégalités que j'ai signalées on placera sans doute les résultats minimes que ces inégalités pourront exercer.

Messieurs, je le regrette, mais quant à moi, je ne puis accorder ce bénéfice des circonstances atténuantes. Quand on a la possibilité d'être juste, c'est un devoir impérieux de ne pas l'être par approximation et à demi.

Projet de loi autorisant le gouvernement à échanger un terrain

Rapport de la section centrale

M. Bouvierµ dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi portant échange d'un terrain avec la ville d'Arlon.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant révision des évaluations cadastrales

Discussion générale

M. Bricoultµ. - Messieurs, la révision des évaluations cadastrales a provoqué de vives réclamations dans plusieurs provinces ; le gouvernement a été accusé de vouloir, à l'aide de la nouvelle péréquation, augmenter l'impôt foncier, et il a fallu les déclarations catégoriques que l'honorable ministre des finances a faites au Sénat et à la Chambre pour calmer sur ce point des intérêts vivement alarmés.

Mais sur un autre point, sur la révision des évaluations cadastrales elles-mêmes, toutes les inquiétudes, tous les doutes n'ont pas disparu.

Chacun sait qu'il est impossible, en cette matière, de faire quelque chose d'irréprochable ; d'ailleurs l'impôt foncier est un impôt arbitraire, c'est un impôt de répartition n'ayant pas de base certaine, c'est un impôt frappant au hasard un revenu approximatif.

Au moyen des évaluations nouvelles on veut arriver à une répartition plus équitable. Comme il y a un contingent pour chaque province, et que dans les provinces où la prospérité est la plus grande, l'impôt a diminué, tandis qu'il est resté à peu près le même dans celles où moins d'améliorations ont pu être réalisées, on veut faire supporter par les premières une bonne part des contributions payées par les secondes. C'est là une fatalité créée par l'impôt de répartition.

Le projet de loi qui nous est soumis par le gouvernement doit donc être accepté eu principe. Mais fournit-il, comme le prétend l'honorable rapporteur de la section centrale, les éléments nécessaires pour apprécier dans quelle proportion cette illégalité de charges existe ? Pour ma part, je ne le crois pas ; je pense au contraire que la loi du 10 octobre 1860 est incomplète, et parce qu'elle est incomplète, je la trouve injuste. En effet, cette loi va faire disparaître l'inégalité entre les provinces, pour la rétablir à l'infini entre les cantons, les communes et les contribuables. D'abord, elle maintient pour les propriétés non bâties le classement établi par les opérations primitives. Or, il est de toute évidence qu'une transformation complète, radicale s'est opérée depuis 1825 pour toutes les natures de propriétés. C'est peut-être depuis des siècles l'époque dans laquelle on a vu se réaliser le plus d'améliorations. Les voies de communications se sont développées avec une rapidité prodigieuse ; les chemins de fer, les canaux, les routes ont fait prendre un nouvel essor à l'industrie agricole. A tous ces véhicules de la production sont venus se joindre le drainage, le déboisement, les machines, tout ce qui, en un mot, peut faire augmenter la fécondité du sol et la prospérité générale.

Cependant toutes les parties du pays n'ont pas profité de ces avantages dans une égale mesure ; toute la propriété territoriale n'a pas suivi, au point de vue du revenu, le même mouvement ascensionnel, et, au point de vue des améliorations, la même marche dans la voie du progrès. C'est ainsi que le revenu des terres de première et de deuxième classe n'a pas augmenté dans la même proportion que celui des terres de troisième et de quatrième classe et que tandis que les prés ont diminué de valeur dans plusieurs parties du pays, les bois dérodés et d'autres propriétés dont la nature a complètement changé ont augmenté de plus de 400 p. c. ; et c'est en présence de toutes ces différences que le gouvernement et les Chambres de 1860 ont reculé devant l'expertise parcellaire, la seule qui puisse rétablir l'égalité proportionnelle.

Les raisons invoquées pour justifier l'ajournement de cette opération ne me paraissent pas sérieuses. On a trouvé qu'il faudrait un temps très long pour procéder à une pareille révision, et qu'une dépense de 4 millions devrait y être affectée.

La loi du 10 octobre 1860 a été, si je ne me trompe, annoncée dans le discours du trône de 1859 ; il s'est donc écoulé un espace de huit années depuis que le gouvernement a annoncé la nouvelle péréquation de l'impôt foncier et 7 années depuis la promulgation de la loi. Il n'est pas possible d'admettre que ce temps eût été insuffisant pour terminer l'expertise parcellaire, surtout en maintenant l'arpentage dont personne ne se plaint. Quant à la dépense, c'est une question secondaire qui ne devrait pas être opposée à une mesure destinée à répartir le plus équitablement possible un impôt qui n'atteint que dans une proportion dérisoire certaines propriétés dont le revenu est aujourd'hui considérable.

Un grand nombre de communes sont plus intéressées encore que l'Etat à l'adoption de la révision parcellaire ; il en est qui comptent dans leur étendue plusieurs centaines d'hectares de bois dérodés loués de 125 à 160 francs l’hectare, imposés à 2 francs et quelques centimes l'hectare. Les centimes additionnels perçus sur le principal de cet impôt pour faire face à des besoins pressants font passer dans les caisses communales une somme insignifiante qui varie de 20 à 25 francs par cent hectares, produisant un revenu de 12,500 à 16,000 francs, tandis que les terres de première et de deuxièle classe payent au profit de l'Etat, des provinces et des communes 12 à 25 francs l'hectare.

Je crois, messieurs, qu'il est inutile de faire l'énumération de toutes les propriétés qui jouiront pour ainsi dire d'une immunité d'impôts pour un temps indéterminé. cette énumération serait longue. L'honorable ministre des finances en conviendra ; mais je prévois sa réponse. Rétablissez aujourd’hui, dira-t-il, l'égalité proportionnelle de parcella à parcelle, et demain elle n'existera plus.

Je ne puis approuver cette réponse, car personne ne soutiendra sérieusement que nous marchons encore vers une époque de transformation, comme celle que nous venons de traverser.

Nous avons peut-être en perspective, au contraire, un temps d'arrêt. Le char du progrès et les voies de la prospérité pourraient bien se trouver enrayés, et c'est encore un motif qui commande la modération dans la fixation d'un nouveau revenu.

Cependant les commissions des provinces dont le contingent doit être augmenté, n'ont pas constaté cette modération dans le travail de révision qui leur a été soumis.

Tout en reconnaissant qu'en général les agents du gouvernement avaient apporté dans ce travail assez de soin et d'impartialité, elles ont trouvé qu'un grand nombre n'avaient pas été heureux dans la formation des types et dans le choix des points de comparaison, elles ont constaté, de plus, que presque tous avaient pris, comme point de départ, des données trop élevées. C'est pour cela qu'elles ont été presque unanimes pour proposer de réduire de 10 à 25 p. c., les résultats de la ventilation des baux.

L'exposé des motifs cherche à établir que cette proposition n'est pas susceptible d'être accueillie, et voici comment se termine le paragraphe relatif à cette proposition :

« Au surplus, les mêmes règles et les mêmes principes ont été suivis par tous les agents du cadastre ; ils ont obtenu des résultats analogues par les mêmes procédés ; sous peine donc de rompre l'harmonie qui existe dans leur travail, il ne serait pas possible d’opérer une (page 961) réduction dans une province, sans l'étendre à toutes les autres, et alors la mesure serait sans aucun effet sur l'application des résultats à la nouvelle répartition de la contribution foncière. »

A l'aide de cet argument, si l'augmentation de la révision donnait une quotité de 100 p. c. au lieu de 70 p. c., on la justifierait encore. Eh bien, messieurs, cela est très grave. Il ne s'agit pas seulement de la répartition de l'impôt foncier, il s'agit de constater le véritable revenu de la propriété.

Si demain l'impôt foncier devenait un impôt de quotité au lieu de rester un impôt de répartition, qu'arriverait-il ? A part cette éventualité, d'autres considérations exigent que l'on n'exagère pas la valeur de la propriété foncière : les gouvernements passent et leurs actes restent. Qui sait si un jour une législature ayant moins de respect pour la propriété ne viendra pas dire : Il est injuste, il est inique de ne faire payer à la propriété que l'impôt de 18,000,000 qu'elle payait déjà au commencement de ce siècle. La dépréciation monétaire d'une part et l'augmentation prodigieuse de son revenu d'autre part, justifieraient pleinement cette prétention ; et à l'heure qu'il est, la question n'a-t-elle pas déjà été soulevée et débattue dans certaines assemblées ?

Jusqu'ici les défenseurs de la propriété ont des arguments pour combattre une pareille prétention : l'impôt sur les successions, sur les mutations, la majoration des centimes additionnels perçus au profit des provinces et des communes, tout cela peut être invoqué comme moyens de défense ; mais pourra-t-on éterniser ces arguments ? Il faut donc assigner aux propriétés bâties et non bâties une valeur et un revenu modérés et pour y arriver je regrette que l'honorable ministre des finances ait repoussé les propositions de presque toutes les commissions provinciales.

Dans le projet qui nous est soumis, messieurs, le système de compensation joue un grand rôle. L'article 3 de la loi du 10 octobre 1860 l'étend pour ainsi dire à tout le travail de révision.

La commission de la province d'Anvers, dont je partage complètement l'avis, a émis le vœu que les résultats de la ventilation des baux soient appliqués par commune, au lieu de l'être par canton. Malheureusement cet article 3 subordonne cette application à la condition qu'un nombre de baux suffisant, pour établir le revenu moyen des propriétés foncières, aura été ventilé dans la localité. Or, cette circonstance ne se produit que pour six communes du Brabant et pour sept communes de la province de Liège. Toutes les autres communes du pays doivent donc subir l'inexorable conséquence de cet article 3.

Mais, messieurs, combien de terres dans certaines communes se sont louées à des sommes très élevées parce que ces communes sont plus avantageusement placées, parce que l'industrie y a pris naissance, parce que la fabrication du sucre de betteraves, l'exploitation de minerai, l'extension de carrières ont influé immensément sur l'augmentation des fermages. A côté de ces communes, il s'en trouve un grand nombre condamnées à l'isolement et qui, à cause de cet isolement et de la nature de leur sol, n'atteindront jamais le degré de prospérité de leurs sœurs qui tiendront toujours la corde pour une nouvelle course dans la voie d'une nouvelle prospérité. Est-il équitable, dès lors, d'appliquer à ces communes ce qu'on appelle la moyenne cantonale, ou le système de compensation ? Peut-on les rendre responsables d'une situation à laquelle elles sont tout à fait étrangères ? Je réponds que non.

Ce phénomène se produit dans un grand nombre de cantons du pays ; et pour toutes les communes de ces cantons, l'augmentation varie le plus souvent entre 30 et 130 p. c, de sorte que la commune qui n'a qu'une augmentation de revenu de 30 p. c. est quelquefois augmentée de plus de 100 p. c.

J'ai constaté, messieurs, avec satisfaction, qu'en général là où les agents du gouvernement avaient trouvé des éléments, l'expertise parcellaire des propriétés bâties avait été faite avec soin, avec impartialité, mais les propriétés bâties dont la valeur ne figure nulle part ont été estimées arbitrairement. Ainsi dans le Hainaut, la plupart des maisons de ferme sont portées à un revenu trop élevé. La commission provinciale a été unanime pour le constater, et elle savait parfaitement, avant de faire une proposition tendant à réduire l'évaluation attribuée à ces maisons, que les agents du gouvernement n'avaient eu aucun égard, pour déterminer leur revenu, aux bâtiments ruraux, par le motif qu'ils sont exempts de l'impôt foncier en vertu de l'article 83 de la loi du 3 frimaire an VII.

