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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 2 mai 1868

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1867-1868)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1126) M. Liénartµ procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart et donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dethuin, secrétaireµ, présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des bateliers, négociants et industriels à Anvers demandent que le gouvernement opère le rachat des embranchements du canal de Charleroi. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur des pétitions analogues.


« Les sieurs Vanderkindere, Vander Elst et autres membres de la ligne de l'enseignement, à Uccle, proposent des modifications au système actuel d'enseignement moyen. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


« Le sieur Van Reigen demande que le département de la justice publie une liste alphabétique et synoptique des arrêtés, statuts et règlements qui ont cessé d'être en vigueur d'après l'article 138 de la Constitution. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des conseils communaux du canton de Quevaucamps demandent la prompte exécution du chemin de fer qui relie Saint-Ghislain à Ath, et présentent des observations sur la direction à donner à cette ligne. »

M. Descampsµ. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.

- Adopté.


« M. le ministre de la justice fait connaître à la Chambre que la dame Françoise Trouillez, veuve Seyfried, renonce à la demande de naturalisation qu'elle avait adressée en novembre dernier. »

- Pris pour information.

Composition des bureaux des sections

Les bureaux des sections, pour le mois de mai, ont été constitués comme suit.

Première section

Président : M. de Kerchove de Denterghem

Vice-président : M. Van Iseghem

Secrétaire : M. David

Rapporteur de pétitions : M. de Macar


Deuxième section

Président : M. Vleminckx

Vice-président : M. Jouret

Secrétaire : M. Elias

Rapporteur de pétitions : M. Descamps


Troisième section

Président : M. Hayez

Vice-président : M. Thienpont

Secrétaire : M. de Smedt

Rapporteur de pétitions : M. Van Wambeke


Quatrième section

Président : M. Thonissen

Vice-président : M. Jonet

Secrétaire : M. Van Overloop

Rapporteur de pétitions : M. Van Renynghe


Cinquième section

Président : M. A. Vandenpeereboom

Vice-président : M. T’Serstevens

Secrétaire : M. Liénart

Rapporteur de pétitions : M. Bricoult


Sixième section

Président : M. Watteeeu

Vice-président : M. Dewandre

Secrétaire : M. de Rossius

Rapporteur de pétitions : M. Vander Donckt

Projet de loi approuvant la déclaration échangée entre a Belgique et la France pour la fixation de l’indemnité des sauveteurs des filets et engins de pêche

Rapport de la section centrale

M. Van Iseghemµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale sur la déclaration échangée le 24 décembre 1867 entre la Belgique et la France pour la fixation de l'indemnité accordée aux sauveteurs des filets et engins de pêche appartenant aux chaloupes des deux pays.

- Ce rapport sera imprimé et distribué, et l'objet qu'il concerne mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1868

Discussion du tableau des crédits

Chapitre IV. Frais de l’administration dans les provinces

MpDµ. - Nous reprenons la discussion du chapitre IV : Frais de l'administration dans les provinces.

M. Hymans, rapporteurµ. - Entre autres amendements au chapitre IV du budget, le gouvernement vous propose aux articles 15 et 36, qui concernent les administrations provinciales du Brabant et de Namur, des augmentations de crédits à titre de charge permanente, en vue de pourvoira une augmentation du personnel des administrations de cas deux provinces.

La section centrale a adapté ces demandes d'augmentation de crédits, mais avec des réserves, lesquelles ont pour but d'engager le gouvernement à apporter, de son côté, une réserve très grande dans la création de nouveaux emplois.

La section centrale, en agissant ainsi, s'est conformée à un vœu exprimé par la Chambre en 1864. Les opinions exprimées à une autre époque par M. le ministre de l'intérieur actuel nous font espérer qu'il partage notre manière de voir sur ce point ; et je serais heureux d'entendre l'honorable ministre confirmer l'espoir de le voir se rallier au vœu de la section centrale.

MiPµ. - Je partage complètement, sur la question que vient de soulever l'honorable M. Hymans, l'opinion de la section centrale. Et, pour traduire cette adhésion en fait, je propose de réduire à leur ancien taux les crédits demandés pour le personnel des administrations provinciales du Brabant et de la province de Namur.

Voici, messieurs, l'historique de cette question. L'année dernière, le gouvernement provincial de la Flandre orientale a réclamé une augmentation de crédit en faveur de son personnel. Cette augmentation a été votée par la Chambre.

Avant la rédaction définitive du budget actuel, deux autres députations ont réclamé également des augmentations de traitement pour le personnel. Ce sont les gouvernements provinciaux des provinces de Brabant et de Namur. La section centrale ayant à examiner ces deux demandes a formulé les observations que vient de rappeler l'honorable M. Hymans.

La section centrale signalait alors que son exemple serait certainement suivi par les autres gouvernements provinciaux. La section centrale a été excellent prophète, et depuis que cette proposition d'augmentation du crédit pour le personnel de ces deux provinces a été connue, d'autres provinces ont réclamé également une augmentation de crédit.

Elles ont réclamé avec beaucoup de raison. Ainsi, le Hainaut a dit : « Pourquoi augmente-t-on la province de Namur, sans augmenter le Hainaut ? » Et en effet, lorsqu'on établit des comparaisons entre les deux provinces, il est évident que, par son étendue et par sa population, le Hainaut devait l'emporter.

Messieurs, pour mettre un terme à ces conflits, il faut ne pas augmenter le crédit.

Il y a d'excellentes raisons pour ne pas donner ces augmentations.

Les fonctionnaires supérieurs des administrations ont toujours une forte tendance à demander une augmentation de personnel. Il n'est pas de fonctionnaire qui ne désire voir augmenter le nombre de ses subordonnés ; il accroît sa propre importance par leur nombre.

Dans la vue d'avoir une augmentation, nul ne cherche jamais à simplifier les formalités ; on aime à voir accroître plutôt que diminuer le travail à faire dans les bureaux.

Ce système est mauvais à tous les points de vue ; il est mauvais, au point de vue du budget, puisqu'il tend à le grever ; il est mauvais aussi, au point de vue du service, puisqu'il tend à peupler les administrations d'employés très mal rétribués. Il vaut mieux avoir un petit nombre de fonctionnaires travaillant bien et convenablement rétribués, que d'avoir beaucoup d'employés travaillant moins et qui ont peine à vivre.

(page 1127) Je tiens donc à déclarer que mon intention très fermement arrêtée est de ne consentir à aucune augmentation de crédit pour accroître le personnel. En prenant cette décision, je crois que je servirai tous les intérêts que je viens d'indiquer. Les fonctionnaires, bien convaincus qu'ils n'obtiendront pas une augmentation de personnel, chercheront un peu plus énergiquement qu'ils ne l'ont fait jusqu'ici, a diminuer les formalités.

J'ai déjà recommandé aux gouvernements provinciaux de rechercher toutes les simplifications possibles. Je suis aussi résolu, d'un autre côté, si le nombre des fonctionnaires vient à être réduit, à reporter en grande partie sur les fonctionnaires conservés les allocations qui deviendront disponibles par ce moyen. On arrivera ainsi à ce résultat, d'avoir des fonctionnaires bien rétribués, d'obtenir une simplification dans les formalités, de réaliser un bénéfice pour l'Etat, et de ne pas avoir une multitude d'agents mal payés, qui travaillent peu et qui nuisent à la fois au budget et au service.

En adoptant la proposition du gouvernement, la Chambre ne fera que confirmer cette manière de voir, qu'elle a déjà exprimé plusieurs fois.

- La discussion est close.

Articles 11 à 13 (province d’Anvers)

« Art. 11. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 12. Traitement des employés et gens de service : fr. 58,500. »

- Adopté.

« Art. 13. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,500. »

- Adopté.

Articles 14 à 16 (province de Brabant)

« Art. 14. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 15. Traitement des employés et gens de service : fr. 78,400.

« Charge extraordinaire : fr. 6,305. »

MiPµ. - Je propose de réduire ce chiffre à 73,500 francs.

- L’article 15, ainsi modifié est adopté.

« Art. 16. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,500. »

- Adopté.

Articles 17 à 19 (province de Flandre occidentale)

« Art. 17. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 18. Traitement des employés et gens de service : fr. 64,000. »

- Adopté.

« Art. 19. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,500. »

- Adopté.

Articles 20 à 22 (province de Flandre orientale)

(page 99) « Art. 20. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 21. Traitement des employés et gens de service : fr. 74,800. »

- Adopté.

« Art. 22. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,500. »

- Adopté.

Articles 23 à 25 (province de Hainaut)

« Art. 23. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 24. Traitement des employés et gens de service : fr. 73,500. »

- Adopté.

« Art. 25. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,500. »

- Adopté.

Articles 26 à 28 (province de Liège)

« Art. 26. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 27. Traitement des employés et gens de service : fr. 66,000. »

- Adopté.

« Art. 28. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,500.

« Charge extraordinaire : fr. 12,188. »

- Adopté.

Articles 29 à 31 (province de Limbourg)

« Art. 29. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 30. Traitement des employés et gens de service : fr. 48,000. »

- Adopté.

« Art. 31. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 15,500.

« Charge extraordinaire : fr. 7,095 84. »

- Adopté.

Articles 32 à 34 (province de Luxembourg)

« Art. 32. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 33. Traitement des employés et gens de service : fr. 48,000. »

- Adopté.

« Art. 34. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 15,500.

« Charge extraordinaire : fr. 6,000. »

- Adopté.

Articles 35 à 37 (province de Namur)

« Art. 35. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »

- Adopté.

« Art. 36. Traitement des employés et gens de service : fr. 58,000. »

MpDµ. - C’est ici que vient l’amendement de M. le ministre. Il consiste à porter de 58,000 fr. à 54,000 fr. le traitement des employés et gens de service.

- L’article 36 est adopté.

Chapitre V. Frais de l’administration dans les arrondissements

Article 38

« Art. 38. Traitement des commissaires d'arrondissement : fr. 190,850. »

- Adopté.

Article 39

« Art. 39. Emoluments pour frais de bureau : fr. 140,650. »

M. Lambertµ. - Ce n'est pas la première fois, messieurs, que, dans cette enceinte, on a sollicité, en faveur des employés du commissariat d'arrondissement, le titre de fonctionnaires de l'Etat. Je fais un nouvel effort en leur faveur, et je prie la Chambre de me permettre de développer quelques motifs à l'appui de ma réclamation.

Cette classe de fonctionnaires, je me trompe, cette classe d'employés n'a été indiquée dans nos lois que pour être frappée d'incapacité.

C'est ainsi que l'article 45 porte :

« Ne peuvent exercer les fonctions de secrétaire ou de receveur communal, les employés du gouvernement provincial ou du commissariat d'arrondissement. »

L'article 48 n°4 de la même loi leur interdit de faire partie des (page 1128) conseils communaux. Enfin l'article 40 n°5 de la loi provinciale déclare que ne peuvent pas faire partie des conseils provinciaux les employés du gouvernement provincial ainsi que les employés du commissariat d'arrondissement.

Les employés du gouvernement provincial et les employés du commissariat d’arrondissement sont donc mis sur la même ligne quant à l'interdiction aux fonctions communales et les employés du gouvernement provincial sout des fonctionnaires, tandis que les employés du commissariat d'arrondissement n'ont pas cette qualité.

Pourquoi cette différence ? J'ai eu beau en rechercher la cause, mes efforts ont été vains.

J'ajouterai, messieurs, qu'il n'est pas une seule des raisons qui ont fait reconnaître les employés du gouvernement provincial fonctionnaires de l'Etat, qui ne puisse être invoquée en faveur des employés aux commissariats d'arrondissement. Les uns et les autres ont un supérieur dont l'action est nécessaire à la marche des affaires et cette action s’étend aux affaires de même nature : telles sont celles relatives à l'administration des communes, à la milice, aux cultes, à la voirie, à l'hygiène publique.

D'où la conséquence que les motifs qui ont fait accorder le titre de fonctionnaire aux auxiliaires des gouverneurs des provinces sont absolument applicables aux auxiliaires des commissaires d'arrondissement. Cependant, messieurs, ils n'ont pas ce titre et j'ajouterai que chaque fois qu'ils l'ont réclamé, on le leur a refusé.

Je ne puis me rendre compte de cette espèce d'indifférence, j'allais dire de mépris à l'égard d'une classe d'employés dont les labeurs sont très considérables et qui souvent sont la cheville ouvrière des commissariats d'arrondissement.

Le gouvernement a compris qu'il y avait là quelque chose d'injuste et il a voulu, dans certaine mesure, réparer ce que je ne crains pas d'appeler un oubli injuste. Ces fonctionnaires, chargés de travaux très considérables, ne recevaient que des indemnités peu élevées, et après avoir consacré trente, quarante, cinquante ans de leur existence au travail, ils n'avaient droit à aucune pension. Ils ne pouvaient avoir la pension, puisqu'ils n'étaient pas fonctionnaires de l'Etat.

Le gouvernement a senti qu'il y avait quelque chose à faire dans l'intérêt de cette classe d'employés, je ne me sers pas du mot « fonctionnaires » ; il a imaginé de les affilier à la caisse des pensions des secrétaires communaux et il l'a fait de telle sorte qu'ils ne peuvent recevoir leur affiliation qu'après avoir travaillé pendant quinze années ; ainsi ceux qui avaient moins de quinze de travail perdraient le fruit de leur labeur.

Cette mesure ne me satisfait en aucune façon et je dirai même que la mesure est complètement illégale. En effet, y a t-il quelque chose qui jure davantage que cette affiliation des employés des commissariats à la caisse instituée pour donner des pensions aux secrétaires communaux, alors que la loi communale leur interdit d'aspirer à une fonction de secrétaire communal ? C'est là une anomalie complète. Il est de toute évidence que du moment qu'ils ne peuvent pas être secrétaires communaux, il n'y a pas possibilité de les assimiler à ces fonctionnaires, pour les faire participer aux avantages de la caisse de retraite. Aussi, c'est avec raison que je disais, il n'y a qu'un instant, que la mesure qui avait été prise en leur faveur était une véritable illégalité. Il n'est pas permis, par arrêté royal, de leur donner indirectement une assimilation qu'une loi formelle leur refuse.

Je crois qu'on doit accorder aux fonctionnaires dont il s'agit le titre de fonctionnaires de l'Etat, pour leur donner une pension assurée, pour les faire jouir des avantages qui sont accordés à tous les fonctionnaires.

Remarquez que je ne demande pas, pour cette classe intéressante d'employés, une augmentation de traitement ; je me borne à réclamer le titre de fonctionnaire, qui les mettra à l'abri d'éventualités fâcheuses.

Je me borne à dire : Continuez-leur le traitement que vous leur accordez, continuez à les traiter pécuniairement comme vous les avez traités jusqu'aujourd'hui, mais puisque vous les frappez d'incapacité, eux qui sont des hommes de labeur et quelquefois même des hommes de science, donnez-leur au moins une compensation, un titre dans l’Etat, le titre de fonctionnaire.

Je ne demande pas même qu'on prenne des mesures immédiates, mais je supplie M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien examiner la question pour le budget prochain et de nous présenter un projet qui conférera aux personnes dont je viens d'entretenir la Chambre, le titre de fonctionnaire, afin qu'ils aient une position digne de l'importance de leurs travaux.

MpVµ. - La question dont vient de s'occuper M. Lambert a déjà été bien des fois soulevée dans cette enceinte et chaque fois la Chambre a très clairement manifesté son intention de ne pas entrer dans la voie que vient d'indiquer encore l'honorable préopinant. Je crois donc que si le gouvernement prenait l'initiative d'une proposition dans ce sens, elle serait repoussée.

L'honorable membre signale comme une illégalité la mesure qui a permis aux employés des commissariats d’arrondissement de participer h la caisse de prévoyance des secrétaires communaux Si j'abondais dans les idées de l'honorable membre, je devrais retirer cette faveur, mais je rendrais, je crois, aux employés des commissariats d'arrondissement un mauvais service.

Mais parce qu'on a cherché à améliorer la position de ces employés, ce n'est pas une raison pour changer complètement la situation existante.

La question que soulève M. Lambert ne se limiterait pas aux employés des commissariats d'arrondissement ; il y a une quantité d'employés qui se trouvent dans les mêmes conditions. Ainsi les employés des conservations d'hypothèques sont des employés privés ; il en est de même des employés des receveurs de l'enregistrement et des contributions.

Si tons ceux qui participent à la confection des pièces publiques devaient être considérés comme fonctionnaires publics, nous arriverions à une augmentation considérable du nombre de fonctionnaires. Je ne pense pas que la Chambre soit disposée à entrer dans cette voie.

Quelle est la situation aujourd'hui ? Les commissaires d'arrondissement sont chargés de composer leurs bureaux ; ils sont à cet égard dans la même position que les négociants et tous ceux qui ont des subordonnés ; la position des employés des commissariats d'arrondissement est la même que celle des autres employés privés. Y a-t-il un bien grand mal à maintenir cette situation ?

Remarquez que personne n'est obligé de se faire employé d'un commissaire d'arrondissement et que la position n'est pas si mauvaise ; chaque fois qu'une place d'employé de commissaire d'arrondissement devient vacante, il y a dix demandes pour une.

En modifiant la situation, on rendrait la position des commissaires d'arrondissement moins bonne qu'elle ne l'est aujourd'hui. Les commissaires d'arrondissement doivent, sous leur responsabilité, organiser leur bureau ; s'ils peuvent faire des économies sur leur personnel, pourquoi ne le leur permettrait-on pas ? D'un autre côté, la responsabilité du commissaire d'arrondissement est bien plus engagée lorsqu'il choisit lui-même ses auxiliaires.

Je crois que la situation actuelle est, au point de vue du. service, beaucoup meilleure que celle que réclame l'honorable M. Lambert et que, par conséquent, le gouvernement ne doit pas, fort infructueusement du reste, demander à la Chambre de revenir sur une décision qu'elle a si souvent maintenue.

M. Lambertµ. - Je ne crois pas avoir été illogique, en cherchant à démontrer que, aux yeux mêmes du gouvernement, il y avait quelque chose à faire en faveur de la classe d'employés (puisqu'on ne veut pas les reconnaître comme fonctionnaires) dont je me suis occupé ; qu'il avait, en conséquence, pris une mesure réparatrice, mais illégale, qui devait disparaître.

L'argumentation de M. le ministre de l'intérieur repose sur cette idée qu'on peut toujours trouver des employés. Cela est de toute évidence, messieurs, mais si l'honorable ministre veut être logique à son tour, je lui demanderai si le raisonnement qu'il "présente quant aux employés des commissariats d'arrondissement ne s'applique pas identiquement aux fonctionnaires des gouvernements provinciaux.

Il est hors de doute qu'on pourrait dire également que les gouverneurs devraient aussi salarier eux-mêmes leurs employés et réaliser ainsi une économie sur le crédit qui leur est alloué, tout en sauvegardant beaucoup mieux leur responsabilité, puisqu'ils choisiraient eux-mêmes leurs employés. Son raisonnement serait donc aussi bien applicable aux employés provinciaux qu'à ceux des commissariats d’arrondissement.

Je n'ai voulu prouver qu'une chose, c'est que, quand tout un système de dispositions légales s'occupe d'une classe de personnes pour les frapper d'incapacité, il faut qu'il y ait une juste réciprocité quant aux avantages à leur accorder et que l'avantage que je réclame en faveur des employés des commissariats d'arrondissement n'est que juste.

On s'est borné jusqu'à présent à les affilier à une caisse de pension, voulant ainsi faire semblant de leur donner le titre de fonctionnaire, tandis que, d'un autre côté, on leur refuse formellement ce titre. Le gouvernement a donc compris lui-même la nécessité de faire quelque (page 1129) comme fonctionnaires de l'Etat, ils travailleraient assurément comme ils l'ont fait jusqu'à ce jour, avec zèle et dévouement.

Je ne suis donc nullement convaincu par la réponse de M. le ministre.

Je ne soulève pas la question de légalité quant à l'affiliation de ces fonctionnaires à la caisse des secrétaires communaux, pour les priver du mince avantage qu'ils ont obtenu.

