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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 24 janvier 1868

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1867-1868)

(Présidence de M. Moreau, premier vice-présidentµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 469) M. Reynaert, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Moor, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Reynaertµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Van Lierden appelle l'attention de la Chambre sur des cours du soir que la ville de Bruxelles fait donner à l'Université et demande la répression de l'abus qu'il signale. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants des Haies de Nalinnes prient la Chambre de statuer sur leur pétition tendante à ce que ce hameau soit séparé de Nalinnes pour être érigé en commune distincte. »

M. T'Serstevensµ. - Je demande que la commission des pétitions soit invitée à faire un prompt rapport sur cette requête. La même pétition nous a été adressée au mois de mars 1867 et a été renvoyée à la commission des pétitions ; mais jusqu'à présent la Chambre n'a été saisie d'aucun rapport.

- Adopté.


« Par trois pétitions, des habitants de Quiévrain demandent l'exécution de la loi sur les inhumations et la cessation du concours du clergé aux cérémonies religieuses. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Par trois pétitions, des habitants de Quiévrain demandent le retrait de la loi du 23 septembre 1842. »

- Même décision.


« Des habitants de Marvie réclament l'intervention de la Chambre pour forcer la compagnie du Grand-Luxembourg à exécuter, sans délai, l'embranchement de chemin de fer qui doit relier Bastogne à la ligne d'Arlon à Bruxelles. »

- Même décision.


« Le conseil communal de Vaux et Borset demande la suppression des barrières sur la route de Huy à Tirlemont. »

« Même demande des conseils communaux de Hannut et Vinalmont. »

- Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.


« Des habitants de Calmpthout protestent contre les propositions de la commission militaire et demandent que le gouvernement soit invité à présenter un projet de loi qui abolisse le tirage au sort pour la milice. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des projets de lois militaires et renvoi à la section centrale du projet de loi sur la milice.


« Des habitants de Lowaige demandent le rejet des propositions relatives à l'aggravation des charges militaires et prient la Chambre, si elle se prononce pour une nouvelle organisation de l'armée, de porter son attention sur la suppression de la conscription. »

« Même demande d'habitants de Coninxheim et Dilsen. »

- Même décision.


« Des habitants d'Oombergen demandent le rejet de toute augmentation des charges militaires et la révision des lois sur la milice. »

- Même décision.


« Des ouvriers de différentes communes demandent l'abolition des lois de milice, la suppression des armées permanentes et la réalisation de leurs droits de citoyen. »

- Même décision.


« Des habitants de Charneux demandent le rejet des nouvelles charges militaires, l'abolition de la conscription et l'organisation de la force publique d'après des principes qui permettent une large réduction du budget de la guerre. »

« Même demande d'habitants de Battice et Herstappe. »

- Même décision.


« Par trois pétitions, des habitants de Hoorebeke demandent le rejet du projet de loi qui augmente les charges militaires. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des projets de lois militaires.


« Le sieur Decoy demande le rejet du projet de loi qui augmente les charges militaires et prie la Chambre d’aviser au moyen d’abolir les pensions civiles et militaires à l’exception de celles des miliciens. »

- Même dépôt.


« Des habitants de Russon demandent le rejet du projet de réorganisation militaire. »

« Même demande d'habitants de Herve, Sclayn, Ozon, Izier, Verlaine et Waremme. »

- Même dépôt.


« Des habitants de communes non dénommées prient la Chambre de rejeter le projet de loi qui augmente le contingent de l'armée. »

« Même demande d'habitants de Vurste, Hoorebeke et par trois pétitions de Hoorebeke-Sainte-Marie. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« M. le gouverneur du Hainaut transmet à la Chambre 124 exemplaires de l'annexe au rapport annuel de la députation permanente sur la situation administrative de la province de Hainaut, pondant l'année 1866. » .

- Distribution aux membres de la Chambre.


« Il est fait hommage à la Chambre par M. le capitaine d'infanterie M. J. V..., d'un exemplaire d'un manuel pratique du soldat en campagne. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« M. de Macar, obligé de s'absenter pour affaires urgentes, demande un congé d'un jour. »

- Accordé.

Projet de loi relatif à la translation en voiture des prévenus, accusés et condamnés

Dépôt

MjBµ. - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau un projet de loi autorisant le gouvernement à prendre des mesures pour la translation en voiture des prévenus, accusés ou condamnés et pour le payement des frais qui en résulteront.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi, qui sera imprimé, distribué et renvoyé à l'examen des sections.

Rapport sur une pétition

Rapport de la commission des pétitions sur la nomination d’office d’une institutrice communale à Enghien

MpMoreauµ. - Voici le rapport qui a été présenté par M. Vander Donckt au nom de la commission des pétitions :

Messieurs, la pétition sur laquelle j'ai l'honneur de vous présenter le rapport n'implique pas seulement une question de personnes, il ne s'agit pas seulement de savoir si la demoiselle Ponsaerts ou la demoiselle Malfait sera institutrice à Enghien, c'est une question qui intéresse la liberté communale dans la nomination et le choix du personnel enseignant dans toutes les communes du royaume.

(page 470) L'administration communale se plaint de la nomination d'office d'une institutrice à Enghien. Ici je dois faire à la Chambre un exposé de la situation de l'enseignement des filles à Enghien.

Il y a une institution religieuse pour l'enseignement des jeunes gens du sexe et il y avait une deuxième institution laïque, tenue par la dame Deblende, qui est décédée.

Le conseil communal, par sa résolution du 1er octobre dernier, a nommé, sous l'approbation de l'autorité supérieure, la demoiselle Ponsaerts, religieuse non diplômée, eu remplacement de la dame Deblende.

L'autorité provinciale, sans faire connaître à l'administration communale si elle approuvait ou improuvait cette nomination, après le délai de quarante jours, a passé outre à la nomination d'office de la demoiselle Malfait à la place d'institutrice à Enghien.

L'administration communale a réclamé auprès du ministre de l'intérieur contre cette nomination, mais ce haut fonctionnaire a maintenu la nomination.

Maintenant les pétitionnaires s'adressent à la Chambre ; ils prétendent que l'article 10 de la loi de 1842 a été violé ;

Que le droit de nomination leur appartient, en vertu des dispositions de l'article 84 de la loi communale et de l'article 10 de la loi de 1842

Qu'en fait, dans la nomination d'office, il y a eu piège et surprise.

De son côté, le sieur Toulez prétend que les dispositions de la loi de 1842 ont été manifestement violées.

Votre commission n'a pas cru devoir trancher la question ; toutefois, elle a été d'avis que l'autorité provinciale, par sa décision quelque peu précipitée, a justifié en quelque sorte le reproche de surprise qui lui a été adressé.

Votre commission a conclu au renvoi de ces pétitions à M. le ministre de l'intérieur avec demande d'explications.

MpMoreauµ. - La parole est à M. Bruneau.

M. Bruneauµ. - Je me propose de combattre les conclusions de la commission des pétitions ; peut-être conviendrait-il d'entendre d'abord un orateur disposé à les défendre. M. le ministre de l'intérieur a annoncé l'intention de défendre la résolution prise par le gouvernement, mais si des orateurs ayant l'intention de les combattre étaient inscrits, je préférerais qu'ils fussent d'abord entendus. Au surplus, je suis aux ordres de la Chambre. /

MpMoreauµ. - J'accorderai donc la parole à M. de Woelmont.

M. de Woelmontµ. - Le 25 août 1867, ainsi que vous le savez, décéda à Enghien l'institutrice communale, Mlle Deblende. L'administration de cette localité s'empressa de faire part de cette nouvelle à M. le gouverneur de la province ; de plus, pour suivre les instructions ministérielles du 1er décembre 1848, elle pria ce haut fonctionnaire de vouloir, sur sa proposition, faire connaître, par la voie du Moniteur et des journaux, que cette place d'institutrice était vacante.

M. le gouverneur fit donc savoir par la presse que les personnes qui désiraient remplir cette vacature avaient, jusqu'au 25 septembre, la faculté d'adresser leurs demandes au conseil, et d'y faire valoir leurs titres.

Dès le 1er octobre, c'est-à-dire 5 jours après la clôture de l'admission des demandes des candidats, trente-six jours après le décès de l'institutrice, ou, en d'autres termes, quatre jours avant la fin du délai fixé par la loi, le conseil communal d'Enghien, à l'unanimité des huit membres présents, nomma, sous approbation du gouvernement, une nouvelle institutrice.

Cette personne, connue avantageusement depuis longtemps dans la localité, ne possédait pas de diplôme. C'est à cause de cette dernière condition ou particularité, que le conseil communal d'Enghien n'ayant pas, d'après la loi du 25 septembre 1842, le pouvoir d'attacher définitivement cette institutrice à l'école de la ville, dut demander au gouvernement l'approbation de cette nomination.

Le conseil communal envoya donc la notification de sa délibération à M. le commissaire d'arrondissement. Celui-ci fit parvenir cette pièce à M. le gouverneur. Enfin, ce haut-fonctionnaire, après avoir reçu l'avis de M. l'inspecteur provincial, prit un arrêté dont vous connaissez la teneur.

M. le gouverneur du Hainaut met à néant la délibération du conseil communal pour les raisons suivantes :

1° Parce que l'institutrice nommée n'est pas diplômée.

2° Parce que la ville d'Enghien possède déjà plusieurs écoles de filles tenues par des personnes appartenant à des corporations religieuses, et que cela modifierait un état de choses existant depuis longtemps dans cette localité.

3° Parce qu'il lui est parvenu une pétition signée par des habitants de la ville réclamant contre la décision de l'autorité communale.

L'arrêté de M. le gouverneur a été pris à la suite du rapport de M. le commissaire d'arrondissement, et de celui de M. l'inspecteur provincial qui formulait ses propositions et son avis sur le choix à faire dans le cas d'une nomination d'office.

Après avoir rappelé les motifs allégués par M. le gouverneur du Hainaut, scrutons la valeur de ses arguments, au point de vue de la légalité, et voyons donc si les représentants du gouvernement n'ont pas outrepassé leurs pouvoirs, lésé les prérogatives du conseil communal de la ville d'Enghien, et porté une atteinte grave au texte et à l'esprit de la loi de 1842, sur l’instruction primaire.

Examinons le premier motif invoqué par M. le gouverneur, et pour cela recourons au texte de la loi qui règle cette matière. L'article 10 dit que la nomination des instituteurs communaux a lieu par le conseil communal, conformément à l'article 64, n°10, de la loi communale du 30 mars 1836. De plus, il est dit à cet article que : « le conseil peut prendre les instituteurs et les institutrices où il le veut, qu'ils soient ou non pourvus d'un diplôme. »

Il est hors de contestation, je crois, que, dans le premier cas, dans celui où le candidat instituteur nommé par la commune possède un diplôme, le conseil communal n'a pas besoin du consentement du gouvernement pour voir sa nomination agréée et validée.

Le conseil donne communication au gouvernement de sa délibération et du choix qu'il a fait ; cette formalité accomplie, aucun pouvoir ne peut venir à l’encontre de sa décision.

Dans le second cas, qui est celui dont nous devons nous occuper, que prescrit la loi, lorsque le titulaire n'a pas de diplôme ?

La loi dit : « qu'il faut que le conseil demande au gouvernement l'autorisation. » La loi ne dit pas si cette autorisation doit être préalable ou subséquente, c'est-à-dire, si le conseil doit demander au gouvernement cette autorisation avant d'avoir fait son choix, ou après avoir fait son choix et sa nomination. Voici à cet égard comment est conçu le deuxième paragraphe de l'article 10 : « Toutefois, les conseils communaux pourront, avec l'autorisation du gouvernement, choisir des candidats ne justifiant pas de l'accomplissement de cette condition (celle d'être diplômé). »

La discussion qui a eu lieu dans la séance du 30 août 1842 (Moniteur, t. 23, n°242), donne des explications claires à ce sujet. M. Nothomb, l'auteur de la loi, disait : Que les communes pouvaient demander au gouvernement, soit l'autorisation préalable, soit l'autorisation subséquente.

Ceci revient à dire que, dans la première hypothèse, le conseil doit demander au gouvernement s'il consent à ce que la commune puisse nommer définitivement un instituteur non diplômé sur lequel l'administration communale aurait jeté ses vues.

