Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 3 mars 1868

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1867-1868)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 739) M. de Moor, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Dethuin, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moor présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Louis Caspers, employé de commerce à Bruxelles, né à Coblence, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur Jacques Flammang, marchand tailleur à Arlon, né à Mersch (grand-duché de Luxembourg), demande la naturalisation ordinaire avec exemption du droit d'enregistrement. »

- Même renvoi.


« Le sieur Degryze, soldat au régiment des grenadiers, qui a obtenu des congés pour infirmités contractées au service, se trouvant hors d'état de rejoindre son corps, demande un secours permanent ou une pension de réforme. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Dousedan se plaint du retard mis à la nomination d'un lieutenant adjudant-major au 2ème bataillon de la légion de la garde civique de Malines. »

-- Même renvoi.


« Le sieur Sergent, domicilié à Lessines, se plaint que son fils a été rayé de la liste des miliciens de cette commune et inscrit sur celle de Papignies. »

- Même renvoi.


« Le sieur Toefaert, ancien agent intermédiaire entre l'administration des taxes communales de la ville de Gand et les bateliers transitant ou important des objets soumis à ces taxes, et ancien courtier de commerce près la bourse de Gand, successivement privé de ces emplois par suite des lois de juillet 1860 et de décembre 1867, demande une place équivalente dans l'administration des contributions directes ou dans toute autre branche de l'administration. »

- Même renvoi.


« Par trois pétitions,- des habitants de Saint-Gilles et de Saint-Nicolas-en-Glain demandent la dissolution des deux Chambres, »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Vechmael demande la construction d'une route de Tongres à Gelinden. »

« Même demande du conseil communal d'Engelmanshoven. »

- Même renvoi.


« Le sieur Crèvecœur, ancien employé de l'octroi à Bruxelles, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir le remboursement des retenues mensuelles opérées sur ses appointements, en faveur de la caisse de retraite instituée par cette ville. »

- Même renvoi.


« La dame Van Nieuwenlandt demande la grâce de son mari, soldat du 8ème régiment de ligne, qui a été condamné à la division de discipline. »

- Même renvoi.


« Des propriétaires et cultivateurs à Jalhay demandent que la loi du 11 juin 1850 sur l'exercice de la médecine vétérinaire soit rapportée. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Furnes demande qu'il soit pris des mesures pour forcer la compagnie concessionnaire du chemin de fer de Furnes à Lichtervelde à mettre en bon état la voie et le matériel, et prie la Chambre d'accorder au sieur Kahn la concession du chemin de fer de Furnes à Ostende. »

- Même renvoi.


« Le sieur Mesens demande que la distribution des Annales parlementaires ait lieu à l'avenir le lendemain de la séance. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Roulers prient la Chambre de statuer sur leur pétition ayant pour objet de faire annuler l'ordonnance de police du conseil communal concernant la danse. »

- Même renvoi.


« Des habitants d'Iseghem demandent qu'une loi défère aux magistrats de l'ordre judiciaire le recours en appel de la juridiction électorale. »

« Même demande d'habitants d'Ardoye, des membres du comité central de l'association libérale et constitutionnelle d'Anvers et de l'arrondissement de Thielt. »

- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


« Le sieur Fievez demande la construction du chemin de fer direct de Bruxelles à Luttre. »

- Même renvoi.


« Des huissiers à Liège présentent des observations relatives au projet de loi sur les protêts. »

M. Lelièvreµ. - Cette pétition a un caractère d'urgence ; il importe qu'il intervienne le plus tôt possible une décision sur l'objet qu'elle concerne. D'un autre côté, la réclamation renferme des développements remarquables. Je demande qu'elle soit renvoyée à la commission avec prière de faire un prompt rapport.

- Adopté.


« Des habitants de Spa et des communes environnantes demandent que la suppression des jeux de cette ville coïncide avec celle des jeux d'Allemagne. »

« Même demande d'habitants de Rallier et Chevron. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


« Le sieur Wauters se plaint de l'interprétation donnée par l'administration des chemins de fer de l'Etat à la loi votée pour la réduction des prix des longs parcours. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.


« Des habitants de Jumet présentent des observations contre le projet de loi sur l'organisation de l'armée. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Des habitants de Dinant demandent l'adoption du projet de loi sur l'organisation de l'armée. »

- Même décision.


« Des habitants de Mourcourt demandent le rejet de toute proposition qui augmenterait les charges militaires et prient la Chambre de ne prendre aucune décision sur les projets de loi militaires jusqu'à ce que le gouvernement ait fait appel au pays pour qu'il se prononce sur cette question. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des projets de lois militaires.


«Des habitants d'Alveringhem demandent la diminution des dépenses militaires. »

- Même décision.


< Le sieur Heyndrick demande que les fonctions d'officier payeur soient réservées aux sous-officiers comptables qui ont subi l'examen prescrit par l'instruction ministérielle du 24 juillet 1857. »

-Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur l'organisation de l'armée.


« Des membres de l'Association libérale et constitutionnelle d'Anvers prient la Chambre de mettre à l'étude un projet de loi sur la milice (page 740) d'accord avec les principes d'égalité garantis à tous les Belges, et de modifier l'organisation de la force publique dans le sens : 1° de la réduction du temps de service au temps strictement nécessaire à l'instruction militaire complète ; 2° de la suppression du rappel pour un mois ; 3° de la diminution régulière et constante du budget de la guerre. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des projets de lois militaires et renvoi à la section centrale du projet de loi sur la milice.


« Les membres du conseil communal et des habitants de Masbourg prient la Chambre de rejeter les nouvelles charges militaires, de remplacer le tirage au sort pour la milice par le service volontaire convenablement rétribué, de réduire le budget de la guerre au chiffre de 25 millions et de suspendre ou plutôt d'abandonner les travaux de fortifications d'Anvers. »

- Même décision.


« Des habitants d'Eggewaerts-Cappelle demandent la diminution des charges militaires et la suppression du tirage au sort pour la milice. »

- Même décision.


« Des habitants de Liège prient la Chambre d'abolir les lois de recrutement et de diminuer les dépenses militaires. »

- Même décision.


« Par deux pétitions, des habitants de Nandrin demandent le rejet des nouvelles charges militaires, l'abolition de la conscription et l'organisation de la force publique d'après des principes qui permettent une large réduction du budget de la guerre. »

« Même demande d'habitants d'Yernée Fraineux. »

- Même décision.


« Des habitants de Marcourt prient la Chambre d'abolir la conscription et de confier la défense nationale à une armée de volontaires, sauf à décréter l'armement général, en cas de danger. »

- Même décision.


« Le sieur Moreau présente des observations en faveur de l'abolition du tirage au sort pour la milice. »

- Même décision.


« Des habitants de Liège et des environs demandent que la conscription soit abolie et remplacée par un système mieux en rapport avec l'égalité des citoyens. »

- Même décision.


« Il est fait hommage à la Chambre :

« 1° Par M. le ministre de la justice d'un exemplaire du cahier contenant les circulaires de son département pendant l'année 1866, avec là table alphabétique et le litre du dixième volume du recueil ;

« 2° Par M. le ministre de la guerre de deux exemplaires de l'Annuaire militaire officiel de 1868 ;

« 3° Par M. le gouverneur de la Banque Nationale de 130 exemplaires du compte rendu des opérations de cet établissement pendant l'année 1867 ;

4° Par le sieur Mertens de 130 exemplaires d'un plan indiquant le tracé d'un chemin de fer d'Anvers à la station néerlandaise de Woensdrecht ;

« 5° Par le sieur Jacobs Monet de cinq exemplaires d'un poème intitulé : Marie-Thérèse. »

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.

Décès d’un membre de la chambre

MpDµ. - Messieurs, le président de la Chambre a reçu les lettres suivantes :

« Monsieur le président,

« C'est avec la plus profonde douleur que j'ai l'honneur de vous faire part de la mort de mon mari le comté du Bois d'Aische.

« Il nous a été enlevé par la permission divine, le samedi 22 février, à dix heures du soir.

« Agréez, monsieur le président, l'expression de ma parfaite considération.

« Rome, le 27 février 1868.

« Comtesse du Bois d'Aische-Vilain XIIII. »

Une seconde lettre, émanant de notre collègue, M. le Vicomte Vilain XIIII, m'est parvenue. Là voici :

« Bruxelles, ce 3 mars 1868.

« Monsieur le président,

« Je suis chargé, par ma sœur, de vous annoncer la mort de son mari, M. le comte Adolphe du Bois d'Aische, membre de la Chambre des représentants, décédé à Rome le 22 février. Veuillez en faire part à nos collègues.

« L'enterrement aura lieu à Edeghem, près d'Anvers, le lundi 16 de ce mois, à 11 heures.

« J'ai l'honneur de vous offrir, M. le président, les assurances de ma haute considération.

« Vilain XIIII. »

J'ai l'honneur de proposer à la Chambre d'adresser une lettre de condoléance à Madame la comtesse du Bois d'Aische.

J'ai l'honneur de vous proposer encore, conformément aux précédents, le tirage au sort d'une députation de onze membres, qui assistera aux funérailles de notre regretté collègue. (Oui ! oui !) Cette députation, si la Chambre approuve les propositions que j'ai l'honneur de lui faire, sera présidée par M. le premier vice-président Moreau.

Si d'autres de nos collègues veulent se joindre à la députation, il sera pris les dispositions nécessaires pour qu'un convoi de chemin de fer soit mis à leur disposition comme à celle de la députation.

- Les propositions de M. le président sont adoptées.

Pièces adressées à la chambre

MpDµ. - J'ai reçu encore la lettre suivante de M. le comte de Liedekerke.

« Rome, 20 février 1868.

« Monsieur le président,

« Des circonstances impérieuses m'obligent de prolonger ici mon séjour plus que je ne pouvais le prévoir.

« Je me vois forcé à demander un congé à la Chambre.

« Pour le cas où le vote des différents projets dont elle est saisie, concernant l'organisation militaire et la défense du pays, devrait survenir avant que je pusse m'associer de nouveau à ses travaux, je vous prierais de faire connaître à mes honorables collègues que j'aurais appuyé de mon vote les dépenses nécessaires et justifiées, telles que celles pour le complément des fortifications d'Anvers et pour leur donner la solidité défensive voulue.

« J'aurais également consenti à l'organisation d'une force armée suffisante pour le défense de cette place de guerre, qui résume forcément toute la défense du pays. Les chiffres que M. le rapporteur a indiqués pour cette défense dans son rapport, qui ne paraissent pas contestés et auxquels je me rallie, m'auraient permis de repousser toute augmentation du contingent et d'éviter ainsi au pays une nouvelle aggravation du fléau déjà si lourd de la conscription.

« Veuillez agréer, M. le président, 1'assuralice de ma parfaite considération.

« Liedekerke-Beaufort. »

- Le congé est accordé.

Proposition de loi

Dépôt

MpDµ. - Il est parvenu au bureau une proposition de loi émanant de l'initiative d'un de nos honorables collègues.

Conformément au règlement, les sections seront convoquées pour demain à l'effet de savoir si elles en autorisent la lecture.

Projet de loi portant le budget du ministère de la guerre de l’exercice 1868

Rapport de la section centrale

M. Van Humbeeckµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale chargée d'examiner le budget de la guerre sur les amendements présentés par le gouvernement dans la séance du 25 janvier dernier.