Mais je signale cette affiliation pour prouver que le gouvernement a senti lui-même qu'il y avait quelque chose à faire pour ces employés et pour exprimer le désir qu'il ne s'arrête pas au mince avantage qu'il leur a accordé.

- La discussion est close ; l'article est mis aux voix et adopté.

Articles 10 et 41

« Art. 40. Frais de roule et de tournées : fr. 26,000. »

- Adopté.


« Art. 41. Frais d'exploits relatifs aux appels interjetés d'office, en vertu de l'article 7 de la loi du Ier avril 1843 : fr. 500. »

- Adopté.

Chapitre VI. Milice

Articles 42 et 43

« Art. 42. Indemnités des membres des conseils de milice (qu'ils résident ou non au lieu où siège le conseil) et des secrétaires de ces conseils. Frais d'impression et de voyage pour la milice. Vacations des officiers de santé ; frais d'impression des décisions et arrêts en matière de milice : fr. 67,900. »

- Adopté.


« Art. 43. Frais d'impression des listes alphabétiques et des registres d'inscription ; frais de recours en cassation en matière de milice (loi du 18 juin 1849) : fr. 2,400. »

- Adopté.

Chapitre VII. Garde civique

M. Van Overloopµ. - Dans, la séance du 28 avril dernier, la Chambre a décidé le dépôt sur le bureau, pendant la discussion du budget de l'intérieur, d'une pétition d'habitants de Saint-Nicolas signalant à la Chambre un arrêté royal du 23 mai 1867 comme ayant violé la loi sur la garde civique, et appelant l'attention du gouvernement sur la nécessité de prescrire aux chefs de corps de la garde civique certaines règles relatives à la composition des compagnies. Comme les élections quinquennales de la garde civique doivent avoir lieu dans peu de temps, il est intéressant, je crois, de tenir un instant la Chambre attentive sur les faits qui ont motivé la pétition des habitants de Saint-Nicolas.

Le 14 janvier 1866, eut lieu à Saint-Nicolas une élection pour la nomination d'un capitaine dans la 4ème compagnie. Le nombre des votants avait été de 107, la majorité absolue de 54. D... obtint 60 voix ; V... 44, et il y eut 3 bulletins contestés.

Le 17 janvier 1866, une requête en annulation fut adressée à la députation permanente ; cette requête se basait notamment sur ce que 31 personnes ne faisant pas légalement partie de la 4ème compagnie avaient pris part à l'élection.

Les pétitionnaires alléguaient que ces 31 personnes n'avaient été inscrites sur les contrôles de la 4ème compagnie que peu de jours avant l'élection et en vue de celle-ci, et que la plupart d'entre elles appartenaient aux autres compagnies du bataillon. La requête se basait encore sur ce que le chef de la garde avait rayé arbitrairement du contrôle de la 4ème compagnie le garde De L..., qui venait d'atteindre sa 50ème année et qui, par suite, n'avait pas été convoqué pour participer à l'élection. Enfin, la requête se basait, en troisième lieu, sur ce que le sieur V. H. échevin, n'avait pas été admis au vote, le chef de la garde ayant prétendu que l'exercice des fonctions d'échevin est incompatible avec le service de la garde civique.

Le 2 mai 1866, intervint sur cette réclamation une décision de la députation permanente qui annula l'élection. Cette décision était fondée sur ce que M. l'échevin V. H. avait le droit de participer à l'élection. « La loi, disait la députation, n'a pas établi d'incompatibilité entre le service de la garde civique et les fonctions d'échevin, mais a simplement attaché à celles-ci la faveur d'une exemption temporaire, faveur à laquelle le fonctionnaire a qui elle est accordée est libre de renoncer.

« Or, le sieur V. H. n'a pas fait usage de la faculté de se faire provisoirement exempter.

« Donc il a continué, nonobstant sa nomination aux fonctions d'échevin, à faire partie de la 4ème compagnie. »

Par suite, il avait nécessairement le droit, d'après la députation, de concourir à l'élection dans la 4ème compagnie.

La députation permanente décida également que le sieur D. L. avait aussi le droit de participer à l'élection.

« Le service d'un garde, disait la députation, ne cesse pas à l'instant même où il atteint sa 50ème année ; ce service doit continuer jusqu'à ce que la radiation du garde ait été effectuée par le conseil de recensement lequel, d'après une jurisprudence constante, est seul compétent pour l'opérer. »

Enfin, messieurs, l'annulation de l'élection était fondée sur ce qu'il était établi que des gardes, en nombre assez considérable pour que leur participation à l'opération ait pu avoir un effet prépondérant sur le résultat du scrutin, avaient été distraits d'autres compagnies et assignés à la 4ème, peu de jours avant l’élection et sur ce que ces gardes bien que portés en mutation au contrôle général du corps, n'en étaient pas moins encore inscrits sur le contrôle de leur compagnie de sortie au moment de l'élection, et y faisaient dès lors double emploi ; sur ce que dans cette condition il n'était pas admissible qu'ils auraient pu être simultanément appelés, soit à concourir à des élections, soit à remplir un autre service dans une compagnie. « Attendu que de cette irrégularité et des autres ci-dessus relatées, il est à conclure, disait la députation, que l'opération électorale telle qu'elle a eu lieu, n'est pas à accepter comme exempte de reproche fondé an point de vue de la sincérité requise en pareille matière. »

A la suite de cet arrêté de la députation, une nouvelle élection eut lieu le 13 mai IS66 ; le nombre des votants s'élevait à 101 ; majorité absolue, 51 ; M. D..., obtint 51 voix, et M. V. obtint 50 voix.

Nouvelles réclamations en annulation des opérations électorales, adressées à la députation permanente.

La requête en annulation était motivée sur ce que 23 personnes qui avaient pris part à l'élection faisaient partie d'autres compagnies et avaient été portées sur les contrôles de la 4ème compagnie contrairement aux dispositions de l'article25 de la loi du 8 mai 1848 et en violation des recommandations contenues dans la circulaire ministérielle du 6 mai 1849 ;

Sur ce que trois autres personnes appartenant au corps de musique et qui avaient été habillées en partie aux frais du budget de la ville, avaient également pris part aux opérations.

« D'après la loi, disaient les pétitionnaires, ce ne sont que ceux qui s'habillent à leurs frais qui composent la compagnie et concourent à l'élection des titulaires. •

La requête était encore motivée sur ce que les opérations avaient été suspendues pendant un certain temps pour faire chercher un électeur.

Le 20 avril 1867, nouvelle décision de la députation permanente qui annule la seconde élection.

Voici les considérants de la nouvelle annulation :

« Attendu qu'une élection devait avoir lieu le 14 janvier 1866, pour le grade de capitaine dans la 4ème compagnie de la garde civique de Saint-Nicolas ;

« Attendu que M le major D... avait, à la veille de l'élection, augmenté successivement et en peu de jours, la 4ème compagnie de 23 gardes pris à son choix et dans les différents quartiers de la ville, dans le but d'assurer le succès de son candidat.

« Attendu qu'au 14 janvier, ces gardes figuraient, en même temps, sur le contrôle de la 4ème compagnie et sur le contrôle des compagnies qu'ils venaient de quitter ;

« Attendu que cette élection a été annulée par arrêté de la députation permanente du 2 mai 1866, du chef d’irrégularités graves et défaut de sincérité ;

« Attendu qu’une nouvelle élection dans laquelle M. D......a obtenu 51 voix sur 101, faite le 13 mai suivant, avec les mêmes gardes et par conséquent entachée du même vice originel, doit, abstraction fait du résultat et de toute considération de personnes, être annulée comme telle, même sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres irrégularités alléguées par les réclamants. »

Le 23 mai 1867, sur le recours du gouverneur de la province, un arrêté royal annula la résolution de ma députation du 20 avril précédent.

Les considérants de cet arrêté sont :

« Attendu que l'annulation est motivée sur ce que le commandant de la garde civique de Saint-Nicolas, en augmentant l'effectif de la 4ème compagnie (page 1130) de 23 hommes pris dans les différents quartiers de la ville et appartenant à la circonscription d'autres compagnies, avait contrevenu aux articles 25 et 31 de la loi du 8 mai 1848, ainsi qu'aux instructions ministérielles du 6 août 1849 et du 10 août 1864 ;

« Attendu que l'article 34 stipule que tous les titulaires d'une compagnie, à l'exception du sergent-major, sont élus par ceux qui les composent ;

« Attendu que, d'après l'article 25, les compagnies et subdivisions de compagnies sont formées par le chef de garde, sur le contrôle de service ordinaire ;

« Que si cet article ajoute qu'elles se composent, autant que possible, des citoyens d'un même quartier, c'est là une règle de conduite que la loi trace exclusivement au chef de garde, en abandonnant le mode d'application à sa prudence et à la connaissance des nécessités du service ;

« Attendu que si, en principe, l'organisation de la garde civique, et partant, la composition des compagnies sont quinquennales, le chef de la garde est cependant juge des exceptions et que la décision du 10 août 1854, n°3141, limite seulement à cet égard, les droits des gardes, et nullement ceux du chef.

« Attendu qu'en s'ingérant dans les attributions qui appartiennent au chef de la garde, la députation permanente est sortie des siennes ;

« Vu les articles 89, 116 et 120 de la loi provinciale ;

« Sur la proposition de notre ministre de l'intérieur,

« Nous avons arrêtés et arrêtons :

« Art. 1er. La susdite résolution de la députation permanente du conseil provincial de la Flandre orientale, en date du 20 avril 1867, est annulée.

« Art. 2. Mention de cette disposition sera faite en marge de l'acte annulé, dans le registre aux délibérations de la députation.

« Art. 3. Notre ministre de l'intérieur est chargé de l'exécution du présent arrêté. »

C'est de cet arrêté royal que les pétitionnaires se plaignent.

Les questions que la pétition soulève sont de deux natures. D'abord l'arrêté royal du 23 mai 1867 est-il légal ? Ensuite, y a-t-il nécessité de prendre des mesures pour prévenir désormais les abus signalés ?

Quant à la question de la légalité de l'arrêté royal du 25 mai 1867, il serait difficile, je crois, de prouver que cet arrêté est véritablement conforme à la loi.

La question est simple. Une élection a lieu ; des réclamations sont adressées à la députation permanente ; la députation permanente annule et pourquoi ? Pour défaut de sincérité, pour fraude électorale ?

Messieurs, l'article 52 de la loi sur la garde civique est très net ; il porte :

« Les réclamations contre la validité des élections sont portées, dans les dix jours, devant la députation permanente du conseil provincial, qui statue en dernier ressort. »

Ou ces termes n'ont pas le sens qu'on leur attribue ordinairement, ou ils signifient bien clairement que nulle autorité supérieure ne peut connaître des décisions rendues par la députation.

« Décision en dernier ressort », c'est, selon moi, une décision contre laquelle aucun recours à une autorité supérieure n'est possible. (Interruption.)

M. le ministre de l'intérieur m'interrompt en disant que les arrêtés des cours d'appel sont aussi en dernier ressort et qu'il y a cependant un recours en cassation.

Mais, messieurs, il s'agissait d'une véritable décision en fait, dans la résolution de la députation permanente de la Flandre orientale qui a annulé l'élection de Saint-Nicolas.

Pourquoi, en réalité, l'élection a-t-elle été annulée ? Pour défaut de sincérité, pour fraude électorale. Il suffit de lire la résolution impartialement pour en être convaincu. Or, il n'y a pas de recours en cassation contre les décisions en fait, qu'elles émanent des cours d'appel ou des députations.

L'arrêté royal cherche sa compétence dans les article 89, 116 et 125 de la loi provinciale.

Je ne vous donnerai pas, messieurs, lecture des articles 89 et 116, mais je déclare qu'il suffit de les lire pour être convaincu qu'ils ne sont nullement applicables à l'espèce.

Que porte l'article 125 de la loi provinciale ? Il est ainsi conçu :

« Lorsque le conseil ou la députation a pris une résolution qui sort de ses attributions ou blesse l'intérêt général, le gouverneur est tenu de prendre son recours auprès du gouvernement dans les dix jours, et de le notifier au conseil ou à la députation, au plus tard, dans le jour qui suit le recours. »

Je vous le demande, messieurs, comment cet article peut-il être invoqué dans l'espèce ?

Le gouverneur doit prendre son recours dans deux cas :

D'abord, lorsque la députation sort de ses attributions, et ensuite lorsqu'elle blesse l'intérêt général.

La députation est-elle sortie de ses attributions dans l'espèce ?

Mais elle les trouve formellement inscrites dans l'article 52 de la loi sur la garde civique, qui porte :

« Les réclamations contre la validité des élections sont portées, dans les dix jours, devant la députation permanente du conseil provincial, qui statue en dernier ressort. »

Il est donc incontestable qu'elle n'est pas sortie de ses attributions en prenant l'arrêté dont il s'agit.

Maintenant a-t-elle blessé l'intérêt général ?

Mais c'est précisément le contraire. Qu'exige l'intérêt général ? Il exige que chaque fois que des élections ont lieu, la sincérité y préside.

Loin donc d'avoir contrevenu à l'intérêt général en exigeant que la sincérité présidât aux élections de la garde civique, la députation n'a fait que servir l'intérêt général.

D'ailleurs, l'article 52 de la loi sur la garde civique est postérieur à l'article 125 de la loi provinciale. Par conséquent, on pourrait peut-être invoquer le principe : « Lex posterior derogat priori », pour faire écarter l'article 125 de la loi provinciale.

Je ne fais, messieurs, que soulever la question et je désire connaître à cet égard l'opinion de M. le ministre de l'intérieur. Je n'entends ni récriminer, ni faire des personnalités, mais uniquement traiter une question que je crois intéresser le public en général, et pas du tout une opinion en particulier.

J'expose les faits afin qu'à l'avenir ils ne puissent plus se renouveler. J'ai l'intime conviction que l'arrêté du 23 mai 1867 est illégal. Il suffit, je le répète, de lire la décision de la députation permanente pour se convaincre qu'elle constitue une véritable décision en fait et qu'aucun recours à l'autorité supérieure n'était possible. S'il en était autrement, les mots en dernier ressort n'auraient aucun sens.

Les pétitionnaires demandent qu'il soit pris des mesures pour prévenir, dans le futur, les abus signalés.

L'article 25 de la loi sur la garde civique porto :

« Les compagnies et subdivisions de compagnies sont formées par le chef de la garde sur le contrôle de service. Elles se composent autant que possible de citoyens d'un même quartier. »

Il est évident que le gouvernement, qui a le pouvoir exécutif en main, doit prendre des mesures pour empêcher qu'on n'abuse de l'article 25.

D'après cet article, le chef de la garde a une certaine latitude, que je crois utile.

Il peut, en effet, se présenter telle circonstance où il serait nécessaire, dans l'intérêt du maintien de l'ordre public, de former des compagnies de personnes n'appartenant pas au même quartier ; mais, ce que je crois, c'est qu'il n'est jamais entré dans l'esprit du législateur ni du gouvernement, et qu'il ne peut entrer dans l'esprit de personne que l'article 25 de la loi sur la garde civique laisse au chef de la garde la latitude de composer les compagnies d'une manière autre que celle indiquée par la loi, en vue d'obtenir la majorité dans les élections.

Voilà, messieurs, le cas contre lequel les pétitionnaires protestent.

M. Teschµ. - Changez la loi.

M. Van Overloopµ. - Le chef de la garde de Saint-Nicolas avait évidemment, d'après la députation, composé la compagnie de façon à obtenir la majorité pour le candidat qu'il présentait.

D'après les pétitionnaires et d'après ce que dit à mes côtés mon honorable collègue M. Verwilghen, qui est mieux que moi au fait de ce qui s'est passé, le chef de la garde de Saint-Nicolas avait à sa disposition des gardes mobiles.

Ainsi, dit-on, lorsqu'une élection devait avoir lieu dans une compagnie et qu'il craignait qu'un candidat qui n'avait pas ses sympathies ne l'emportât, il faisait passer dans cette compagnie le nombre de gardes d'autres compagnies en faveur du candidat qu'il croyait nécessaire pour obtenir la majorité de son cœur.

Comme me le communique l'honorable M. Verwilghen, cela s'est passé plusieurs fois quand y a eu élection dans la garde civique de Saint-Nicolas, depuis que le bataillon de cette ville a pour chef le commandant actuel.

Ces faits étant établis, qu'aurait fait, en réalité, le commandant de (page 1131) la garde civique de Saint-Nicolas ? C'est très curieux ; il aurait procédé. absolument comme MM. les préfets en France.

Lorsqu'une élection doit avoir lieu dans une ville, et que le préfet n'est pas sûr d'obtenir la majorité pour le candidat qu'il appuie, il change la circonscription électorale ; il coupe la ville en deux parties, et à chacune de ces deux parties, il adjoint des électeurs des campagnes environnantes sur lesquels il compte.

Que résulte-t-il de cette combinaison î C'est que ce sont toujours les candidats des préfets qui emportent la majorité.

Le chef de la garde de Saint-Nicolas se serait-il inspiré des mesures prises par MM. les préfets français ?

Je ne sais pas, et j'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre, je ne sais pas jusqu'à quel point un chef de la garde ne pourrait pas, dans certaines circonstances, tomber sous l'application de l'article 151 du code pénal nouveau, qui est ainsi conçu

«Tout acte arbitraire et attentatoire aux libertés et aux droits garantis par la Constitution, ordonné ou exécuté par un fonctionnaire ou officier public, par un dépositaire ou agent de l'autorité ou de la force publique, sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à un an. »

Telles sont, d'après la commission de révision, les atteintes au droit d'élection et d'éligibilité. .

MiPµ. - Certainement.

M. Van Overloopµ. - Je ne discute pas la question, je la soulève. Je ne désire certes pas que quelqu'un tombé sous l'application du code pénal. Telle n'est pas mon intention. Je désire, au contraire prévenir des faits punissables. D'ailleurs, le code n'était pas encore obligatoire lorsque les faits signalés ont été posés, et, par conséquent, le chef de la garde de Saint-Nicolas peut dormir en paix

Je me résume en deux mots ; je signale l'arrêté du 23 mai 1867 comme ayant violé la loi. Je n'en fais pas une grosse affaire ; j'ai tâché de la réduire aux plus simples proportions.

Je crois que le fait étant, il est à espérer qu'il ne se représentera pas. Je l'ai signalé afin que des faits de cette nature ne se passent pas à l'élection générale de la garde civique, qui doit avoir lieu, si je ne me trompe, au mois de juin prochain.

Je désire que l'honorable ministre de l'intérieur ou le gouvernement prenne des mesures pour réglementer l'exercice du droit que l'article 23 de la loi sur la garde civique accorde au chef de la garde.

Je ne crois pas, messieurs, avoir abusé de l'attention de la Chambre, mais cette affaire me paraissait assez importante pour me déterminer à vous présenter les quelques observations que vous venez d'entendre avec une bienveillance dont je vous remercie.

MiPµ. - Messieurs, je reconnais très volontiers que mon honorable collègue n'a pas été trop long pour le sujet qu'il avait à traiter. Si on voulait discuter cette affaire dans tous ses détails, il faudrait bien cinq ou six séances de la Chambre pour arriver à une solution.

En effet, messieurs, j'ai ici de nombreux documents qui établissent le service des gardes qui ont composé cette fameuse compagnie de garde civique de Saint-Nicolas.

Pour être complet, il faudrait donc examiner à quelle époque chaque garde est entré dans une compagnie et à quelle époque il en est sorti ; il faudrait en outre discuter de nombreuses questions de droit.

Je crois, messieurs, que la Chambre ne m'engagera pas à entrer dans tous ces détails.

Je dois cependant dire quelques mots du fait et du droit.

Le major de la garde civique de Saint-Nicolas est complètement en désaccord, de fait, avec l'honorable M. Overloop ; il y a là contradiction complète.

Voici, d'après lui, ce qui s'est passé.

M. Van Overloopµ. - Je suis d'accord avec la députation permanente.

MiPµ. - Il y à Saint-Nicolas quatre compagnies de la garde civique qui étaient, il y a quelque temps, composées d'un nombre de gardes fort inégal.

La première se composait de 115 gardes ; la seconde de 90 ; la troisième de 116, et la quatrième seulement de 80.

