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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 23 novembre 1867

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1867-1868)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 193) M. Van Humbeeck, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

Il donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

Il présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre :

« Des ouvriers de différentes communes prient la Chambre d'abolir immédiatement les lois sur la milice, de supprimer l'armée permanente et de réaliser leurs droits de citoyen. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Bruxelles demandent le prompt achèvement des travaux de la nouvelle gare du Midi. »

- Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.


« M. de Kerchove de Denterghem, devant se rendre à Gand pour affaires administratives, demande un congé d'un jour. »

« MM. Jouret et de Naeyer demandent un congé de quelques jours pour motifs de santé. »

« MM. Delaet et d'Hane-Steenhuyse, empêchés d'assister à la séance, demandent un congé d'un jour. »

- Ces congés sont accordés.

Rapports de pétitions

M. Descamps, rapporteurµ. - Les marchands ambulants de Quevaucamps demandent la suppression de la formalité du visa, à laquelle les assujettit la loi du 18 juin 1842.

L'article 13 de cette loi porte ce qui suit :.

« Tout marchand ambulant qui exercera sa profession hors du lieu de sa résidence sera muni :

« 1° D'un certificat de moralité délivré par l'autorité du lieu de sa résidence : ce certificat ne sera valable que pour un an.

« 2° D'un livret ou feuille de route, qu'il fera viser, au moins une fois tous les cinq jours, par le chef de l'administration, ou par celui qui le remplace, de l'une ou de l'autre commune qu'il aura parcourue. Ce livret ou feuille de route contiendra le signalement exact du porteur, l'indication de son lieu de naissance et de celui de son domicile.

« L'autorité communale au visa de laquelle le livret ou feuille de route aura été soumis, sera libre d'y consigner, sur la conduite du porteur, telles observations qu'elle jugera convenir. »

C'est contre les prescriptions rigoureuses de cet article que se sont élevés les pétitionnaires, et nous sommes complètement d'avis que leurs plaintes sont légitimes et sérieusement fondées.

A l'époque où la loi de 1842 a été faite, les relations entre les diverses parties du pays où le colportage pouvait s'exercer avec utilité, étaient difficiles ; les communications par chemins de fer existaient à peine, les chemins vicinaux étaient, pour la plupart, dans le plus mauvais état ; les colporteurs ne pouvaient exercer leur industrie qu'en parcourant le pays par petites étapes, et le temps ne devait pas leur manquer pour satisfaire, sans trop de gêne, tous les cinq jours, aux obligations rigoureuses imposées par l'article 13 de la loi dont il s'agit.

L'organisation complète de moyens de transport faciles et rapides est venue bouleverser cet état de choses ; ce qui pouvait n'être qu'une vexation est devenu une cause d'entraves incessantes et de préjudices sérieux.

Le colporteur, pressé de vendre, et de vendre beaucoup, de renouveler souvent sa marchandise, et de profiter, à cet effet, de tous les moyens de transport qui se présentent pour se rapprocher et s'éloigner de son centre d'opérations, perd un temps précieux à la recherche des autorités qu'il doit nécessairement requérir au moins tous les cinq jours.

L'exigence de la loi est, d'ailleurs, inutile et souverainement injuste.

Eu effet, les mêmes causes qui ont permis au colportage de se développer au point de se transformer totalement, ont permis à l'administration d'exercer partout, avec promptitude et sans un moment de retard, sa surveillance, ses investigations et ses recherches les plus minutieuses ; et d'autre part, il est à observer que les appréhensions qui avaient fait édicter l'article que nous critiquons de la loi de 1842, ne se sont réalisées en aucun point : le colportage n'a jamais servi, depuis à masquer le crime, ni a cacher des desseins coupables.

Et si l'article 13 de cette loi est inutile, il est injuste, puisqu'il soumet, sans raison, toute une classe de citoyens à des obligations spéciales, se renouvelant tous les cinq jours au moins, et dont l'exécution a pour effet de les faire considérer, en quelque sorte, comme de présumés malfaiteurs

La législation antérieure ne présentait rien de semblable ; on exigeait bien le visa de la patente dans chaque localité, mais cette formalité une fois remplie, il n'était pas nécessaire de la renouveler, et chose remarquable, le législateur français, en s'occupant de cette matière, n'a pas cru même devoir maintenir, dans la loi du 25 avril 1844, cette disposition que le législateur belge avait aggravée d'une manière si rigoureuse. Il s'est borné à prescrire aux colporteurs l'exhibition de leurs patentes, lorsqu'ils en sont requis par les maires, adjoints, juges de paix, et tous autres officiers ou agents de police judiciaire.

Nous pourrions sans danger, et nous devons, à notre avis, ne pas nous montrer plus difficiles.

Au surplus, ce serait rentrer dans l'esprit des principes qui ont guidé le gouvernement, lorsqu'il a cru, avec infiniment de raison, devoir se départir des rigueurs et des entraves d'un autre âge, en n'exigeant plus de passeports, et en se contentant de simples documents destinés à constater la nationalité et l'identité des personnes.

D'après ce qui est allégué dans la pétition, et ce qui nous a été révélé par les investigations auxquelles nous nous sommes livré, en vertu de la circulaire de M. l'administrateur de la sûreté publique, du 23 juin 1861, les colporteurs français, exerçant leur commerce en Belgique, ne sont déjà plus, au moins pour les territoires limitrophes de la France, soumis aux dispositions de la loi de 1842 ; ils sont traités comme tous les autres voyageurs français.

Ce privilège, qui rend d'autant plus blessante l'application, envers nos nationaux, des dispositions que nous critiquons, ce privilège dont jouissent précisément les colporteurs étrangers, c'est-à-dire ceux envers lesquels la surveillance pourrait peut-être, sous certains rapports, le mieux se justifier, démontre de la manière la plus péremptoire la parfaite inutilité des mesures vexatoires et injustes, prescrites par l'article 13 de la loi de 1842.

Ces mesures ont donc complètement perdu toute raison d'être, et nous nous joignons aux pétitionnaires pour en demander la prompte suppression, ou, tout au moins, pour réclamer la modification de l'article 13 de la loi du 18 juin 1842 dans le sens de ce qui a été fait en France en 1844.

En conséquence, nous vous prions, messieurs, de bien vouloir ordonner le renvoi de la pétition à MM. les ministres de la justice et des finances, en la recommandant instamment à leur bienveillante sollicitude.

MfFOµ. - Messieurs, je ne m'oppose pas à la proposition qui est faite par la commission de. renvoyer également la pétition dont il s'agit au ministre des finances. Cependant je ne crois pas que son objet rentre précisément dans les attributions de mon département.

Mon attention sur cette affaire a été appelée par l'honorable rapporteur chargé d'examiner la pétition, sans cela je n'aurais pas connu les faits. Je les ai vérifiés et j'ai appris comment les dispositions dont on se plaint ont été introduites dans notre législation. En 1841, le gouvernement avait proposé des mesures relatives au droit de patente ; mais (page 194) son projet ne contenait aucune des mesures contre lesquelles on réclame aujourd'hui.

C'est la section centrale qui en a pris l'initiative. Il s'agit purement et simplement de mesures de police, et je dois le dire, à première vue, je ne sais quelles sont les raisons péremptoires qui ont pu motiver de pareilles prescriptions, qui me paraissent exorbitantes.

Voici tout ce qui m'est apparu dans cette affaire ; c'est que sous prétexte que des individus animés de mauvaises intentions, projetant des délits, peuvent couvrir leurs mauvais desseins sous le prétexte de l'exercice de la profession de colporteur, on a soumis tous les colporteurs indistinctement à des mesures de police tout à fait exceptionnelles et notamment à l'obligation de se soumettre à une espèce de surveillance constante, en présentant leur patente au visa des autorités de toutes les communes dans lesquelles ils séjournent, même momentanément. Or, il est à remarquer que la patente elle-même ne peut s'obtenir que moyennant certaines formalités, et sur la production de certificats délivrés par l'autorité locale de la résidence des individus qui en font la demande.

J'examinerai donc volontiers, de concert avec mon honorable collègue, M. le. ministre de la justice, s'il y a quelques raisons de maintenir dans la législation des mesures de ce genre. Je répète qu'à première vue, cela me paraît exorbitant.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Van Renynghe, rapporteurµ. - Des habitants de Poelkappelle demandent que leur hameau, qui fait partie de la commune de Langemarck, soit érigé en commune distincte.

Ils disent qu'ils se trouvent dans une position très favorable pour obtenir l'objet de leur demande, attendu que ce hameau possède un territoire étendu qui peut être facilement sépare de celui de la commune-mère ; qu'il a une population de 2,000 âmes, une église, desservie par un curé et un vicaire, un notaire, un médecin vétérinaire de l'Etat, une école primaire et en outre une belle chaussée qui le traverse.

