Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 5 mai 1868

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1867-1868)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1147) M. Reynaert, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Reynaertµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des cultivateurs d'Ichteghem et de Couckelaere demandent une loi contre la falsification du guano. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants d'une commune non dénommée demandent que la loi sur la garde civique soit modifiée avant que l'on procède aux élections générales de la garde civique. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Milet, Fraeys et autres membres de la ligue de l'enseignement à Bruges, proposent des modifications au système actuel d'enseignement moyen. »

« Même pétition du sieur de Viller et autres membres de la ligue de l'enseignement à Mons. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, la demande en obtention de la naturalisation ordinaire du sieur Koenigswerther. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« M. Edouard Sève fait hommage à la Chambre du portrait de M. Louis Emérique, promoteur des unions du crédit. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1868

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XII. Voirie vicinale et hygiène publique

M. Bricoultµ. - Messieurs, le budget de l'intérieur ayant provoqué des discussions que l'on trouve un peu longues, je me propose d'ajourner à la session prochaine une partie des observations que je désire présenter à la Chambre au sujet des chapitres relatifs à l'agriculture et à la voirie vicinale.

Le premier étant voté, je me bornerai, pour le moment, à émettre le vœu de le voir réduire le plus tôt possible et d'appliquer le montant des soustractions que l'honorable ministre de l'intérieur trouvera le moyen d'y introduire à l'amélioration de la voirie vicinale.

Il faut préparer l'agriculture et l'industrie à vivre d'elles-mêmes et à se passer de la protection de l'Etat.

Ce chapitre XI, comme j'ai déjà eu l'honneur de le dire à la Chambre, est d'une utilité fort contestable.

Le gouvernement ne doit pas s'ingérer dans des entreprises que les efforts particuliers peuvent mener à bonne fin et qu'il réalise avec moins d'économie et moins de discernement.

Autant je voudrais voir les pouvoirs publics restreindre de plus en plus leur sphère d'action sur les divers terrains où l'activité individuelle peut les remplacer avantageusement, autant je désire voir étendre leur tutelle quand il s'agit de créer de grands progrès et des améliorations que l'initiative individuelle est impuissante à réaliser.

C'est ainsi qu'en matière d'instruction primaire et de voirie vicinale je trouve que l'action énergique de l'Etat est indispensable et qu'il serait regrettable, dangereux même, sous le prétexte de faire de la décentralisation et de respecter les libertés communales, de laisser toute initiative aux communes.

L'Etat doit à ces communes des écoles et des chemins.

Tous les gouvernements éclairés savent que c'est là le moyen de transformer les campagnes, et depuis quelques années le gouvernement français surtout s'est attaché à donner une vive impulsion à l'amélioration des chemins vicinaux.

Je tiens en ce moment une lettre de l'empereur Napoléon à M. de Persigny qui témoigne de la plus vive sollicitude de ce souverain pour les populations rurales. Je crois pouvoir en donner lecture à la Chambre.

« Monsieur le ministre,

« J'ai lu avec intérêt le rapport que vous m'avez adressé sur la situation du service des chemins vicinaux.

« Le vœu que vous m'exprimez répond trop à ma sollicitude en faveur de l'agriculture pour que je ne tienne pas à le voir promptement réalisé. Les communes rurales, si longtemps négligées, doivent avoir une large part aux subsides de l'Etat, car l'amélioration des campagnes est encore plus utile que la transformation des villes.

« Il ne suffit pas d'assainir et de fertiliser de vastes étendues de territoires, de travailler à la mise en valeur des biens communaux et au reboisement des montagnes, d'organiser des concours et de multiplier les comices ; il faut surtout poursuivre avec vigueur l'achèvement des chemins vicinaux. C'est le plus grand service à rendre à l'agriculture.

« Les documents que vous m'avez soumis établissent qu'une allocation sur les fonds de l'Etat de 25 millions, répartis sur sept exercices, permettrait de terminer en huit ans les chemins d'intérêt commun actuellement classés. Pour obtenir un si grand résultat, l'Etat doit faire un sacrifice. Préparez donc un projet de loi dans ce sens pour la prochaine session du corps législatif, et, en attendant, concertez-vous avec le ministre des finances pour qu'un premier crédit affecté à cet emploi puisse être ouvert sans délai.

« Napoléon. »

Cette lettre est du 18 août 1861. Depuis, les bonnes dispositions de l'empereur se sont réalisées, elles seront même dépassées, car, récemment M. Baroche, dans un banquet donné par l'autorité municipale de Rambouillet à l'occasion de la pose de la première piètre de l'église paroissiale de cette ville, s'exprimait en ces termes :

« Le souverain qui préside aux destinées de la France sait, au milieu de ses préoccupations pour les intérêts généraux du pays, étendre sa sollicitude sur les intérêts locaux et particuliers, et saisit, avec empressement, les occasions de leur venir en aide.

« Parmi les questions d'ordre général qui, dans ces derniers temps, ont fixé l'attention de l'empereur, il en est une à la solution de laquelle vous avez tous applaudi, je veux parler de la mesure proposée au mois d'août dernier pour hâter l'achèvement des chemins vicinaux au moyen d'une subvention considérable fournie par l'Etat aux communes.

« Je suis heureux de vous annoncer que la promesse impériale va bientôt recevoir son exécution.

« Un projet de loi a été préparé par le conseil d'Etat pour assurer la subvention de cent millions (j'appelle l'attention bienveillante de M. le ministre de l'intérieur sur ce chiffre) à donner par l'Etat, et instituer l'établissement financier qui mettra à la disposition des communes deux cents millions dans les conditions d'emprunt les plus favorables. Le projet de loi sera présenté au corps législatif à sa plus prochaine séance. »

Ce grand développement que la France va donner à l'amélioration de la voirie vicinale ne nous permet pas de rester dans le statu quo. Nous ne pouvons condamner un certain nombre de nos communes à un isolement perpétuel, alors que toutes celles du pays avec lequel nous avons le plus de relations vont être reliées à des centres importants de population ou à des stations de chemins de fer, et puisque les besoins sont nombreux, imitons nos voisins et faisons les sacrifices nécessaires pour assurer aux communes rurales les facilités de communications, dont la plupart sont encore privées.

La loi de 1841 est mauvaise, en ce sens qu'elle établit une règle trop absolue. Avec le système qu'elle fait suivre, l'amélioration d'un chemin important est souvent tenue en suspens par le défaut de ressources, quelque fois même par le mauvais vouloir d'une ou de deux communes. L'intérêt particulier domine ainsi l'intérêt général.

D'autre part, la répartition des subsides de l'Etat entre les provinces ne se fait pas toujours équitablement.

Quant à la répartition entre les communes, elle est basée presque (page 1148) exclusivement sur la part contributive de chacune d'elles ; de sorte que les communes riches reçoivent des subsides aussi élevés que les communes pauvres. On comprend dès lors que l'amélioration de la voirie dans ces dernières doit absolument marcher avec une extrême lenteur.

J'appuie donc les propositions des honorables membres qui réclament une augmentation du crédit dont nous nous occupons, et je prie l'honorable ministre de l'intérieur de ne pas perdre de vue le transfert dont j'ai parlé. Ce transfert lui permettrait d'augmenter notablement les subside accordés aux communes les plus pauvres, sans grever le trésor de charges nouvelles considérables.

MiPµ. - M. Bricoult a développé des principes de non-intervention qui sont entièrement les miens. Je dois cependant faire remarquer à l'honorable membre que les matières prévues par le chapitre XI ne sont point au nombre de celles dont l'industrie privée peut se charger.

Mais l'observation à laquelle je tenais surtout à répondre, est celle qui tend à représenter ce qui se fait en France comme un modèle à suivre par nous en ce qui concerne l'intervention du gouvernement dans le développement des chemins vicinaux.

La France, il est vrai, veut entrer largement dans la voie du progrès, mais je ferai remarquer que nous sommes entrés dans cette voie depuis longtemps, et on ne peut considérer comme une amélioration réellement importante la mesure que propose le gouvernement que parce qu'elle tend à mettre la France au point où nous sommes parvenus.

Nous sommes en avance sur nos voisins à cet égard, je tiens à le constater parce que, après être entrés dans la voie du progrès nous ne pouvons admettre que l'on nous considère comme marchant à la remorque des autres.

M. Van Overloopµ. - J'ai quelques explications à demander à M. le ministre de l'intérieur au sujet d'une plainte adressée au gouvernement à propos de certains faits qui se sont passés à Anvers.

En 1849, une épidémie cholérique éclata à Anvers, à bord du navire La Médora ; l'autorité d'Anvers fit interner les malades dans le fort de Liefkenshoek ; ils y séjournèrent pendant un mois.

Le fort de Liefkenshoek est situé dans l'arrondissement de Saint-Nicolas, au beau milieu des polders. Par suite du séjour des malades dans ce fort, la maladie éclata, dit-on, dans le canton de Beveren-Waes et se communiqua ensuite aux cantons voisins.

En 1866, le même fait se reproduisit. On avait embarqué 400 à 500 émigrants, à Anvers, à bord de l’Agnès, bateau qui venait de décharger du guano.

Je ne sais si toutes les mesures de précaution avaient été prises pour assainir le bateau, mais à peine l'embarquement avait-il eu lieu que le choléra éclata à bord ; cette fois encore l'autorité d'Anvers fit interner les malades dans le fort de Liefkenshoek, et, cette fois encore, par suite du contact des cholériques avec les habitants du canton de Beveren-Waes, le choléra éclata dans ce canton et se propagea dans les cantons limitrophes.