- Ces amendements seront imprimés et distribués.

Projet de loi sur l’organisation militaire

Discussion des articles

Article premier

MpDµ. - Nous sommes arrivés à l'article premier.

Un amendement signé par M. Vleminckx vient d'arriver au bureau.

Il est ainsi conçu :

« J'ai l'honneur de proposer de ne faire qu'un seul article des articles 1er et 2, et de les rédiger comme suit :

« L'état-major de l'armée et les états-majors particuliers, aussi bien que les cadres des diverses armes, se composeront, sur le pied de paix, du nombre d'officiers déterminés ci-après :

« Etat-major général.

« Lieutenants généraux, 9.

Généraux-majors, 18, etc.

« Le reste comme à l'article 2, à l'exception du paragraphe : « état-major des provinces. »

L'amendement en un mot (c'est l'honorable auteur qui en donne lui-même l'analyse) a pour objet la suppression de la section de réserve et des commandements provinciaux spéciaux.

La parole est à M. Vleminckx pour développer son amendement.

(page 741) M. Vleminckxµ. - J'ai eu l'honneur de vous dire, messieurs, dans la discussion générale, que je voterai ce qui me semblera indispensable pour une bonne organisation militaire, mais que je combattrai et repousserai sans hésitation les exagérations et les superfluités. L'article premier me fournit tout naturellement le moyen d'exécuter cette résolution.

Le gouvernement, vous vous le rappelez, nous avait proposé tout d'abord, pour le temps de paix, trois sortes de généraux, des généraux actifs, des généraux réservés pouvant devenir éventuellement actifs, et des généraux disponibles.

La section centrale, se conformant d'ailleurs à l'avis émis par l'unanimité des sections, a fait disparaître les généraux disponibles : je viens, de mon côté, vous proposer la suppression des généraux réservés et des commandants provinciaux spéciaux, que je considère comme parfaitement inutiles.

Depuis l'institution de la section de réserve, j'en ai suivi pas à pas l'évolution et la marche, et mes observations, basées sur des faits incontestables, m'ont conduit à cette conclusion qu'elle ne sert qu'à ces deux choses, à faire conférer des grades sans emploi, contrairement à un principe fondamental de notre législation militaire, et les grades étant confères, sans nécessité aucune, à attribuer à ceux qui en ont été investis, des emplois qui devraient être desservis par d'autres officiers, soit d'un grade égal, soit d'un grade inférieur.

Parlons d'abord des lieutenants généraux.

On nous en demande deux, toujours pour le temps de paix, veuillez ne pas l'oublier. Pourquoi donc ? Est-ce que cette demande peut se légitimer ? Les besoins du service la justifient-ils ? Est ce que les neuf lieutenants généraux de la section du service n'y suffisent pas et au delà ? Est-ce que leur nombre n'excède déjà pas le chiffre des divisions, et lorsqu'un d'eux vient à quitter l'armée, est-ce qu'il n'est pas pourvu immédiatement à son remplacement ?

A quoi donc peut servir la création de ces deux généralats supplémentaires ? A rien, si ce n'est à créer des fonctions et à augmenter inutilement nos dépenses, je ne crains pas de l'affirmer, et lorsque viendra la discussion du budget de la guerre, je n'aurai pas de peine à le démontrer de la manière la plus évidente.

Quant aux généraux-majors, c'est exactement la même chose. Qu'en fait-on en effet ? Ils sont au nombre de quatre, et trois d'entre eux sont investis d'un commandement de province.

Eh bien, des deux choses l'une, ou vous en avez besoin pour ces commandements, et alors en les y employant, vous supprimez de fait ce que vous appelez la réserve, ce qui prouve que la réserve n'est plus une chose, mais un mot ; ou vous n'en avez pas besoin, et alors quels motifs avez-vous de vous en servir ?

Ce qui est la vérité, messieurs, c'est qu'on s'en sert parce qu'ils existent ; mais ils n'existeraient pas que leur absence ne se ferait pas sentir.

Et tout d'abord faut-il des commandants provinciaux spéciaux ?

Je réponds sans hésitation : non. Et le département de la guerre va lui-même me venir en aide, pour en fournir la démonstration.

Voici ce que je lis, en effet, dans le projet du budget de la guerre pour 1849. (Note préliminaire.)

« Etat-major des provinces.

« Réduction de 8 chevaux résultant de la suppression de quatre commandants de province. »

Et plus loin, dans les développements détaillés du budget :

« Frais de bureau. 5 généraux-majors commandants de brigade et de province. »

Donc en1849 (c'était l'époque des économies), 5 généraux commandants de brigade pouvaient cumuler avec ce commandement celui d'une province.

Donc, ou reconnaissait en 18i9 que l'on pouvait se passer de commandants provinciaux spéciaux.

Or, puisque cela s'est fait en 1849 et jusqu'en 1853, je pense, pourquoi cela ne pourrait il se pas se faire en 1868 ? Avons-nous moins besoin qu'alors d'organiser économiquement notre armée ? Est-ce que notre budget de la guerre n'est pas considérablement élevé depuis ? Est-ce que, d'autre part, nous n'avons pas à songer sérieusement à améliorer la situation de nos soldats ? Et n'aurons-nous pas à faire de ce chef des dépenses nouvelles et véritablement indispensables, celles-là ?

C'est en vain qu'on viendrait nous soutenir aujourd'hui que le système de 1849 serait inexécutable en 1868. Cela ne serait pas sérieux. Nous savons aussi bien que le département de la guerre le travail qui incombe aux commandants de brigade, en temps de paix, et dût-on le doubler et tripler même, on ne parviendrait pas encore à prouver que quelques-uns d'entre eux ne pourraient pas être investis, en temps de paix, du double commandement d'une brigade et d'une province.

II y a, par province, un aide de camp provincial ; c'est la cheville ouvrière du commandement ; c'est lui, lui seul, qui fait presque toute la besogne, c'est à lui que sont dévolus tous les détails de l'administration, et il est vraiment heureux qu'il en soit ainsi, car rien n'est moins stable qu'un poste provincial ; c'est à peine si on y reste assez de temps pour être tout à fait au courant de la fonction, les uns n'y arrivant que vers la limite d'âge, les autres ne venant l'occuper que temporairement et en attendant un commandement de brigade. L'aide de camp provincial est l'homme de la tradition, l'homme de l'administration ; comment donc songerait-on à prétendre qu'avec son concours un commandant de brigade ne pourrait, sans dommage pour le service, commander en même temps une province ?

Comme moi, messieurs, vous avez pu lire dans le rapport de mon honorable ami, M. Van Humbeeck, un document émanant du département de la guerre et dans lequel on s'étend longuement sur les nombreuses et importantes attributions des commandants de province ; pour qui a vu les choses de près, ce doit avoir été un grand sujet d'étonnement ; ceux qui, comme moi, ont été nourris dans le sérail, savent à quoi s'en tenir sur ces nombreuses et importantes attributions. Il y a là une exagération évidente. Les commandements de province sont les canonicats de l'armée. Il n'y a qu'un mois ou plutôt il n'y a que quelques jours d'un mois de l'année, qui leur donnent véritablement un peu de travail ; c'est à l'époque de la remise des miliciens : mais à qui persuadera-t-on que ce puisse être là une raison pour n'en pas investir des commandants de brigade, comme on l'a fait en 1849 ?

Voulez-vous, messieurs, une dernière et décisive preuve de leur inutilité ? Mais rappelez-vous que le gouvernement lui-même vous l'a fournie ?

Rappelez-vous ce commandant provincial qui n'a jamais mis le pied dans sa province et qu'on a laissé tranquillement à l'arsenal d'Anvers où, d'ailleurs, je le reconnais, il était parfaitement à sa place. Ce fait seul est, à mes yeux, la condamnation de la spécialité de la fonction. Il y a d'ailleurs d'autres commandements provinciaux encore, à Namur, à Hasselt. etc., qui sont restés pendant plusieurs années sans titulaires.

Mais, nous dit le département de la guerre, l'emploi de commandant provincial est absolument indispensable, en temps de guerre, lorsque l'armée est mobilisée. Soit. Mais pour ce temps exceptionnel et nécessairement très court (on l'a reconnu dans cette discussion), est-ce que le commandant de place au chef-lieu ne pourra pas être investi provisoirement du commandement ? Est-ce que, d'ailleurs, on ne peut pas nommer alors des commandants spéciaux ? Cela prouve-t-il, en dernière analyse, qu'il faille maintenir cette dispendieuse organisation en temps de paix ?

A propos des généraux de la réserve, j'ai entendu faire une autre observation. On a dit : « Mais nous n'avons déjà pas assez de généraux, et vous voulez en supprimer ! » Eh bien, je nie absolument que nous n'ayons pas assez de généraux ; je vous ai déjà signalé que nous avions plus de lieutenants généraux que nous n'avions de divisions. J'ajoute maintenant que le chiffre de nos généraux-majors dépasse et de beaucoup celui de nos brigades. Que chacun remplisse les fonctions de son grade, et vous verrez alors si ce que je vous rapporte n'est pas l'expression de la plus exacte vérité ; malheureusement, c'est ce qui ne se fait pas, c'est ce qui ne s'est jamais fait chez nous, et il me semble que l'organisation ne doive servir qu'à créer des positions.

Je comprends jusqu'à un certain point que dans un pays qui fait de grandes guerres, des guerres offensives, des guerres longues ou lointaines, des guerres de conquête, il y ait une réserve de généraux, des généraux de rechange, comme on les appelle ; je comprends donc qu'on puisse justifier, sous quelques rapports, le système qui est en vigueur en France ; mais qu'il y ait lieu pour nous à suivre cet exemple, voilà ce qu'on ne pourra jamais me faire comprendre. Ferons-nous jamais des guerres offensives ? Est-ce que le rôle de notre armée, à nous, ne se bornera pas toujours a une résistance toute momentanée ; ou plutôt, comme l'a dit mon honorable ami M. de Brouckere, à faire l'office d'une armée prophylactique ? A quoi donc peuvent nous servir des généraux de rechange ?

Il y a plus que cela, messieurs ; en supposant qu'il nous faille pour la guerre ou des généraux supplémentaires, ou des généraux de rechange, ce n'est pas dans ce qu'on appelle chez nous la réserve, qu'il faudra les chercher, car ou pourrait bien ne pas les y trouver.

Qu'est-ce, en effet, que notre réserve ? Ce n'est pas une section qui (page 742) comporte un nombre déterminé de généraux par arme. Non, non, il n'y a rien là de fixe ni de régulier. C'est la plus singulière organisation qui se puisse imaginer. Il se peut qu'elle soit composée tout entière aujourd'hui de fantassins, demain de cavaliers, plus tard d'artilleurs, etc. Or, s'il nous faut un fantassin, et que nous n'y trouvions que des cavaliers ou des artilleurs, à quoi nous servira-t-elle ? Et s'il nous faut un artilleur et qu'il n'y eu ait aucun, le remplacerons-nous par un cavalier ? Et voilà précisément ce qui me fait dire que notre système de réserve ne présente aucun caractère d'utilité réelle au point de vue de la défense nationale : s'il est vrai, en effet, que dans un moment donné notre réserve peut ne renfermer aucun homme auquel l'intérêt actuel de l'armée permette de confier un commandement, à quoi peut-il servir de garder, en temps de paix, ce dispendieux instrument ?