Dans la seconde hypothèse, le conseil doit demander au gouvernement, si le candidat non diplômé qu'il a nommé offre toutes les garanties de capacités nécessaires, et, si lui, gouvernement, accepte et agrée la nomination faite par l'autorité communale.

Je vous ferai remarquer, messieurs, que ce mode de procéder à la nomination des instituteurs non diplômés a déjà été trouvé bon, deux fois, par M. le gouverneur du Hainaut, et cela précisément dans la commune d'Enghien ! Pourquoi ce défaut de mémoire de la part du gouvernement ? Du reste, pour que cette approbation subséquente ait un sens et une raison d'être, il s'ensuivrait, ainsi que cela a été confirmé par la pratique, que le gouvernement devrait s'enquérir, par un examen, si le titulaire possède les connaissances nécessaires pour donner l'instruction avec fruit.

Le candidat a-t-il le mérite voulu, la nomination est approuvée ; dans le cas contraire, n'offre-t-il pas les garanties nécessaires pour donner l'instruction, la nomination est rejetée.

Il en résulte que pour rester dans l'esprit de la loi du 23 septembre 1842 et de celle du 30 mars 1836, pour ne pas enlever aux communes le droit de nommer leurs instituteurs et leurs institutrices, le gouvernement doit informer l'autorité locale du motif de son refus, et inviter celle-ci à procéder à une nouvelle nomination. La loi a prévu ce cas et a donné au gouvernement la latitude de pouvoir accorder un délai dont il fixe le terme.

Pourquoi, me direz-vous, le gouvernement doit-il agir ainsi ? Parce (page 471) que la raison, la pratique et les instructions ministérielles indiquent cette marche.

Le gouvernement, avant tout, doit respecter la première disposition de la loi sur l'instruction primaire, qui reconnaît au conseil communal le droit de nommer ses instituteurs et ses institutrices.

Le gouvernement ne peut anéantir le droit des communes, cela est incontestable ; sinon, on en arriverait à la confusion des pouvoirs et au despotisme gouvernemental.

Mais, me direz vous, vous oubliez la restriction contenue dans l'article 12 de la loi du 23 septembre 1842.

Non.

La, je ne reconnais au gouvernement le pouvoir de substituer son autorité au droit de la commune que dans un seul cas ; et encore ce cas doit-il avoir l'un ou l'autre des deux caractères spéciaux qui ont été définis dans le rapport de M. le baron Dellafaille.

Voyons, d'abord, comment est conçu l'article 12. « En cas de vacance d'une place d'instituteur, soit par révocation soit autrement, le conseil communal sera tenu de procéder au remplacement dans les 40 jours, sauf fixation par le gouvernement d'un délai plus long ; passé le terme de 40 jours, ou le terme fixé par le gouvernement, il sera procédé d'office par celui-ci à la nomination. »

De quelle manière s'exprime à ce sujet le rapport de M. le baron Dellafaille, produit dans la séance du 12 août 1842 ?

L'honorable sénateur disait : « Le gouvernement n'a le droit de pourvoir (à la nomination d'office des instituteurs) qu'au cas où le conseil communal négligerait de remplir les places vacantes, soit par simple négligence, soit pour se soustraire à la charge qui lui incombe. »

Le conseil communal a-t-il négligé de remplir la place vacante ? Non, puisqu'il y a une titulaire nommée, mademoiselle Ponsaerts.

Ce même conseil a-t-il voulu se soustraire à une charge communale ? Evidemment non. Le choix fait le 36ème jour prouve clairement que l'on voulait doter l'école d'une institutrice religieuse, moyennant la rétribution portée au budget communal.

Ainsi tombe à néant la première raison invoquée par M. le gouverneur du Hainaut.

Le second moyen allégué pour annuler la délibération du conseil communal consiste à dire qu'il y a déjà à Enghien plusieurs écoles de filles dirigées par des religieuses.

Cette assertion renferme une exagération ; il n'y a dans cette localité qu'une école adoptée et une salle d'asile. Franchement, ce dernier local mérite peu le nom d'école.

Du reste, y en aurait-il plusieurs, en vertu de quel article, et en vertu de quelle disposition de la loi, le gouvernement pourrait-il invoquer ce moyen pour ne pas approuver la nomination d'une institutrice ?

Pourquoi M. le gouverneur vient-il contrecarrer la décision d'un conseil communal prise à l'unanimité de ses membres ?

Pourquoi ce fonctionnaire vient-il froisser la majorité des habitants de cette ville qui manifestent si spontanément leurs sentiments par l'organe de leurs mandataires ?

C'est en vain que l'on chercherait dans le texte de la loi une disposition autorisant une semblable interprétation.

Je serais curieux d'ailleurs de voir M. le gouverneur appliquer cette doctrine aux administrations libérales de sa province. Je l'en défie.

La troisième raison que M. le gouverneur donne pour motiver son arrêté, c'est qu'il a reçu une pétition de quelques notables d'Enghien.

Comme cette raison ne prouve rien et qu'elle peut être invoquée dans toutes les causes bonnes et mauvaises, je ne m'en occuperai pas.

Quant au rapport de M. le commissaire d'arrondissement, et quant à celui de M. l'inspecteur provincial, qui recommande tel candidat, dans le cas où l'on procéderait à une nomination d'office, je ne puis les juger, vu qu'ils n'ont pas même été produits dans cette exécution sommaire.

Ainsi, d'une part, d'après le texte des lois de 1842 et de 1836, de l'autre, d'après les explications fournies par le ministre, auteur de la loi, et par le rapport de la section centrale, le conseil communal avait évidemment le droit de choisir une institutrice non diplômée où il le voulait ; de plus, il avait le droit de faire agréer son choix par le gouvernement.

Enfin, les formalités requises ont été accomplies dans le délai fixé, la nomination ayant été faite et produite le 36ème jour après le décès de Mlle Deblende.

L'administration communale d'Enghien, en présence de la mesure prise d'office contre elle, et de l'arrêté qui lésait si manifestement ses droits, interjeta appel auprès de M, le ministre de l'intérieur, M. Vandenpeereboom.

Celui-ci fit notifier au conseil communal d'Enghien, par l'intermédiaire de M. le commissaire d'arrondissement, que la nomination, faite d'office par M. le gouverneur du Hainaut, devait être maintenue, parce que celle qui avait été faite par ce conseil n'était pas valable et n'avait pas été produite dans le délai des quarante jours prescrit par la loi.

M. le ministre Vandenpeereboom approuva la conduite de M. le gouverneur sur ce simple mot : que la nomination n'est pas valable, et sur cette simple allégation : que le délai de quarante jours est expiré.

Permettez-moi de vous le dire, M. le ministre a avancé tout cela sans prouver la moindre chose.

En présence de ce nouvel arrêté, et de la conduite de M. Vandenpeereboom, le conseil communal de la ville d'Enghien crut de son devoir et de sa dignité de venir protester devant les Chambres et devant le pays.

Il vous fit donc parvenir la pétition qui vous a été remise.

Je vais maintenant, à mon tour, tâcher de démontrer à la Chambre que l'administration communale, en nommant Mlle Ponsaert en qualité d'institutrice, a suivi les prescriptions de la loi, et a fait une nomination régulière et valable, dans le délai exigé par la loi.

C'est ici que gît, selon moi, tout le débat.

M. le ministre s'est contenté de dire que la nomination n'était ni valable ni régulièrement faite ; mais il s'est bien abstenu de le démontrer et de réfuter un seul des arguments renfermés dans la pétition ; aussi, suis-je autorisé à dire qu'ils restent tous debout.

Dans votre dépêche, vous dites, M. Vandenpeereboom, que la nomination n'est pas valable ; mais c'est bien ce qu'on aurait voulu que vous eussiez démontré et prouvé. Du reste, ni M. le commissaire d'arrondissement, ni M. l'inspecteur, ni M. le gouverneur, pas plus que M. le ministre, ne savent motiver d'une manière légale l'arrêté qui annule.la délibération que nous connaissons. Ce n'est qu'au moyen de subtilités de langage et d'interprétations inimaginables et introuvables, que l'on cherche aujourd'hui à nous donner le change.

J'ai déjà prouvé :

1° Que la commune avait le droit de nommer une institutrice, suivant l'article 84 de la loi communale ;

2° Que, d'après la loi du 23 septembre 1842, article 10, il n'est pas nécessaire que l'institutrice soit diplômée ;

3° Qu'il faut que, dans ce cas, la nomination soit simplement agréée par le gouvernement ;

4° Qu'on a choisi le mode de l'agréation après la nomination, ainsi que l'autorise l'auteur de la loi ;

5° Que cette présentation à l'agréation a été faite le trente-sixième jour après le décès de l'institutrice.

Donc, toutes les prescriptions de la loi ayant été observées, j'en conclus, encore une fois, que la nomination est valable, tant dans le fond que dans la forme.

L'article 12 de la loi de 1842 porte : « Que le conseil communal sera tenu de procéder au remplacement dans les quarante jours. » La loi ne dit pas que la nomination doit être agréée, ou approuvée, ou complète dans les quarante jours ; elle n'emploie pas davantage l'expression choisie par M. le ministre de l'intérieur que : la nomination doit être valable. Rien de tout cela ne se trouve dans la loi, ni dans le compte rendu de la discussion qui a eu lieu au sein des deux Chambres, à propos de l'article 12.

Ne. faites pas dire à la loi ce qu'elle ne dit pas, et ne lui prêtez pas ce qu'elle ne peut contenir, sans venir se heurter contre la disposition de la loi organique du 30 mars 1836.

Quelles seraient les conséquences de l'application de cette interprétation dans la pratique ? Voyons si le système du gouvernement consistant à prétendre que la nomination, pour être valable, doit être approuvée par lui, et cela, dans le délai de 40 jours, peut être sérieusement soutenu. Quelles seraient les conséquences de cette interprétation, si elle était admise ? Qu'adviendrait-il de la loi communale et de la disposition de l'article 84 de cette loi ?

Le gouvernement ayant le pouvoir de ne pas autoriser la nomination d'un candidat instituteur non diplômé, il s'ensuivait, pas ce seul fait et celui de négliger de répondre à la commune qui vient de nommer un candidat dans ces conditions, que le gouvernement pourrait toujours confisquer à son avantage une prérogative communale.

Ainsi, grâce au mauvais vouloir et aux supercheries des agents du gouvernement, ceux-ci pourraient substituer leur autorité au droit des communes ! Cela est-il admissible et soutenable ? Non. Ce que je dis est tellement vrai que M. le baron Dellafaille, dans son rapport au Sénat, pour prévenir cet abus de pouvoir de la part du gouvernement, a fait (page 472) connaître le seul cas dans lequel le gouvernement pouvait substituer son autorité au droit des communes ; ce cas, c'était celui où l'administration communale négligerait de remplir les places vacantes, soit par simple négligence, soit pour se soustraire à la charge qui lui incombe.

Il arriverait, sinon, en fait, que le droit de nommer des instituteurs non diplômés deviendrait illusoire. En 1862, que disait a la tribune M. le ministre de l'intérieur : qu'il y avait en Belgique 179 instituteurs et 193 institutrices non diplômés. Vous voyez d'après cela combien les communes usent du droit de prendre leurs instituteurs comme il leur convient, et d'après cela, jugez combien elles pourraient être molestées par le gouvernement, et être lésées dans leurs prérogatives.

Vous admettrez, avec moi, qu'une administration communale ne peut, du jour au lendemain, remplacer un instituteur décédé ; surtout, s'il y a des formalités d'agréation à demander au gouvernement. Vous devez admettre également que le conseil est obligé de faire connaître aux intéressés qu'une place d'instituteur est vacante, qu'il doit leur accorder un délai, examiner les titres, prendre des informations, enfin formuler son opinion en faisant son choix.

Je le répète, d'après l'instruction du 1er décembre 1848, nous savons que c'est M. le gouverneur qui fixe le nombre de jours qu'ont les postulants pour produire leurs titres et leurs demandes.

Le conseil, s'il nomme un candidat non diplômé, doit en demander l'approbation au gouvernement ; si ce dernier accepte le candidat, la nomination du conseil est validée ; par contre, si le gouvernement refuse, on pourra venir dire que cette nomination, faite dans les mêmes conditions, n'est pas valable ! que la commune a négligé de remplacer l'instituteur, et qu'elle n'a rien fait pour remplir la place vacante !