Eh bien, je demande à M. le ministre de l'intérieur si, à la suite de la plainte qui a été adressée au gouvernement, par les bourgmestres du canton de Beveren-Waes, des mesures ont été prises ou seront prises dans l'intérêt du pays de Waes, au cas où des événements calamiteux du genre de celui dont j'ai parlé, venaient à se produire encore dans notre pays.

Ne conviendrait-il pas, par exemple, d'établir, à Anvers, un lazaret en prévision des maladies qui pourraient éclater dans le port de cette ville à bord d'un navire ?

On prétend, ce sont des hommes compétents qui le prétendent, que l'Agnès aurait perdu moins de monde si on l'avait envoyée en pleine mer, au lieu de débarquer les émigrants à Liefkenshoek.

Quoi qu'il en soit, il ne convient pas du tout que l'on transporte des gens tombés malades à Anvers dans d'autres localités. Il convient moins encore qu'on les place dans des locaux qui ne réunissent pas les conditions voulues pour y traiter des malades. Je suis persuadé d'avoir en ceci l'appui de l'honorable M. Vleminckx, dont la parole jouit d'une si légitime autorité en pareille matière. J'espère donc que M. le ministre de l'intérieur prendra les mesures nécessaires pour empêcher le retour du fait que je viens de signaler.

M. Vleminckxµ. - Il y a un peu d'exagération, je pense, dans ce que vient de dire l'honorable membre, lorsqu'il prétend que l'internement de cholériques en 1848 et 1866, dans le fort de Liefkenshoek aurait eu pour conséquence de propager l'épidémie, à tout le district que l’honorable membre représente dans cette enceinte. Ce district, comme tout le reste de la province d'Anvers, s'est trouvé alors sous l'influence des causes cholériques, et il n'a certes pas fallu le contact avec les malades placés dans le fort, pour que le mal s'étendît au dehors.

Quoi qu'il en soit, je conviens avec l'honorable membre que l'endroit était très mal choisi ; c'est un des plus malsains de toute la province d'Anvers.

Mais c'est moins pour faire cette observation que j'ai pris la parole, que pour appeler l'attention de la Chambre sur un autre point soulevé par l'honorable membre.

Il vient de vous dire qu'il faudrait établir à Anvers un lazaret pour y colloquer, le cas échéant, les malades dans des circonstances semblables. II faut bien que la Chambre se rappelle que le fait qui s'est produit en 1848 et qui s'est renouvelé en 1866,consiste en ceci : c'est que ce sont des émigrants qui ont été colloques à Liefkenshoek. Or, qui doit offrir un lazaret aux émigrants dans les éventualités dont a parlé l'honorable membre ? A mon avis, la ville d'Anvers et la ville d'Anvers exclusivement. Voici comment je prouve cette manière de voir. Les émigrants arrivent de l'étranger dans un état de santé parfaite. A Brème et à Hambourg, les affréteurs se sont procuré des locaux dans lesquels ils les placent jusqu'au moment de l'embarquement. Rien de semblable n'existe à Anvers. Là, les émigrants séjournent pendant va temps plus ou moins long ; je ne sais pas où on les loge, mais leurs logements ne sont pas apparemment très brillants, et ce n'est pas trop dire assurément que d'affirmer que toutes les conditions hygiéniques n'y sont pas réunies. Ils y restent jusqu'au jour de l'embarquement. A ce moment ils sont visités un à un, et on ne permet leur départ que si on les trouve dans un état de santé parfaite ; dans le cas contraire, l'embarquement est différé.

Les voilà donc embarqués ; le navire est en partance ; mais il ne part pas immédiatement. Les émigrants y sont entassés, et par le fait même qu'ils ont séjourné plus ou moins longtemps dans une localité où régnait le choléra, ils sont nécessairement plus disposés à en être atteints. Le mal éclate, le débarquement a lieu, à qui incombe-t-il de leur fournir les soins nécessaires ? Mais à la ville d'Anvers, à la ville d'Anvers seule. La loi sur le domicile de secours est formelle sur ce point. Voici ce qu'elle dit :

» »Tout indigent, en cas de nécessité, sera secouru provisoirement par la commune où il se trouve. »

Eh bien, ce sont des indigents, ils n'ont pas quitté Anvers ; ils y sont arrivés bien portants ; ils y sont devenus malades ; il est tout simple que ce soit Anvers qui les secoure provisoirement.

Je viens de le dire, cela se fait à Brème et à Hambourg ; pourquoi en serait-il autrement à Anvers ? Pourquoi vouloir toujours faire retomber sur le gouvernement les charges qui sont imposées aux communes ?

Si le gouvernement nous demandait un crédit pour la création d'un lazaret à Anvers, il me serait impossible de le voter ; mais je ne pense pas que l'honorable ministre de l'intérieur songe à nous soumettre une proposition semblable.

M. d'Hane-Steenhuyseµ. - Messieurs, à en croire l'honorable orateur qui vient de se rasseoir, il semblerait vraiment que la ville d'Anvers et la cause de l'épidémie qui a sévi avec tant de violence dans le pays, il y a dix ans, en 1849, et à d'autres époques.

Qu'on veuille bien le croire, messieurs, nous ne désirons pas plus à Anvers que partout ailleurs de pareilles visites qui, vous le savez tous, ont toujours cruellement éprouvé notre cité.

J'en viens immédiatement à la question du lazaret qui n'est pas neuve entre l'administration communale, l'administration provinciale d'Anvers et le gouvernement. L'honorable M. Alphonse Vandenpeereboom, alors ministre de l'intérieur, doit en savoir quelque chose : il a eu, à ce sujet, des relations très suivies avec l'honorable gouverneur de la province d'Anvers ; et je compte que cet honorable membre voudra bien constater l'exactitude de mes assertions.

Et d'abord la question de l'émigration est une question bien plus gouvernementale que communale ; cela est tellement vrai que le gouvernement a institué une commission mixte pour veiller au départ des émigrants et pour leur assurer le bien-être et la sécurité sur les navires qui les transportent vers les différents points du globe où ils vont se fixer.

La ville d'Anvers, pour ce qui la regarde, a fait son devoir, et j'ai regretté que l'honorable M. Vleminckx ait dit tantôt que probablement les émigrants étaient mal logés. Il est vrai qu'ils ne logent pas dans les premiers hôtels de la ville. Mais je prouverai tout à l'heure par des (page 1149) pièces officielles, et au besoin je ferais un appel au témoignage de l'honorable M. Vandenpeereboom, que toutes les mesures ont été prises par les différents corps constitués à Anvers et par le gouvernement lui-même pour fournir autant que possible toutes les garanties de salubrité et d'hygiène à la population et aux émigrants.

Tout le monde sait ce que sont les lazarets. Ce sont des établissements répandus dans tous les ports du monde, après avoir été érigés d'abord dans les villes commerciales de la Méditerranée où ils existent depuis plusieurs siècles.

Lorsque la peste s'y répandit venant de l'Orient, on sentit le besoin d'établir dans des endroits écartés, de vastes bâtiments, qu'on appela lazarets et dans lesquels les navires suspects déposaient et déposent encore aujourd'hui leurs équipages, leurs passagers et même leurs marchandises.

En 1831, en Belgique, le 18 juillet, on édicta une loi par laquelle le gouvernement fut mis dans l'obligation de construire un lazaret. Jusqu'aujourd'hui cette obligation n'a pas encore été remplie.

Pour s'en décharger, le gouvernement prétend qu'il ne doit pas satisfaire aux exigences de la loi de 1831, puisque depuis 37 ans, jamais jusqu'ici dans aucun de nos ports, la nécessité de pareils établissements n'a été constatée.

Eh bien, je viens aujourd'hui, messieurs, réclamer du gouvernement l'exécution de l'obligation qui lui est imposée.

L'honorable ministre de l'intérieur actuel a envoyé à ce sujet une dépêche motivée au gouverneur de la province d'Anvers. Ce haut fonctionnaire, je le constate en passant, soutient les réclamations de la ville d'Anvers au point de vue de l'établissement d'un lazaret.

L'honorable M. Pirmez dit au gouverneur : Non, le gouvernement ne peut et ne veut pas entrer dans cette voie ; il ne construira pas de lazaret. Si la ville d'Anvers en veut un, qu'elle l'établisse à ses frais.

MiPµ. - Exposez la chose comme elle est, vous jouez sur les mots.

M. d’Hane-Steenhuyseµ. - Je vais citer vos propres paroles, M. le ministre.

« Le régime sanitaire s'applique aux arrivages, non aux navires en partance. Il a pour objet, non de donner aux villes maritimes les moyens de se défendre contre les dangers résultant de l'existence de maladies épidémiques nées dans leur propre sein, mais de protéger, par de sages précautions, le pays contre l'importation de ces mêmes maladies par des navires de provenance suspecte. Ce n'est point à l'Etat, mais à la commune, que la loi impose le soin de veiller à la salubrité locale. Or, qu'une maladie éclate dans l'enceinte d'une ville ou à bord d'un navire amarré dans son port, la situation est la même relativement aux devoirs qui incombent à la commune. Dans l'un et dans l'autre cas, les précautions qu'il peut y avoir à prendre contre les dangers de la contagion, c'est à elle qu'il appartient de les prescrire et d'en supporter la dépense ; et si, pour les besoins éventuels du service de l'émigration, il y a des mesures spéciales à adopter, c'est encore à elle qu'incombe le devoir d'en poursuivre l'exécution, à charge de qui de droit. Mais, en aucun cas, l'Etat ne doit avoir à intervenir dans ces mesures qui intéressent, avant tout, la commune et les affréteurs de navires affectés à l'émigration. »

II est donc évident que l'honorable ministre, dans sa lettre au gouverneur de la province d'Anvers, déclare que la ville d'Anvers doit construire un lazaret si elle en désire un, car cette obligation selon lui n'incombe pas à l'Etat.

