Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 4 avril 1868

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1867-1868)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1001) M. Van Humbeeck, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à une heure et un quart.

M. Reynaert, secrétaireµ, lit le procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Van Humbeeckµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Haine-Saint-Paul demandent le retrait de la loi du 23 septembre 1842. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur,

Projet de loi érigeant la commune de Fourbechies

Rapport de la commission

M. de Macarµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la commission spéciale qui a examiné le projet de loi portant érection de la commune de Fourbechies (Hainaut).

M. Thienpontµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau un rapport sur une demande de naturalisation ordinaire.

- Impression et distribution.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1868

Discussion générale

M. Dumortierµ. - Messieurs, je compte parler dans le même sens que l'honorable M. Schollaert. S'il y avait un orateur qui voulût parler dans un sens opposé, je lui céderais volontiers la parole. Peut-être même que M. le ministre aurait quelque chose à dire.

Il est toujours préférable que l'on entende alternativement un orateur pour et un orateur contre, comme le veut le règlement.

MpDµ. - Le règlement ne prescrit le mode qui consiste à entendre alternativement un orateur pour et un orateur contre que quand il y a une proposition. Dans tout autre cas cela n'est pas nécessaire.

Si cependant il y avait un autre membre qui voulût prendre la parole, je suis prêt à la lui accorder.

M. Jouretµ. - Messieurs, j'éprouve le besoin de motiver le vote approbatif que j'émettrai sur la proposition que fait le gouvernement d'augmenter de 200,000 fr. le crédit de l'article 101, en vue de subsidier les écoles d'adultes, organisées conformément au règlement du 1er septembre 1866.

Je me hâte de le dire, je pense, avec les honorables MM. Rogier, Vandenpeereboom et d'antres membres de la gauche, que l'organisation des écoles d'adultes doit nécessairement procéder de la loi de 1842, et qu'il aurait été désirable que l’enseignement religieux y fût donné dans les limites indiquées par Mgr l'archevêque de Malines, dans la lettre qu'il a écrite récemment à M. le ministre de l'intérieur.

« Ces paroles, dit le prélat, exprimaient la promesse que l'inspection aurait lieu, nu vertu de la loi de 1842, dans la division supérieure comme dans la division inférieure, et que le prêtre, sans donner des leçons proprement dites de catéchisme à la division supérieure, pourrait adresser aux élèves de cette division des avis proportionnés à leur âge à la fin des classes. »

Vous le voyez, messieurs, il ne s'agissait pas la, comme on l'a prétendu, de l'enseignement, ridicule en quelque sorte, du catéchisme donné à des adultes, mais d'avis et de conseils proportionnés à leur âge, avis et conseils donnés à la fin des classes.

Je persiste à croire, pour ce qui me concerne, qu'il est désirable qu'il en soit ainsi pour donner à l'école d'adultes toute l'utilité que nous avons le droit d'en espérer, et cette conviction me portait à ne pas voter un crédit qui a pour but l'application d'idées que je ne partage pas.

Toutefois, et comme malgré les dissentiments qui se sont manifestés, ceux dont je partage la manière de voir, des hommes occupant une haute position dans cette Chambre, et ayant occupé une haute position dans le gouvernement, ont formellement déclaré qu'ils voteraient le crédit demandé, je ne veux pas demeurer isolé sur mon banc et je le votera avec eux.

Je crois cependant remplir un devoir sérieux, en disant à M. le ministre de l'intérieur sous l'empire de quels sentiments, de quelle confiance pour son caractère d'homme d'Etat j'émets ce vote.

J'espère que dans l'exécution de l'arrêté de 1866, créant les écoles d'adultes, et dans les mesures qu'il prendra pour assurer ultérieurement cette exécution, il ne perdra jamais de vue que dans nos sociétés modernes comme dans celles qui ont appartenu aux âges écoulés, la religion des masses, ou, si l'on veut, leurs sentiments religieux, n'ont pas cessé d'être la base la plus solide et la plus ferme de la durée et de la prospérité des empires, et qu'ils vacillent et s'écroulent bientôt si ces sentiments cessent d'être leur soutien.

L'empressement et la loyauté avec lesquels il s'est déclaré le partisan convaincu de la loi de 1842 me disent assez que ma confiance dans ses sentiments et ceux du gouvernement ne sera pas trompée.

C'est dans cet espoir et ces sentiments, messieurs, que je voterai le crédit de 200,000 fr. demandé par le gouvernement.

M. Dumortierµ. - Messieurs, deux questions ont été soulevées dans cette discussion, l'une relative à l'exécution et à l'application de la loi de 1842, l'autre à l'existence elle-même de cette loi.

Je dirai peu de chose de la première de ces questions. Tout ce que l'on peut en dire a été dit par plusieurs orateurs, par mon honorable ami M. Delcour et par d'autres de mes honorables amis politiques, et une confirmation complète vient d'en être donnée avec une bonne foi a laquelle je rends le plus grand hommage, par l'honorable orateur qui vient de se rasseoir.

Je crois, pour mon compte, que l'honorable M. Rogier a dit la vérité et que l'honorable M. A. Vandenpeereboom l'a dite également : C'est que la Constitution est formelle, que l'enseignement doit être donné par une loi.

Un autre article de la Constitution porte : Le Roi n'a d'autres pouvoirs que ceux que la loi lui assigne.

Eh bien, où puisez-vous le pouvoir de créer des écoles d'adultes ? Si vous puisez ce pouvoir dans la loi de 1842, cette loi règle la mesure que vous avez à prendre. Si vous ne puisez pas ce pouvoir dans la loi de 1842, où est la loi dans laquelle vous le puisez ?

Je crois qu'il n'y a rien à répondre à un tel argument et j'ai vainement attendu une réponse.

Je ne m'arrête donc pas à cette partie de la question qui a été admirablement traitée dans cette enceinte par les orateurs qui m'ont précédé. Mais je ne puis laisser passer sans réponse les discours qui ont été prononcés contre la loi de 1842 et les principes évidemment inconstitutionnels qui ont été mis en avant pour déclarer que cette loi n'était pas constitutionnelle.

C'est une chose merveilleuse ! Voilà une loi qui existe depuis vingt-cinq ans ; et quand elle a été faite, il a fallu attendre vingt-cinq ans pour faire cette découverte. En 1842, nous étions bien près de la Constitution, un nombre considérable de membres du Congrès siégeaient dans cette Chambre. Vous aviez dans vos rangs plusieurs hommes éminents, MM. Devaux, Rogier, Lebeau, de Brouckere ; des hommes qui ont figure au premier rang. Nous avions dans les nôtres M. Raikem, le rapporteur de la Constitution ; MM. Dubus, de Theux, de Haerne, hommes également considérables du Congrès et bien d'autres. Eh bien, aucun de ces membres n'a cru voir l'ombre d'une violation de la Constitution dans la loi de (page 1002) 1842. Au contraire, tous l'ont regardée comme une transaction heureuse en exécution des principes constitutionnels.

Mais voilà que, subitement illuminée, une ligue qui s'appelle la libre pensée ou quelque chose de semblable, la ligue de l'enseignement, vient à découvrir que la loi est inconstitutionnelle. Oh ! la grande découverte ! Ah ! la loi est inconstitutionnelle et pourquoi ? Parce que, dans la loi de 1842 il est stipulé que l'enseignement religieux sera donné dans les écoles primaires et que le prêtre aura la surveillance de cet enseignement religieux.

Voila toute la question. Et pour cela on vient prétendre que la loi est inconstitutionnelle !

J'avoue que je tombe des nues quand j'entends soutenir de pareilles doctrines. Je sais bien que l'on a prétendu que le prêtre devait être exclu de l’école, qu'il ne pouvait y entrer à titre d'autorité. Mais je me rappelle encore fort bien qu'un des hommes les plus éminents de la gauche, un homme au mérite élevé duquel vous rendez tous hommage, M. Devaux, disait à cette époque : J'ai lu qu'il fallait expulser le prêtre enseignant à titre d'autorité, mais quant à moi je n'ai jamais pu comprendre ce que c'est que ces mots : « à titre d'autorité ».

J'avoue que je ne comprends pas ces mots plus que M. Devaux. Je ne sais pas ce que cela veut dire. Ce sont des mois dont la signification passe mon intelligence. Au fond, ce que l'on veut, c'est l'expulsion du prêtre, des écoles. Les mots « à titre d'autorité » ne signifient rien. Pourquoi donc cette émotion ? Eh ! messieurs, ce n'est un mystère pour personne. C'est parce qu'on donne l'enseignement religieux sous la direction de l'Eglise, dés diverses communions religieuses dans les écoles primaires. Voilà ce qu'on ne voudrait pas. Vous avez entendu dire par l'honorable M. Funck, dans une séance précédente, par M. Vleminckx, que l'enseignement de la morale devait être confondu avec la religion, par M. Elias qu'on ne doit donner dans les écoles aucun enseignement religieux qui puisse blesser la conscience d'un solidaire.

Ah ! la conscience d'un solidaire, je voudrais bien savoir ce que c'est. (Interruption.) Je voudrais bien qu'on me dît où on trouve des solidaires, ce que c'est que la libre pensée, les libres penseurs, les solidaires.

A toutes les époques il y a eu des gens qui n'avaient pas de sentiments religieux. C'est la liberté, soit ; mais quand on se qualifie de secte, on doit se montrer quelque part.

M. Funckµ. - Veuillez remarquer, M. Dumortier, que nous n'avons pad dit un seul mot de cela.

M. Dumortierµ. - Je vous demande pardon, et ce n'est pas vous qui avez exprimé cette pensée ; je l'ai trouvée dans le discours de l'honorable M. Elias.

M. Eliasµ. - Pas du tout !

M. Dumortierµ. - Vous avez dit : Nous ne voulons aucun enseignement religieux pouvant froisser les sentiments des solidaires.

M. Eliasµ. - Du tout. J'ai di 'que tous les enfants belges devraient pouvoir aller à l'école.

M. Dumortierµ. - Vous avez dit ce que je viens de rappeler ; je l'ai écrit sous votre dictée.

Eh bien, où sont donc ces solidaires, où sont donc ces libres penseurs au nom desquels vous voulez exclure le prêtre de l'école primaire ? Comment ! Voilà des gens qui se cachent, qui n'ont pas le courage de dire qui ils sont, d'avouer leurs croyances, probablement parce qu'ils n'en ont pas, voilà des gens qui n'ont pas le courage de se montrer, de former une communauté ayant une chaire pour y proclamer leurs principes ; et c'est pour ces gens qui se cachent, qui n'ont pas le courage de leurs opinions que vous iriez sacrifier une loi admirablement exécutée dans toute la Belgique, une loi qui fonctionne depuis 25 ans à l’entière satisfaction des populations !

Vraiment, messieurs, c'est trop fort !

Si les solidaires, si les libres penseurs veulent justifier leurs prétentions, qu'ils se montrent donc, qu'ils publient qui ils sont, ce qu'ils demandent, ce qu'ils désirent. Mais nous n'avons rien à donner à des gens qui n'ont pas le courage de se faire connaître, et ils font bien, car ils savent quel effet produirait leur dénomination seule sur l'esprit de l’opinion publique tout entière. Ils n'oseraient pas se faire connaître.

Maintenant, la constitutionnalité de la loi de 1842 a été longuement attaquée dans cette Chambre ; mais il est une chose qui m'a beaucoup frappé, c’est que la démonstration prétendue de l’inconstitutionnalité de cette loi a été basée sur des motifs différents par les trois orateurs qui ont soutenu cette inconstitutionnalité.

Pour l'honorable M. Funck, le motif de l'inconstitutionnalité de la loi de 1842, c'est la séparation de l'Eglise et de l'Etat ; pour l'honorable M. Vleminckx, c'est l'égalité devant la loi ; pour l'honorable M. Elias, c'est la liberté des cultes. Voilà les trois systèmes différents, les trois bases différentes d'argumentation qui aboutissant à une seule et même conclusion ; c'est que la loi de 1842 est inconstitutionnelle.

Eh bien, examinons successivement ces trois opinions.

La séparation de l'Eglise et de l'Etat !

Le principe qui domine nos institutions, a dit l'honorable M. Funck, est la séparation de l'Eglise et de l'Etat ; et, en vertu de cette séparation, l'Eglise doit rester chez elle comme l'Etat doit rester chez lui.

C'est, messieurs, le renouvellement de cette maxime haineuse : Chacun pour soi, chacun chez soi. Est-ce là ce qu'a voulu la révolution de 1830 ; est-ce là ce qu'a voulu le Congrès national ; est-ce là ce que veut la Constitution ?

Mais, messieurs, c'est outrager le Congrès, c'est outrager la révolution de 1830, que de prétendre qu'ils ont été animés de pareils sentiments de haine de l'Etat contre l'Eglise, de l'Eglise contre l'Etat.

Comment s'est faite la révolution de 1830 ? Par l'alliance de l'Eglise et de l'Etat. C'est par l'union que nous avons triomphé ; c'est l'union qui nous a fait proclamer cette magnifique Constitution devant laquelle tous les peuples de l'Europe se sont inclinés aussi longtemps qu'elle est restée entière dans les principes qu'elle proclame.