Croyez-le bien, messieurs, si pour la guerre il nous faut un supplément de généraux, c'est dans les rangs de l'armée active qu'on ira les chercher : laissez donc au Roi la faculté de choisir librement, pour ces jours de détresse, les hommes les plus capables et répondant le mieux aux exigences de la situation.

Je vous disais tout à l'heure que je comprenais jusqu'à un certain point l'institution d'une réserve dans les pays qui font des guerres d'agression, et pourtant, vous vous le rappelez, messieurs, Charras, cette grande et noble figure de la révolution de 1848, n'a pas hésité un seul instant à la supprimer. C'est au nom du principe d'égalité qu'il l'a détruite, je le sais bien, et bien aussi un peu pour des raisons d'économie, le décret du 11 avril 1848 en fait foi ; mais vous en êtes tous convaincus, il était trop bon administrateur, cet homme illustre, il était trop Français et trop soldat surtout pour faire prendre une semblable mesure, si elle avait dû être fatale à la grandeur et à la puissance de son pays.

En France, d'ailleurs, la réserve n'a jamais servi à grand chose. Voyez les dernières guerres, et tâcher de découvrir les généraux de cette catégorie qui y ont figuré.

Et pourtant, contrairement à ce qui existe chez nous, la réserve française est une vraie réserve ; on y trouve des généraux de toutes les armes et qui ont glorieusement servi.

Je sais bien que le régime qui a succédé à celui de la république, a aboli le décret du 11 avril 1848, mais ce n'est pas là pour moi un argument. Ce régime a établi et rétabli bien des choses dont nul d'entre nous n'accepterait le patronage et que nul, à coup sûr, n'oserait songer à implanter en Belgique. Ce ne sont pas d'ailleurs des motifs purement militaires qui ont fait revivre en France la loi du 4 août 1839, ce sont des motifs politiques, qui n'existent pas chez nous et qui, je l'espère, n'existeront jamais ; on a voulu y avoir toujours sous la main les généraux qui avaient joui de la confiance de l'armée et qui l'avaient conquise, à la pointe de leur épée.

Je ne puis donc admettre, messieurs, à quelque point de vue que je me place, soit que je considère les nécessités du service, soit que je consulte les véritables intérêts de la défense nationale, je ne puis admettre, dis-je, que nous devions maintenir la section de réserve. En temps de paix, c'est une superfétation ; pour nos rares jours de guerre, ce pourrait être une gêne ou un danger.

Songez d'ailleurs, messieurs, qu'il ne s'agit pas ici d'une mince somme à économiser. La section de réserve nous coûte actuellement. 69,880 fr. 80 et les commandements provinciaux 56,277 fr. 20. Total 126,158 fr.

Sans compter les allocations pour fourrages, sans compter encore les augmentations que subit nécessairement, du chef de ces deux catégories de généraux, noire budget de dotations. Trouvez-vous que cela soit si peu ?

Je n'hésite pas, par conséquent, à vous recommander l'amendement dont M. le président vous a donné lecture, et que vous pourrez accueillir sans nuire en aucune manière à la bonne organisation de l'armée.

Ne le perdons pas de vue, messieurs, si nous ne rayons pas impitoyablement de l'organisation qui nous est proposée, les inutilités, les superfétations, il en sera de celle-là comme de celles qui l'ont précédée ; le budget de la guerre continuera à être l'objet d'attaques incessantes, jusqu'à ce qu'un beau jour il finisse par être rejeté.

MgRµ. - L'honorable M. Vleminckx vous demande, messieurs, de supprimer onze généraux. Il prétend que ces officiers sont inutiles, que leurs fonctions sont nulles.

Je ne partage en aucune façon cette manière de voir, Une armée sur pied de paix ne comprend pas les éléments du pied de guerre et cela se conçoit sans peine ; car s'il en était autrement, on arriverait à des dépenses exagérées.

Si la proposition de l'honorable M. Vleminckx étant adoptée, il fallait mettre l'armée sur pied de guerre, on devrait doubler le nombre de nos généraux.

J'ai pris part dans les dernières années à des travaux qui avaient pour objet de placer l'armée dans une situation telle, qu'elle pût faire face à dos événements menaçants, et dans les études auxquelles j'ai participé, nous sommes arrivés à cette conséquence que les généraux n'étant pas assez nombreux avec les ressources actuelles, il y aurait lieu d'opérer de nombreux déplacements, et de priver les corps des chefs qui les avaient dirigés pendant la paix, et qui les connaissaient le mieux au moment même où leur direction serait la plus utile.

Dans toute armée on a soin de prévoir le passage du pied de paix au pied de guerre et de tenir en réserve un certain nombre de généraux surtout pour la défense intérieure du pays.

On a parlé de la réserve qui existe en France, mais, messieurs, cette réserve est très forte. Tous les généraux de brigade arrivés à l'âge de 62 ans, comme tous les généraux de division qui ont atteint leur 65ème année passent dans les cadres de la réserve ; ils sont employés en temps de guerre, et même pour les expéditions lointaines, car, si je ne me trompe, le commandant en chef de l'expédition de Rome appartenait à cette catégorie. Cependant je ne puis l'assurer.

Si nous devions mettre notre armée sur pied de guerre, nous aurions à nommer le commandant en chef de l'armée sous le Roi, le chef de l'état-major, les commandants des corps d'armée, deux lieutenants généraux et quatre généraux-majors pour les deux divisions du camp retranché, le commandant supérieur d'Anvers et au moins trois généraux pour les diverses parties de ce vaste réduit ; des commandants pour les places de guerre.

Eh bien, je vous le demande, quelle perturbation ne causerait pas une pareille augmentation au début des hostilités, s'il fallait créer le personnel de tous ces commandements.

Notre cadre de réserve ne comprend, en définitive, que deux lieutenants généraux qui n'ont pas une occupation permanente, car les quatre généraux de brigade sont affectés aux commandements de province, auxquels je viendrai tout à l'heure.

Sur les neuf lieutenants généraux, il existe quatre généraux d'infanterie, deux généraux de cavalerie, un lieutenant général commandant l'artillerie, un lieutenant général commandant le génie et un lieutenant général sortant du corps d'état-major.

Quant aux deux lieutenants généraux du cadre de réserve, l'un dirige l'école militaire et le second commande une division d'infanterie en l'absence du titulaire.

En ce qui concerne les commandements de province, l'honorable M. Vleminckx voudrait les confier aux commandants de brigades actives. Mais, messieurs, c'est justement contraire à l'économie de notre système. Nous avons voulu que nos divisions et nos brigades fussent toujours mobiles c'est-à-dire que, d'un moment à l'autre, nos brigades pussent être immédiatement employées.

Or, messieurs, il est aisé de se figurer ce qui arriverait s'il fallait, au moment de la mise sur pied de guerre, désorganiser tous les services et nommer des officiers nouveaux à ces fonctions, au moment même où leur action va devenir si importante pour tout ce qui concerne le rassemblement de l'armée.

En France, messieurs, les commandants des subdivisions sont tout à fait indépendants des généraux commandant les brigades.

En Prusse cela n'existe pas, mais pourquoi ? Parce que, dans ce pays, on possède sur pied de paix tous les généraux nécessaires au pied de guerre. En Prusse, en d'autres termes, l'armée est toujours prête à marcher ; il ne manque jamais aucun officier supérieur. C'est, vous le voyez, un système tout à fait différent du nôtre.

Les généraux commandants de province sont inutiles, dit-on. Mais, messieurs, dans l'ordre d'idées où nous entrons, c'est-à-dire dans le système de prompte mobilisation, quel est l'agent principal de cette mobilisation ?

C'est le général commandant de province. C'est lui qui doit avoir une action directe sur le personnel, sur les ressources de tous genres en chevaux et en denrées dont nous avons besoin ; c'est lui qui tient en mains tous les fils de cette mobilisation.

Ensuite, il y a dans une province des troupes de différentes armes, des troupes commandées soit par des généraux, de brigade, soit par des (page 743) colonels, etc. Il est nécessaire, afin d'assurer la surveillance, la police, la sécurité générale, d'avoir, près d'eux et au-dessus d'eux, un officier d'un grade élevé. Un commandant de place du grade de major ou de lieutenant-colonel auquel on confierait le commandement de province, n'exercerait aucune action efficace.

Les généraux de province sont d'une utilité réelle à cause de cette surveillance générale sur les troupes de toutes armes qui se trouvent dans le rayon de leur commandement.

Ils seront plus que jamais nécessaires pour la raison que probablement le nombre des grandes divisions territoriales va être diminué.

Au lieu de quatre divisions territoriales, il est probable que nous n'en aurons plus que deux.

Il y a donc nécessité indispensable à placer aux chefs-lieux des provinces un officier d'un grade plus élevé que celui de colonel.

Mais, dit l'honorable M. Vleminckx, ce cadre de réserve présente les plus étranges anomalies. Tantôt on y voit en majorité des généraux d'infanterie, tantôt des généraux de cavalerie, d'artillerie ou du génie. Cela est vrai. Les généraux du cadre d'activité ont des fonctions déterminées, et il faut revêtir de ce grade les officiers mêmes des armes dans lesquelles les vacances se présentent, quelle que soit leur ancienneté, eu égard à l'armée entière. Il n'en sera pas de même pour le cadre de réserve. Là nous pouvons récompenser l'ancienneté, lorsqu'elle s'allie aux capacités. Nous pouvons ainsi élever au grade de général des colonels d'un mérite remarquable, et leur donner un avancement justifié, et qui nous permet de les conserver pour le jour du danger, tout en les chargeant de fonctions utiles à l'armée.

M. Vleminckxµ. - Des positions.

MgRµ. - Ce ne sont pas des positions ; ils exercent des fonctions utiles et nécessaires.

Ainsi, messieurs, priver l'armée des commandants de province, c'est jeter la perturbation dans les rouages de notre organisation militaire, dans les relations de l'armée avec les populations et dans celles des différents corps entre eux. J'espère que la Chambre ne consentira pas à la suppression proposée par l'honorable M. Vleminckx.

M. Hayezµ. - Messieurs, l'honorable M. Vleminckx a parlé du rapport fait sur le budget de la guerre de 1849, je tiens en main celui qui concerne le budget de la guerre de 1821, ce rapport va plus loin que l'honorable M. Vleminckx.

Une section ayant demandé si tous les lieutenants généraux sont pourvus d'emplois conformément au vœu de la loi, la question a été adressée à M. le ministre de la guerre ; cet officier général a fourni un état de tous les lieutenants généraux qui se trouvaient alors en activité.

Parmi ces généraux il n'y en avait qu'un qui fût sans emploi dans l'armée ; il était attaché au chef de l'armée c'est-à-dire au Roi.