L'exposé des motifs indique que le revenu des maisons de ferme a été fixé d'après les mêmes bases que celles admises pour les autres catégories de propriétés bâties.

Il n'est pas, messieurs, de maisons de ferme louées isolément, il n'en est pas non plus qui se vendent sans les terres qui les entourent.

La valeur vénale de ces habitations dépend exclusivement des terres qui les environnent et je suis sûr que si l'on exposait en vente ou en location un corps de ferme sans terres, il ne trouverait pas d'amateurs. Les bâtiments qui le composent n'ont pour ainsi dire qu'une valeur de convenance.

Ce n'est certes pas une raison pour ne pas les imposer, mais comment démontrer que sans les bâtiments ruraux et en ne portant leur revenu qu'aux trois quarts du loyer présumé ou probable, on puisse atteindre le chiffre de 200 à 600 francs, qui leur a été généralement assigné par les agents du fisc ?

Il y a encore une autre catégorie de propriétés évaluée à un chiffre trop élevé. Ce sont les moulins à eau et à vent. La commission provinciale du Hainaut a demandé une réduction pour ces moulins, précisément pour des raisons toutes différentes de celles par lesquelles l'exposé des motifs justifie leur revenu. Ce revenu n'est prouvé que par un très petit nombre de baux réguliers, puisque les neuf dixièmes sont exploités par leur propriétaire. On n'a pas pris non plus en considération les influences qui pouvaient avoir augmenté momentanément le prix de location.

Au surplus, est-il juste de venir décider en 1867 que les moulins payeront un impôt basé sur le revenu qu'ils pouvaient donner dans la période de 1849 à 1858 ? Tout le monde sait que depuis 10 ans ils ont diminué considérablement de valeur, et j'en trouve une nouvelle preuve dans le rapport fait au nom de la commission permanente de l'industrie, par l'honorable M. Jacquemyns.

Comme ce que l'honorable député de Gand dit du meunier peut s'appliquer au moulin, je me permettrai de donner lecture à la Chambre de quelques lignes de ce rapport :

« Votre commission de l'industrie estime qu'il y a lieu de réduire sinon d'abolir les diverses patentes des exploitants de moulins.

« Depuis que la loi du 21 mai 1849 a classé les diverses industries d'après le bénéfice qu'elles étaient censées produire, la construction et l'exploitation des moulins à vapeur ont été progressivement perfectionnées au point que les exploitants de moulins à vent ne soutiennent la concurrence que par des efforts de tous genres, et le nombre des moulins à vent diminue chaque année de ceux qui sont démolis pour cause de vétusté, ou détruits par les ouragans ou l'incendie. Il y a loin de l'état actuel de l'industrie des moulins à vent à son état en 1849, alors qu'elle était considérée comme plus avantageuse que l'exploitation des moulins à vapeur, ainsi que le montre le tableau n°4 de la loi du 21 mai. »

Ces considérations auraient dû faire partie des instructions qui ont été données aux agents du gouvernement.

En résumé, messieurs, l'expertise parcellaire des propriétés bâties présente des défectuosités parce que le travail de révision a été confié à un personnel trop nombreux, dans lequel figurait un certain nombre d'arpenteurs qui avaient peu de dispositions pour le travail dont ils étaient chargés.

C'est le cas de dire avec Beaumarchais : « Il fallait un mathématicien, ce fut un danseur qui obtint la place. »

Dans certaines localités l'estimation des propriétés bâties a été basée sur le mètre cube. On n'a tenu aucun compte des conditions qui peuvent augmenter ou diminuer la valeur de ces propriétés ni de l'influence qu'une forte augmentation de leur valeur cadastrale pouvait exercer sur la contribution personnelle perçue, sur la valeur locative.

C'est ce qui n'est pas arrivé, où le travail de révision a été fait par des agents capables qui ont tenu compte de l'avis des indicateurs ou des autorités locales, mieux placées pour en faire l'estimation en parfaite connaissance de cause.

Si, après cela, on avait consulté un peu moins les baux enregistrés qui sont le plus souvent accordés à des locataires d'une solvabilité douteuse et auxquels on impose, pour cette raison, plus d'exigences, en même temps qu'on obtient d'eux un loyer plus élevé, le nombre des réclamations eût été très restreint et je doute qu'alors on eût pu établir des différences qui varient, pour toutes les localités du Hainaut, de 17 à 254 1/2 p. c.

J'approuve donc certaines parties du travail de révision et j'en désapprouve d'autres parties,

J'attendrai les explications de l'honorable ministre pour émettre un vote sur le projet qui nous est soumis. Toutefois, je déclare que mon vote sera hostile à ce projet si l’application des résultats de la révision des (page 962) évaluations cadastrales par canton ou par commune doit ajourner indéfiniment la révision parcellaire des propriétés non bâties.

M. Lelièvreµ. - Je déduirai quelques considérations qui ne me permettent pas d'émettre un avis favorable au projet de loi.

Ce projet me paraît blesser profondément les intérêts de la province de Namur que je représente plus particulièrement dans cette enceinte.

Il existe à cet égard des motifs décisifs ; il est certain que la province de Namur, au point de vue de l'industrie et des constructions nouvelles, n'a pas suivi le progrès qui s'est produit dans d'autres provinces. Comment est-il donc possible que, tandis que celles-ci obtiennent une diminution dans la répartition sanctionnée par le projet, le contingent de notre province soit augmenté de 149,392 fr. ?

Ce résultat accuse une erreur évidente, à notre préjudice.

D'un autre côté, le gouvernement a eu tort de ne pas avoir égard aux observations de la commission provinciale de Namur.

Cette commission, qui a examiné la question sous toutes ses faces, était certainement en mesure de mieux connaître le véritable état des choses que les agents du cadastre, en général peu au courant des questions locales et n'ayant pas les connaissances spéciales nécessaires pour statuer avec justice et équité.

Les agents du cadastre ont, du reste, reconnu eux-mêmes qu'ils avaient fait erreur.

En cette occurrence, il était préférable de se référer purement et simplement à l'avis de la commission provinciale et aux réductions qu'elle proposait.

Il n'existait aucun motif sérieux de s'écarter de cet avis émané d'hommes spéciaux, intègres et instruits qui avaient en cette matière des connaissances présentant toutes les garanties désirables.

On ne peut, du reste, expliquer le travail des agents du cadastre, que parce que, contrairement aux promesses de la loi sur la révision, on aurait compris dans la ventilation concernant notre province un grand nombre de terrains défrichés depuis 1845, terrains qui, avant cette époque, ne figuraient dans l'imposition que pour une valeur insignifiante.

Or, la loi qui avait décrété le principe de la révision avait déclaré qu'il n'y avait pas lieu à s'arrêter à des baux concernant les terrains dont il s'agit ; d'un autre côté, l'erreur commise au préjudice de la province de Namur résulte de ce que l'on a ventilé les baux non par commune, mais par canton.

C'est surtout dans notre province que l'application par canton des résultait de la ventilation conduit à des anomalies qu'il est impossible d'admettre.

La valeur des propriétés varie dans chaque commune. Procéder par ventilation cantonale, c'est s'exposer à de fréquentes erreurs.

Pour procéder avec justice, il fallait recourir à une expertise parcellaire des propriétés non bâties.

La commission provinciale a proposé de réduire de 25 p. c. lés évaluations des propriétés bâties dans les communes rurales.

Cette proposition est fondée sur les plus justes motifs. En effet, la vérité est que les évaluations des agents du cadastre ne sont pas en harmonie avec le prix des loyers dans les communes. Il est presque impossible, dans ces localités, de tirer parti des propriétés bâties de certaine valeur qui ne peuvent être reprises en location que par un nombre excessivement restreint de personnes, de sorte que le prix des locations est, d'une vileté incontestable, et nullement en rapport avec les évaluations nouvelles.

Cette observation ne peut être sérieusement contestée et le projet, qui est établi sur d'autres bases, viole évidemment les principes de justice. Il est connu que chez nous les maisons les plus spacieuses sont peu ou point recherchées, à défaut de personnes à qui elles peuvent convenir, ce qui réduit à des valeurs insignifiantes le prix locatif des habitations de l'espèce.

Du reste, à l'égard des prairies riveraines de la Sambre, il y a encore eu de graves erreurs commises par les agents du cadastre. Il est certain, en effet, que ces propriétés sont loin d'avoir progressé depuis 1826.

C'est ce qu'attestent tous ceux qui sont à même d'apprécier l'état réel des choses, et c'est ce qu'ont perdu de vue les agents du gouvernement.

Ces considérations justifient le vote que j'émettrai et qui sera défavorable au projet.

Ordre des travaux de la chambre

MpVµ. - La Chambre a décidé hier qu'il y aurait aujourd'hui une séance du soir ; je propose de fixer cette séance à huit heures.

M. Dumortierµ. - Messieurs, le projet vient d'être distribué et quand il s'agit de comminer un emprisonnement pour les contraventions les plus insignifiantes, il ne faut pas agir avec précipitation.

MpVµ.- Voici la résolution de la Chambre telle qu'elle est actée au procès-verbal :

« Sur la motion de M. le ministre de la justice, la Chambre décide qu'elle tiendra demain une séance du soir pour continuer la discussion du code pénal. »

MjBµ. - L'honorable M. Dumortier se trompe lorsqu'il suppose que le projet de loi vient d'être distribué ; le projet de loi a été voté par la Chambre, renvoyé au Sénat ; le Sénat l'a amendé ; il a été ensuite examiné par une commission spéciale de la Chambre et cette commission a publié son rapport qui est depuis longtemps entre les mains de tous les membres. Mais voici le travail qui vient d'être distribué : on a fait une objection, c'est que le projet est trop sévère, qu'il y a trop de pénalités ; or tout le travail dont la distribution a été fait tout à l'heure consiste à faire passer d'un article dans un autre des 1° et des 2°, pour diminuer les pénalités. Eh bien, j'aurais pu le faire en séance mais j'ai fait imprimer la proposition pour faciliter le débat, et pour faciliter la besogne de M. le président j'ai fait mettre les articles en face les uns des autres.

M. Dumortierµ. - M. le ministre vient proposer la suppression de deux cas de récidive, mais il n'en est pas moins vrai qu'il propose des transferts d'un article à un autre. II ne faut pas jouer sur les mots ; j'ai dit que le projet venait d'être distribué ; eh bien, voici ce que porte la pièce qu'on nous a remise tout à l'heure :

« Révision du code pénal : Amendements proposés par M. le ministre de la justice. »

C'est sur ces amendements que nous aurons à voter.

Remarquez, messieurs, qu'il ne s'agit pas ici d'une loi insignifiante. Vous avez adouci toutes les peines qui frappaient les coquins et maintenant vous voulez remplir les prisons d'honnêtes gens. Comment ! parce que votre servante aura deux fois négligé de balayer votre porte, vous serez condamné à deux jours de prison ! (Interruption.)

MpVµ. - M. Dumortier, vous discutez en ce moment le projet de loi. Vous pourrez dire cela ce soir.

M. Dumortierµ. - Est-ce que je n'ai plus le droit de dire les motifs pour lesquels on ne peut faire cela avec précipitation ? Je dis que cela mérite un examen sérieux. C'est nous mettre le couteau sur la gorge et nous faire voter sans examen.

MjBµ. - Messieurs, je n'ai qu'un mot à dire, c'est que le Sénat se réunit lundi en vue de discuter le code pénal. Il n'y a rien à son ordre du jour. Faut-il maintenant attendre, interrompre la discussion de la péréquation cadastrale pour discuter demain le code pénal ? Car si la Chambre ne veut pas s'occuper ce soir du code pénal, il faudra bien qu'elle le discute demain ou après-demain.