Eh bien, que voulait l'union ? Asservir l'Eglise à l'Etat ou l'Etat à l'Eglise ? Fi donc ! Messieurs, ni l'un ni l'autre. L'union et le Congrès ont eu pour principe de donner à l'Eglise la plus grande de toutes les libertés ; ils ont émancipé l'Eglise. Et, veuillez-le remarquer, en politique comme dans la vie privée, on n'émancipe que ce qu'on aime ; on comprime ce qu'on n'aime pas. Voilà quel a été le but fondamental de l'union comme la base fondamentale de nos institutions de 1830. S'il en eût été autrement, ce n'est point la liberté qu'on eût conquise en 1830 ; on l'eût comprimée.

Il y en avait qui le voulaient ; mais où siégeaient-ils ? Parmi les ennemis de la révolution, parmi ceux qui voulaient jeter le Congrès par les fenêtres, et ramener la tyrannie parmi nous.

Voilà les hommes qui voulaient le régime que vous préconisez aujourd'hui, comme étant celui de 1830.

Oui, c'était le régime des orangistes, en 1830, le régime de ceux qui alors conspiraient contre la patrie, espérant nous courber de nouveau sous le joug de l'étranger.

Mais pour les patriotes de cette époque, pour nous qui avons combattu ce régime que nous sommes parvenus à chasser, nous n'avons tous voulu qu'une chose : c'est la liberté pour tous, la liberté pour l'Eglise, la liberté pour l'Etat, c'est l'alliance bienveillante de l'Etat et de l'Egllise, dans l'intérêt du bonheur et de la prospérité du pays.

Il n'y a jamais eu, il n'y aura jamais d'autres doctrines possibles, et je dois repousser comme un outrage pour le Congrès cette théorie qu'on met en avant aujourd'hui, qu'en 1830 le Congrès aurait voulu établir une lutte entre l'Eglise et l'Etat, lorsqu'il est évident que c'est contre cette lutte que la révolution de 1830 a été faite.

Et, en effet, cette lutte existait sous le régime hollandais ; alors aussi, on voulait exclure le prêtre des écoles ; on voulait établir un collège philosophique, expulser les prêtres des séminaires et de tous les établissements d'instruction.

Eh bien, voilà le système qui a provoqué la révolution de 1830, voilà le système que vous voulez venir aujourd'hui réchauffer en d'autres termes ; voilà le régime que la révolution a détruit en 1830, pour ne reparaître jamais sur le sol libre de la Belgique.

Ainsi, qu'on ne vienne point nous parler de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, en donnant à ces paroles une pensée de code civil, une pensée équivoque.

Il y a deux modes de séparation ; il y a la séparation haineuse du code civil, qu'on appelle divorce et qui s'opère entre personnes qui ne s'aiment pas et qui ne doivent pas se revoir ; il y a ensuite la séparation de gens qui s'aiment et qui doivent se revoir, comme nous nous séparerons aujourd'hui, pour nous retrouver ensemble avec plaisir dans quinze jours.

Voilà la séparation de l'Eglise et de l'Etat, telle qu'elle a été proclamée par le Congrès.

Ainsi, toute l'argumentation qu'on invoque de ce chef tombe devant l'évidence des faits.

Mais, dit l'honorable M. Vleminckx, c'est le principe d'égalité qui est froissé par la loi de 1842. Ce principe est évidemment consacré par la (page 1003) Constitution ; la loi de 1842 touche à ce principe, et, par conséquent, elle doit être révisée.

Messieurs, je ne connais rien de plus élastique que ce mot : « principe d'égalité ».

Il y a toutes sortes d'égalité ; vous avez l'égalité devant la loi, c'est celle qui est énoncée dans la Constitution ; vous avez l'égalité qui est résultée de la suppression des ordres qui existaient avant 1830 dans notre pays. Voilà l'inégalité que le Congrès a voulu abolir ; le Congrès a supprimé les ordres, et il a entendu établir l'égalité des citoyens devant la loi judiciaire, devant la loi politique.

Est-ce que par hasard vous vous imaginez que par ce mot « égalité » on a voulu entendre toute espèce d'égalité ?

Mais où vous arrêteriez-vous dans ce système ? Car vous n'avez pas seulement l'égalité politique, vous avez aussi l'égalité de position, l'égalité de fortune ; enfin vous avez jusqu'à l'égalité de la loi agraire.

Rien au monde ne prête à plus d'élasticité que le mot « égalité ».

En voilà précisément ce qui fait la grande différence entre les principes d'aujourd'hui et les principes de 1830. Les principes de 1830 étaient fondés sur une donnée qui ne permettait pas d'abus dans l'expression.

L'union de 1830 voulait une chose : la liberté, et elle la voulait en tout et pour tous. Or, la liberté est une chose parfaitement définie ; j'ai le droit de faire ce qui ne nuit pas aux droits des autres. C'est la confirmation de cette maxime de l'Evangile : Ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fit.

La liberté est donc toute définie. Si vous sortez de la liberté, vous tombez immédiatement dans la licence ; si vous touchez aux droits d’autrui, vous n'êtes plus dans la liberté.

J'entends aujourd'hui parler de conventions d'association, faites sur le principe de l'égalité.

Eh bien, messieurs, je le dis franchement, de telles associations peuvent prêter aux derniers abus, parce que rien au monde n'est plus indéfinissable que l'égalité entendue dans toutes ses phases.

La seule égalité qui soit constitutionnelle, qui soit vraie, c'est celle qui règle nos lois ; c'est celle qui ne permet pas de rétablir en Belgique des ordres spéciaux, celle qui porte que tous citoyens belges, depuis le dernier charbonnier jusqu'au premier sénateur, sont égaux devant les tribunaux, devant la loi, devant la justice. Voilà la véritable égalité.

Mais quand, au nom de l'égalité, on vient vous dire que les gens qui n'ont pas de foi, qui n'ont pas de doctrine, doivent avoir la même part dans l'instruction que ceux qui en ont, savez-vous ce que vous faites ? Votre égalité consiste dans ceci : les gens sans foi, qui sont en petit nombre, doivent commander et imposer leur négation au pays entier.

L'honorable M. Schollaert a admirablement démontré qu'il suffirait qu'il y eût un seul mormon en Belgique, pour que tout le monde dût le suivre.

Voilà l'excès de ce système d'égalité.

Les lois d'exécution et les lois qui s'appliquent, il faut les prendre avec les populations qu'on a sous la main.

Or que voulez-vous au nom de l'égalité ? Supprimer l'enseignement religieux dans les écoles.

Mais qu'est-ce que vous faites ? Mais en agissant ainsi, vous donnez un privilège à l'athéisme, vous donnez le monopole de l'athéisme dans vos écoles. Quand vous aurez tout l'enseignement dans les écoles dans la crainte de blesser les oreilles d'un solidaire, vous aurez, c'est clair comme 2 et 2 font 4, vous aurez créé un privilège pour l'athéisme, et au lieu d'avoir un privilège pour 4,900,000 hommes, vous aurez donné un privilège à 200 ou 300 personnes et vous aurez forcé tout le reste de la Belgique à suivre ces deux ou trois cents personnes. C'est le monopole de l'athéisme qui résulte de déductions faites par l'honorable M. Vleminckx ; c'est la conséquence fatale de la crainte où vous êtes de blesser les oreilles de quelques-uns, en donnant un enseignement que tout le monde peut comprendre. Ce jour-là vous aurez fait de l'enseignement un enseignement solidaire.

Vous en aurez fait un enseignement solidaire, c'est-à-dire que vous aurez transformé votre population, que d'une population morale et sage vous aurez fait une population sans frein et vous en arriverez à ce résultat définitif et inévitable d'avoir des hommes sans frein et des filles sans pudeur.

Eh bien, c'est là ce que vous voulez. Ayez le courage de le dire.

Mais, dit-on, la loi de 1842 est inconstitutionnelle. Elle porte atteinte à la liberté des cultes. Eh, messieurs, comment porte-t-elle atteinte à la liberté des cultes ?

En ce que nous voulons un enseignement religieux pouvant blesser la conscience d'un solidaire.

Mais l'enseignement religieux dans les écoles blesse la liberté des cultes.

Qu'est-ce donc que la liberté des cultes ? C'est bien la liberté des croyances et non pas la liberté de ceux qui ne croient pas. La liberté des cultes, c'est la liberté de ceux qui ont un culte, et non la liberté de ceux qui n’en ont pas. Je conçois qu’ils invoquent la liberté des opinions, mais non la liberté des cultes, puisqu’ils n’ont pas de culte. Ils ne peuvent invoquer ce qu’ils n’ont pas. Eh bien, voilà votre liberté des cultes. Les gens qui n’ont pas de culte devront dominer ceux qui en ont un. Voilà le principe de la liberté des cultes.

Etrange principe vraiment.

Les cultes, messieurs, ne sont pas une négation ; ils sont une affirmation ; c'est l'affirmation de la Divinité et la pratique de cette affirmation. L'absence de culte, c'est la négation de la Divinité. La liberté des cultes est donc une affirmation et non une négation.

Quand le Congrès a décrété que les cultes étaient libres, il a donné la liberté à quelque chose qu'il a affirmé : ce sont les cultes.

Ainsi ne venez pas nous parler ici de l'intérêt de ceux qui n'ont pas de culte et invoquer en leur faveur la liberté des cultes, lorsqu'ils n'en ont pas, contre ceux qui ont un culte.

La garantie constitutionnelle, pour qui est-elle donnée ? Pour les cultes et non contre les cultes. Or, dans la système que je combats, la garantie constitutionnelle serait donnée contre les cultes. Car, avec cette argumentation, vous pouvez démolir tous les cultes les uns après les autres.

Eh bien, c'est ce que la loi n'a pas voulu. La loi a voulu que l'atmosphère de l'école soit religieuse, qu'elle soit chrétienne si c'est une école chrétienne, qu'elle soit israélite si c'est une école israélite ; en un mot, qu'elle soit religieuse.

Et je vous avoue franchement que je suis fort étonné de voir de tels principes émis dans une assemblée politique aussi honorable, aussi respectable que la nôtre, alors que je ne connais aucun pays au monde où l'on cherche à faire disparaître de l'enseignement primaire l'enseignement religieux, qui en est la base la plus indispensable. Et si cette base est nécessaire partout, si elle est nécessaire à toutes les époques, c'est surtout à notre époque qu'elle devient nécessaire, parce qu'en vertu de toutes les libertés que nous avons décrétées, vous voyez des principes qui sapent la base de la société se faire jour à chaque instant, lorsque vous voyez ce qui se passe tous les jours autour de vous. Je dis que si jamais le peuple a eu besoin d'une sagesse et d’un frein, c’est aujourd'hui plus que jamais, et que les lui enlever, ce serait la faute la plus capitale, la plus monstrueuse que l'on pût commettre.

Messieurs, on a beaucoup parlé de l'Irlande, on s'est beaucoup appuyé sur l'exemple de ce pays. Oui, évidemment, en Irlande, dans un moment où l'on avait refusé aux Irlandais le droit d'avoir une école, où celui qui aurait tenu une école catholique aurait été puni des peines les plus sévères, afin d'éviter un plus grand mal, momentanément, on a accepté la position dont on nous parle. Mais c'est la législation anglaise en Irlande que vous venez invoquer et que vous voulez appliquer à la Belgique. C'est la législation établie sur des esclaves. (Interruption.)

- Un membre. - Ah !

M. Dumortierµ. - Ah ! dites-vous. Eh bien, je tiens ici un document et je vous prie d'en entendre quelques passages. C'est le manifeste comprenant les griefs de la nation irlandaise, du mois de novembre dernier. Qu'y lisez-vous ?

« On s'est attaché à introduire la division dans les familles par la loi ;

« Toutes les carrières furent fermées au peuple de l'antique religion par la loi ;

« La propriété de la terre, le droit de location, furent rangés dans les choses interdites par la loi ;

« Tous les métiers, même les plus modestes, étaient rendus impossibles aux Irlandais par la loi ;

« Toute action, tout pouvoir politique, tout droit aux emplois, leur avaient été retirés par la loi. »

Et c'est cette législation que vous voudriez introduire en Belgique ! Je dis que c'est monstrueux !

Ne nous parlez donc plus de la législation irlandaise. C'est la législation de la persécution. Si c'est là ce que vous voulez, ayez le courage de le dire ; ayez le courage de dire : C'est la persécution que nous voulons ! et le pays vous jugera.

Messieurs, nous vivons à une époque où certes le peuple, les déshérités de la fortune ont besoin de consolations, de résignation et de l’espoir d’un meilleur avenir. Or, qu’est-ce qui peut donner ces principes (page 1004) salutaires aux déshérités de la fortune ? C’est le principe religieux, pas autre chose.

Ce n’est pas avec votre philosophie vide des loges de francs-maçons, avec votre « grand architecte de l’univers », que vous donnerez ces principes à la population.