L'honorable ministre s'appuie surtout sur cette considération que j'ai indiquée déjà tout à l’heure qu'un lazaret a paru inutile jusqu'aujourd'hui, parce qu'on a eu la chance à Anvers de ne pas voir entrer dans le port depuis 37 ans un seul navire infecté de la fièvre jaune ou de toute autre maladie contagieuse.

Ce n'est pas là, avouons-le, messieurs, une raison sérieuse de s'abstenir de prendre des mesures contre les éventualités qui peuvent se présenter. La fièvre jaune règne sur toute la côte occidentale de l'Amérique du Sud ; elle règne aux Antilles et sur presque toute la côte orientale du continent américain ; elle existe également dans de certaines parties de l'Afrique. La ville d'Anvers reçoit dans ses bassins des navires venant de toutes les parties du monde et il se pourrait que dès demain un navire se présentât ayant à son bord un équipage infecté de la fièvre jaune ou de toute autre maladie du même genre.

Je demanderai au gouvernement s'il saisira précisément l'occasion de l'arrivée de ce navire pour se décider à remplir les obligations qui lui sont imposées par la loi du 18 juillet 1831, et que lui impose aussi l'intérêt de la santé publique.

Maintenant, messieurs, quant aux faits qui ont été rappelés par l'honorable M. Van Overloop et qu'a discutés l'honorable M. Vleminckx, avec l'idée évidente, mais mal fondée, de faire retomber sur la ville d'Anvers les conséquences des circonstances malheureuses qui se sont présentées il y a deux ans, je vais prouver immédiatement que l'administration communale d’Anvers, d'accord avec l'autorité supérieure, a pris toutes les mesures nécessaires pour que les émigrants fussent bien logés et pour empêcher que la maladie ne se répandit comme elle aurait pu le faire si ces conditions n'avaient pas été remplies.

L'honorable ministre de l'intérieur dit également la même chose dans sa dépêche.

Voici comment il s'exprime :

« On assure, en effet, que les logements où on les héberge dans cette ville laissent tout à désirer, sous le rapport de l'hygiène. »

L'honorable gouverneur de la province d'Anvers écrivit le 7 mai 1866, vous voyez que cette pièce date de loin, à l'administration communale pour lui recommander de prendre toutes les mesures nécessaires dans une pareille occurrence.

L'administration communale s'empressa d'envoyer une circulaire à tous les commissaires de police, circulaire que je vais avoir l'honneur de lire à la Chambre.

« Anvers, le 9 mai 1866.

« Messieurs les commissaires de police,

« Je m'empresse de vous communiquer in extenso la lettre ci-jointe de M. le gouverneur de la province.

« Elle a pour but de faire exercer une surveillance expresse et sévère sur les logements des émigrants.

« Veuillez, messieurs, faire une inspection spéciale et immédiate de ceux des logements existants dans votre section et me rendre compte du résultat de cette inspection et des mesures qui auront été prises en conséquence.

« Je recommande particulièrement cet objet urgent à voire vigilance et à vos bons soins.

« Quoique cette affaire concerne principalement la première section, je crois devoir en informer, par la présente, tous les fonctionnaires et agents de la police, pour leur gouverne et direction et pour que l'inspection se fasse dans toute la ville.

« Agréez »

Le 11 mai, l'administration communale avertit M. le gouverneur que, selon la recommandation qui lui avait été faite, elle a averti les commissaires de police et que toutes les précautions sont prises pour visiter et assainir les logements d'émigrants.

Le 12 mai, arrivèrent les réponses de plusieurs de ces fonctionnaires.

Je ne citerai que celles qui émanent de commissaires de police de sections où se trouvent des logements d'émigrants. Voici la lettre du commissaire de police de la première section :

« Anvers, le 14 mai 1860.

« Monsieur le bourgmestre,

« En réponse à votre honorée du 9 de ce mois, troisième bureau, n°2588, par laquelle vous me communiquez une lettre de M. le gouverneur de la province, ayant pour but de faire exercer une surveillance expresse et sévère sur lès logements des émigrants, j'ai l'honneur de vous informer que cette surveillance n'a jamais fait défaut.

« Dans l'inspection récente que j'ai faite de ces logements qui certainement ne sont pas de premier ordre, j'ai reconnu qu'il serait à désirer que tous les ménages pauvres fussent aussi bien logés dans les quartiers populeux de la ville.

« En fait de mesures, j'ai recommandé à tous mes logeurs d'avoir soin de faire ouvrir le matin les fenêtres de toutes les chambres et de les laisser ouvertes jusqu'au soir, de laver très souvent les planchers et de soigner surtout que les émigrants ne laissent pas séjourner de pots de chambre ou sales eaux dans leurs chambres. A quelques-uns d'entre eux j'ai prescrit le badigeonnage ; mais comme, en fait de salubrité publique, il y a des hommes plus compétents que moi, il me serait bien agréable que l'un ou l'autre fût prié de faire une réinspection avec moi ou seul de ces logements dont la liste suit. »

Suit une liste de logements pour la visite desquels une inspection est ordonnée dans les termes suivants :

(page 1150) « Anvers, le 10 mai 1866.

« Monsieur Janssens, inspecteur du service sanitaire,

« Une réinspection des logements dans la première section aura lieu très incessamment. Cette réinspection sera faite par M. le commissaire de p lice ou son délégué et par un délégué de M. l'ingénieur de la ville.

« M. le bourgmestre me charge de vous prier de vouloir bien vous adjoindre à cette commission et de vous entendre à ce sujet avec M. Maillard.

« Il faudra surtout tenir à ce qu'on ne loge pas dans une même place plus de personnes que cette place ne peut en contenir d'après les règles d'une bonne hygiène. »

Peu après, messieurs, non contente d'avoir fait surveiller les logements d'émigrants, l'administration communale recommanda par la circulaire suivante aux commissaires de police de visiter tous les logements d'ouvriers :

« Anvers, le 14 mai 1867.

« Messieurs,

« La dépêche de M. le gouverneur de la province, qui vous a été communiquée le 9 du courant, mentionne spécialement comme se trouvant dans des conditions antihygiéniques la plupart des logements d'émigrants.

« Comme, d'autres logements aussi, par exemple ceux d'ouvriers, de musiciens ambulants, etc., peuvent laisser à désirer, sous le rapport de la salubrité publique, il doit être entendu que vous aurez à les comprendre également dans les inspections et la surveillance spéciale qui vous ont été expressément recommandées. » '

Je vais donner encore lecture de nouvelles lettres de commissaires de police. Je crois devoir le faire, pour disculper complétement l'administration communale d'Anvers, en prouvant, pièces à l'appui, qu'elle a pris toutes les précautions désirables et qu'elle ne mérite nullement, sous ce rapport, les reproches qu'on lui a adressés.

Le commissaire de police de la septième section s'exprime de la manière suivante :

« Anvers, le 17 mai 1866.

« Comme suite à votre circulaire du 11 de ce mois, 3ème bureau, n°2588, M, j'ai, l'honneur de vous informer que 75 ouvriers terrassiers sont encore logés actuellement en cette section, répartis comme suit : « 17 au n°51 de la rue Van Trier, 13 au n°105 de la Longue rue d'Argile. 15 au n°24 de la rue de la Madeleine, 10 au n°22 de la même rue, 20 au n°13 2a, de la même rue. Total. 75.

« Ces ouvriers sont couchés sur des paillasses aux greniers et dans les chambres du premier étage desdites maisons. Ces locaux sont assez bien aérés ; j'y ai recommandé la propreté lors de la visite que je viens d'y faire.

« Agréez, etc. »

Voici la lettre de son collègue de la troisième section :

« Anvers, le 17 mai 1866.

« M. le bourgmestre,

« Comme suite à votre lettre du 9 du courant, 3ème bureau, n°2588 M, qui accompagne la circulaire de M. le gouverneur de la province du 7 du même mois, concernant les mesures hygiéniques à prendre dans les logements d'émigrants en prévision de l'apparition du choléra, j'ai l'honneur de vous faire connaître qu'une inspection rigoureuse a été faite dans les différents logements de ma section, notamment en ce qui concerne l'aérage, le badigeonnage et l'agglomération dans une seule et même chambre, et que tous ces logements (non pour émigrants) ont été trouvés dans un état convenable sous tous les rapports, sauf le logement ayant pour enseigne les Cinq coins, rue du Berceau, n°23, tenu par le nommé Adrien Joseph Pendrille, qui a été trouvé mal propre, mais où, sur notre invitation, un badigeonnage à la chaux a eu lieu immédiatement par le tenant logement.

« Je crois devoir ajouter que les logements dont question continueront à être surveillés par la police afin qu'ils soient constamment tenus dans un état de propreté.

« Agréez, etc. »

Enfin, messieurs, je termine en vous communiquant la lettre du commissaire de police de la quatrième section, l'une des sections les plus éprouvées de la ville d'Anvers lors de l'épidémie de 1866.