MpVµ. - Il y a décision de la Chambre. Il y aura ce soir séance à 8 heures.

M. Carlierµ (pour une motion d’ordre). - Je voudrais demander à la Chambre s'il entre dans ses convenances d'avoir dès demain les prompts rapports de pétitions.

- De toutes parts. - Non ! Non !

- La séance est levée à 4 3/4 heures.

(page 963) La séance est reprise à 8 1/4 heures.

Projet de loi révisant le code pénal

Discussion des articles (Livre II (Des infractions et de leurs répressions en particulier), titre X (Des contraventions)

Chapitre premier. Des contraventions de première classe

Article 551

« Art. 551. Seront punis d'une amende d'un franc à dix francs :

« 1° Ceux qui auront négligé d'entretenir, de réparer ou de nettoyer les fours, cheminées ou usines où l'on fait usage de feu ;

« 2° Ceux qui, obligés à l'éclairage, l'auront négligé ;

« 3° Ceux qui auront négligé de nettoyer les rues ou passages dans les communes où ce soin est mis à la charge des habitants ;

« 4° Ceux qui, sans nécessité ou sans permission de l'autorité compétente, auront embarrassé les rues, les places et toutes autres parties de la voie publique, soit en y laissant des matériaux, des échafaudages ou d'autres objets quelconques, soit en y creusant des excavations ;

« 5° Ceux qui, en contravention aux lois et règlements, auront négligé d'éclairer les matériaux, les échafaudages ou les autres objets quelconques qu'ils ont déposés ou laissés dans les rues, places ou autres parties de la voie publique, ou les excavations qu'ils y ont creusées ;

« 6° Ceux qui auront négligé ou refusé d'exécuter les lois, arrêtes ou règlements concernant la petite voirie ;

« 7° Ceux qui auront négligé ou refusé d'obéir à la sommation faite par l'autorité administrative de réparer ou démolir des édifices menaçant ruine. »

Le 4° est remplacé par une disposition du gouvernement ainsi conçue :

« 4° Ceux qui, sans nécessité ou sans permission de l'autorité compétente, auront embarrassé les rues, les places ou toutes autres parties de la voie publique, soit en y laissant des matériaux, des échafaudages ou d'autres objets quelconques, soit en y creusant des excavations. »

M. Lelièvreµ. - Messieurs, je crois devoir proposer quelques observations sur le titre X du code pénal, actuellement en discussion.

MjBµ. - Je demande si l'honorable membre discute sur tout le titre X ou sur l'article en discussion. Il est impossible de faire des observations qui portent sur tous les autres.

M. Lelièvreµ. - C'est le système général du titre X que j'entends examiner.

J'estime d'abord qu'il est exorbitant d'élever en certains cas les pénalités prononcées contre des contraventions, jusqu'à douze jours d'emprisonnement. Quelquefois même la pénalité est portée à quinze jours. Non seulement semblables prescriptions sont trop sévères, mais il y a des inconvénients sérieux à en déférer l'application à un juge seul, qui dans les affaires civiles remplit une mission de conciliation. Pareil système peut donner lieu à de graves inconvénients. D'un autre côté, lors de l'élaboration du code pénal en 1859, l'on était convenu d'insérer comme disposition finale un article énonçant les diverses lois qui étaient abrogées par le nouveau code. Il est facile d'apprécier la haute utilité de semblables prescriptions ayant pour objet de déterminer clairement les dispositions actuellement en vigueur, qui désormais ne pourraient plus être appliquées. Je regrette que l'on ait perdu de vue ce point important, puisque la lacune que laisse, sous ce rapport, le projet en discussion, fera naître des difficultés qu'on aurait pu prévenir.

Je pense aussi qu'il eût été convenable d'énoncer dans un article particulier les lois spéciales auxquelles on aurait pu rendre applicables le sprincipes du nouveau code, concernant les circonstances atténuantes.

L'absence de cette disposition laissera subsister une anomalie regrettable entre le code pénal en discussion et un grand nombre de lois spéciales.

Je suis du reste d'avis que dans le titre en discussion la commission a introduit des changements peu heureux.

C'est ainsi que le passage, soit des hommes, soit des animaux sur un terrain préparé ou ensemencé, le grain n'étant pas encore levé, n'est puni d'aucune peine. Cependant il y a là un fait dommageable et certainement contraire à l'ordre public. Le gouvernement, de son côté, a omis de frapper d'une peine le passage avec voiture sur semblable terrain. Sous ce rapport il y a une lacune à combler. Le maraudage avec des sacs, des paniers et autres objets équivalents n'est considéré que comme une simple contravention. Ce système contraire à la loi de 1791 n'est pas en harmonie avec la réalité des choses. On comprend qu'un enlèvement de récoltes à dos d'hommes n'ait pas une gravité spéciale, mais lorsqu'on emploie des sacs, des paniers et d'autres objets équivalents, l'enlèvement porte sur des quantités plus considérables et le moyen employé est de nature à imprimer au fait un caractère de gravité qui doit nécessairement élever l'acte posé au rang des délits, eu égard d'ailleurs à l'alarme plus notable qu'il jette dans la société.

Je dois aussi ajouter que je considère comme trop sévères les pénalités prononcées contre les injures simples et qu'on a aggravé sain motif fondé les dispositions de la législature en vigueur sur ce point.

Il en est de même des menaces verbales sans ordre ni condition, d'un attentat qui n'emporte qu'un emprisonnement correctionnel.

De semblables menaces n'ont aucune portée et n'exercent pas d'influence sur l'esprit de celui contre lequel elles sont dirigées. Je pense qu'il eût été plus sage de ne pas réprimer des faits de cette nature que le législateur de 1810 n'avait pas jugé convenable de punir.

Je constate donc à regret que le chapitre relatif aux contraventions renchérit notablement sur la sévérité du code pénal en vigueur et je ne puis donner mon assentiment au projet tel qu'il est soumis à nos délibérations.

Des faits que le code pénal actuel frappe de peines légères seront punis de pénalités beaucoup plus élevées et pourront même être réprimés par la peine d'emprisonnement ; du reste un grand nombre de contraventions nouvelles sont créées.

On exagère ainsi le système pénal à l'égard de faits sans gravité et ces considérations suffiraient à mes yeux pour rejeter le nouveau code soumis à la sanction de la Chambre.

M. Pirmezµ. - L'honorable M. Lelièvre regrette qu'on n'ait pas inséré à la fin du code une disposition pour indiquer quelles sont les lois qui sont abrogées par le nouveau code pénal, et une autre disposition pour déterminer à quelles lois s'appliquent les dispositions générales du code en matière de circonstances atténuantes. Si on n'a pas inscrit de dispositions semblables, c'est par la raison très simple que cela a été fait au commencement du code.

Il suffit de voir les articles 5 et 6 pour se convaincre qu'on a fait droit à la demande de l'honorable M. Lelièvre.

M. Dumortierµ. - Messieurs, je n'aurais pas d'objections sérieuses à présenter à cet article, parce qu'il ne commine que des peines d'amende, si cet article n'était pas subordonné, en cas de récidive, à l'article 554 du code.

Or, que porte l'article 554 qui vous est soumis.

Je ne lirai point l'article tout entier, mais la proposition du gouvernement :

« En cas de récidive, l'emprisonnement d'un jour à trois jours pourra être prononcé, indépendamment de l'amende, pour les contraventions prévues par les articles 551 et 552. »

Ainsi la récidive pour l'article dont il s'agit, sera punie ou pourra être punie d'un emprisonnement d'un à trois jours.

Maintenant que porte cet article 551 ?

Peine d'amende pour la première fois, et d'emprisonnement pour la récidive :

2° Ceux qui, obligés à l'éclairage, l'auront négligé ;

3° Ceux qui auront négligé de nettoyer les rues ou passages dans les communes où ce soin est mis à la charge des habitants.

Eh bien, messieurs, je vous demande si c'est là une loi de notre époque. Comment ! vous avez réduit les peines pour tous les grands délits, pour tous les grands crimes, et si votre servante oublie deux fois (page 964) de suite de nettoyer le rang de votre maison, vous serez condamné d'un à trois jours de prison. Vous venez nous parler d'humanité, vous voulez arriver à l'adoucissement des peines et vous nous présentez une disposition pareille à celle que je combats ! (Interruption.) Je le répète, messieurs, est-il de notre époque de condamner à la prison pour un fait qui non seulement peut se passer tous les jours, mais qui se passe tous les jours ? Comment la simple négligence d'éclairer, de balayer le rang de sa maison, si elle est répétée, fera condamner le propriétaire de la maison à trois jours de prison ! C'est trop fort ! et j'appelle la plus sérieuse attention de l'assemblée sur la portée de ces articles.

M. Van Overloopµ. - Il faudrait les balayer.

M. Dumortierµ. - Oui, il faudrait pour bien faire, les balayer. Je ne suis pas avocat, je n'ai pas l'habitude du code pénal, je n'en connais pas la portée, mais un journal a appelé notre attention sur ces faits et quand j'ai vu dans ce journal que la peine de l'emprisonnement était comminée pour des faits si minimes, j'avoue franchement que d'abord je n'en ai pas cru mes yeux ; aussi, j'étais fort désireux de vérifier sur le texte si la chose était vraie ; eh bien elle l'est : quiconque aura négligé d'éclairer, de balayer le devant de sa maison pourra être condamné à un emprisonnement d'un à trois jours. N'est-ce pas déclarer que tous les citoyens belges, tous les membres de cette Chambre pourront, sur le caprice d'un juge de paix, sur la dénonciation d'un commissaire de police, être condamnés à trois jours de prison ? Je dis que ce système n'est pas de notre époque et je le signale à la sérieuse attention de l'assemblée, convaincu qu'il suffit de le lui signaler pour qu'elle le repousse.

MjBµ. - L'honorable M. Lelièvre a commencé par dire à l'assemblée que le titre X relatif aux contraventions aggravait singulièrement les peines prononcées contre ces faits contraires à la loi. Il n'en est absolument rien, je le démontrerai tout à l'heure. M. Dumortier va plus loin et considère comme l'abomination des abominations, la disposition qui commine l'emprisonnement en cas de récidive, contre toute personne qui aurait négligé de faire balayer la rue.

Eh bien, messieurs, cette disposition que l'honorable M. Dumortier critique si fort se trouve dans le code pénal ancien...

M. Dumortierµ. - Qu'est-ce que cela fait ? Est-ce que vous n'avez pas révisé ce code pour l'améliorer ?

MjBµ. - Voici la vérité : Le titre X relatif aux contraventions, tel qu'il est amendé par le gouvernement, ne change absolument rien à l'économie du code pénal actuel, les peines sont les mêmes, sauf que l'amende est un peu augmentée...

- Une voix à droite. - Pourquoi ?

MjBµ. - Il est parfaitement logique d'augmenter l'amende de 5 à 10 fr. ou de 10 à 15 fr. ; je prie la Chambre de ne pas perdre de vue que lorsque le code pénal a été rédigé le taux de l'argent n'était pas le même qu'aujourd'hui.

L'amende a donc pu être augmentée ; mais je dois le faire remarquer, aucun des faits qui n'étaient pas punis de la prison dans l'ancien code pénal, ne l'est dans le code nouveau.

M. Dumortier d'après un journal a dit : C'est une innovation ; le gouvernement punit de la peine d'emprisonnement toute personne qui deux fois aura négligé de faire balayer le devant de sa porte ; eh bien, messieurs, cette peine existe dans l'ancien code sans avoir jamais donné lieu à aucune espèce d'abus : et loin que le code nouveau aggrave les peines, il faudra d'après le code, pour être condamné à la prison, se trouver en état de récidive, avoir été condamné précédemment pour le même fait et par le même tribunal.