Or, il paraît que cette quatrième compagnie de la garde civique montrait un esprit d'insubordination assez remarquable et qu'on y recherchait, comme cela s'est parfois fait ailleurs, à renverser la garde civique.

Ainsi, à une revue de 1865, presque tous les gardes ont manqué à la revue ; parmi les manquants se trouvait le candidat qui a échoué dans l'élection dont il s'agit.

Peu de temps après, se fait une inspection générale de la garde civique par M. de Sorlus.

On commande un mouvement à cette compagnie, personne ne bouge et tout le monde se met à rire. Voilà les faits qui me sont signalés.

Il s'agissait de nommer un capitaine à cette compagnie. La compagnie, non pas quelques jours avant l'élection, mais quelques mois auparavant, avait été modifiée, c'est-à-dire qu'on avait rétabli cette compagnie sur un pied d'égalité à peu près complet avec les autres compagnies.

M. Verwilghenµ. - Cela est inexact.

MiPµ. - Messieurs, je n'invente rien ; cela se trouve dans les rapports qui me sont communiqués.

Voici ce qui se trouve dans les rapports du major :

« Je crois devoir appuyer sur la circonstance que tous les gardes permutés ont demandé ou consenti la mutation et qu'à la date du 15 mai ils appartenaient à la compagnie depuis plusieurs mois. Le motif d'une mutation récente n'existe donc pas. »

Une élection a lieu ; elle est déférée à la députation permanente du conseil provincial.

Le conseil l'annule en disant que l'élection n'est pas valable, parce qu'on y a fait participer des gardes n'appartenant pas à la compagnie.

L'annulation produit ses effets ; et on fait une nouvelle élection.

La nouvelle élection donne les mêmes résultats que la première ; même recours à la députation et même décision, annulation de l'élection.

C'est cette seconde décision de la députation permanente que mon honorable prédécesseur a annulée, parce qu'il a trouvé que la députation était sortie de ses attributions.

Vous voyez donc, messieurs, qu'il ne s'agit pas d'une décision en fait, ou d'un appel de la députation permanente.

Il y a eu annulation aux termes de la loi provinciale qui permet d'annuler les actes des députations, lorsqu'elles sortent de leurs attributions et lorsqu'elles blessent l'intérêt général.

Je reconnais qu'en droit on peut discuter sur le point de savoir si l'article spécial de la loi sur la garde civique qui décide que la députation permanente statue en dernier ressort est susceptible soit d'un recours en cassation soit d'une annulation par arrêté royal.

C'est une question de droit sur laquelle on peut faire, comme sur toutes les questions de droit, des discours à perte de vue.

Il y a cependant un cas analogue assez remarquable que je dois signaler à la Chambre ; c'est qu'aux termes de la loi communale il y a un recours au Roi contre les décisions de la députation en matière d'élections.

Mon prédécesseur a pensé que la disposition générale de la loi provinciale s'appliquait aux décisions de la députation en matière de garde civique, comme en matière d'élection communale, et je dois dire que cette circonstance que les mots « dernier ressort » se trouvent dans l'article de la loi sur la garde civique, qui soumet la validité de l'élection à la députation, ne signifie absolument rien.

En effet, tout le monde sait que les décisions en dernier ressort sont soumises aux voies de recours extraordinaires, comme la cassation ou la requête civile, et que l'annulation en matière administrative n'est pas un degré de juridiction, mais une voie extraordinaire.

Maintenant, messieurs, quel est le motif pour lequel on a annulé les décisions de la députation permanente ?

C'est parce que la députation permanente a, en annulant l'élection, empiété sur les attributions du chef de la garde civique ; il y a dans la loi sur la garde civique un article, qui est l'article 25, qui porte : « Les compagnies sont formées par le chef de la garde sur le contrôle de service. »

Or, appartenait-il à la députation permanente d'examiner si le major avait bien ou mal fait de composer de telle façon les compagnies ?

C'est la question.

M. Van Overloopµ. - Non.

MiPµ. - Si.

M. Verwilghenµ. - Mais dans quel but avait-il fait cela ? En vus des élections, cinq ou six jours avant.

(page 1132) MiPµ - Il y a dans l'esprit de M. Verwilghen, un peu intéressé dans la question, je crois, et qui n'a pas tout le sang-froid désirable pour l'examiner avec calme, une confusion très grande. La compétence des autorités se forme d'après la nature des actes sur lesquels elles statuent et nullement d'après l'institution qui les fait agir. Ainsi lorsque la loi attribue à une autorité quelconque le droit de décider une chose, elle est compétente. Il peut y avoir des motifs plus ou moins bons dans sa décision. Mais cette intention qui fait que la décision est plus ou moins bonne, n'a rien à voir dans la question de compétence.

L'annulation a donc été prononcée parce que le gouvernement a pensé qu'en examinant la composition de la compagnie attribuée au chef de la garde par la loi, la députation était sortie de ses attributions.

L'honorable M. Van Overloop demande si pour l'avenir il n'y a pas un abus possible et contre lequel il faudrait prendre des mesures ?

Quant aux prochaines élections, l'abus n'est guère à craindre, car comme les prochaines élections sont générales, il ne pourra y avoir ce qu'on appelle des gardes ambulants. Mais, plus tard, il y aura peut-être lieu à examiner s'il ne peut pas y avoir d'abus dans le droit conféré aux chefs de la garde civique.

Il y aura lieu de décider peut-être d'une manière plus positive si le droit de recours au Roi existe en cette matière comme en toute autre. Mais comme la présentation d'une loi sur la garde civique est évidemment prochaine, ce sera le moment d'examiner les questions soulevées.

M. Van Overloopµ. - Je trouve, dans la Revue de l'administration et du droit administratif, t. 1 p. 466 :

« Selon l'article 52 de la loi sur la garde civique, la députation permanente statue en dernier ressort sur la validité des élections. Que résulte-t-il de là ? Au moins, l'article 125 de la loi provinciale qui concerne le recours, serait-il applicable ? Non.

« De ce que l'article 52 dit que la députation permanente statue en dernier ressort sur la validité des élections, il en résulte nécessairement que l'article 125 de la loi provinciale, qui enjoint au gouverneur de prendre son recours auprès du gouvernement dans les dix jours, lorsque le conseil ou la députation a pris une résolution qui sort de ses attributions ou blesse l'intérêt général, il en résulte, disons-nous, que cet article n'est pas applicable à l'espèce ; car, sans cela, la décision de la députation ne serait plus en dernier ressort. En effet, une décision qui peut être déférée à une autorité supérieure, dont celle-ci peut connaître et qui peut être réformée par elle, n'est pas une décision en dernier ressort. L'article 52 de la loi sur la garde civique déroge donc, pour son espèce, à l'article 125 de la loi provinciale

* Pour s'en convaincre surabondamment, on n'a qu'à le comparer avec l'article 46 de la loi communale : le paragraphe premier de cet article attribue à la députation permanente le droit d'annuler une élection communale dans les 30 jours de sa date, soit sur réclamation, soit d'office, pour irrégularité grave, par un arrêté motivé.

« Le paragraphe 2 dit qu'en cas de réclamation de la part des intéressés, ou d'opposition de la part du gouvernement, la députation est tenue de prononcer dans le même délai de 30 jours.

« Le paragraphe 3 ajoute que le gouvernement peut, dans les 8 jours qui suivent celui de la décision, prendre son recours auprès du Roi, qui statuera dans le délai de quinzaine à dater du pourvoi.

« La loi communale n'a pas voulu que la députation décidât en dernier ressort de la validité des élections communales : aussi s'est-elle exprimée d'une toute autre manière que l'article 52 de la loi sur la garde civique.

« La loi communale a voulu que le Roi fût juge, en dernier ressort, de la validité de ces élections ; aussi, a-t-elle expressément réservé le recours au Roi contre les décisions de la députation en cette matière et ne s'est-elle pas contentée de la disposition générale de l'article 125 de la loi provinciale, qui n'autorise le recours que pour deux cas : le cas d'incompétence et celui de lésion de l'intérêt général. »

Vous voyez, messieurs, que cette dissertation est complètement d'accord avec moi sur l'interprétation de l'article 52 de la loi sur la garde' civique.

Mais si je suis bien renseigné (l'honorable M. Orts pourrait peut-être en savoir quelque chose), il y a quelques années, le gouvernement, sur la proposition de M. Malou, avait, par un arrêté royal, annulé une décision de la députation permanente du Brabant, statuant sur une question de patente. On parvint, et c'est le cas que je prévois et que je signale à M. le ministre de l'intérieur, au moyen d'une voie indirecte, à faire soumettre la question de la légalité de l'arrêté royal à la cour de cassation, et la cour de cassation ne reconnut aucune force à l'arrêté, c'est-à-dire qu'elle donna gain de cause à ceux qui prétendaient que l'arrêté était illégal.

Je cite ce fait à M. le ministre de l'intérieur, afin qu'il examine mûrement la question que je lui ai posée.

Voilà quant à la question de droit. Je n'insiste pas, je ne veux pas faire traîner pas longtemps la discussion du budget de l’intérieur.

Mais je tiens à ce que, si l'arrêté royal est illégal, on n'en prenne plus de cette nature et à ce que les abus que j'ai signalés ne se reproduisent plus.

Je crois que M. le ministre de l'intérieur a eu des renseignements qui ne sont pas tout à fait exacts. Après examen de ce qui s'était passé, la députation, remarquez-le bien, n'a pas annulé l'élection de Saint-Nicolas parce que le chef de la garde avait composé une compagnie de telle façon. La députation permanente, comme on le lit dans sa décision, avait annulé l'élection en fait du chef de défaut de sincérité. (Interruption.)

Vous savez parfaitement que le fond de la pensée des auteurs de l'arrêté d'annulation a été d'annuler l'élection, parce qu'elle manquait de sincérité. Cela ne peut être contesté.

Remarquez-le, du reste, il y a quelques jours à peine, l'honorable M. Watteeu et l'honorable ministre de l'intérieur lui-même ont soutenu qu'il ne faut pas examiner les arrêtés précisément d'après leurs motifs, qu'il faut voir, avant tout, si la décision est juste. N'attachons donc pas une trop grande importance aux motifs. En fait, on avait réclamé contre la validation de l'élection de Saint-Nicolas, parce qu'on prétendait que cette élection avait été entachée de fraude. Voilà le fait et c'est sur ce fait que la députation permanente a jugé.

Je le répète donc, je demande à M. le ministre de l'intérieur d'examiner de près la question et de prendre des mesures afin que les abus signalés ne se représentent plus.

M. A. Vandenpeereboomµ. - Je ne serai pas long, mais j'ai cependant deux mots à dire.

L'honorable M. Van Overloop demande que M. le ministre de l'intérieur examine cette question à nouveau. Je ne m'y oppose nullement ; on peut examiner tant qu'on veut ; plus on étudie, mieux on élucide les questions.

Mais l'honorable membre demande aussi qu'on prenne des mesures pour que les abus signalés ne se représentent plus. Je déclare qu'il n'y a pas eu le moindre abus et que si des faits semblables se présentaient encore, il serait encore du devoir du gouvernement d'annuler la décision de la députation permanente. Voyons les faits qui se sont passés à Saint-Nicolas. Le commandant de la garde civique de Saint-Nicolas est un homme des plus honorables et des plus dévoués à l'institution. Je tiens à le dire ici parce que, d'après certains discours, on pourrait croire que cet officier supérieur a agi avec légèreté ou passion. Mais il a le malheur, aux yeux de certaines personnes, d'être un des rares libéraux de la commune de Saint-Nicolas, c'est cette circonstance qui lui attire les critiques qui sont dirigées contre lui.

D'après moi, messieurs, cet officier supérieur n'a fait qu'user d'un droit.

La loi porte que le chef de la garde civique compose les compagnies, etc. Elle ajoute qu'il les compose, autant que possible, de citoyens demeurant dans le même quartier.

Mais veuillez remarquer qu'il est dit : « autant que possible ». Il n'est donc pas tenu d'une manière absolue, et l'honorable M. Van Overloop lui-même l'a reconnu, de composer les compagnies des habitants d'un même quartier. Dans certains cas, le chef de la garde peut faire usage de la faculté de déroger à cette recommandation légale et parfois il doit agir ainsi.

Ainsi, il pourrait se faire qu'au moment d'une émeute, certaines compagnies fussent animées d'un mauvais esprit ; dès lors ne serait-il pas bon de verser les hommes qui les composent dans d'autres compagnies ?

Il faut donc que le chef de la garde conserve le droit qui lui a, du reste, été reconnu par divers arrêts de la cour de cassation.

On dît qu'à Saint-Nicolas, ces mouvements ont eu lieu peu de temps avant les élections. Cela n'est pas tout à fait exact. Ils ont eu lieu avant les élections de 1866 qui ont été annulées, mais je ne pense pas que de (page 1133) nouvelles mutations aient eu lieu avant les dernières élections qui ont donné lieu à l'arrêté d'annulation.

Mais, encore, en eût-il été ainsi, je dis que le chef de la garde a le droit de le faire.

Messieurs, il existe en Belgique un certain nombre de communes où l'on ne veut pas de la garde civique, où, du moins, il y a des personnes qui font tout ce qu'elles peuvent pour empêcher l'exécution de la loi sur la milice citoyenne. Ainsi on a vu nommer capitaines tantôt des frères de la doctrine chrétienne, tantôt des personnes qui prenaient d'avance l'engagement de ne pas convoquer la garde, de ne pas s'habiller.

Je dis que, dans des cas pareils, il faut que le chef de la garde soit armé des moyens d'organiser la garde civique.

Je tenais, messieurs, à donner ces explications de fait. M. le ministre de l'intérieur a déjà traité la question de droit et je crois pouvoir me référer à ce qu'il a dit.

En un mot, le chef de la garde civique de Saint-Nicolas, en modifiant les compagnies, n'a fait qu'user d'un droit que la loi lui conférait et il n'y a aucun reproche à lui faire.

- La discussion est close.

Articles 44 à 46

« Art. 44. Inspections générales, frais de tournées, d'impression et de fournitures de bureau, et commandants supérieurs : fr. 6,885. »

- Adopté.


« Art. 45. Achat, entretien et réparation des armes et objets d'équipement, magasin- central. Frais d'impression des états de signalement et des brevets d'officiers et acquisitions de théories, épinglettes, etc. : fr. 15,000.

« Une somme de 4,l85 francs pourra être transférée de l'article 44 à l'article 45. »

- Adopté.


« Art. 46. Personnel du magasin central : fr. 3,520. »

- Adopté.

Chapitre VIII. Fêtes nationales

Articles 47 et 48

« Art, 47. Frais de célébration des fêtes nationales. Frais d'illumination : fr. 40,000. »

-Adopté.


« Art. 48. Tir national : prix en argent, en armes, en objets d'orfèvrerie, etc. Subsides pour la construction de tirs et l'encouragement des tirs à la cible dans les villes ou communes. Personnel du tir et dépenses diverses : fr. 64,000. »

- Adopté.

Chapitre IX. Décorations civiques et récompenses pécuniaires

Article 49

« Art. 49. Décoration civique ou récompenses pécuniaires pour actes de dévouement, de courage et d'humanité ; impression et calligraphie des diplômes, frais de distribution, etc. ; fr. 20,000. »

M. Coomansµ. - Messieurs, j'ai à soumettre à la Chambre une rectification assez intéressante. Je vous donne l'assurance, comme l'ont fait les trois précédents orateurs, que je serai très court et je crois que je tiendrai ma promesse.

Je désire d'abord savoir si c'est à cet article du budget qu'on rattache la décoration civique. Je vois qu'il n'en est pas question et qu'il s'agit simplement de médailles ou de récompenses pécuniaires.

Je lis à l'article 49...

M. Ortsµ. - Vous avez une mauvaise édition du budget.

- Un membre. - La bonne a été récemment imprimée.

M. Coomansµ - Je suis heureux d'apprendre qu'il y en a une bonne. (Interruption.)

Alors je passe outre, et voici ce que j'avais à apprendre à un certain nombre de membres qui l'ignorent.

Un honorable ancien ministre et un honorable ministre encore régnant ou gouvernant, ont assuré que la création de distinctions honorifiques par arrêté royal n'a jamais fait dans cette Chambre l'objet d'aucune observation critique. Ils se trompent.

Des observations critiques ont été faites plusieurs fois. II m'en souvenait vaguement l'autre jour, mais j'ai voulu m'en assurer, j'ai feuilleté nos Annales et voici ce que j'ai trouvé.

Le 14 octobre 1841, M. le ministre de la guerre obtint un arrêté royal qui porte que les chevrons des sous-officiers seront, dans certains cas, remplacés par des croix.

Du chef de ce changement de forme d'une distinction inférieure, le gouvernement ne demandait pas un sou.

Or, messieurs, qu'arriva-t-il ?

Plusieurs membres de cette assemblée, à droite et à gauche, surtout à gauche, qualifièrent cet arrêté royal d'inconstitutionnel ; on en parla à diverses reprises dans plusieurs séances.

Que fit le gouvernement ? Il soutint modérément qu'il avait agi conformément à la Constitution ; mais, au fond, il se crut dans son tort, car il retira l'arrêté ou le laissa tomber en désuétude. Mais je puis vous assurer que les plus vives critiques ont été formulées par les orateurs les plus éminents de la gauche à cette époque, et cela dans le sens de celles que je vous ai soumises.

Messieurs, ne m'était-il pas permis, après ce précédent si remarquable, d'émettre au moins des doutes sur la constitutionnalité d'un arrêté royal qui va bien au delà des prétentions du ministère de cette époque.

Il y avait des chevrons comme marques distinctives. Le ministre les modifie et en fait des croix. De là vive opposition.

Vous faites davantage. Vous créez une croix générale, non plus destinée à une catégorie de fonctionnaires, non plus une croix militaire laquelle, dans tous les cas, me semble justifiée par la prérogative royale, appuyée sur un article de la Constitution que nous avons cité plusieurs fois.

Vous faites une décoration générale à l'usage de tous les citoyens ; vous dépensez, de ce chef, des sommes plus ou moins considérables, sans l'assentiment de la législature, et vous vous étonnez que nous nous plaignions ! (Interruption.)

Je crois que vous ne désirez pas que nous nous occupions davantage de cette question importante.

- Des membres. - Elle n'est pas importante.

M. Coomansµ. - Il me semble pourtant qu'elle offre un certain intérêt et que tout ce qui touche aux prérogatives de la législature ne devrait pas nous trouver indifférents. Quant à moi, je désire que des actes de ce genre n'obtiennent pas l'assentiment des Chambres, et je maintiens la protestation que j'ai formulée.

MiPµ. - Il faut avouer que s'il y a réellement des critiques qui ont été adressées à l'ordre civique, elles sont bien anciennes, car M. Coomans, qui ne s'est pas fait faute sans doute de feuilleter les Annales parlementaires, a dût remonter jusqu'en 1841 pour en rencontrer. (Interruption.)

Or, toutes les décorations qu'on a remplacées par la décoration civique sont postérieures à 1841 ; les recherches de M. Coomans confirment qu'elles ont été admises sans objection.

Ce que nous avons affirmé est donc exact.

Quant à la décoration spéciale dont a parlé M. Coomans, je comprends parfaitement qu'elle ait été critiquée Et en effet la Constitution dispose que les ordres militaires ne peuvent être créés que par une loi ; mais elle ne parle pas des ordres civils.

M. Coomansµ. - Des chevrons non plus.

MiPµ. - C'est possible ; si les chevrons ne constituent pas un ordre, l'objection tombait, mais je dois donc constater que le cas prêtait à une critique qui ne peut atteindre la décoration civique ; celle-ci étant purement civile, ne serait pas au même titre qu'une distinction militaire qu'on pouvait, en l'assimilant à un ordre militaire, déclarer être du domaine de la loi.

Mais, je le répète, le point important, c'est que le renseignement qu'apporte M. Coomans remonte à une époque antérieure à l'institution des médailles dont il s'est agi dans la séance d'hier.