Ceci démontre le vice de la théorie suivie par M. le ministre Vandenpeereboom.. Ainsi donc, si le gouvernement accepte la nomination d'un candidat non diplômé, la commune aura fait acte de diligence, ce qui a été le cas, en 1863, pour la commune d'Enghien ; mais, si, par malheur, un conseil présente un titulaire que le gouvernement n'agrée pas, la commune est taxée d'incurie, de négligence et accusée d'avoir cherché à échapper à une charge qui lui incombait ! Est-ce logique ?

L'acte d'acceptation ou de refus de la part du gouvernement pourra changer ou dénaturer les caractères d'un seul et même fait matériel. Le fait de ne pas approuver une chose implique l'idée d'une demande préexistante au refus.

Vous me direz que cette demande devait avoir tous les caractères d'une demande valable ; mais, si cela était, il n'y aurait pas lieu de demander une approbation au gouvernement, il suffirait d'une notification. C'est précisément parce que la nomination peut ne pas offrir tous les caractères de sécurité et de confiance que la loi exige, de la part des communes, une nomination suivie d'une approbation. Mais dans quel but la loi permet-elle au gouvernement d'accorder un délai après l'expiration des 40 jours ?

Ceci prouve, une fois de plus, que, pour qu'une nomination soit réelle et valable, il suffit que le conseil ait fait un choix.

Chaque fois qu'il y aurait une contestation entre un conseil et le gouvernement, celui-ci pourrait laisser passer le délai légal, comme l'a fait, dans ce cas, M. le gouverneur. Est-ce admissible ?

Au moyen de cette supercherie, on pourra réduire à néant le droit des communes. C'est le gouvernement qui substituera son autorité au droit du conseil. Le gouvernement enlèvera ainsi une fois de plus, par une mesure subreptice, une prérogative et une attribution communale au profit de la centralisation administrative ; que devient donc la disposition de l'article 83 de la loi du 30 mars 1836 ?

Or, est-ce pour arriver au résultat que j'indique que la loi a obligé les conseils à procéder dans les quarante jours au remplacement des instituteurs faisant défaut ? Evidemment non. La loi n'a voulu donner une arme au gouvernement que dans le cas où une administration n'aurait donné aucun signe de vie, aurait oublié les devoirs qui lui incombent, et aurait, par une négligence, un mauvais vouloir impardonnable, abdiqué tous ses droits.

D'après les faits établis, il est notoire et incontestable que si le gouvernement n'avait pas fait une opposition systématique et approuvé une nomination faite d'office, illégalement, la demoiselle Ponsaerts serait depuis longtemps à la tête de l'établissement qui est resté fermé jusqu'aujourd'hui. Il faut avouer que le gouvernement comprend quelquefois singulièrement l'intérêt qu'il est appelé à sauvegarder.

La mission d'un gouvernement constitutionnel, c'est de pratiquer la conciliation et non la violence basée sur l'arbitraire. L'exercice du droit du gouvernement d'annuler des actes contraires aux lois a uniquement pour but de faire disparaître des abus de pouvoir, le gouvernement est appelé à remplir, dans l'ordre administratif, une mission analogue à celle que remplit la cour de cassation dans l'ordre judiciaire : il annule los actes contraires aux lois et à l'intérêt général ; mais il ne doit pas statuer sur le fond de l'affaire, et cela surtout quand la loi n'est pas manifestement violée.

Que le mode de nommer un instituteur communal non diplômé, en demandant l’autorisation préalable, soit préférable, ou qu'il ait été conseillé ou recommandé par le gouvernement, je ne le conteste pas ; mais là n'est pas la question.

Du reste, je laisse a mon honorable collègue M. le comte de Theux, le soin de réfuter les arguments qui ont été avancés par un journal ministériel et qui ne manqueront pas d'être reproduits ici par des membres de la majorité.

Avant tout, il s'agit de savoir si M. le gouverneur peut anéantir ou confisquer une prérogative communale, sous prétexte qu'une irrégularité dans le mode de nomination aurait été commise, alors que ce mode a été indiqué par M. Nothomb, et a reçu deux fois l'approbation de M. le gouverneur rien qu'à l'égard du conseil de la ville d'Enghien ? Evidemment, non.

Que le choix plût ou ne plût pas à M. le gouverneur ou à M. le ministre, là n'est pas la question.

M. le gouverneur avait le droit de ne pas approuver la nomination et de demander au conseil communal de faire un autre choix ; il avait de plus celui de provoquer l'annulation de la délibération, aux termes de l'article 87 de la loi communale. Mais, il est hors de doute que le droit de nommer d'office n'appartenait pas, dans ce cas, à M. le gouverneur.

En semblable circonstance, la conduite de ce haut fonctionnaire était toute tracée et d'une manière positive par la circulaire de M. Vandenpeereboom lui-même. Lisez sa dépêche à M. le gouverneur du Brabant, en date du 30 juin 1863.

Il s'agissait là, également, d'un instituteur non diplômé, nommé sans autorisation préalable du gouvernement, par le conseil communal de Bruxelles. C'est bien là un cas identique à celui d'Enghien. A ce sujet comment s'est exprimé M. le ministre Vandenpeereboom, dans sa dépêche, page 215, des pièces justificatives du septième rapport triennal ?

« J'estime, M. le gouverneur, qu'aussitôt après avoir reçu l'acte de nomination vous auriez dû en suspendre l'exécution, engager le conseil communal à procéder régulièrement, et, en cas de refus du conseil, proposer l'annulation par application de l'article 87 de la loi du 30 mars 1836. »

Or, M. le gouverneur du Hainaut a-t-il suivi en un seul point, à l'égard de la commune d'Enghien, la marche si simple et si régulière indiquée par M. le ministre ?

Non.

A-t-il suspendu l'exécution de l'acte de nomination ?

Non.

A-t-il engagé le conseil communal à procéder régulièrement (à son point de vue) ?

Non.

Le conseil communal s'est-il refusé à quoi que ce soit ?

Non. M. le gouverneur ne lui a rien demandé ni rien conseillé.

Pourquoi M. le ministre s'est-il empressé d'approuver la mise à néant de la délibération du conseil communal, lorsque dans la commune de Marcq, près d'Enghien, il a laissé, durant quatre ans et demi, le conseil communal de cette localité se refuser de nommer une institutrice, et cela, sans qu'il crût de son devoir de procéder à une nomination d'office ? Est-ce de la justice cela ?

Donc, n'est-il pas évident et par cela même nécessaire que M. le gouverneur du Hainaut revienne aux prescriptions établies par le texte de la loi et à la marche indiquée par la dépêche du 30 juin 1863 de M. Vandenpeereboom ?

Que le gouvernement n'approuve pas la nomination faite par le conseil communal, c'est son droit. Qu'il en propose l'annulation, c'est encore son droit.

Mais ce qui est de son devoir : c'est qu'il rapporte la nomination faite d'office ; c'est qu'il engage le conseil communal à procéder à une nouvelle nomination.

En conséquence, je viens prier M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien inviter M. le gouverneur du Hainaut à révoquer la nomination d'office faite par lui, et d'engager le conseil communal de la ville d'Enghien à procéder de nouveau à la nomination d'une institutrice communale.

(page 473) MiPµ. - Messieurs, l'acte que vous avez a apprécier et qui, depuis quelque temps déjà, est l'objet des discussions politiques de la presse, n'émane pas directement du gouvernement. C'est un acte de son représentant dans la province de Hainaut.

Si cet acte avait été aussi irrégulier, aussi blâmable qu'on vient de le dire, le gouvernement pouvait aisément ne pas en assumer la responsabilité. Mon honorable prédécesseur, cependant, l'a assumée pleinement ; et s'il n'est pas aujourd'hui à la Chambre pour défendre cet acte, c'est que, d'une part, il a été appelé ailleurs pour affaires urgentes, et que, d'autre part, je lui ai déclaré que j'acceptais ce legs de sa succession sans bénéfice d'inventaire.

Je tenais cependant à vous faire remarquer, en commençant, que cet acte émane d'un fonctionnaire connu, depuis vingt ans qu'il est à la tête du gouvernement d'une province, par la modération et la sagesse de son administration. Il serait bien étonnant que l'honorable M. Troye se fût oublié à ce point, de violer toutes les lois, tous les antécédents administratifs dans une affaire où, d'après nos contradicteurs, rien ne l'eût provoqué à intervenir par un acte énergique.

Je dois d'abord rappeler les faits, et les dispositions de la loi.

Le 26 août dernier, meurt à Enghien la dame Deblende, institutrice communale.

Aux termes de l'article 12 de la loi sur l'enseignement primaire, le conseil communal a 40 jours pour faire la nomination des instituteurs ; après ce délai, le gouvernement est investi, de par la loi, du droit de nommer d'office ; d'autre part, aux termes de l'article 10 de la même loi, le conseil communal doit choisir les instituteurs parmi les élèves diplômés de l'école normale, avec cette seule exception qu'il peut faire un autre choix avec l'autorisation du gouvernement.

Le 1er octobre, c'est-à-dire 30 jours après la vacance de la place d'institutrice, le conseil communal d'Enghien nomme, sous l'approbation du gouvernement, une institutrice non diplômée, le lendemain, il adresse cette délibération à M. le commissaire d'arrondissement pour être transmise au gouvernement provincial.

Le 19 du mois d'octobre, le gouverneur du Hainaut nomme d'office aux fonctions d'institutrice la demoiselle Malfait, élève de l'école normale de Thielt, sur laquelle il avait obtenu les meilleurs renseignements, et qui pouvait donner l'instruction dans les deux langues.

Le 26 octobre, le conseil communal d'Enghien adresse au ministre de l'intérieur une demande tendant à obtenir l'annulation de la décision du gouverneur du Hainaut.

Quelques jours après, l'inspecteur cantonal de l'enseignement primaire chargé de l'exécution de la décision de M. le gouverneur, se rend à Enghien, où il rencontre un refus de concours de la part de l'administration communale. Elle avait du reste pris des mesures matérielles pour empêcher l'installation de l'institutrice.

« J'ai trouvé ce matin, dit l'inspecteur dans son rapport, que l'administration communale a fait enlever les bancs-pupitres de la salle d'école et placer une serrure à la porte pour empêcher qu'on ne prît possession du local. Le sieur Deblende, mari de l'institutrice décédée, qui continue à occuper le logement, m'a déclaré que le mobilier classique a été enlevé le 26 octobre dernier et que la serrure avait été placée deux jours auparavant. »

M. de Woelmontµ. - La porte de l'école donne sur la rue.

MiVDPBµ. - Cela n'empêche pas d'y mettre une serrure.

Je lis cet extrait du rapport, parce qu'on a dit que l'enlèvement des bancs de l'école avait eu lieu pour faire des réparations. Je trouve bien étrange qu'on mette une serrure précisément au moment où il n'y a plus rien dans l'école.

Quoi qu'il en soit, le 10 novembre, une pétition signée par 60 habitants d'Enghien est adressée à l'autorité provinciale pour demander le maintien de sa décision, et j'ai été très étonné d'entendre l'honorable M. de Woelmont nous dire que, quant à cette pétition, il n'en parlait pas, qu'elle ne vaut pas la peine qu'on s'y arrête un seul instant. Cette remarque de mon honorable contradicteur résume tout le système qui a été mis en pratique à Enghien : de la minorité de la commune, des personnes qui envoient leurs enfants à l'école communale il n'y a pas lieu de s'en occuper. Tel est exactement le principe suivi à Enghien, il s'est reflété d'une manière un peu trop naïve dans le discours que vous venez d'entendre.

Le 10 décembre enfin, l'administration communale d'Enghien adresse au département de l'intérieur une lettre dans laquelle elle déclare qu'elle a l'intention de soumettre la question qui s'est élevée, à l'appréciation de la législature et qu'elle s'abstiendra, jusqu'à ce que la législature ait prononcé, de mettre la décision à exécution.

Peu de temps après la crise ministérielle a éclaté, je n'ai pu prendre immédiatement possession du département de l'intérieur, de sorte que jusqu'aujourd'hui la décision n'a pas été exécutée. Je regrette peu ce retard, parce qu'après la déclaration que l'administration communale a faite et après la décision que, d'après moi, la Chambre ne peut manquer de prendre, j'espère que nous n'aurons pas à recourir à des moyens coercitifs pour mettre à exécution la décision qui a été légalement prise, et que l'administration communale d'Enghien sous l'influence de l'autorité de votre décision, exécutera volontairement ce que nous sommes bien décidés à faire exécuter par tous les moyens que la loi met à notre disposition.