- Une voix à gauche. - Et dans l'année.

MjBµ. - Oui, dans l'année (Interruption.) D'après l'ancien code, on était en état de récidive, lorsqu'on avait été puni dans les douze mois pour une contravention quelconque.

M. Dumortier veut que l'on supprime la peine de la prison, même en cas de récidive pour les contraventions aux règlements sur le balayage des rues ; cela n'est pas possible. Les juges de paix ne prononceront pas l'emprisonnement contre toute personne qui aura négligé de faire nettoyer la rue, mais il importe qu'il soit armé contre ceux qui se montreraient opiniâtres à ne pas observer les règlements. On réclame constamment en faveur de la propreté, de l'observance des lois de l'hygiène, mais que voulez-vous que fasse l'autorité, lorsqu'elle se trouve en présence de gens qui se mettent constamment en rébellion contre les règlements ? Il faut bien se résoudre à les frapper de la prison.

D'ailleurs, la pratique a démontré que l'article 471 du code pénal ancien qui punit de la peine de l'emprisonnement en cas de récidive ceux qui négligent de nettoyer les rues dans les communes où ce soin est laissé à la charge des habitants, la pratique, dis-je, a démontré que cet article n'a pas donné lieu à des abus. Je ne sais dès lors pourquoi nous le réformerions.

M. Dumortierµ. - M. le ministre de la justice me représente comme voulant m'opposer à ce qu'on frappe d'une amende quelconque ceux qui négligent les obligations de nettoyage ; il n'en est rien. Je me suis plaint de ce que faisant un code mitigé en toutes choses, vous l'aggraviez en ce qui concerne des faits qui ne sont pas des délits. Je conçois qu'on ouvre les portes de la prison aux personnes qui ont posé des actes portant préjudice à autrui, mais pour des faits qui peuvent se passer et qui se passent tous les jours, je ne puis laisser à l'arbitraire du juge la faculté de mettre un citoyen en prison.

Vous objectez que la police doit être armée ; oui, mais pas jusqu'à la prison ; armez-la de l'amende, de l'amende double où triple si vous le voulez, cela suffit.

C'est la peine d'emprisonnement que je critique et je la critique avec d'autant plus de fondement que partout ailleurs, vous avez réduit l'emprisonnement.

Mais, messieurs, cela est-il possible ? Cela est-il en harmonie avec l'ensemble des dispositions du nouveau code ? Encore une fois, en cas de récidive, doublez, triplez, quadruplez l'amende, mais n'ouvrez pas les portes de la prison pour des faits qui ne sont ni criminels, ni délictueux et ne causent de préjudice à personne.

M. Van Overloopµ. - Messieurs, ou le projet de code actuel tend à améliorer la législation ou il n'a pas ce but. S'il n'a pas pour but d'améliorer la législation actuelle, il est inutile de le discuter ; s'il a pour but de l'améliorer, il faut admettre toutes les observations que l'on fait en vue de la réalisation de ce but.

J'avoue franchement que je n'avais pas fait attention à l'article, et je dois dire que les observations de l'honorable M. Dumortier m'ont vivement frappé. Je vois effectivement à l'article 551 n°5°, qu'on punira d'une amende d'un franc à dix francs ceux qui auront négligé de nettoyer les rues ou passages, dans les communes où ce soin est mis à la charge des habitants.

Je lis ensuite à l'article 55 qu'en cas de récidive, l'emprisonnement d'un jour à trois jours pourra être prononcé indépendamment de l'amende, pour les contraventions prévues par l'article 551.

Et l'article 565 décide qu'il y a récidive dans le cas prévu par l'article 551 entre autres, lorsque le contrevenant a déjà été condamné dans les douze mois précédents pour la même contravention et par le même tribunal.

Il est bien certain que ce doit être le même tribunal puisque la maison ne change pas de situation. (Interruption.) Permettez, M. le ministre, je vais vous citer un fait.

Je me propose de faire un voyage, ou je vais passer l'été à la campagne. Le domestique ou le gardien que j'ai laissé chez moi commet la contravention prévue à l'article 551 ; ce n'est pas lui qui est poursuivi et condamné ; c'est moi. Mon voyage ou mon absence se prolonge ; dans l'intervalle, mon domestique ou mon gardien commet la même contravention, et moi, absent, je suis poursuivi une seconde, une troisième fois même pour le même fait. Le juge se dit naturellement qu'il a affaire à un récalcitrant et n'hésite pas à prononcer la peine de l'emprisonnement.

Je rentre chez moi et qui rencontrerai-je dès mon arrivée ? Un agent de police qui me dira : Monsieur, veuillez me suivre aux Petits-Carmes pour y subir l'emprisonnement auquel vous avez été condamné.

Cela n'est évidemment pas admissible. Peut-on admettre une peine pareille pour le fait d'avoir négligé de faire balayer son trottoir, fait qui ne constitue pas un délit dans la véritable acception du mot ?

Maintenant, je comprends qu'au point de vue de l'hygiène, de la salubrité publique, on commine la peine de l'amende dans les cas où cela est nécessaire ; mais condamner à la prison un citoyen parce que sa servante aura négligé de nettoyer le trottoir, en vérité cela est trop fort au XIXème siècle.

Mon honorable ami et moi qui siégeons de ce côté de la Chambre, nous ne passons pas pour des hommes de progrès ; ou nous donne, au contraire, l'épithète de rétrograde.

Je dois croire, cependant, que nous sommes beaucoup plus progressistes que les membres de la gauche qui veulent maintenir une pareille pénalité.

(page 965) M. Bouvierµ. - Vous n'avez pas le droit d'incriminer les intentions des membres de la gauche.

M. Van Overloopµ. - Je dis que l’honorable M. Bouvier siège sur ides bancs qui ont la réputation d'être progressistes par excellence, tandis que nous, au contraire, nous sommes appelés rétrogrades. (Interruption.)

Est-ce que M. Bouvier préfère l'épithète de rétrograde ? (Interruption.)

Quoi qu'il en soit, je déclare que je ne puis pas admettre une disposition qui permet de condamner à trois jours de prison le maître d'une servante ou d'un domestique qui aura, deux fois en un an, négligé de nettoyer son trottoir.

Voulez-vous maintenir cette disposition ? Nous ne sommes pas en assez grand nombre pour faire prévaloir notre opinion. Aussi devons-nous nous borner à protester, et c'est ce que nous faisons.

MjBµ. - Il importe de faire la petite histoire de la campagne qu'on organise en ce moment contre un article très inoffensif, mais en même temps, excessivement nécessaire à la salubrité publique et à la bonne administration des villes.

Un journal s'est trompé et a appris à plusieurs membres de la droite, y compris l'honorable M. Dumortier, que le code pénal nouveau avait aggravé la situation actuelle, en ce qui concerne les contraventions relatives au balayage des rues. Ce journal s'est complètement trompé.

- Voix à droite. - Qu'est ce que cela fait ?

MjBµ. - L'honorable M. Dumortier l'a cité, il a dit que c'est un journal qui lui a appris l'énormité dont il est venu entretenir la Chambre.

M. Dumortierµ. - Et vous avez appris par ce même journal que vous deviez modifier deux autres articles.

MjBµ. - En aucune manière, mais eu supposant que ce journal m'ait signalé une erreur, je n'aurai fait que mon devoir en la rectifiant. D'un autre côté, cela vous prouve aussi que ce journal ayant commis une erreur, vous ne devriez pas continuer à la soutenir après qu'on vous l'a indiquée. Or, il a commis une erreur lorsqu'il a prétendu que le code actuel aggravait la situation en ce qui concerne les règlements relatifs au balayage.

Maintenant, que vous dit-on ? L'emprisonnement est une peine trop forte, même en cas de récidive. Mais, messieurs, la jurisprudence constante des juges de paix est là qui doit vous donner toute garantie contre la crainte de voir appliquer cette disposition avec rigueur.

L'honorable M. Dumortier vient demander une exception pour le défaut de balayage d'un trottoir, mais il ne demande pas d'exception pour d'autres faits qui concernent plus particulièrement la campagne et qui sont beaucoup plus importants. Ainsi, l'emprisonnement pourra être prononcé contre les campagnards qui auront négligé d'écheniller leurs arbres dans les champs ou dans les jardins. Toute la sollicitude de l'honorable M. Dumortier s'exerce uniquement à l'égard des personnes qui négligent de faire balayer leur trottoir et qui ont nui aux règles de l'hygiène et compromis la santé publique. Elle ne s'exerce pas à l'égard de ceux qui par hasard auraient jeté sur la voie publique des choses insalubres ; ceux là pourront aussi, en cas de récidive, être condamnés à l'emprisonnement.

Or, si le système de l'honorable membre devait prévaloir, vous ne pourriez plus prononcer la peine de l'emprisonnement pour aucun de ces faits. Et cependant, messieurs, qui par ces sortes de contraventions sont-elles généralement commises ? Mais par des gens appartenant à la classe indigente. Or, peut-on abandonner un grave intérêt public, car on oublie trop qu'il s'agit ici d'un intérêt public très sérieux, peut-on, dis-je, abandonner cet intérêt et le laisser sans protection ?

Vous avez fait des lois en matière d'hygiène ; pour éviter les épidémies vous avez comminé des peines sévères contre ceux qui commettent des infractions à ces lois ; voulez-vous permettre que des gens opiniâtres puissent impunément méconnaître les règlements de police, édictés en vue précisément de protéger la santé publique, alors qu'en été surtout, les infractions à ces règlements peuvent amener les plus fâcheuses conséquences ?

M. Delaetµ. - Est-ce que la loi ne sera pas applicable en hiver ?

MjBµ. - Elle sera applicable en tout temps ; nous ne faisons aucune distinction entre l'hiver et l'été. Si l'honorable membre tient à en faire une, je lui en laisserai volontiers le mérite. (Interruption.)

Encore une fois, messieurs, on peut se fier à la sagesse des juges de paix, et la pratique constante de ces magistrats est une garantie sérieuse que les abus dont on parle ne se présenteront pas.

Il n'y a pas eu de réclamation. Sous l'ancien code, on n'a jamais abuser de cet article. Si vous ne permettez pas d'appliquer l'emprisonnement à ceux qui, par leur négligence habituelle, compromettent la salubrité publique, vous n'aurez rien fait. Je convie vivement la Chambre à voter cette disposition. Il est excessivement important que le juge de paix soit armé contre les personnes qui se complaisent dans des habitudes contraires à l'hygiène ; il faut que l'autorité soit armée pour pouvoir faire observer les mesures commandées par la salubrité publique.

L'honorable M. Dumortier, je le répète, a été induit en erreur par un article qui lui a fait croire que la législation ancienne avait été aggravée.

La situation est améliorée ; la peine de l'emprisonnement, même en cas de récidive, n'est que facultative, tandis qu'elle est obligatoire d'après l'article 474 du code de 1810.

M. Dumortierµ. - Messieurs, il importe assez peu si le journal qui a révélé les faits dont il s'agit, s'est ou ne s'est pas trompé. Ce qu'il y a de certain, c'est que c'est ce même journal qui a fait modifier par M. le ministre de la justice les deux articles, tels qu'il propose à la Chambre de les adopter aujourd'hui. Ainsi, ce journal n'est pas si coupable. S'il a révélé un troisième fait, en faisant erreur uniquement sur la question historique, il n'en a pas moins rendu un véritable service à la société, en révélant dans le code pénal modifié l'existence d'une peine sauvage pour un fait si insignifiant.