Vu que cette demande a été soumise aux délibérations du conseil provincial de la Flandre occidentale et que, jusqu'à présent, ce conseil n'a pas encore pris une décision définitive sur cet objet, votre commission vous propose, messieurs, sans rien préjuger, de renvoyer cette pétition à M. la ministre de l'intérieur.

— Adopté.


M. Van Renynghe, rapporteurµ. - Par pétition datée d'Anvers en février 1866, le sieur C. A. Bolsens demande l'intervention de la Chambre pour le payement d'une indemnité qu'il réclame à charge du département de la guerre.

Quoique la Chambre soit incompétente pour régler l'indemnité réclamée par le pétitionnaire à charge dudit département, votre commission vous propose néanmoins, messieurs, sans rien préjuger, de renvoyer celle pétition à M. le ministre de la guerre.

- Adopté.


M. Van Renynghe, rapporteurµ. - Par pétition datée de Sombreffe, le 13 février 1866, le sieur Debouge, facteur rural, demande une augmentation de traitement.

Le pétitionnaire allègue que son traitement de 750 francs ne peut suffire pour son entretien et celui de sa nombreuse famille.

Votre commission vous propose, messieurs, le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Van Renynghe, rapporteurµ. - Par pétition, datée de Zele, le 14 février 1866, le sieur Van Hacken se plaint d'un emprisonnement prolongé et d'une amende qu'il a été oblige de payer pendant son séjour dans la prison.

Votre commission vous propose, messieurs, sans rien préjuger, de renvoyer cette pétition à M. le ministre de la justice.

- Adopté.


M. Van Renynghe, rapporteurµ. - Par pétition en date du 8 février 1866, les administrations communales de Saint-Léger, Mussy-la-Ville, Musson, Hachecourt, Meix-le-Tige et Chatillon demandent que le bureau de Saint-Léger soit relié aux lignes télégraphiques des autres parties du pays.

Comme cette pétition mérite d'être examinée attentivement, votre commission vous propose, messieurs, de la renvoyer à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Van Renynghe, rapporteurµ. - Par pétition datée de Petit-Rœulx, le 12 février 1866, des habitants de cette commune prient la Chambre d'accorder au sieur Carlier la concession d'un chemin de fer direct entre Luttre et Bruxelles.

Même demande d'habitants de Pont-à-Celles.

Comme ces demandes sont dignes d'attirer l'attention du gouvernement, votre commission vous propose, messieurs, de les renvoyer à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Van Renynghe, rapporteurµ. - Par pétition tans date, des habitants de Luttre prient la Chambre d'autoriser la construction d'un chemin de fer direct de Charleroi à Bruxelles par Luttre et d'écarter le projet présenté par la compagnie Carlier.

Votre commission, sans rien préjuger, vous propose, messieurs, le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Van Renynghe, rapporteurµ. - Par pétition d'Alost, le 9 février 1866, les sieurs de Haeck, Warnet et autres négociants d'Alost demandent que les jets de houblon puissent être expédiés par tous les convois du chemin de fer.

Ils allèguent, à l'appui de leur demande, qu'il leur est impossible de continuer leur négoce, attendu que leurs marchandises perdent trois quarts de leur valeur, si elles ne sont expédiées par tous les convois de manière à pouvoir arriver à leur destination pour être vendues le même jour sur les différents marchés du pays.

Comme cette pétition mérite d'être prise en considération, votre commission vous propose, messieurs, de la renvoyer à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Van Renynghe, rapporteurµ. - Par pétition datée de Givry, le 23 décembre 1865, le conseil communal et des habitants de cette commune demandent que le chemin de fer de Frameries à Chimay soit exécuté suivant le tracé qui fixe une station à Givry.

Comme les observations que font valoir les pétitionnaires méritent d'être prises en considération, votre commission vous propose, messieurs, le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Van Renynghe, rapporteurµ. - Par pétition sans date, l'administration communale de Mesvin prie la Chambre d'accorder au sieur Dequanter la concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Charleroi, avec embranchement vers Frameries, Mons, Gilly et Lambusart.

Même demande de l'administration de Jemmapes.

Comme les considérations que fout valoir ces administrations communales méritent d'être examinées, votre commission vous propose, messieurs, le renvoi de ces pétitions à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Van Renynghe, rapporteurµ. - Par pétition datée de Saint-Denis-Westrem, le 9 février 1866, la dame Meirlaere, blessée par un coup de pied de cheval monté par un militaire, demande un secours.

Vu la triste position de cette femme, votre commission vous propose, messieurs, le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la guerre.

- Adopté.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée d'Ath, le 20 février 1867, le sieur Thiry, propriétaire d'une zone de bruyères préparée à l'irrigation par l'Etat, demande qu'une indemnité pour manque d'eau lui soit accordée aux conditions qu'il a proposées, ou bien qu'on le fasse jouir de l'eau nécessaire à ses irrigations, qu'on construise le canal collateur projeté et qu'il soit pris des mesures dans l'intérêt de tous les irrigateurs.

Messieurs, cette affaire a déjà fréquemment donné lieu à des réclamations au sein de cette Chambre. Votre commission, sans rien préjuger, vous propose le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Ramscappelle, le 8 mai 1867, les membres de l'administration communale et des habitants de Ramscappelle et des environs demandent l’établissement d'une station ou d'une halte dans cette commune, sur le chemin de fer de Dixmude à Nieuport.

La commission a conclu : Renvoi à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition sans date, des habitants du hameau d'Hourain, dépendant de Lessines, réclament contre l'arrêté de la députation permanente du Hainaut, eu date du 5 janvier 1867, qui a supprimé un grand nombre de chemins communaux.

Messieurs, il paraît que cette pétition donnera lieu à certaines observations, et elle mérite réellement une attention toute spéciale de la part de l'autorité supérieure.

(page 195) Un honorable membre de cette Chambre m'a chargé de demander à la Chambre de bien vouloir remettre la discussion de ce rapport à vendredi prochain, parce qu'il vient de demander un congé pour motif de santé et il ne sera ici que dans le courant de la semaine prochaine.

Votre commission conclut, d'ailleurs, au renvoi à MM. les ministres de l'intérieur et des travaux publics.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Tournai le 18 mars 1867, un grand nombre d'habitants de Tournai présentent des observations contre les travaux qui se font à l'Escaut, près de cette ville.

Les pétitionnaires se prononcent contre les travaux qui s'exécutent sur le territoire de Kain, qui ont pour objet d'y établir un bassin ou tout au moins une écluse ordinaire. Ils fondent leur opposition sur les inconvénients suivants :

1° Aucun bateau ne passera plus à Tournai, l'Escaut, dont les eaux y seront retenues constamment à un niveau suffisant par cette écluse à sas devant y permettre la navigation en tout temps comme sur un canal.

Or, Tournai profite à l'heure actuelle, dans une mesure considérable, de l'arrêt des bateaux et du séjour des bateliers dans ses murs.

2° Le courant étant considérablement diminué par la retenue constante des eaux, la rame disparaîtra et le nombre des bateaux en marche à travers Tournai diminuera dans une proportion énorme. Les pétitionnaires affirment que, de ce chef, la perte sera incalculable.

Ce serait, ajoutent-ils, la ruine des pilotes, dont le concours deviendra désormais inutile.

3° Au point de vue de l'hygiène et de la santé publique, le travail dont les pétitionnaires se plaignent serait calamiteux en ce qu'il enlèverait à l'Escaut dans les murs de Tournai la rapidité actuelle de son cours qui ne permet pas aux résidus de fabrique d'y séjourner et, partant, d'y produire des miasmes méphitiques qui, en cas d'épidémie, constitueraient un véritable fléau pour les habitants de Tournai.

Qu'il serait préférable de faire des améliorations à l'écluse de Meir au lieu d'en construire une nouvelle à Kain où l'on rencontre un sol mouvant qui a obligé les ingénieurs à changer l'emplacement de leurs travaux, après avoir englouti sur les terrains abandonnés une somme d'environ 50,000 francs.

D'un autre côté, la Chambre a reçu, le 20 mars de cette année, une pétition des bateliers de Tournai, dans laquelle ils se plaignent amèrement de la situation désastreuse de leur industrie. Ils y groupent des chiffres qui font ressortir l'état lamentable de malaise et de souffrance qu'ils endurent. Ils y dénoncent la concurrence fatale que le chemin de fer de l'Etat fait à la batellerie. Pour lutter avantageusement contre elle, ils demandent l'abolition du droit de patente, la suppression des droits de péage, de passage d'écluses et surtout l'amélioration des voies navigables. Cette pétition est, en quelque sorte, le contre-pied de la pétition dont nous faisons, en ce moment, l'analyse, l'une tend à l'amélioration des voies navigables, tandis que l'autre proteste contre cette amélioration.