C’est la religion qui vient porter secours à l'infortuné, qui lui promet un meilleur avenir dans un autre monde, s'il a respecté la justice. Voilà le seul et unique sentiment que l'on puisse inculquer au peuple. Et ce n'est pas sans raison que M. Lebeau disait, un jour, qu'un curé armé de son catéchisme valait beaucoup mieux que dix brigades de gendarmerie.

Comment, messieurs, n’avons-nous pas assisté dernièrement, assisté par la pensée et par la lecture, à ces réunions dans lesquelles on professait des maximes qui, si on les inculquait au peuple, le déchaîneraient contre la société, ces principes qui sont la négation de la Divinité ! Ne vous rappelez-vous pas ces chants où l'on disait :

« Plus de dogme, aveugle lien !

« Plus de joug, tyran ou messie ! »

Avez-vous oublié cette infame maxime de la morale soi-disant indépendante que « la paix de l’âme est dans la négation de Dieu » ?

Est-ce dans ces sentiments que vous voulez élever le peuple ?

Pourquoi donc lui enlever sa foi et les consolations qui seules maintiennent les classes déshéritées de la fortune ? Quand vous aurez supprimé l’enseignement catholique, l’enseignement juif, l’enseignement protestant dans les écoles, ce jour-là, vous aurez des populations sans guide et sans frein. Et que diront ces bourgeois athées qui auront fait exclure de nos écoles l’enseignement religieux, l’idée de la Divinité, quelle en sera la conséquence ?

C'est que ce peuple, auquel vous aurez enlevé le sentiment de la foi, le sentiment du devoir, le respect d'autrui, vous dira : Pourquoi êtes-vous réélu et ne le suis-je pas ? Je suis plus fort que vous et je veux ma part.

Voilà où vous arriverez avec vos maximes, voilà l'avenir d'une société à laquelle on enlève sa foi.

C'est ce que n'a pas voulu la Chambre de 1842. Partant de cette pensée profonde que dans l'intérêt du peuple, dans l'intérêt des déshérités de la fortune, il faut un frein moral, des sentiments moraux, une consolation dans le présent et l'espérance d'un meilleur avenir, elle a inscrit dans la loi qu'il fallait un enseignement religieux et elle l'a organisé avec une sagesse infinie.

Ayant entendu des cris s'élever encore contre cette loi, j'ai voulu protester en faveur de ce peuple que j'aime et contre ces principes qui tendent à lui enlever le frein moral, l'espoir de la vie future, à créer des gens sans foi ni loi, sans respect pour rien. Je n'ai pu m'empêcher de protester contre des maximes que je déplore et que je ne puis assez condamner.

M. Vleminckxµ. - Messieurs, il est un proverbe qui dit que l'exagération en tort est un défaut.

L'honorable M. Dumortier vient d'en fournir une preuve nouvelle. Il m'a incontestablement attribué des opinions que je n'ai jamais professées.

J'ai dit avant-hier dans cette enceinte que, dans mon opinion, l'enseignement du peuple devait être moral et religieux. (Interruption.) Et j'ai soutenu, d'autre part, que la loi de 1842 est inconstitutionnelle en ce sens qu'elle blesse le principe d'égalité, et voici comment :

Que sont donc nos écoles primaires ? Ce sont des écoles mixtes. Elles sont faites pour recevoir les enfants de tous les cultes, et je n'ai pas entendu parler, que l'honorable M. Dumortier le sache bien, de ceux qui n'ont pas de culte du tout.

Or, les cultes de tous les enfants doivent être respectés dans ces écoles et la moindre parole qui pourrait être dite contre un d'eux, contre n'importe quel dogme, devrait encourir notre blâme.

Je me suis donc élevé contre ces mots « atmosphère religieuse » dont s’est service l’honorable M. Delcour et je demande encore une fois qu’il veuille bien s’expliquer sur leur signification.

Dans la bouche des honorables membres de la droite, ils signifient « atmosphère catholique ».

M. Dumortierµ. - Catholique dans les écoles catholiques, juives dans les écoles juives.

M. Vleminckxµ. - Nos écoles communales, nos école primaires sont des écoles mixtes, où catholiques comme dissidents sont admis.

M. Wasseigeµ. - Il n’y en a pas.

M. Vleminckxµ. - Comment ! Il n’y a pas de dissidents ?

M. Wasseigeµ. - Dans les neuf dixièmes, il n'y en a pas un seul.

M. Vleminckxµ. - Puisque vous me conduisez sur ce terrain, je demanderai à l'honorable M. Schollaert qui ne veut pas qu'on respecte les opinions des dissidents, je lui demanderai ce qu'il ferait s'il était en Suède, où la grande majorité de la population est protestante, si on l'obligeait à suivre un enseignement protestant ; qu'il nous dise ce qu’il ferait dans une pareille situation ?

Je le répète encore une fois, nos écoles communales sont des écoles mixtes, et dans ces écoles respect est dû à tous les cultes. Et voilà pourquoi je n'ai jamais compris et je ne comprends pas encore les mots « atmosphère religieuse » sur lesquels j'attends des explications.

Ah ! si par atmosphère religieuse, vous entendez l'enseignement sur l'existence de Dieu, sur l'immortalité de l'âme, sur la responsabilité humaine, je suis d'accord avec vous.

Ces mots-là ne blessent aucune croyance ; ils appartiennent à toutes.

Mais veuillez-vous expliquer, c'est indispensable. Dans le règlement qui régit l'enseignement primaire, je lis que l'instituteur est obligé de faire pénétrer, dans toutes ses relations avec les élèves, les grandes vérités de la foi. C'est donc d'un enseignement catholique qu'il s'agit, d'un enseignement catholique, que j'admets parfaitement dans les écoles purement catholiques, mais que je ne puis accepter dans les écoles mixtes.

J'avais donc le droit de dire que la loi de 1842 blesse un sentiment profondément gravé dans le cœur des Belges, à savoir le sentiment de l'égalité et qu'elle ne s'appuie pas par conséquent sur les principes de notre organisation politique.

« Ne faites pas à un autre ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fit. »

Certainement, M. Dumortier, si vous étiez dissident, je ne voudrais pas qu'on fit contre vous dans les écoles ce qu'on y fait, ce qu'on peut y faire contre les dissidents. Respectez les préceptes de l'Evangile, mais respectez-les pour les dissidents comme pour les catholiques.

Bien que l'observation ne me regarde pas personnellement, attendu que je n'ai parlé que d'un seul point, d'après lequel la loi est inconstitutionnelle, suivant moi, j'ai pourtant quelques mots à dire à l'honorable M. Dumortier, quant à la révolution de 1830.

L'union, à laquelle j'ai eu l'honneur d'appartenir, n'a pas eu la pensée que lui attribue l'honorable membre. Savez-vous ce qu'était cette union, et je défie sur ce point la contradiction. C'était celle des catholiques et des libéraux qui, en 1828, n'avaient qu'un seul objectif, à savoir : la réparation de griefs communs ; mais quant au principe de la séparation ou de la non-séparation de l'Eglise et de l'Etat, cela n'est entré à cette époque dans l'esprit d'aucun de nous.

L'honorable M. Dumortier se trompe ; il a oublié l'histoire. Je la connais, moi, cette histoire ; je suis un des premiers signataires des demandes de redressements des griefs ; j'en sais donc quelque chose.

M. Julliotµ. - Vous étiez des révolutionnaires !

M. Vleminckxµ. - Ah ! vous appelez cela des révolutionnaires ! Vous ne l'étiez pas, vous, je le sais bien.

Eh bien, je déclare à l'honorable M. Dumortier, que je n'ai pas plus pensé alors à la séparation de l'Eglise et de l'Etat, ou à la conjonction de l'Eglise et de l'Etat, que je n'y pense en ce moment. Nous n'avons voulu qu'une seule chose, faire restituer à tous leurs droits et leurs libertés. Il ne faut pas donner à cette union de 1830 une signification qu'elle n'a jamais eue. Voulez-vous quelque chose de plus ? Je n'hésite pas à dire qu'elle n'a jamais eu en vue une révolution. Quand nous nous sommes unis, en 1830, personne de nous ne songeait à la faire.

Redressement de griefs, rien de plus, rien de moins, tel était le but que nous poursuivions.

Ainsi donc, messieurs, trêve aux reproches que nous fait l'honorable M. Dumortier ! Nous ne voulons pas, nous ne voudrons jamais que l'instruction des enfants ne soit pas morale et religieuse. Mais ce que nous voulons, ce que nous avons consciencieusement et constitutionnellement le droit de demander, c'est qu'on ne blesse aucune croyance dans l'enseignement des écoles primaires ; c'est qu'en dernière analyse, on y enseigne la morale générale basée sur les principes que je viens d'énoncer, et qu'on donne l'instruction religieuse dogmatique là où elle peut raisonnablement se donner : par le prêtre dans l'église.

M. Dumortierµ. - Je suis charmé d’avoir pris tout à l’heure la parole puisque j’ai amené l’honorable préopinant à professer les principes que vous venez d’entendre. Dans un précédent discours, en (page 1005) effet, il n’avait pas été aussi précis lorsqu’il vous disait que la morale devait cesser d’être confondue avec la religion dans les écoles.

M. Vleminckxµ. - Dans l’enseignement.

M. Dumortierµ. - Et maintenant l'honorable membre vient de dire qu'il voit un enseignement moral et religieux. Nous voilà donc d'accord. J'avais répondu au premier discours, je n'ai rien à dire sur ce point au second.

Mais l'honorable membre demande ce que c'est que l'atmosphère religieuse ; il prétend que dans les écoles de l'Etat on persécute les opinions dissidentes...

M. Vleminckxµ. - Je n'ai pas dit cela.

M. Dumortierµ. - ... et il ajoute : Que diriez-vous si, étant en Suède, vous étiez forcé, vous catholique, de fréquenter les écoles protestantes de la Suède ? Eh bien, je regrette vivement de devoir le dire à mon honorable et excellent ami, mais il n'a pas lu la loi de 1842 ; car, s'il l'avait lue, il y aurait vu un article 6, ainsi conçu :

« L’enseignement de la morale et de la religion est donné sous la direction des ministres du culte professé par la majorité des élèves des écoles. Les enfants qui n'appartiennent pas à l'opinion religieuse en majorité dans l'école seront dispensés d'assister à cet enseignement. »

Ne venez donc pas dire qu'en Belgique comme en Suède on force les enfants à suivre un enseignement religieux contraire à leurs convictions. La loi a parlé sous ce rapport, et j'ajouterai que dans la pratique on a même été plus loin, puisque, de commun accord avec les évêques, on a autorisé les dissidents à ne prendre aucune part aux exercices religieux.

Il y a plus, dans les grandes villes où plusieurs cultes sont pratiqués, on a fondé des écoles différentes pour chaque communion religieuse. A Bruxelles, vous avez des écoles protestantes, et récemment encore l'administration de la capitale, agissant avec beaucoup de sagesse, a subsidié une école israélite, et elle a bien fait, elle a compris que l'enseignement doit être confessionnel autant que faire se peut, c'est-à-dire que l'enseignement doit être confondu, mêlé avec l'enseignement religieux. La création d'une école israélite à Bruxelles fait le plus grand honneur à l'administration de la capitale.

Mais ce qu'on voudrait, c'est qu'il n'y eût plus d'enseignement religieux du tout dans l'école ; c'est qu'on se bornât à y enseigner une morale vague, insaisissable et impalpable. Après quoi, on lancera toute cette population sans frein, sans guide, au milieu de la société. Or, voilà ce que nous ne pouvons pas vouloir ; voilà ce que le sens national repousse ; voilà ce qui ne peut pas exister en Belgique.

Quant à ce qu'a dit l'honorable M. Vleminckx de l'union de 1830, je sais parfaitement ce qu'elle a fait et je me rappelle, pour les avoir signées, les premières pétitions qu'elle a rédigées ; mais quand le moment de l'exécution est arrivé, quand il a fallu trouver les moyens de faire redresser les griefs, que s'est-il passé ?

Eh bien, les hommes supérieurs de l'époque ont dit : Jusqu'ici l'Etat a persécuté l'Eglise ; émancipons l'Eglise. Jusqu'ici l'Eglise n'a pas été libre ; donnons-lui la liberté Et ces aspirations, messieurs, se sont traduites par cette simple formule : séparation de l'Eglise et de l'Etat. Mais quelle séparation ? Non pas celle que prononce le code civil, non pas le divorce ; non pas cette séparation qui peut se résumer en ces termes : Chacun chez soi, chacun pour soi ! Non, c'est une séparation de bons amis qui se séparent pour se retrouver et pour faire ensemble le bonheur du pays.

M. Vleminckxµ. - Messieurs, l'honorable M. Dumortier vient de vous dire que je ne connais pas la loi de 1842 ; il se trompe ; je sais bien qu'en vertu de la loi de 1842 les dissidents ne doivent pas assister à l'enseignement religieux proprement dit, mais dans les observations que j'ai eu l'honneur de présenter à la Chambre, il ne s'agit pas de l'enseignement dogmatique, qui se donne pendant une demi-heure le matin et l'après-midi ; j'ai particulièrement insisté sur cette atmosphère religieuse dont, d'après nos honorables adversaires, les écoles doivent être imprégnées.