Mais, dit M. le ministre de la justice, l'hygiène publique est vivement intéressée dans la question. Je demande, messieurs, si l'hygiène publique est intéressée à ce que les trottoirs soient balayés. Qu'est-ce qu'il faut pour la salubrité publique ? C'est l'enlèvement des boues, des ordures que les villes ne font pas toujours enlever. Le balayage des trottoirs est une affaire d'élégance et de propreté, rien de plus.

Eh bien, je dis qu'ouvrir les portes de la prison pour des faits pareils, c'est contraire à l'esprit de notre époque. Lorsqu'un fait ne porte préjudice à qui que ce soit, vous n'avez pas le droit d'ouvrir la prison pour punir ce fait.

« Mais, dit M. le ministre de la justice, les juges de paix n'appliquent pas la loi. »

Cela prouve que la loi est tellement mauvaise que les mœurs sont plus fortes que la loi. Dans un pareil état de choses, ce n'est pas à la loi que vous devez donner raison, mais aux mœurs publique squi repoussent une pareille répression pour un fait si peu condamnable.

Comment ! vous avez réduit la peine de l'emprisonnement en faveur des plus grands coupables, et ici vous maintenez la peine de l'emprisonnement pour un fait qui ne présente rien de coupable, pour un fait qui n'est pas commis par celui à charge duquel la condamnation sera prononcée.

Encore une fois, je ne comprends pas qu'on commine l'emprisonnement contre les citoyens, pour défaut de balayage des trottoirs. Sont-ce les citoyens qui balayent les trottoirs de leurs maisons ? (Interruption.)

Je demande à mon honorable interrupteur si c'est lui qui balaye le trottoir de sa maison ou si c'est son domestique.

Eh bien, est-il raisonnable de punir de la prison un citoyen pour le fait de la négligence d'un domestique ? Si vous le punissez d'une amende, vous le punissez pour défaut de surveillance ; soit, mais si vous le punissez de la prison, c'est une criminalité personnelle ; il ne peut pas envoyer .son domestique en prison à sa place, c'est lui qui doit subir la prison pour le fait d'un tiers.

Et c'est là de la justice ! Mais c'est le code draconien de 1810. Un pareil système est inadmissible dans la Belgique éclairée, dans la Belgique libérale d'aujourd'hui.

MjBµ. - Messieurs, une seule observation pour terminer ce débat : c'est que le code pénal qui vous est imposé est moins sévère que le code pénal ancien. Sous le code pénal de 1810, l'emprisonnement était obligatoire en cas de récidive. Qu'avons-nous fait ? Nous avons permis aux juges de paix de ne pas prononcer l'emprisonnement et de réduire l'amende, même eu cas de récidive. Et on vient dire que le code pénal nouveau est inhumain !

Evidemment, la disposition est faite pour être appliquée dans des circonstances exceptionnelles. Vous ne pouvez laisser l'autorité désarmée (page 966) en pareil cas. Je crois donc qu'il y a nécessité de voter l'article tel qu'il est proposé par le gouvernement.

M. Carlier, rapporteurµ. - Messieurs, j'ai très peu d'observations à ajouter à celles que vient de présenter M. le ministre de la justice.

Les honorables MM. Van Overloop et Dumortier se sont exceptionnellement occupés de la contravention qui consiste à ne pas balayer les rues et les trottoirs ; mais ils ont perdu complètement de vue les autres contraventions auxquelles s'applique l'article 554 du nouveau code. Or, parmi ces contraventions, il en est plusieurs qui certainement méritent un emprisonnement en cas de récidive.

Ainsi, je demanderai à mes honorables contradicteurs s'ils entendent, par exemple, que ceux qui, sans en avoir le droit, ont passé sur une partie du terrain d'autrui, soient dispensés de l'emprisonnement, alors que la récidive se présente et que le juge de paix, comme c'est son droit et son devoir, examine si une pareille contravention a été commise avec mauvaise foi...

M. Dumortierµ. - Il ne s'agit pas de cela dans l'article que nous discutons.

M. Carlier, rapporteurµ. - Je prie l'honorable M. Dumortier d'examiner d'un peu plus près les dispositions dont il entretient la Chambre.

On nous parle de l'article 551. Mais la pénalité de l'emprisonnement qui punit la récidive relative aux contraventions s'applique à la fois à l'article 551 et aux articles suivants. Comme l'honorable membre s'occupe de l'article 554, j'examine toute la portée de cet article et je crois qu'en agissant ainsi, j'agis d'une façon très logique et très rationnelle.

M. Dumortierµ. - Vous posez une question à laquelle je ne puis pas répondre. Je n'ai examiné que l'article 551. Si j'avais voulu examiner l'article 552, M. le président m'aurait rappelé à la question.

M. Carlier, rapporteurµ. - Dans le discours que vous venez de prononcer, vous avez fait le procès à l'article 554.

M. Dumortierµ. - Dans ses rapports avec l'article 551.

M. Carlier, rapporteurµ. - Eh bien, je vais le prendre, si vous voulez, dans ses rapports avec l'article 551, et dans les dispositions de l'article 551 je vous citerai le 7° : Ceux qui auront négligé ou refusé d'obéir à la sommation faite par l'autorité administrative de réparer ou de démolir les édifices menaçant ruine.

M. Dumortierµ. - Ce n'est pas là le fait de la servante, ce n'est pas le fait d'un tiers ; c'est le fait de la personne.

M. Carlier, rapporteurµ. - Vous admettez donc l'application de l'article 554 à ce cas.

Il me semble résulter de l'aveu que vous faites en ce moment, que l'article 554 n'est pas aussi mauvais que vous voulez bien le dire. Et je prie la Chambre de remarquer cette circonstance assez singulière, c'est que l'honorable M. Dumortier, qui fait partie de cette Chambre depuis 1832, je crois...

M. Dumortierµ. - Depuis 1831.

M. Carlier, rapporteurµ. - ... a eu les projets du code pénal à sa disposition pendant très longtemps, pendant plus longtemps que nous ; que ces projets ont été examinés par une commission spéciale, puis par une commission appartenant à la Chambre ; puis qu'ils ont été mis en discussion avec toute la latitude qui pouvait être désirée par tous les membres de cette Chambre.

Or, on a discuté, il y a trois ou quatre ans, les articles 551, 552, 553, 554 et personne, dans cette Chambre, pas même les honorables MM. Van Overloop et Dumortier, n'ont trouvé que les atténuations proposées à l'ancien code par l'article 554 fussent mauvaises.

M. Dumortierµ. - Et il en résulterait que nous n'aurions plus le droit d'examiner ? C'est une plaisanterie.

M. Carlier, rapporteurµ. - Aujourd'hui que la Chambre a voté ces articles, qu'ils ont été envoyés au Sénat, qu'ils n'ont été, de la part de cette assemblée, l'objet que de quelques observations se rattachant tout particulièrement aux articles que votre commission a eu à examiner à nouveau, il se fait qu'on recommence le procès contre tous les articles, contre toutes les dispositions du code.

Je crois que lorsque votre commission a été chargée d'examiner le projet de code pénal, nous avions à rechercher si les articles que nous proposons à vos votes étaient ou n'étaient pas convenables. Votre commission les a jugés convenables et vous les a présentés en apportant une notable réduction aux pénalités qui étaient comminées par le code ancien, en apportant un adoucissement notable aux dispositions du code ancien sur les objets dont j'ai l'avantage de vous entretenir en ce moment.

Comme le dit M. le ministre de la justice, l'article 474 ancien ne mettait pas la pénalité d'emprisonnement à la disposition du juge de paix ; il obligeait celui-ci à l'appliquer et il se contentait de limiter à trois jours l'emprisonnement que le juge était forcé d'appliquer.

Ici, au contraire, qu'avons-nous fait ? Nous avons mis à la disposition du juge de paix la pénalité d'emprisonnement, c'est-à-dire que nous avons laissé au magistrat chargé d'appliquer la loi, le soin d'examiner si, dans le cas qui lui est soumis, il y a lieu ou il n'y a pas lieu de prononcer l'emprisonnement que nous mettons à sa disposition.

L'honorable M. Van Overloop vous a entretenus tantôt de la situation fâcheuse dans laquelle il pourrait se trouver, si, pendant qu'il se livrerait aux plaisirs de la villégiature, son domestique négligeait de nettoyer son trottoir. Mais il sait très bien que le juge de paix, sachant que le fait s'est passé en son absence, ne prononcera pas la peine d'emprisonnement.

Je dois dire que, dans tous les cas, les dispositions dont nous avons l'honneur de vous entretenir reçoivent encore un adoucissement d'après les règles générales du code pénal. Le juge de paix est toujours libre de réduire la pénalité à une simple amende qui ne peut descendre au-dessous d'un franc. Dès lors je demande aux honorables membres ce qui peut causer ces terreurs si grandes qui les saisissent ce soir, alors que, pendant plusieurs années, ils ont examiné le code sans trouver qu'il y ait lieu de craindre les résultats des dispositions qu'on propose en ce moment.

M. Van Overloopµ. - Je répète ce que j'ai déjà eu l'honneur de dire ; je n'avais pas fait attention à ces articles ; c'est l'observation de l'honorable M. Dumortier qui m’a frappé à l'instant même.

Il est de fait que le 3° de l'article 551 peut exposer un propriétaire à être puni de prison pour la négligence d'un de ses domestiques. Il n'en est pas de même des autres articles. Mais j'attire sur ce point l'attention de M. le ministre de la justice : Le code pénal est évidemment fait pour tous les citoyens ; il doit être appliqué partout. Eh bien, le n°3 de l'article 531 porte ceci : « Ceux qui auront négligé de nettoyer les rues ou passages, dans les communes où ce soin est à la charge des habitants. » Or, c'est là évidement un traitement différentiel appliqué aux Belges.

Dans telle localité, le soin de nettoyer les rues sera mis à la charge des habitants ; dans telle autre localité, ce soin ne sera pas mis à leur charge ; de sorte que votre disposition ne sera applicable qu'aux citoyens vivant dans les communes qui n'auront pas pris à leur charge le soin de nettoyer les rues.

Je comprendrais cette disposition sous le code pénal de 1810, parce qu'alors les communes n'avaient pas le droit de faire des règlements de police comme elles ont le droit d'en faire de nos jours. Mais de nos jours, faut-il faire par la loi pénale générale ce que les communes peuvent faire individuellement ? Evidemment non ; et vous reconnaissez si bien que les communes peuvent faire individuellement ce que vous voulez faire d'une manière générale, que votre n°3°, je le répète, n'est applicable que dans les communes où le soin de nettoyer les rues est à la charge des habitants.

Messieurs, je ne veux pas contrarier l'adoption du code pénal. Je fais une observation que je crois sérieuse, et c'est pour cela que je vous la soumets.

- Des membres. - Aux voix !

MjBµ. - Il n'est pas possible de laisser passer sans réponse des observations comme celles que vient de présenter l'honorable M. Vau Overloop, observations qui prouvent que l'honorable membre n'a pas étudié un seul instant, je dois le dire, la matière des contraventions.

L'honorable membre sait parfaitement bien que les administrations communales fout des règlements de police, et qu'elles punissent de certaines pénalités les contraventions à ces règlements.

M. Van Overloopµ. - C'est ce que j'ai dit.

MjBµ. - Eh bien, cela dépendra des localités. Si l'administration prend elle-même le soin du balayage, pourquoi voulez-vous qu'on prononce une pénalité contre les particuliers qui ne balayeraient pas la rue ?