Dans cet état de choses, il semble bien difficile de concilier des intérêts si opposés. La Chambre a déjà pu s'en convaincre. Un premier débat s'y est élevé à ce sujet dans la séance du 7 février 1866, qui a été suivi d'un second dans la séance du 21 février 1867. Votre commission a pensé qu'ils ont suffisamment éclairé l'assemblée. Quoi qu'il en soit, elle a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.

M. Dumortierµ. - Messieurs, si les prescriptions du règlement étaient exactement observées, la première pétition serait venue à propos, serait venue en temps utile, car vous savez qu'il y a plus d'un an qu'elle a été présentée.

Le règlement ordonne que, toutes les semaines, il sera fait un rapport sur les pétitions, et dans le principe cela se faisait tous les vendredis. Les travaux de la Chambre, les habitudes ont fait tomber cette disposition.

M. Bouvier, rapporteurµ. - Mon rapport est fait depuis longtemps.

M. Dumortierµ. - Je ne fais aucun reproche à l'honorable membre ; je sais qu'il fait ses rapports avec beaucoup d'exactitude et avec beaucoup de soin ; mais si le règlement était exécuté, l'honorable M. Bouvier aurait pu lire son rapport aussitôt qu'il était achevé.

Maintenant, messieurs, on fait l'écluse à Kain, tandis que l'ancienne écluse se trouve sur le territoire de la ville.

MtpVSµ. - L'écluse est achevée.

M. Dumortierµ. - C'est pourquoi je dis que le rapport arrive trop tard.

Cependant, messieurs, puisqu'un aussi grand nombre d'habitants de Tournai ont réclamé à ce sujet, je dirai que le gouvernement, dans cette affaire, aurait dû exécuter la loi et consulter les administrations communales d'Audenarde et de Gand, lorsqu'il s'agissait de changer le régime de l'Escaut. Certainement si la ville de Tournai avait été consultée, pas un seul conseiller communal n'aurait approuvé le projet ; le conseil aurait demandé à l'unanimité qu'on laissât l'écluse de Meir où elle était.

Maintenant que va-t-il arrivé ? On fait des travaux à l'Escaut dans l'intérêt de la navigation comme s'il n'y avait que ce seul intérêt, comme si l'intérêt des habitants, l'intérêt des propriétaires n'était rien. Qu'est-il arrivé ? Dans la plupart des fleuves où l'on fait des travaux de canalisation, on a converti les prairies ou bien en marais ou bien en terres qui ne peuvent plus produire.

Voilà, messieurs, quelle sera la conséquence inévitable des travaux que l'on veut entreprendre à l'Escaut dans l'intérêt exclusif de la navigation.

Je sais bien que l'on dit : On fera des travaux de dérivation. Mais cela n'est qu'un rêve ; dans un fleuve où l'écart de niveau est presque nul, où le niveau est à peu près le même entre Tournai et Gand, vous devez comprendre qu'il y a une résistance presque insurmontable aux travaux que l'on a en vue.

Les magnifiques prairies de l'Escaut qui avaient une valeur considérable sont devenues aujourd'hui des terres improductives, où l'on ne récolte plus de foin et où l'on ne peut cultiver ni du blé, ni rien autre chose.

Je sais très bien que messieurs les industriels trouvent ce genre d'observation très mauvais, mais ceux qui ne sont pas industriels les trouveront extrêmement justes.

Je suis très désireux de faire tout ce qui est possible pour l'industrie, mais je ne veux pas que l'industrie vienne porter préjudice à d'autres intérêts, qui sont aussi sacrés que les siens.

On veut aujourd'hui maintenir à Tournai une crue constante. Quelle sera la première conséquence de cet état de choses ? Ce sera de rendre la ville malsaine.

Le long des deux rives de l'Escaut, il y a des égouts, où viennent aboutir toutes les eaux de la ville et ces égouts se déchargent dans l'Escaut, chaque fois que les eaux sont baissées par la navigation d'aval.

Aujourd'hui que vous allez maintenir un niveau constant, les égouts ne pourront plus se vider.

C'est ce qui est arrivé à Liège par le fait du canal de navigation et les égouts sont devenus depuis lors autant de réceptacles méphitiques. On a dû y faire un égout collecteur latéral.

A Tournai il faudrait en faire deux et il faudrait pousser les travaux jusqu'en aval de l'écluse qui est à trois quarts de lieue de la ville.

La ville de Tournai ne peut faire de pareils frais. L'honorable M. Bara, qui est Tournaisien, me fait un signe qui confirme ce que je dis.

Etes-vous disposés à faire les frais nécessaires pour rendre à Tournai sa salubrité ? Vous viendrez dire que vous n'avez pas d'argent.

II est vraiment incroyable de voir une administration qu'on appelle travaux publics, faire des travaux qui portent ainsi préjudice a une ville, sans même que cette ville ait été consultée.

Je crois, messieurs, que l'intérêt de l'industrie qui transporte les houilles et les marchandises pondéreuses est une chose très importante, mais, encore une fois, il importe de ne pas lui sacrifier les intérêts des autres et la salubrité publique.

Or, c'est ce que nous voyons dans ce projet qui émane d'une seule administration sans que l'on ait consulté l'intérêt agricole, ni ceux des villes, ni l'intérêt de la salubrité publique.

Dans un pays de liberté, tous les intérêts doivent être sacrés et les intérêts du plus grand nombre sont plus sacrés que ceux du plus petit nombre.

Une seconde pétition vous a été adressée.

On a confondu les deux dans un seul rapport, bien qu'il s'agisse de deux questions tout à fait distinctes.

Je m'occuperai de la seconde qui, celle-là, n'est pas périmée.

Les bateliers de Tournai (ils sont très nombreux, car le batelage est considérable) font une plainte qui, au fond, résume les plaintes de tous les bateliers du Hainaut.

(page 196) Que disent-ils ?

Ils disent ; Pour nous faire la concurrence, vous abaissez les droits de transport sur les chemins de fer. Eh bien, puisque vous voulez faire cet avantage au chemin de fer, procurez-nous aussi ce même avantage ; diminuez nos droits de péage et notre patente.

Ici qu'arrive-t-il ? On voit l'Etat faire concurrence à l'Etat. L'Etat chemin de fer fait concurrence à l'Etat rivière et à l'Etat canal et, tandis que l'Etat chemin de fer se constitue en perte, ce même Etat chemin de fer demande à l'Etat canal des impôts considérables. Il donne d'un côté et prélève de l'autre.

Cela est-il juste encore ? Evidemment, c'est contraire à toute espèce de justice.

Permettez-moi de citer quelques faits excessivement graves. Je tiens en mains la copie de la pétition qui vous est adressée.

Savez-vous quelle est la somme des droits de navigation, de passage, etc., que paye un bateau depuis Saint-Ghislain jusqu'à Gand, jusqu'à Roubaix ? Eh bien messieurs, un bateau paye, pour aller de Tournai à Gand, une somme de fr. 167 25. Comme ce bateau fait cinq voyages par an, il est imposé de ce chef à 837 fr. Ainsi un pauvre batelier est imposé, à cause de la concurrence de l'Etat, à 837 fr. quand il ne transporte que de la houille et des marchandises pondéreuses. Si maintenant il veut transporter d'autres marchandises en retour s'il veut, par exemple, transporter d'Anvers ou de Gand, du café, du sucre, du coton, d'autres marchandises pondéreuses également, mais d'une valeur plus grande, alors il paye près de 1,000 fr. Et pendant qu'il est pressuré par cet impôt, vous lui enlevez encore ses moyens d'existence en diminuant toujours les droits sur les chemins de fer.

Noire honorable président a souvent réclamé autrefois en faveur des bateliers du Hainaut, et il a eu raison, car leur situation est intolérable. Croiriez-vous par exemple que le même batelier qui ne transporte que des marchandises de peu de valeur, doit payer à l'Etat, pour un bateau de 250 tonneaux, une patente de 60 fr. ? Est-ce que vous établissez des patentes de 60 fr. sur vos employés des chemins de fer ! Ils transportent cependant la houille sur terre comme les bateliers la transportent sur l'eau.

Cette patente est exorbitante et l'évidence démontre qu'il y a lieu d'apporter une amélioration à un tel état de choses.

MtpVSµ. - Et les frais de transport par chemins de fer ?

M. Dumortierµ. - Les frais de transport par chemin de fer, vous les prenez dans la bourse des contribuables, tandis que les frais de transport par bateau, vous les prenez dans la bourse du batelier. Je dis qu'il y a là une situation qui n'est pas conforme à la justice.