« Anvers, le 17 mai 1866.

« Monsieur le bourgmestre,

« Comme suite à votre lettre du 9 mai 1866, 3ème bureau, n°2588, j'ai l'honneur de vous informer qu'il n'a existé jusqu'à ce jour dans la 4ème section d'Anvers qu'un seul établissement où l'on a l'habitude de recevoir des émigrants. C'est celui du sieur Cop, n°14, Marché au Lin. Cette auberge compte quatre chambres distribuées sur deux étages et ayant en tout douze lits. Elle n'a donné lieu à aucune observation. Il a été recommandé à la femme Cop d'y maintenir la propreté et de l'aérer journellement. C'est, je pense, la seule recommandation qu'il convienne de faire pour le moment.

« Hier, la veuve Plomteux, aubergiste, rue de Marie, n°1, a reçu, pour la première fois, des émigrants. Elle les loge exceptionnellement parce qu'ils sont de ses concitoyens. Son établissement est très convenable.

« Agréez, etc. »

Il y a encore d'autres documents, qui témoignent de la sollicitude et du dévouement de tous, et je puis assurer à la Chambre que, à Anvers, commissaires de police, commission médicale locale, commission médicale provinciale et toutes les autorités n'ont rien négligé pour que les émigrants fussent aussi bien logés qu'ils peuvent l'être soit à Hambourg soit à Brème.

Permettez-moi, messieurs, de revenir à la question du lazaret. Il est désirable que le gouvernement en vienne à reconnaître l'obligation qui lui est imposée par la loi de 1831 et que cette loi reçoive son exécution.

Remarquez, messieurs, que si depuis 37 ans, la ville d'Anvers a eu le bonheur de ne pas recevoir de navires ayant à bord des hommes atteints de fièvre jaune ou d'autres maladies épidémiques, le fait peut se présenter tous les jours.

Lors de l'effroyable malheur que rappelait tout à l'heure l'honorable M. Van Overloop, je veux parler du navire l’Agnès revenant à Anvers après s'être mis en route pour New-York, l'administration communale protesta contre le débarquement d'émigrants atteints du fléau, et l’Agnès fut conduite à Liefkenshoek, où l'on créa rapidement un établissement qui n'était pas dans des conditions irréprochables, je n'en disconviens pas, mais qui peut-être a évité à la ville d'Anvers et au pays de grands malheurs.

L'honorable M. Vleminckx voudra bien reconnaître avec toutes les autorités qui se sont occupées de la question, que c'est le gouvernement qui doit établir le lazaret. Ce lazaret pourrait également, dans des circonstances données, servir en temps de choléra.

En 1861 une conférence eut lieu à Paris ; beaucoup de nations maritimes y prirent part, et mon étonnement fut grand, je l'avoue, de n'y pas voir la Belgique, que ces questions intéressent directement, qui possède deux ports et qui par conséquent peut se trouver dans une position telle qu'un lazaret soit indispensable. Ces différents gouvernements ont résolu de faire cesser les inconvénients qu'il y avait à abandonner complètement aux autorités locales le soin des mesures à prendre en temps d'épidémie. Ils voulaient en arriver à une unité parfaite d'action.

C'est alors, messieurs, je le répète, et pour parvenir à ce but que ces nations maritimes ont posé les bases d'une convention qui a été acceptée plus tard et qui porte que les gouvernements des Etats contractants construiront des lazarets.

Messieurs, je tiens ici ce travail. Il a paru dans le Dictionnaire du commerce et de la navigation. C'est le résultat des travaux de cette conférence à Paris, et je crois que les détails qu'il renferme et qui sont excessivement curieux, vous intéresseront et qu'ils pourront même servir à l'honorable ministre de l'intérieur pour se faire une conviction à ce sujet.

Aussi demanderai-je à la Chambre la permission d'insérer cet extrait au Moniteur, ne voulant pas abuser des moments de l'assemblée en le lisant maintenant.

(Ce texte, inséré aux pages 1150 à 1152 des Annales parlementaires, n’est pas repris dans la présente version numérisée.)

(page 1152) Je termine, messieurs, en repoussant encore une fois les accusations (page 1153) qu'on s'efforce de lancer à la ville d'Anvers ; je ne saurais assez le répéter, elle a pris toutes les mesures nécessaires. Je fais appel à cet égard à l'honorable M. Alphonse Vandenpeereboom, ministre de l'intérieur d'alors, et je prie l'honorable ministre actuel de vouloir bien étudier encore la matière et de donner suite aux prescriptions de la loi du 18 juillet 1831.

MiPµ. - Messieurs, il suffît, pour répondre à l'honorable membre, de signaler la confusion d'idées dans laquelle il s'est tenu depuis le commencement jusqu'à la fin de son discours.

Cette confusion, messieurs, provient de ce qu'il applique à la sortie ce qui concerne l'entrée. Il existe une loi de 1831 qui impose au gouvernement l'obligation de déterminer des lieux de quarantaine et de créer des lazarets.

Le gouvernement ne méconnaît pas cette obligation, mais il ne croit pas devoir la remplir, parce qu'il est constaté qu'il n'y a aucune espèce d'utilité à le faire, parce que jamais, depuis 1830, il ne s'est présenté aucun cas établissant la nécessité d'un lazaret.

Le conseil d'hygiène, consulté sur la question, a toujours répondu qu'il serait superflu d'établir un lazaret.

Or, je le demande à la Chambre, serait-elle disposée à faire construire, à Anvers, un lazaret qui aurait été inutile s'il avait existé et qui ne servirait à rien s'il était créé ?

Pourquoi l'administration communale d'Anvers demande-t-elle que l'Etat remplisse une obligation inutile ?

C'est, messieurs, parce qu'il est une autre obligation, nécessaire celle-là, qui est imposée à la ville d'Anvers, mais à laquelle celle-ci voudrait se soustraire.

Anvers, en effet, est obligée, comme le sont toutes les villes du pays, à prendre les mesures que commande la salubrité publique. Mais cette obligation n'a rien de commun avec celle qui est prescrite par la loi de 1831.

La Chambre reconnaîtra que j'étais dans le vrai quand je disais que notre honorable collègue versait dans une confusion complète.

On se dit à Anvers : Nous sommes tenus d'avoir un local destiné à recevoir les émigrants malades. Mais si le gouvernement possédait un lazaret, nous en profiterions.

Le système consiste donc à faire créer par l'Etat un lazaret qui lui serait inutile, mais que la ville d'Anvers pourrait affecter à son usage.

Voilà, messieurs, le véritable but de la correspondance qu'a rappelée M. d'Hane.

M. Lelièvreµ. - J'appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la nécessité d'une législation sur tout ce qui concerne la matière des cours d'eau. Les lois en vigueur ne contiennent en cette partie que des dispositions éparses qui ne répondent pas aux besoins ; on n'est pas même d'accord sur la question de savoir si les cours d'eau non navigables ni flottables sont la propriété du riverain ou s'ils appartiennent au domaine public communal. De graves questions qui s'élèvent soit entre riverains, soit entre les propriétaires des usines établies sur les cours d'eau sont également incertaines.

Je désire que M. le ministre veuille bien s'occuper de ces sérieuses difficultés ; il rendrait un service signalé à la chose publique, s'il proposait un projet de loi réglant cette matière importante qui touche à des intérêts de premier ordre.

M. Vleminckxµ. - L'honorable ministre de l'intérieur vient de faire, à l'honorable M. d'Hane la réponse que je voulais lui faire moi-même ; mais je demande à y ajouter quelques mots, quand ce ne serait que pour me défendre contre les reproches que l'honorable député d'Anvers m'a adressés.

A entendre l'honorable membre, j'aurais accusé l'administration communale de cette ville d'avoir manqué à ses devoirs, à l'époque de l'apparition du choléra en 1848 et même en 1866.

Je n'ai rien dit de semblable ; je suis parfaitement convaincu que l’administration communale d'Anvers a fait son devoir, que les commissaires de police ont fait le leur, que la commission médicale provinciale, que la commission médicale locale, que tout le monde, enfin, a fait le sien dans les circonstances déplorables où la ville s'est trouvée placée.

Mais qu'est-ce que cela prouve ? Quand tout le monde aurait fait mille fois son devoir, cela aurait-il empêché que le choléra n'éclatât à Anvers ? Cela aurait-il empêché les émigrants d'y puiser, eux qui venaient ou d'Allemagne ou d'Italie, très bien portants, le germe de la maladie ?

Je n'ai donc pas accusé l'administration communale d'Anvers. La seule chose que j'aie prétendue, c'est que les émigrants ayant puisé à Anvers le germe de la maladie avec laquelle ils ont été embarqués, c'est à la ville d'Anvers qu'il appartenait de pourvoir à leurs besoins, conformément à la loi sur le domicile de secours.

Quant au lazaret dont l'administration communale d'Anvers demande la création, l'honorable ministre de l'intérieur a dit avec beaucoup de raison qu'elle le désire non pas pour les arrivants par mer, mais pour les émigrants de l'intérieur. L'honorable ministre a cité l'avis du conseil supérieur d'hygiène, j'affirme que cet avis a été unanimement émis.

Je prie la Chambre de vouloir bien remarquer à quelle dépense on veut l'entraîner par la demande de création d'un lazaret pour les arrivants par mer. Savez-vous combien a coûté le lazaret de Marseille ? Au delà de 500,000 fr. Et savez-vous ce qu'il coûte d'entretien ? 200,000 francs annuellement.