M. Van Overloopµ. - C'est l'inverse. (Interruption.)

MjBµ. - Eh bien, si c'est l'inverse, je prierai l'honorable membre de vouloir bien lire l'article proposé, il verra de suite qu'il s'est trompé.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Article 552

« Art. 552. Seront aussi punis d’une amende d'un franc à dix francs :

(page 967) « Ceux qui auront jeté, exposé ou abandonné sur la voir publique, des choses de nature à nuire par leur chute ou par des exhalaisons insalubres ;

« 2° Ceux qui auront laissé dans les rues, chemins, places, lieux publics ou dans les champs, des coutres de charrue, pinces, barres, barreaux, échelles ou autres machines, instruments ou armes dont puissent abuser les voleurs ou autres malfaiteurs ;

« Seront, en outre, saisis et confisqués, les objets ci-dessus mentionnés ;

« 3° Ceux qui auront négligé d'écheniller dans les campagnes ou jardins, où ce soin est prescrit par les lois ou les règlements ;

« 4° Ceux qui, sans autre circonstance prévue par les lois, auront cueilli et mangé, sur le lieu même, des fruits appartenant à autrui ;

« 5° Ceux qui, imprudemment, auront jeté sur une personne une chose quelconque pouvant l'incommoder ou la souiller ;

« 6° Ceux qui, sans en avoir le droit, seront entrés ou auront passé ou fait passer leurs chiens sur le terrain d'autrui, s'il est préparé ou ensemencé ;

« 7° Ceux qui auront laissé passer leurs bestiaux ou leurs bêtes de trait, de charge ou de monture sur les prairies ou le terrain d'autrui, avant l'enlèvement de la récolte. »

MpVµ. - La commission se rallie-t-elle aux amendements proposés par Je gouvernement ?

M. Carlier, rapporteurµ. - Oui, M. le président.

M. Dumortierµ. - Messieurs, j'ai encore ici à appeler l'attention de l'assemblée sur des faits que l'honorable M. Bara aurait signalés tout à l'heure, si nous ne les avions pas connus d'avance. Il s'agit de l'échenillage. Certainement cette opération doit se faire, mais quiconque aura négligé l'échenillage pourra, encore une fois, être condamné à la prison. Ce n'est pas tout : « ceux qui, sans autre circonstance prévue par les lois, auront cueilli et mangé sur le lieu même des fruits appartenant à autrui. » Ainsi celui qui mangera deux fois une grappe de raisin dans un vignoble pourra être condamné à la prison.

M. Delaetµ. - Il n'y a pas d'enfant qui ne puisse être condamné en vertu de cette disposition.

M. Dumortierµ. - C'est évident ; vous irez dans un bois, vous mangerez des noisettes, et vous pourrez être condamné à la prison. Je le demande, messieurs, est-ce de notre époque ?

« Ceux qui, imprudemment, auront jeté sur une personne une chose quelconque pouvant l'incommoder ou la souiller. »

Eh bien, messieurs, vous êtes dans la rue, vous mettez le pied dans le ruisseau, vous éclaboussez une personne, vous la souillez ; vous êtes condamné à l'amende, et si vous le faites deux fois, vous êtes condamné à la prison. Et on appelle cela du progrès ! C'est le progrès de la prison.

Je déclare formellement que quand on arrivera à la récidive, je proposerai de remplacer l'emprisonnement par une amende double ou triple. Il n'est pas possible de laisser passer da pareilles pénalités.

L'honorable M. Carlier dit que ces dispositions ont déjà été votées. Cela prouve que M. Carlier n'a pas vu clair. Moi, qui n'ai pas l'honneur d'être avocat, je travaille en ce moment-ci une partie qui n'est pas la mienne. (Interruption.)

C'est mon droit, mais M. Carlier, qui est avocat et rapporteur, aurait dû faire supprimer cette disposition. Que M. Carlier garde donc ses reproches pour lui.

Je dis, messieurs, qu'on est plein d'indulgence pour les grands coupables et qu'on veut comminer la prison contre les honnêtes gens. Encore une fois, ne pas avoir balayé, c'est le fait d'un domestique, c'est le fait d'un tiers, c'est le fait d'autrui. Quant à avoir souillé quelqu'un en marchant dans la boue, à ne pas avoir échenillé, condamner les gens pour de pareilles vétilles, je demande si c'est faire des lois. Est-ce que nous vivons encore sous le régime impérial ? Nous avons entendu parler cent fois du code pénal avec un sentiment d'horreur, et vous reproduisez les plus mauvaises dispositions de ce code, celles qui frappent des faits réellement innocents, ou qui ne méritent qu'une simple peine pécuniaire.

Je déclare formellement que je proposerai de remplacer la prison par une amende triple.

M. Carlier, rapporteurµ. - L'honorable M. Dumortier veut me renvoyer à moi les reproches qu'il adresse au code pénal, mais ces reproches, je prie mes chers collègues de vouloir bien les partager avec moi et je prie l'honorable M. Dumortier lui-même d'en accepter la cent vingt-quatrième partie, car ils s'adressent à la Chambre tout entière, qui a voté les dispositions dont nous nous occupons.

Messieurs, c'est précisément parce que j'ai l'honneur d'être avocat et que j'ai vu fonctionner ces dispositions pendant de longues années, sans aucun inconvénient, et surtout sans aucune injustice, et cela sous un régime plus dur que celui que nous proposons, c'est précisément pour cela que j'ai cru devoir proposer à la Chambre l'adoption de l'article 552.

J'ai eu l'avantage de dire tout à l'heure que l'article 554 était une atténuation grande de l'article 474 qui jadis était adjoint aux dispositions législatives qui font en ce moment l'objet de votre attention.

Même sous le régime qui rendait la peine de l'emprisonnement obligatoire pour le juge, jamais aucune plainte ne s'est élevée contre cette disposition.

Devra-t-il s'en élever par la suite alors que l'emprisonnement est facultatif ? Je ne le pense pas.

Je ne puis du reste considérer comme sérieux l'exemple que nous a cité l'honorable membre. Il est certain que celui qui en mettant le pied dans un ruisseau éclabousserait quelqu'un ne serait pas condamné à l'amende et je doute fort que la pénalité lui soit applicable.

M. Delaetµ. - Messieurs, je n'ai pas l'honneur d'être juriste et je ne connais pas bien au fond la théorie de la gradation des peines.

Pourtant, il me semble que le projet de code pénal, tel qu'on le présente, n'a pas été suffisamment étudié., Il y a dans l'article 552 un paragraphe 5 ainsi conçu :

« Ceux qui, sans autre circonstance prévue par les lois, auront cueilli et mangé sur le lieu même des fruits appartenant à autrui. »

Dans le sens rigoureux de cet article, un enfant qui arrache une carotte ou un navet dans un champ tombe sous l'application de l'article. Celui qui arrache une pomme, une cerise, une noisette tombe sous l'application de l'article. (Interruption.)

Pardon, M. le ministre de la justice, vous ne rirez pas tout à l'heure.

Cet article est fait pour les pauvres, avez-vous dit.

MjBµ. - Je vais vous le démontrer, car vous n'êtes pas si sévère pour les maraudeurs quand ils sont pauvres.

MjBµ. - Je vous prie de ne pas m'attribuer des paroles que je n'ai pas prononcées.

M. Delaetµ. - Tout le monde les a entendues.

MjBµ. - Ce n'est pas ma faute si vous avez l'oreille mauvaise.

M. Delaetµ. - Alors nous avons tous l'oreille mauvaise, car tout le monde vous a entendu.

MjBµ. - Heureusement, vous n'êtes pas tout le monde.

M. Delaetµ. - Voici donc un article qui frappe d'un à dix francs d'amende le simple fait de cueillir un fruit dans un champ.

Mais il y a à l'article 557 un paragraphe 8 dans lequel il est dit :

« Seront punis de 5 à 15 fr. d'amende ceux qui auront dérobé des récoltes ou autres productions utiles de la terre qui n'étaient pas encore détachées du sol. »

Ici le fait de dérober la récolte est acté dans la loi et pourtant le maximum de la peine n'est que de 5 fr. plus élevé que celui dû la peine appliquée à celui qui cueillera un fruit en passant.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, M. le ministre de la justice ayant le cœur plus démocratique que la parole, a trouvé que dans le second membre de cet article la commission avait été trop sévère et il biffe les mots : « soit avec des sacs, des paniers ou autres objets équivalents. »

M. Carlier, rapporteurµ. - C'est le Sénat qui les avait proposés.

M. Delaetµ. - Je ne sais pas si c'est le Sénat qui les a proposés, mais je vois que le gouvernement ne s'y rallie pas.

M. Carlier, rapporteurµ. - La commission non plus.

M. Delaetµ. - Et il dit que quiconque aura dérobé des récoltes n'est passible que de 5 à 15 francs d'amende et que celui qui aura cueilli un fruit est passible de 5 à 10 francs d'amende. Quoique n'étant pas juriste, je dis que ce n'est pas là une gradation de peines peu sérieuse.

M. Pirmezµ. - L'honorable M. Delaet vient de dire à la Chambre que le projet de loi n'avait pas été suffisamment étudié. Je ne sais pas si l'honorable M. Delaet a étudié le projet avec plus d'attention que (page 968) la commission du Code pénal et que le gouvernement, mais il me paraît qu'avant de faire le reproche, il devrait bien présenter le système qu'il croirait pouvoir soutenir la discussion.

Il vous dit qu'il n'y a pas une gradation suffisante entre les peines comminées par les deux articles dont il s'est occupé.

Mais laquelle de ces dispositions veut-il changer ?

On range le fait de cueillir un fruit dans les contraventions les plus légères et on le punit d'une amende d'un franc à 10 francs. Je demande si l'on peut trouver cette pénalité exagérée.

L'observation que vient de faire l'honorable membre me prouve que s'il y a défaut d'étude, ce n'est pas, à coup sûr, chez la commission du code pénal.

L'honorable M. Delaet trouve que dans un cas on aurait bien fait de prononcer une peine plus forte. Je demande qu'il indique l'augmentation de peine qu'il voudrait voir introduire. Du moins dans ce cas on n'accusera pas.la commission d'avoir proposé des peines trop sévères.

M. Delaetµ. - Je dois faire remarquer à l'honorable M. Pirmez qu'il n'a pas compris ce que j'ai dit.

J'ai dit que le gouvernement avait proposé de biffer dans l'article 557 les mots « soit avec des sacs, des paniers ou autres objets équivalents » et de ne considérer le fait de dérober des récoltes comme un vol que lorsqu'il aurait été commis à l'aide de voitures ou d'animaux de charge, soit à deux ou plusieurs personnes ; amendement auquel le gouvernement s'est rallié. (Interruption.) Ce n'est pas la même chose du tout.

MjBµ. - M. Pirmez vous l'a dit, c'est dans le but de diminuer les peines que la commission de la Chambre a proposé cette disposition ; elle s'est dit que le maraudage qui se faisait avec des paniers, avec des tabliers ou avec des essuie-mains ne devait pas être puni de peines plus fortes que le maraudage simple ; elle n'a pas voulu assimiler le maraudage au vol. L'honorable membre se plaint de cette décision. Eh bien, qu'il propose des dispositions spéciales ; mais je déclare que, quant à moi, je m'y rallierai pas.

- L'article 552 est mis aux voix et adopté.

Article 553

« Art. 553. Seront punis d'une amende d'un franc à dix francs et d'un emprisonnement d'un jour à trois jours, ou d'une de ces peines seulement :

« 1° Ceux qui auront violé la défense de tirer, en certains lieux, des armes à feu ou des pièces d'artifice quelconques ;

« Seront, en outre, confisquées les armes à feu et pièces d'artifice saisies ;

« 2° Ceux qui, sans autre circonstance prévue par les lois, auront glané, râtelé ou grappillé dans les champs non encore entièrement dépouillés et vidés de leurs récoltes, ou avant le moment du lever ou après celui du coucher du soleil ;

« 3° Ceux qui auront laissé passer leurs bestiaux ou leurs bêtes de trait, de charge ou de monture sur le terrain d'autrui, s'il est préparé ou ensemencé. »

MpVµ. - M. le ministre de la justice propose la suppression du 3°.