Si vous voulez faire la concurrence aux bateliers au profit de votre trafic, mettez-les du moins à même de la soutenir, et ne venez pas, par des droits immodérés, qui deviennent un impôt effrayant, les mettre dans l'impossibilité de vivre. Est-il une position plus digne d'intérêt que celle des bateliers ? Chacun de nous a pu voir ces bons pères de famille sur le pont de leur bateau avec leur femme et leurs enfants ; leur situation n'est-elle pas des plus malheureuses ? Eh bien, loin de la prendre en considération, on impose ces bateliers à des droits qui vont jusqu'à 1,000 fr. par an.

H n'y a pas d'industrie qui adresse à la Chambre des réclamations plus fondées que celle dont nous sommes saisis, et je crois que la Chambre, dans sa justice, devra nécessairement y faire droit.

Ce n'est point-là, messieurs, remarquez-le bien, une réclamation banale, ne reposant sur rien de sérieux ; il s'agit d'une réclamation qui est provoquée par une. injustice considérable et qui tend à sauvegarder l'existence des bateliers.

Alais puisque M. le ministre des travaux publics va me répondre sans doute, je lui demanderai, sans vouloir en aucune façon l'offenser, telle n'est certes pas mon intention ; je lui demanderai si, après s'être conduit d'une manière si cavalière envers la ville de Tournai, il est disposé à traiter de la même façon les intérêts de la ville de Gand. Pour ma part, j'en doute beaucoup, attendu que M. le ministre des travaux publics est député de Gand.

M. Ortsµ. - Il y a deux membres du cabinet qui sont députés de Tournai.

M. Dumortierµ. - Oui, mais ils ne sont pas ministres des travaux publics, et je crois que si les intérêts de Gand les touchaient de si près que ceux de Tournai, ces intérêts seraient traités d'une tout autre façon.

Au lieu de cela, messieurs, je suis bien certain que les taxes de tout genre que les bateliers doivent payer à leur passage à Gand et qui constituent une charge si déplorable pour les pauvres bateliers, ces taxes seront maintenues. Fera-t-on à Gand des travaux pour améliorer le régime de l'Escaut ? Depuis longtemps on l'a dit, la plus grande amélioration à réaliser, celle qui est réclamée depuis très longtemps avec le plus de persistance par la ville de Tournai, c'est tout simplement de mettre en communication le haut et le bas Escaut, et de dispenser ainsi les bateliers de faire le tour de Gand pour passer du haut Escaut dans le bas Escaut.

Est-il convenable, messieurs, que, pour passer d'une branche de l'Escaut dans une autre branche de l'Escaut, les bateliers doivent emprunter la Lys et faire tout le tour de la ville de Gand, payant à tous les ponts, s'arrêtant chez tous les boutiquiers riverains de cette ville, pour arriver finalement à rentrer dans l'Escaut ? Cela est-il juste ? je le demande ; cela est-il équitable ? Pourquoi donc, si vous voulez améliorer l'Escaut, ne commencez-vous pas par là ? Commencez par faire cesser les abus que je signale.

Voilà le premier travail que vous devriez faire : au lieu de créer tous ces embarras dans le haut Escaut, commencez par porter remède à la situation du moyen Escaut.

J'en ai dit assez, je pense, pour démontrer la gravité des intérêts qui sont ici en cause. La première pétition doit être renvoyée à M. le ministre des travaux publics ; mais je demanderai également que la seconde soit renvoyée à M. le ministre des finances, pour qu'il examine, dans sa sagesse, s'il n'y a pas lieu de présenter un projet de loi tendant à réduire la patente des bateliers.

Encore une fois, exiger de ces pauvres gens une patente de 90 francs par an, je dis que cela est éminemment déraisonnable et que cela n'est nullement en rapport avec les profits de leur industrie.

M. Bouvier, rapporteurµ. - L'honorable préopinant vient de demander un double renvoi : renvoi à M. le ministre des travaux publics et à M. le ministre des finances.

Nous venons de présenter à la Chambre l'analyse d'une seule pétition : c'est celle qui concerne les travaux qu'on a faits à l'Escaut. Je crois que l'honorable préopinant se trompe, lorsqu'il fait allusion à une autre pétition...

M. Dumortierµ. - Il y a deux pétitions.

M. Bouvier, rapporteurµ. - Je vous demande pardon ; la commission, je le répète, n'a eu à délibérer que sur une seule pétition ; c'est celle dont je viens de faire connaître l'objet.

Il y a une autre pétition dont elle n'a pas eu à s'occuper et sur laquelle la commission d'industrie est appelée à présenter un rapport ; je me suis borné à faire allusion à cette pétition qui est, en quelque sorte, le contrepied de celle-ci, c'est celle des bateliers qui réclament une amélioration dans le cours des eaux, l'abaissement des péages, etc. J'ai signalé cette différence ; mais, je le répète, la commission des pétitions n'a eu à statuer que sur une seule pétition, celle dont elle a demandé le renvoi à M. le ministre des travaux publics, renvoi que l'honorable M. Dumortier vient d'appuyer.

M. Dumortierµ. - En écoutant la lecture du rapport de M. Bouvier, je croyais avoir entendu qu'il présentait l'analyse de la seconde pétition, celle des bateliers ; puisque la commission des pétitions n'a pas été saisie de cette seconde pétition, il va de soi que la proposition que j'avais faite au sujet de cette pétition doit être considérée comme non avenue.

M. de Rongéµ. - Messieurs, une autre pétition est arrivée en effet à la Chambre ; l'assemblée l'a renvoyée à la commission d'industrie. Avant de faire son rapport, la commission a demandé des renseignements à M. le ministre des travaux publics. Dès que ces renseignements lui seront parvenus, la commission présentera son rapport sur la pétition à laquelle l'honorable M. Dumortier vient de faire allusion.

M. Allardµ. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour dire quelques mots relativement à la pétition dont l'honorable M. Bouvier vient de présenter l'analyse. Cette pétition est signée d'un très grand nombre d'habitants de Tournai, et je dirai d'un grand nombre de mes amis particuliers.

Parmi les signataires, se trouvent tous les brasseurs de la ville ; on y remarque aussi une multitude de débitants de boissons qui ne sont pas toujours à l'eau de rose dans cette enceinte.

Les pétitionnaires se plaignent de ce que l'établissement de l'écluse à Constantin va nuire à leurs intérêts ; ils prétendent que la ville de (page 197) Tournai va faire une perte sèche de 400,000 fr. par an, parce que les bateaux ne séjourneront plus dans cette ville.

Messieurs, il y a beaucoup d'exagération dans la perte annuelle de 400,000 francs que la ville de Tournai va subir, au dire des pétitionnaires. Et puisque ce sont des amis qui ont signé la pétition, je crois devoir leur dire la vérité.

Eh bien, en 1866, 6,081 bateaux ont traversé la ville de Tournai, tant en remonte qu'en descente ; 366 y ont stationné pour leurs chargements et leurs déchargements.

Peut-on supposer que les bateliers de ces 6,081 bateaux qui ont traversé la ville, ont dépensé chacun 67 francs environ, pendant leur séjour de 24 ou de 48 heures à Tournai ?

Bien certainement, les bateliers font des dépenses dans la ville. Ils achètent de la bière, dont ils emplissent de petits tonneaux pour leur voyage, ils en consomment dans les cabarets, ils achètent des épiceries, de la viande, etc.

Les dépenses qu'ils font procurent certes, un grand avantage à la ville ; mais il y a, je le répète, exagération à l'élever à 400,000 francs.

On s'imagine que parce qu'une écluse vient d'être construite à Constantin, les bateliers ne feront plus de dépenses à Tournai. C'est une erreur, on naviguera très peu par le canal ; ce n'est qu'en cas de grande sécheresse qu'on pourra naviguer par cette voie, et faire manœuvrer l'écluse à sas, dans les grandes eaux, et même dans une situation telle que celle que nous avons aujourd'hui, Il sera impossible de fermer les écluses et même les barrages. Ainsi donc, pendant l'hiver, comme pendant une partie du printemps et de l'automne, on naviguera par rame comme aujourd'hui.

Or, je le demande, les ingénieurs de l'Etat seront-ils assez inhumains pour forcer tous les bateliers pendant la mauvaise saison d'aller amarrer leurs bateaux entre Tournai et l'écluse de Constantin, lorsque les prairies seront couvertes d'eau ? Non, messieurs, on ne les y obligera pas, ils continueront à séjourner à Tournai, comme aujourd'hui.

L'été, dans les grandes sécheresses, lorsque la navigation se fera par canal, ils stationneront encore à Tournai. Car, comme il faut 8 à 10 minutes pour qu'un bateau puisse passer une écluse à sas, ils auront bien le temps de faire leurs acquisitions en ville avant que le tour de leurs bateaux, pour entrer dans l'écluse, soit arrivé.