En envoyant ce tableau le ministre l'accompagnait d'une lettre ainsi conçue :

« D'après la Constitution, le Roi est le commandant en chef de l'armée ; il semble qu'en cette qualité il peut bien avoir un officier général à sa disposition, d'autant plus que tous les autres ont des fonctions spéciales. Dans un pays où le sentiment militaire serait un peu mieux apprécié, on exigerait que l'état-major du général en chef fût plus en harmonie avec des besoins qui peuvent naître journellement ». Il paraît que le sentiment militaire est aujourd'hui mieux apprécié qu'en 1851, car parmi nos lieutenants généraux nous en avons quatre, en ce moment-ci, qui sont sans emploi, mais attachés au palais ; ils ont leurs aides de camp.

Dans le même rapport, je vois que l'on demandait la suppression d'une des divisions territoriales.

Puisque M. le ministre parle de n'en conserver que deux, je n'ai plus rien à dire sur ce point.

Quant aux commandants provinciaux, le même rapport constate qu'à cette époque il n'y eu avait qu'un seul et que, dans une section, un membre demandait que ce commandement fût supprimé. Il faisait valoir à l'appui de son opinion que le gouvernement ayant cru devoir supprimer huit de ces commandements, il n'y avait aucun motif pour maintenir le neuvième.

Je pense, messieurs, qu'en cas de guerre, les commandants provinciaux devront évacuer leur résidence au plus vite et se réfugier à Anvers pour ne pas être isolée de l'armée, car le pays serait occupé d'une manière rapide, et les communications rompues.

Comme l'a dit l'honorable M. Vleminckx, les commandants provinciaux ne sont pas toujours à leur poste. Il y en a beaucoup qui remplissent d'autres fonctions.

Il y a une autre observation que je me permettrai de faire, c'est que dans le budget de la guerre, je trouve une demande de crédit pour augmenter le traitement, par exemple, d'un colonel qui remplit les fonctions de commandant provincial ou d'un général-major qui commande une division.

Je trouve que ces augmentations de traitement ne devraient pas avoir lieu au détriment du trésor et que celui qui fait remplir ses fonctions par un autre devrait indemniser celui qui le remplace.

Un pareil système d'indemnité nous conduirait très loin s'il était pratiqué à l'égard de tous. Il y a dans l'armée beaucoup de capitaines qui remplissent les fonctions de major, et commandent temporairement un bataillon ; ces officiers ne reçoivent pas de majoration de solde de ce chef. Or, si l'on augmente le traitement des officiers supérieurs lorsqu'ils remplissent des fonctions d'un grade supérieur au leur, il serait de toute justice d'augmenter le traitement des officiers subalternes qui se trouvent dans le même cas.

M. Vleminckxµ. - Messieurs, M. le ministre de la guerre ne me semble avoir rien répondu aux arguments que j'ai fait valoir en faveur de la suppression de la section de réserve et des commandants provinciaux.

J'ai dit que nous avons plus de lieutenants généraux que nous n'avons de divisions. Le fait est incontestable.

Nous avons, dit l'honorable ministre de la guerre, dû prendre un lieutenant général de la réserve pour commander une division.

Lorsque nous examinerons le budget de la guerre, nous discuterons sérieusement cette question et nous tâcherons de prouver qu'il y a assez de lieutenants généraux de la section d'activité pour commander les divisions et que si on ne leur fait pas remplir la mission pour laquelle ils sont institués, ce n'est pas la faute de la Chambre. Nous prouverons encore alors à l'honorable ministre qu'il n'est pas non plus nécessaire qu'un lieutenant général soit placé à la tête de l'école militaire. Nous avons vu cette école répondre parfaitement à sa destination alors qu'elle était dirigée par un major ou un lieutenant-colonel ou un colonel ; les lieutenants généraux ne sont pas faits pour cela ; il sont faits, je le répète, pour des commandements de division.,

L'honorable ministre de la guerre s'étonne que je demande la suppression des commandants provinciaux ; moi, ce qui m'étonne, c'est l’étonnement de l'honorable ministre. Comment ! c'est le gouvernement qui nous a proposé cette suppression en 1849, et aujourd'hui on vient nous dire qu'elle est impossible ! Et pourquoi ? Parce que les commandants provinciaux sont la cheville de la mobilisation de l'armée et qu'il faut que les brigades soient excessivement mobiles. Que l'honorable ministre ne perde pas de vue que l'état de paix est notre état normal.

II vous a dit lui-même qu'on ne faisait plus la guerre comme la faisaient autrefois les brigands, qu'on ne venait plus subitement envahir un pays. Dès lors, en supposant que vous ayez besoin de commandants provinciaux spéciaux, n'avez-vous pas tout le temps voulu pour les nommer ? C'est vous-même qui m'avez fourni l'argument.

Or votre réserve est quelque chose ou elle n'est rien. Si elle est quelque chose, ne faites pas de vos généraux de réserve des commandants provinciaux ; si vous en faites des commandants provinciaux, votre réserve n'est plus qu'un mot.

J'ai dit que l'honorable ministre de la guerre aurait bien de la peine à prouver qu'eu France on eût fait usage, dans les dernières guerres, de généraux de la réserve. Il en a cité un : le général De Failly. Je doute qu'il puisse en citer d'autres.

Les généraux de la réserve ont fait leur temps et c'est dans les rangs de l'armée active qu'on prend aujourd'hui les commandants de brigade et les commandants de division.

Du reste, en France, Charras était aussi bon administrateur que bon citoyen, et il n'a pas hésité, je vous l'ai dit, à supprimer la réserve ; or, il était trop soldat pour proposer une pareille mesure si elle avait dû être fatale à son pays.

Ce qu'on a fait en France on pourrait le faire ici, et quoi qu'en dise l'honorable ministre de la guerre, si nous devons faire la guerre, ce n'est pas aux généraux de réserve qu'on fera appel et ce n'est que dans l'armée active qu'on trouvera les hommes les plus propres à la situation du moment.

Vos généraux de la réserve ! Mais ils ont presque tous atteint la limite d'âge et vous voulez leur faire reprendre le service actif, un service de (page 744) campagne dans un moment de crise ! Comme je le disais tout à l'heure, n'est-il pas à craindre que vous ne trouviez qu'un artilleur, quand vous avez besoin de fantassins, un fantassin quand vous avez besoin d'un cavalier ?

A quoi donc vous servira votre réserve !

Je le répète, j'ai suivi pas à pas la marche de la section de réserve et je déclare en âme et conscience qu'elle n'a servi qu'à créer des positions. Or, comme nous ne faisons pas une organisation pour créer des positions, mais pour assurer la bonne défense du pays, il me sera impossible de voter l'article tel qu'il nous est présenté par le gouvernement.

MgRµ. - M. Vleminckx aurait dû prouver une chose, c'est que le nombre des généraux dont nous disposons suffit, pour le temps de guerre ; or, je prétends que pour mettre notre armée sur le pied de guerre, il faudrait presque doubler ce nombre. Les généraux que nous employons comme commandants de province sont destinés à prendre des commandements. dans l'armée. Nous n'avons à faire qu'une guerre défensive ; c'est sur notre territoire que nous nous battrons et une fois la mobilisation opérée, nos commandants de province deviendront disponibles. M. Vleminckx cite l'exemple de la France et nous dit : Prouvez-nous qu'en France on se soit servi des généraux de la réserve.

Ceux qui ont le plus étudié l'histoire de l'empire savent que l'empereur ne sortait pas de la France même, au temps de sa plus grande puissance, par exemple en 1805 et 1806, sans former une armée de l'intérieur

Cette armée de l'intérieur était composée des nouveaux conscrits et de garde nationale. Et sous quel commandement se trouvait-elle, ? Sous le commandement des généraux-sénateurs. Les cadres de la réserve étaient surtout créés en vue des commandements à l'intérieur.

En Belgique, si nous n'avions pas, au moment de la guerre, les généraux de la réserve à notre disposition, nous arriverions à une désorganisation complète de l'armée. Il existe actuellement quatre divisions d'infanterie, mais lors de la mobilisation il y en aura six, et par conséquent quatre brigades de plus. Nous aurons encore à nommer, ainsi que je l'ai déjà dit des généraux-gouverneurs dans nos places fortes.

Il me semble donc que c'est une organisation économique que celle qui consiste à donner, en temps de paix, des emplois réels à des hommes qui, en temps de guerre, ont leur place marquée dans nos cadres.

M. Dumortierµ. - Messieurs, l'amendement de l'honorable M. Vleminckx se rapporte à plusieurs articles.

MpDµ. - C'est ce que je voulais faire remarquera l'auteur de l'amendement

M. Dumortierµ. - La discussion devient dès lors très difficile à suivre.

J'en demanderai la diivsion.

Maintenant, l'article que nous discutons est, sous le rapport des dispositions qu'il renferme, le même que l'article premier de la loi de 1853... En 1853, au début de la discussion, nous avons posé d'abord la question de savoir si la loi que nous allions élaborer serait faite en vue d'un effectif de 100,000 hommes ; cette question a été résolue affirmativement.

En parlant dans la discussion générale relative au nouveau projet de loi, j'ai annoncé que j'aurais présenté la même question.

S'il n'y avait pas d'opposition, je regarderais la question comme inutile..

Il y a cependant une autre question qui touche à celle-là ; c'est celle du contingent. Il est évident que, pour procéder régulièrement, on aurait dû commencer par examiner la question du contingent. Mais il n'est pas possible de procéder de cette manière, parce que nous n'avons pas le rapport de la section centrale sur le projet de loi relatif au contingent. | Cependant avant qu'on arrive à déterminer le nombre d'officiers, il faudrait commencer par déterminer le nombre d'hommes qui seront appelés sous les armes.

Dans le dernier rapport de la section centrale, on a introduit une modification que j'approuve fortement : c'est celle de rendre définitives les dispositions de la loi de 1853, qui autorisent le rappel sous les armes des classes libérées en cas de guerre ou de danger, et qui permettent de maintenir le contingent à 10,000 hommes. Dans son premier projet, le gouvernement proposait de supprimer, sans aucune réserve, toute la loi de 1853, et avec elle la faculté de rappel, en cas de guerre, des classes libérées que cette loi autorise. Dans un premier rapport, nous avions proposé de maintenir l'article en dehors, aussi longtemps que la loi sur le contingent n'aurait pas reçu son complément. Aujourd'hui il s'agit d'une proposition différente dans l'article 6.

Les articles de la loi de 1853 qui autorisent le rappel sous les armes en cas de danger, resteraient définitifs.

II reste à voir si par là vous n'avez pas complété la partie relative au contingent : comme un grand nombre de membres se préoccupent beaucoup de cette question, je demanderai s'il ne serait pas nécessaire de la discuter maintenant, ou s'il suffit en ce moment de faire une réserve, sauf à examiner la question quand nous arriverions à l'article du projet. Je crois que lorsque nous aborderons cet article, les deux questions du contingent et du rappel sous les armes se trouveront unies pour n'en faire qu'une. Si cela est entendu ainsi, je ne soumettrai pas actuellement ma proposition à la Chambre. Il est un autre point sur lequel j'appellerai votre attention. L'honorable M. Vleminckx a parlé des généraux ; il trouve que nos généraux sont trop nombreux ; que les généraux commandants des provinces sont inutiles.

Je dois dire que dans la section centrale j'ai été en grande partie de l'opinion de l'honorable M. Vleminckx à cet égard.