C'est à vous à voir, messieurs, si vous voulez faire cette dépense complètement inutile, et dont jusqu'à présent aucun fait n'est venu démontrer la nécessité.

M. Jacobsµ. - A entendre l'honorable membre et l'honorable ministre de l'intérieur, le législateur de 1831, de même que les puissances réunies récemment en conférence, se sont trompés quant à l'utilité des lazarets ; ce n'est pas par un bonheur providentiel que nous avons pu nous en passer jusqu'ici, c'est là un état normal ; nous pourrons nous en passer toujours. Mais chose étrange ! à côté de ces assurances on s'accorde pour demander un lazaret, mais d'une part la ville d'Anvers voudrait que ce fût le gouvernement, qui le construisît et qu'elle pût en profiter accessoirement ; le gouvernement de son côté, voudrait que la ville d'Anvers le construisît et que ce fût lui qui en profitât.

MiPµ. - De tout ; nous déclarons qu'il n'en faut pas.

M. Jacobsµ. - Il s'agit de s'entendre sur la valeur du mot « lazaret ».

Vous voulez imposer à la ville d'Anvers la charge des mesures de précaution à prendre contre les maladies épidémiques qui se déclarent à l'exportation des navires, vous consentez à mettre à charge du gouvernement celles que nécessiteraient les maladies contagieuses importées par voie de mer.

Vous voulez qu'Anvers construise un établissement que nous n'appellerons plus un lazaret, si vous le voulez, peu importe le nom ; vous voulez qu'Anvers crée un établissement où les émigrants atteints, au moment où ils vont quitter le sol de la Belgique, d'une maladie contagieuse parmi nous, soient soignés. II faut un établissement à Anvers, mais, d'après nous, ce devrait être un lazaret dont Anvers pourrait profiter lorsque se présenteraient des cas comme celui du navire

L’Agnès, d'après vous, ce ne serait pas un lazaret ; mais quand le besoin d'un lazaret se ferait sentir, vous emploieriez l'établissement communal pour suppléer au lazaret que le gouvernement n'aurait pas créé, malgré la loi de 1831.

MiPµ. - Du tout.

M. Jacobsµ. - Mais que ferez-vous alors s'il arrive à Anvers un navire où règne la fièvre jaune ?

MiPµ. - Ce cas ne s'est jamais présenté.

M. Jacobsµ. - Non, mais pourriez-vous affirmer qu'il ne se présentera jamais ?

M. Vleminckxµ. - Dans ce cas, le navire ne serait pas admis à Anvers ; on lui imposerait une quarantaine.

M. Jacobsµ. - Jusqu'à présent nous n'avons eu que le cas de l’Agnès, et on serait embarrassé de décider si c'est là un cas d'importation ou d'exportation, attendu que le navire était en rade, prêt à mettre à la voile. En termes de droit commercial, il était parti et il est rentré. Etait-ce un cas d'entrée ou de sortie ; le gouvernement devait-il prendre à sa charge les frais de traitement des malades ou bien était-ce la ville d'Anvers ? C'est là une question juridique assez difficile à résoudre. Mais je crois, pour ma part, que la charge doit incomber au gouvernement, que ce soit un cas de sortie ou d'entrée ; je le crois et voici pourquoi : qu'est-ce que ce grand courant d'émigration que nous cherchons, ville d'Anvers et gouvernement, à attirer à Anvers, à détourner des ports du Havre, de Hambourg et de Brème ? Ce n'est certes pas un simple intérêt local ; c'est un intérêt général, un véritable intérêt national, au même titre que le commerce. Et les mêmes raisons qui ont déterminé le législateur de 1831 à mettre à la charge du gouvernement les frais d'établissement d'un lazaret à Anvers, (page 1154) et les charges de l'épidémie venant de l'extérieur, doivent nous déterminer à mettre à sa charge les accidents qui peuvent résulter de ce grand courant d'émigration.

Si, messieurs, la loi de 1831 s'est bornée à s'occuper de l'entrée, il n'est pas moins certain que la sortie doit être mise également à la charge de l'Etat, il n'y a que les faits qui rentrent dans l'ordre des circonstances normales qui puissent rester à la charge de la commune ; et, certes, on ne peut considérer ainsi les faits qui résultent du vaste mouvement d'émigration vers l'Amérique qui ne passe pas assez encore par la Belgique.

M. d'Hane-Steenhuyseµ. - J'ai été vraiment étonné d'entendre dire par l'honorable M. Vleminckx et confirmer par M. le ministre de l'intérieur que jamais le port d'Anvers ne sera visité par un navire ayant à bord la fièvre jaune ou quelque autre maladie épidémique. Il suffit de voir ce qui se produit dans d'autres ports, non seulement sur le continent européen, mais en Amérique, en Afrique et en Asie pour se convaincre que des pays qui, pendant des siècles, avaient été complètement préservés se sont trouvés tout à coup envahis et complètement décimés. Ainsi, la Confédération argentine, qui, toujours, avait joui d'une réputation universelle de salubrité, a été visitée depuis un an par le choléra et par la fièvre jaune.

Les Etats de la Confédération argentine reçoivent, comme nous, des navires du Brésil, du Mexique, des Antilles, où la fièvre jaune est endémique, et bien qu'ils n'eussent jamais été éprouvés, ils n'en ont pas moins cru convenable d'établir des lazarets. Les voyageurs y restent parfois vingt-quatre heures, quarante huit heures, plus longtemps même, à titre de simple précaution.

La malheureuse guerre entre le Brésil et le Paraguay les a, de plus, rendus indispensables, à cause des maladies qu'elle a engendrées.

Or, je n'accepte pas que le gouvernement belge et le conseil supérieur d'hygiène prétendent que ces épidémies ne peuvent pas être importées dans notre pays. Je souhaite de tout mon cœur qu'une circonstance aussi désastreuse ne se présente jamais ; cependant il faut la prévoir, car la fièvre jaune et le choléra règnent presque partout en Amérique, à l'heure qu'il est.

C'est M. le ministre de l'intérieur qui fait complètement confusion quant à la loi de 1831 ; lorsque le choléra a éclaté à Anvers, il existait déjà à Rotterdam, et dans d'autres villes de la Hollande ; or, beaucoup de bateaux de rivière nous arrivent de ce pays par les eaux intérieures et le choléra peut être ainsi importé, et l'a peut-être été de cette manière. Dans ces conditions, cette maladie tombe dès lors sous l'application de la loi de 1831 ; il faut donc que le gouvernement ait son lazaret pour y traiter les malades.

M. le ministre de l'intérieur doit reconnaître que la réclamation de la ville d'Anvers est fondée ; il ne niera pas que l'établissement d'un lazaret ne soit nécessaire, et je ne puis croire qu'on veuille reculer devant une dépense de 500,000 à 600,000 francs. (Interruption.) On a parlé du lazaret de Marseille qui a coûté, dit-on, 1,500,000 francs ; mais messieurs, ce lazaret est d'une importance bien autrement grande que ne le serait celui qu'on créerait à Anvers.

Je l'ai dit tout à l'heure : Marseille a des relations continuelles avec l'extrême Orient et vous savez tous, messieurs, que le choléra et toutes les autres maladies épidémiques y règnent presque constamment. Donc, en diminuant des deux tiers la dépense, le gouvernement belge pourrait établir un lazaret sur les bords de l'Escaut, dans de bonnes conditions et de manière à donner ainsi satisfaction non seulement à la population d'Anvers, mais au pays tout entier.

MiPµ. - Messieurs, il est bien certain qu'avant que le choléra éclatât à Anvers, personne ne songeait, dans cette ville, à la construction d'un lazaret : sans cette malheureuse circonstance, la réclamation que nous entendons aujourd'hui ne se serait pas produite. J'ai constaté qu'il n'y avait rien de commun entre le fait indiqué et l'érection d'un lazaret. Ne nous occupons donc ni du lazaret ni de la loi de 1831 ; car nous pourrions demander l'abrogation de cette loi quant au lazaret, en nous bornant à invoquer des considérations parfaitement établies et parfaitement authentiques.

Le choléra, messieurs, n'est pas la seule maladie qui puisse se manifester dans la malheureuse population des émigrants. Il ne faut pas oublier que cette population est mal soignée ; qu'elle est en butte à tous les inconvénients de la misère ; qu'à Anvers, malgré les certificats de police, la situation des émigrants est des plus mauvaises.

Le conseil d'hygiène a constaté notamment que leurs logements laissaient tout à désirer.

Eh bien, si d'autres maladies venaient à éclater parmi les émigrants, la ville d'Anvers enverrait-elle les émigrants au lazaret ? Entend-elle en un mot que l'Etat se charge des dépenses obligatoires qui incombe à la commune ?

L'honorable M. d'Hane vient de dire que le choléra pourrait être introduit dans le pays par la voie de la Hollande. Mais alors, pour être conséquent, il faudrait établir un lazaret à chacune de nos frontières.

Si, par exemple, un Allemand arrivait à Verviers, atteint du choléra, ce serait à l'administration communale de cette ville qu'il incomberait de lui donner des soins. Or, je voudrais savoir pourquoi Anvers échapperait à la loi commune, pourquoi il aurait une position privilégiée, pourquoi il ne serait pas tenu aux mêmes charges que les autres localités du pays.