L'honorable M. Dumortier connaît la loi de 1842, mais il paraît n'avoir pas lu le règlement de 1840 porté en exécution de cette loi et rédigé par les évêques.

Je pourrais lui en faire connaître quelques articles qui indiquent qu'à côté de l'enseignement dogmatique, qui doit s'y donner, il y a autre chose, et cette chose, c'est ce que l'honorable M. Delcour appelle l'atmosphère religieuse.

En voici un :

« Art. 16. L'éducation morale et religieuse sera extrêmement prise à cœur. L’instituteur en fera l’objet de ses soins assidus. Il saisira les occasions qui se présentent sans cesse, pour développer les principes de religion et de morale. »

Vous le voyez, tout cela n'est pas l'enseignement dogmatique, c'est l'enseignement en général, que l'on soumet aux exigences d'un seul culte.

Eh bien, voilà ce que j'appelle une énormité ; voilà ce qui me paraît contraire aux droits des dissidents, et ce qui par conséquent est inconstitutionnel.

M. de Theuxµ. - Messieurs, l’honorable M. Vleminckx a parlé du règlement de 1846 et de la circulaire des évêques qui y est jointe. Dans cette circulaire, entendue dans le sens qu'a indiqué l'honorable M. Vleminckx, il s'agit d'écoles exclusivement catholiques. C'est clair comme le jour. Il n'a pu entrer ni dans l'esprit des évêques, ni dans celui du ministre de l'intérieur de 1846 de prescrire aux instituteurs de donner l'enseignement confessionnel, en dehors des deux demi-heures consacrées à cet enseignement, lorsqu'il y a des dissidents dans l'école. C'eût été-absurde. Vous voudrez bien croire que je connaissais assez la Constitution et la loi de 1842, et que j'avais assez de bon sens pour ne pas prescrire une chose qui leur serait contraire.

M. Delcourµ. - Messieurs, vous comprenez bien que je ne viens pas renouveler le débat ; mais c'est pour la troisième fois, je pense, que l'honorable M. Vleminckx me met en demeure, et me prie d'expliquer le sens que j'ai attaché aux mots « atmosphère religieuse », dont je me suis servi dans mon discours.

Je ne suis pas gêné de vous donner cette explication, et j'espère qu'elle sera complète.

Les mots « atmosphère religieuse » ne sont pas des expressions nouvelles, la Chambre en connaît parfaitement la portée.

Ces expressions qui ont été employées d'abord par M. Guizot, je les ai retrouvées dans tout le cours de la discussion de la loi de 1842. J'ai relu, avant ce débat, les discussions de la loi de 1842, et je n'exagère rien, en affirmant que les mots « atmosphère religieuse » ont été prononcés peut-être cinquante fois dans le cours de cette discussion.

Qu'ai-je dit, messieurs, dans mon discours ?

Je me suis occupé du point fondamental qui sépare les partisans de la loi de 1842 de ses adversaires. Ce point, vous vous le rappelez, c'est l'article 6, qui comprend la morale et la religion en tête des matières de l'enseignement primaire.

J'ai dit que l'enseignement de la morale et de la religion est tellement dans la force des choses, que nous le rencontrions partout, comme base de l'instruction populaire. Ce principe n'était contesté par personne, en 1842 ; on savait que les lois de tous les grands pays avaient consacré le même principe. J'ai dit encore que, depuis lors, l'enseignement primaire avait fait l'objet des préoccupations de tous les hommes d'Etat, de tous les gouvernements et que toujours, partout et à toutes les époques, la morale et la religion sont encore la base de l'enseignement primaire ; je n'ai pas dit autre chose. Lorsque j'ai insisté pour que l'atmosphère de l'école fût religieuse, comme on vient encore de le répéter, c'est parce que je désire que l'école réponde à chaque confession, à chaque culte.

Ainsi, dans les écoles catholiques, vous avez l'atmosphère catholique ; dans les écoles protestantes, l'atmosphère sera protestante et pour les écoles juives, l'atmosphère sera juive. Je suis persuadé, messieurs, que mes honorables collègues qui m'ont entendu il y a deux jours ne contrediront pas ces paroles. J'espère que cette explication suffira à l'honorable M. Vleminckx et que la Chambre reconnaîtra que j'ai défendu un principe sans lequel il n'y a pas d'enseignement primaire solidement organisé.

M. de Haerneµ. - Messieurs/je me proposais aussi de parler dans le sens de l'honorable M. Delcour, mais il a rendu ma tâche très facile.

Je me bornerai donc à dire qu'il faut à l'école une atmosphère morale. Il lui faut aussi une atmosphère scientifique.

Eh bien, messieurs, d'après la Constitution les cultes sont libres, les opinions religieuses sont libres. Cela est incontestable, mais il y a aussi la liberté de toutes les opinions, il y a la liberté des opinions scientifiques, la liberté des opinions sociales, la liberté des opinions économiques et même la liberté des opinions politiques.

Dans ces diverses opinions, nous rencontrons toutes sortes de divisions et de subdivisions et par conséquent, dans la société, il y a des personnes qui professent toutes ces différentes nuances d'opinion. Les enfants qui vont à l'école appartiennent à ces personnes, et d'après le système de l'honorable M. Vleminckx, s'il fallait entendre la Constitution dans son sens, s'il fallait appliquer ce principe à l'école d'une manière aussi (page 1006) absolue qu'il le fait pour les opinions religieuses seulement, je dis qu'il faudrait évidemment respecter de la même manière les opinions de toute nature des parents de ces enfants.

II faudrait interdire à l'instituteur de professer une opinion sociale contraire aux opinions professées par les parents de ses élèves.

Il ne pourrait pas ouvrir la bouche en matière de science, parce qu'il saurait qu'il a devant lui un enfant dont le père professe une autre opinion que la sienne sur la matière qu'il traite.

Il en est de même des divisions qui existent en matières économiques et politiques ; je vais même jusqu'à dire que dans le temps nous devions respecter les opinions orangistes.

Mais s'il y a quelque chose de sacré, c'est l'indépendance, et d'après le système de M. Vleminckx, l'instituteur aurait dû étouffer dans son cœur le sentiment de patriotisme, en présence de quelques enfants d'orangistes. (Réclamations.)

Voilà où vous aboutiriez.

Vous vous élevez contre les conséquences que je tire de votre système, mais je prétends qu'elles sont logiques. Le tact de l'instituteur fait beaucoup en tout cela. Il consiste à concilier le respect dû aux dissidents avec l'esprit qui doit dominer dans l'enseignement.

Ce qui est clair à mes yeux, c'est que votre système est inacceptable, qu'il est d'une application impossible et que, par conséquent, il faut rentrer dans notre système, si vous voulez avoir quelque chose de rationnel, quelque chose de pratique, quelque chose de possible en Belgique. De cette manière, l'atmosphère religieuse continue à régner dans l'esprit des élèves éclairés, avant et après la classe, par les leçons dogmatiques.

Messieurs, ce que nous voulons, c'est la tolérance, la liberté pour toutes les confessions, comme l'a très bien dit l'honorable M. Dumortier. Nous avons toujours voté les fonds qui nous étaient demandés pour les écoles du culte protestant, du culte israélite comme pour celles du culte catholique. Mais en dehors de ce système, il n'y a rien de pratique, rien de possible. C'est dans ce sens que nous soutenons la loi de 1842.

M. Funckµ. - J'ai demandé la parole, non pas avec l'intention de répondre à l'honorable M. Dumortier ; le discours qu'il a prononcé me semble empreint d'une exagération telle, au moins en ce qui me concerne, qu'il me serait impossible de le réfuter.

M. Dumortierµ. - Cela est vrai.

M. Funckµ. - L'honorable M. Dumortier a combattu des moulins à vent. Il m’a prêté des opinions que je n’ai jamais émises. Il a dit que j'avais pris en mains la défense de la secte des solidaires. Or, j'avoue que je ne connais pas même cette secte, et je crois que mon honorable contradicteur ne la connaît non plus. Il suffit de lire les Annales parlementaires pour y trouver la réfutation de toutes les accusations qu'il a dirigées contre moi.

Mais je tiens à dire quelques mots en réponse à l'honorable comte de Theux.

L'honorable comte de Theux vient de proclamer aujourd’hui une doctrine tout à fait nouvelle, et dont je n'avais jamais entendu parler.

M. de Theuxµ. - Pas du tout.

M. Funckµ. - Nous allons voir.

Dans l'arrêté royal de 1846, dit l'honorable comte de Theux, que j'ai fait rédiger par les évêques, et dans la circulaire qui y est jointe, il ne s'agit que de l'enseignement exclusivement catholique ; ces dispositions ne s'appliquent pas aux autres écoles.

Mais, messieurs, où cela se trouve-t-il ? Dans quel document y a-t-il le moindre indice, la moindre trace de cette allégation que l'arrêté royal de 1846, organique de l'enseignement primaire, destiné à régler l'exécution de la loi de 1842, que cet arrêté royal s'applique purement et simplement aux écoles catholiques ?

Où se trouve-t-il encore écrit que la circulaire ministérielle qui approuve, après mûr examen, les instructions, des évêques ne doit s'appliquer qu'aux écoles catholiques ? Mais cela serait, du reste, complètement illégal.

Certes, je suis tout disposé à accepter l'interprétation de l'honorable M. de Theux, et, je vois que l'honorable ministre serait disposé à se rallier à son avis. Mais encore faudrait-il le dire.

MiPµ. - Sans doute.

M. Funckµ. - Je suis charmé de voir que l'honorable ministre de l'intérieur partage cette manière de voir. Alors il y a moyen de nous entendre sur ce point. Mais il me paraît impossible de soutenir que jusqu'à présent on ait donné une telle interprétation à l'arrêté royal de 1846 ; et voici pourquoi.

La loi de 1842 ne règle pas les écoles catholiques. Seulement la loi de 1842 dit : Il y aura dans chaque commune une école qui sera organisée de telle manière. Cette école sera soumise à telle inspection. Et il est si vrai que le législateir de 1842 n’a pas eu en vue des écoles essentiellement catholiques, qu’il a inscrit dans l’article 6 ce paragraphe que l’honorable M. Dumortier croyait avoir échappée à notre attention, et par lequel il manifeste l’intention évidente que les enfants professant les cultes dissidents puissent fréquenter l'école publique et dispense ces enfants d'assister à l'enseignement religieux du culte de la majorité. La loi de 1842 est donc claire et nette sur ce point ; et c'est ce qui fait aussi que je ne comprends pas non plus l'opinion émise par 1 honorable M. Delcour.

L'honorable M. Delcour s'explique, enfin, après voir été interpellé à diverses reprises par notre honorable collègue, M. Vleminckx.

M. Delcourµ. - Cela n'était pas nécessaire.

M. Funckµ. - Voici, dit-il, ce que j'entends par l'atmosphère religieuse de l'école : j'entends non seulement l'enseignement des principes de cette morale universelle que tout le monde accepte, que personne ne repousse, mais j'entends aussi que dans les écoles catholiques l'atmosphère de l'école soit catholique ; que dans les écoles protestantes, l'atmosphère de l'école soit protestante ; que dans les écoles israélites, l'atmosphère de l'école soit israélite.

Mais qu'est-ce que c'est que ces écoles ? Je comprends très bien des écoles catholiques, des écoles protestantes, des écoles israélites dans l'enseignement primaire libre. Mais quand il s'agit des écoles organisées en vertu de la loi de 1842, je ne sais plus ce que c'est qu'une école catholique, une école protestante ou une école israélite, je ne connais, qu'une seule école c'est l'école publique, où tout le monde peut être admis, dont la porte doit être ouverte à tous les enfants, quelles qui soient leurs croyances. Toute interprétation contraire à celle-là est faite pour les besoins de la cause ; elle n'est conforme ni à nos principes constitutionnels ni aux principes de la loi de 1842.

Voilà, messieurs, ce que j'avais à dire, parce que je ne voulais pas laisser passer, sans en prendre acte, l'explication toute nouvelle donnée par l'honorable M. de Theux et l'interprétation plus nouvelle encore donnée par l'honorable M. Delcour à ces mots : « atmosphère religieuse ».

MiPµ. - Messieurs, je ne veux pas faire un discours, je veux seulement exprimer mon opinion sur quelques points spéciaux du débat.

Je me trouve entre des opinions bien diverses sur la loi de 1842 ; d'une part, on en demande l'abrogation, d'autre part, on en demande le maintien ; entre ces opinions opposées, se place une demande de modification de la forme d'intervention du clergé.

Dans la discussion sur les écoles d'adultes, on a trouvé, d'une part, que mon système était un danger pour l'opinion libérale, et, d'autre part, que c'était une concession trop grande faite à cette opinion.

Quelle est, messieurs, au milieu de toutes ces opinions la position que je compte prendre ?