Mais il est un point qui pour moi me touche beaucoup plus. Nous voulons une armée solide qui puisse défendre le territoire. Or une disposition signalée par M. le rapporteur de la section centrale vient créer un vice extrême dans notre organisation militaire ; c'est la mise à la retraite des généraux à l'âge de 65 ans. J'avoue que, pour mon compte, je ne saurais approuver un pareil système. Quand j'examine ce qui s'est passé chez les grandes nations qui nous environnent, dans les grandes guerres qui ont eu lieu, je vois que c'est presque tous généraux de plus de 65 ans qui ont commandé dans les grandes batailles, qui ont sauvé leur pays, qui ont assuré la victoire.

On fait assez vite un bon officier, un bon capitaine, un bon colonel, mais un général tacticien qui sait commander une armée, qui connaît toutes les difficultés auxquelles il faut pourvoir, qui a l'œil à tout, qui a fait des études profondes de tactiques, on ne le remplace pas quand on veut, et pour mon compte je regrette amèrement que les généraux qui ont donné des preuves de grande science en matière de tactique, et je ne veux nommer personne, mais il en est auxquels vous comprenez tous que je fais allusion, doivent être mis à la retraite lorsqu'ils arrivent à l’âge de 65 ans.

Il y a des hommes qui, passé l'âge de 65 ans, peuvent encore rendre dans l'armée d'immenses services. Vous vous rappelez bien ce qui s'est passé lors de la guerre d'Italie ; le maréchal Radetzky qui a gagné la bataille de Novare et sauvé l'empire d'Autriche, avait près de 80 ans. Dans la guerre d'Allemagne, il y a deux ans, le général Wrangel, qui commandait dans le Sleswig-Holstein, avait environ 75 ans et il a gagné des batailles. Le général prussien Moltke, qui a assuré le succès de la dernière campagne, est un homme qui a 64 ans.

Donc, d'après la loi belge, dans six mois il serait mis à la retraite.

M. Mullerµ. - Pas d'après la loi.

M. Dumortierµ. - Pas d'après la loi, vous avez raison, mais d'après les dispositions qui nous régissent. Le général Moltke, cet illustre général prussien, serait donc mis à la retraite dans six mois. Eh bien, cela me paraît impossible. Il y a plus, les généraux Steinmetz et Vogel qui ont commandé d'une manière si brillante des corps d'armée dans la dernière guerre d'Allemagne, ont tous deux mon âge et sont âgés de soixante et dix ans ; le général de Bittenfeld en a soixante et onze. En France, le général Palikao a soixante-douze ans. En Angleterre, lord Raglan avait, lors de la guerre de Crimée, soixante-huit ans. Voilà toutes illustrations militaires dont notre armée serait privée avec le déplorable règlement qui nous régit.

Chez aucune grande nation on n'agit ainsi vis à-vis des tacticiens. Les généraux qui ont fait leurs preuves en matière de tactique, on ne les renvoie pas ; ce sont des instruments indispensables à la défense nationale. On crée facilement des hommes de courage, mais on ne crée pas avec la même facilité des hommes de tête, des hommes de combinaisons stratégiques. Cela ne se crée pas à volonté et quand le pays a le bonheur d'en avoir, il doit bien se garder de les congédier.

Je me suis donc demandé s'il n'y aurait pas quelque chose à faire sous ce rapport.

Quant à moi, je crois qu'il s'agit ici d'une des bases les plus indispensables de l'organisation militaire ; car encore une fois il faut à la tête de l'armée non seulement des hommes capables de la commander, mais des hommes que tous les officiers et tous les soldats reconnaissent comme des supériorités.

(page 745) Messieurs, la difficulté provient de ce que, par un arrêté royal, tout officier général arrivé à l'âge de 65 ans est mis à la retraite. Or, je vous le disais tout a l'heure, il existe des hommes qui après 65, après 70, après 75 ans, ont encore conservé toutes les facultés nécessaires, non pour sabrer, mais pour commander.

Pourquoi a-t-on fait cela ? On l'a fait en vue de l'avancement. Je respecte beaucoup l'avancement ; mais je crois qu'il y a certaines exceptions peu nombreuses, qu'il faut établir en cette matière. Il ne faut pas faire prévaloir le principe de l'avancement sur le principe des nécessités de l'armée. Le niveau, en pareille matière, lui serait fatal.

Ce n'est pas tout, ce système de mise à la retraite des officiers généraux à un âge encore si peu avancé pour beaucoup d'entre eux, crée un abus extrême, ce sont les pensions ; vous créez des pensions considérables. En effet, voici un générai quï est arrivé à l'âge de 65 ans ; vous le mettez à la pension, vous en nommez un autre à sa place. Voilà le budget grevé d’une pension de 6,000 fr.

Si vous avez dix officiers généraux à là retraite, c'est 60,000 francs de plus à votre budget. L'économie est donc intéressée à la modification de ce système ; mais ce qui est beaucoup plus intéressé, c'est la défense nationale, qui demande la conservation dans les rangs de notre armée de ces hommes d'élite dans lesquels le pays peut avoir toute espèce de confiance dans le cas où il devrait mettre son armée sur le pied de guerre.

Il m'a paru qu'il y aurait un moyen d'apporter un certain remède à cet état de choses : ce serait de créer au paragraphe premier de l'article 2 : état-major général, en divisant le chiffre des lieutenants généraux un grade de plus, de manière à opérer sur les dépenses militaires une réduction réelle et sérieuse d'une part et d'autre part à conserver les sommités de l'armée dans les rangs.

La Belgique est le seul pays de l'Europe où le grade de général n'existe pas. Eh bien, vous avez pour l'état-major général :

« Lieutenants généraux, 9.

« Généraux majors, 18. »

Pourquoi ne stipulerait-on pas que trois des neuf lieutenants généraux resteront attachés, sous le titre de généraux, à l'armée, tant et aussi longtemps qu'ils seront valides et pourront rendre des services ? Vous conserveriez ainsi à l'armée des hommes dont on aurait impérieusement besoin le jour où il faudrait entrer en campagne.

Je sais bien, messieurs, que nous avons dans nos colonels, dans nos officiers inférieurs même, des hommes de mérite. Mais remarquez qu'ils n'ont pas fait leurs preuves, et, en cas de guerre, pouvez-vous prendre des majors, des colonels pour commander une division de l'armée ? Cela n'est pas possible. Quand vous avez des sommités comme nous en comptons plusieurs dans notre armée, il importe, au plus haut degré, de les conserver et quand nous pouvons le faire sans augmenter les dépenses, en réduisant même les dépenses militaires, je crois que c'est une proposition qui est acceptable.

Je ferai donc cette proposition et je demanderai qu'elle soit renvoyée à la section centrale.

M. de Brouckereµ. - Quelle proposition ?

M. Dumortierµ. - Je modifie le paragraphe premier pour l'état-major général et je propose de dire :

« Généraux, 3.

« Lieutenants généraux, 6.

« Généraux majors, 18. »

Il va sans dire que les généraux ne devraient avoir qu'un traitement très peu supérieur à celui des généraux-majors.

- Un membre. - Ce seront des maréchaux.

M. Dumortierµ. - Messieurs, le grade de maréchal est au-dessus du grade dégénérai. Il existe des généraux dans tous les pays, et il existe et outre au-dessus d'eux des maréchaux dans certains Etats ; vous avez des maréchaux en France, des maréchaux en Autriche, des feld-maréchaux en Angleterre et sous eux des généraux.

La Belgique n'a pas le moyen de créer de pareilles fonctions. Comme le dit mon honorable ami, M. Nothomb, dans les pays qui ont des maréchaux, il y a, au-dessous d'eux, des généraux. Le grade de général est intermédiaire entra celui de lieutenant général et celui de maréchal.

La nomination de maréchaux aurait un cachet un peu ridicule pour un pays comme le nôtre. Mais si nous divisions le chiffre des lieutenants généraux et si nous donnions à un tiers d'entre eux le titre de général en entendant formellement que ceux qui arriveraient au grade de général ne seraient pas mis à la retraite à un âge déterminé, mais conserveraient leurs fonctions aussi longtemps que le pays peut attendre d'eux des services, nous aurons rendu un service immense à l'armée d'une part, et d'un autre côté, nous aurons fait une économie de 15,000, à 18,000 francs.

Maintenant, messieurs, nous avons supprimé toute une catégorie qui figurait au projet de loi primitif, je veux parler des généraux en disponibilité. Eh bien, ne pouvons-nous pas les remplacer d'une autre manière, en petit, et sans augmentation de dépenses pour le trésor, alors qu'il y a moyen de le faire sans augmenter d'un seul le nombre des généraux et qu'il s'agit tout simplement de les diviser en deux catégories dont la plus élevée ne serait point atteinte à l'âge de 65 ans par la mise à la retraite ?

Le seul résultat que je désire obtenir, c'est que les hommes les plus capables ne soient pas mis à la retraite impitoyablement, alors que dans tous les pays du monde il y a des hommes de plus de 65 ans qui sont très valides et qui gagnent des batailles.

M. Hayezµ. - Messieurs, je trouve que nous avons tort de nous comparer toujours, en ce qui concerne l'armée, aux grandes nations qui nous environnent.

Tout à l'heure on a parlé de ridicule ; je trouve que beaucoup de discours prononcés dans cette enceinte ont une teinte de forfanterie ou d'exagération qu'un pays petit et neutre doit avoir le bon goût d'éviter.

L'honorable M. Dumortier voudrait conserver des officiers qui ont passé l'âge fixé par l'arrêté de 1855.

M. Dumortierµ. - Trois seulement.

M. Hayezµ. - Trois, n'importe, vous voulez les conserver. Je ne suis pas du tout de cet avis. Je crois que bien des officiers seront satisfaits de reconquérir leur liberté... (Interruption.) Je pourrais vous en citer qui ont quitté le service avant l'âge fatal, parce qu'ils étaient fatigués des vexations dont ils avaient été l'objet et du système de favoritisme qui régnait.

Conserver au service des officiers d'un âge avancé et d'un grade élevé, ne peut être utile que quand il s'agit d'officiers qui ont fait la guerre ; mais nos officiers ne l'ont pas faite ; cette grande expérience leur manque donc. En outre, quand on a passé la plus grande partie de sa vie dans les garnisons et dans un service peu actif, je crois qu'il est bien difficile de reprendre la vie du soldat dans les camps et en campagne.

Il est très probable qu'un officier général ayant joui pendant de longues années de toutes les aisances de la vie, serait bientôt hors de service s'il était tout à coup soumis aux fatigues et aux privations inséparables d'un état de guerre.

Je crois que la limite d'âge doit être maintenue rigoureusement. D'abord cette limite d'âge qui enlève à l'armée certains officiers d'un grade élevé, donne de l'avancement aux grades inférieurs ; conserver trop longtemps les premiers entraîne cet inconvénient, qu'un officier subalterne n'arrive à un commandement un peu important qu'à un âge trop avancé pour pouvoir exercer convenablement ce commandement, car il a passé de longues années en sous-ordre et ne peut acquérir un degré suffisant d'initiative ; or, dans mainte occasion un officier supérieur a besoin de cette qualité qui est même nécessaire au capitaine chaque fois qu'il est détaché avec sa compagnie.

Il faut donc ne pas trop restreindre l'avancement plus qu'il ne l'est déjà. J'ajouterai que chaque fois que la limite d'âge fixée par l'arrêté de 1855 a été dépassée en faveur d'un officier, cet acte a été l'effet d'une protection spéciale plutôt que la récompense d'un vrai mérite.