M. Coomansµ. - Permettez-moi de faire remarquer que les objections de 1841 étaient beaucoup moins fondées que les nôtres, puisqu'elles s'appliquaient à une chose de moindre importance ; les chevrons n'étaient changés en croix que pour une seule catégorie de militaires, pour les sous-officiers, et j'avoue qu'à cette époque, je n'aurais pas réclamé contre cette mesure purement administrative. M. Delfosse et les autres honorables membres qui ont trouvé cette mesure inconstitutionnelle se sont montrés, d'après moi, peut-être trop chatouilleux sous ce rapport.

(page 1134) Mais aujourd'hui, soyons de bon compte, vous avez voulu poser un acte plus grave que celui dont il s'agissait en 1841. (Interruption.)Maïs évidemment, vous instituez une décoration civique applicable à tous les citoyens belges ; la solennité avec laquelle vous l'avez introduite dans le pays prouve parfaitement votre intention.

L'arrêté royal pris par le ministre de la guerre de 1841 n'avait pas même été inséré au Moniteur ; le ministre s'était borné à l'insérer dans le journal militaire ; on lui en a fait les reproches les plus vifs.

Et il me semble évident que si les honorables orateurs de 1841 avaient raison, et beaucoup d'entre vous le nieront difficilement, s'ils avaient raison de se plaindre de l'acte du gouvernement de cette époque, nous avons doublement raison de nous plaindre puisque s'il y a une différence elle existe en notre faveur, c'est-à-dire en défaveur du gouvernement.

- L'article est adopté.

Chapitre X. Légion d’honneur et croix de fer

Articles 50 à 51

« Art. 50. Pensions de 250 francs en faveur des légionnaires et des décorés de la croix de Fer peu favorisés de la fortune ; pensions de 250 francs aux blessés de septembre dont les droits auront été reconnus avant le 1er novembre 1864 ; subsides à leurs veuves ou orphelins, charge extraordinaire : fr. 200,000.

« La somme qui, par suite des décès survenant parmi les pensionnés, deviendra, pour chaque exercice, sans emploi, sur le crédit de 200,000 francs, sera affectée :

« 1° A desservir de nouvelles pensions ;

« 2° A porter à 125 francs les pensions des veuves ;

« 3° A augmenter les pensions des décorés de la croix de Fer et des blessés de septembre non décorés, jusqu'à ce qu'elles atteignent le chiffre maximum de 1,200 fr. ;

« 4° A augmenter les pensions des veuves de décorés de la croix de Fer et de blessés de septembre, proportionnellement à l'augmentation qui sera accordée aux décorés et blessés, jusqu'au chiffre maximum de 400 francs. »

- Adopté.


« Art. 51. Subside au fonds spécial des blessés de septembre et à leurs familles, charge extraordinaire : fr. 22,000. »

- Adopté.

Chapitre XI. Agriculture

M. de Macarµ. - Je désire entretenir la Chambre d'une question des plus intéressantes pour l'agriculture et qui, l'année dernière, a été soulevée à l'occasion de crédit destiné à indemniser les distillateurs de Hasselt. Je voudrais voir admettre en principe l'institution préconisée alors, d'un fonds spécial d'agriculture destiné à indemniser les propriétaires de bétail en cas de perte par suite de maladie ou d'accidents.

Il s'agit, dans ma pensée, non de secours nouveaux à fournir par le trésor, qu'il allégerait au contraire en certaines circonstances, mais bien d'une vaste société d'assurance mutuelle placée sous la tutelle du gouvernement, administrée avec son concours etd ont les fonds seraient recueillis par les agents du département des finances, au même titre que tout autre impôt.

Je m'expliquerai tout à l'heure sur les détails d'exécution de la mesure. Permettez-moi d'abord d'essayer de vous démontrer son utilité et je veux le déclarer de suite, l'institution d'un fonds d'agriculture sera plus profitable aux petits qu'aux grands.

Messieurs, une des causes les plus fréquentes de gêne, de ruine même pour le petit cultivateur, c'est la perte de son bétail.

Ce bétail constitue son fonds de roulement. C'est la partie réalisable de son avoir, partie indispensable à sa culture, mais qui, cependant, dans des moments de crise ou par suite de pertes imprévues, de sinistres, doit parer aux premières difficultés et permettre d'attendre des temps meilleurs. C'est sur ce bétail que se fonde l'espoir de quelque amélioration de position, de quelque douceur pour la famille du propriétaire.

On comprend qu'il soit soucieux de ce capital. Un rien peut le compromettre, et, en cas de perte, que de privations à s'imposer pour le racheter si tant est que la chose soit possible !

Et cependant, de combien de dangers il est menacé ! Les maladies contagieuses ordinaires ; le typhus, la pleuropneumonie, les maladies exotiques, le rinderpest dont, grâce aux excellentes mesures de l'ancien ministre de l'intérieur, nous n'avons eu à déplorer l'influence que dans des proportions moindres que dans d'autres contrées et qui pourtant a laissé des traces profondes dans le pays ; enfin, les chances de perte par suite de maladies ou d'accidents.

Que fait donc le petit cultivateur à la moindre inquiétude ? Et notez-le messieurs, c'est la classe la plus nombreuse, elle augmente chaque jour. Il vend et il vend d'autant plus vite qu'il a un bétail meilleur, puisque naturellement meilleur est le bétail, plus considérable est le capital exposé. Résultat doublement déplorable, déplorable pour le vendeur qui sous l'influence de sa frayeur vend du bon pour racheter du médiocre, même du mauvais. Déplorable pour le pays, qui se trouve exposé à toutes les chances d'une propagation rapide de la contagion dès son apparition et dont les races, faute de persistance et par l'existence de sujets défectueux dans le plus grand nombre d'étables, ne peuvent s'améliorer.

On peut conclure très positivement de cet état de choses :

1° Qu'il contribue plus que toute autre cause à la propagation rapide des maladies contagieuses ;

2' Qu'il forme l'obstacle le plus sérieux à l'amélioration des races.

Il serait bien désirable, tout le monde l'admettra, de faire cesser ces défiances, ces craintes dont souffrent à la fois l'intérêt particulier et l'intérêt général.

Messieurs, jusqu'à ce moment, bien que les préoccupations que je viens de signaler existassent chez beaucoup de ceux qui connaissent la situation de l'industrie agricole, bien qu'elles fussent notamment partagées par le conseil supérieur d'agriculture, on n a pas trouvé le moyen ou plutôt, on n'a pas osé employer le moyen qui devait parer sérieusement à l'état de choses existant.

On s'est beaucoup occupé de la question ; on a tenté bien des choses, mais les moyens employés n'ont été que des palliatifs dont le sinistre de l'an dernier a démontré l'insuffisance et l'inefficacité. J'ai voulu me rendre compte, messieurs, de ce qui a été proposé ou fait en Belgique, à propos du fonds d'agriculture. Permettez-moi de vous faire l'historique de la question ; il démontrera tout au moins l'extrême importance qu'à toutes les époques on y attachait.

Le fonds d’agriculture. Séance du 13 février 1845

C'est pendant la session de 1844-1845 que la question des indemnités à payer pour bestiaux abattus en suite de maladies contagieuses paraît pour la première fois, je pense, devant les Chambres. Lors de la discussion du budget de l'intérieur, le gouvernement proposa de payer un tiers de la valeur des chevaux et bestiaux abattus pour cause de maladies contagieuses, et les Chambres approuvèrent cette proposition, qui consacrait un principe nouveau.

Le gouvernement déclarait en même temps que c'était la crainte qu'inspirerait, selon lui, au pays la présentation d'un projet de loi instituant un fonds d'agriculture sur de très vastes bases parce que ce but de l'impôt à prélever pourrait être méconnu ou dénaturé, il présenterait un tel projet et le Moniteur du mois de février contient un projet de loi préparé (mais non présenté) dans ce but. L'honorable M. de Man d'Attenrode combattit très énergiquement cette abstention du gouvernement, acte de faiblesse coupable dans son opinion.

Le 22 mai 1845, M. le ministre de l'intérieur, en rappelant dans une circulaire aux députations permanentes la décision prise par le législateur, engageait ces corps à soumettre aux conseils provinciaux la question de savoir s'il ne serait pas utile de compléter l'indemnité accordée par l'Etat, en la portant aux deux tiers de la valeur des animaux abattus.

Le gouvernement ne pouvant aller au delà du tiers voté, le complément de l'indemnité, soit le deuxième tiers, devait être formé soit :

1° Par l'allocation aux budgets provinciaux d'une somme suffisante.

2" Ou par le rétablissement de taxes provinciales.

3° Ou par la formation de sociétés d'assurances mutuelles.

Dans sa session de 1846, le conseil supérieur d'agriculture fut à son tour saisi du projet de créer un fonds d'agriculture. Une commission présidée par M. F. de Pitteurs-Hiegierts proposa par l'organe de son rapporteur, M. de Mévius, de créer un fonds destiné à réparer let pertes que l’agriculture est exposée à faire en animaux domestiques tic, par tuile d'épizootie ou de maladies contagieuses, et ce à l'aide d'une taxe ou impôt de capitation sur les différentes espèces d'animaux. (Voir Bulletin du conseil supérieur d'agriculture, tome I (1847) page 42.)

(page 1135) Cette taxe devait être établie en proportion directe des chances malheureuses ; ainsi chez les distillateurs, herbagers, engraisseurs, rouliers, entrepreneurs de voilures publiques, grandes bergeries, partout enfin où l'agglomération d'un grand nombre d'animaux présente plus de chances de maladies contagieuses que chez l'agriculteur proprement dit, la taxe devait être augmentée en raison des chances. (Voir Bulletin du conseil supérieur d'agriculture, tome I, page 52.)

Cette proposition fut développée dans le rapport adressé par le conseil à M. le ministre, après la session de 1846 du conseil supérieur et signée de MM. Dubus de Gisignîes, président et Bellefroid, secrétaire.

En 1860, la question a été portée de nouveau au conseil supérieur d'agriculture à propos des sociétés d'assurances à prime, contre les pertes résultant de la mortalité du bétail, lesquelles stipulaient que l'indemnité payée à l'aide du fonds d'agriculture leur revenait intégralement. (Rapport de M. Verheyen au conseil supérieur d'agriculture, session de 1860.)

M. S. Verheyen, rapporteur, se prononça contré le principe de l'assurance à primes fixes ; il émit ainsi l'opinion que les institutions provinciales ou gouvernementales de l'espèce ne pouvaient échapper à la ruine dans un temps donné, et notamment dans le cas d'invasion de la peste bovine ou de toute autre épizootie très meurtrière. Le rapporteur citait comme exemple la Hollande, où le fonds d'agriculture, institué en 1799, devint insuffisant pendant les ravages de la pneumonie bovine de 1833 à 1842, et fut supprimé définitivement. M. Verheyen se prononça en faveur des sociétés d'assurances mutuelles, et conclut en proposant :

1° D'empêcher que les sommes payées par le trésor pour indemnités d'animaux abattus soient versées directement aux sociétés.

2* D'encourager les associations mutuelles quand elles auront soumis leurs statuts au gouvernement.

3° De ne plus autoriser la constitution de sociétés à primes.

4° D'abandonner au gouvernement les moyens légaux qu'il croira devoir adopter afin de réaliser ce triple but.

L'honorable rapporteur, on le voit, combattait la mesure moins en principe qu'au point de vue de son application et de certaines éventualités.

En 1862 la question des assurances revint devant le conseil provincial du Brabant. Dans la séance du 2 juillet 1862, M. de Cock déposa une proposition ayant pour but l'institution d'un fonds d'agriculture destiné à indemniser les propriétaires de bestiaux abattus pour cause de maladie contagieuse. Ce projet excluait du bénéfice de l'assurance les porcs et les moutons, dont les maladies, dit l'auteur, se déclarent avec une violence telle, que l'on n'a pas le temps de procéder aux formalités requises avant l'abattage.

De 1862 à 1865 on ne s'est plus occupé du fonds d'agriculture, mais l'apparition de la peste bovine a de nouveau attiré, on le comprend, l'attention sur les institutions ayant pour but de couvrir les pertes résultant de la mort ou de l'abattage des animaux.

En fait, messieurs, les institutions de l'espèce sont connues en Belgique.

En 1838, la Flandre orientale avait institué un fonds d'agriculture. Le succès ne couronna pas cette création ; dès la deuxième année, les fraudes et les frais élevés des contestations et expertises élevaient les indemnités payées à une somme telle, qu'il fallut sextupler la taxe. Ces abus avaient leur origine dans de mauvaises dispositions réglementaires, on ne chercha pas à les modifier, et le fonds d'agriculture fut supprimé.

En 1861 cependant, sur la demande de la Société Agricole, dont l'honorable président siège encore dans cette enceinte, le fonds fut rétabli ; mais en suite de plaintes portant principalement sur la complication des formalités à remplir pour obtenir l'indemnité, sur le petit nombre de maladies donnant droit à cette indemnité, et sur les abus qui se produisaient de nouveau, etc., etc., il fut procédé à une enquête qui amena la suppression du fonds d'agriculture par résolution du conseil provincial en date du 13 juillet 1865. (Conseil provincial de la Flandre orientale. Séance du 13 juillet 1865.)

La Flandre occidentale avait créé la même institution en 1838, et soit que le règlement ait été mieux combiné, ou que l'application en ait été faite avec plus de discernement que dans la Flandre orientale, le fonds d'agriculture a pu se maintenir et payer toutes les indemnités, tout en se créant une réserve qui, dès 1857, atteignait un chiffre de 414,645 fr. 33 c, qui aujourd'hui s'élève à celui de 566,280 fr. 41 c. D'après une lettre que j'ai sous les yeux et qui émane de l'honorable et intelligent secrétaire de la commission provinciale d'agriculture de la Flandre orientale, le produit annuel de la taxe varie de 40,000 à 43,000 fr. ; les dépenses payées pour indemnités balancent entre 15,000 et 20,000 fr., elles atteignent rarement ce dernier chiffre. Le fonds supporte en outre toutes les dépenses d'encouragement en faveur de l'agriculture ; il paye de ce chef environ 15,000 fr. par an.

De nombreuses caisses d'assurances existent en Prusse, oh elles sont organisées, les unes par les administrations communales à l'aide d'une taxe de capitation, les autres, par les cultivateurs eux-mêmes sous forme d'assurances mutuelles. Toutes sont également prospères, mais les caisses mutuelles présentent l'inconvénient de fixer à un taux élevé la prime d'assurance, à cause du petit nombre d'associés qui les forment, on paye de 5/6 à 1 1/5 p. c. sur la valeur des bestiaux assurés, obstacle presque absolu. (Voir Annales de Médecine vétérinaire de Belgique, livraison de novembre 1865, page 629.)

En Suisse, il existe, depuis bientôt 100 ans, une institution qui permet d'indemniser les cultivateurs de la perte subie par la mort de leurs bestiaux, soit pour cause de maladie contagieuse, soit par le fait d'autres maladies ou d'accidents.

Sous l'influence des gouvernements cantonaux, on a nommé dans chaque commune un inspecteur, délégué du maire, qui doit délivrer, pour chaque animal qui sort de la commune, un certificat de santé attestant qu'il n'existe pour le moment dans ladite commune aucune épizootie ou enzootie dans ladite commune. S'il existe une maladie de ce genre, aucune bête ne peut sortir de la commune que pour aller à la boucherie et, dans ce cas, il faut un certificat d'un autre genre et d'autres formalités.

Pour obtenir un certificat, le propriétaire paye à l'inspecteur 20 centimes dont la moitié appartient à l'inspecteur, et le reste est versé à la caisse du canton. C'est de cette ressource, en apparence faible, qu'on indemnise les propriétaires qui perdent un animal conformément aux prescriptions et qu'il est même possible d'allouer des crédits extraordinaires pour l'assainissement des étables des pauvres cultivateurs, pour aider à des travaux de drainage, etc., etc.

Messieurs, nous nous trouvons en ce moment en Belgique dans des conditions meilleures qu'à aucune autre époque pour réaliser cette fois complètement l'œuvre prudemment tentée et qui, je viens de le démontrer, a partiellement réussi parfois. Nos cultivateurs ont tous été frappés du danger imminent que créait pour le bétail l'invasion de la peste bovine ; ils accepteraient aujourd'hui avec reconnaissance pour la plupart, telle est ma conviction, l'obligation de l'assurance ; mais le danger passé, les craintes se calmant, s'oubliant même, d'autres préoccupations pourront reprendre plus d'empire, car, remarquez-le bien, la mesuré est incontestablement plus profitable au petit cultivateur qu'au grand, et en présence de l'insuffisance de l'enseignement agricole, c'est de cette dernière classe surtout que part presque exclusivement ce que je n'ose encore affirmer, mais ce qui deviendra, et je le souhaite, le mouvement agricole.

Messieurs, je vais exposer en quelques mots les principes généraux que je voudrais voir mettre en pratique pour l'institution d'un fonds d'agriculture, ou, pour mieux dire, d'une société générale d'assurance du bétail.

Un impôt, il devrait probablement n'être que de quelques centimes, serait établi sur chaque tête de bétail.

Pour donner une idée des chiffres, je citerai les chiffres du règlement nouveau proposé dans la Flandre occidentale, où, ainsi que je viens de le dire, il existe un encaisse de 566,000 fr. 65 c.

« a. Soixante-cinq centimes par chaque cheval de diligence, de poste, de louage et de roulage.

« b. Cinquante-cinq centimes par chaque cheval employé à tons autres services.

« c. Dix centimes pour chaque poulain ayant moins d'un an.

« d. Trente centimes par chaque vache laitière.

« e. Trente centimes par chaque bœuf d'âge.

« f. Vingt centimes par chaque bœuf de moins de trois ans et par chaque génisse.

« g. Dix centimes par chaque bête à cornes de moins d'an

« h. Quatre centimes par chaque mouton.

« i. Vingt centimes par chaque mulet.

« j. Dix centimes par chaque âne. »

Le produit de cet impôt, ajouté au fonds actuel d'agriculture, serait réparti par province, à concurrence du produit de la taxe dans chaque province.

Dans chaque province, il y aurait un comité qui peut-être serait le (page 1136) conseil provincial d'agriculture, peut-être une commission spéciale nommée par la députation et le conseil provincial d'agriculture.

Ce comité serait appelé à déterminer le taux de la capitation à exiger soit par province, soit même par partie de province, en raison des chances de pertes qui y existent. Evidemment la province de Liège devrait s'imposer davantage que le Luxembourg.

L'indemnité serait allouée à concurrence des 3/4 ou des 4/5 maximum de la valeur de l'animal, valeur à déterminer par une expertise.

Cette expertise pourra être faite soit par les vétérinaires du gouvernement, soit par des experts jurés nommés dans chaque canton et toujours révocables par le comité provincial. Ces experts obtiendraient une indemnité qui serait à servir, une fois pour toutes, d'après les distances. L'adjonction d'un membre du conseil communal pourrait offrir quelque avantage ; il importe toutefois de ne pas tomber dans le mal qui existe aujourd'hui, l'exagération des évaluations des animaux atteints.

La taxe à payer devrait être différente pour les agriculteurs et pour les distillateurs et engraisseurs, d'après les chances différentes de mortalité bien connues qui existent entre les diverses industries agricoles.

Quelle que soit la cause du mal, l'indemnité sera payée à moins de négligence grande ou de fraude constatée du propriétaire. Ceci est du reste peu à prévoir, le montant de l'indemnité n'étant que les 4/5 au maximum. Une perte est toujours subie, dans cette hypothèse, par les propriétaires. Rien n'empêcherait de déterminer un maximum de. prix à attribuer à chaque catégorie de bétail.

Les sommes demeurées disponibles (l'excédant de l'impôt d'assurance sur les payements effectués) formeront un fonds de réserve destiné à parer aux calamités exceptionnelles. Une somme à déterminer étant atteinte, le montant de la capitation pourra être progressivement diminué sans entraves, et même le revenu être employé à des besoins exclusivement agricoles.

Le recensement devra se faire chaque année par les soins des autorité» locales, lesquelles devront être averties le plus tôt possible, et en tout cas, dans un délai déterminé, des changements, des ventes ou acquisitions qui auront été faites.

Cette mesure, du reste, est, à d'autres points de vue, réclamée par diverses commissions d'agriculture ; elle a été faite dans diverses communes de la province de Liège.