Est-ce que si par hasard une maladie contagieuse éclatait à Bruxelles lorsqu'il y a un très grand nombre de citoyens réunis pour une grande fête nationale, les malades frappés instantanément ne seraient pas soignés immédiatement dans les hôpitaux ? Or, voudriez-vous que pour ce cas particulier on construisît à Bruxelles un établissement gouvernemental ? Cela est impossible.

Je suis donc convaincu qu'il faut s'en tenir, vis à-vis d'Anvers comme à l'égard des autres villes, dans les termes du droit commun.

M. Van Overloopµ. - Messieurs, je ne m'occuperai pas de la question de savoir si le lazaret dont on réclame l'établissement doit être construit aux frais de l'Etat ou aux frais de la ville d'Anvers. je me contente de faire remarquer que, si des faits semblables à ceux que j'ai signalés se représentent, il incombera au ministre de l'intérieur de tenir la main à ce que la ville d'Anvers remplisse ses obligations.

Le fait est que l'inexécution de ces obligations a eu pour conséquence d'introduire le choléra dans l'arrondissement dont je tiens mon mandat. (Interruption.)

Je, veux bien admettre que le choléra aurait pu faire quelques victimes dans le pays de Waes, si l'Agnès n'y avait pas débarqué ses malades, mais je soutiens qu'il n'aurait pas eu l'intensité avec laquelle il y a régné si ce débarquement n'avait pas eu lieu.

Je le répète donc, que ce soit la ville d'Anvers ou l'Etat qui établisse le lazaret, cela m'est parfaitement indifférent.

Il me suffit de constater que nous (et quand je dis nous, j'entends le pays de Waes à n’avons aucune obligation à remplir vis-à-vis d’Anvers, tandis que nous avons le devoir de sauvegarder autant qu’il est en nous nos habitants des atteintes du choléra.

Nous avons donc eu raison de réclamer auprès de gouvernement.

L'honorable ministre de l'intérieur vient de reconnaître que la ville d'Anvers est obligée de prendre les mesures nécessaires pour secourir les malades dans les cas que j'ai signalés. Je ne demande pas autre chose ; je demande que dans le cas où se présenteraient des circonstances aussi malheureuses que celles qui se sont présentées, il y a deux ans, le gouvernement, au lieu de prêter la main à l'inexécution par la ville d'Anvers des obligations qui lui incombent, force cette ville à remplir son devoir, à prendre les mesures nécessitées par les circonstances.

Puisque telles sont, d'après le gouvernement, les obligations d'Anvers, il serait injuste de permettre à cette ville de se débarrasser de ses malades en les introduisant dans un autre arrondissement.

J'appelle donc sur ce point la bienveillante attention de M. le ministre.

M. d'Hane-Steenhuyseµ. - Je ne voudrais pas que la discussion se terminât sur les dernières paroles de l'honorable M. Van Overloop.

L'honorable membre n'a pas vu ce qui s'est passé à Anvers, et je proteste, au nom de l'administration communale, contre les prétentions qu'il manifeste de vouloir faire rappeler notre ville à son devoir. Je tiens à déclarer qu'elle a fait largement ce qu'elle devait faire.

Tous, messieurs, vous savez que notre cité est l'une de celles qui ont été le plus éprouvées par l'épidémie et j'en appelle à la loyauté de l'honorable M. Vandenpeereboom pour constater qu'à Anvers toutes les administrations, toutes les commissions médicales et tous les citoyens ont dignement rempli leur mission.

- La discussion est close.

M. Dumortierµ. - Messieurs, la Chambre a examiné, dans sa dernière séance, le chapitre relatif aux décorés de la croix de Fer.

Je demanderai à la Chambre de dire deux mots sur cet objet.

La Chambre est saisie d'un grand nombre de réclamations. (Interruption.)

Messieurs, je ne serai pas long ; je demande à donner une simple explication à la Chambre.

(page 1155) 1155

Messieurs, la Chambre a souvent été saisie de réclamations de décorés de la croix de Fer qui demandent pourquoi leur pension n'a pas été augmentée. Moi-même j'ai été frappé de ce que je croyais la justesse de ces observations et j'ai demandé au gouvernement communication de pièces qui ont été déposées sur le bureau.

J'ai examiné ces pièces avec le plus grand soin et je dois dire qu'il résulte de leur examen que les décorés de la croix de Fer peuvent se tranquilliser. Si leur pension n'a pas subi l'augmentation qu'ils espéraient et à laquelle je croyais qu'ils avaient droit, c'est qu'un grand nombre de décorés non pensionnés jusqu'ici ont réclamé des pensions et que dès lors les subsides vacants par suite des décès se sont trouvés occupés.

D'un autre côté, j'ajouterai que ce qui contribue beaucoup à ne pas permettre cette augmentation, c'est la masse énorme de blessés assimilés qui se trouvent indiqués dans ce document.

- Un membre. - On n'en admet plus.

M. Dumortierµ. - On n'en admet plus. Cependant je ferai une observation.

M. A. Vandenpeereboomµ. - C'est vous qui avez fait la proposition.

M. Dumortierµ. - C'est moi qui ai fait la proposition et je m'en félicite beaucoup. Cependant dans le budget que nous discutons, il est stipulé que les décorés doivent avoir été reconnus avant le 1er novembre 1864

Eh bien, dans les documents que M. le ministre met sous nos yeux, il y a 152 blessés assimilés, parmi lesquels il s'en trouve 44 admis par arrêté du 2 mars 1865, par conséquent à une époque postérieure à la date fatale.

M. A. Vandenpeereboomµ. - Ils avaient été reconnus d'avance.

M. Dumortierµ. - Ils avaient été reconnus d'avance ; mais ensuite trois ont été admis le 26 mars 1866, par conséquent deux ans après le délai fatal.

Je ne pose pas de question au gouvernement, mais si l'on trouvait là-dedans un précédent pour admettre encore d'autres personnes sur la liste, ce serait, selon moi, un véritable abus.

J'appelle l'attention sérieuse de M. le ministre sur cette affaire. Mais je répète ce que j'ai eu l'honneur de dire : c'est que les décorés de la croix de Fer qui ont réclamé peuvent se tranquilliser parce qu'il résulte des pièces qui nous ont été communiquées que les pensions devenues vacantes par suite de décès ont été occupées par des décorés de la croix de Fer qui jusqu'ici n'avaient pas de pension. Le vice, c'est l'admission à la pension des non décorés.

Je demande pardon à la Chambre d'être entré dans ces explications. Vous voyez que ce n'était pas long ; mais ces explications m'ont paru utiles, parce qu'elles prouveront aux braves patriotes qui ont contribué si puissamment à l'indépendance nationale que la Chambre ne cesse pas de s'occuper d'eux.

- L'incident est clos.

Chapitre III. Statistique générale

MpDµ. - La Chambre a tenu en réserve le chapitre III, Statistique générale, jusqu'à ce que M. le ministre pût lui fournir les explications qu'il avait promises. M. le ministre m'a fait connaître qu'il était prêt à fournir ces explications. Je propose donc à la Chambre de revenir au chapitre III : Statistique générale. (Adhésion.)

S'il n'y a pas d'opposition, la discussion est ouverte sur le chapitre III, Statistique générale.

(page 1159) MiPµ. - Dans une des séances qui ont précédé les vacances de Pâques, l'honorable M. Magherman a signalé la différence existant, pour certaines localités, entre les résultats du recensement et les chiffres qui ont servi de base à la nouvelle répartition des représentants et des sénateurs.

J'ai promis alors de faire relever autant que possible les résultats du recensement, et je suis parvenu à réunir, pour tout le pays, des résultats au moins provisoires.

Les résultats du recensement de 1866 sont inférieurs et même notablement inférieurs aux chiffres qui ont servi de base à la répartition de 1866 ; mais ces résultats, qui ont beaucoup ému certains membres, les eussent beaucoup moins surpris s'ils s'étaient rappelé que c'est là un fait normal en matière de recensement. Je vais donner à la Chambre quelques explications qui la mettront à même d'apprécier quelle est aujourd'hui la population du pays et quelle était cette population en 1866.

Les observations qui ont été présentées paraissaient tendre à introduire des modifications dans la répartition, et spécialement à enlever à l'arrondissement de Bruxelles un représentant. S'il ne s'agissait que de cela, ma réponse pourrait être très courte, parce que l'augmentation incontestable de la population, depuis 1866 jusqu'à l'époque où la Chambre se réunira, suffirait, dans tous les cas, à rétablir la base de la répartition de 1866. Mais je crois qu'il est important de faire connaître à la Chambre quel était l'état réel de la population au moment où la répartition a été faite pour que l'on ne puisse pas croire que cette répartition a été basée sur des faits controuvés.

La répartition des représentants et des sénateurs suppose une population de 4,960,000 habitants. La loi qui a fait cette répartition est du mois de mai 1866, elle a pris pour base la population existante à la fin de 1865.

Il est à remarquer toutefois que la population constatée à la fin de 1865 devait encore s'accroître jusqu'au moment des élections, en sorte que la population à considérer est en réalité celle qui devait exister au milieu de 1866. Il s'agit donc, au point de vue de la question qui est soulevée, de savoir si la population de cette époque était suffisante pour justifier l'existence de 124 représentants et de 62 sénateurs. Nous poserons ensuite la même question pour l'avenir.