Je l'ai dit dès le principe, je veux le maintien de la loi de 1842. Je veux le maintien de la loi de 1842 surtout parce que j'estime que, eu égard à l'ensemble des circonstances au milieu desquelles nous vivons, la loi de 1842 est le moyen de donner la plus grande extension à l'instruction primaire.

L'honorable M. Funck a supposé que je reprochais aux adversaires de cette loi de vouloir une chose énorme, empreinte d'une manifeste exagération. Je ne crois pas, messieurs, qu'il me soit échappé rien de semblable, je ne crois pas que dans la discussion à laquelle je me suis livré, j'aie dit un mot qui pût faire penser que j'ai adressé ce reproche à ceux qui demandent la révision de la loi de 1842.

Loin de là, j'ai dit que je comprends ce système, je l'ai même défendu contre ceux qui le représentent comme la négation absolue et la proscription de l'enseignement religieux.

Allant même plus loin, j'ai déclaré que si j'étais en Hollande, où ce système produit de bons effets depuis un demi-siècle, je ne voudrais pas de changement, je ne voudrais pas introduire ce qui existe ici.

Il est loin de ma pensée d'agrandir l'espace qui sépare ceux qui veulent conserver et ceux qui veulent abroger la loi de 1842.

S'il est une exagération contre laquelle il faut se prémunir, c'est celle qui s'attache à cette loi même et qui tend à lui donner un caractère qu'elle n'a point, exagération que je rencontre et chez ceux qui attaquent et chez ceux qui défendent cette loi.

A entendre certains adversaires de la loi de 1842, cette loi consacrerait, au profit du clergé, un système de domination sur l'école, une (page 1007) organisation d'écoles confessionnelles dans lesquelles tout doit être subordonné aux dogmes d'un culte déterminé. D'autre part, nous voyons des orateurs prétendre que c'est là le bon côté de la loi de 1842 et qu'il faut la maintenir, précisément parce qu'elle consacre ce système.

Messieurs, je dis que présenter la loi de 1842 sous ces couleurs, c'est la dénaturer. La loi de 1842 ne va pas jusque-là. (Interruption.)

Je constate la situation du débat sur la loi de 1842, je dis que d'une part, on l'attaque comme consacrant l'absorption complète de l'école par un culte et que, d'autre part, on défend la loi de 1842 précisément à cause de ce caractère qu'on lui attribue.

Je prétends que la loi de 1842, dans sa vérité, ne consacre pas ce système et je veux le montrer dans un double but : pour que ceux qui en veulent l'abrogation comprennent qu'elle ne blesse pas leurs principes aussi profondément qu'on le dit souvent, pour que ceux qui la soutiennent ne la compromettent pas par d'injustifiables exagérations.

Qu'est-ce que la loi de 1842 ? Prenons ses dispositions fondamentales quant à l'intervention des ministres des cultes.

Elle consiste en deux choses : Instruction religieuse donnée dans l'école sous la direction des ministres du culte et inspection ecclésiastique.

Mais, cette instruction religieuse, comment, d'après l'esprit de la loi, doit-elle être donnée ? Doit-elle être donnée au milieu de l'enseignement littéraire ? Doit-elle être donnée de manière qu'elle s'enchevêtre dans les diverses parties de cet enseignement et de manière à former un tout indivisible ?

La loi de 1842 ne dit rien de pareil, et l'exécution donnée à la loi de 1842 consacre exactement le contraire. Il y a une demi-heure d'enseignement religieux le matin, et une demi-heure le soir.

De telle sorte que les dissidents peuvent en arrivant une demi-heure plus tard et en partant une demi-heure plus tôt, ne rien recevoir de cet enseignement religieux. Le reste de l'enseignement qu'est-il ? C'est un enseignement purement civil, et qui est parfaitement séparé et dans lequel on peut ne pas introduire le moindre élément de considérations religieuses.

Ainsi, malgré la réunion dans l'école des deux enseignements, la loi de 1842 consacre la séparation complète de l'enseignement religieux d'avec l'enseignement littéraire. La différence entre ce système et le système qui existe en Hollande, c'est qu'ici les élèves reçoivent l'instruction religieuse dans l'école, et qu'ils doivent là en sortir pour la recevoir à l'Eglise.

Mais il n'y a pas plus de raison de confondre ces choses dans l'école que si elles étaient distincte dans des locaux différents.

Je sais bien qu'on a méconnu ce point ; que dans ses apparences, du moins, le règlement de M. de Theux et la circulaire des évêques semblent conduire à un mélange. Mais cela ne doit pas être ; je me suis déjà expliqué sur ce point et ces explications ont, je pense, complètement satisfait l'honorable M. Funck.

M. Funckµ. - Celles que vous donnez dans ce moment, oui.

MiPµ. - Je ne fais que me répéter ; j'ai dit que l'enseignement religieux doit être séparé. Seulement s'il n'y a que des élèves catholiques dans l'école, il n'y aura évidemment pas de mal à ce que l'on fasse, dans le cours d'autres leçons, allusion à des choses que tous les enfants auront entendues dans la première demi-heure de la classe.

Mais je répète que ce qu'il faut éviter et ce que je saurais réprimer au besoin, ce serait le fait d'un instituteur qui, ayant des élèves de plusieurs communions religieuses, ferait dans les moments consacrés aux études littéraires, une propagande religieuse quelconque.

Messieurs, j'ai été charmé, je dois le dire, de voir les honorables MM. de Theux et Delcour donner à la loi, par les explications que la Chambre vient d'entendre, la même portée que moi.

C'est là un point extrêmement important et tout le monde sera d'accord que cette reconnaissance que je constate ici et qui obtient, je puis le dire, l'adhésion de l'unanimité de la Chambre, est un point de la plus haute portée, qu'elle peut calmer bien des susceptibilités et rendre la loi de 1842 bien plus acceptable pour ses adversaires.

M. Vleminckxµ. - Retirez le règlement alors.

MiPµ. - Il est inutile de retirer le règlement, lorsqu'on est d'accord pour l'interpréter comme je viens de le faire.

Voilà pour le premier point ; voyons maintenant ce qu'est le second point de la loi de 1842. C'est l'inspection ecclésiastique. Que doit être l'inspection ecclésiastique dans l'école ? Pour moi elle doit consister dans une espèce de droit de veto, c'est-à-dire elle doit donner au clergé, sous la direction de qui se donne l'enseignement religieux, la garantie que dans le cours de la journée on ne détruira pas ce qui s'est fait dans la première demi-heure.

M. de Theuxµ. - C'est tout ce que nous demandons.

MiPµ. - Je dis que, cela étant, l'inspection ecclésiastique n'empiète pas sur les matières littéraires et ne constitue pas la direction de la partie laïque de l'enseignement.

N'y eut-il pas d'inspection ecclésiastique on agirait complètement de la même manière. Car personne n'imaginera de donner dans une école où l'on enseigne les principes d'une religion, un enseignement littéraire qui détruirait ces principes. Les enfants évidemment n'y comprendraient plus rien si, après leur avoir appris une chose dans une leçon, on leur disait le contraire dans une autre.

Voilà la loi de 1842 telle qu'elle est, telle que nous devons la conserver.

Je le dis avec conviction à ceux qui veulent la maintenir. Ils doivent éviter de lui donner une portée exagérée ; ils doivent éviter de la représenter comme la réalisation de métaphores vagues, qui sans rien définir compromettent en prêtant à toutes les suppositions. Il n'y a rien de dangereux, dans les discussions sérieuses, comme les métaphores.

Ainsi, messieurs, il faut que l'école, telle qu'elle est organisée d'après la loi de 1842, nous donne un enseignement primaire laïque séparé de l'enseignement religieux partout où il y a des consciences qui réclament cette séparation complète et absolue.

Et maintenant, que M. Dethuin me permet de répondre à un des arguments qu'il a présentés à propos de la demi-heure d'enseignement religieux qui est donnée le matin et le soir pour les enfants appartenant à la communion prépondérante en nombre.

L'honorable membre vous dit : Mais l'enfant dissident est livré à lui-même pendant ces demi-heures, il ira courir les rues, se blesser, se noyer !

M. Dethuinµ. - Le fait s'est produit.

MiPµ. - Je vais vous démontrer que cette objection n'en est pas une. (Interruption.)

Il y a une demi-heure d'enseignement religieux le matin, une demi-heure le soir ; à quoi cela revient-il pour les enfants dissidents ? C'est comme si, pour eux, l'école commençait à 8 1/2 heures au lieu de commencer à 8 heures et finissait à 3 1/2 heures au lieu de finir à 4 heures.

- Une voix. - Et les parents le savent.

MiPµ. - Et les parents le savent ; ils n'envoient leurs enfants à l'école qu'une demi-heure plus tard que les autres.

M. Dethuinµ. - Ils sont à l'atelier.

MiPµ. - Mais croyez-vous que les parents aillent à l'atelier précisément au moment où commence l'école pour la majorité des enfants ? Les parents vont à l'atelier à 6 heures du matin et en reviennent à 7 heures du soir.

Votre objection reviendrait à dire qu'il y a une heure tellement favorable que c'est dans la demi-heure qui précédera ou qui suivra que tous les accidents devront surgir.

Les enfants vagabondent toujours un peu en allant à l'école.

Pourquoi arriverait-il malheur justement à ceux qui peuvent partir de chez eux un peu plus tard pour revenir un peu plus tôt ?

Au surplus comment le danger serait-il évité parce que l'enseignement religieux se donnerait à l'église ? Les dissidents n'y iraient pas davantage.

Je crois donc qu'il n'y a pas là de grief bien considérable.

Maintenant, je l'ai dit à la Chambre en commençant, je ne veux pas faire une dissertation sur la loi de 1842, sur ses avantages et ses inconvénients ; je tenais simplement, c'était le plus important, à bien établir la question et à dire quelle est la voie que je compte suivre dans l'exécution de la loi.

Je veux une exécution franche et loyale de la loi, mais sans exagération ; je veux la restreindre dans ses bornes, dans celles qui ont été plantées par le Congrès.

L'honorable M. Rogier, après avoir défendu la loi de 1842 à laquelle, comme moi, il ne reconnaît pas les vices énormes qu'on signale, a indiqué cependant un moyen de tourner la difficulté : ce moyen consisterait à changer la formule de l'intervention du clergé en adoptant celle qui est inscrite dans la loi de 1850.

Il m'a demandé si je le suivrais dans cette voie.

J'ai suivi bien des fois l'honorable M. Rogier et je serai toujours fier de le suivre ; mais à mon grand regret je dois dire que, dans cette circonstance, il m'est impossible d'entrer dans Ia ce que l'honorable M. Rogier nous présente comme un simple (page 1008) changement de formule serait tout bonnement la destruction de la loi de 1842 ; et je crois que si l'honorable M. Rogier n'a pas présenté son système, bien qu'il en ait eu le temps pendant sa belle et longue carrière ministérielle...

M. Rogierµ. - Je n'ai pas fait de proposition.

MiPµ. - Sans doute ; mais l'autorité de l'honorable membre m'oblige à ne pas laisser sans réponse une indication donnée dans son discours et surtout une question qu'il m'a adressée.

Il est donc de mon devoir de dire pourquoi je n'adopte pas son opinion.

Supposons que l'honorable M. Rogier présentant son système vienne vous dire : Je veux l'enseignement religieux dans l'école ; mais au lieu de maintenir l'organisation existante aujourd'hui, je vais supprimer ce qui est dans la loi et adresser au clergé l'invitation de venir donner l'enseignement religieux dans nos écoles.

L'invitation faite, le clergé dira à l'honorable M. Rogier : Vous êtes bien bon de m'inviter ; mais à quoi m'invitez-vous, quelles sont les conditions de mon concours ? Et je crois que le clergé ajoutera : Voulez-vous m'admettre aux conditions de la loi de 1842 ou bien voulez-vous m'admettre sur les bases de la convention d'Anvers ?

Evidemment, à la proposition d'admettre les conditions de la loi de 1842, l'honorable M. Rogier répondra : « Non, puisque c'est précisément pour changer une disposition de cette loi que je fais ma proposition, je ne veux pas la faire revivre. » S'il disait oui, cela n'eût pas valu la peine de changer la loi pour arriver à faire cette cérémonie de l'invitation.

Est-ce que l'honorable M. Rogier reprendra les bases de la convention d'Anvers ? Je sais qu'elle a été faite pour certaines écoles moyennes, et l'honorable membre a reconnu qu'il ne fallait plus faire de nouvelle convention d'Anvers. Par conséquent encore, il ne pourra pas être question de faire renouveler cette convention pour les écoles primaires.

Il arrivera donc à ne plus avoir le système d'union qui constitue la loi de 1842 ; à cette conséquence d'ailleurs que partout où le clergé croira qu'il a intérêt à soutenir une école autre que l'école communale, il n'acceptera pas l'invitation.

Quelle sera ainsi la solution ? Aboutir à l'abrogation de la loi de 1842'dans le sens de la séparation complète des deux enseignements ; précisément ce que ne veut pas l'honorable M. Rogier. Sans doute, cette solution satisferait les adversaires de la loi de 1842 ; mais je dois dire que ce ne serait pas là une solution heureuse ; qu'au contraire ce serait peut être la plus malheureuse de toutes.