Quant à moi, je dois le dire, je regrette qu'on ait construit l'écluse aussi loin de Tournai. Cette écluse est terminée ; le 31 du mois dernier, j'ai pu vérifier le fait par moi-même. Mais enfin, cette écluse a été construite et l'honorable M. Dumortier ne se doute peut-être pas qu'il est un peu la faute qu'elle a été construite à Constantin.

M. Dumortierµ. - Voilà du nouveau, par exemple !

M. Allardµ. - Oui, eh bien, vous en avez, involontairement, je le veux bien, donné l'idée.

M. Dumortierµ. - Moi !

M. Allardµ. - Vous.

M. Dumortierµ. - Je voudrais bien savoir comment.

M. Allardµ. - Je vais vous le dire.

Dans la séance du 30 juin 1864, vous avez entretenu la Chambre de l'Escaut et vos observations n'étant pas longues, je vais les lire.

M. Dumortierµ. - Est-ce tout le discours ou un extrait ?

M. Allardµ. - C'est la partie relative à cette écluse.

« Le bassin de Tournai a été construit par Vauban, pour contenir 72 bateaux ; ces bateaux sont de très forte dimension ; ils sont de 200 à 250 tonneaux. La rame est d'environ 200 bateaux. Vous sentez qu'une rame aussi considérable devant prendre son tirant d'eau dans les bassins faits pour 70 bateaux, n'a pas d'eau suffisante pour la navigation.

« Chaque semaine, la moitié de la rame doit rester là pour attendre un surcroît d'eau ; il en résulte des retards considérables dans la navigation. Ces retards sont préjudiciables et au Hainaut et aux Flandres. D'un autre côté des accidents nombreux doivent arriver.

« Pour porter remède au danger que je viens de signaler, il est indispensable, selon moi, qu'une réserve d'eau servant à la fois de bassin et de chasse, soit faite à Tournai pour pouvoir loger toutes les rames descendantes, ou pour doubler, tripler, s'il est possible, le bond d'eau qui doit entraîner les rames.

« Il y a un moyen très simple, selon moi, d'arriver à ce résultat. Par suite de la suppression des fortifications de Tournai, la petite rivière qui entoure la ville à la rive droite va devenir disponible ; eh bien, que le gouvernement la canalise, qu'il l'utilise en la dévasant et en l'approfondissant, qu'il y place des écluses en amont et en aval, et qu'ainsi il en fasse la réserve d'eau et le bassin dont la navigation de l'Escaut a besoin. Avec le terrain des remparts, qu'il fasse le quai de halage et qu'il vende les excédants de terrain au profil du Trésor public.

« C'est le seul moyen de sauver la navigation de l'Escaut du désastre qui la menace. »

L'idée de l'honorable M. Dumortier était donc qu'il fallait avoir le plus d'eau possible pour la navigation. Eh bien, qu'ont fait les ingénieurs ? C'était en 1864, ils ont dit : M. Dumortier voulait placer en aval de la petite rivière une écluse...

M. Dumortierµ. - Pas du tout.

M. Allardµ. - Vous avez dit : Qu'on canalise la petite rivière et qu'on mette des écluses en amont et en aval. Or les ingénieurs ont dit : Si nous mettons une écluse à Constantin, nous aurons un bassin immense, nous aurons beaucoup d'eau, et c'est comme cela que cela s'est fait.

La pétition est arrivée en mars dernier, quinze jours après qu'une discussion avait eu lieu dans la Chambre. J'avais dit alors : Personne ne s'est plaint à Tournai. Nous, députés de Tournai, personne n'est venu nous voir, nous entretenir de cette affaire ; le conseil communal ne s'en est pas occupé. Quinze jours après, est arrivée une pétition. J'ai donc le droit de dire aux pétitionnaires, mes amis : Il fallait réclamer en 1865 ; vous n'avez pas ignoré qu'il était question de construire une écluse à Constantin, et la preuve la voici. On a affiché à Tournai trois fois l'affiche suivante :

« Escaut.

« Adjudication publique de l'entreprise des travaux de construction d'un barrage, d'une écluse a sas et autres ouvrages destinés à l'amélioration de la navigation et de l'écoulement des eaux de l'Escaut, aux abords du hameau de Constantin, en aval de Tournai. Montant du devis : fr. 471,164 57 c.

« AVIS.

« Le vendredi 10 juin 1865, à onze heures du malin, il sera procédé, en l'hôtel du gouvernement provincial à Mons, à l'adjudication publique de l'entreprise des travaux sus-énoncés.

« Les soumissions rédigées et cachetées d'après le mode prescrit par le cahier des charges, devront être remises à la poste avant le mardi 13 juin prochain, au plus tard.

« On peut prendre connaissance des plans, devis et cahier des charges dans les bureaux de l'hôtel du gouvernement provincial et chez M. l'ingénieur en chef directeur des ponts et chaussées.

« Mons, le 18 mai 1865.

« Le député faisant fonctions de gouverneur, Dujardin. »

La première fois que cette adjudication a été annoncée, elle l'a été par un avis qui s'est trouvé au Moniteur du 22 mars 1865. Cette première adjudication n'a pas été approuvée. On a affiché de nouveau, le 22 septembre 1865, et le Moniteur a reproduit un avis annonçant cette nouvelle adjudication.

Pas de réclamation encore ; personne ne réclame. Ce n'est pas tout, une troisième adjudication est annoncée, le 31 octobre des affiches sont placardées de nouveau ; l'adjudication a lieu le 22 décembre.

Personne ne réclame.

Et tout à coup lorsque l'écluse à sas est en voie de construction, on vient réclamer. Je dis que cela ne se conçoit pas, et puisque ce sont mes amis qui ont signé la pétition, je leur dis : Vous arrivez trop tard : vous deviez nous éclairer plus tôt.

Lorsque j'ai vu la première affiche, j'ai demandé pourquoi l'on mettait l'écluse à Constantin ; et on m'a répondu, non pas que l'honorable M. Dumortier en avait donné l'idée...

M. Dumortierµ. - Vous n'aviez pas encore inventé celle-là.

M. Allardµ. - On n'a pas cité votre nom, mais on m'a dit ceci : Nous ne pouvions pas construire l'écluse à sas près du barrage de Meir, d'abord, parce que ce barrage ne tient plus, et, en second lieu, parce que nous n'aurions pas eu assez d'eau. Si nous avions pu, nous l'aurions construit en face de Ramegnies-Chin. Cela n'empêche pas que je regrette que cette écluse ait été construite aussi loin de Tournai.

Je le dis à regret, mes amis auraient bien dû venir entretenir les députés de Tournai de cette affaire, au lieu d'aller trouver l'honorable M. Dumortier, député de Roulers. (Interruption.)

C'est donc à tort qu'un journal de Tournai a dit qu'il regrettait de devoir exprimer son étonnement de ce qu'aucun représentant nommé par Tournai n'ait jugé à propos de prendre la parole dans cette grave circonstance.

(page 198) M. Dumortierµ. - Il paraît que l'honorable M. Allard a trouvé la pierre philosophale ; il a inventé que c'est moi qui suis cause de ce qui se passe à Tournai, et il cite un discours que j'ai prononcé ; et dans ce discours je soutenais précisément le contraire. Qu'est-ce que j'ai demandé ? La canalisation de la petite rivière pour former un bassin qui pût servir à amasser une réserve d'eau et en même temps servir de bond d'eau pour la rame. Au lieu de faire la canalisation de la petite rivière en amont de l'écluse existante, que fait-on ? On ne fait rien pour la petite rivière et on fait avec l'Escaut un bassin. En un mot c'est le système opposé à celui que j'ai soutenu. Et il se trouve que M. Allard vient dire : C'est M. Dumorlter qui est cause de tout ce qui arrive.

Mais, dit l'honorable membre, mes amis ont un grand tort, ils ont remis leur pétition à M. Dumortier, au lieu de la remettre à moi. Je le demande, messieurs, qu'est-ce que cela prouve ? Si les amis de M. Allard, si les parents de M. Bara se sont adressés à moi, c'est que probablement ils ont pensé que vous n'aviez pas pris leur défense en temps utile.

Ce que je tiens à constater, messieurs, c'est que M. Allard a grand tort de venir prétendre que c'est moi qui ai donné l'idée du travail qu'il déplore, tandis que j'ai proposé un travail tout à fait contraire.

Je soutiens encore que le système que j'ai défendu était le meilleur ; il répondait à tous les besoins ; tandis que le système qui a été adopté est un système déplorable, qui ne satisfera personne et qui nuira à tous les intérêts.