Messieurs, le» idées que je lance dans le débat, et qui au reste ne sont pour la plupart pas nouvelles, sont sans doute susceptibles d'amendements et d'améliorations nombreuses ; les commissions d'agriculture, les sociétés d'agriculture pourront être consultées avec fruit ; elles feront mieux, j'en suis certain. Je ne veux que démontrer que la mesure proposée est réalisable et pratique. Si le principe est admis, le département de l'intérieur saura parfaitement les appliquer.

L'important, en un mot, est donc l'admission en principe d'un fonds d'agriculture. Le règlement à formuler coûtera sans doute quelque peine aux directeurs de la division d'agriculture ; mais il se fera, et se fera bien, je n'en doute point.

Messieurs, je ne me le dissimule pas, diverses objections ne peuvent manquer de se produire.

L'Etat, dira-t-on, ne doit pas s'immiscer dans les intérês» particuliers en forçant les cultivateurs à faire de l'épargne ; le rôle du gouvernement doit se borner à provoquer la création de sociétés d'assurances mutuelles.

Messieurs, y a-t-il réellement immixtion ? La mission de l'Etat dans l’espèce ne tend en réalité qu'à rendre possible une vaste association. Quelle influence exorbitante peut-il en résulter pour lui ? Et à le prendre comme question d'impôt, pourquoi cet impôt serait-il moins légitime que tout autre, du moment que l'Etat reconnaît, ce qu'il fait actuellement, qu'il y a lieu, dans l'intérêt général, d'indemniser des pertes de bétail dans certaines circonstances. Certainement le principe actuel serait un peu étendu, mais au fond il reste le même.

Que l'on ne perde pas de vue, au reste, qu'il y a en jeu une question d'intérêt général considérable.

L'épizootie de 1867 (le bétail est un des éléments principaux de la richesse nationale) est la preuve la plus palpable du fait que l'intérêt général est en jeu.

Supposons un instant que les pertes faites à Hasselt eussent été subies dans la moitié du pays, à quelle somme énorme se fût élevée le montant de l'indemnité ! Et cependant le principe étant admis, il eût fallu satisfaire à toutes les exigences de la situation.

N'exagérons pas, au reste, cette crainte de l'intervention de l'Etat. L'Angleterre, que l'on met si souvent en cause lorsqu'il s'agit de self-government, n'a pas hésité, lorsque les circonstances l'ont exigé, d'intervenir en faveur de l'agriculture. Le bill de l'an dernier sur la peste bovine en est un récent exemple. En 1846, le gouvernement anglais prêta aux propriétaires 75 millions de francs, remboursables par annuités, pour travaux de drainage.

Quant aux sociétés d'assurances particulières, elles sont peu réalisables. La prime doit être trop élevée pour qu'elle soit accessible à tous. Les frais d'administration, d'expertise, de recouvrement de la prime, absorbent une trop grande partie des ressources.

Pour l'Etat, les frais généraux sont peu considérables. Les receveurs des contributions, les vétérinaires du gouvernement, les administrations communales, peuvent en très grande partie accomplir la besogne et, notez-le, l'exagération des honoraires réclamés par quelques vétérinaires a été pour quelque chose dans la liquidation forcée des sociétés d'assurances pour le bétail.

Les sociétés d'assurances particulières ont jusqu'ici mal réussi. Celles qui existaient ont dû liquider ou tout au moins cesser le genre d'affaires dont il s'agit. Ces sortes d'opérations, en effet, n'ont de chances de succès que réalisées sur une vaste échelle. Elles inspirent au reste extrêmement peu de confiance aux agriculteurs, en ce moment, et non sans cause.

L'Etat, au contraire, est de tous les financiers de Belgique celui qui offre le plus de certitude et qui, sans aucun doute, s'est acquis le plus de confiance. M. le ministre des finances peut, sous ce rapport, être fier de ce qui est.

Or, dans le genre d'opérations dont je parle ,vous n'ignorez pas quel rôle important joue la question de confiance.

Remarquez encore qu'il faut que le cultivateur qui a fait une perte reçoive immédiatement l'argent nécessaire au remplacement de son bétail. L'Etat seul, avec son organisation financière complète, peut réaliser cet avantage ; il est très important que ce remplacement soit effectué sans délai, sans quoi l'économie de la petite exploitation rurale sera forcément momentanément compromise.

On objectera peut-être que la taxe de capitation sera un nouvel impôt, et l'on se plaint déjà que l'agriculture soit surchargée.

Messieurs, la taxe ne serait réellement pas un impôt, mais une forme particulière de l'épargne. La seule chose à désirer, c'est que l'on puisse faire comprendre au cultivateur que sa prime d'assurance reste sa propriété, destinée à refaire son capital à un moment donné, à un moment critique où son crédit est d'autant plus menacé, qu'il a moins de garantie à offrir. Je crains peu, du reste, cette objection. Grâce à nos sociétés agricoles, grâce à la diffusion des lumières qu'elles provoquent par leurs réunions, leurs concours, leurs journaux, grâce à cette sorte de mixtion qu'elles opèrent entre les diverses classes de la société, propriétaires et fermiers, agriculteurs et cultivateurs, riches et pauvres, presque tout ce qui s'occupe d'agriculture, toute question de détail et d'application mise à part, serait bientôt édifiée sur le mérite de l'institution à réaliser.

La question, en outre, touche à un point qui a toujours obtenu, messieurs, la sollicitude et de la Chambre et du gouvernement : l'amélioration du sort des classes nécessiteuses. Ce n'est pas peu de chose pour cette classe si nombreuse des petits cultivateurs, pour le paysan que la certitude que son petit pécule, représenté par une ou deux têtes de bétail, ne sera pas du jour au lendemain anéanti. Quand on arrive aux limites de la misère, un pas, un seul pas dans l'ornière change du tout au tout la position d'une famille. Entre la vie dure, sans doute, du prolétaire et la misère, il y a de poignantes différences : l'une, c'est la vie par le travail, sans doute parfois pénible et sévère, mais c'est l'indépendance relative, c'est l'honorabilité ; l'autre, c'est la vie par la commisération d'autrui, c'est la triste et dégradante, quoi qu'on en dise, position de la mendicité.

Vous, messieurs, qui habitez les campagnes, combien de fois n'avez-vous pas été frappés de ces vérités lorsque l'on vous a présenté l'une de ces listes de souscriptions destinées à racheter la vache, le bétail de ces malheureux et que vous avez vu ces certificats des bourgmestres attestant à la fois l'honorabilité parfaite et la misère complète où est tombé le postulant.

Ce que je propose, messieurs, c'est l'épargne, l'économie, la prévoyance garantissant une position honorable, et si même l'Etat devait peser un peu dans la balance pour que ce résultat fût obtenu,, les principes théoriques absolus du laisser faire et du laisser passer seraient, à mon sens, de bien faibles, de bien mauvais obstacles, pour empêcher un résultat véritablement démocratique et, selon moi, énormément utile.

(page 1137) J'ai dit, messieurs, et en présence de l'attitude prise l'an dernier par la section centrale, en présence des dispositions honorables récemment manifestées dans cette Chambre, je ne désespère pas, je l'avoue, d'une solution favorable.

Je ne demande pas, cela va de soi, à l'honorable ministre de l'intérieur une décision instantanée, mais je lui demande très instamment de ne pas se laisser non plus arrêter par quelques difficultés d'exécution, sérieuses sans doute, mais non invincibles, qui ne manqueront pas de lui être objectées. La question est assez grave pour mériter un examen sérieux et approfondi. Si le concours d'une commission spéciale était jugé nécessaire, si peu partisan que soit mon honorable ami de l'institution de ces commissions, j'ose espérer qu'il voudrait bien en nommer une avant d'abandonner une idée qui, je le répète, touche aux intérêts de l'agriculture, à l'intérêt général, à une question d'humanité, toutes choses auxquelles, depuis longtemps, sont acquises, à si juste titre, la sollicitude, la bienveillance de la Chambre et du gouvernement.

MpDµ. - La parole est à M. Julliot.

MiPµ. - Le chapitre de l'agriculture peut soulever plusieurs questions. Il serait bon, je pense, de ne pas les confondre dans la discussion et de vider d'abord la question du fonds d agriculture.

Je demanderai donc si l'intention de l'honorable M. Julliot est de traiter également cette question.

M. Julliotµ. - J'ai l'intention de parler sur l'ensemble du chapitre de l'agriculture.

MiPµ. - Dans ce cas, je demanderai la permission de répondre immédiatement à mon honorable ami M. de Macar.

L'honorable membre a traité, d'une manière approfondie, la question de la création d'un fonds d'agriculture. Il me demande d'examiner avec beaucoup de soin cette question, ce que je ferai bien volontiers, car je reconnais que je n'ai pas encore pu m'occuper de tous les détails de cette matière importante dont il possède si bien tous les éléments.

Cependant, je ne puis m'empêcher de faire dès à présent quelques objections à la proposition qu'a formulée l'honorable membre.

Il faut bien reconnaître, messieurs, que, sous un autre nom, la création d'un fonds d'agriculture ne serait pas autre chose que l'introduction d'un système forcé d'assurances par l'Etat au moyen de l'impôt.

Certes, messieurs, je ne conteste pas du tout que le bétail ne soit, pour le petit cultivateur surtout, une chose d'une extrême importance. La vache du petit cultivateur est souvent l'être auquel il tient le plus, et il arrive souvent qu'on appelle le vétérinaire avec beaucoup plus d'empressement qu'on n'en met à appeler le médecin. Mais cela n'empêche qu'il n'y ait pour le petit cultivateur d'autres choses encore d'une grande valeur : sa maison, par exemple, et sa récolte.

Si donc nous entrions dans le système d'assurer par l'impôt le bétail, ne faudrait-il pas, par une juste conséquence, étendre ce système à toutes les autres choses susceptibles d'être assurées ? Or, ce serait, je pense, ouvrir la porte à une intervention de l'Etat qui pourrait nous conduire très loin et qui offrirait, quant au bétail, au moins autant d'inconvénients qu'appliquée à beaucoup d'autres choses.

Et d'abord, l'honorable M. de Macar reconnaît que les conditions dans lesquelles se trouve le bétail dans les diverses parties de la Belgique sont extrêmement différentes : et qu'ainsi, par exemple, à Hasselt et à Huy, il y a de bien plus grands dangers de contagion que dans le Luxembourg.

Or, il sera extrêmement difficile de mettre un impôt différent sur la vache limbourgeoise et hutoise que sur la vache luxembourgeoise. Si donc la chose était possible, ce serait par des institutions provinciales et communales et non par des institutions gouvernementales qu'il faudrait la réaliser.

Mais ce n'est pas tout ; il y a déjà aujourd'hui de très graves abus dans les indemnités pour bestiaux abattus.

Si vous allez généraliser, il y aura bien plus d'abus.

A quelles conséquences ne serait-on pas arrivé, si le fonds d'agriculture, tel que l'honorable M. de Macar l'a indiqué, avait fonctionné l'année dernière dans le Limbourg ? Il admet l'indemnité sans abattage ; on n'aurait pas été obligé d'abattre pour l'obtenir, et on n'aurait pas abattu.

Pourquoi le budget renferme-t-il des indemnités pour abattage ? pourquoi surtout l'année dernière a-t-on augmenté l'indemnité ? Dans le seul but d'arriver à l'abattage. Nous donnons, dans les temps normaux, une indemnité d'un tiers, parce que nous pouvons espérer qu'avec cette indemnité on fera abattre le bétail affecté de maladie contagieuse. En 1867 le danger était beaucoup plus considérable, on a doublé l'indemnité pour provoquer plus sûrement l'abattage préventif. Si on n'avait pas pris ces énergiques mesures, le fléau se serait propagé peut-être partout, et l'on aurait eu à déplorer partout ce qui est arrivé à Hasselt.

C'est sans doute dans des intentions extrêmement louables que l'on veut faire, intervenir l'Etat là où on trouve des malheurs à déplorer et où la prévoyance individuelle est en défaut. Ces intentions excellentes ont dicté les observations de l'honorable M. de Macar ; il a constaté de nombreux cas où de malheureux cultivateurs étaient complètement ruinés par la perte de leur bétail ; c'est au moyen de l'intervention de l'Etat qu'il veut que cette perte soit réparée. Il faut résister à ces entraînements du cœur ; je crois que l'Etat sortirait de sa mission, s'il entrait dans cette voie. Il faut, messieurs, laisser aux particuliers le soin de se prémunir contre le danger, et il ne faut pas annuler l'activité individuelle, en faisant intervenir la prévoyance de l'Etat pour corriger l'imprévoyance individuelle.

M. Julliotµ. - Messieurs, lors de la discussion du budget de l'intérieur pour 1865, à la séance du 17 décembre 1864, un honorable représentant du Hainaut constata que le chapitre de ce budget qui s'occupe d'agriculture était le plus chargé de dépenses inutiles et que la prétendue protection agricole ne protège rien du tout, mais qu'elle entrave le libre développement des intérêts qu'on veut sauvegarder.

Cet honorable membre fit, entre autres, un procès en forme à la réglementation des reproductions des races chevalines et bovines.

La liberté de l'industrie, disait cet honorable membre, permet à chacun d'employer les machines qui lui conviennent le mieux ; pourquoi n'en est-il pas ainsi quand cette machine est un cheval ou un taureau ?

Depuis que les règlements sont abolis dans la province de Liége, disait-il, les races y sont le plus perfectionnées ; or, s'il en est ainsi, je proposerai, disait l'honorable membre, d'ajouter au libellé : Amélioration de la race chevaline indigène et bovine, dans les provinces où la reproduction des animaux n'est pas gênée par des règlements ; il faudra donc opter entre le subside et le règlement et je pense, moi, que le règlement n'a été inventé que pour conquérir le subside.

D'ailleurs un conseiller de la cour d'appel de Bruxelles a traité cette question dans une brochure où il prouve à l'évidence, que l'atteinte à cette liberté de l'industrie agricole est une infraction à la Constitution, car si la réglementation peut vous obliger à vous servir de tel reproducteur approuvé, elle doit pouvoir vous obliger à semer plutôt telle céréale approuvée que telle autre, et où cela conduit-il, à une atteinte à la propriété, sans indemnité préalable ?

L'honorable député en question a donc retiré son amendement, sous la promesse du ministre de l'intérieur de cette époque de s'occuper de cette affaire.

Je demanderai donc à mon tour à M. le ministre de l'intérieur ce qu'il pense aujourd'hui de l'opinion de l'honorable député du Hainaut, qui a conquis une force qu'il n'avait pas à cette époque et peut lui être d'un grand secours dans cette affaire.

Je sais que la critique est aisée et que l'action est parfois difficile, mais je ne puis admettre qu'on renonce à l'application d'idées justes et vraies, parce qu'on se trouve devant un fait qui n'est autre que l'application d'idées fausses et erronées.

J'espère donc que l'honorable ministre profitera de sa position et fera disparaître cette erreur économique qui nous choque tous les deux.

M. Maghermanµ. - Messieurs, j'avais l'intention de combattre les idées qui ont été émises par l'honorable M. de Macar sur la création d'un fonds général d'agriculture ; les différentes considérations que j'avais l'intention de développer ont été présentées par M. le ministre de l'intérieur, beaucoup mieux que je ne pourrais le faire. Je pense avec l'honorable ministre qu'il faut abandonner cette matière à l'initiative privée. Le gouvernement ne doit pas sans cesse être la providence des administrés.

Un fonds d'agriculture a déjà fonctionné deux fois dans la Flandre orientale, et deux fois on l'a supprimé, à cause des grands inconvénients qu'il offrait.

M. A. Vandenpeereboomµ. - Le fonds d'agriculture fonctionne très bien dans la Flandre occidentale.

M. Maghermanµ. - L'expérience a enseigné que le fonds d'agriculture était entièrement absorbé par certains éleveurs spécialement groupes autour de quelques villes, ainsi que par les distillateurs et les engraisseurs ; les petits cultivateurs en profitaient rarement, et cependant ils contribuaient sur le même pied que ceux qui l'absorbaient, dans la formation de ce fonds.

(page 1138) Cette injustice a frappé tout le monde et le conseil provincial, se rendant à l'évidence, a supprimé pour la seconde fois ce fonds, qui était l'objet d'une réprobation générale ; j'espère qu'il ne se relèvera plus.

Je n'en dirai pas davantage, notre, temps est limité, et nous avons encore deux budgets à voter.

M. Vleminckxµ. - Messieurs, l'honorable ministre de l'intérieur vous a dit la plupart des choses que je me proposais de dire moi-même à propos de la question soulevée par l'honorable M. de Macar ; je n'ai donc que quelques courtes observations à ajouter à celles qu'il vous a présentées.

L'honorable M. de Macar vous a déclaré que les conditions du bétail ne sont pas les mêmes dans tous les provinces ; qu'elles sont autres dans le Limbourg, et autres dans le Luxembourg, par exemple ; il y a bien plus, messieurs, elles ne sont pas les mêmes dans la même province ; il est, en effet, certains industriels que leur intérêt met dans la nécessité de soumettre le bétail aux conditions hygiéniques les plus déplorables, conditions qui doivent engendrer des épizooties, suivies de désastres considérables.

Messieurs, vous vous rappelez ce qui s'est passé l'année dernière à l'occasion de la peste bovine ; vous savez tout ce qui a été dit dans cette enceinte. J'ai eu l'honneur de faire connaître moi-même dans quelle situation se trouvaient, au moment de l'invasion de l'épizootie, les étables de Hasselt ; eh bien, il a été constaté depuis que l'état hygiénique de ces étables était tel, qu'il a fallu en défoncer le sol pour les débarrasser des ordures qui y étaient accumulées.

Joignez à cela les conditions d'engraissement que je vous ai signalées, et vous reconnaîtrez qu'il y avait là des conditions antihygiéniques tellement mauvaises, qu'il était impossible qu'une grande partie du bétail ne fût pas atteinte de temps à autre de maladies très graves, et notamment de la pleuropneumonie dite exsudative.

Si vous aviez un fonds d'agriculture, il profiterait en grande partie aux distillateurs et engraisseurs, car ce sont eux qui subissent, qui doivent subir nécessairement les plus grandes pertes.

Je ne m'oppose pas à ce que l'honorable ministre de l'intérieur examine avec soin la question de savoir s'il faut, oui ou non, constituer un fonds d'agriculture ; mais je crois qu'après avoir pesé les motifs qui militent contre cette institution, il finira par décider qu'il n'y a pas lieu de la créer.

Mais je donne aux cultivateurs, du haut de cette tribune, un autre conseil qui vaut mieux que la création d'un fonds d'agriculture : qu'ils établissent leurs étables dans des conditions hygiéniques convenables ; qu'ils donnent à leurs animaux un air toujours pur à respirer et ils auront fait plus en faveur de leurs intérêts, que ne pourrait faire la mesure que l'honorable M. de Macar vous a préconisée.

M. Vander Doncktµ. - Messieurs, j'ai été témoin, à deux reprises différentes, de la suppression du fonds provincial dans la Flandre orientale. Ainsi que vient de le dire l'honorable M. Vleminckx, il y a des intérêts différents dans une même province. Quand l'intérêt favorable à l'institution d'un fonds d'agriculture était en majorité au conseil provincial de la Flandre orientale, il faisait décréter l'institution ; mais l'institution était reçue, en général, dans la province avec la plus grande répugnance, parce que cette association forcée entre des éléments aussi disparates et des intérêts aussi opposés avait pour résultat un impôt forcé au détriment de l'agriculture et au profit des distillateurs, des propriétaires de chevaux de vigilantes, des marchands de bétails et autres intrigants de cette espèce. Cet impôt était payé par les petits vachers et par les petits cultivateurs qui tiennent leur bétail dans des conditions d'hygiène parfaite, pour indemniser les diverses catégories susnommées qui engraissent leurs bêtes à cornes dans les conditions les plus insalubres et les plus malsaines.

C'était là ce qui indignait le plus nos populations. Eh bien, messieurs, après les deux ou trois ans que le fonds d'agriculture a existé, les plus grands partisans de cet impôt, en présence des injustices flagrantes et incontestables qui résultaient de son application, se sont empressés de se désister de leurs prétentions, et par une décision presque unanime du conseil provincial le fonds a été supprimé.