Si l'on veut, pour l'honneur des principes, réformer la loi de 1842, il faut le dire franchement, il faut dire : Nous voulons le prêtre à l'église, l'instituteur à l'école, pas de communication entre eux. C'est un système net, radical, qui a ses avantages. Mais venir dire : Je veux l'instruction religieuse à l'école, mais je m'arrange de manière à ne pas l'avoir, c'est repousser le principe pour en avoir les conséquences et pour avoir, par dessus tout, tous les désagréments d'un échec.

Messieurs, j'arrive maintenant à quelques points de détail. Les honorables MM. Hagemans et Bouvier ont signalé plusieurs points dignes d'attention ; M. Hagemans a présenté notamment des observations importantes en ce qui concerne les inspecteurs cantonaux.

Depuis que je suis arrivé au département de l'intérieur, sans y être complètement préparé, comme l'a fait remarquer, avec raison et beaucoup de bienveillance, du reste, l'honorable M. Rogier, je n'ai pu encore prendre connaissance de tous les détails des vastes services de ce département. Il est donc beaucoup de points sur lesquels je ne puis me prononcer.

Tout ce que je puis promettre, c'est de faire des observations qui ont été présentées l'objet de l'examen le plus sérieux et de n'y pas épargner mon temps.

L'honorable M. Dethuin nous a signalé des points, très sujets à critique, du règlement d'admission aux écoles normales adoptées ; il a surtout signalé la disposition qui exigerait la naissance légitime comme une des conditions d'admission à l'école normale ; il vous a montré ce qu'il y a d'injuste d'attacher une pareille conséquence à une faute qui n'est pas celle du candidat.

L'honorable M. Delcour a répondu à l'honorable M. Dethuin que, dans l'intérêt de la famille et de la moralité, il fallait maintenir cette proscription.

Je dois le dire, c'est, de toute la discussion, le moment qui m'a été le plus agréable ; c'est le seul à peu près où je n'ai pas été entre l'enclume et le marteau.

L'honorable M. Dethuin a signalé un abus qui n'existe plus, et l'honorable M. Delcour a défendu une disposition qui est abrogée ; depuis 1860 le règlement, M. Dethuin l'a reconnu du reste, a été remplacé, et il ne subsiste plus rien des prohibitions qui ont occupé les honorables membres. De sorte que dans cette lutte nous avons vu l'honorable M. Dethuin vouloir enfoncer et l'honorable M. Delcour essayer de fermer une porte dont les battants ont été enlevés il y a très longtemps ; il n'y a plus de clôture entre eux, et les deux honorables membres peuvent s'embrasser.

Mais pour consoler M. Delcour d'avoir défendu une disposition abandonnée depuis longtemps, je lui ferai remarquer que, dans sa défense, il a commis une erreur.

L'honorable membre vous a dit : « Il y a d'autres incapacités pour les bâtards ; prenez le code civil, ouvrez le chapitre des successions, et là vous verrez des interdictions bien autrement formidables que celle qui exclut les. enfants naturels des écoles normales. »

L'honorable M. Delcour a confondu les droits individuels de l'enfant avec les droits de famille. Quant aux droits individuels, un enfant naturel a les mêmes droits qu'un enfant légitime ; il peut occuper les positions les plus éminentes ; s'il peut être membre de la Chambre ou ministre, pourquoi l'empêcherait-on d'être admis à une école normale ?

Si le code civil exclut l'enfant naturel du droit de succession, c'est parce que le droit de succession est un droit de famille. Or, comme ici il n'y a pas de lien de famille, il en résulte que l'enfant naturel n'a pas de droits de succession.

Je ne me prononce pas sur la question de savoir si le code civil n'a pas été extrêmement loin dans les interdictions qui frappent les enfants naturels ; mais il est évident qu'on ne peut pas tirer de ces dispositions des conséquences pour la matière qui nous occupe aujourd'hui.

Ajoutons au surplus que toutes les proscriptions contre les bâtards ne paraissent pas avoir bien grande influence sur la moralité publique. Jamais la pensée que l'enfant ne pourrait entrer à l'école normale n'a empêché sa naissance.

L'honorable M. Dethuin nous a signalé des faits d'intolérance à l'égard de certains ouvrages. Ma réponse est bien simple, messieurs, tous les ouvrages contre lesquels ses observations ont porté, y compris l'histoire de Belgique par notre honorable collègue M. Hymans, ont été admis.

Il me reste à répondre à M. Rogier qui a pensé que le système que je voulais introduire va désorganiser tout ce qui avait été jusqu'à présent et nous laisser sans règle. Je me suis expliqué à cet égard dans mon premier discours d'une manière assez nette :

« Notre intention, disais-je, n'est pas de bouleverser complètement l'organisation des écoles d'adultes.

» Nous ne voulons qu'une chose, c'est de permettre aux communes de donner ou de ne pas donner l'enseignement religieux, et par conséquent de se soumettre ou de ne pas se soumettre à l'instruction ecclésiastique.

« La plupart des dispositions conservées dans le règlement sont très sages et il n'y a pas le moins du monde lieu de les modifier. »

Sur quoi vous fondez-vous, me dit-on, pour faire un règlement ?

Comme mon honorable prédécesseur : sur le droit de réglementer qui appartient au gouvernement et sur l'article 25 de la loi de 1842 qui mentionne les écoles d'adultes.

Remarquez au surplus que cet article ajoute que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour s'assurer le concours des communes.

M. Vandenpeereboom a pris comme base l'article 25, je fais de même ; je prendrai presque textuellement le règlement de mon honorable prédécesseur, règlement excellent dans toutes ses dispositions et qui maintiendra notamment l'inspection civile pour les écoles d'adultes.

Seulement au lieu d'imposer d'une manière obligatoire le programme de l'article 6, je veux laisser une certaine liberté aux communes.

Voilà toute la disposition que j'introduis sans chercher à renverser l'organisation qui, je l'ai déclaré en commençant mon discours, est parfaitement établie et qui sera un honneur pour mon honorable prédécesseur.

Je dirai, en terminant, à l'honorable M. Rogier qu'il a induit en erreur l'honorable M. Schollaert, en attribuant à M. de Theux le projet de loi de 1834.

M. de Theux a été membre de la commission.

(page 1009) M. Rogierµ. - C'est vous qui avez indiqué le système de II. de Theux.

MiPµ. - MM. de Theux et de Gerlache étaient membres de la commission qui a élaboré le projet de loi de 1834 et ils ont, en cette qualité, voté ce projet.

Mais ce projet a été présenté à la Chambre par l'honorable M. Rogier.

J'ai invoqué ce projet pour montrer qu'il laissait aux communes, même pour les écoles primaires proprement dites, une latitude bien plus grande que celle que je leur ai accordée.

Il n'est pas sans importance pour moi, quand on signale les dangers du changement que je propose, de rappeler qu'il va bien moins loin qu'un projet qui a obtenu l'assentiment d'hommes occupant dans les deux partis une position aussi éminente que ceux que je viens de citer.

M. de Theuxµ. - Je regrette que l'honorable M. Funck ne m'ait pas compris. Je n'ai nullement dit que la loi de 1842 avait organisé des écoles catholiques, des écoles protestantes, des écoles israélites. Je sais très bien que la loi a organisé des écoles communales, mais d'après le culte professé par la majorité des élèves, l'instruction religieuse doit être catholique, doit être protestante, doit être israélite, et que dans les écoles dont la majorité des élèves est catholique, doit se donner l'instruction suivant la circulaire émanée des évêques et jointe au règlement du gouvernement.

Voilà tout ce que j'ai dit.

J'ai ajouté qu'on avait expressément distingué la demi-heure consacrée à l'instruction religieuse, au commencement de la classe et à la fin de la classe, pour permettre aux dissidents de suivre les autres parties de l'enseignement ; que lorsque l'école est composée uniquement de catholiques, si l'occasion se présente, à propos d'un précis historique ou autre, d'alarmer la foi catholique, c'était une affaire de bon sens ; mais que s'il y avait dans l'école des enfants dissidents, aux termes de la loi de 1842, l'instituteur devait s'abstenir, pendant les leçons autres que la leçon de religion, de développer les principes de la foi catholique, qui seraient contraires aux cultes dissidents.

Voilà tout ce que j'ai dit et c'est ainsi que M. le ministre de l'intérieur l'a compris. Mais si l'inverse arriverait, si une commune de Belgique était principalement composée de dissidents, l'instituteur protestant ne devrait pas, en dehors du temps consacré à l'enseignement religieux protestant, émettre des maximes qui seraient contraires à la foi catholique.

Je n'ai pas émis d'autre opinion et j'ai dit que nos évêques connaissaient trop bien la loi de 1842 pour conseiller dans leur circulaire une autre interprétation que celle que je lui ai donnée et que M. le ministre de l'intérieur lui a donnée.

Je ne comprends pas qu'on puisse attacher à cette circulaire, dont on a parlé, d'autres conséquences.

M. Rogierµ. - Je tâcherai de ne pas prolonger outre mesure cette discussion. Elle est cependant importante ; mais je tiens qu'elle se reproduira encore plus d'une fois.

Messieurs, en présence des interprétations diverses auxquelles la loi de 1842 a donné lieu, en présence surtout de l'opposition qu'elle suscite dans les rangs libéraux pour le motif qu'elle introduirait le clergé à titre d'autorité dans nos écoles publiques, j'avais rappelé le procédé au moyen duquel, dans la loi de 1850, nous avons répondu à cette objection ; nous avons alors, sans soulever de résistance dans l'opinion contraire, satisfait l'opposition libérale en ce qui concerne le mode d'intervention du clergé.

Je l'ai déjà fait observer, si, d'un côté, la formule de la loi de 1842 interprétée à la lettre, semble impliquer pour le clergé le droit d'intervenir à titre d'autorité ; d'autre part, la même formule lui impose également une obligation : Vous aurez à donner l'enseignement religieux, à surveiller l'enseignement religieux. Or, sous ce rapport, on pourrait aussi soutenir que la loi est inconstitutionnelle, que le législateur n'a pas le droit d'imposer au clergé l'obligation de donner ou de surveiller l'enseignement religieux. Avec la formule de la loi de 1850 nous échappons à cette double difficulté ; l'intervention du clergé devient une question de convenance et de liberté réciproque.

Il est vrai que cette formule suppose un arrangement avec le clergé, mais la formule de 1842 le suppose également. Le clergé n'entre pas de plein droit dans nos écoles publiques, il y a donc eu des négociations et une entente pour déterminer à quelles conditions et dans quelle mesure il interviendrait.

La formule de 1850 suppose une entente avec le clergé, ni plus ni moins que celle de 1842.

Fallait-il de nouveaux arrangements avec le clergé, quant à son intervention dans les écoles d'adultes ? C'est une autre question. Le fait est que la loi de 1842, en son article 26, suppose et appelle son concours, et cependant la force obligatoire de cet article est contestée et son extension en partie suspendue.

Or, messieurs, d'après le développement que nous espérons tous voir prendre aux écoles d'adultes, d'après la croyance où nous sommes, qu'il est indispensable aux classes ouvrières de continuer leur instruction au delà de l'âge d'école, nous devons tous faire des vœux et des efforts pour que les écoles d'adultes deviennent aussi nombreuses que les écoles primaires.

Et en supposant que ce résultat si désirable soit atteint, peut-on admettre un état de choses ou une partie de nos écoles recevrait le clergé et l'autre partie l'exclurait ?

M. le ministre de l'intérieur nous dit que, pour son compte, il trouvera bien, sans recourir à l'article 26, le moyen de faire exécuter la loi de 1842 en ce qui concerne l'inspection dans les écoles d'adultes. Eh bien, je crains que l'honorable M. Pirmez ne se fasse illusion.

C'est en son article 26 que la loi de 1842 soumet les écoles d'adultes à l'inspection, l'inspection tant religieuse que civile ; et c'est surtout à ce dernier point de vue que je me suis placé ; c'est à la défense de l'inspection civile que je me suis principalement attaché.

Répudiant les pouvoirs que vous donne cet article, vous déclarerez aux communes que vous n'accorderez des subsides qu'à certaines conditions déterminées, vous ferez un règlement dans lequel vous comprendrez, je suppose, la condition de l'inspection civile, et aussi, je présume, de l'inspection religieuse.

Il y a des communes qui déclareront qu'elles ne veulent pas de l'instruction religieuse. Que ferez-vous vis-à-vis de celles-ci ? Vous ne leur donnerez pas de subsides ou vous leur en donnerez, je n'en sais rien. Mais laissons cette première catégorie de côté.

Il y a des communes qui refuseront le subside de l'Etat et qui n'accepteront pas l'inspection civile. Mais comme ce seront de bonnes communes, soumises à leurs curés, elles accepteront l'inspection religieuse.

Quel moyen aurez-vous de forcer les communes à recevoir vos inspecteurs civils, du moment qu'elles ne recevront pas de subsides ?