MtpVSµ. - Messieurs, en présence de la persistance que met l'honorable M. Dumortier à renouveler ses critiques et l'exposé de ses griefs quant à l'écluse de Constantin, je suis bien obligé de répéter les réponses que j'ai eu l'honneur de lui faire à différentes reprises.

L'honorable rapporteur a constaté qu'à des dates qu'il a indiquées, des discussions se sont élevées à ce sujet. Je pourrais m'y référer. Je préfère rappeler sommairement les arguments que j'ai fait valoir.

Quels sont les griefs qu'on articule contre ce qui a été fait ? Car il s'agit aujourd'hui d'un fait accompli et un fait que, soit dit en passant, j'accomplirais encore si la position était entière.

M. Dumortierµ. - L'accompliriez-vous à Gand ?

MtpVSµ. - Si la situation était la même, je l'accomplirais à Gand. (Interruption.) Je discuterai cela quand vous le voudrez.

M. Coomansµ. - Après la séance.

MtpVSµ. - Après la séance, je réclame ma liberté.

Messieurs, la canalisation de l'Escaut depuis la frontière française jusqu'à Gand, toute canalisation en aval étant matériellement impossible, cette canalisation s'opère par la construction d'une série de barrages-écluses. Quelle est la situation actuelle ?

L'Escaut ne fournissant pas toujours assez d'eau pour qu'il y ait une navigation continue, il s'y fait une navigation intermittente par l'établissement de barrages d'intervalle en intervalle. La navigation s'effectue par l'abaissement de ces barrages, c'est-à-dire que quand il n'y a pas un volume d'eau suffisant, la navigation est interrompue forcément jusqu'au moment ou en amont de chaque barrage il y ait une quantité d'eau qui puisse transporter une série de bateaux, appelée rame.

Que faut-il faire pour substituer à cette navigation intermittente une navigation continue ? Il faut maintenir l’eau à un niveau constant, afin de permettre le passage des bateaux sans abaissement des barrages ; cela ne peut s'opérer que par le passage au travers d'écluses. On vient de construire une écluse en amont de Tournai, à Antoing. En aval de Tournai, immédiatement à la sortie de la ville, se trouvait établi un barrage. A ce barrage l'on substitue une écluse, placée à environ 3 kilomètres plus bas. Quel tort cela peut-il faire à la ville de Tournai ? Voilà la question.

On dit : Mais dès l'instant qu'on ne devra plus attendre l'abaissement du barrage de Meir, le bond d'eau si vous voulez, le bateau pourra passer tous les jours ; il ne devra plus s'arrêter à Tournai quelquefois pendant huit jours, et dès lors les bateliers n'y feront plus de dépenses. Qu'est-ce à dire ? Au fond, cela signifie qu'il faut laisser subsister les entraves à la navigation qui existent aujourd'hui, afin obliger les bateliers à faire des dépenses à Tournai. Je demande si c'est là un intérêt respectable, un intérêt avouable ?

M. Dumortierµ. - Il en est de même à Gand.

MtpVSµ. - A Gand ou est occupé à construire au-dessous de la ville, sur le bas Escaut, un barrage qui est exactement ce qu'on fait à Tournai.

M. Dumortierµ. - Où est-il ?

MtpVSµ. - Si vous connaissiez bien la ville de Gand, je vous dirais qu'il est établi à l'ancienne porte de Bruxelles.

M. Dumortierµ. - L'Escaut devrait encore faire le tour de la ville.

MtpVSµ. - Nous discuterons cette question dans un autre moment.

J'ai dit que le premier intérêt que l'on avait en vue était celui des débitants de toute espèce de la ville de Tournai, auxquels on veut que s'adressent les bateliers traversant la ville, en les y retenant de force.

Je demande, messieurs, ce que l'on dirait d'un système qui consisterait les jours de marché, dans une grande ville comme Bruxelles, par exemple, à interrompre la circulation des convois après les heures de marché afin d'obliger les gens venant au marché, à boire et à manger à Bruxelles.

Ce serait exactement la même chose.

Le second intérêt que l'on invoque est celui des pilotes. Qu'est-ce qui se pratique aujourd'hui ?

Actuellement lorsqu'on abaisse le barrage qui se trouve immédiatement à la sortie de Tournai, il s'établit entre Antoing et l'aval de Tournai un courant tellement violent que la navigation devient dangereuse à ce point dans la traversée de Tournai, que les bateliers sont obligés de se munir d'un pilote.

Les pilotes disent, suivant le langage que leur prête la pétition : La navigation ne sera plus dangereuse. Qu'allons-nous devenir ?

J'ai l'honneur de demander à la Chambre si ce point peut se discuter plus que le premier. Comment ! il faut laisser subsister des dangers afin que ceux qui vous aident à les éviter puissent réclamer leur salaire !

Mais, encore une fois, je le répète, cela n'est pas avouable.

Quel est le troisième intérêt que l'on invoque ? C'est l'intérêt hygiénique de la ville de Tournai.

Ici je conçois encore moins que l'on réclame que dans les deux cas précédents.

Chaque fois que le barrage à l'aval vient d'être abaissé, surtout en été, le lit du fleuve à Tournai est mis en partie à nu, et en même temps sont mis à nu tous les détritus qu'y déversent les égouts de la ville. Je n'ai pas besoin de dire qu'à ce moment il doit se dégager de l'Escaut des miasmes pestilentiels.

M. Dumortierµ. - Jamais, le courant de l'Escaut est bien trop rapide.

MtpVSµ. - M. Dumortier, je parle des jours où le bond d'eau vient d'avoir lieu où le barrage vient d'être baissé. Après ces jours, pendant un temps plus ou moins long, surtout pendant les chaleurs de l'été, le lit de l'Escaut reste en partie à sec.

Dorénavant, messieurs, il y aura d'une manière constante, dans la traversée de laà ville de Tournai, au delà de deux mètres d'eau, c'est-à-dire que l'établissement de l'écluse de Constantin doit singulièrement assainir la ville de Tournai.

Ceci n'est pas plus discutable que les autres points que je viens d'examiner.

M. Dumortierµ. - Je demande la parole.

MtpVSµ. - La chose la plus favorable qu'on pût faire pour la santé publique dans la ville de Tournai, c'est le travail qui s'opère.

Voilà, messieurs, les trois objections que l'on m'a faites. J'ai l'honneur de demander à la Chambre ce qu'il en reste ?

M. Dumortierµ. - Et les terres et les prairies ?

MtpVSµ. - Je ne puis parler de tout à la fois.

Maintenant, au point de vue des terres et des prairies voisines, que fera-t-on dans la vallée de l'Escaut ? On fera ce qu'on a fait dans la vallée de la Dendre sur les réclamations incessantes des propriétaires de cette vallée et à leur grande satisfaction, c'est-à-dire qu'on rendra leur valeur à ces prairies de l'Escaut qui ont beaucoup perdu dans ces dernières années, par suite de pénurie d'eau.

Demandez aux propriétaires de la vallée de la Dendre ce qu’ils pensent du système d'irrigation qui a été introduit par l'Etat comme corollaire de la canalisation de la Dendre.

Eh bien, messieurs, on fera pour la vallée de l'Escaut exactement ce que l'on a fait pour la vallée de la Dendre. Je comprendrais que vous (page 199) réclamiez cela comme une faveur, comme un droit, mais je ne comprends pas que vous protestiez contre ce que l'on se propose de faire.

Quant à la question du batelage, je trouve que l'honorable M. Barthélémy Dumortier est fort mal venu à articuler des plaintes quant au traitement que l'on ferait subir aux bateliers.

Comment, messieurs, c’est au moment où l'on dépense des sommes considérables à l'effet d'améliorer la navigation de l'Escaut, c'est au moment où l'honorable M. Dumortier proteste contre ces dépenses, comme faites trop exclusivement au profit de la navigation, qu'il vient arguer de l'intérêt des bateliers ! L'honorable membre est malvenu à prendre une pareille position ; elle ne lui appartient pas. Il plaide contre les bateliers et au nom de tous les intérêts où les bateliers sont sacrifiés.

II veut que, comme par le passé, les bateliers s'arrêtent à Tournai quelquefois pendant 8 ou 15 jours. De quel droit alors invoque-t-il l'intérêt des bateliers ?

Quant à la concurrence que le chemin de fer ferait au batelage, d'abord je dois faire remarquer que ce n'est pas le chemin de fer de l'Etat, mais le chemin de fer direct de Hainaut et Flandres, qui est à côté de l'Escaut, qui peut être intéressé dans la question.

Demandez aux actionnaires de ce chemin de fer si la concurrence de leur ligne est bien redoutable pour la navigation. Je crois que c'est plutôt le chemin de fer qui se plaint de la concurrence de la navigation que la navigation de la concurrence du chemin de fer.