Messieurs, les circonstances ont été aussi défavorables que possible au système qui a servi de base à cette répartition. En effet, immédiatement après la mise en vigueur de la loi de 1866, le choléra a éclaté, avec une intensité dont le nombre des décès donnera une idée. Le chiffre des décès dus aux causes ordinaires en 1866 a été supérieur à la moyenne des décès produits par les mêmes causes pendant la période décennale de 1857 à 1866 et de plus 43,400 individus sont morts des suites du choléra. Ainsi la population, à la fin de 1866, époque du recensement, a été de plus de 43,000 habitants inférieure à ce qu'elle eût été sans l'invasion de ce fléau.

Il est remarquable que, dans une année aussi calamiteuse, les naissances aient dépassé les décès ; tandis qu'en 1846, alors que le pays avait également souffert d'une calamité analogue, les décès avaient dépassé les naissances.

L'excédant des naissances sur les décès a été, en 1866, de 8,786 ; mais les deux semestres de l'année présentent une grande différence : tandis que pendant le premier semestre les naissances ont dépassé les décès de 28,140, les décès ont, dans le second, dépassé les naissances de près de 19,700.

La population était donc, à l'époque où la loi a été mise en vigueur, d'environ 20,000 habitants supérieure à ce qu'elle était à la fin de l'année 1866 date du recensement.

Pour simplifier l'examen de la question, nous nous bornerons à étudier le chiffre de la population à cette dernière époque. Si l'on veut après cela avoir le chiffre de juin 1866, il faudra l'augmenter de 20,000 environ. De même pour avoir la population d'une époque postérieure, il faudra l'augmenter des accroissements constatés.

On se trouve, pour fixer la population au 31 décembre 1866, en présence de deux chiffres : le chiffre de recensement et le chiffre des registres de population.

D'après les résultats provisoires que j'ai entre les mains, la population ne s'élèverait qu'à 4,839,094 âmes, de sorte que ces résultats accusent, sur le chiffre que suppose la répartition, un déficit de 121,000 habitants, déficit qui se réduit à 101,000 pour la fin du premier semestre de 1866. Ces chiffres ne sont que provisoires ; ils se modifieront peut-être ; ainsi le tableau qui m'avait été remis hier matin a dû être modifié dans la journée, parce qu'une erreur de 5,000 habitants avait été découverte pour l'arrondissement de Bruxelles ; mais, quoi qu'il en soit, je. prends ces chiffres comme résultat du recensement.

Le chiffre de la population constaté par les registres de la population, s'élevait à la même époque à 4,991,613. Ces livres du mouvement de la population ont servi de base à la loi de 1866, en prenant leur résultat à la fin de 1865 ; le chiffre était alors de 4,984,837. Mais comme je viens de le dire, nous devons faire porter l'examen sur la fin de l'année 1866, sauf à modifier le résultat si nous voulons nous reporter à une autre époque.

Vous voyez que si le chiffre du recensement est inférieur à la population nécessaire pour la représentation nationale, le chiffre des registres de population est notablement supérieur.

M. Dumortierµ. - Il faut voir ce que valent ces livres.

MiPµ. - L’honorable M. Dumortier va très vite ; il tranche la question. Il suppose que cela prouve que les registres de population ne valent rien et que le recensement est bon.

M. Dumortierµ. - Je n'ai pas dit cela. J'ai dit qu'il faut voir ce qu'ils valent.

MiPµ. - Nous allons rechercher avec impartialité quel est le chiffre vrai, et je puis dire que le changement à faire, au point de vue de la politique, serait absolument indifférent parce que s'il y avait quelque mutation, il serait dans le sens de la même opinion, de sorte que la position des partis ne serait pas changée.

Je me trouve donc en présence de deux chiffres : celui du recensement et celui des registres de population. Il s'agit de chercher à écarter les erreurs ou du moins de chercher à les limiter ; en termes de mathématiques, il s'agit de faire une élimination ou au moins un calcul de limites.

Occupons-nous d'abord du recensement.

Le recensement est-il une opération exacte ? Et s'il renferme des erreurs, quelles sont ces erreurs ?

Il est constaté de la manière la plus certaine que les recensements donnent toujours des chiffres trop bas ; je vais le prouver.

Lorsque le premier recensement fut fait, voici ce que disait la commission de statistique dans un rapport adressé à M. de Theux, le 23 décembre 1846 :

« Cependant la commission centrale est convaincue qu'il existe encore des omissions, comme il s'en trouve dans tous les recensements, car, quelque soin qu'on mette à de semblables opérations, les chiffres annoncés restent toujours au-dessous des chiffres réels. »

La commission de statistique à propos du même recensement a cherché à se fixer sur la quotité de l'erreur, et voici ce qu'elle disait dans le préambule de la publication de son travail :

« Il résulte de l'ensemble des observations qui ont été recueillies, et de la vérification des nombres donnés par le recensement, que ces nombres sont généralement trop faibles. Les omissions, terme moyen, peuvent être évaluées, pensons-nous, à 1 sur 60, ce qui donnerait, sur une population de 4,337,196 personnes, une erreur en moins de 72,287 habitants.

Ainsi nous constatons, par des opinions émises à une époque qui n'est pas suspecte, en 1846, que les recensements donnent toujours des résultats trop faibles. On évaluait alors l'erreur à 1 sur 60.

Voyons maintenant quelle valeur ont les registres de population.

Les registres de population prennent pour point de départ la population constatée par le recensement. ; ainsi les registres de population qui ont servi à la loi de 1866 partent du recensement de 1856. Les chiffres du recensement sont successivement modifiés par des données de deux espèces : le mouvement de l'état civil, le mouvement communal d'entrée et de sortie des habitants.

Le mouvement de l'état civil constatant la différence du nombre des naissances au nombre des décès, est un travail dont on peut répondre à une unité près ; c'est le relevé d'actes authentiques.

L'entrée et la sortie des habitants se composent de deux éléments : le premier est un élément rectificatif du recensement, le second est un élément incertain ; il peut rectifier ou altérer le recensement.

Le recensement, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, contient des omissions.

Si un individu omis sur le recensement a un acte quelconque à faire (page 1160) à l'administration communale qui fasse recourir au registre de population, on constatera que cet individu a été omis ; on l'inscrira a l'entrée, sans qu'il puisse y avoir de sortie correspondante. Cette inscription aux registres de la population est, dans la circonstance que je viens d'indiquer, un élément complémentaire, rectificatif du recensement.

Cet élément est d'une grande importance comme nous le verrons.

Les mutations de résidence faites sans erreur ne modifieraient le recensement que lorsqu'il y a transfert de résidence à l'étranger ou de l'étranger. Ces cas sont peu nombreux. Pour le surplus, ces mutations ne devraient pas changer le chiffre de la population, mais elles sont sujettes à des erreurs qui sont plus fréquemment l'omission d'une radiation que l'omission d'une inscription. Elles tendraient donc à augmenter le chiffre de la population ; ces erreurs rapprocheront le recensement de la vérité jusqu'à ce que les omissions du recensement soient compensées ; elles s'en écarteraient après cette compensation opérée.

Pour la période qui nous occupe, c'est-à-dire celle qui sépare le recensement de 1856 du recensement de 1866, le mouvement d'entrée et de sortie des communes ne distingue pas les deux éléments du registre de population que je viens d'indiquer, à savoir l'élément rectificatif des omissions et l'élément des mutations entre les inscriptions sur divers registres. On ne peut donc donner, d'après les documents qui existent au département de l'intérieur, qu'une division : on ne peut que placer les naissances et les décès, d'une part ; et les autres mouvements de la population, d'autre part. Mais on a reconnu, depuis 1866, que l'élément rectificatif était tellement important qu'il fallait y consacrer une colonne spéciale dans le travail du recensement ; de sorte que, aujourd'hui, il y a trois colonnes dans les registres de population : mouvement d'état civil ; réparation des omissions du recensement, et enfin, mouvement des entrées et des sorties.

Nous pouvons apprécier déjà depuis peu quelle est l'importance des omissions relativement à la ville de Bruxelles : on a constaté pour Bruxelles seulement 3,389 omissions sur une population de 163,434 habitants. Or, 3,389 omissions correspondent, pour cette population, à une omission d'environ 1 sur 50 ou 2 p. c.

Ainsi, en une seule année, les registres de population ont réparé plus d'omissions qu'on n'en supposait en 1846. Or, il n'est pas contestable que ce travail de réparation qui est aujourd'hui apparent, par la séparation faite dans les registres, ne se soit produit dans le mouvement des entrées et des sorties pendant la période décennale antérieure à 1866.

Ainsi, les registres de la population contiennent d'une part le relevé de l'état civil constatant avec une certitude parfaite des faits postérieurs au recensement, et d'autre part le mouvement des entrées et des sorties qui peuvent rétroagir sur le recensement, soit en réparant des omissions, ce qui est une rectification utile, soit par des omissions d'inscription de sortie et d'entrée, lorsque l'inscription correspondante est faite, ce qui est sujet à changer sans cause le chiffre de la population.

Les deux documents qui sont en présence nous conduisent donc à des résultats bien opposés.

Le recensement pèche toujours par défaut.

Les registres de population tendent à accroître le chiffre du recensement, d'abord par l'élément rectificatif, ensuite par la plus grande fréquence d'omissions des radiations que des inscriptions, et cette dernière circonstance devient une cause d'erreur lorsque le déficit du recensement est comblé, mais seulement alors.

La conséquence de cet état de choses est que chaque fois qu'on fera un recensement, on aura une chute de population. Le déficit du recensement précédent comblé par les rectifications ou les omissions de radiation, se reproduira dans le recensement nouveau qui doit ainsi donner un chiffre moindre que les registres de population.