Je suis bien persuadé d'ailleurs que si la nécessité s'en faisait sentir, tout officier général pensionné à l'âge de 65 ans offrirait ses services au pays s'il croyait qu'ils pussent lui être utiles.

Je pense donc, messieurs, qu'eu supprimant la limite d'âge prescrite par l'arrêté royal de 1855, on ferait une chose mauvaise pour l'armée ; je voudrais même, pour que le retour des faveurs fût impossible, que la loi de 1838 sur les pensions militaires et l'arrêté de 1855 fussent modifiés de manière à ôter au gouvernement la latitude qu'ils lui laissent.

L’arrêté de 1855, par son article 3, rend la mise à la retraite tout à fait facultative. Je remarque avec peine que toutes les lois qui concernent l'armée portent le même cachet ; on y rencontre toujours une porte de derrière qui peut livrer passage à la faveur.

Ainsi, lorsque l'article 2 de cet arrêté de 1855 dit :

« Les officiers seront pensionnés à cet âge. »

L'article 3 vient de suite corriger ce qu'il a d'absolu, en disant :

« Cependant si le gouvernement trouve convenable de maintenir tel officier peur le bien du service (car c'est toujours le bien du service qu'on invoque), le gouvernement pourra maintenir cet officier aptes l'âge fatal. »

(page 746) La loi de 1838 devrait être modifiée, car elle met à la disposition du gouvernement tout officier ayant atteint l'âge de cinquante-cinq ans. Il s'ensuit qu'à cet âge le gouvernement peut le pensionner quand bon lui semble, et comme habituellement les officiers de cet âge sont des officiers supérieurs, il en résulte que le gouvernement dispose, selon son bon plaisir, de tous les officiers supérieurs de l'armée et que nous n'avons plus qu'une armée du gouvernement au lieu d'une armée nationale.

M. de Brouckereµ. - Messieurs, en réalité, l'amendement de l'honorable M. Vleminckx a pour but de faire réduire par la Chambre le nombre des généraux demandés par le gouvernement.

M. Vleminckxµ. - Pour le temps de paix.

M. de Brouckereµ. - Pour le temps de paix, dit l'honorable M. Vleminckx. Mais nous ne faisons pas deux lois d'organisation militaire, une pour le temps de paix et une pour le temps de guerre.

Nous organisons notre armée en temps de paix pour nous préparer à la guerre.

M. Vleminckxµ. - Alors il faut effacer ces mots dans l'article.

M. de Brouckereµ. - Effacez ce que vous voulez, mais n'effacez pas les généraux.

Je répète donc que l'amendement a pour but une réduction de deux généraux de division et de quatre généraux de brigade.

MgRµ. - Et de cinq commandants de province.

M. de Brouckereµ. - Messieurs, veuillez remarquer que la loi de 1853, qui est en vigueur aujourd’hui, avait pour objet une armée de 100,000 hommes et que la loi que nous discutons aujourd'hui a le même but.

Que ce chiffre soit complété en renforçant le contingent ou en autorisant le gouvernement à appeler les classes libérées, sans limite aucune, toujours est-il que ceux qui défendent le projet actuel ont en vue une armée de 100,000 hommes pour le temps de guerre.

Peut-on soutenir que 11 généraux de division et 22 généraux de brigade soit un nombre exagéré pour une armée de 100,000 hommes ? Evidemment non. Aussi l'honorable M. Vleminckx ne le soutient-il pas. Je suis persuadé qu'il reconnaît avec moi qu'en temps de guerre, le nombre des généraux doit être tel que le gouvernement le propose. (Interruption.)

Peut-être même plus considérable, me dit l'honorable M. Vleminckx, et je suis de son avis.

Il me serait facile de démontrer immédiatement qu'en temps de guerre les 11 généraux de division auraient un emploi déterminé, de manière qu'un d'entre eux venant à manquer, on ne pourrait le remplacer par un officier de même grade. Mais voici la différence entre le gouvernement et l'honorable M. Vleminckx. L'honorable membre voudrait que, le pays étant menacé, on pût nommer immédiatement 6 généraux de plus, qu'on ne conserverait pas en temps de paix.

Je ferai d'abord remarquer à l'honorable M. Vleminckx, puisque telle est son opinion, qu'il devrait demander l'insertion dans la loi d'une disposition autorisant le gouvernement à nommer 0 généraux de plus lorsque les circonstances l'exigent.

Mais est-il convenable d'attendre le moment du danger pour nommer un certain nombre de nouveaux généraux ? Si, à un moment donné, on nommait 6 généraux nouveaux, il en résulterait nécessairement une espèce de perturbation dans les corps. Il faudrait donner des promotions à des généraux de brigade et à des colonels.

Or, est-ce bien le moment, à la veille de se trouver en présence de l'ennemi, de priver un grand nombre de régiments des chefs auxquels ils sont habitués pour leur donner des commandants qu'ils ne connaissent pas ou qu'ils ne connaissent qu'imparfaitement ?

Messieurs, dans les précédentes séances, nous nous sommes trouvés d'accord pour reconnaître que ce qu'il fallait surtout à une armée, c'était la confiance des chefs dans les soldats et des soldats dans leurs chefs.

Eh bien, je pose encore une fois la question, est-ce un moyen d'inspirer de la confiance aux soldats que de leur donner de nouveaux chefs au moment du danger ? Je crois qu'il y aurait une certaine imprudence à n'avoir en temps de paix que des cadres de généraux incomplets et à mettre le gouvernement dans la nécessité de nommer, au moment du danger, un certain nombre de généraux.

L'honorable M. Vleminckx a calculé à combien s'élèvent les appointements de deux généraux de division et de quatre généraux de brigade dont il demande la suppression et il a trouvé que cela montait à 140,000 francs.

Je me permettrai de lui faire remarquer que s'il est certaines fonctions remplies par des généraux qu'on pourrait peut-être, en temps de paix, confier à des colonels, encore faudrait il les faire remplir par des colonels.

Ainsi, par exemple, il veut supprimer le général commandant l'école militaire, mais je ne pense pas qu'il veuille confier ce commandement à un simple soldat. Il faudra donc pour cet emploi au moins un colonel, et, dès lors, il n'y aura, de ce chef, d'autre économie que la différence des appointements d'un lieutenant général aux appointements d'un colonel, ce qui ne constitue pas une somme bien élevée.

Je crois donc que la Chambre doit y réfléchir à deux fois avant de réduire le nombre des généraux et j'engage mes honorables collègues à bien faire attention à ce point que pour la guerre, il faudra de toute manière augmenter le nombre des généraux, mais créer 2 généraux ou en créer 10 ou 12, c'est une différence énorme.

Je donnerai cependant à cette occasion un conseil au gouvernement et s'il avait suivi plus tôt la ligne de conduite que je vais lui indiquer, sa position serait plus forte aujourd'hui. Je lui conseille de ne laisser aucun général sans fonctions en temps de paix. Si aujourd'hui tous nos généraux avaient des fonctions actives, on ne pourrait pas produire les critiques qui s'élèvent de divers côtés.

Si l'on trouve des arguments contre le nombre des généraux en temps de paix, c'est précisément parce que le gouvernement a le tort d'en laisser quelques-uns sans fonctions.

M. Vleminckxµ. - Si l'honorable M. de Brouckere avait lu le projet de loi avec attention, il aurait pu voir que le gouvernement se borne à nous présenter actuellement une organisation pour le pied de paix, se réservant, bien entendu, lorsque le moment sera venu, de nous faire des propositions supplémentaires pour le temps de guerre. Sinon il n'eût pas placé dans l'article premier ces mots : « L'armée sera organisée sur le pied de paix de la manière suivante. »

L'honorable M. de Brouckere reprenant un argument de M. le ministre de la guerre, nous a dit : Mais vous désorganisez l'armée, s'il vous faut faire des nominations de généraux, que vous voulez supprimer aujourd'hui. Mon Dieu, messieurs, est-ce que les lieutenants-colonels ne sont pas prêts pour remplacer les colonels s'il le faut, et ne voit-on pas parfois des régiments commandés par des lieutenants-colonels tout seuls ?

Est-ce que quelques colonels ne pourront pas, sans amener une désorganisation, être appelés au grade de général-major et ainsi de suite ?

Il serait donc bien téméraire de supprimer de notre armée 4 généraux de brigade et 2 lieutenants généraux ! C'est de l'exagération. En vérité vous me rappelez toujours les paroles de notre honorable collègue Vandenpeereboom, lors de l'organisation de 1853. Ce sont toujours des chanoines qui organisent leur chapitre... On ne voit jamais, on ne veut pas voir le véritable fond des choses ; c'est toujours à augmenter qu'on tend ; et se restreindre dans les limites du nécessaire, on ne le veut pas, bien qu'on le puisse.

La guerre est un fait exceptionnel ; nous ne ferons peut-être pas la guerre d'ici à 40 ans ; la guerre dans tous les cas, sera toute momentanée et vous voulez pour une pareille éventualité que nous vous accordions une section de réserve, pour le pied de paix. Quant à moi, je n'y consentirai pas. Si vous la votez, attendez-vous à ce que tous les ans, lors de la discussion du budget de la guerre, on attaque cette disposition qui, quoi qu'on fasse, sera supprimée quelque jour.

M. Van Humbeeckµ. - Deux amendements sont soumis à la Chambre : l'un, celui de M. Vleminckx, demande la suppression des généraux de la section de réserve. Je dois faire remarquer que la section de réserve des généraux n'est pas une innovation du projet ; il s'agit de la reproduction pure et simple d'une disposition de la loi de 1853.

Or, quel est surtout le motif qui nous porte à nous occuper aujourd'hui de modifications à cette loi ? C'est que les derniers événements ont démontré qu'il fallait aujourd'hui, dans l'organisation des armées, rendre le passage du pied de paix au pied de guerre aussi facile que possible.

C'est précisément le contraire que veut faire M. Vleminckx en ce qui concerne les généraux. Si sa proposition était adoptée, nous aurions rendu le passage du pied de paix au pied de guerre plus facile pour les cadres inférieurs, tandis que nous l'aurions au contraire rendu plus difficile pour le cadre des officiers généraux à qui devra être confié la direction générale des opérations.

Du moment qu'on accepte le point de départ du projet, il faut en accepter aussi les conséquences logiques.

(page 747) Or, la proposition de M. Vleminckx est en contradiction avec l'esprit du projet. Il est impossible dès lors d'accueillir cet amendement.

L'honorable M. Dumortier nous en propose un autre. Il demande que les lieutenants généraux de la section d'activité soient divisés en deux catégories : qu'une partie d'entre eux prennent le titre de généraux et que les autres conservent le titre qu'ils ont aujourd'hui.

L'honorable M. Dumortier se préoccupe de la nécessité de maintenir dans les rangs de l'armée certains officiers généraux d'un mérite exceptionnel ; il voudrait les soustraire à la rigueur de la limite d'âge. La pensée de la section centrale a constamment été conforme en ce point à celle de M. Dumortier. Seulement la section centrale a cru que, par les dispositions des lois existantes, il était déjà satisfait au désir qu'elle manifestait.