Tels sont les faits. J'aborde la discussion des deux questions qui s'élèvent ; car, il y a dans ce débat deux questions.

La première question est celle de savoir si l'acte de M. le gouverneur du Hainaut est un acte régulier, un acte légal ; si la nomination de l'institutrice est une nomination valablement faite.

Il ne nous suffit pas que cette question soit résolue affirmativement. Car je reconnais qu'en matière administrative surtout, il ne suffit pas d'avoir le droit de faire un acte, il faut encore que les circonstances autorisent à user du droit.

La légalité fût-elle à l'évidence de notre côté, nous pourrions encore être blâmés, si l'ensemble des faits ne vient montrer la convenance de l'exercice du droit.

Ainsi j'examine ces deux questions : d'abord, l'acte est-il légal ? Ensuite, en supposant l'acte légal, a-t-il été posé dans cet esprit de justice et d'équité qui doit présider à tous les actes de l'administration ?

Et d'abord la nomination de la demoiselle Malfait est-elle légale ?

J'avoue que je ne comprends pas comment on peut prétendre et soutenir que l'acte de M. le gouverneur du Hainaut est un acte contraire à la loi.

Personne ne conteste qu'après le délai de quarante jours, le gouvernement ait le droit de procéder à la nomination de l'institutrice. De quoi s'agit-il donc ? De savoir si l'administration communale d'Enghien a légalement pourvu à la vacance dans le délai de quarante jours. Si elle y a pourvu valablement dans ce délai, on ne pouvait faire une nomination après le délai de quarante jours.

Si, au contraire, il n'a pas été pourvu à la vacance de l'institutrice, il est incontestable que la nomination d'office est valable.

Voyons d'abord quelles sont les instructions qui, jusqu'à présent, ont réglé la matière. Comment doit-on procéder aux nominations d'instituteurs ? Il y a à cet égard une instruction extrêmement formelle du département de l'intérieur. Elle est intitulée : « Instruction pour l’exécution de l'article 10 de la loi » (sur l'enseignement primaire).

Voici ce qu'elle porte :

« Les cas de nomination par les communes seront désormais de deux espèces, savoir :

« 1° Nomination d'instituteurs choisis parmi les élèves sortis des écoles normales et des écoles primaires supérieures ;

« 2" Nomination d'instituteurs choisis, avec l'autorisation du gouvernement, en dehors des écoles normales et des écoles primaires supérieures. »

Je. passe ce qui concerne le premier cas, qui n'est pas le nôtre ; et j'arrive à la nomination d'instituteurs choisis en dehors des écoles normales ou des écoles primaires supérieures. Voici le texte de la circulaire :

« 4° Pour nommer en dehors des écoles normales, les communes doivent en avoir obtenu l'autorisation préalable du ministre.

« Les demandes d'autorisation seront adressées au gouverneur de la province par la voie ordinaire de la correspondance.

« 5° Lorsqu'il s'agira de pourvoir à une place vacante, les demandes seront envoyées au gouverneur au plus tard dans le délai de quinze jours à partir de celui où la vacance aura commencé.

« On indiquera :

« 1° Les motifs qui empêchent de nommer parmi les élèves des écoles normales ou des écoles primaires supérieures ;

« 2°...

« 8° Toute nomination qui se ferait par les communes sans (page 474) l'autorisation du gouvernement, serait considérée comme nulle et non avenue ; le gouverneur en provoquerait immédiatement l'annulation...

« Passé le délai de 40 jours, la commune est déchue de son droit. La nomination appartient au gouvernement, à moins qu'un délai plus long n'ait été accordé par le ministre à la commune. »

Ainsi, messieurs, je résume cette instruction : pour procéder à une nomination en dehors des élèves des écoles normales, il faut l'autorisation préalable du gouverneur et si la nomination est faite sans cette autorisation préalable, elle est réputée nulle et non avenue.

Il est incontestable qu'à Enghien il n'y a pas eu autorisation de nommer et qu’aux termes de cette instruction, la nomination devait être considérée comme nulle et non avenue. Et si elle était nulle et non avenue, il en résultait évidemment qu'après le délai de 40 jours, comme le dit formellement la circulaire, le gouvernement pouvait nommer d'office.

Et de qui émane cette circulaire ? Elle émane de l'honorable comte de Theux ; elle date de 1846.

De sorte que l'acte monstrueux de l'honorable gouverneur du Hainaut a été posé en exécution de la circulaire de M. le comte de Theux, de 1846. On ne contestera pas que l'acte est l'application exacte de la circulaire.

Mais je n'ai pas besoin d'une discussion de droit, je dis que la pétition même du conseil communal d'Enghien démontre à l'évidence la légalité de l'acte du gouverneur.

Quelle est, d'après le conseil communal lui-même, la valeur de la nomination qu'il a faite ? Voici ce que je lis dans la pétition :

« Ce délai expiré, le conseil communal se réunit le 1er octobre et, sous approbation du gouvernement, nomma pour institutrice Mlle Ponsaert, religieuse à Enghien.

« Cette nomination n'avait qu'un caractère provisoire puisqu'elle était soumise à l'approbation du gouvernement. Elle équivalait donc à la proposition faite par le conseil communal de nommer cette institutrice. »

Ainsi, d'après le conseil communal d'Enghien, la nomination du 1er octobre équivaut purement et simplement à une proposition de nommer une institutrice.

Mais que dit la loi ? Elle dit que vous avez quarante jours pour faire la nomination et que, ce délai expiré, le gouvernement a le droit de procéder à la nomination.

Or, vous venez reconnaître vous-même, vous proclamez que vous n'avez pas nommé, mais que vous avez fait une simple proposition de nomination. Il est impossible d'avoir d'une manière plus évidente la consécration de la légalité de l'acte du gouverneur.

Le conseil communal reconnaît qu'il n'a pas nommé dans le délai fatal de quarante jours et qu'il n'a fait qu'une proposition. Donc le droit du gouvernement de nommer d'office s'est ouvert. (Interruption.)

Messieurs, le système des prorogations indéfinies qu'on nous propose, est, je ne crains pas de le dire, un système absurde dans ses conséquences et je vous montrerai comment on en a usé quelquefois.

Vous prétendez que le conseil communal aurait le droit d'attendre le 36e jour pour faire une nomination et que dans le cas où le gouvernement n'approuverait pas la nomination, il devrait accorder un nouveau délai de 40 jours. Mais s'il en est ainsi, vous pourrez laisser écouler de même la plus grande partie du deuxième délai et faire encore une nomination inacceptable.

Il y aura pour le gouvernement moins de raison que la première fois de refuser son nouveau délai, puisqu'on sera en dehors des termes de la loi.

Vous arriveriez ainsi à un troisième délai, en sorte que, je le répète, avec ce système qui n'est pas sérieux, vous pourriez proroger indéfiniment le délai de nomination et lorsque il y aura intention manifeste de ruiner les écoles communales, on saura les détruire avant que le gouvernement ait usé du droit que lui confère la loi. (Interruption.)

Avant d'exprimer mon opinion sur la circulaire de M. de Theux, dont les principes ont été rappelés par le gouverneur du Hainaut, il n'est pas inutile de rappeler ce que disait en 1842 M. Nothomb dans la discussion de la loi sur l'enseignement primaire.

« Les communes peuvent encore choisir en dehors de ces écoles, mais dans ce cas il faut l'autorisation du gouvernement, C'est à dessein que je me suis servi du mot « autorisation » et non pas de celui d' « agréation » qui supposait nécessairement une nomination consommée ; je désire qu'il n'y ait point de fait consommé ; je désire que les conseils communaux qui voudront choisir un instituteur en dehors des écoles normales, disent au gouvernement : « Nous désirons choisir un tel, vous convient-il ? » Voilà messieurs, les motifs qui m'ont porté à faire usage du mot « autorisation » au lieu de me servir de l'expression « agréation ». Je pense qu'il résultera de cette rédaction que le plus souvent il y aura un concert préalable entre la commune et le gouvernement, et que vous éviterez des luttes qui ont toujours lieu lorsqu'il s'agit d'annuler une nomination faite. »

Messieurs, l'honorable M. Nothomb semble avoir prévu ce qui arrive aujourd'hui, c'est que cette nomination sans autorisation préalable provoquerait les luttes et les conflits. Le conseil communal d'Enghien n'a pas voulu suivre les instructions de l'honorable M. de Theux et il ne s'est pas rappelé les prédictions de l'honorable M. Nothomb. Que sur lui retombe donc la responsabilité de ce conflit.

Je ne veux cependant pas dire que j'adopte pleinement la rigueur de la circulaire de M. de Theux, je reconnais que si elle trace la voie la plus régulière, il peut y avoir d'autres manières de procéder.

Je ne prétends pas que la marche qui a été suivie par le conseil communal d'Enghien soit essentiellement vicieuse. Mais il faut apprécier la valeur de la nomination qu'il a faite.

Le conseil communal a nommé sous l'approbation du gouvernement. Quelle est la conséquence de cette situation ?

Mais évidemment que si la nomination est approuvée par le gouvernement elle était valable ; si clic ne l'est pas, elle est nulle et non avenue.

Il est clair que, comme dans les cas qu'on a cités, le gouverneur eût pu, s'il l'avait jugé convenable, approuver la nomination, et alors elle devenait régulière.

Mais pour des raisons que nous allons indiquer, il n'a pas cru devoir approuver cette nomination ; elle est donc restée à l'état de lettre morte ou, pour me servir de l'expression du conseil communal, la proposition de nommer n'ayant pas été agréée, il n'y a eu absolument rien de fait.

Et l'on trouve cela monstrueux ! « Vous voulez, s'écrie-t-on, soumettre les communes à l'arbitraire du gouvernement ? Vous livrez au gouvernement la valeur des actes communaux. »

Laissons donc ces grandes phrases ! Lorsque la loi soumet un acte à l'autorisation du gouvernement, n'est-ce pas pour que l'existence de cet acte dépende du gouvernement ?

Et voilà cependant ce que l'on trouve étrange !

Vous voyez donc, messieurs, qu'au point de vue de la légalité, soit que je consulte des instructions anciennes et qui bien certainement n'ont pas été faites pour les besoins de la cause, soit que l'on se place en face du texte même de la loi, il ne peut pas y avoir de difficultés.

Tout se résume sur la question de légalité en ces deux mots : Il est constant que, dans le délai de quarante jours, personne n'a été investi des fonctions d'institutrice, donc le droit du gouverneur s'est ouvert.

Cette première question résolue, je passe à la seconde :

Le gouvernement n’a-t-il pas abusé de son droit ?

J'ai la conviction que la Chambre, lorsqu'elle connaîtra la situation, n'hésitera pas à dire que la conduite du gouverneur était non seulement conseillée, mais imposée par les circonstances.

Je suis obligé de vous faire l'histoire des écoles d'Enghien.

La ville d'Enghien a eu avec le département de l'intérieur des correspondances administratives depuis la promulgation de la loi de 1842, elle a été la dernière ville du Hainaut où les mêmes écoles recevaient des enfants des deux sexes. C'est en 1844 seulement que cette situation a été reformée.

On nomma alors deux instituteurs et deux institutrices ; à côté des écoles communales, s'élevèrent deux écoles religieuses : celle des frères de la doctrine chrétienne et celle des sœurs de la sainte union.

La création de la première de ces écoles n'eut jamais de rapport légal avec les autorités, et aucun changement n'arriva jusqu'en 1861, dans le personnel des écoles de garçons.

L'école des sœurs de la sainte union fut adoptée en 1854 ; l'une des institutrices communales étant venue à mourir, elle ne fut pas remplacée ; la dame De Blende demeura seule.

En 1860 les inspecteurs de l'enseignement constatant que l'instruction primaire n'est pas ce qu'elle devrait être à Enghien, proposèrent une réforme tout à la fois personnelle et matérielle.

Je veux indiquer d'abord ce qui concerne les écoles de garçons.

La Chambre y verra des faits qui éclairent les actes qu'il s'agit aujourd'hui d'apprécier.

A cette époque, messieurs, on signalait d'abord dans le personnel des écoles communales d'Enghien cette circonstance extraordinaire que les deux instituteurs avaient chacun plus de 80 ans, 163 ans pour eux deux.