Aujourd'hui l'autorité publique a cette garantie, on ne peut trop le répéter, que toutes les écoles qui reçoivent un subside, non seulement de l'Etat, mais de la province, de la commune, du bureau de bienfaisance, des hospices, d'une autorité publique quelconque, doivent être inspectées par l'autorité publique. Voilà la garantie que donne l'article 26. Cette garantie disparait, selon moi.

M. Mullerµ. - Pas du tout, elle continuera à exister.

M. Rogierµ. - Je suis enchanté d'entendre l'honorable M. Muller. me répondre sur ce sujet.

Je dis que dans la loi de 1842, les libéraux avaient été très attentifs à ce point et que c'est pour cela que l'inspection figure à la suite de chacune des catégories d'établissements consacrés par la loi.

Après l'école primaire proprement dite, inspection ; après l'école gardienne, les écoles d'adultes, inspection ; après l'école normale, après l'école primaire supérieure nous retrouvons toujours l'inspection.

Aujourd'hui vous rayez de la loi l'obligation de l'inspection pour une catégorie d'écoles déjà assez nombreuses et qui doivent se multiplier de plus en plus et vous serez impuissant à la leur imposer d'office.

Messieurs, M. le ministre de l'intérieur a dit qu'il fallait laisser un peu de liberté aux communes. Je le veux bien, quoiqu'elles en aient déjà beaucoup, mais je ne veux pas, en matière d'instruction, leur donner celle d'aliéner l'autorité que la loi leur confère, et les obligations qu'elle leur impose.

Nous avons vu, à d'autres époques, la liberté communale aller jusqu'à l'abdication, jusqu'à l'abandon complet des établissements d'instruction de la commune dans les mains du clergé.

C'est pour cela que, dans la loi de 1850, la chambre a introduit fort sagement une mesure préventive contre le renouvellement d'un pareil abus. La loi de 1850, en son article 7, interdit aux communes et aux provinces de déléguer à un tiers, en tout ou en partie, l'autorité que la loi leur confère sur leurs établissements d'enseignement moyen.

Eh bien, aujourd'hui va-t-on laisser aux communes le droit de déléguer à des tiers leur prérogative en ce qui concerne les écoles d'adultes ?

Je me permets donc d'insister sur mes premières observations et j'engage beaucoup M. le ministre de l'intérieur, ainsi que tous ses collègues, à bien calculer les conséquences du principe qui consisterait à (page 1010) dire que la loi de 1842, dans son article 20, n'est pas applicable aux écoles d'adultes en ce qui concerne l'inspection.

M. le ministre de l'intérieur a donné à entendre qu'il veut revenir au système mis en avant en 1834 et donner un peu de liberté aux communes.

Messieurs, en 1833 une commission a été nommée pour préparer les lois destinées à régler l'instruction publique donnée aux frais de l'Etat.

Dans cette commission figuraient les éléments gouvernementaux d'alors, des hommes des deux opinions, mais où l'opinion représentée par M. de Theux était, je crois, un peu prépondérante. A cette époque les questions catholico-libérales nous dominaient moins qu'aujourd'hui.

Il y avait dans cette commission d'une part, MM. Devaux, Warnkoenig, d'autre part, MM. de Theux, de Gerlache, d'Hane, de Behr, Ernst.

Le projet élaboré par cette commission me fut remis peu temps avant ma sortie du ministère, et le 30 juillet 1834 je déposai sur le bureau le travail de la commission tel que je l'avais reçu de ses mains, sans entendre toutefois en répudier la solidarité.

Je me suis borné à réserver mon opinion quant à la question des universités. La commission en proposait deux. J'exprimai mon inclination pour une seule université nationale établie à Louvain et plus tard, dans la discussion de la loi sur l'enseignement supérieur, je défendis l'opinion dont j'avais fait réserve dans l'exposé qui précédait le rapport et le projet de loi de la commission.

D'après le projet de loi de 1834, l'école communale, créée et entretenue exclusivement par la commune conformément au programme fixé par la loi ; reste exclusivement soumise à l'administration et à la surveillance de la commune.

Une école privée qui remplit les conditions du programme peut être adoptée par la commune et en tenir lieu.

Le gouvernement reste étranger à la surveillance, mais il ne subsidie pas. Huit ans après, en 1842, on n'y mit plus le même laisser-aller : en principe, la commune doit avoir une école à ses frais ; elle peut en adopter une qui remplit les mêmes conditions ; enfin, si une école privée est reconnue suffisante aux besoins de l'instruction primaire, la commune sera dispensée d'en créer une à ses frais.

Mais le législateur de 1842, éclairé peut-être par l'expérience, a voulu que toutes les écoles de la commune fussent soumises au double contrôle de la commune et de l'Etat.

Voilà le principe consacré par la loi de 1842. On a restreint alors jusqu'à un certain point cette liberté absolue que le projet de 1834 laissait aux communes.

Elles en avaient joui depuis 1830, et l'on avait pu constater que dans cet espace de douze ans, bon nombre de communes, au lieu de créer des établissements à leurs frais et de les diriger, les avaient abandonnés au clergé et aux corporations religieuses.

M. le ministre de l'intérieur nous a expliqué de quelle manière il comprenait la direction de l'enseignement religieux dans les écoles primaires. Suivant lui, l'enseignement religieux consiste à donner tous les jours une demi-heure de leçon avant ou après les leçons ordinaires et, pour tout le reste, à abandonner l'école à l'instituteur laïque.

Je ne trouve rien à redire à cette manière d'appliquer la loi, et je désire qu'elle soit parfaitement conforme aux vues de ceux qui sont chargés de diriger l'instruction religieuse.

Maintenant, si, en effet, l'enseignement religieux consiste à donner pendant une demi-heure chaque jour un enseignement spécial, il demeure bien entendu, et sous ce rapport je ferais toutes mes réserves au besoin, qu'il ne sera pas interdit de parler de morale pendant le reste de la journée ; il doit être bien entendu qu'il ne sera pas défendu à l'instituteur laïque de mêler la morale à ses leçons.

MiPµ. - Je l'ai formellement déclaré. Sous le rapport de la morale, il n'y a pas de dissident.

M. Rogierµ. - Ce n'est pas à vous, M. le ministre, que je réponds en ce moment. Je suis charmé, du reste, que vous confirmiez mon dire ; mais nous avons entendu depuis deux jours des doctrines fort éloquemment développées, en vertu desquelles l'enseignement de la morale reviendrait le monopole exclusif du ministre du culte, avec prohibition à 1'instituteur laïque de s'en occuper.

MjBµ. - C'est à droite qu'on soutient cela.

M. Dumortierµ. - Où est votre code de morale ? Dites-moi donc cela, s'il vous plait.

MfFOµ. - Allons-nous recommencer ?

MpDµ. - Je prie l'orateur de continuer et personne autre que lui.

M. Rogierµ. - On me dit que c'est la droite qui le soutient ; eh bien, c'est aussi à la droite qu'ici je réponds.

Je fais, quant à moi, mes réserves formelles quant à la compétence des instituteurs laïques à mêler des leçons de morale à leurs leçons laïques, et je ne comprendrais pas même un enseignement laïque sans morale.

M. le ministre de l'intérieur croit qu'en adoptant la formule qui a été admise en 1850 et qui consistait à faire inviter le clergé par le gouvernement à donner et à surveiller l'enseignement religieux, on va détruire la loi dans son essence. Je voudrais bien savoir en quoi nous détruisons la loi dans son essence ! Nous maintenons, en principe, l'enseignement religieux donné et surveillé par le prêtre. Seulement, il le donnera en vertu d'une invitation qui lui sera adressée et de conditions à régler.

On dit qu'on n'arrivera pas à un arrangement. Pourquoi non ? Je sais qu'on n'est point parvenu à s'entendre pour un certain nombre d'établissements moyens. Mais en serait-il de même pour l'instruction primaire ? Pourquoi le clergé ne ferait-il pas en 1868 ce qu'il a fait en 1843.

Quoi qu'il en soit, il s'agit de savoir si la loi de 1842 recevra ou non sa pleine exécution en ce qui concerne les écoles d'adultes : si l'inspection civile ou religieuse leur manque, la loi sera inexécutée ; eh bien, il y a quelque chose de fâcheux à avoir une loi comme celle sur l'instruction primaire méconnue dans une de ses dispositions que je considère comme essentielles. Or, elle ne sera pas exécutée dans les écoles d'adultes des communes qui ne consentiront pas de bon gré à recevoir l'inspection civile ou religieuse.

Et voilà un grand nombre d'écoles qui doivent prendre place parmi les institutions les plus importantes du pays au point de vue de l'éducation populaire, voilà qu'elles sont livrées, pour ainsi dire, au premier venu. Dans beaucoup de communes rurales, elles peuvent tomber entre les mains du clergé ou des corporations religieuses. Dans d'autres communes, elles pourront être livrées à d'autres influences qui ont grand besoin d'être corrigées et contenues.

Je regrette beaucoup que la combinaison mise en avant par mon honorable et ancien collègue M. Alphonse. Vandenpeereboom ait rencontré des difficultés. Je le regrette beaucoup pour tout le monde ; je le regrette aussi pour le clergé.

Voici un ministre qui s'occupe à développer l'éducation populaire sur une large échelle dans un esprit de tolérance réciproque, dans les conditions qui répondent aux prescriptions de la loi et aux vœux de la plupart des pères de famille. II demande au clergé de faire pour les écoles d'adultes ce qui se fait pour les écoles primaires.

Et le clergé ne s'empresse pas de répondre à l'appel du gouvernement. Il s'abstient de prodiguer ses conseils spirituels aux classes ouvrières avides de s'instruire, il ne saisit pas immédiatement cette excellente occasion de venir exercer sa mission dans des écoles où elle pourrait, être si utile ; il se retranche derrière de prétendus obstacles, il vient même invoquer des raisons de concurrence entre ses écoles et les écoles légales

Eh bien, messieurs, il y a, je me permets de le dire, sans vouloir blesser personne, il y a eu ici irréflexion de la part du clergé., Que serait-il arrivé si le clergé avait accueilli avec plus d'empressement les ouvertures loyales de l'honorable M. Vandenpeereboom ? Nous n'aurions pas eu peut-être ces nouvelles discussions sur des questions délicates et irritantes et l'institution des écoles d'adultes aurait fini par être consacrée comme celle des écoles primaires.

Je sais bien, messieurs, il faut l'avouer, qu'il y a des communes qui auraient pu persister à vouloir se soustraire au concours du clergé ; mais ce n'eût été qu'une rare exception et ce n'est pas la seule loi qui souffre dans l'une ou l'autre de ses dispositions.

En ce pays de grande liberté communale, la loi n'est pas toujours complètement, correctement et parfaitement exécutée par tout le monde. Mais, en cette matière, ce n'eût été qu'une infime minorité qui eût résisté. Je crois que si le clergé avait donné son adhésion aux arrangements dès le début, l'affaire se serait réglée de la manière la plus pacifique et qu'on aurait accepté le système des écoles d'adultes, comme on a adopté le système des écoles primaires.

(page 1011) Il est donc à regretter que le clergé ait, au début, en quelque sorte marchandé son concours. Mais si, aujourd'hui, il l'offrait, dans des conditions convenables pour tout le monde, je demande à M. le ministre s'il l'accepterait.

Voilà la question que je lui pose.

Je crois qu'un arrangement conforme à l'esprit, suivant moi, à la lettre de la loi vaudrait mieux que la situation actuelle, qui n'est bonne pour personne.

Je crois que ceux qui, voulant échapper à l'influence du clergé, ont combattu l'applicabilité de l'article 26 de la loi, marchent aux résultats que voici :

Il se pourra qu'un grand nombre d'écoles d'adultes sortent des mains de l'autorité laïque pour passer dans les mains de l'autorité ecclésiastique. Voilà le résultat qui pourra être atteint.

Le clergé peut ériger pour son compte autant d'écoles qu'il veut, c'est un motif pour que l'autorité civile doit garder pour elle la même faculté.

Il importe que les communes aient leurs écoles à elles, et il ne suffit pas de les décréter, il faut s'assurer des moyens de les faire vivre et durer.

C'est pour cela que je voudrais que les arrangements qui avaient été projetés par mon honorable ami et ancien collègue pussent aboutir sous son honorable successeur.

M. Mullerµ. - Je ne comptais pas prendre la parole dans la discussion générale, mais je dois répondre à une invitation qui m'a été adressée par mon honorable collègue, et je saisirai cette occasion pour exprimer d'une manière très brève mon opinion sur la question des écoles d'adultes.

Je crois que l'honorable M. Rogier a perdu de vue qu'entre les écoles d'adultes, les écoles d'apprentissage, les salles d'asile ou écoles gardiennes d'une part, et les écoles primaires dont le programme est inscrit dans l'article 6 de la loi de 1842, d'autre part, il y a une différence capitale : c'est que ces dernières sont obligatoires et que les communes ne peuvent se dispenser d'en créer, à moins qu'elles n'aient un établissement adopté.

Pour la première catégorie, au contraire (les écoles d'adultes, les salles d'asile, les écoles d'apprentissage), il y a pour les communes une simple faculté ; on ne peut les contraindre à en ériger.