Mais, par l'influence de certains partisans de ce fonds, y compris plusieurs vétérinaires marchands de bétail, engraisseurs et distillateurs, quelques membres revenaient à la charge et on changeait le règlement, aux vices duquel on attribuait tout le mal, et cinq ou six ans après avoir été aboli, le fonds était rétabli par le conseil provincial.

Ce fonds, je le répète, soulevait l'indignation, l'aversion de nos populations et donnait lieu aux réclamations les plus vives. Mais il fallait s'y soumettre ; on s'y soumit donc, mais peu d'années après et malgré ce que disent les partisans de ce fonds, qui prétendent qu'il existe dans la Flandre occidentale avec l'assentiment des cultivateurs, ce que je conteste, les injustices et les nombreux abus auxquels son existence donnait lieu ont amené le conseil provincial à le faire supprimer nouveau, une bonne fois, pour n'y plus revenir.

Si ce fonds était facultatif dans la Flandre occidentale, il ne durerait pas un mois. Tous les cultivateurs s'empresseraient de se retirer parce que, comme je le disais tout à 1 heure, les petits cultivateurs payent l'impôt uniquement dans l'intérêt des indemnités à accorder aux grands cultivateurs et distillateurs qui engraissent leurs animaux et qui les tiennent dans la situation que vient de vous dépeindre l'honorable M. Vleminckx.

Laissez donc aux cultivateurs un peu de liberté, les compagnies d'assurances sont là pour ceux qui veuillent se faire assurer.

J'espère donc que le gouvernement ne commettra pas la faute dans laquelle on veut l'entraîner et ne rétablira pas l'impôt odieux dont nous nous occupons. .

Voilà, messieurs, quelle est la portée de mes observations.

J'ai dit.

M. Hymans, rapporteurµ. - En ma qualité de rapporteur de la section centrale, je suis obligé de répondre deux mots aux observations présentées par l'honorable M. Vander Donckt et par l'honorable M. Magherman, qui ont dit que l'organisation d'un fonds d'agriculture avait rencontré, à toutes les époques, une grande opposition dans la Flandre occidentale et n'avait réussi nulle part.

C'est une grande erreur.

La section centrale du budget de l'intérieur a été chargée, l'année dernière, de faire un rapport sur le crédit demandé pour faire face aux dépenses nécessitées par les ravages de l'épizootie.

C'est l'honorable M. Thonissen qui a fait le rapport sur ce crédit et la section centrale a exprimé le vœu de voir rétablir le fonds d'agriculture sur les bases de la loi du 6 janvier 1816. L'honorable ministre de l'intérieur de cette époque, sans approuver d'une manière absolue l'idée qui lui était soumise, promit d'examiner la question. Et la section centrale l'ayant soulevée de nouveau à l'occasion du budget de l'intérieur, elle fut unanime pour engager le gouvernement à conseiller aux administrations provinciales d'entrer dans la voie où le conseil provincial de Bruges a obtenu, quoi qu'en disent et l'honorable M. Magherman et l'honorable M. Vander Donckt, de magnifiques résultats.

Chargé de faire le rapport au nom de la section centrale, je me suis adressé au gouvernement provincial de Bruges et voici les renseignements que j'ai obtenus.

La taxe provinciale est établie sur les chevaux, sur les bêtes à cornes et les moutons en vertu de diverses résolutions du conseil provincial qui toutes ont été approuvées par des arrêtes royaux, dont les deux derniers ont été signés par l'honorable M. Vandenpeereboom.

Les indemnités payées par cette caisse s'élèvent annuellement de 20,000 à 30,000 francs.

La taxe produit aujourd'hui une moyenne de 40,000 fr. par an et l'encaisse disponible du fonds provincial de la Flandre occidentale s'élève en ce moment à 566,280 fr. 41 c. C'est évidemment là un fond à l'aide duquel on peut parer, je ne dirai pas à toutes les éventualités, parce qu'il peut se présenter des circonstances tout à fait extraordinaires, mais tout au moins à des épidémies qui n'ont pas la gravité de celle qui a éclaté dernièrement.

On ne paye pas, comme le disait tout à l'heure l'honorable ministre de l'intérieur l'intégralité de la valeur du bétail abattu ; on ne paye que les deux tiers et le fonds provincial intervient pour les deux tiers de ce chiffre, et le gouvernement pour le reste.

La section centrale a naturellement exprimé à l'unanimité le vœu que le gouvernement voulût bien engager les administrations provinciales à porter leur attention sur cet objet.

Il est évident qu'il n'y a pas moyen d'établir une taxe générale et uniforme pour toutes les provinces en pareille matière.

Dans les provinces où se trouvent établies un grand nombre de distilleries, les dangers sont beaucoup plus grands que dans les provinces exclusivement agricoles. La taxe doit être plus élevée en raison du danger que courent les cultivateurs.

Je pense, messieurs, pouvoir m'en tenir à ces observations qui répondent, me semble-t-il, à celles qu'ont présentées les honorables MM. Vander Donckt et Magherman.

MiPµ. - Messieurs, l'honorable M. Julliot a rappelé un discours que j'ai prononcé, il y a quelques années, à propos du haras.

(page 1139) Je dois dire que je n'ai pas le moins du monde modifié mon opinion sur les principes qu'il a rappelés.

Je m'étais alors occupé des mesures et des règlements restrictifs qui existent pour améliorer la race bovine et la race chevaline. J'ai examiné la question dès mon entrée au ministère et j'ai constaté que les avis sont extrêmement partagés sur les mesures à prendre à l'égard de la race bovine.

J'ai profité de ce partage pour essayer de la faire résoudre dans le sens de la liberté.

J'engage les gouvernements provinciaux à faire disparaître les règlements sur la race bovine.

Je suis décidé, pour l'année prochaine, à proposer de supprimer au budget la somme qui sert à faire exécuter ces règlements.

Quant à ce qui concerne la race chevaline, les avis des commissions d'agriculture sont plus favorables au maintien de ces règlements. Je ne désespère pas de voir l'opinion se prononcer aussi pour la liberté, mais je crois qu'en cette matière il vaut mieux procéder lentement et ne pas introduire la réforme avant qu'elle soit mûre.

M. de Naeyerµ. - Plusieurs honorables membres nous ont parlé des avantages de la création d'un fonds d'agriculture, et ils ont insisté beaucoup sur cette considération que, en cas d'épizootie, on pourrait ainsi accorder de plus fortes indemnités aux petits cultivateurs ; mais ils ont oublié d'ajouter qu'il a été parfaitement démontré que ce sont les grands cultivateurs, et surtout les grands industriels agricoles qui ont particulièrement profité de cette institution partout où elle a fonctionné. Quoi qu'il en soit, des faveurs à distribuer, voilà le beau côté de l institution qu'on réclame.

Mais il y a un revers à la médaille : c'est qu'il faudrait commencer par établir un nouvel impôt. Or, je puis vous garantir que l'agriculture n'est pas du tout friande de nouvelles charges ; elle trouve avec raison qu'en fait d'impôts elle en a assez et même trop.

Maintenant, messieurs, pourquoi changer ce qui se fait aujourd'hui ? Dans l'état actuel des choses, on accorde une indemnité en cas d'abattage pour cause de maladie contagieuse, parce qu'il y a là une espèce d'expropriation dans un intérêt public, c'est-à-dire, dans l'intérêt, de l'alimentation publique, qui est bien l'affaire de tout le monde, et ces indemnités se payent sur les ressources ordinaires du trésor public. En vérité, je ne comprends pas les protecteurs de l'agriculture qui nous proposent de changer ce régime, en affectant au payement de ces mêmes indemnités un impôt spécial qui pèserait exclusivement sur l'agriculture. Je suis convaincu que la très grande majorité des cultivateurs diront : Grand merci d'un pareil bienfait ! Le plus grand service que vous puissiez nous rendre, c'est de ne pas le réaliser.

Si j'ai bien compris l'honorable M. Hymans, la section centrale demande seulement que le gouvernement appelle l'attention des autres provinces sur ce qui se fait dans la Flandre occidentale et, à ce qui paraît avec l'approbation des cultivateurs de cette province. S'il ne s'agit que de cela, je n'y vois pas grand inconvénient.

Mais j'ajouterai que cela ne fera pas beaucoup avancer la création du fonds d'agriculture. Ainsi, la province de Brabant s'est déjà occupée longuement de cette question, et elle a trouvé convenable de rejeter la proposition de créer un fonds d'agriculture. Elle a reculé devant de nouvelles charges en présence de résultats très problématiques, et en outre un éminent jurisconsulte de cette assemblée, l'honorable M. Barbanson, aujourd'hui sénateur, a soutenu que l'impôt qu'on voulait établir violait ouvertement la Constitution.

Je crois donc que l'accueil qui sera fait au fonds de l'agriculture ne sera pas très satisfaisant pour les partisans de cette institution.

Quant à la Flandre orientale, l'honorable M. Hymans est dans l'erreur quand il croit que les faits avancés par l'honorable M. Magherman et par l’honorable M. Vander Donckt sont inexacts.

Il est parfaitement vrai que cette institution a été deux fois établie et deux fois supprimée dans cette province, après avoir fonctionné pendant très peu de temps, parce que la grande majorité a été frappée des immenses inconvénients, des injustices qui en résultaient. Comme vous l'a très bien dit l'honorable M. Vleminckx, les chances de maladies varient d'après le système d alimentation qui est usité dans les différentes localités. Ainsi dans la Flandre orientale, il y a des cantons qui sont pour ainsi dire constamment visités par la pleuropneumonie et ceux-là recevaient presque tous les bénéfices de l'association forcée tandis que le fardeau pesait également sur les autres.

Tout le monde a été frappé de cette injustice et l'on a dit : Nous ne voulons plus de cette institution. Et je suis certain qu'après deux essais malheureux, on aura le bon sens de ne pas en faire un troisième.

Quant à la Flandre occidentale.il paraît que le fonds d'agriculture a pu y fonctionner sans trop de réclamations, parce que le système d'alimentation du bétail est à peu près le même dans toute la province. L'engraissement s'y fait en plein air dans les prairies ; il y a moins de chances de maladies.

Je crois que c'est à cela qu'il faut attribuer que l'institution a pu marcher avec une certaine régularité ; mais les autres provinces sont loin d'ignorer ce qui se pratique dans la Flandre occidentale, elles se sont abstenues jusqu'ici de l'imiter, et je suis certain qu'elles auront le bon esprit de s'en abstenir aussi à l'avenir. Ou pourra les consulter à cet égard si on le trouve convenable, mais en réalité cela ne servira à rien.

M. Jacquemynsµ. - Je crois que l'honorable M. Vleminckx s'est exagéré l'influence qu'exercent sur le bétail la confection ou la tenue des étables. L'honorable M. Vleminckx, à tous propos, lorsqu'il s'agit de maladie du bétail, appelle l'attention sur l'opportunité de réaliser des améliorations dans les étables, et notamment à propos de la peste bovine.

Or, je ferai remarquer que la peste bovine a d'abord éclaté et fait le plus de ravages dans les localités où le bétail était tenu en plein air dans les meilleures conditions hygiéniques.

D'un autre côté, il est assez difficile de se rendre compte des conditions de salubrité. Ainsi, sous le rapport du choléra, les médecins définissent parfaitement les conditions de salubrité et ils démontrent parfaitement comment les maisons et les quartiers des villes doivent être tenus pour qu'on échappe au choléra ; et quand la maladie arrive, elle éclate précisément là où les médecins s'attendaient à lui voir faire le moins de ravages, tandis que des quartiers qu'on regardait comme les plus insalubres étaient épargnés.

Du reste, je fais remarquer que la peste bovine a éclaté tout d'abord en Angleterre dans des étables modèles, construites avec grand luxe et admirablement soignées.

Il est également connu qu'en Hollande, c'est dans les parties où le bétail n'est pas même tenu à l'étable, où il est dans les prairies et dans les conditions d'hygiène les plus parfaites, que la peste bovine a fait le plus de ravages.

Quant à l'assurance sur le bétail, il y a ceci à remarquer. Il existe deux provinces voisines ; dans l'une, le fonds provincial d'agriculture réussit parfaitement ; il est à l'abri de tout reproche et je n'apprends pas qu'un seul membre de la députation de la Flandre occidentale ait fait entendre des plaintes contre le fonds d'agriculture.

Dans la Flandre orientale, le conseil provincial a supprimé le fonds d'agriculture. Pourquoi ? C'était précisément à la suite de réclamations d'agriculteurs de l'arrondissement d'Alost, et le conseil provincial s'est basé sur des motifs de légalité. Mais en réalité, l'administration de la société agricole de la Flandre orientale, à l'unanimité de ses membres sauf le délégué de la section d'Alost, était favorable au maintien du fonds d'agriculture, et c'est malgré les protestations de cette société que le fonds a été supprimé.

Il est aussi à remarquer qu'au moment où le fonds d'agriculture a été créé dans la Flandre orientale, la pleuropneumonie exsudative exerçait des ravages effroyables.

La société agricole de cette province a proposé de donner une indemnité plus forte pour le bétail abattu comme apportant le germe de la pleuropneumonie exsudative. Elle a désintéressé les agriculteurs, en sorte qu'ils avaient moins d'intérêt à cacher l'invasion de la pleuropneumonie dans les étables. Il en est résulté, la première année, une augmentation considérable sur les indemnités qu'il a fallu payer. Mais l'année suivante, la pleuropneumonie exerçait beaucoup moins de ravages et la troisième année, la maladie était complètement extirpée. C'est à ce moment que le conseil provincial, malgré les protestations de la société agricole, a supprimé le fonds d'agriculture.

Il y a donc ici cette circonstance : deux provinces voisines se trouvent en divergence ; dans l'une, le conseil provincial et les agriculteurs maintiennent le fonds d'agriculture, s'en louent beaucoup et s'en trouvent parfaitement bien. Dans l'autre province, il y a divergence entre la société agricole qui a ses représentants dans toutes les parties de la province et le conseil provincial qui a aussi ses représentants dans toutes les parties de la province.

M. de Naeyerµ. - Qui est la véritable représentation.

M. Jacquemynsµ. - En présence de cette divergence, il me (page 1140) semble que la question vaut la peine qu'on l'examine et je demande que le gouvernement en fasse l'objet de ses études.

L'objection que fait l'honorable M. Vleminckx, je la comprends parfaitement. Je reconnais qu'il faut avoir égard aux conditions différentes dans lesquelles le bétail se trouve dans les diverses parties d'une province, selon les professions qu'exercent les propriétaires de bétail ; mais je ne crois pas qu'il soit impossible de tenir compte de ces conditions différentes.

Il est à remarquer d'ailleurs que ces différences se rencontrent dans bien d'autres cas. Ainsi on constitue des sociétés d'assurances sur la vie. Il est notoire que les conditions d'existence et de longévité des hommes diffèrent considérablement. Aussi est-il démontré que, sur une petite échelle, l'assurance est impossible.

Une compagnie est tout à fait impossible lorsqu'elle ne porte que sur un petit nombre d'individualités.

Il faut nécessairement, pour que les chances de perte se compensent en quelque sorte, opérer sur une plus vaste échelle.

Je voudrais que le gouvernement prît l'engagement d'étudier soigneusement la question et, s'il est possible, d'y donner une solution favorable.

Je voudrais qu'au besoin il examinât les moyens de réaliser les idées à peu près comme il l'a fait pour la caisse d'épargne et de retraite.

La caisse d'épargne n'est pas une institution obligatoire, mais elle est incontestablement destinée à rendre de grands services au pays et je crois qu'une caisse de sécurité pour l'agriculture serait appelée également à rendre de grands services.

M. Vleminckxµ. - Messieurs, je ne puis laisser passer ce que vient de dire l'honorable M. Jacquemyns, sans protester énergiquement.

Savez-vous ce qui résulte des paroles de l'honorable membre ? Savez-vous ce qu'il vient de dire aux agriculteurs ? Quel que soit l'état hygiénique dans lequel vous tiendrez vos étables, des maladies y éclateront périodiquement.

Je regrette d'autant plus vivement cette déclaration, messieurs, qu'elle émane d'un homme qui ost docteur en médecine comme moi. Quoi ! c'est un médecin qui soutient que la bonne hygiène ne fait rien pour la préservation des maladies !

Messieurs, avec un peu d'attention vous aurez pu constater tous que la peste bovine n'est pas une de ces maladies qui résultent tout simplement d'une infraction aux lois de l'hygiène. La peste bovine peut éclater au milieu des meilleures conditions hygiéniques, parce qu'elle est le produit d'un principe contagieux spécifique, mais plus les animaux auront été affaiblis, plus il auront été détériorés par les conditions antihygiéniques dans lesquelles ils auront été plongés, plus vite aussi ils ressentiront les effets de ce fléau destructeur. Cela est, du reste, vrai pour les animaux comme pour les hommes.

On vous a parlé, messieurs, des conditions dans lesquelles éclate le choléra et l'on vous fait remarquer qu'il se déclare tout aussi bien chez les personnes fortes que chez les personnes faibles.

C'est vrai, mais le choléra est encore une fois une de ces maladies qui n'est pas seulement le produit de mauvaises conditions hygiéniques. Et, pour faire connaître à l'honorable M. Jacquemyns ce que vaut l'observance des lois de l'hygiène, je lui citerai un grand fait que la dernière épidémie de choléra a permis à tout le monde de constater : c'est que tous les grands établissements, les couvents, les prisons, les orphelinats, les pensionnats, etc., où se trouvent réunis un grand nombre d'adultes et d'enfants, tous soumis à de bonnes conditions, eu ont été préservés, tandis qu'autour de ces établissements, ceux qui n'étaient pas dans la même situation en ont été mortellement frappés.

Messieurs, je ne saurais assez protester contre les paroles de l'honorable M. Jacquemyns. Elles doivent avoir pour effet d'engager les cultivateurs à ne tenir aucun compte des lois de l'hygiène. J'espère qu'ils ne l'écouteront pas et qu'ils préféreront suivre mes conseils.

M. A. Vandenpeereboomµ. - Messieurs, je n'interviendrai pas dans le débat qui s'est élevé entre les honorables MM. Vleminckx et Jacquemyns ; mais j'ai demandé la parole pour faire une réserve à propos de ce que vient de nous dire l'honorable ministre de l'intérieur, que l'année prochaine il proposera la suppression du crédit.

MiVDPBµ. - J'ai dit la partie du crédit destinée à assurer l'exécution des règlements.

MiVDPBµ. - S'il ne s'agit que des règlements, soit ; cependant on permettra bien, je pense, aux provinces qui veulent prendre certaines dispositions de le faire. Si je comprends bien, le règlement ne sera plus une obligation pour obtenir un subside, mais on pourra continuer de faire des règlements pour assurer l'amélioration de la race bovine.

MiPµ. - Messieurs, je n'ai annoncé qu'une chose, c'est que j'engagerais les conseils provinciaux à supprimer les règlements en ce qui concerne l'amélioration de la race bovine et que, pour l'année prochaine je proposerais de ne pas porter au budget la somme destinée à assurer l'exécution de ces règlements.

Toutes les autres matières qui intéressent l'agriculture seront maintenues.

Les commissions et les sociétés d'agriculture, les concours sont d'excellentes occasions de réunions, où les idées se communiquent, où les produits des éleveurs les plus distingués sont exhibés aux yeux de tous. La connaissance des perfectionnements se répand ainsi. C'est le rôle utile de ces institutions, qui servent ainsi d'enseignement mutuel.

C'est à ce point de vue qu'on peut les maintenir, car les décisions qui sont prises offrent parfois des singularités remarquables.

Ainsi je puis citer un fait qui m'a été certifié par un honorable membre de cette Chambre que je pourrais citer. Dans un des concours de taureaux aux environs de Bruxelles, c'est un bœuf qui a eu le prix.

M. de Naeyerµ. - Messieurs, je dois relever un fait cité par l'honorable M. Jacquemyns.

L'honorable membre prétend que les réclamations contre le fond d 'agriculture ne sont venues que de l'arrondissement d'Alost. Je demande comment ce fonds aurait pu être supprimé s'il en avait été ainsi, puisque cet arrondissement est loin de former la majorité du conseil provincial et que le fonds a été supprimé à une très grande majorité.