(page 476) On pourrait croire que la ville d'Enghien, à laquelle on fit remarquer l'âge avancé des deux instituteurs comme contraire à la tenue d'une bonne école, s'empressa de chercher le moyen de les mettre à la retraite. Pas du tout : il a fallu, après une correspondance administrative, vaincre sa résistance et prendre cette mesure par une décision d'office.

C'est, messieurs, le 30 août 1860 que l'inspecteur provincial avait signalé cet état de choses inadmissible. Voici la dépêche que, le 17 août 1861, le ministre de l'intérieur, qui était alors l'honorable M. Rogier, adressa au gouverneur du Hainaut :

«Ainsi que je l'ai dit à différentes reprises, l'intérêt personnel des instituteurs doit fléchir, quelque respectable qu'il puisse être, dans certains cas, devant l'intérêt et le besoin, dûment constatés, de l'enseignement primaire.

« Cette seule considération suffirait, me semble-t-il, pour démontrer que la réclamation des sieurs Bertau et Cusner, instituteurs à Enghien, tendant à rester en fonctions, n'est pas de nature à être favorablement accueillie. Ils ont tous deux au delà de quatre-vingts ans, et l'on conçoit facilement que parvenus à cet âge, il ne leur est plus possible de remplir convenablement tous les devoirs inhérents à leur emploi.

« Mais il y a plus. C'est que si l'on accédait à leur demande, on compromettrait peut-être jusqu'à l'existence de l'école communale, placée sous leur direction. Ce serait, suivant toute apparence, ruiner cette institution, au profit de l'école des frères et, cependant, il importe qu'une localité comme Enghien possède un enseignement communal bien organisé. »

Messieurs, parmi les raisons qu'alléguait le conseil communal pour ne pas faire disparaître ces deux instituteurs, on trouve celle-ci : que l'école communale n'était plus nécessaire parce qu'il y avait une école de frères et que la population trouvait ainsi un moyen de faire donner aux enfants une instruction convenable.

Mais, grâce à la pression de l'autorité supérieure ou plutôt grâce à l'initiative qu'elle prit, ces instituteurs furent mis à la retraite le 19 août 1861, c'est-à-dire un an après la mise en demeure d'avoir à les remplacer.

Ces instituteurs mis à la retraite, savez-vous ce que proposa le conseil communal d'Enghien ?

Il proposa de ne pas les remplacer et de supprimer l'école communale.

- Voix à gauche. - C'est cela !

MiPµ. - Et cela pourquoi, messieurs ? Parce qu'il y avait une école de frères. Voici, en effet, la lettre qui fut adressée au gouverneur du Hainaut, le 6 novembre 1861, par l'honorable M. Vandenpeereboom et qui nous fait connaître les faits :

« J'ai reçu avec votre bulletin de 21 septembre dernier (n°21771), la lettre ci-jointe du conseil communal d'Enghien, laquelle a pour but de faire supprimer l'école primaire des garçons tenue jusqu'ici par les sieurs Cusner et Bertau.

« Je regrette de ne pouvoir partager les vues du conseil relativement à cet objet. Ce n'est pas, me semble-t-il, dans une localité de l'importance d'Enghien, dont la population est d'environ quatre mille habitants, que l'on peut songer à amoindrir l'enseignement communal. Je pense, au contraire, que l'on doit s'appliquer à le renforcer, en l'organisant d'une manière convenable, comme le propose l'inspecteur provincial.

« En se reportant quelques années en arrière, on voit qu'en 1854, le conseil a déjà considérablement' amoindri l'école communale de filles, par l'adoption de l'institution des sœurs de la Sainte-Union. Aujourd'hui, il voudrait faire disparaître complètement l'école des garçons, sous le prétexte, entre autres, qu'en 1857 les frères de la doctrine chrétienne sont venus fonder à Enghien un établissement qui suffit à l'instruction des enfants pauvres.

« Une mesure dans ce sens ne saurait être approuvée par le gouvernement, attendu qu'elle constituerait un précédent fâcheux pour l’avenir des écoles publiques, dont l'existence sera mise à la merci des écoles privées.

Si, comme l'avance le conseil, l'école communale des garçons est en décadence, c'est parce que, nonobstant les représentations de l'autorité supérieure, on s'est longtemps obstiné à maintenir en fonctions des instituteurs débilités par l'âge, et qui n'étaient plus capables de rendre aucun service. Lorsqu'on les aura remplacés par des sujets présentant les garanties nécessaires, la situation ne tardera pas à s'améliorer.

« D'après ce qui précède, je vous prie, monsieur le gouverneur, d'assigner au conseil communal d'Enghien, un nouveau délai de quinze jours pour procéder à la nomination de deux instituteurs diplômés, en remplacement des sieurs Bertau et Cusner, récemment admis à la retraite. Passé ce délai, vous voudrez bien, en cas de refus de sa part, procéder vous-même à la nomination, en exécution de l'article 12 de la loi. »

Vous voyez, messieurs, que l'article 12 de la loi est fréquemment invoqué dans ces démêlés avec la ville d'Enghien.

Mais je constate, et cela va devenir beaucoup plus clair tantôt encore ; je constate qu'on avait laissé à Enghien les écoles communales tomber en décadence, en maintenant à leur tête deux vieillards plus qu'octogénaires ; je constate que lorsque ces deux instituteurs ont été admis à la pension, le conseil communal d'Enghien a demande la suppression complète de ses écoles, et il s'est fondé, entre autres choses, sur ce que ces écoles étaient tombées en décadence.

Ainsi, voilà ce procédé : on laisse les écoles communales aller à rien en maintenant à leur tête des instituteurs incapables, puis on déclare que ces écoles ne rendant plus de services, il y a lieu de les supprimer.

Vous verrez, messieurs, ce système pénétrer jusqu'au sein de cette Chambre ; mais comme je ne veux pas rompre la suite des faits, je constate que le 25 janvier 1862, c'est-à-dire près de trois mois après, M. le gouverneur du Hainaut a été obligé d'écrire au ministre ce qui suit :

« L'administration communale d'Enghien a été mise une dernière fois en demeure de procéder à la réorganisation de son école primaire de garçons. Elle a été prévenue que tout nouveau retard, de sa part, donnerait lieu à des nominations d'office et en conformité de l'article 12 de la loi du 23 septembre 1842. »

Il avait donc fallu une année tout entière pour obtenir la mise à la retraite des deux instituteurs communaux ; et il a fallu quatre à cinq mois pour obtenir la nomination de nouveaux instituteurs. Et on vient dire aujourd'hui que le gouverneur du Hainaut a été beaucoup trop vite en 1868 ! Mais, messieurs, il savait par expérience qu'avec Enghien il fallait agir énergiquement et que si l'on accordait des délais, on en abuserait.

Messieurs, vous connaissez maintenant les faits ; vous savez comment après avoir laissé tomber en décadence l'école communale, on a voulu la supprimer complètement en se fondant sur un état de choses préparé à cette fin.

Dans la séance du 21 février 1862, l'honorable M. Dechamps signalait la résistance opposée par le gouvernement à la suppression de l'école communale comme un acte abusif d'autorité.

L'affaire dont nous nous occupons aujourd'hui est la même dans son but, elle vient, comme son aînée, se dérouler devant vous. Quand elle sera connue, on pourra dire : les deux font la paire.

Voici ce que disait l'honorable M. Dechamps dans la séance du 21 février 1862 :

« Dans la commune d'Enghien, il y a deux écoles libres, l'une pour les garçons, l'autre pour les filles, et comprenant chacune plusieurs classes. Presque tous les enfants en âge d'école fréquentent ces deux écoles, les autres sont pour ainsi dire abandonnées.

« La commune d'Enghien a demandé au gouvernement la dispense d'établir de nouvelles écoles communales, prétendant qu'il était suffisamment pourvu aux besoins de l'enseignement par les écoles privées. Elle a demandé qu'une enquête vînt constater le fait.

« Le gouvernement a refusé l'enquête en principe et a priori, parce que la commune avait des ressources suffisantes pour exiger des écoles communales, ces écoles dussent-elles devenir désertes et inutiles. Vous le voyez, c'est la radiation de l'article 2, cet hommage qu'on avait voulu rendre à la liberté d'enseignement. »

Voilà bien le système clairement révélé. Les écoles abandonnées à des mains débilitées par l'âge sont désertes. Plus d'école communale. Vous verrez qu'on n'a pas suivi le système qu'indiquait l'honorable M. Dechamps, et qu'avec l'instituteur nommé, l'école communale a résisté à toutes les oppositions.

Que répondait à cela mon honorable prédécesseur ?

« Voici, disait-il ce qui se passe dans cette ville ;

« A Enghien, l'enseignement adopté domine. Il a le plus grand nombre d'élèves et pour lui venir en aide, pour empêcher la concurrence de l'enseignement communal, voici ce qu'on a fait :

« Il y avait à Enghien une école communale. Les instituteurs de cette école étaient âgés ; ils pouvaient difficilement faire leur service. Malgré (page 476) tous ses efforts, le gouvernement n'a pu obtenir que ces instituteurs fussent mis à la pension. On a été obligé de prendre une mesure d'office.

« Ces deux instituteurs, vous le croiriez à peine, étaient âgés à eux deux de plus de 160 ans. Chacun d'eux avait plus de 80 ans. Et pour empêcher la concurrence, pour ne pas nuire à l'école adoptée, on refusait de mettre ces instituteurs à la pension ; le tout sans doute au nom du principe de la liberté d'enseignement et d'une loyale concurrence ! »

En revenant sur ce sujet, mon honorable prédécesseur disait :

« Parfois on n'a pas voulu autoriser certaines adoptions, quand ces adoptions avaient pour but de faire tomber l’institution communale, quand on savait que depuis longtemps une trame était ourdie contre l'école communale ; le gouvernement n'a pas voulu prêter la main à l'exécution de ces projets. C'est ce qui est arrivé à Enghien, fait dont a parlé l'honorable M. Dechamps.

« Il y a dans la ville d'Enghien deux écoles communales, l'une pour les filles, l'autre pour les garçons.

« En 1854 l'administration communale, demanda à adopter une école privée des sœurs de la Sainte-Union de Douai. L'adoption fut autorisée, à la condition que l'on maintiendrait l'école communale des filles, ce qui eut lieu.

« Le gouvernement maintint l'école communale sans s'opposer à l'école adoptée.

« L'école de garçons était tenue par deux vieillards incapables d'enseigner ; ils ont été admis a la pension. Comme je l'ai dit, ils avaient ensemble 163 ans et vous ne pouvez pas dire que l'âge de l'un compensait celui de l'autre, car l'un avait 81 ans et l'autre 82 ans.

« L'administration communale voulait les conserver parce que leur insuffisance favorisait une école privée de frères de la doctrine chrétienne.

« Je demande s'il est sérieux de dire qu'il y avait là une concurrence loyale entre l'enseignement privé et l'enseignement communal, lorsque bon gré malgré on maintient en fonctions deux personnes très respectables sans doute, trop respectables même, qui seraient beaucoup mieux dans un hôtel des invalides qu'à la tête d'une école communale.

« Cela vous fait rire ; c'est en effet une chose très risible. Pourquoi agissait-on ainsi ? Pour annuler l'enseignement de la commune au bénéfice de l'enseignement des frères.

« Est-ce là exécuter honorablement, loyalement la loi ? Ce qui m'étonne, c'est qu'on ose citer de pareils exemples contre nous. On dit que nous n'exécutons pas loyalement la loi et vous parlez d'Enghien où se sont passées des choses qui font rire la Chambre. Une école était tenue par deux vieillards ; on les a admis d'office à faire valoir leurs droits à la pension. »

Nous voyons le système suivi à l'école des garçons, ne devons-nous pas nous dire que les mêmes circonstances se présentant pour l'école des filles, on poursuivrait le même but ? Nous allons voir ce qui est arrivé.

Pendant que l'école des garçons était soumise à ces périls, l'école des filles se trouvait en présence de l'école adoptée en 1854 et tenue par les religieuses de la Sainte-Union ; cette école devait donner l’enseignement aux pauvres ; car le gouvernement a toujours subordonné cette adoption à la condition que les enfants pauvres pourraient aller à l'une et à l'autre école. Cette institution religieuse, qui, du reste, est très bien organisée et qui marche parfaitement, possède de magnifiques locaux qu'elle doit à la munificence d'une maison princière. Mais à côté de cette école religieuse, l'école communale a toujours été maintenue, malgré la pression signalée dans les rapports des inspecteurs et exercée sur les enfants pour les empêcher d'aller à l'école communale.