Dans la loi de 1838, il n'y a aucune obligation pour le Roi de mettre, à quelque âge que ce soit, un officier d'un grade quelconque à la retraite.

Du moment qu'un officier, peu importe son grade, a 55 ans, la faculté de le mettre à la retraite commence, mais le Roi en use quand il le juge bon, et n'est jamais obligé d'en user. Est venu un arrêté royal de 1855 dans lequel le Roi a lui-même limité sa prérogative en la subordonnant à certaines règles. Mais dans cet arrêté même il y a un article d'après lequel, sur un rapport spécial du ministre de la guerre, le Roi peut se replacer dans le plein exercice du pouvoir que lui a conféré la loi de 1838.

Ainsi, au point de vue légal nous n'avons pas à fournir au Roi des moyens de soustraire certains généraux aux rigueurs de la limite d'âge, ce pouvoir lui est donné sans restriction.

Seulement, il a été dit dans la commission mixte et répété dans la section centrale, que souvent il sera très difficile au Roi de faire usage de cette faculté à cause de la mauvaise interprétation qui pourrait être donnée à de pareilles exceptions. Je crois que si ces exceptions sont rares et prudemment faites, de façon à être toujours parfaitement justifiées aux yeux de l'opinion publique, elles ne rencontreront pas ces réprobations qu'on redoute.

Telle est mon opinion, mais il s'agit ici d'une question d'appréciation dans laquelle je pourrais me tromper, j'en conviens ; néanmoins je dois maintenir cette appréciation, qui a été partagée par la section centrale, jusqu'au moment où ces prétendues impossibilités nous auront été mieux démontrées. Jusque-là, je dois, avec la section centrale, continuer à dire qu'il ne peut y avoir lieu à prendre des mesures nouvelles, qu'il suffit de maintenir à la prérogative royale toute l'étendue que lui a attribuée le législateur de 1838.

Je ne crois donc pas que le renvoi de l'amendement de l'honorable M. Dumortier à la section centrale puisse avoir une grande utilité, j'estime que si sa proposition, ni celle de l'honorable M. Vleminckx ne peuvent être accueillies par la Chambre.

M. Dumortierµ. - J'ai quelques mots à consacrer à l'honorable M. Hayez.

A mon avis, il a pris un soin extrême de se mettre en contradiction avec lui-même. Dans la première partie de son discours, il vous a dit que beaucoup d'officiers généraux seraient fort enchantés de quitter le service à cause des tracasseries auxquelles ils sont en butte. Et dans la seconde partie, il est venu vous dire que ces mêmes hommes ne demanderaient pas mieux que de reprendre du service. C'est là une première contradiction. Mais il y en a une seconde que je me permettrai de signaler à l'assemblée.

Quand on voit avec quelle vigueur l'honorable membre prend part à tous les débats, avec quelle intelligence il développe toutes les questions qu'il a à traiter, on est en droit de se demander si à 64 ans on est un homme incapable. L'honorable membre nous prouve tous les jours qu'il n'en est rien, et que bien des hommes, à 65 ans, sont capables de remplir encore un commandement dans l'armée.

L'amendement que j'ai l'honneur de présenter, et qui déjà avait été indiqué à la section centrale, n'a qu'un but unique : c'est de faire cesser les embarras que peut rencontrer la prérogative royale par suite de la mise à la retraite à un âge fixe des sommités de notre armée.

On ne peut se dissimuler, messieurs, qu'il y a là une cause d'embarras très sérieux. L'honorable colonel qui a pris la parole tout à l'heure est d'avis qu'il faut mettre impitoyablement à la retraite les officiers supérieurs arrivés à un âge déterminé, afin de pouvoir donner de l'avancement à ceux qui les suivent.

Je ne saurais partager cette opinion, à cause surtout, je le répète, de l'embarras que cause à la prérogative royale la mise à la retraite forcée des officiers des différents grades. Or, la cause de cet embarras disparaîtrait si mon amendement était voté.

En adoptant la division que je propose, car ce n'est pas autre chose qu'une division, on aurait la possibilité de conserver à la tête de l'armée des hommes d'un mérite supérieur.

Et, messieurs, veuillez-le remarquer, il ne s'agit pas ici de changer l'ordre de l'avancement dans toute l'armée ; il s'agit tout simplement de diviser en deux catégories les neuf lieutenants généraux, en conférant à trois d'entre eux le grade de général.

II n'y a donc pas un grade de plus, mais de fait, comme je le disais tout à l'heure, mon amendement permettrait de réaliser une notable économie, car enfin supposez que notre honorable collègue M. Hayez soit général et que l'an prochain il soit mis à la retraite ; ce jour-là il recevra une pension de général et celui qui lui succédera obtiendra immédiatement son traitement complet. Si, au contraire, il restait dans son grade de colonel, on réaliserait l'économie d'une pension de général. Voilà la différence.

Messieurs, ce qui me porte surtout à faire ma proposition, c'est le désir de conserver à la tête de l'armée des hommes encore capables de rendre les plus grands services à la patrie si elle était en danger. Des hommes comme ceux-là, messieurs, ne s'improvisent pas et quand on a le bonheur de les posséder, on doit savoir les conserver. Car enfin, si vous mettez à la retraite vos sommités militaires, êtes-vous sûrs d'en trouver d'autres pour les remplacer ?

Quant à moi, je connais infiniment de bons esprits, mais j'estime que les esprits supérieurs sont toujours chose extrêmement rare ; et je crois qu'il faut y regardera deux fois avant de se priver de leurs services, surtout quand il s'agit de la nationalité, de la défense du pays, c'est-à-dire de tout ce que nous avons de plus cher. Et quel serait le résultat du maintien de la retraite forcée des officiers supérieurs, au point de vue auquel on se place ? Ce serait de pouvoir donner de l'avancement à trois sous-lieutenants, car c'est là évidemment qu'aboutit la mise à la retraite de trois lieutenants généraux. Voilà, messieurs, où mène le système de l'honorable colonel Hayez qui veut de l'avancement pour tous les officiers.

Moi aussi, messieurs, je veux que cet avancement soit possible mais je veux aussi que nos sommités militaires, qui ont donné des preuves de leurs capacités, puissent se mettre au service de la patrie le jour où elle serait en danger.

- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !

MpDµ. - Personne ne demandant plus la parole, la discussion est close sur l'article premier et les amendements qui s'y rattachent.

M. Thonissenµ. - J'ai aussi un amendement à proposer à l'article premier.

MpDµ. - Vous avez la parole.

M. Thonissenµ. - Vidons d'abord l'incident.

MpDµ. - Il n'y a pas d'incident ; si vous avez un amendement à présenter à l'article premier, vous avez la parole.

M. Thonissenµ. - Messieurs, dans le projet primitif présenté par l'honorable général Goethals, l'état-major était divisé en trois grandes catégories : la section d'activité, la section de réserve et la section de disponibilité.

Cette dernière section se composait des généraux-majors âgés de soixante-trois à soixante-huit ans et des lieutenants généraux âgés de soixante-cinq à soixante et dix ans, non admis à la pension de retraite en vertu de la loi du 24 mai 1838.

La section centrale a supprimé la section de disponibilité, et le gouvernement n'y a pas fait obstacle.

J'avoue que, dans le principe, je n'étais pas moi-même grand partisan de la création d'une section de disponibilité ; j'y voyais une superfétation, une espèce de hors d'œuvre, parce que, d'après les règlements existants, le Roi a toujours le droit de conserver dans les cadres de l'armée, au delà de l'âge ordinaire, les généraux qui se distinguent par des aptitudes et des connaissances exceptionnelles.

Mais plus tard, ayant mieux étudié les faits, ayant examiné la question d'une manière plus approfondie, j'ai dû changer d'avis.

Je crois aujourd'hui que la section centrale a eu tort de proposer la suppression de la section de disponibilité.

Une première raison que je puis faire valoir, c'est que, dans certaines circonstances, la création d'une section de disponibilité serait la source d'une véritable économie pour le trésor public.

En temps de paix, le nombre de nos officiers généraux est de trente-huit, savoir : onze lieutenants généraux, dont deux de réserve ; (page 748) vingt-deux généraux majors, dont quatre de réserve, plus cinq généraux majors commandants de province.

Il est évident que ce nombre serait tout à fait insuffisant, s'il fallait mettre l'armée, non pas sur le pied de guerre, mais seulement sur le pied de rassemblement, qui, comme vous le savez, est la position intermédiaire entre le pied de paix et le pied de guerre.

En effet, le jour même où le gouvernement devrait mettre l'armée sur le pied de rassemblement, il devrait nommer au moins douze généraux de plus, c'est-à-dire, porter leur nombre de trente-huit à cinquante ; je crois même qu'en ne supposant qu'une augmentation de douze généraux, je me montre extrêmement modéré.

Il faudrait dix-huit lieutenants généraux : un à la disposition du Roi, un au ministère de la guerre, un pour remplir les fonctions de chef du corps d'état-major, un à l'école militaire, un pour occuper l'emploi d'inspecteur du génie et des fortifications, un pour inspecter l'artillerie, un pour commander le camp retranché d'Anvers, quatre pour les commandements territoriaux, quatre pour les divisions d'infanterie, deux pour les divisions de cavalerie, un pour l'inspection générale de la cavalerie.

Il faudrait trente-deux généraux majors : deux à la disposition du Roi, deux au ministère de la guerre, un pour les fonctions de sous-chef du corps d'état-major, un pour être joint à l'inspecteur du génie, deux pour le service du camp retranché d'Anvers, neuf pour commander les provinces et, en outre, huit généraux pour les brigades d'infanterie, quatre pour les brigades de cavalerie, deux pour les brigades d'artillerie.

On m'opposera peut-être que l'obligation de mettre l'armée sur le pied de rassemblement se présentera bien rarement. Je désire qu'on ne se trompe pas, mais je crois, de mon côté, que, dans la situation actuelle de l'Europe, cette mesure deviendra beaucoup plus fréquente qu'elle ne l'a été jusqu'à présent. Naguère encore, l'exemple est bien récent, si la question du Luxembourg n'était pas entrée si promptement dans une période d'apaisement, il est incontestable que le gouvernement se serait vu forcé de mettre l'armée sur le pied de rassemblement et de nommer au moins douze généraux de plus.

M. Bouvierµ. - Quelle exagération !

M. Thonissenµ. - Quelle exagération ! me dit l'honorable M. Bouvier. Voudrait-il bien me dire en quoi je me suis trompé ? Je puis lui affirmer, moi, que j'ai étudié la question avec le plus grand soin, et que je ne me suis arrêté à l'opinion que je défends eu ce moment, qu'après avoir consulté des hommes que je crois beaucoup plus compétents que l'honorable membre. Je doute d'ailleurs que l'honorable général Renard vienne contester le chiffre de cinquante officiers généraux dont je viens de parler.

Supposons, maintenant, que cette hypothèse se représente ; supposons qu'on soit obligé de mettre l'armée sur le pied de rassemblement et que, six ou sept semaines après, on doive de nouveau la mettre sur le pied de paix.

Que deviendront alors les douze généraux qui auront été nommés pour la mise de l'armée sur le pied de rassemblement ? Evidemment, il faudra les conserver dans les cadres, où ils seront complètement inutiles ; il faudra continuer à les payer, d'où résultera ainsi pour le trésor public une charge considérable.