Je dirai d'une manière générale, messieurs, avec offre de preuve, comme on dit au palais, que le prix de transport par chemin de fer de l'Etat est constamment plus élevé que le fret par la navigation. Cela résulte de la comparaison des tarifs du chemin de fer, qui sont suffisamment connus, avec le fret, qui est également connu par des publications hebdomadaires.

Je m'arrête, messieurs, je pense qu'il me suffisait d'indiquer simplement les réponses que j'ai faites en d'autres temps, d'une manière plus complète, aux critiques de l'honorable membre, pour n'avoir pas l'air de passer condamnation sur celle qu'il vient de reproduire encore dans cette séance.

M. Dumortierµ. - Messieurs, je trouve fort commode ce que vient de vous dire l'honorable ministre des travaux publics. Je conçois qu'il ne veuille point passer condamnation devant des objections qu'on lui fait contre des actes qu'il a accomplis ; mais l'honorable ministre avoue lui-même que l'on va retenir dans une ville les eaux constamment à l'élévation de 2 mètres, 2 1/2 mètres et il prétend que la salubrité publique n'en souffrira pas, et vous prétendez que l'écoulement des égouts de cette ville, qui seront constamment en dessous de ce niveau, se fera encore.

Quand vous soutenez de pareilles choses, vous soutenez le contraire de ce que chacun sait être vrai.

L'honorable ministre a dit encore que l'Escaut, en aval de Tournai, exhalait des miasmes. Jamais cela n'est arrivé. Le courant y est trop rapide pour avoir jamais laissé subsister quelque chose d'insalubre.

Il n'y avait pas de ville plus saine que Tournai. Par suite des travaux que l'on a exécutés, on va rendre l'Escaut insalubre, et l'on développera à Tournai des fièvres pestilentielles.

Voyez ce qui est arrivé à Liège.

Est-ce qu'après la canalisation de la Meuse la ville de Liège n'a pas été obligée de faire un égout latéral au fleuve ? La ville de Tournai sera obligée d'avoir deux égouts latéraux, un de chaque côté du fleuve. Voilà une dépense que vous allez créer et à laquelle la ville n'est pas en état de faire face. Ne venez donc pas dire que ce que vous avez fait est dans l'intérêt de la ville de Tournai.

Je dis que c'est une triste chose que de voir que dans cette administration des travaux publics toutes les questions ne sont examinées qu'au point de vue d'un seul intérêt, que tous les autres intérêts en cause ne sont pas examinés et que par suite ils sont méconnus.

Quant aux bateliers, je déclare nettement à M. le ministre des travaux publics qu'il n'oserait pts faire à Gand ce qu'il fait à Tournai.

- Les conclusions de la commission, qui sont le renvoi au ministre des travaux publics, sont adoptées.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Ternes le 8 mars 1867, le sieur Goffinet réclame contre la solution négative donnée par le département de l'intérieur à la question de savoir si la substitution réciproque est permise entre les miliciens de deux arrondissements réunis en vertu de la loi de 1848.

La Chambre est incompétente pour statuer sur cette pétition, qui a pour objet de permettre la substitution réciproque entre les miliciens de deux arrondissements réunis et administrés en vertu de la loi de 1848.

La députation permanente du conseil provincial du Luxembourg a seule l'autorité légale pour se prononcer sur l'admission des substituants. C'est à la cour de cassation que le pétitionnaire pouvait s'adresser si la décision prise par cette députation lui était préjudiciable.

La commission propose l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Mons, le 23 mars 1667, le sieur Gildemeester, ancien sous-officier, demande une augmentation de pension ou un secours.

Le pétitionnaire est un ancien sous-officier du 3ème régiment de ligne. Il a obtenu, en 1840, une pension pour infirmités et 25 années de service liquidée à la somme annuelle de cent cinquante francs. Il ne se plaint pas que ses droits à la pension aient été méconnus ni qu'une erreur se soit glissée dans la fixation du taux de celle-ci. 1Il se borne à demander un secours à la Chambre.

A une semblable requête la commission a dû opposer une fin de non-recevoir. Elle conclut en conséquence à l'ordre du jour.

M. Vleminckxµ. - Je demande le renvoi de la pétition à M. le ministre de la guerre. Il a à son budget des fonds sur lesquels il peut accorder des secours aux militaires dans le besoin, et le pétitionnaire m paraît dans ce cas.

M. Coomansµ. - J'ai déjà exprimé plusieurs fois le regret que les fonds dont peut disposer le département de la guerre pour indemnités aux victimes de la conscription ne soit pas plus considérable et je voudrais que tous les cas de préjudices essuyés par ces malheureux, donnassent lieu à indemnité. Sous ce rapport je ne puis qu'appuyer la proposition faite par M. Vleminckx. Mais je dois faire remarquer à la Chambre que très souvent depuis de longues années elle a passé à l'ordre du jour sur de pareilles demandes.

La Chambre veut-elle déroger à ces précédents ? J'y consens, mais alors pour être juste et ne rien préjuger il faudra qu'elle renvoie à M. le ministre de la guerre toutes les demandes de ce genre ; car il est bien entendu que nous ne préjugeons pas. Ne connaissant pas les faits, nous pouvons bien émettre un vœu en termes généraux, mais nous ne pouvons engager le département de la guerre à accorder le secours demandé.

Si donc on fait droit à la demande de M. Vleminckx, je constate qu'il faudra renvoyer toutes les demandes de ce genre à M. le ministre de la guerre, en d'autres termes qu'il deviendra inutile d'en faire l'objet de rapports.

M. Bouvier, rapporteurµ. - Je voulais précisément opposer à M. Vleminckx les raisons que vient de développer M. Coomans. Presque tous les pensionnés se plaignent de l'insuffisance de leur pension et M. Vleminckx lui-même a demandé à plusieurs reprises à M. le ministre des finances qu'il voulût bien examiner leurs doléances. Moi-même je me suis joint à lui pour obtenir une solution favorable à ces demandes que je crois fort justes. L'honorable ministre a répondu à M. Vleminckx et la question n'a pas encore obtenu de solution. Mais si les conclusions de la commission ne sont pas adoptées, nous allons verser dans les difficultés que vient de signaler M. Coomans ; la Chambre sera inondée de pareilles pétitions, car il ne faut pas oublier que ce n'est pas un militaire qui n'a pas été pensionné qui réclame un secours, mais bien un militaire pensionné et qui se trouve dans une position relativement moins malheureuse que beaucoup d'autres militaires qui n'ont pas obtenu de pension parce qu'ils n'avaient pas l'âge légalement requis.

Je persiste donc dans les conclusions proposées par la commission.

M. Vleminckxµ. - Je n'insiste pas.

- L'ordre du jour est prononcé.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Courtrai, le 11 mars 1867, le sieur Maes, milicien de la classe de 1863, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir du département de la guerre une réponse à sa demande d'autorisation de se marier.

La Chambre étant incompétente pour statuer sur de pareilles demandes, la commission vous propose l'ordre du jour.

M. Coomansµ. - Oui, la Chambre est incompétente, mais lorsqu'elle est à la veille d'apporter des modifications aux lois sur la milice, elle ferait sagement, je pense, d'exposer aux sections centrales les inconvénients les plus graves qui sont signalés dans l'application actuelle de (page 200) ces lois. Or, le refus d'autoriser le mariage des miliciens congédiés après deux ou trois ans de service actif, me paraît injustifiable et j'espère que ce refus ne sera pas maintenu dans la nouvelle législation.

Prononcer l'ordre du jour sur une demande de réforme de ce genre, ce serait en quelque sorte préjuger le maintien du plus criant abus qui existe aujourd'hui. (Interruption.) Je dis du plus criant abus, et si vous m'y forcez, je développerai cette thèse.

Il est déjà très douteux que vous ayez le droit d'empêcher des citoyens qui n'ont pas consenti à la perte ou même à l'ajournement de ce droit civique, de ce premier des droits naturels, il est très douteux que vous ayez le droit d'empêcher des miliciens non volontaires de se marier lorsqu'ils se trouvent dans les conditions prescrites par le code civil. Mais ce qui me paraît abominablement inique, c'est d'empêcher le mariage des miliciens pendant 6 ans, pendant plusieurs années après qu'ils sont congédiés, non congédiés définitivement, je le veux bien, mais congédiés provisoirement.

Il en résulte non seulement une iniquité réelle, mais encore de grands inconvénients au point de vue de la morale. II y a aujourd'hui des milliers de citoyens belges qui ont le désir, et ce qui vaut mieux, le devoir de se marier, et qui en sont empêchés par le gouvernement, dans quel intérêt, je l'ignore ; on n'a jamais pu le savoir.