Il y a à Enghien, qu'on le regrette ou qu'on s'en réjouisse, le fait est constant, une forte partie de la population qui veut des écoles laïques. Et dès maintenant, je constate ce grand fait, que l'école des garçons dont on voulait la suppression, en 1862, contenait l'année dernière 89 élèves et que l'école des filles, que l'on tente de faire disparaître, en contenait 85.

Et cependant que de circonstances s'opposaient au développement de ces écoles !

La Chambre doit d'abord connaître l'état des locaux.

Depuis 1862, il y a eu une correspondance échangée avec la commune d'Enghien pour l'amener à faire construire des locaux pour l'école communale des garçons. Ce n'est qu'au mois de novembre dernier qu'on est parvenu à obtenir la construction d'un nouveau local pour l'école des garçons. Bien que la décision ait été prise il y a plus de deux mois, on n'a pas encore annoncé l'adjudication.

Pour l'école des filles, la situation est bien plus grave.

Je lis le rapport qui m'a été adressé par M. l'inspecteur provincial de l'enseignement primaire.

« Léocadie Laurent, épouse Deblende, est décédée le 26 août dernier, après une courte maladie. L'insalubrité et l'insuffisance du local affecté au service de l'école communale des filles avaient altéré la santé de cette institutrice qui continua à se livrer à ses travaux scolaires avec le plus grand zèle, malgré une indisposition qui s'aggravait chaque jour.

« C'est le 18 août qu'elle parut la dernière fois au milieu de ses élèves à l’instruction desquelles elle se dévouait entièrement. Sa classe comptait 83 filles. »

Et plus loin je lis encore :

« Il est également nécessaire, M. le ministre, de construire un bâtiment d'école pour l'institutrice. La dame Laurent a contracté la maladie qui l'a conduite au tombeau, dans une salle moitié trop petite pour ses 83 élèves. »

Et en effet, la salle qui a 7 m. de longueur, sur 5 m. 50, de largeur et 3 m. 50 c. de hauteur ne contient qu'environ 139 mètres cubes pour 83 enfants ; ce qui fait à peu près un mètre et demi cube par enfant ; or, d'après les informations que j'ai prises, on exige dans une école bien ventilée (il est douteux que ce soit le cas pour Enghien) au minimum trois mètres et un tiers par enfant, il n'y a pas la moitié de cette contenance dans la salle de l'école des filles.

Quelle puissante cause d'insuccès que de pareils locaux ! On voit l'école des filles, dirigée par l'institutrice laïque, regorger d'élèves, avec une population double de celle qu'elle peut contenir, et c'est alors que l'administration communale, au lieu de penser à faire de nouvelles salles d'école, veut l'absorber dans l'école adoptée !

Depuis 1862, les écoles communales ont progressé, malgré tous les obstacles.

Voici une dépêche de M. l'inspecteur provincial qui fera apprécier les progrès réalisés et les difficultés à vaincre. Elle est du 26 octobre 1862 :

« J'ai l'honneur de vous adresser le rapport ci-joint de M. l'inspecteur cantonal, sur l'organisation de l'enseignement primaire, à Enghien.

« Il résulte de ce rapport que l'école de la demoiselle Laurent sera transférée dans un local convenablement approprié à sa destination, pour le 15 novembre prochain.

« Cette institutrice n'ayant à instruire, en ce moment, que 25 élèves, on pourrait ajourner quelque temps la nomination de la sous-institutrice qu'il est question de lui adjoindre pour la section flamande de son école, sachant les deux langues, elle peut provisoirement satisfaire seule aux exigences de l'enseignement du français et du flamand. »

Le local convenable est celui que vous connaissez. Mais je dois dire que ce local pouvait être bon alors, car cette institution, n'avait que 25 élèves. Voilà certes un progrès sensible : le chiffre des élèves porté de 25 à 83 ! La ville d'Enghien, en présence surtout de la situation de l'école adoptée, n'eût-elle pas dû se piquer d'émulation, et faire que son école pût recevoir les enfants qu'on voulait y envoyer ?

Remarquez que la dépêche que j'ai l'honneur de vous lire est de 1862, c'est-à-dire de I époque même où a eu lieu à la Chambre la discussion que je viens de faire connaître et où l'on disait : il faut supprimer les écoles communales d'Enghien parce qu'elles sont désertes et par conséquent inutiles. Dès le moment où l'on a nommé des instituteurs capables, on voit que les écoles communales commencent à se peupler et finissent par devenir trop petites.

Je continue la lecture du rapport :

« L'école adoptée pour les filles, et dirigée par les sœurs de l'union au Sacré-Cœur, est bien organisée et établie dans de vastes locaux, qui appartiennent à la duchesse d'Arenberg, qui les a fait approprier à ses frais. Elle fait une concurrence ruineuse à l'école de la demoiselle Laurent, à l'aide des plus grandes influences, qui s'intéressent aux religieuses, et qui s'exercent aussi en faveur des frères des écoles chrétiennes.

« Cependant, l'école communale des garçons commence à se peupler, sa population s'accroît lentement, il est vrai, parce que l'instituteur, quoique très zélé, très capable et très apte, a trop d'obstacles à vaincre pour attirer dans ses classes les enfants des parents qui ne sont pas à même de se rendre compte de l'excellence de sa méthode, ou qui obéissent, quand même, à une pression étrangère.

« Lorsque l'institutrice occupera son nouveau local, il est à espérer, monsieur le gouverneur, que le nombre de ses élèves s'accroîtra. Lorsqu'il en sera temps, l'inspection civile vous fera des propositions pour la nomination d'une sous-institutrice, si vous jugez utile d'ajourner, pour le moment, cette nomination.

(page 477) « Quant aux émoluments que mentionne le rapport de M. l'inspecteur cantonal, ils ne me paraissent pas suffisamment élevés, ni pour l'instituteur Maes ni pour le sous-instituteur Lemaître.

« Je m'en réfère, à ce sujet, aux. propositions que je vous ai soumises, monsieur le gouverneur, le 23 avril dernier, n°23,536. »

Ainsi, messieurs, vous voyez que l'administration communale d'Enghien après avoir voulu supprimer l'école des garçons, fait ce qu'elle devait faire pour les locaux des écoles et que, si pour l'école des filles, elle a apporté en 1862 une réforme quelconque, la situation n'en est pas moins devenue, par suite de l'accroissement des élèves, aussi sérieuse que possible. D'après le rapport, l'institutrice aurait succombé victime des mauvaises conditions hygiéniques de sa place !

Cependant, à côté de cela, les institutions communales d'Enghien ont eu à rencontrer de la part du clergé de la ville une opposition et cela depuis l'instant où elles ont commencé a prospérer.

Le gouvernement a appris en mars 1865, par la rapport de l'inspecteur ecclésiastique, que le clergé refusait son concours aux écoles communales d'Enghien. Voici la cause du refus de concours :

« Beaucoup d'élèves des écoles communales ne reçoivent aucun enseignement religieux, parce que n'allant à l'école que pendant une heure ou deux, ils ne s'y trouvent pas au moment où se donne la leçon de religion. Tant que cet enseignement ne sera pas donné à tous les élèves catholiques, le clergé devra s'abstenir de visiter ces écoles. »

Messieurs, voici ce qui se passait. D'après le règlement des écoles communales, les leçons de religion se donnent au commencement de la classe le matin et à la fin de la classe le soir. Or, il y a toujours eu à Enghien, de temps immémorial, des enfants qui travaillent et qui, vers le milieu de la journée, vers onze heures, viennent une heure ou deux à l'école ; ces enfants ne recevaient pas l'enseignement religieux à l'école.

Jamais pendant un demi-siècle, tant que les anciens instituteurs étaient à l'école, le clergé n'avait fait d'observation à cet égard ; mais quand l'école prospère, ce fait ancien devient tout à coup un motif de refus de concours.

Et cependant, savez-vous jusqu'où l'administration a poussé l'esprit de conciliation et d'entente ? Il a fallu que cela fût signalé pour qu'on modifiât le règlement de l'école et qu'on assignât un quart d'heure à l'instruction religieuse des enfants qui venaient à l'école au milieu de la journée.

Le conflit a cessé ; mais le clergé local n'a pas été davantage à l'école ; il s'est toujours abstenu de s'y rendre.

La Chambre comprendra combien il est difficile, lorsque l'autorité locale est hostile au maintien des écoles communales, lorsque le clergé y est opposé, de maintenir ces écoles en voie de prospérité. Malgré toutes les influences qui pouvaient s'exercer, je vous ai indiqué les résultats ; l'instituteur en 1866 avait 83 élèves et l'institutrice 89.

L'administration communale est si peu désireuse de voir les institutions communales se développer, que pour les écoles de garçons elle a opposé une force d'inertie réellement incroyable. Voici ce que nous apprend encore à cet égard l'inspecteur provincial :

« Il est à remarquer, M. le ministre, qu'à la demande de M. le gouverneur, la ville d'Enghien a décrété une école d'adultes pour les hommes. On avait fait espérer à l'instituteur qu'elle s'ouvrirait enfin le 1er de ce mois. Le sieur Maes a écrit le 7 du courant à l'administration communale, pour la neuvième fois, concernant cette affaire ; il la supplie de vouloir l'autoriser à ouvrir aux adultes, déjà inscrits au nombre de 87, les cours qu'ils désirent suivre. Parmi ces 87 adultes, il y en a 64 dépourvus de toute instruction. L'instituteur a constaté l'ignorance de ces jeunes gens en les invitant à signer une liste sur laquelle il ne leur a pas été possible d'écrire leurs noms.

« Le sieur Maes, vivement désireux d'instruire ces jeunes hommes ignorants, a offert de mettre provisoirement à l'usage de l'école d'adultes sa petite bibliothèque, contenant quelques livres utiles à la classe ouvrière. Malheureusement, messieurs les administrateurs communaux restent sourds à ses demandes et à ses offres généreuses, ils paraissent vouloir ajourner indéfiniment l'ouverture de l'école dont il s'agit et qui rendrait des services inappréciables à une multitude de jeunes ouvriers qu'elle tirerait d'une déplorable ignorance. »

Il y a plus, messieurs ; voici ce que le même instituteur a offert à l'administration communale dans l'intérêt de l'école communale des filles, et voici ce qui a été refusé ; je lis le même rapport :

« L'instituteur communal Maes a été chargé par l'administration communale de distribuer des prix et des récompenses aux élèves de ladite école ; il demanda à cette administration, le 7 octobre, par une lettre qu'il lui adressa, l'autorisation de rouvrir, en dehors des heures de ses leçons, la classe de feu la dame Laurent, autorisation refusée à l'offre généreuse qu'il faisait d'instruire gratuitement, à certaines heures de la journée, toutes les anciennes élèves de cette institutrice, afin de les conserver à l'école. »

Voilà donc, messieurs, avec quelles intentions on veut gérer les écoles communales de filles d'Enghien.

Vous connaissez maintenant les faits, et je ne vous ai signalé que les faits constant, j'ai voulu ne m'appuyer que sur des faits authentiques.

Le but poursuivi ne se montre-t-il pas clairement ?

Peut on concevoir le plus léger doute que la nomination d'une religieuse de l'Union du Sacré-Cœur pour institutrice, n'ait été l'anéantissement de l'école communale par son adoption dans l'école adoptée ?

- Un membre. - L'administration communale en a le droit.

MiPµ. - Je prends acte de l'aveu.

Maintenant que je vous ai exposé les faits, j'aurais à discuter le point qui forme la seconde question que je me suis posée, à savoir si le gouverneur du Hainaut a bien fait de prendre la mesure qu'il a prise.

Mais cette question n'est-elle pas résolue par les faits mêmes et sans qu'une discussion soit possible ?

Fallait-il souscrire à la destruction des écoles communales ? Et n'était-ce pas le cas d'employer même les plus rigoureuses mesures de la loi, si le salut des écoles était à ce prix ?

Et ce sont ceux qui voulaient consommer cette ruine des écoles communales qui se plaignent !

Voyez cependant quelle est la situation que l'on voulait changer.