M. Lelièvreµ. - Je considère comme une amélioration le paragraphe proposé à l'article 552 par le gouvernement relativement à ceux qui passent sur le terrain d'autrui, s'il est préparé ou ensemencé ; mais je pense qu'il faudrait aussi réprimer le fait du passage des bêtes de trait, etc., sur semblable terrain et c'est ce que je cherche en vain dans le titre dont nous nous occupons, si nous supprimons le n°3 de notre disposition.

Il est évident que si nous punissons le fait de l'individu qui passe sur le terrain d'autrui, s'il est préparé ou ensemencé, il faut nécessairement atteindre le passage des bestiaux, bêtes de trait, de charge ou de monture sur un terrain de cette espèce,

MjBµ. - L'honorable membre oublie que ce paragraphe a été reporté à l'article 552 dont il forme le 7°.

M. Lelièvreµ. - M. le ministre est évidemment dans l'erreur, Le n°7 de l'art. 552 est relatif au passage des bestiaux sur le terrain d'autrui avant l'enlèvement de la récolte, c'est-à-dire un terrain dont la récolte déjà réparée de la terre n'est pas encore enlevée. Il n'est donc pas exact que le passage des bestiaux sur un terrain préparé et ensemencé tombe sous le coup de la disposition déjà votée.

MjBµ. - Cet amendement a été introduit par la commission de la Chambre, qui a été d'avis que les mots : « avant l'enlèvement de la récolte », étaient préférables aux mots : « s'il est préparé et ensemencé » ; la commission propose de maintenir les termes du code ancien. Elle a jugé inutile d'introduire une aggravation de peine ; elle est entrée ainsi dans les idées de M. Lelièvre, qui ne veut pas d'aggravation en matière de contravention.

MpVµ. - La parole est à M. Carlier.

M. Carlier, rapporteurµ. - Je voulais présenter les mêmes observations que vient de présenter M. le ministre de la justice ; j'y renonce.

M. Lelièvreµ. - Pour démontrer que l'interprétation que je donne à l'article 552, n°7, est bien conforme à la pensée du projet, il me suffira de citer le rapport de la commission conçu en ces termes :

« Le Sénat a commis une méprise ou une confusion en votant l'article tel qu'il vous l'a transmis. Le cas dont il s'est préoccupé à l'article 557, n°1, celui dont vous avez à vous occuper, prévu par l'article 475, n°9, du code de 1810, est relatif aux terrains dont la récolte, déjà séparée de la terre, n'est pas encore enlevée. »

J'interprète donc les mots « avant l'enlèvement de la récolte » dans le sens du rapport de la commission.

M. Pirmezµ. - Il me paraît évident qu'en présence de la difficulté d'interprétation qui résulterait du texte que nous avons voté tantôt, il faut modifier ce texte, car il a été entendu dans la discussion de deux manières différentes. Je proposerai de reprendre le septimo de l'article précédent et d'y remplacer les mots : « Avant l'enlèvement de la récolte », par ceux : « S'il est préparé ou ensemencé. »

M. Carlier, rapporteurµ. - J'entends l'observation de l'honorable préopinant dans ce sens que celle de la commission resterait entière. Ainsi la commission disait : « Le Sénat a commis une méprise, etc. »

Il me semble résulter de ce langage que la commission entend maintenir le premier texte qu'elle l'a voté, mais tout en maintenant ce texte elle admet parfaitement les intentions du gouvernement qui sont de frapper d'une pénalité moindre les contraventions que la commission avait d'abord placées sous l'article en discussion maintenant, tandis que le gouvernement nous en a proposé la transposition à l'article 551. Je crois donc qu'il y aurait tout simplement à modifier la disposition telle qu'elle nous a été soumise par le gouvernement, ou bien telle que le gouvernement l'a transportée dans l'article précédent. L'adoucissement resterait acquis, mais le texte serait modifié.

MjBµ. - Je propose de ne rien modifier au texte. Le code pénal ancien portait : « avant l'enlèvement de la récolte » ; on propose de dire : « s'il est préparé ou ensemencé. »

Je crois qu'en matière de contraventions, et lorsqu'il n'y a pas eu d'abus, nous devons maintenir les termes du code ancien. M. Lelièvre prétend que je n'ai pas bien interprété ces termes. J'aime encore mieux ne pas les avoir bien interprétés que de les modifier.

M. Carlier, rapporteurµ. - Je reproduis et je cherche à simplifier l'observation que je faisais tout à l'heure.

Le gouvernement a demandé que le paragraphe que votre commission avait proposé de mettre à l'article 553 fût transposé à l'article 552, et cela dans le but d'adoucir la pénalité applicable aux cas prévus dans ces dispositions. La pénalité devait être : d'une part, de 1 franc à 10 francs, et d'autre part, de 1 franc à 10 francs, et d'un emprisonnement d'un jour à trois jours ou d'une de ces peines seulement. Puis, afin que la pénalité de l'emprisonnement pût être applicable à ces faits, le gouvernement a transféré la disposition d'un article à l'autre.

Je crois que la proposition du gouvernement est de nature à être favorablement accueillie par la Chambre, mais pour faire en même temps droit aux observations parfaitement fondées, je crois, de la commission, observations puisées dans des textes appartenant au code de 1810, je propose à la Chambre de dire ceci :

« 7° Ceux qui auront laissé passer leurs bestiaux ou leurs bêtes de trait, de charge ou de monture sur les prairies ou le terrain d'autrui, s'ils sont préparés ou ensemencés ou avant l'enlèvement de la récolte. »

MjBµ. - Je demande à la Chambre la permission de lui lire les deux dispositions du code de 1810 auxquelles celles-ci ont été empruntées.

« Ceux qui n'étant propriétaires, ni usufruitiers, ni locataires, ni fermiers, ni jouissant d'un terrain ou d'un droit de passage ou qui n'étant agents, ni préposés d'aucune de ces personnes, sont entrés et auront passé sur ce terrain ou sur partie de ce terrain, s'il est préparé ou ensemencé. »

C'est le 6° de l'article 552. Maintenant, arrive le 7° : « Ceux qui auront laissé passer leurs bestiaux ou leurs bêtes de trait, de charge ou de (page 969) monture sur les prairies ou le terrain d'autrui, avant l'enlèvement de la récolte. » Cette disposition reproduit textuellement le n°14 de l'article 471 du code de 1810.

Eh bien, je crois qu'il faut conserver ces deux dispositions, sur lesquelles la jurisprudence est établie, et ne pas aller inutilement au-devant de difficultés nouvelles.

M. Lelièvreµ. - Quant à moi, j'appuie l'amendement de M. Carlier, qui est seul propre à réprimer le passage des bestiaux sur un terrain s'il et préparé ou ensemencé. M. le ministre dit qu'on peut ne pas savoir si le terrain est préparé ; mais la Chambre vient de voter une disposition en ce sens, lorsqu'il s'agit du passage d'une personne. Comment donc ne punirait-on pas le passage des bestiaux, etc. ?

Il y a évidemment anomalie à ne pas énoncer une disposition dans le sens de celle proposée par M. Carlier et conforme aux observations que j'ai présentées. Si le passage d'une personne sur le terrain de l'espèce de celui dont il s'agit est réprimé, comment ne punirait-on pas le passage des bestiaux, etc., qui a une plus grande gravité et cause un dommage plus considérable ? Il y a évidemment une lacune à combler,

MpVµ. - M. Carlier, insistez-vous sur votre amendement ?

M. Carlierµ. - Non, monsieur le président.

- L'article 553 est mis aux voix et adopté.

Article 554

« Art. 554. En cas de récidive l'emprisonnement d un jour à trois jours pourra être prononcé, indépendamment de l'amende pour les contraventions prévues par les articles 551 et 552. »

MpVµ. - M. Dumortier vient de faire parvenir l'amendement suivant :

« En cas de récidive, l'amende sera triplée pour les contraventions prévues par les articles 551 et 552. Néanmoins, l'emprisonnement d'un a trois jours pourra être prononcé indépendamment de l'amende pour les contraventions prévues par le n°7 de l'article 552.

M. Dumortierµ. - Je viens vous proposer, messieurs, de remplacer l'emprisonnement par une amende triple pour tous les faits dont je vous ai parlé tout à l'heure et qui ne sont que de véritables peccadilles. J'en excepte toutefois le fait qu'a signalé l'honorable M. Carlier, fait beaucoup plus grave, celui de la démolition d'une maison.

Veuillez me permettre de vous dire en deux mots la portée de mon amendement. Si quelqu'un néglige deux fois d'éclairer une maison qu'il est obligé d'éclairer, la prison ; si quelqu'un néglige deux fois de balayer le devant de sa maison, la prison.

Si un paysan néglige deux fois d'écheniller ses arbres, la prison.

Si un enfant cueille un fruit, une carotte, un navel, la prison en cas de récidive.

Si quelqu'un jette des ordures sur un passant, même dans les conditions dont je parlais tout à l'heure, en cas de récidive, la prison.

Si quelqu'un laisse passer son chien sur un terrain ensemencé ou préparé, la prison, en cas de récidive.

Ainsi, un chasseur dont le chien passera sur un terrain préparé ou ensemencé ; en cas de récidive il sera condamné à la prison.

Si lui-même passe sur un champ préparé ou ensemencé, il sera, en cas de récidive, condamné à la prison.

Tout cela est-il admissible, messieurs ? et d'abord, quant à ce dernier fait, qu'est-ce qu'un terrain préparé ? L'honorable M. Bara vient de l'avouer : cela ne peut pas se définir.

Le lendemain de l'enlèvement de la récolte, le cultivateur retourne sa terre ; cela s'appelle-t-il « préparer la terre » ? Certainement non ; et cependant le chasseur qui passera sur cette terre sera exposé à être mis en contravention.

Mais, messieurs, autant vaut décider tout d'un coup la suppression de la chasse.

En vérité, cela serait risible, si la liberté des citoyens, cette chose sérieuse entre toutes, n'était ici en jeu.

Et puis, voyez à quelles conséquences on sera désormais exposé ! Que votre chien vienne à traverser le champ de votre adversaire particulier ou politique. Celui-ci ne manquera pas de faire dresser procès-verbal à votre charge, et si le fait a lieu pour la seconde fois, vous serez puni de la peine de l'emprisonnement.

M. Ortsµ. - Ce n'est pas vous, M. Dumortier, qui feriez cela ; vous n'êtes pas assez méchant pour agir ainsi.

M. Dumortierµ. - Ni vous non plus, sans doute, mon cher collègue ; mais nous faisons une loi pour tout le monde et il est évident que vous ne pouvez pas y introduire une disposition de nature à produire de telles conséquences.

Encore une fois, en cas de récidive, triplez l'amende s'il le faut, mais n'infligez pas cette peine exorbitante de l'emprisonnement pour un fait qui n'a aucun caractère délictueux.

- L'amendement de M. Dumortier est appuyé.

MjBµ. - L'honorable membre vient de faire une observation à laquelle je souscris bien volontiers. Seulement je dois faire remarquer que la disposition à laquelle elle se rattache n'a pas été introduite par moi mais par la Chambre elle-même.

Je consens bien volontiers à ce qu'on n'applique pas l'emprisonnement au fait d'avoir laissé passer un chien sur un terrain préparé ou ensemencé. Mais je ne puis pas faire la même concession quant aux autres faits prévus par l'article.