Je conçois à la rigueur, non pas au point de vue du code civil, ni de la Constitution, mais au point de vue du code disciplinaire, que vous empêchiez les miliciens de se marier pendant les 2 1/2 ans qu'ils sont au service actif ; je ne reconnais pas la justice de cette défense, cependant je conviens qu'elle a au moins une certaine apparence de raison d'être ; mais lorsque après les avoir congédiés, après avoir déclaré que vous n'aurez plus besoin d'eux que dans des circonstances exceptionnelles, et qui depuis 37 ans ne se sont pas présentées, vous empêchez les miliciens d'exercer le plus précieux des droits naturels et civils, je dis que vous êtes en pleine injustice.

Par conséquent, je ne consentirai jamais à ce qu'on prononce l'ordre du jour sur une pareille pétition. Renvoyez-la à n'importe qui, fût-ce au département de la guerre ; mais ne l'expédiez pas aux oubliettes.

M. Bouvier, rapporteurµ. - Je maintiens la proposition d'ordre du jour et voici pourquoi...

M. Coomansµ. - Le véritable motif, c'est que je m'y oppose. (Interruption.) Il n'y en a pas d'autre.

M. Bouvier, rapporteurµ. - J'ai l'habitude d'être poli envers tout le monde, même envers l'honorable M. Coomans, et ce n'est point son observation peu bienveillante qui me fera départir de cette habitude. L'honorable membre est dans une erreur complète s'il pense que le motif qui me porte à maintenir les conclusions de la commission, c'est l'opposition qu'il y fait.

De quoi s'agit-il, messieurs ?

Le pétitionnaire s'adresse à la Chambre pour se plaindre de ce que M. le ministre de la guerre lui refuse l'autorisation de contracter mariage, sans même indiquer qu'il aurait porté atteinte aux lois concernant la milice ou que, lui pétitionnaire, fût victime d'un déni de justice, s'il n'a pas obtenu cette autorisation, et qu'il ne se trouvait pas dans les conditions légales d'âge pour qu'il l'obtînt.

Qu'est-ce que la Chambre a à voir dans un pareil refus dont rien n'indique, je le répète, l’illégalité ? Absolument rien. Si elle croyait devoir prendre une autre résolution, elle serait assaillie de semblables demandes sur lesquelles elle n'a ni le droit ni le pouvoir de statuer. Je persiste donc à demander la confirmation des conclusions de la commission des pétitions, qui est l'ordre du jour.

M. Coomansµ. - Je ne comprends vraiment pas que l'on vienne soutenir ici que le droit de pétition n'aurait de raison d'être que pour signaler des violations aux lois. C'est là une théorie complètement nouvelle. Si elle était vraie, mais, messieurs, nous ne recevrions guère de pétitions, et cependant il faudrait conclure du langage de l'honorable rapporteur que nos lois sont bien souvent violées, puisqu'il prétend qu'il faut passer à l'ordre du jour sur la pétition actuelle parce qu'elle ne signale pas une infraction à la loi.

Cette doctrine, messieurs, est insoutenable. Vous devez renvoyer à qui de droit toutes les pétitions qui ont un objet sérieux et qui sont convenablement rédigées.

Voilà la vérité ; et quand un citoyen, fût-ce un simple milicien, nous soumet une idée qui est bonne, nous devons la recueillir au passage et en faire le meilleur usage, comme notre devoir nous le prescrit. Or, vous devez reconnaître, messieurs, que je ne suis pas seul de mon avis dam cette occurrence ; ce n'est pas moi qui ai inventé cette réclamation contre l'abominable interdiction qui pèse sur 70,000 Belges Il est généralement reconnu que c'est une question très contestable que celle de savoir si le gouvernement peut et doit empêcher le mariage des miliciens qui ne sont plus en service actif. Or, si vous êtes de cet avis, vous devez reconnaître qu'il y a lieu de renvoyer la pétition, soit à l'une des dernières sections centrales, soit à M. le ministre de la guerre. Je vous laisse le choix, mais je vous demande d'épargner au pays et à l'armée le spectacle d'un déni de justice.

M. Bouvier, rapporteurµ. - Je ferai remarquer à la Chambre que l'honorable M. Coomans fait la critique de la loi d'organisation qui est actuellement en vigueur. D'après les lois existantes, les miliciens ne peuvent se marier qu'après un certain nombre d'années passées au service.

M. Coomansµ. - Cela est inexact, j'ai obtenu des autorisations de mariage pour des miliciens qui n'étaient incorporés que depuis quatre ans.

M. Bouvier, rapporteurµ. - C'est sans doute une faveur que vous avez obtenue, mais je répète que ce n'est qu'après un certain nombre d'années que les miliciens peuvent se marier.

C'est donc la critique de la loi d'organisation actuelle que vous faites. Eh bien, la Chambre sera bientôt saisie d'un nouveau projet d'organisation ; ce sera donc le moment de présenter ces critiques et de. chercher à faire prévaloir un système nouveau et la théorie dont vous venez de faire étalage devant la Chambre. Mais, je le répète, dans le cas actuel, il s'agit d'un milicien qui ne se trouve pas dans les conditions légales pour se marier, qui n'allègue en aucune façon que M. le ministre de la guerre aurait enfreint la loi existante ; dès lors je persiste à penser que la Chambre est incompétente pour statuer sur une demande d'autorisation de mariage et je maintiens résolument et fermement les conclusions, qui sont l'ordre du jour.

M. Coomansµ. - J'attache de l'importance à l'incident, et comme la Chambre n'est plus en nombre, comme elle ne compte en ce moment qu'une cinquantaine de membres, je m'oppose à ce qu'on vote aujourd'hui sur les conclusions de la commission.

MpDµ. - Avant de déclarer que la Chambre n'est plus en nombre, il faudrait le constater régulièrement.

M. Coomansµ. - Je viens de compter les membres présents.

M. Ortsµ. - Demandez l'appel nominal.

MpDµ. - M. Coomans, faites-vous une proposition ?

M. Coomansµ. - Oui, M. le président ; je demande que la pétition soit renvoyée à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi de révision des lois de milice, et comme la Chambre n'est plus en nombre pour délibérer, je demande le renvoi du vote à mardi prochain.

MpDµ. - Il faut, je le répète, qu'un appel nominal ait lieu pour pouvoir déclarer avec certitude que la Chambre n'est plus en nombre ; et cet appel nominal doit être demandé par cinq membres au moins.

- Plus de cinq membres se lèvent.

MpDµ. - Il va être procédé à l'appel nominal sur l'ordre du jour proposé par la commission.

Il est procédé à cette opération.

En voici le résultat :

55 membres seulement répondent à l'appel nominal.

Ont répondu à l'appel nominal :

MM. Allard, Bara, Bouvier-Evenepoel, Broustin, Bruneau, Coomans, David, de Baillet-Latour, de Brouckere, De. Fré, de Haerne, Eug. de Kerckhove, de Macar, de Rongé, de Rossius, Descamps, de Terbecq, de Theux, Dethuin, Dewandre, Dolez, Dumortier, Dupont, d'Ursel, Elias, Frère-Orban, Gerrits, Hayez, Jacquemyns, Lange, Lippens, Magherman, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Orts, Preud'homme, Sabatier, Thienpont. Thonissen, T’Serstevens, Alp. 'Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Overloop, Van Renynghe, Verwilghen, Vilain XIIlI, Vleminckx, Warocqué et Watteeu.

(page 201) Membres absents sans congé :

MM. Ansiau, Anspach, Beeckman, Braconier, Bricoult, Carlier, Couvreur, de Coninck, Delcour, de Lexhy, d'Elhoungne, de Liedekerke, de Maere, de Moor, de Smedt, de Vrière, de Zerezo de Tejada, Funck, Guillery, Hagemans, Hymans, Janssens, Jamar, Jonet, Kervyn de Lettenhove, Lambert, Landeloos, Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Mièvre, Lesoinne, Liénart, Mascart, Nélis, Notelteirs, Nothomb, Orban, Pirmez, Reynaert, Rogier, Royer de Behr, Schollaert, Tesch, Thibaut, Valckenaere, Van Cromphaut, Vander Maesen, Van Iseghem, Van Wambeke, Vermeire, Wasseige et Wouters.

Membres absents par congé :

MM. Crombez, Rodenbach, de Woelmont, Van Nieuwenhuyse, Le Bailly de Tilleghem, de Florisone, Jacobs, Tack, Julliot, Snoy, Dubois d'Aische, de Muelenaere, Delaet, d'Hane-Steenhuyse, de Kerchove de Denterghem, de Naeyer et Jouret.

Les membres présents se séparent à 3 heures et demie.