Outre le clergé paroissial, qui compte trois prêtres, il y a à Enghien un collège ecclésiastique patronné ; la ville lui fournit les locaux et un subside de deux mille francs ; il reçoit aussi un subside de l'Etat ; l'école des sœurs de la Sainte-Union est adoptée par la ville ; il y a en outre une école des frères qui est restée libre ; à côté encore d'autres congrégations religieuses.

Nous ne voulons pas réagir contre cette situation, mais nous demandons que l'école laïque des filles soit maintenue.

Et cette école quelle est-elle ? Une école régie par la loi de 1842, je pourrais presque dire une école mixte, une école soumise à la double inspection de l'autorité civile et de l'autorité ecclésiastique, une école où l'on est obligé de donner l'enseignement religieux. Et l'institutrice à laquelle on fait cette bruyante opposition, elle sort d'une école normale religieuse, de l'école normale de Thielt.

C'est l'école créée et régie dans ces conditions que l'on veut proscrire.

On trouve que ce n'est pas assez de toutes les forces religieuses que je viens d'indiquer.

On veut qu'il soit impossible à un habitant d'Enghien de mettre sa fille ailleurs que dans l'école religieuse.

Voilà cependant le but qui eût été atteint, si la nomination avait été approuvée.

- Un membre. - Elle ne l'a pas été.

MiPµ. - Elle ne l'a pis été et nous devons tous nous en féliciter. Mais c'est l'acte qui a empêché ce résultat que l'on attaque.

Si le gouverneur avait, comme on soutient qu'il devait le faire, accordé un nouveau délai, vous auriez nommé peut-être une religieuse diplômée, et le résultat était atteint ; c'était ce que l'on cherchait.

Si le gouvernement avait suivi la marche que vous indiquez, ce que vous vouliez réaliser en 1862, pour l'école des garçons, s'accomplissait pour l'école des filles ! C'est parce qu'il a déjoué ce calcul par une mesure prompte que ce débat s'élève.

Ou a parfaitement le droit de préférer l'enseignement des communautés religieuses à l'enseignement laïque, mais on a bien aussi le droit de préférer l'enseignement laïque à l'enseignement des communautés religieuses. Lorsque vous qui composez la majorité du conseil communal d'Enghien, vous avez dans une si large mesure vos écoles de prédilection, notre devoir est d'assurer un enseignement laïque à ceux de nos administrés qui préfèrent cet enseignement. Cependant ce que vous vouliez faire, c'est de leur enlever ce droit. Les parents de 83 filles veulent, à tort ou à raison, je n'ai pas à discuter ce point, veulent mettre leurs (page 478) enfants dans une institution laïque, vous invoquez la liberté, pour dire à ces parents : Vous ne les y mettrez pas !

N'est-ce pas le renversement de toutes les idées de liberté ?

On vous laisse choisir le mode d'éducation de vos enfants, ne cherchez pas à enlever le même droit à ceux qui ne pensent pas comme vous. (Interruption.)

Lorsqu'on vient crier à la violation de tous les droits, lorsque cette affaire a rempli les colonnes de tous les journaux de l'opposition, il doit bien m'être permis de dire quel est le but que l'on poursuit.

Je le demande maintenant, si la persécution est quelque part, où est-elle ? Du côté de ceux qui veulent assurer à chacun le droit de donner à ses enfants l'éducation qu'il préfère, ou du côté de ceux qui veulent enlever ce droit ?

La Chambre connaît, maintenant, et la légalité de la mesure et les circonstances qui l'ont provoquée ; elle sera sans doute appelée à se prononcer par un vote sur cette affaire.

Nous attendons ce vote avec confiance.

Nous espérons que l'administration communale d'Enghien, vaincue par l'autorité morale de la Chambre, se prêtera à l'exécution des décisions de l'autorité, mais je dois, en finissant, répéter ce que je disais en commençant : si la résistance continue, cette résistance sera vaine.

Les droits de l'autorité civile et les droits de la liberté se réunissent pour nous imposer des devoirs auxquels nous ne faillirons pas.

M. Liénartµ. - Messieurs, je suis aux ordres de la Chambre. Cependant, vu l'heure avancée de la séance, je crois qu'il serait bon de remettre à demain.

- Plusieurs voix. - Non ! non !

M. Liénartµ. - Je viens à mon tour, messieurs, appuyer la pétition qui nous a été adressée par le conseil communal d'Enghien.

Je dois reconnaître que l'honorable ministre de l'intérieur a bien circonscrit le débat, mais ses explications ne m'ont aucunement satisfait ni dans la première ni dans la seconde des hypothèses où il s'est placé. Je suis d'avis, au contraire, que sous quelque face que l'on envisage la question, soit qu'on se place au point de vue du droit le plus strict et le plus rigoureux, soit que l'on examine le côté moral de la question, on ne peut contester avec quelque apparence de raison le fondement des réclamations dont nous sommes saisis.

Messieurs, vous connaissez les faits. Le conseil communal d'Enghien ayant à pourvoir à une place d'institutrice, nomme à l'unanimité une demoiselle non diplômée, en ayant soin toutefois, veuillez bien le remarquer, de subordonner expressément la nomination à l'approbation subséquente de l'autorité supérieure. Cet arrêté est conçu en effet comme suit :

« Le conseil communal, i Arrête :

« Art. Ier. Mlle Thérèse Ponsaerts, des Sœurs de l'Union au Sacré-Cœur, institutrice à Enghien, est nommée institutrice à l'école primaire communale de cette ville, comme ayant obtenu huit suffrages sur huit votants.

« Art. 2. Ladite demoiselle jouira en cette qualité du traitement et des émoluments attachés à cette place.

« Art. 3. Cette nomination sera soumise à l’approbation du gouvernement. »

Cette résolution fut envoyée le lendemain à M. le gouverneur par la voie administrative.

En agissant de la sorte, le conseil communal d'Enghien ne faisait que se conformer à la loi de 1842, article 10.

« Les conseils communaux, dit cet article, pourront, avec l'autorisation du gouvernement, choisir des candidats ne justifiant pas de l'accomplissement de cette condition (le diplôme). »

Faut-il nécessairement, messieurs, que l'autorisation soit préalable ou bien l'approbation subséquente suffit-elle ?

Constatons d'abord la complète insignifiance de la distinction qu'on cherche péniblement à établir entre ces deux conditions. Quelle différence sérieuse, appréciable y a-t-il entre le cas où la commune demande au gouvernement de pouvoir nommer telle institutrice et celui où la commune nomme telle institutrice en demandant au gouvernement d'approuver cette nomination ?

MiPµ. - Il n'y en a pas.

M. Liénartµ. - D'accord, je prends volontiers acte de voire déclaration. Ce sont donc là deux moyens entièrement identiques et qui conduisent au même but. La garantie dont la loi a voulu entourer la nomination d'instituteurs non diplômés existe dans les deux cas, car dans l'un ni dans l'autre, il n'y a de nomination valable et définitive que moyennant l'aveu du gouvernement.

D'autre part, dans un cas aussi bien que dans l'autre l'autorité communale fait connaître son choix, car, à moins de supposer une chose tout à fait déraisonnable, lorsque le conseil communal demande au gouvernement la permission de nommer telle institutrice, il manifeste clairement, formellement l'intention de la nommer, sauf, bien entendu, approbation supérieure.

Il semblerait, il est vrai, résulter de certaines paroles prononcées par M. le ministre de l'intérieur qui présenta la loi de 1842, l'honorable M. Nothomb, qu'il faut donner la préférence à l'autorisation préalable.

« Les communes, disait-il dans la séance du 25 août, peuvent choisir en dehors de ces écoles, mais dans ce cas il faut l'autorisation du gouvernement. C'est à dessein que je me suis servi du mot « autorisation » et non pas de celui d'« agréation », qui supposait nécessairement une nomination consommée ; je désire qu'il n'y ait point de fait consommé ; je désire que les conseils communaux qui voudront choisir un instituteur en dehors des écoles normales, disent au gouvernement : Nous désirons choisir un tel. Vous convient-il ? »

Mais ce qui est évident pour tous ceux qui liront de bonne foi et sans idée préconçue la discussion à laquelle l'article 10 a donné lieu, c'est que les mots « autorisation » ou « agréation » ont été employés indifféremment par les orateurs qui y ont pris part.

L'honorable M. Dechamps, rapporteur de la loi de 1842 à la Chambre des représentants, s'exprimait ainsi dans la séance du 30 août :

« La commune peut choisir ; elle est complètement libre dans son choix. Elle peut prendre son instituteur parmi les élèves des écoles normales ou en dehors ; seulement, dans ce dernier cas, il est soumis à l’agréation du gouvernement. »

Et l'honorable M. Dellafaille, rapporteur de la même loi devant le Sénat, a écrit dans son rapport ce qui suit :

« Le conseil communal conserve le droit de nomination qui lui est attribué par l'article 84 de la loi du 30 mars 1856. Mais il ne l'exerce qu'à la condition de choisir ou un élève sorti des écoles normales, c'est-à-dire dont la capacité a été légalement constatée, ou une personne qui obtienne l’agréation de l'autorité supérieure. »

Mais il y a plus. Le même ministre de l'intérieur dont on invoque l'autorité et qui, dans le passage que j'ai cité tantôt, semble exiger l'autorisation préalable, le même ministre, revenant sur la disposition de l'article 10 lors du second vote, et l'expliquant, constate lui-même le vague de cette disposition et reconnaît qu'elle est susceptible d'une double interprétation.

« Les conseils communaux seront toujours libres de choisir où ils voudront. La règle générale est celle-ci : les conseils communaux choisiront les instituteurs. Ce choix sera soumis soit a une autorisation préalable, soit à une approbation subséquente du gouvernement. Le paragraphe dernier laisse cela dans le vague. »

Voilà la loi commentée, expliquée par son auteur à l'instant suprême du vote définitif, et une circulaire ministérielle, quelle qu'elle soit, ne saurait prévaloir contre la loi elle-même.

On doit en conclure, que conformément à ce que j'ai dit en commençant, le législateur n'a pas attaché plus d'importance à telle forme plutôt qu'à telle autre, que la forme lui a paru indifférente. Tout au moins y a-t-il un doute très sérieux sur la nécessité de l'autorisation préalable et sur l'insuffisance prétendue de l'approbation subséquente.

J'ai discuté jusqu'à présent, messieurs, ce que je pourrais appeler une pure question de procédure.

Quant au fond, le conseil communal a-t-il élevé la prétention de faire une nomination valable et définitive sans l'intervention du gouvernement ? A-t-il eu un seul instant la pensée de se passer de cette intervention ? En aucune façon, c'est le contraire qui est vrai.

Le conseil communal a été le premier à reconnaître son impuissance à faire une nomination définitive sans l'agréation de l'autorité supérieure et il appelle, il sollicite lui-même pour sa délibération la sanction gouvernementale. L'arrêté porte en effet : « Art. 3. Cette nomination est soumise à l’approbation du gouvernement. »

Lorsqu'on va au fond des choses, je dis qu'on ne peut voir dans l'arrêté qui est revêtu de la signature de M.lc gouverneur du Hainaut qu'une misérable chicane, si je puis me servir de cette expression un peu triviale, mais qui rend bien ma pensée.

On cherche à épiloguer sur les mots et on refuse de comprendre le sens même de la délibération. De grâce, relisez de bonne foi cette délibération, et vous demeurerez convaincus comme moi qu'elle ne signifie (page 479) pas autre chose que ceci ; Le Conseil demande au gouvernement qu'il agrée que telle institutrice non diplômée soit admise à l'école communale. Que faut-il de plus ?

Dans cette occurrence, quel était le devoir de l'autorité supérieure ? Je ne discute pas, veuillez bien le remarquer, la question de savoir si l'autorité supérieure devait agréer ou ne pas agréer. Cette question de l'agréation des instituteurs non diplômés a fourni matière à une brillante discussion en 1862, mais là n'est pas, à proprement parler, le nœud de la difficulté qui nous occupe en ce moment. Le conseil communal ne se plaint pas de ce que le gouvernement ait arbitrairement refusé d'agréer telle institutrice.

Certes, la conduite de M. le gouverneur et du gouvernement est bien étrange quand je la mets en regard de ce que disait, en 1862, l'honorable ministre de l'intérieur :

« Il arrive que des personnes diplômées et d'autres qui ne le sont point se mettent ensemble sur les rangs ; le conseil communal demande l'autorisation de choisir le candidat non diplômé et tous les jours le gouvernement accorde cette autorisation.