Il me semble qu'il serait à la fois plus rationnel et plus économique de créer une section de disponibilité dans laquelle, en cas de besoin, le gouvernement pourrait chercher, avec une entière sécurité, des hommes offrant toutes les garanties désirables sous le rapport de l'instruction et de l'expérience.

Messieurs, une autre considération ne doit pas être perdue de vue.

Il ne suffit pas qu'une armée soit nombreuse et bien organisée ; il importe encore, au plus haut degré, qu'elle soit convenablement commandée. Or, pour trouver des généraux réunissant toutes les conditions désirables d'instruction, d'aptitude et d'expérience, on est parfois assez embarrassé. Je ne vois donc pas pourquoi il faille, a 65 ans pour les généraux-majors, à 63 ans pour les lieutenants généraux, se priver tout à coup du concours d'officiers expérimentés, alors qu'il a été mainte fois prouvé que la plupart des hommes de cet âge peuvent encore rendre de grands services à leur pays.

Ce système, je le comprends pour les officiers inférieurs, pour les capitaines, par exemple, qui, en temps de guerre, sont astreints à un service dur et pénible, exigeant des hommes possédant encore toutes leurs facultés corporelles. Mais vous savez parfaitement, messieurs, que, même en temps de guerre, les forces de l'intelligence sont bien plus nécessaires aux généraux que les forces physiques. Aussi ne voyons-nous nulle part des capitaines âgés de soixante et dix ans ; mais nous avons vu dans beaucoup d'armées des lieutenants généraux ayant dépassé cet âge et n'en rendant pas moins d'immenses et glorieux services.

On dira que le Roi peut, s'il le juge convenable, ne pas se priver du concours des officiers généraux parvenus à l'âge de soixante-trois ou de soixante-cinq ans. Oui, sans doute, le Roi le peut ; mais comment le peut-il ? Par voie d'exception et pas autrement !

Or vous savez, messieurs, que dès l'instant qu'il y a une exception, elle est toujours excessivement mal vue de tous ceux qui n'en profitent pas. Il en résulte des murmures, des jalousies, des récriminations peu compatibles avec la discipline et tout à fait incompatibles avec l'esprit de fraternité qui doit régner dans les rangs de l'armée.

D'ailleurs, rappelons-nous, messieurs, que lorsque le Roi use de son droit de conserver en fonctions un général qui a atteint l'âge ordinaire de la retraite, il arrête, par cela même, l'avancement d'un autre officier. De là encore découle une source de plaintes et de récriminations.

Avec la création d'une section de disponibilité, tous ces inconvénients disparaissent complètement, et, pour peu qu'on veuille y réfléchir, on sera de mon avis.

Avec ce système, la mise à la pension à l'âge de 63 et de 65 ans deviendra une rare exception ; car on ne mettra à la pension que les généraux que l'état de leur santé ou de leur intelligence placera dans l'impossibilité absolue de rendre désormais des services même sédentaires. Tous les autres entreront dans la section de disponibilité. Le passage à cette section sera désormais la règle et toutes plaintes disparaîtront.

Il est très vrai qu'on devra légèrement augmenter les dépenses militaires ; mais cette augmentation sera très faible. En effet, si, d'une part, avec un traitement réduit, vous conservez les généraux dans la section de disponibilité, d'autre part, leur pension ne viendra pas figurer au budget de la dette publique. L'augmentation de dépense sera, en définitive, à peu près insignifiante.

Je viens donc proposer à la Chambre de décider, en principe, que les états-majors seront divisés en trois sections : une section d'activité, une section de réserve et une section de disponibilité.

Au lieu d'un amendement proprement dit, j'ai fait choix d'une proposition générale, parce que, si on adopte ma manière de voir, nous devrons modifier quatre articles du projet de loi ; tandis que, si elle est écartée, il est inutile de mettre ces articles en discussion.

MpDµ. - Voici l'amendement proposé par M. Thonissen :

« J'ai l'honneur de proposer de diviser l'état-major général et les états-majors particuliers, aussi bien que les cadres des officiers des troupes de diverses armes, en trois sections, savoir : la section d'activité, la section de réserve et la section de disponibilité. »

- L'amendement est appuyé. Il fera partie de la discussion.

MgRµ. - Messieurs, l'honorable M. Dumortier a fait une proposition d'après laquelle trois lieutenants généraux sur neuf porteraient le titre de généraux et les six autres, celui de lieutenants généraux.

Cette proposition mérite d'être étudiée. Le gouvernement ne peut pas immédiatement se prononcer sur la question qu'elle soulève ; mais je pense que, si elle est reconnue utile, elle pourra être tranchée par un simple arrêté royal.

Cette proposition touche à un point délicat. Il faut dans une armée de 100,000 hommes des commandements supérieurs à celui de lieutenant général.

Ce commandement est tellement important qu'il est utile que le gouvernement puisse choisir parmi les généraux du grade le plus élevé celui qui doit être appelé à l'occuper. Si, par exemple, il trouve que le moins ancien est le plus capable, il est désirable qu'un titre supérieur puisse le distinguer des autres lieutenants généraux.

C'est donc une question à examiner et sur laquelle la Chambre me permettra de ne pas me prononcer maintenant.

Quant à la section de disponibilité dont l'honorable M. Thonissen propose le rétablissement, mon opinion est connue ; j'ai toujours préconisé ce système ; je ne l'ai pas reproduit devant la Chambre pour deux raisons.

La première, c'est que toutes les sections, et la section centrale elle-même l'ont rejetée à l'unanimité. La seconde m'est personnelle.

L'honorable M. Goethals a pu, sans scrupule, proposer ce système à la Chambre ; par sa fortune et par son âge, mon honorable prédécesseur se trouvait complètement désintéressé dans la question. La situation dans laquelle je me trouve est différente.

(page 749) Le cadre de disponibilité était destiné cependant à donner de bons résultats. Dans toutes les armées étrangères, excepté l'armée française, on n'a fixé aucune limite d'âge ; on ne veut pas se priver de services qui peuvent être utiles en temps de guerre.

Messieurs, la différence entre la solde de disponibilité des généraux et le chiffre de leur pension n'est pas très grande.

Je pense qu'en supposant que tous les généraux fussent conservés dans la section de disponibilité jusqu'à l'âge de 70 ans, l'augmentation se monterait à 60,000 francs.

Cette création du cadre de disponibilité remplirait en partie le vœu de l'honorable M. Dumortier, puisque le gouvernement conserverait à sa disposition les officiers généraux jusqu'à l'âge de 70 ans.

On a dit qu'on ne pourrait employer ces officiers qu'en temps de guerre. Il me semble qu'on pourrait également les utiliser en temps de paix. Si vous aviez des officiers généraux d'une aptitude particulière remarquable, je ne vois pas pourquoi le gouvernement ne pourrait pas les employer pendant la paix.

Messieurs, je vous ai dit quelle a été ma position dans cette question et la raison pour laquelle je n'ai pas insiste.

M. Thonissenµ. - Si M. le ministre n'appuie pas ma proposition, c'est uniquement, je crois, parce qu'il craint d'être accusé de se laisser guider par un intérêt personnel. Je comprends cette délicatesse, mais personne ici ne croira l'honorable lieutenant général Renard capable de se laisser dominer par des considérations de cette nature.

Puisqu'il ne croit pas devoir émettre un avis positif, je demande le renvoi de mon amendement à la section centrale.

- Des membres. - Non ! non !

M. Thonissenµ. - La Chambre pourrait ainsi apprécier ma proposition en parfaite connaissance de cause.

M. Dumortierµ. - Je n'insisterai pas sur mon amendement. M. le ministre de la guerre vient de faire connaître que ma proposition avait un côté excessivement sérieux et que le gouvernement l'étudierait. Mon but est atteint. La question est à mes yeux trop capitale pour l'existence de notre armée, pour que j'expose mon amendement aux chances d'un rejet. J'aime mieux laisser le gouvernement étudier la question et je l'engage à le faire de la manière la plus sérieuse, car, je le répète, de toutes les questions qui sont agitées au sujet de l'organisation de l'armée, celle-ci est à mes yeux la plus importante de toutes.

MpDµ. - La proposition de M. Dumortier est donc retirée.

La discussion est close.

Il ne nous reste plus que deux amendements, celui de M. Vleminckx et celui de M. Thonissen.

La proposition de M. Vleminckx s'applique non seulement à l'article premier, mais encore aux articles 3 et 5 du projet. Il y a donc nécessité de voter par questions de principe.

Les deux questions soulevées par la proposition de M. Vleminckx sont celles-ci : la suppression des généraux du cadre de réserve, la suppression des commandants provinciaux spéciaux.

Je mets d'abord aux voix la suppression des généraux du cadre de réserve.

- Des membres. - L'appel nominal !

Il est procédé au vote par appel nominal, qui donne le résultat suivant :

Nombre des votants 91.

Pour la suppression 40.

Contre la suppression 51.

En conséquence la Chambre n'adopte pas.

Ont voté pour la suppression :

MM. Vleminckx, Wasseige, Carlier, David, de Coninck, de Haerne, Delaet, de Lexhy, de Macar, de Moor, de Muelenaere, Descamps, Dethuin, de Zerezo de Tejada, Dupont, Funck, Gerrits, Guillery, Hagemans, Hayez, Jacobs, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Le Hardy de Beaulieu, Liénart, Magherman, Moncheur, Mouton, Muller, Notelteirs, Nothomb, Preud'homme, Snoy, Thibaut, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Renynghe, Vermeire et Verwilghen.

Ont voté contre la suppression :

MM. Watteeu, Wouters, Ansiau, Bara, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Broustin, Crombez, de Baillet-Latour, de Brouckere, De Fré, de Kerchove de Denterghem, Delcour, d'Elhoungne, de Maere, de Naeyer, de Rongé, de Smedt, de Terbecq, de Theux, de Vrière, Dewandre, de Woelmont, Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Jouet, Jouret, Lambert, Lange, Lelièvre, Lippens, Moreau, Orban, Orts, Pirmez, Rogier, Schollaert, Tack, Tesch, Thonissen, T'Serstevens, Van Cromphaut, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Vau Iseghem, Van Overloop, Vilain XIIII et Dolez.

MpDµ. - Je mets aux voix la suppression des commandants provinciaux.

- Cette suppression n'est pas adoptée.

L'amendement de M. Thonissen est ensuite mis aux voix ; il n'est pas adopté.


MpDµ. - Il nous reste à voter sur l'article premier. Il est ainsi conçu :

« Art. 1er. L'état-major général de l'armée et les états-majors particuliers, aussi bien que les cadres des officiers de troupe de diverses armes, sont divisés en deux sections, savoir : la section d'activité et la section de réserve. »

- Cet article est adopté.

- Des membres. - A demain ! .

- M. le président procède au tirage au sort de la députation chargée d'assister aux obsèques de M. du Bois d'Aische. Le sort désigne : MM. de Woelmont, de Moor, de Kerchove de Denterghem, Janssens, Ansiau, Vander Donckt, de Smedt, Julliot, Dethuin, Couvreur et Liénart.

Il est procédé ensuite au tirage au sort des sections de mars.

- La séance est levée à 5 heures.