L'honorable membre me semble oublier un peu quel est le système du code pénal. Il oublie que le code nouveau est infiniment plus doux que le code de 1810.

Le nouveau code ne punit que d'une amende les faits prévus par l'article en discussion et il n'autorise l'emprisonnement qu'en cas de récidive. De plus, à la fin du chapitre vous trouverez un article qui permet dans tous les cas de réduire même l'amende et de commuer l'emprisonnement en une amende d'un franc.

L'honorable membre demande qu'on supprime l'emprisonnement dans tous les cas. Or, messieurs, qu'en résulterait-il ? C'est que la police deviendrait complètement impossible ; ou bien vous auriez une aggravation de peine contre les indigents, parce qu'ils seraient dans l'impossibilité de payer l'amende. Je suppose, en effet qu'un pauvre dans une impasse de Bruxelles ou dans quelque rue étroite, alors que la salubrité publique exige le plus grand soin, se refuse d'une manière persistante à satisfaire aux mesures de l'hygiène ; eh bien, le juge de paix prononcera contre lui une amende triple ; s'il ne peut la payer, il devra, en vertu de la loi actuelle sur la contrainte par corps, s'acquitter par un emprisonnement de 3 jours au moins. (Interruption.)

« Mettez cela dans la loi, » me dit-on ; mais cela y est ; l'honorable M. Dumortier n'a pas besoin de modifier son amendement ; il y a des règles générales applicables au cas de non-paiement à l'amende.

Je dis que, dans certains cas, il faut pouvoir prononcer un emprisonnement pour des faits qui sont de nature à compromettre gravement l'intérêt public. Si vous ne le faites pas, vous manquez à toutes les règles de la police communale.

Comment ! les administrations communales ont, en vertu de la loi communale, le droit de sanctionner leurs règlements par des peines de police ; et ici, lorsqu'il s'agit d'objets qui intéressent la sollicitude générale, vous ne voulez pas qu'en cas de récidive, le juge puisse prononcer l'emprisonnement !

On peut plaisanter à propos de chiens qui passent sur le terrain d'autrui ; mais quand on se trouve, comme l'année dernière, en présence d'une épidémie, tout ce qui touche à l'hygiène acquiert la plus grande importance, et il faut que les juges de paix continuent à être armés du pouvoir de condamner à la prison l'individu qui se refuse par mauvais vouloir à satisfaire aux prescriptions ordonnées par l'autorité communale dans l'intérêt de la salubrité. Il n'est pas du tout démontré que la justice ait jamais abusé de ce pouvoir ; conservons-le donc entre ses mains.

M. Dumortierµ. - Messieurs, nous ne pouvons pas abandonner un pareil droit à l'arbitraire d'un juge. Il ne faut pas se faire illusion : beaucoup de juges, à l'époque où nous vivons, finissent par devenir des hommes politiques. Il ne faut pas laisser les citoyens à la merci d'un juge de paix.

Par suite d'une observation qu'a présentée l'honorable M. Bara, je modifie mon amendement en ce sens, que la peine de l'emprisonnement est maintenue, mais seulement en cas de non-paiement de l'amende.

Je ne puis assez le répéter, pour tous ces petits faits de négligence relatifs au balayage des trottoirs et des rues, à l'échenillage, à l'éclairage des façades, etc., il n'est pas possible, dans un pays libre comme la Belgique, de condamner un citoyen à l'emprisonnement ; cette sévérité outrée serait diamétralement opposée à tous les principes qui vous ont guidés dans la révision du code pénal de 1810.

M. Ortsµ. - Messieurs, je crois que l'honorable M. Dumortier est entraîné un peu plus loin que le but qu'il veut atteindre. Il est évident que dans l'esprit de tout le monde, comme dans celui de l'honorable membre, l'emprisonnement doit être, en pareille matière, une exception extrêmement rare.

Mais la question est de savoir s'il faut complètement se désarmer (page 670) vis-à-vis de celui qui refuserait avec opiniâtreté d'exécuter les règlements de police, parce qu'il lui est très facile de payer avec de l'argent les conséquences de l'inexécution.

Or, je crois qu'à ce point de vue, l'amendement de l'honorable M. Dumortier, qui supprime l'emprisonnement, même en cas de récidive, va trop loin. D'abord, cet amendement est très peu démocratique.

L'honorable M. Dumortier dit : « En cas de récidive, l'amende sera élevée. »

Mais si on ne paye pas l'amende, on sera passible de 8 jours de prison, en vertu de la loi actuelle sur la contrainte par corps. (Interruption.)

L'honorable M. Dumortier me dit que l'emprisonnement ne sera plus que d'un à trois jours ; soit ; mais il n'en résulte pas moins que celui qui n'aura pas payé l'amende en argent devra payer de sa personne, en subissant un emprisonnement d'un à trois jours.

Voici la conséquence de l'amendement, et je prie l'honorable membre d'y réfléchir : c'est que les gens riches se tireront d'affaire en cas où ils s'opiniâtreraient, moyennant quelques pièces de 5 francs qu'ils feraient sortir de leurs poches, et le pauvre diable qui n'aura pas à trouver des pièces de 5 francs dans la sienne, sera obligé de subir la contrainte par corps. (Interruption.)

L'honorable M. Delaet, qui m'interrompt, a parfaitement raison : oui, c'est le vice commun à toutes les lois qui substituent au payement d'une condamnation pécuniaire la contrainte par corps, quand on ne peut pas payer. Je suis d'accord avec l'honorable M. Delaet : c'est un vice ; mais précisément parce que c'est un vice, il faut tâcher de le restreindre le plus possible, l'empêcher d'infecter nos lois, chaque fois qu'il est possible d'arriver à ce résultat.

Maintenant je dirai à l'honorable M. Dumortier : N'ayez pas peur de ces influences politiques ou d'autres influences mauvaises qui pourraient amener un juge de paix à envoyer un pauvre diable en prison, en cas de contravention, quand il n'y a pas d'opiniâtreté. Pourquoi d'abord le juge pourrait-il se laisser influencer par des motifs politiques vis-à-vis de pauvres diables ? Les pauvres diables ne prennent pas part à l'exercice des droits politiques.

Mais je fais observer à l'honorable M. Dumortier ceci : c'est qu'il y a une garantie dans la loi. Il n'y a pas de juge de paix qui, en matière de contravention, prononce une peine, sans que son jugement soit éventuellement soumis à un recours.

Il y a un tribunal de première instance derrière le juge de paix. Par conséquent pour les contraventions de simple police, comme pour toutes les autres contestations entre citoyens, on ne doit pas craindre les influences politiques délétères dans l'exercice de la justice. Sinon, il faudrait déclarer la magistrature suspecte en haut et en bas, et je crois que vous ne voudrez pas aller jusque-là.

Je prie l'honorable M. Dumortier d'y réfléchir. En définitive, vous donnerez par votre amendement un privilège pour les classes qui peuvent payer les contraventions de police commises opiniâtrement et contre les malheureux qui ne peuvent payer l'amende. De plus, vous devez être rassuré contre l'arbitraire des juges de paix. Il y a des tribunaux de première instance devant lesquels on pourra toujours appeler.

M. Dumortierµ. - Nous sommes d'accord avec l'honorable M. Carlier sur ce point ; c'est qu'il est très mauvais de comminer des peines d'emprisonnement pour des peccadilles comme celles dont il s'agit. Mais l'honorable membre ne veut pas que l'on puisse opiniâtrement faire des actes contraires aux règlements. Je suis parfaitement d'accord avec lui, malheureusement la loi ne s'applique pas à l'opiniâtreté ; elle s'applique à la simple récidive. Or, la simple récidive n'est pas le fait de l'opiniâtreté.

MjBµ. - L'emprisonnement est facultatif.

M. Dumortierµ. - C'est facultatif, je le sais bien ; mais je ne veux pas de votre faculté d'emprisonnement.

M. Mullerµ. - Elle est consacrée dans une foule d'articles.

M. Dumortierµ. - Est-ce que, comme le dit l'honorable M. Orts, j'aurais aggravé la position des prolétaires ? Pas du tout ; je l'améliore. Car le prolétaire condamné à une amende, s'il n'a pas le moyen de la payer, sera condamné à dix jours de prison et je réduis l'emprisonnement pour ce fait, d'un à trois jours. C'est donc une amélioration en faveur des classes pauvres et non une aggravation.

M. Ortsµ. - Il ira tout de même en prison.

M. Dumortierµ. - Mais il n'y ira que trois jours au lieu de dix. C'est une très grande différence.

M. Delaetµ. - Je fais simplement observer à la Chambre que l'amendement de l'honorable M. Dumortier supprime en réalité la prison ; puisque, en cas de récidive, l'amende étant appliquée concurremment avec l'emprisonnement, la peine de la prison étant faite, l'amende est encore recouvrable par la contrainte par corps. Ainsi l'amendement de l'honorable M. Dumortier a certainement un côté utile et sous ce rapport je crois que la théorie de l'honorable M. Orts, à laquelle je me rallie d'ailleurs, n'est pas en situation ici.

Le pauvre ne gagne rien à la non-adoption de l'amendement de l'honorable M. Dumortier, puisque la peine de la prison existe.

M. Ortsµ. - Oui, mais dans mon système le riche est frappé comme le pauvre.

- La discussion est close.

MpVµ. - Je mets aux voix l'amendement de M. Dumortier.

- L'appel nominal est demandé.

Il est procédé à cette opération, qui constate que la Chambre n'est plus en nombre.

M .Ortsµ. - Je demande que l'appel nominal soit inséré au Moniteur. Puisqu'on a voulu une séance du soir, il est bon que l'on constate qui sont ceux qui s'y sont rendus et qui sont ceux qui ne s'y sont pas rendus.

MpVµ. - Le règlement le veut ainsi.

- Ont répondu à l'appel nominal :

MM. Anspach, Bara, Carlier, Crombez, David, de Florisone, Eugène de Kerckhove, Delaet, de Lexhy, de Macar, de Mérode, de Naeyer, de Terbecq, Dethuin, Dewandre, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Hagemans, Jonet, Jouret, Kervyn de Lettenhove, Lebeau, Lelièvre, Liénart, Magherman, Mascart, Mouton, Muller, Notelteirs, Orts, Pirmez, Preud'homme, Rogier, Tack, Thibaut, Thienpont, Thonissen, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Wouters, Allard et E. Vandenpeereboom.

Etaient absents avec congé :

MM. Dubois d'Aische, Janssens, Moreau, de Liedekerke, Reynaert et de Rongé.

Etaient absents sans congé :

MM. Beeckman, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Bricoult, Broustin, Bruneau, Coomans, Couvreur, de Baillet-Latour, de Brouckere, de Coninck, De Fré, de Haerne, de Kerchove de Denterghem, Delcour, d'Elhoungne, de Maere, de Moor, de Muelenaere, de Rossius, Descamps, De Smedt, de Theux, de Vrière, de Woelmont, d'Hane-Steenhuyse, Dolez, Dupont, d'Ursel, Funck, Gerrits, Guillery, Hayez, Hymans, Jacobs, Jacquemyns, Jamar, Julliot, Lambert, Landeloos, Lange, Le Bailly de Tilleghem, Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Lippens, Moncheur, Nélis, Nothomb, Orban, Rodenbach, Royer de Behr, Sabatier, Schollaert, Snoy, Tesch, Van Cromphaut, Vander Maesen, Van Humbeeck, Van Nieuwenhuyse, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Watteeu et Ansiau.

M. Allardµ. - Il est entendu que demain la séance commencera par l'appel nominal. (Interruption.) Il est commencé ; il doit être continué demain.

MpVµ. - Demain séance à 2 heures, continuation de l'ordre du jour.

- La séance est levée à 10 heures.