S'agit-il maintenant d'introduire pour la première fois le bienfait de ces écoles ? Mais non ; il en existe depuis longtemps, et je suis parfaitement de l'avis de l'honorable M. Rogier, lorsqu'il a dit, dans son premier discours, que si son collègue, M. le ministre de l'intérieur, n'avait pas fait un règlement pour les écoles d'adultes, la question qui s'agite n'eût pas été soulevée. Et pourquoi n'eût-elle pas été soulevée ? Parce que l'on n'avait pas, avant ce règlement, formulé les exigences qu'il impose. Ainsi, nos écoles d'adultes, nos ateliers d'apprentissage, nos écoles gardiennes n'ont jamais subi le programme complet de l'article 6, et vous ne trouverez pas probablement un seul de ces établissements où l'on enseigne toutes les matières de l'article 6.

Je tiens à constater que le clergé n'avait pas songé à réclamer contre la prétendue illégalité, consistant à s'abstenir de cours de religion dans un grand nombre d'écoles d'adultes. Les choses se passaient donc très tranquillement.

Qu'cst-il survenu ? Une innovation qui a éveillé, permettez-moi de dire le mot, les prétentions de l'épiscopat et du clergé ; ce qui est assez naturel, ce qui ne nous a pas étonnés. Le gouvernement lui faisait une concession nouvelle, ou du moins la pratique constante était contraire à cette concession.

M. A. Vandenpeereboomµ. - Du tout. Voyez toutes les circulaires.

M. Mullerµ. - Vous parlez de circulaires ! Mais il est tellement vrai que les circulaires ne s'appliquaient pas d'une manière absolue et uniforme aux écoles d'adultes, que l'on a discuté pendant longtemps au département de l'intérieur, et que l'on était encore à discuter en 1866, quelles seraient les matières qui constitueraient l'enseignement des écoles d'adultes, maigre l'article 6 que l'on invoque ! Or, pour être conséquent avec votre système, il faut soutenir, je le répète, que toutes les matières indiquées dans l'article 6 doivent être obligatoirement enseignées dans les écoles d'adultes ; ce qui n'a pas eu lieu jusqu'ici, notamment pour le cours de religion.

Voilà ce que j'avais à dire quant à la question de principe.

D'après moi, la création d'écoles d'adultes, d'écoles gardiennes, d'écoles d'apprentissage étant une faculté pour les communes, les cours ne doivent pas être les mêmes dans toutes ces écoles, et le gouvernement peut approuver des programmes variés.

J'admets parfaitement le système de M. le ministre de l'intérieur actuel. Lorsque la commune créera dans son école d'adultes un cours de religion, l'inspection ecclésiastique s'exercera sur ce cours de religion. Cela rentre dans l'esprit de la loi de l'enseignement primaire.

Mais il y une grande différence entre l'inspection ecclésiastique et l'inspection civile (et voilà comment je justifie l'interruption que je me suis permis d'adresser à l'honorable M. Rogier que l'inspection civile serait toujours obligatoire), il y a, dis-je, cette différence que l'inspection ecclésiastique ne peut s'appliquer qu'au cours de religion, tandis que l'inspection du pouvoir civil s'étend à toutes les branches d'enseignement, soit que la commune reçoive directement un subside de l'Etat soit qu'elle n'en reçoive pas.

En effet, nous avons aujourd'hui des écoles communales qui, par des causes spéciales et exceptionnelles, ne reçoivent pas de subvention de l'Etat et qui n'en sont pas moins soumises à l'inspection civile.

Je dis donc que les deux inspections ne sont pas tellement liées entre elles que l'honorable M. Rogier le suppose, et qu'il a tort d'appréhender que certaines communes ne puissent abandonner leurs droits et livrer leurs écoles d'adultes au clergé, de telle manière que le gouvernement n'aurait plus le pouvoir de s'y introduire et de les soumettre à sa surveillance.

L'inspection civile doit continuer à exister parce qu'elle s'étend à toutes les matières et à toutes les écoles officielles, qu'elles soient créées directement par les communes, ou subsidiées par elles, soit pécuniairement, soit par le prêt ou la fourniture d'un local.

Voilà, messieurs, en quoi je diffère de l'honorable M. Rogier, qui comprendra que mon interruption avait, au moins dans ma pensée, une raison sérieuse de se produire.

M. Wasseigeµ. - C'est votre opinion, mais vous n'avez aucun texte pour l'appuyer, ou plutôt tous les textes vous sont expressément contraires.

M. Mullerµ. - Comment ! Mais je vous ai prouvé, en rappelant les actes antérieurs, que l'article 6 ne s'applique obligatoirement qu'aux écoles primaires proprement dites, et je vous défie de trouver dans la loi une seule disposition qui prescrive le même programme aux écoles d'adultes, aux salles d'asile et aux écoles d'apprentissage. Il est impossible, en fait, que tel soit le but qu'on ait voulu atteindre, car on aurait organisé un régime de confusion inconcevable.

MiPµ. - L'honorable M. Rogier verse dans une erreur complète lorsqu'il croit que, pour introduire l'inspection civile, nous n'avons absolument qu'un seul moyen, l'appât des subsides. Il croit que dès l'instant que le gouvernement ne donne pas de subside, il lui est impossible de soumettre les écoles d'adultes à l'inspection civile.

Il constate d'abord que, grâce à la circulaire de l'honorable membre, le système serait déjà complètement efficace.

Il suffirait que la commune fournît un local on que l'instituteur fût chargé de donner l'enseignement à l'école d'adultes, il suffirait même que la commune ne satisfît pas à toutes ses obligations quant à l'enseignement primaire proprement dit, parce qu'on peut lui interdire de créer un enseignement d'adultes sans accepter les conditions du gouvernement.

Mais ce n'est pas le seul moyen que nous avons et nous n'avons pas besoin de nous baser sur cet appât de l'argent qui, du reste, séduit très souvent les communes aussi bien que les particuliers.

Nous n'avons pas même besoin de recourir à l'interprétation de l'article 26 de la loi que vient d'exposer M. Muller. Ouvrons le règlement qu'a pris l'honorable M. Vandenpeereboom. Sur quoi se fonde ce règlement ? Est-ce sur l'ensemble des articles de la loi ? Ne fait-il que reproduire les dispositions de la loi ? Mais non. Il pose à l'existence des écoles d'adultes des conditions dont il n'est pas question dans la loi de 1842. J'en citerai un entre autres. Ces écoles ne peuvent admettre les enfants ayant moins de quatorze ans, sauf autorisation spéciale. On ne conteste pas la légalité de cette disposition.

Vous voyez donc bien qu'on peut mettre dans le règlement, même pour les écoles qui ne reçoivent pas de subsides, autre chose que ce que dit la loi.

M. Wasseigeµ. - Oui, mais conformément à la loi, c'est dans la loi seule que vous pouvez puiser ce droit.

MiPµ. - Incontestablement, pourvu que ce ne soit pas contraire à la loi. La base de ce droit est l'article 67 de la Constitution qui donne au (page 1012) gouvernement un pouvoir de réglementation, c'est-à-dire, le droit de prendre certaines mesures pour atteindre le but de la loi.

Aussi, quand mon honorable ami a fait son règlement, sur quoi s'est-il appuyé ? Est-ce sur l'article 26 ?

Non, il s'est appuyé sur l'article 25, qui mentionne les écoles d'adultes et qui ajoute : « Le gouvernement s'assurera du concours des provinces et des communes pour obtenir le résultat que les subsides ont pour objet. »

Or, de même que mon honorable prédécesseur a pu faire un règlement pour dire que dans les écoles d'adultes on observerait telle ou telle condition qui n'est pas dans la loi, j'ai le droit d'imposer par un règlement l'inspection civile aux communes.

Il faut le reconnaître, la loi n'a rien organisé pour les écoles d'adultes ; elle n'est pas entrée dans les détails. Il faut réglementer cette organisation et introduire des dispositions de nature à empêcher que ces écoles ne deviennent un germe d'abus.

Je le répète encore, nous voulons simplement maintenir l'organisation des écoles d'adultes telle qu'elle fonctionne. Seulement, nous n'admettons pas que l'article 6 soit une disposition impérative pour les écoles d'adultes comme pour les écoles obligatoires.

De même que l'on est obligé de reconnaître que pour les écoles gardiennes il est impossible de songer à l'application de l'article 6, de même pour les écoles d'adultes et les écoles d'apprentissage, on peut ne pas observer le programme complet de l'article 6.

M. A. Vandenpeereboomµ. - Messieurs, je ne puis m'empêcher de faire une observation à M. le ministre. Il vient de dire que le programme fixé à l'article 6 ne doit pas être appliqué en entier aux écoles d'adultes ; en d'autres termes, que les communes seront libres de fixer le programme de ces écoles.

Je dois lui rappeler que la question des écoles d'adultes se rattache à celle de la réforme électorale, que les élèves qui auront suivi pendant un certain nombre d'années les cours des écoles d'adultes, obtiendront un certificat qui leur conférera certains droits électoraux. Or, si vous laissez les communes libres de régler le programme....

MiPµ. - Je puis, par un règlement, fixer le programme.

M. A. Vandenpeereboomµ. - J'ai compris que M. le ministre de l'intérieur venait de dire que les communes auraient une certaine latitude pour fixer le programme et que de même que l'article 6 n'était pas applicable aux écoles gardiennes, il ne le serait pas aux écoles d'adultes.

Mais c'est une simple observation que je présente. Je veux rendre M. le ministre de l'intérieur attentif à ceci : qu'on devrait fixer un programme pour les écoles d'adultes et l'imposer afin que ceux qui fréquentent ces écoles puissent obtenir le certificat qui doit leur créer des avantagés électoraux.

MiPµ. - Je n'ai fait que constater une chose, c'est que l'article 6 de la loi par sa vertu légale ne s'applique pas nécessairement aux écoles d'adultes plus qu'aux écoles gardiennes. J'ai constaté cela en me basant sur la loi ; mais je reconnais et je revendique pour le gouvernement le droit d'imposer un programme par voie réglementaire.

Lorsque mon prédécesseur a fait son programme de 1866, sur quoi s'est-il basé pour l'imposer à la section supérieure ? (Interruption.) M. Vandenpeereboom s'est, dit-il, fondé sur le programme des écoles supérieures. Je reconnais qu'il a pu le faire par analogie, mais il reconnaîtra que son programme des écoles primaires supérieures ne s'appliquait pas, par sa propre force, aux écoles d'adultes ; par conséquent si vous avez imposé le programme de la section supérieure aux écoles d'adultes, vous n'avez pu le faire qu'en vertu du pouvoir de réglementation.

Vous avez tracé un programme pour les écoles supérieures ; je puis tracer un programme pour les sections inférieures. Je laisserai là aux communes une certaine latitude. Ainsi, je ne considère pas l'enseignement religieux comme étant nécessairement obligatoire. (Interruption.) Je ne prétends pas même que votre règlement soit illégal ; il comprend l'enseignement religieux : vous avez peut être le droit de l'imposer par un règlement ; mais ce que je constate, c'est que vous n'étiez pas obligé de l'imposer, attendu que l'article 6 ne s'applique pas aux écoles d'adultes par sa seule force.

Nous sommes donc d'accord : je revendique pour le gouvernement le droit de faire un règlement organique des écoles d'adultes dans lequel seront prévues toutes les difficultés signalées.

M. A. Vandenpeereboomµ. - Je ne conteste pas au gouvernement le droit de fixer un programme. J'en ai fait un, M. le ministre de l'intérieur peut bien en faire aussi. Mais qu'il le fasse. (Interruption.) Dans son premier discours, l'honorable ministre nous a parlé d'écoles d'adultes où l'on enseignerait, par exemple, uniquement à lire... (Interruption.) Cela se trouve aux Annales parlementaires... et il disait : J'aime encore mieux ces écoles que pas d'écoles.

Eh bien, je le répète, j'ai' voulu rendre mon successeur attentif à cette considération, qu'il y a un lien entre les écoles d'adultes et la loi sur la réforme électorale.

MfFOµ. - Pour la section supérieure.

M. A. Vandenpeereboomµ. - M. le ministre de l'intérieur me dit qu'il aura soin d'arrêter un programme et de l'imposer à toutes les communes. Il faut voir jusqu'à quel point on a le droit de le faire ; mais, quoi qu'il en soit, je dis qu'il y a lieu d'imposer un programme, si l'on veut qu'il y ait un lien entre l'arrêté du 1er septembre 1866 et la loi sur la réforme électorale.

M. Liénartµ. - En commençant la discussion sur les écoles d'adultes, il est entré dans les intentions de la Chambre d'épuiser ce sujet avant d'en aborder un autre. Bien qu'inscrit le troisième, j'ai accédé à ce désir en différant successivement de jour en jour mon tour de parole. Je compte traiter un sujet tout différent ; j'espère que la Chambre me permettra de présenter mes observations à sa rentrée.

MpDµ. - C'est bien entendu. Conformément à une décision antérieure, la Chambre s'ajourne au mardi 21 avril prochain.

- La séance est levée à 4 heures.