« Il l'accorde chaque fois qu'il reconnaît que le candidat possède réellement les qualités nécessaires pour bien enseigner. »

Il faut croire que l'incapacité de l'élue du conseil communal d'Enghien était de notoriété publique, puisque M. le gouverneur ne crut pas même devoir la convoquer à une épreuve. Mais la difficulté actuelle, je le répète, gît ailleurs.

Le gouvernement, je ne le conteste pas, était juge de l'opportunité qu'il y avait d'agréer ou de ne pas agréer l'institutrice non diplômée. Mais ce que l'autorité supérieure ne pouvait se dispenser de faire, c'était de faire connaître à l'administration sa décision à ce sujet, de lui répondre en un mot : J'agrée ou je n'agrée pas, un des deux ; et, au second cas, il devait engager le conseil communal à porter son choix sur une autre institutrice.

Au lieu de cela, que fait-on ? On garde le silence, on fait le mort, et puis, quand les quarante jours sont passés, on fait une nomination d'office, en s'appuyant sur l'article 12 de la loi de 1842.

Eh bien, je dis que c'est là un misérable expédient, qui prouve combien la conduite de l'honorable gouverneur, dans cette circonstance, a été illogique, arbitraire, et je pourrais même dire despotique. (Interruption.) Vraiment, quand on examine froidement ce qui s'est passé, on en arrive à se demander si, en une nuit, notre régime politique a été subitement bouleversé et si la liberté communale a été confisquée au profit de l’autocratie administrative.

Dans l'espèce, M. le gouverneur, selon l'expression très heureuse d'un publiciste, n'a pas suppléé le conseil communal, mais a tout bonnement cherché à le supplanter, comme je vais avoir l'honneur de vous le démontrer en peu de mots.

L'article 12 porte :

« En cas de vacance d'une place d'instituteur, soit par révocation, soit autrement, le conseil communal sera tenu de procéder au remplacement dans les quarante jours, sauf fixation, par le gouvernement, d'un délai plus long ; passé le terme de quarante jours ou le terme fixé par le gouvernement, il sera procédé d'office par celui-ci à la nomination. »

L'honorable M. Dellafaille, expliquant cette disposition, dit dans son rapport au Sénat :

« L'article 12 pourvoit au cas où le conseil communal négligerait de remplir les places vacantes, soit par simple négligence, soit pour se soustraire à la charge qui lui incombe. »

Est-ce que, par hasard, le conseil communal d'Enghien a négligé de nommer ? Mais au contraire ; il a nommé, et en faisant cette nomination conditionnelle il avait rempli son devoir et en même temps épuisé ses droits. Que lui restait-il à faire, si ce n'est à attendre la décision que prendrait le gouvernement ? Comment voudriez-vous que le conseil communal d'Enghien eût fait une nouvelle nomination avant d'être fixé sur le sort de la première ?

Mais, dit-on, cette nomination est nulle. C'est là l'erreur. La nomination n'est pas nulle, seulement elle manque d'un complément indispensable qu'il était au pouvoir du gouvernement de lui donner.

MiPµ. - Et du droit du gouvernement de refuser.

M. Liénartµ. - J'en conviens avec vous, mais la validité de cette nomination était tenue en suspens aussi longtemps que le gouvernement ne manifestait pas son intention à ce sujet et tenue en suspens par le fait du gouvernement, qui différait de se prononcer. De quel droit prétendez-vous aujourd'hui rendre le conseil responsable de ce retard ? Si vous argumentez de votre propre silence, et c'est aujourd'hui votre seule et unique ressource, je suis en droit de vous dire que vous avez tendu un piège à l'administration d'Enghien, et que vous avez surpris sa bonne foi.

Le jour où le gouvernement faisait enfin connaître son refus d'autoriser, il devait indiquer au conseil un nouveau délai dans lequel il aurait à procéder à une autre nomination...

MiPµ. - Où cela est-il écrit ?

M. Liénartµ. - C'est principalement en vue de cette hypothèse, l'hypothèse d'une première nomination non agréée par l'autorité supérieure, que la loi a permis de proroger le délai fixé à l'article 12.

Non seulement, c'est ainsi que M. le gouverneur aurait dû procéder, mais telles sont les traditions du département de l'intérieur, témoin ce qui s'est passé à Cuesmes et à Antoing.

A Cuesmes, le conseil communal avait nommé une institutrice non diplômée, une religieuse. Le gouvernement refuse d'approuver cette nomination, et voici en quels termes ce refus est porté à la connaissance du conseil communal :

« J'ai l'honneur de vous faire connaître que M. le gouverneur ne peut accorder l'autorisation de nommer la personne que vous proposez, par la raison qu'elle ne possède pas, comme la demoiselle X..., la qualité d'aspirante diplômée.

« Vous voudrez bien inviter votre conseil à délibérer de nouveau, dans les dix jours, et le prévenir qu'à défaut par lui de porter son choix sur une personne réunissant les conditions requises, il sera procédé d'office à la nomination. »

M de Theuxµ. - Quelle est la date de cette lettre ?

M Liénartµ. - Elle est du 6 juin 1859.

A Antoing le conseil communal avait fait une nomination dans les mêmes conditions. Nouveau refus de l'administration. Malgré ce refus, le conseil communal persiste dans sa première décision et on négocie pendant neuf mois,. On aurait pu, pendant ce délai, faire sept ou huit nominations d'office, si l'on avait suivi la jurisprudence cavalière qu'on a adoptée aujourd'hui.

Autre exemple : le conseil communal d'une grande ville nomme un instituteur non diplômé, et, cette fois, la nomination est pure et simple, et le conseil communal ne se soucie pas même de demander l'approbation subséquente de l'autorité, qui était nécessaire. Quarante jours s'écoulent et, à l'expiration de ce délai, vous vous attendez sans doute à voir sortir une nomination d'office ?

Ecoutez plutôt la lettre écrite par l'honorable M. Vandenpeereboom à M. le gouverneur du Brabant, qui l'avait consulté à ce sujet et dans lequel l'honorable ministre trace précisément la règle que nous prétendons être la seule juste, la seule équitable, la seule convenable.

« J'estime, M. le gouverneur, écrivait-il, qu'aussitôt après avoir reçu l'acte de nomination, vous auriez dû en suspendre l'exécution, engager le conseil communal à procéder régulièrement et, en cas de refus du conseil, proposer l'annulation par application de l'article 87 de la loi communale. »

Voilà M. Vandenpeereboom réfuté par lui-même à quelques années de distance.

Il est vrai qu'il s'agissait, dans l'espèce, du puissant conseil communal de Bruxelles et que, dans notre hypothèse, le gouvernement se trouvait en présence du modeste conseil communal d'Enghien. Mais c'est là précisément ce que nous ne voulons pas ; nous ne voulons pas qu'il y ait deux poids et deux mesures ; que l'on traite différemment telle commune et différemment telle autre ; que l'on ait des égards pour celle-ci et qu'on réserve ses dédains pour celle-là.

C'est cependant dans cet ordre d'idées, vous l'avez remarqué, qu'on a cherché à faire le procès au conseil communal d'Enghien : on l'a accusé de négliger ses devoirs, de ne pas apporter à l'instruction tous les soins que mérite cet important service ; on vous l'a représenté comme rebelle, opiniâtre et peu s'en est fallu qu'on ne le dépeignit comme marchant sur les brisées de notre métropole commerciale et méritant les mêmes anathèmes.

Ces récriminations ne tendent qu'à déplacer la discussion ; le gouvernement se sent faible sur le terrain de la légalité et aussi sur celui des sages pratiques en matière d'administration, et il n'est pas de hors d'œuvre qu'on ne soit prêt à nous servir pour faire dévier le débat. Cela est tellement vrai que le seconde partie du discours de M. le ministre a complètement absorbé la première, comme vous l'aurez tous remarqué.

(page 480) Messieurs, je comprendrais jusqu'à un certain point cette manière de raisonner s'il s'agissait ici de faveurs que le gouvernement distribue à sa fantaisie, qu'il prodigue aux uns et qu'il refuse systématiquement aux autres ; le favoritisme du gouvernement, après une longue domination, ne saurait plus nous causer de surprise ;

Mais le droit de nommer les instituteurs communaux est un droit sacré qui appartient à la commune et qu'on ne saurait lui ravir, sous quelque prétexte que ce soit.

Ceci, messieurs, m'amène en finissant à mettre sous les yeux de la Chambre la considération capitale, la considération de principe qui doit dominer tout ce débat. C'est que la nomination des instituteurs communaux est placée, par la loi de 1836, dans les attributions du conseil communal.

L'honorable ministre de 1842, répondant à M. Devaux qui voulait exiger dans tous les cas l'agréation du gouvernement pour les nominations d'instituteurs communaux, disait à la séance du 25 août :

« L'honorable préopinant ne tient pas compte de l'article 84, n°6 de la loi communale... Nous sommes, au contraire, partis de l'idée qu'il fallait, jusqu'à un certain point, maintenir la disposition de l'article 84, n°6 de la loi communale... Je me suis levé uniquement pour faire cette observation et pour signaler en quelque sorte le point de vue où je me suis placé en rédigeant cet article. »

La disposition de l'article 12 organise plutôt ce droit de nomination qu'elle ne le restreint ; et cependant c'est fut assez pour que M. Delfosse accusât sévèrement le gouvernement d'alors d'amoindrir nos libertés communales.

« Le gouvernement, disait-il, cherche aujourd'hui à étendre son influence aux dépens des administrations communales. La loi du 30 mars 1836 donnait aux administrations communales le droit illimité de nommer, de révoquer et de suspendre les. instituteurs communaux. Ce n'était pas là une prérogative excessive. On pouvait fort bien, surtout dans les grandes villes, la confier à ceux qui sont investis des suffrages de leurs concitoyens ; et l'on n'a pas prouvé par des faits qu'ils en auraient abusé.

« M. le ministre de l'intérieur nous a dit tantôt qu'il fallait avoir quelque confiance dans les administrations communales. Ce langage dans la bouche de M. le ministre de l'intérieur a le droit de m'étonner. Les administrations communales portent ombrage au gouvernement ; on veut (c'est un parti pris) leur enlever une à une toutes celles de leurs attributions qui ont quelque importance... On dirait, en vérité, que le gouvernement... est jaloux de ce que les conseils communaux montrent plus de courage et d'indépendance que lui.’

Ces paroles prononcées il y a plus de vingt années, ont conservé toute leur actualité.

Mais, qu'aurait dit cet honorable membre, et combien son langage n'aurait-il pas été plus véhément encore s'il avait été appelé, comme nous le sommes aujourd'hui, à apprécier non pas l'exercice modéré du droit que la loi de 1842 confère au gouvernement ; mais, je n'hésite pas à le dire, l'abus le plus criant et le plus audacieux qu'on en puisse faire.

J'avais cru, jusqu'à présent, que la présence du prêtre dans l'école à titre d'autorité, en vertu de la loi de 1842, offusquait seule le parti libéral ; mais véritablement, après tout ce qui vient de se passer, j'ai bien peur que l'autorité communale ne soit aussi menacée que celle du prêtre. Et peut-être même pourrait-on commencer par cette dernière réforme sur laquelle la gauche est moins divisée que sur la première, si j'en juge et par l'attitude de M. le ministre de l'intérieur d'aujourd'hui et par celle de M. le ministre de l'intérieur d'hier, qui, en principe cependant, sont partisans de la loi de 1842.

- Plusieurs membres. - A demain !


MpMoreauµ. - Il y a lieu de remplacer M. Pirmez, nommé ministre de l'intérieur, dans la section centrale chargée d'examiner la loi sur l'organisation militaire et celle à laquelle a été soumise la loi du contingent.

MiPµ. - Je faisais également partie de la commission chargée de la révision du code de commerce.

MpMoreauµ. - La Chambre consent-elle à ce que le bureau procède à cette nomination ?

- Plusieurs voix. - Oui ! oui !

MpMoreauµ. - Le bureau charge donc M. Watteeu de remplacer M. Pirmez dans lès sections et commission dont il faisait partie.

M. Wasseige, rappelé chez lui par une affaire imprévue, demande un congé pour la séance de demain.

- Accordé.

La séance est levée a 4 heures trois quarts.