L'honorable M. Jacquemyns a mis en parallèle le conseil provincial et l'association provinciale d'agriculture.

Je crois, messieurs, que la véritable représentation légale des intérêts de la province, c'est bien le conseil provincial et je ne conçois pas la prétention qui consisterait à engager le gouvernement à attacher sous ce rapport plus d'importance à l'appréciation d'une association particulière quelque respectable qu'elle puisse être.

L'honorable membre a établi une comparaison entre les caisses d'épargne et le fonds d'agriculture. Mais il y a entre ces deux institutions cette énorme différence que la participation à la caisse d'épargne est purement facultative et qu'il n'en serait pas du tout de même pour la création que l'honorable M. Jacquemyns a en vue.

Ce qu'il veut, c'est une institution qui obligerait tout le monde. Or, on laisse toujours de côté cette face de la question. Ce que l'on veut, c'est frapper l'agriculture d'un impôt, dans son intérêt, dit-on.

Je vous garantis que la grande majorité des cultivateurs ne comprend pas cet intérêt-là.

En résumé je ne m'oppose pas à ce que la question soit examinée de nouveau, mais, d'après les principes que M. le ministre a si bien exposés, je suis parfaitement rassuré sur les résultats de cet examen.

- L'article est adopté.

Article 57

« Art. 53. Service vétérinaire ; police sanitaire ; bourses : fr. 60,000. »

M. Vleminckxµ. - Messieurs, naguère l'honorable M. Van Overloop a entretenu la Chambre de trichines. J'ai cru pouvoir vous dire alors que le pays n'aurait pas à souffrir de cette maladie et ma prédiction s'est réalisée.

Aujourd'hui, messieurs, il s'agit d'une chose beaucoup plus grave. Il s'agit de l'hydrophobie, de ce mal affreux qui tend à se propager de plus eu plus et qui déjà a fait plusieurs victimes.

Je demanderai à l'honorable ministre de l'intérieur si, à l'occasion de la prochaine réunion des conseils provinciaux, il ne jugerait pas utile d'inviter MM. les gouverneurs à soumettre à l'attention da ces corps, la question de savoir si, dans le seul but de diminuer le nombre des chiens, il ne serait pas utile d'augmenter considérablement l'impôt déjà établi sur ces animaux.

- L'article 53 est adopté.

Articles 54 à 62

« Art. 54. Amélioration de nos races d'animaux domestiques : fr. 93,500. »

- Adopté.


« Art. 55. Conseil supérieur et commissions provinciales d'agriculture ; traitements et indemnités des secrétaires du conseil supérieur et des commissions provinciales d'agriculture ; subsides pour concours et expositions ; encouragements aux sociétés et aux comices agricoles ; encouragements aux publications agricoles et horticoles ; frais résultant de la collation (page 1141) des décorations agricoles ; frais de missions avant pour objet l'intérêt de l'agriculture et de l'horticulture ; dépenses diverses : fr. 140,700. »

- Adopté.


« Art. 56. Enseignement professionnel de l'agriculture et de l'horticulture ; personnel de l'Institut agricole et des écoles d'horticulture de l'Etat, matériel de ces établissements ; bourses ; traitements de disponibilité ; frais de conférences agricoles et horticoles, et subside pour une école forestière : fr. 153,000. »

- Adopté.


« Art. 57. Personnel du service des défrichements en Campine, charge extraordinaire : fr. 23,070. »

- Adopté.


« Art. 58. Mesures relatives aux défrichements, dépenses et indemnités nécessitées par le contrôle établi pour assurer l'exécution de la loi du 25 mars 1847. Pépinières d'arbres forestiers, charge extraordinaire : fr. 27,000. »

- Adopté.


« Art. 59. Personnel de l'école de médecine vétérinaire de l'Etat. Frais de la commission de surveillance : fr. 69,000. »

- Adopté.


« Art. 60. Matériel de l'école de médecine vétérinaire de l'Etat ; bourses ; jury vétérinaire : fr.. 69,800. »

- Adopté.


« Art. 61. Subside à la Société royale d'horticulture de Bruxelles : fr. 30,000. »

MpDµ. - M. le ministre de l'intérieur a annoncé un amendement à cet article.

MiPµ. - Le chiffre peut être réduit de 30,000 fr. à 21,000 fr.

- L'article, ainsi amendé, est adopté.


« Art. 62. Traitement» de disponibilité du personnel du haras de l'Etat, charge extraordinaire : fr. 33,880. »

- Adopté.

Chapitre XII. Voirie vicinale et hygiène publique

M. Van Renyngheµ. - Messieurs, je saisis l'occasion qui se présente au chapitre du budget en discussion, en ce qui concerne la voirie vicinale, pour demander à M. le ministre de l'intérieur s'il n'y aurait pas moyen de faire en sorte que les avances que font les communes pour le gouvernement et les provinces, en faveur de construction de routes, soient remboursées dans des délais plus rapprochés qu'elles ne le sont actuellement.

En effet, les communes qui souffrent du défaut de communications faciles et suffisantes sont actuellement forcées de s'imposer des sacrifices même au-dessus de leurs forces, pour sortir de cette espèce d'isolement où elles se trouvent, et le gouvernement et les provinces, au lieu de les seconder efficacement, ne leur accordent que des subsides échelonnés sur différents exercices et qui sont suffisants à peine au payement des intérêts des sommes qu'elles ont dû emprunter pour les avances à faire pour le gouvernement et les provinces. Cela est réellement ruineux pour les communes et les mettra même à l'avenir dans l'impossibilité de construire de nouvelles communications pavées, surtout parce qu’il ne leur est plus permis d’établir des barrières dont le produit devait servir à l’entretient de ces routes.

Il est donc indispensable que le gouvernement demande à la législature un crédit plus élevé en faveur de la voirie vicinale et qu'il engage en même temps les provinces à majorer les crédits portés à leurs budgets dans l'intérêt de ce service si éminemment utile.

Je citerai un exemple pour faire mieux apprécier par la Chambre l'urgence de ma réclamation. La commune de Walou, qui est très importante, située dans l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter, n'a aucune voie de communication facile qui la relie à une route pavée ou à une station du chemin de fer. Elle est sur le point d'en obtenir une, qui la mettra m communication directe avec une grande route de l'Etat et avec le chemin de fer de la Flandre occidentale. A cette fin, Watou et la ville de Poperinghe, qui y est également intéressée, s'imposent de grands sacrifices.

Cette route doit coûter, à peu près, 200,000 francs. Ces deux communes interviendront dans cette dépense pour un tiers, et l'Etat et la province pour les deux autres tiers. Il paraît que ces communes ne pourront toucher un premier subside qu'en 1870. Par conséquent elles devront payer, jusqu'à cette époque, les intérêts de toute la somme qu'elles auront été obligées d'emprunter pour avancer les deux tiers de cette dépense, dus par l'Etat et la province ; et l'on m'assure que, à partir de cette époque, les remboursements qu'elles recevront annuellement suffiront à peine pour payer les intérêts des sommes empruntées, afin de faire face à ces avances.

Cela est-il tolérable ? Et cependant comme cette route devient tout à fait indispensable et, par conséquent, très urgente, ces communes sont obligées de s'imposer ces sacrifices énormes.

Ce que j'ai dit de cette route doit s'appliquer à beaucoup d'autres routes construites et en voie d'exécution.

Beaucoup de communes doivent recevoir de l'Etat et des provinces des sommes considérables, même pour des chemins pavés, construits depuis longtemps : ce qui place dans une position très critique un grand nombre d'administrations communales.

Vous voyez donc qu'il est plus que temps que l'Etat et les provinces prennent des mesures plus efficaces et plus énergiques en faveur de la voirie vicinale, qui doit être envisagée comme un des objets les plus importants de toutes les branches de l'administration publique. Car une bonne voirie vicinale est non seulement favorable aux intérêts matériels, mais encore aux développements des intérêts moraux.

L'Etat fait tant de sacrifices et en propose de nouveaux pour des objets qui, à beaucoup près, n'ont pas l'importance de celui en question, et, cependant, en secondant plus loyalement les communes pour les faire sortir de l'état d'isolement et d'inégalité dans lequel elles se trouvent, il ferait un acte de bonne administration et, je dirai même, de patriotisme.

Je ne ferai pas de proposition, parce que j'espère que le gouvernement prendra l'initiative de la mesure que je viens d'indiquer.

J'ai cru de mon devoir de faire ces observations, pour que la Chambre puisse les apprécier et pour que le gouvernement prenne des mesures urgentes afin de venir en aide, par des moyens plus efficaces, aux communes qui font des efforts incessants pour se procurer de nouvelles voies de communication qui, incontestablement, enrichissent le pays.

M. Wasseigeµ. - Je désire vous entretenir quelques instants de la coopération de l'Etat dans l'entretien de la voirie vicinale.

J'avoue, messieurs, que j'ai déjà présenté ces observations, que j'ai échoué devant l'opposition de l'honorable prédécesseur de M. le ministre de l'intérieur ; mais s'il pouvait arriver qu'une divergence d'opinions sur cette question eût contribué en quelque chose à la crise ministérielle, je m'en féliciterais, et peut-être pourrais-je espérer un meilleur accueil. En tous cas, je saurai bientôt à quoi m'en tenir. Cette question remonte déjà à quelques années. Dès 1861, le conseil provincial de Liège s'adressait au gouvernement et à la législature ; il déclarait qu'il était disposé à voter un subside extraordinaire de 1 1/2 p. c. sur ses contributions, pour en affecter le produit à la voirie. Mais il s'adressait au gouvernement et lui demandait un subside de même importance ; le gouvernement refusa. En 1863, par suite d'un pétitionnement presque général, venu de différentes communes de la province de Liége, une nouvelle démarche fui faite auprès du gouvernement à l'effet d'obtenir, sinon un subside égal à celui que le conseil provincial était disposé à voter pour l'amélioration et l'entretien de la voirie, au moins une augmentation de subside proportionnelle aux sacrifices que le conseil provincial s'imposerait.

Le gouvernement refusa encore en disant que ce n'étaient pas seulement les sacrifices des provinces qui devaient servir de base aux subsides du gouvernement, mais bien les besoins réels et constatés, et qu'il serait injuste de ne donner aux plus riches que parce qu'ils font le plus de sacrifices.

Ces refus étaient motivés, je l'avoue, mais à la suite de ces refus, les conseils provinciaux de Namur et du Limbourg intervinrent, et ici je ferai observer que les provinces de Brabant, d'Anvers, de Luxembourg et de Hainaut, sont dans les mêmes sentiments et ont les mêmes raisons à invoquer que les provinces wallonnes.

Deux provinces peut-être pourraient hésiter à nous suivre dans cette voie, ce sont les deux Flandres, parce que dans ces deux provinces l'entretien des chemins est régi par un autre mode, cet entretien étant, dans la plupart des cas, une charge des riverains. Mais je ferai remarquer à mes honorables collègues des deux Flandres que nous ne voulons pas prendre un centime de ce qui leur revient, mais je demande que, de leur côté, ils ne s'opposent pas à ce que nous disposions de nos ressources comme nous l'entendons.

La question se présente donc d'une façon très simple.

(page 1142) Voici ce que je demande. Je demande que dans le libellé de l'article 65 du budget on ajoute au mot « amélioration » celui d’ « entretien », et voici mon but : je désire que, sans changer les chiffres attribués aux diverses provinces dans le subside global voté par la Chambre en faveur de la voirie vicinale, on permette au gouvernement d'en distraire pour chacune d'elles une partie pour être accordée en subside pour l'entretien des chemins vicinaux, tout en réservant la plus forte partie pour l'amélioration.

Si la question s'était présentée dans cette forme en 1861, si le conseil provincial de Liège s'était borné à demander alors ce que j'ai l'honneur de vous proposer aujourd'hui, sa demande eût été accueillie. Cela résulte à l'évidence d'une lettre adressée au gouverneur de la province de Liège par l'honorable M. Rogier, alors ministre de l'intérieur.

Vous vous rappelez que le conseil provincial de Liège voulait s'imposer de 1 1/2 centime de contribution nouvelle, en faveur de l'entretien de la voirie vicinale, et demandait au gouvernement de lui accorder une somme de 42,000 francs, qui était l'équivalent du produit de la nouvelle imposition projetée.

M. Rogier disait à ce propos :

« Je reconnais, M. le gouverneur, et j'ai souvent signalé la nécessité d'aviser sérieusement aux moyens de garantir le bon entretien non seulement des chemins vicinaux de grande communication, mais en général, de tous les chemins pavés ou empierrés. Je ne puis donc qu'applaudir à l'initiative que le conseil provincial vient de prendre en décidant l'intervention du budget de la province dans les dépenses que cet entretien impose aux communes. Quant à la condition à laquelle cette décision a été subordonnée, je ne verrais pas d'inconvénient à y souscrire, s'il suffisait pour remplir les intentions du conseil provincial de disposer, en faveur des travaux d'entretien, d'une certaine somme à prélever sur la part de votre province dans le crédit qui figure au budget de mon département pour l'amélioration des chemins vicinaux. » Et pour donner un corps à cette idée, il finissait sa lettre en disant : « Le seul moyen, dans l'état actuel des choses, de donner satisfaction au vote du conseil consiste donc à imputer sur la part qui revient annuellement à votre province, dans le crédit de la voirie vicinale, la somme d'environ 42,000 fr., réclamée à litre de part contributive de l'Etat dans les dépenses d'entretien des chemins vicinaux améliorés.

« Cette part a été fixée, pour 1861, à 118,000 fr. En défalquant de cette somme celle de 42,000 fr., il resterait à répartir en subside pour construction de nouvelles chaussées une somme de 76,000 fr.

« C'est d'après cette base que devraient être formulées les propositions de subsides pour l'année 1862, si la députation permanente entendait interpréter de la manière que je viens d'indiquer le vote du conseil provincial. Je vous prie, M. le gouverneur, de communiquer la présente dépêche à ce collège et de me faire connaître ses intentions. »

Eh bien, messieurs, c'est là précisément la règle que je voudrais introduire ; j'espère donc que M. Rogier voudra bien m'accorder l'appui de sa parole, si légitimement autorisée dans cette Chambre.

C'est, d'ailleurs, ce que j'ai déjà essayé de faire, mais à ce système, qu'a répondu l'honorable organe du gouvernement d'alors, M. Vandenpeereboom, le remplaçant de l'honorable M. Rogier ? Il vous a dit non. Je vous repousse par une question de principe ; je déclare qu'en vertu de la loi de 1841, l'entretien de la voirie vicinale est exclusivement à la charge des communes. Eh bien, messieurs, je crois que cette déclaration est beaucoup trop vague, trop générale ; elle dépasse le but et elle le manque.

En effet, si vous consultez la loi de 1841, vous y verrez que la charge de l'amélioration aussi bien que celle de l'entretien de la voirie vicinale incombe à la commune. Or, vous savez que, pour la création de routes nouvelles, le gouvernement accorde des subsides, et l'honorable ministre n'est pas recevable à venir invoquer ici la question de principe, puisque, s'il voulait être vigoureux, il devrait refuser les subsides aussi bien pour la création de routes nouvelles que pour l'entretien de celles qui existent. Ce qu'il ne fait pas, puisque nous discutons précisément un chiffre fort rond consacré à l'intervention de l'Etat dans cet objet.

Mais, messieurs, il y a bien d'autres matières que la voirie vicinale qui sont à la charge des communes. Ainsi, pour ne parler que de l'instruction primaire, les frais qu'elle occasionne sont aussi une charge communale.

Le minimum de leur intervention est même fixé par la loi d'une façon toute spéciale et très rigoureuse, et cependant l'Etat accorde tous les jours des subsides, non seulement pour la construction d’écoles nouvelles, mais encore pour le service ordinaire de l'instruction, et notamment pour parfaire les traitements annuels des instituteurs.

Je pourrais citer une foule d'autres matières dans lesquelles l'Etat intervient et, je le répète, si le principe invoqué par le gouvernement était admissible, il pourrait l'étendre aussi bien à la construction qu'à l'entretien des routes, ce qu'on ne fait pas, ce qui ne se fera pas de sitôt.

Veut-on en venir là ; veut-on supprimer toute espèce de subside ? Ce n'est pas moi qui m'y opposerai. Je ne suis nullement amoureux des subsides, c'est un moyen d'influence que je repousserais volontiers ; mais aussi longtemps que le système de l'intervention de l'Etat sera maintenu, il faut, pour être juste, l'appliquer aussi bien à l'entretien qu'à la construction de routes et qu'à beaucoup d'autres matières moins utiles et ayant un caractère d'intérêt général moins déterminé.

Il y a plus, messieurs ; c'est que, d'après la loi de 1841 elle-même, la coopération de la province aux frais d'entretien de la voirie vicinale est formellement stipulée. Il est donc bien prouvé que l'entretien de la voirie n'est pas, d'après la loi, une charge exclusivement communale. En effet, la loi de 1841 dit, dans son article 26 : « Les chemins vicinaux de grande communication et, dans des cas extraordinaires, les autres chemins vicinaux pourront recevoir des subventions sur les fonds de la province. »

Et dans le rapport de la section centrale, il est dit positivement que ces subventions devront servir à la réparation et à l'entretien desdits chemins.

Vous voyez donc bien que, même d'après le texte précis de la loi de 1841, l'entretien de la voirie vicinale n'est pas une charge exclusivement communale, puisque les provinces peuvent avoir à participer aux frais de cet entretien et que le raisonnement du gouvernement manque de base légale.

Tout ce qu'il y a à examiner ici, c'est de savoir si c'est une bonne mesure, une mesure sage, une mesure utile, si ce n'est même pas une mesure indispensable.

La loi, vous le savez, messieurs, a indiqué le chiffre pour lequel les communes pourront s'imposer pour l'entretien de la voirie vicinale. Dans son article 13, après avoir indiqué les diverses bases, la loi dit : Le chiffre total ne pourra dépasser 10 p. c. du principal des contributions directes de toute espèce, sans une autorisation de l’Etat. C’est bien, me paraît-il, un maximum que l’on fixe ; c’est bien dire aux communes : Nous trouvons que quand vous aurez affecté aux dépenses de la voirie vicinale 10 p. c. de vos contributions directes, vous aurez fait tout ce qu’on peut exiger de vous : vous n’irez pas plus loin sans une autorisation spéciale.

Eh bien, messieurs, cechiffre.de dix pour cent est dépassé dans le plus grand nombre des communes de plusieurs de nos provinces ; dans la province de Namur, notamment (je parle de celle-là, parce que je la connais plus particulièrement), sur 400 communes environ, il y a en a 319 qui dépassent le chiffre de 10 p. c. ; il en est un grand nombre dont la contribution pour l'entretien de leur voirie atteint 20 et 30 p. c. et un tiers environ qui s'imposent jusqu'à concurrence de 30 à 40 p. c, enfin, il en est même qui dépassent, pour cet objet, le chiffre de 50 p. c.

Eh bien, je vous le demande, messieurs, quand des communes se montrent à ce point soucieuses du bon entretien de leur voirie, peut-on exiger d'elles de plus grands sacrifices et n'est-ce pas le cas ou jamais pour la province et l'Etat d'intervenir lorsque, malgré ces sacrifices, elles ne parviennent pas à pourvoir complétement à l'entretien de leurs chemins vicinaux ? Adressez-vous à vos gouverneurs, à vos commissaires d'arrondissement et à vos commissaires spéciaux chargés d'inspecter la voirie ; tous vous diront que l'entretien de la voirie laisse énormément à désirer, et que l'intervention de la province et de l'Etat est devenue indispensable.

Messieurs, on invoque toujours l'intérêt général pour justifier l'intervention de l'Etat. Or, je vous demande si l'entretien de la voirie vicinale n'est pas une question d'un intérêt aussi général que la construction de nouvelles routes. Ne perdez pas de vue, messieurs, que si vous n'entretenez pas ce qui existe, vous risquez fort de perdre en grande partie les fruits des sacrifices que vous vous êtes imposés depuis 1841 dans l'intérêt d'une bonne voirie vicinale.

Qu'arrive-t-il avec le système suivi par l'Etat ? C'est que les communes ne pouvant obtenir de subsides que pour la construction de nouvelles routes, cet appât des subsides entraînera la création de beaucoup de (page 1143) nouvelles votes de communication d'une utilité plus ou moins contestable et que les communes seront de plus en plus dans l'impuissance d'entretenir à cause de leur développement trop considérable pour leurs ressources. A mesure que la voirie s'étend, l'entretien en devient plus onéreux et par conséquent se fait plus mal. Il en résulte que votre système sera la cause que les chemins se détérioreront plus rapidement faute d'entretien, et que, dans un temps donné, il faudra nécessairement se résoudre à reconstruire une grande partie des chemins établis depuis 1841. Or, il faudra bien alors que l'Etat intervienne.

Ainsi, messieurs, pour avoir refusé quelques minimes subsides pour aider à l'entretien des chemins vicinaux, l'Etat sera tenu un jour à faire des dépenses plus considérables pour la reconstruction d'une grande partie de ces chemins.

Je crois donc que, dans l'intérêt bien entendu de l'Etat et du trésor public, il serait très désirable que mon système fût adopté et mis en pratique, c'est-à-dire, pour me résumer en deux mots, qu'il fût permis aux députations provinciales d'employer une partie du fonds consacrée par la province et l'Etat à la voirie, en distribution de subsides pour aider les communes à pourvoir à l'entretien proprement dit des chemins vicinaux, et cela dans la proportion de ce que les communes affecteraient elles-mêmes à cet entretien.

Ce ne serait là en tous cas qu'une partie de subside affecté par l'Etat à l'amélioration de la voirie vicinale ; la plus forte partie serait toujours réservée à la construction de chemins nouveaux, mais seulement dans la mesure des besoins des populations et de l'utilité réelle et bien constaté.

- L'amendement de M. Wasseige est appuyé.

MiPµ. - Messieurs, on parle beaucoup de centralisation. L'honorable membre qui vient de se rasseoir en est, je pense, un des adversaires les plus déclarés ; et cependant, à chaque instant, nous avons à repousser les tendances centralisatrices les plus prononcées. A chaque instant nous voyons l'autel du Dieu-Etat entouré de gens qui viennent lui adresser des prières. L'honorable M. Wasseige n'a pas fait autre chose en formulant sa proposition.

Sa proposition n'est pas autre chose que la demande de mettre à la charge de l'Etat un service qui est aujourd'hui essentiellement communal. L'honorable membre veut que l'Etat intervienne dans l'entretien de la voirie vicinale confié aux communes.

C'est un système que je ne puis pas admettre ; les communes seraient déchargées de l'obligation qui leur incombe aujourd'hui, et on transférerait cette obligation à l'Etat.

M. Wasseigeµ. - J'ai demandé un subside.

MiPµ. - Oh ! il y a une distinction : l'Etat devrait payer, et la commune aurait le droit de gérer les fonds.

Il est évident que lorsque vous demandez un subside, vous voulez faire payer l'entretien (interruption) ou du moins une partie de l'entretien par l'Etat.

Je dis que c'est là un système injuste quant au passé et déplorable pour l'avenir.

Je dis que le système est injuste quant au passé ; pourquoi ? Parce qu'il tend à faire accorder de nouveaux subsides à des communes, précisément à raison des subsides anciens qu'elles ont reçus ; il faudrait donner aux communes qui ont une bonne voirie vicinale, grâce aux subsides obtenus antérieurement, il faudrait leur donner, pour l'entretien de cette voirie, ce qui reviendrait à d'autres communes qui ont peu ou point de chemins vicinaux.

L'honorable M. Van Renynghe se plaignait de ce qu'une commune de son arrondissement était dépourvue d'un chemin vicinal nécessaire. Je suis sympathique à cette réclamation ; l'honorable M. Wasseige, par son système, demande que le subside qui reviendrait à cette commune soit donné à une autre commune déjà dotée d'une bonne voirie vicinale.

Messieurs, il faut tâcher d'être juste dans la distribution des subsides, il ne faut pas donner à des communes précisément à raison de ce qu'on leur a déjà donné.

Mais si le système est injuste pour le passé, que sera-t-il pour l'avenir ? Lorsque vous aurez diminué la responsabilité des communes, vous aurez considérablement amoindri l'intérêt qu'elles ont à construire des bons chemins vicinaux.

Quel est le grand mal relativement aux chemins vicinaux ? C'est qu'ils ne sont pas bien construits. Il est des parties du pays où l'on a pavé les chemins vicinaux ; pour ceux-là il n'y a pas d'entretien ; il est d'autres parties du pays où l'on a mal construit les chemins vicinaux, dons lesquelles si vous voulez les conditions de bons chemins vicinaux ne sont pas remplies ; là, il faudra plus d'entretien. Le système de l'honorable M. Wasseige a donc encore cette conséquence, de faire donner des subsides aux communes qui ont construit ou qui construiront dans l'avenir de mauvais chemins vicinaux.

Je viens de parler de la construction ; je parle maintenant de l'entretien,

Quand l'Etat aura l'entretien à sa charge, les communes seront-elles encore également intéressées à faire observer les règlements du police sur leurs chemins, à veiller à leur conservation ?

Aujourd'hui les communes ont divers moyens d'obtenir de quoi entretenir leurs chemins vicinaux, par exemple, les péages - ce qui est une mesure très légitime - ; mais tout ces moyens, les communes les négligeraient, dans le système de l'honorable M. Wasseige.

Il est une disposition qui a été étendue par une loi de 1866 et en vertu de laquelle on soumet à un impôt spécial les propriétaires, les industriels qui dégradent les chemins vicinaux. Le jour où les communes n'auront plus à leur charge l'entretien de ces chemins, croyez-vous que les autorités communales se préoccuperont beaucoup de taxer les personnes qui auront exceptionnellement dégradé un chemin vicinal ? Elles s'abstiendront à l'égard de ces industriels qui ont souvent une grande influence dans les élections et s'adresseront au gouvernement.

Enfin une autre conséquence que j'ai déjà signalée ; c'est qu'il y aura une diminution dans le nombre des chemins vicinaux à construire.

M. Wasseige nous fait un tableau très touchant du zèle des communes ; des sacrifices qu'elles s'imposent ; de l'insuffisance de leurs ressources pour l'entretien de leurs chemins vicinaux. Aujourd'hui les communes payent cet entretien ; mais quand l'Etat payera, où ira-t-il chercher l'argent ?

M. Wasseigeµ. - Je demande seulement qu'il intervienne pour une quotité.

MiPµ. - Présentez votre système comme vous voudrez ; étendez-le ou le rétrécissez, vous arrivez toujours à ce résultat : c'est que vous demandez l'argent de l'Etat pour l'entretien des chemins vicinaux. (Interruption.)

« Je généralise trop, » me dit l’honorable membre ; je lui répondrai qu'il faut généraliser les choses quand il s'agit d'un système tout entier ; c'est le seul moyen de constater les inconvénients que le système peut entraîner dans la pratique.

Si l'Etat se substitue aux communes en tout ou en partie pour l'entretien des chemins vicinaux, qu'y aura-t-il de changé ? C'est que les communes cesseront de taxer leurs habitants, et que le ministre des finances leur demandera la taxe par l'impôt.

Il y aurait cependant, entre cette dernière situation et celle qu'elle remplacerait, cette notable différence : c'est qu'avec l'impôt perçu par l'Etat, on frapperait des localités qui n'ont pas de chemins vicinaux ou qui les entretiennent elles-mêmes et on les frapperait pour l'entretien de chemins vicinaux qui ne les intéressent nullement.

Je suis très surpris d'entendre des plaintes sur l'insuffisance des ressources que les communes possèdent pour entretenir leurs chemins vicinaux. Elles sont bien imprévoyantes les communes qui ont fait des chemins vicinaux sans pouvoir les entretenir.

Les communes rurales, au point de vue de leurs finances, ont obtenu une amélioration extrêmement notable par l'abolition des octrois.

Messieurs, il faut que ceux qui ont la responsabilité des affaires communales aient le courage de demander à leurs administrés les sommes nécessaires pour l'entretien des choses communales. Il est par trop commode de dire que les communales sont obérées, qu’elles ne peuvent pas subvenir à leurs dépenses. Si nous venions demander de nouveaux impôts pour décharger les communes de leurs obligations, l’honorable M. Wasseige serait-il disposé à les voter ?

Est-ce à dire qu'il n'y ait rien à faire ? Certes, il y a des communes qui ne font pas ce qu'elles pourraient et devraient faire. Quels moyens à employer pour forcer les communes à se montrer plus soucieuses sous ce rapport ? Faut-il les décharger de leurs obligations ? Je ne le pense pas ; il faut les rappeler au sentiment de leur devoir.

La liberté communale est une grande chose ; c’est en vertu d'un de nos grands principes constitutionnels que les communes ont le droit de s’administrer elles-mêmes ; mais si l’on ne veut pas voir cette liberté communale dégénérer complètement, il faut que les communes aient la vigueur nécessaire pour remplir leurs obligations.

(page 1144) Il ne faut pas qu'il y ait simplement des droits pour la commune. Vis-à-vis des droits il y a toujours des obligations.

Et si l’on veut avoir un système communal intact et fort, il ne faut pas toujours prêcher aux communes qu'elles doivent recourir à l'Etat.

Au contraire, il faut leur dire avec vigueur : Si vous êtes dignes d'être libres, vous aurez la force d'assumer le fardeau de l'autonomie.

M. Moncheurµ. - Messieurs, l'honorable ministre de l'intérieur s'est mis, comme à plaisir, à côté de la question pour combattre la proposition de mon honorable ami M Wasseige, qui n'est que la reproduction de la demande que vous ont déjà adressée, ainsi qu'au gouvernement, deux conseils provinciaux, ceux de Liège et de Namur.

Qu'à dit M. le ministre de l'intérieur ? « Vous voulez faire de la centralisation ; vous faites appel au Dieu-Etat pour qu'il fasse des largesses aux communes. Vous voulez que l'Etat se substitue aux communes pour pourvoir à l'entretien des chemins vicinaux en leur lieu et place, etc. »

Or, messieurs, il ne s'agit en aucune façon de cela ; mais nous demandons simplement une chose parfaitement juste et rationnelle et surtout parfaitement dans l'intérêt d'une bonne administration, nous demandons que le gouvernement permette aux communes de faire un bon emploi de la part qu'elles ont le droit d'obtenir dans l'allocation qui se trouve au budget pour l'amélioration des chemins vicinaux.

Nous signalons un fait certain, incontestable, c'est que le système du gouvernement de n'accorder des subsides aux communes que pour construire des empierrements ou des pavages nouveaux est mauvais, et qu'il faut qu'il s'en départe sous peine de faire perdre très souvent tout le fruit des dépenses que l'on fait dans l'intérêt si grave de la voirie vicinale, ou bien sous peine de la distribution injuste entre les communes des allocations budgétaires de l'Etat et des communes pour ce service important.

Que le gouvernement ne déroge qu'exceptionnellement, je le veux bien, à ce système, mais que l'on y déroge du moins lorsque des motifs puissants et un intérêt public évident le commandent.

Ainsi il est clair qu'il y a, quant aux frais d'entretien des chemins vicinaux, une différence énorme entre les chemins macadamisés et les chemins pavés.

Dans les communes où les chemins vicinaux sont construits par pavages, une fois la dépense faite au moyen du capital créé, à cet effet, par la réunion des fonds de la commune, de la province et de l'Etat, les frais de réparation sont insignifiants, mais dans les communes où les chemins vicinaux consistent en macadam ; lorsque ces communes ont employé toutes leurs ressources pour les construire, également avec l'aide de la province et de l'Etat, c'est alors surtout que les frais de réparation se produisent et augmentent dans une proportion telle, qu'il devient matériellement impossible à ces communes d'y pourvoir.

Les communes, poussées par leur zèle pour l'amélioration de la voirie et excitées par leur désir bien naturel d'obtenir leur part dans l'allocation du budget de l'Etat et de la province pour ce service important, emploient tous leurs fonds ; et elles en empruntent même pour faire leur part de la dépense, mais comme l'Etat n'entend accorder un centime de subside que pour des constructions nouvelles de chemins vicinaux, il arrive souvent que pendant que ces communes construisent un semblable chemin sur un point de son territoire, elles sont forcées de laisser périr tous les autres chemins, même ceux nouvellement construits sur les autres points. Ainsi, plus une commune qui se trouve dans ce cas, construit à neuf des chemins, plus elle entre dans un système ruineux, impossible.

Il résulte de là que l'emploi des fonds de l'Etat, des provinces et de communes elles-mêmes se fait ainsi à peu près à pure perte et de la manière le plus inintelligente qu'il soit possible d'imaginer.

L'administration dit aux communes ceci : Ou bien vous allez construire à neuf un empierrement, un pavage, ou bien vous n'aurez pas une obole de subside.

Mais, répond la commune à l'administration, j'ai déjà construit tels et tels chemins, je me suis obérée pour les construire, et ils sont déjà dans un état détestable ; il est donc nécessaire et conforme aux règles les plus simples d'une bonne administration de les réparer avant d'en construire d'autres ; sans cela toute la dépense que nous avons faite ensemble sera perdue. Si je vous offre tout le produit de mon rôle spécial des chemins vicinaux (et je n'ai pas d'antres ressources que celle-là), si donc je vous offre tout mon rôle spécial à l’effet d'obtenir ma petite part dans les allocations budgétaires, et si je dois avec cela construira de nouveaux chemins, adieu les chemins déjà construits ! Nous ferons, vous gouvernement, et la province et moi commune, nous ferons tous ensemble un travail absurde et ruineux.

C'est égal, dit le gouvernement pas de construction nouvelle, pas de subside.

Eh bien, messieurs, je dis que c'est là un système déplorable.

Il devrait être tout au moins admis que la députation permanente pût éclairer le gouvernement sur l'emploi le plus judicieux qu'il y aurait à faire des fonds de l'Etat, eu égard à telles ou telles circonstances dans lesquelles se trouve telle ou telle commune.

Or, pour cela il faut que le gouvernement renonce à son système rigoureux, absolu en vertu duquel il n'accorde des subsides sur l'allocation du budget que pour des constructions nouvelles, soit d'empierrements, soit de pavages.

Messieurs, lorsque cette demande a déjà été produite et dans cette enceinte et au Sénat, le gouvernement a répondu par une fin de non-recevoir, comme M. le ministre de l'intérieur l'a fait aujourd'hui ; il a dit que s'il entrait dans cette voie, il serait bientôt débordé, qu'on le forcerait à se substituer aux communes pour la réparation de leurs chemins. Mais, messieurs, cela n'est pas sérieux, et cette crainte n'est pas fondée ; car, d'abord, le chiffre de l'allocation du budget ne peut pas être dépassé ; les limites budgétaires ne peuvent être franchies, il ne s'agit donc que de l'emploi judicieux et rationnel de cette allocation.

Ensuite, à cet égard, le conseil provincial de Namur a proposé une garantie complète pour l'Etat, c'est que celui-ci ne donnerait pour des réparations qu'une somme égale à celle qu'affecteraient les provinces à ce même objet ; or, on sait que les finances des provinces sont bien modestes ; celles-ci ne voguent pas sur le Pactole, loin de là ; l'Etat ne risque donc pas d'être entraîné trop loin.

Si, dans certains cas spéciaux, le gouvernement permet l'emploi de ses subsides et de ceux des provinces à la réparation urgente de certains chemins déterminés, après que cette urgence aura été constatée et justifiée par la députation permanente, eu égard à la position et aux circonstances exceptionnelles dans lesquelles se trouvera telle ou telle commune, il ne le permettra que par exception. J'y souscris ; mais enfin, il empêchera et préviendra ainsi ou le gaspillage tant de ses propres fonds que de ceux des communes et des provinces ou une flagrante injustice.

Je dis, messieurs, le gaspillage, car c'est gaspiller les fonds que de forcer les communes à les employer à construire de nouveaux empierrements quand elle ne peut réparer ceux qu'elle a déjà exécutés, et je déclare que c'est une profonde injustice que de dire à une commune ceci : « Parce que vous êtes pauvre, parce que vous vous êtes déjà obérée pour construire de nouveaux empierrements, et parce que vous ne parvenez pas même à les réparer, enfin parce que vous n'avez plus à m'offrir une somme si petite qu'elle soit pour construire des empierrements neufs, eh bien, je vais distribuer tous mes subsides à d'autres communes qui sont plus riches et qui, outre qu'elles ont assez de ressources pour faire à leurs chemins les réparations ordinaires et extraordinaires qu'ils exigent, peuvent encore m'offrir un petit capital presque annuellement, pour exécuter des empierrements ou des pavages nouveaux. »

Le système du gouvernement repose d'ailleurs sur une interprétation forcée et erronée, selon moi, du libellé de l'article du budget que nous discutons ; ce libellé porte : « Subsides pour l'encouragement de l'amélioration de la voirie vicinale. »

Or, je ne vois pas en quoi ces mots empêchent le gouvernement de permettra aux communes d'appliquer une partie quelconque de ces subsides à des réparations urgentes et extraordinaires de certains de leurs chemins, alors que les circonstances l'indiquent et l'ordonnent, et alors que cela constitue un acte évident de bonne administration.

MiPµ. - On l'a toujours entendu comme je l'entends.

M. Moncheurµ. - Je le sais bien, mais c'est là ce dont je me plains et c'est ce qui me paraît erroné.

Cette interprétation conduit, comme je viens de le démontrer, à des conséquences désastreuses et injustes.

De deux choses l'une : ou bien cela prive les communes les plus pauvres de toute espèce de participation aux onze cent mille francs portés au budget de l'intérieur pour l'amélioration de la voirie vicinale, ou bien cela les force à laisser des chemins s'anéantir d'un côté pendant qu'elles en construisent de l'autre. C'est un ouvrage de Pénélope.

Je prie donc M. le ministre d'examiner très sérieusement cette question, et il reconnaîtra qu'il y a quelque chose à faire dans l'ordre d'idées que l'honorable M. Wasseige et moi venons de développer et qui ne sont d'ailleurs que l'écho de réclamations qui ont été faites par des autorités administratives dont, certes, personne ne révoquera en doute et (page 1145) la compétence et les lumières, je veux parler des conseils provinciaux et des députations permanentes de Namur et de Liège. J'appuie ces réclamations comme parfaitement fondées, et j'espère que le gouvernement y aura égard ; il est impossible qu'il ne reconnaisse pas qu'il y a réellement quelque chose à faire pour sortir du cercle vicieux dans lequel on se trouve au point de vue de l'amélioration de la voirie vicinale.

M. Wasseigeµ. - En présence de l'attitude du gouvernement, lequel exerce sur la Chambre une si grande influence sur les questions d'intérêt matériel, j'ai peu de chance de voir aboutir l'amendement que j'ai eu l'honneur d'annoncer à la Chambre. Je préfère donc, pour cette fois encore, livrer mes observations et celles présentées par mon honorable ami, M. Moncheur, aux sérieuses réflexions de M. le ministre de l'intérieur ; qu'il les examine sans parti pris, avec le désir de venir au secours de besoins urgents que nous lui avons signalés et j'ai l'espoir de pouvoir nous entendre lors de la discussion de son prochain budget. Dans cet ordre d'idées, je retire mon amendement.

Projet de loi autorisant une aliénation patrimoniale et ouvrant un crédit au budget du ministère de la guerre

Dépôt

MfFOµ. - J'ai l'honneur de déposer :

1° un projet de loi qui approuve la vente faite de gré à gré de l'hôpital militaire de Bruges et ouvre un crédit spécial, montant du produit de cette vente, au département de la guerre ;

Projets de loi ouvrant des crédits aux budgets des ministères de l’intérieur et des finances

Dépôt

2° un projet de loi qui ouvre au département de l'intérieur un crédit de 190,000 fr. applicable aux dépenses résultant de la participation des producteurs belges à l'Exposition universelle ;

3° un projet de loi qui ouvre au département des finances des crédits supplémentaires jusqu'à concurrence de 156,173 fr. 53 c.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ces projets de loi ; la Chambre en ordonne l'impression et la distribution et ls renvoie à l'examen des sections.

- La séance est levée à 5 heures.