En 1856, comme en 1866, on était en présence des mêmes causes, et ces causes ont produit les mêmes effets.

Après le recensement de 1846, le premier qui a été fait en Belgique, on avait réorganisé les registres de population ; on était arrivé à constater, pour la fin de 1856, 4,643,752 habitants. Le recensement ne constata qu'une population de 4,529,000 habitants.

Nous pouvons donc, dès à présent, prédire que, lorsque en 1876 on fera le prochain recensement, nous aurons encore le même phénomène, c'est-à-dire qu'on constatera encore une diminution de population.

Nous avons à rechercher quel est, des deux chiffres en présence desquels nous nous trouvons, le plus vrai.

Le chiffre du recensement est, d'après la théorie, naturellement trop bas ; l'autre peut être trop ou trop peu élevé, selon que la tendance à la hausse sera parvenue ou non à lui faire dépasser le déficit du recensement.

Voyons d'abord si le chiffre du recensement n'est pas anomalement insuffisant.

Nous pouvons le comparer aux recensements de 1856 et de 1846.

Pour faire cette comparaison avec le recensement de 1856, il suffit d'en augmenter le chiffre de l'excédant des naissances sur les décès, pris sur l'état civil, pendant la période décennale. II y a là un élément d'indiscutable véracité, non sujet à erreur.

On obtiendra ainsi la population de 1866 d'après le recensement de 1856, en ne négligeant que les faits d'émigration ou d'immigration peu importants dans notre pays.

Le recensement du 31 décembre 1856 accuse 4,529,461 et l'excédant des naissances sur les décès est de 395,213. La population serait ainsi de 4,924,074.

Je puis faire maintenant le même travail pour le recensement de 1846.

Le recensement de 1846 donne 4,337,018. L'excédant des naissances sur les décès est, de 1846-1856, de 255,735 et, de 1856-l866, de 395,213. La population serait de 4,987,996.

Ainsi, les trois recensements ramenés par l'état civil au 31 décembre 1866 donnent pour population, à cette époque, les chiffres suivants que nous mettons en regard : Celui de 1846, 4,987,996 ; celui de 1856, 4,924,674 ; celui de 1866, 4,839,004.

Soit, en moyenne, 4,917,254.

La moyenne se rapproche donc sensiblement du chiffre indiqué par le recensement de 1856.

Il est presque impossible qu'en matière de recensement, les résultats les plus bas ne soient pas les plus inexacts ; mais en prenant cependant cette moyenne vraisemblablement au-dessous de la réalité, et en la complétant par la proportion d'omissions indiquée à l'origine des recensements (1 sur 60), on arrive au chiffre de 4,998,000 habitants ; chiffre à peu près égal au chiffre des registres de population.

Il y a là une circonstance dont l'importance ne vous échappera pas. Les registres de population ont, comme le calcul que nous venons de faire, le recensement de 1856 pour base.

Le chiffre de ce recensement, augmenté du mouvement de l'état civil, est de 4,924,674.

Ce chiffre accru, en outre, du mouvement des entrées et des sorties, est de 4,991,613. Différence, 66,939.

Or, nous venons de voir que le déficit probable du recensement de 1856 devait atteindre 80,000 environ. L'action réparatrice des registres de population est donc restée au-dessous du déficit probable.

M. Van Wambekeµ. - D'après ce raisonnement, il n'y a plus rien de stable.

MiPµ. - Je n'ébranle rien, je compare, au contraire, tous les éléments que nous possédons. N'est-il pas sage de comparer le nouveau recensement aux anciens, si l'on peut rapporter ceux-ci à la date du dernier recensement par un moyen certain ? Or, contesterez-vous que le relevé des actes de l'état civil ne soit tout à fait hors de critique ?

N'est-il pas bien légitime de constater que le recensement de 1846, sans aucune modification, conduit par ce rapprochement au moyen de l'état civil à un chiffre presque égal à celui des registres de population ?

N'est-il pas légitime de montrer que si ces livres ont forcé le nombre du recensement de 1856, ces excès n'ont pas balancé le déficit probable de ce recensement et qu'ainsi ces livres ne donnent pas une population exagérée ?

N'est-il pas légitime enfin de rechercher ce que donne la moyenne des recensements ramenés à la même époque ?

Les calculs que nous venons de faire nous indiquent pour la fin de l'année 1866 une population de 4,990,000 à 5,000,000 d'habitants.

Nous savons que 4,960,000 habitants suffisent à la justification de la loi, et qu'à l'époque de sa mise à exécution la population dépassait de 20,000 celle de la fin de 1866. On pourrait donc déduire 50,000 à 60,000 de ces chiffres sans que la mesure législative perdît sa base.

(page 1161) En tenant compte de ces circonstances, on voit qu'il suffirait d'avoir 4,940 000 habitants à la fin de 1866.

Pour atteindre ce chiffre, il suffit de supposer au recensement de 1856, rapproché par l'état civil, un déficit de 15,326 habitants, soit environ 1 habitant sur 300, proportion évidemment inférieure à la réalité.

Pour réaliser cette même hypothèse, quel sera le déficit à supposer au recensement de 1866 ? 100,000 habitants, soit 1 sur 48. Proportion qui est très rapprochée de celle des omissions constatées en une seule année pour Bruxelles et qui n'a d'ailleurs rien d'excessif.

On voit par là que si l'on prend le recensement de 1856 pour base de la répartition faite en 1866, on peut réduire les omissions au delà de toute possibilité sans faire descendre la population en dessous du chiffre nécessaire, et que si l'on veut s'obstiner à ne voir que le recensement de 1866, il suffit de suppléer un chiffre d'omissions rendu probable par la comparaison des anciens recensements, par les observations de la statistique et par les faits constatés.

Je crois que si l'on veut étudier tous les faits qui peuvent éclairer sur le chiffre de notre population en 1866, sans parti pris, on arrivera à ce résultat qu'elle devait approcher de très près 5,000,000 d'habitants, si elle n'atteignait ce chiffre.

J'abandonne maintenant ce terrain d'intérêt historique plus que pratique pour rechercher si, quelque opinion qu'on ait de la situation en 1866, il faudrait modifier la loi existante pour l'avenir.

J'ai fait rechercher quels sont les changements qui se sont opérés en 1867.

L'état civil renseigne un excédant de naissances sur les décès de 49,638.

Les autres indications du mouvement de la population portent le chiffre d'augmentation à 67,083.

Comme la loi, que par hypothèse on voudrait faire, sortirait seulement ses effets au mois de novembre prochain, j'ai recherché la situation probable à la fin de l'année courante. A cette fin, le mouvement de la population de 1867 a été doublé pour chaque arrondissement.

Le mouvement de la population comprend donc les excès des naissances sur les décès, les rectifications du recensement et le mouvement d'entrée et de sortie.

En supposant un petit excès sur ce dernier chiffre, il est bien évident qu'il sera très loin des omissions non réparées.

Le résultat est d'après ce calcul de 4,973,260 habitants ; il est de 13,000 supérieur au chiffre de la répartition parlementaire.

Quelques mots maintenant sur la question de répartition.

J'ai fait examiner quels seraient les changements que la représenta-lion nationale devrait subir si on la reformait sur la population probable à la fin de l'année courante.

Une des premières victimes serait l'honorable M. Magherman qui a soulevé la question ; car, Audenarde continue à se tenir toujours beaucoup au-dessous de la proportion voulue. Mais pour le consoler, je lui dirai qu'il n'aurait qu'à s'adresser à Alost, qu'il trouverait là une place nouvelle. Probablement Alost serait heureux de le recevoir, ne fût-ce que pour lui prouver sa reconnaissance d'avoir fait attribuer à cet arrondissement un représentant de plus.

L'honorable M. Delcour, ou l'un de ses collègues, devrait disparaître de Louvain pour aller à Eecloo. Enfin, un député de Liège devrait passer à Verviers. Charleroi aurait sa part, il prendrait un député à Thuin. Je suis charmé de faire connaître à mes honorables collègues de Thuin qu'ils représentent un peu en ce moment Charleroi, et je les prie de ne pas l'oublier à l'occasion.

Voilà la situation.il en résulte que les changements, qui seraient d'ailleurs contre toute espèce de précédent, n'auraient aucune espèce d'intérêt politique. Je ne pense pas que quelqu'un soit tenté de le proposer. Je ne crois pas surtout que ce soit l'honorable M. Magherman qui en soit tenté.

Quant à la ville de Bruxelles, elle est parfaitement en règle et il n'y a pas moyen de lui enlever un député.

Telles sont les observations que je crois devoir soumettre à la Chambre, en réponse à la question qui m'a été adressée.

(page 1155) M. Maghermanµ. - Messieurs, lorsque j'ai signalé à la Chambre la différence qui existe dans la population de l'arrondissement de Bruxelles, d'après le dernier recensement, et celle qu'on a prise pour base lors de la dernière augmentation de la représentation nationale, mon intention n'était pas à priori d'enlever un député à l'arrondissement de Bruxelles ; je voulais seulement indiquer la gravité de la situation et l'urgence qu'il y avait pour le gouvernement de communiquer à la Chambre le résultat du recensement, afin de nous assurer de la situation au point de vue de la prescription constitutionnelle, avant les prochaines élections.

En effet, messieurs, la Constitution n'exige pas que la représentation nationale soit toujours dans la proportion d'un représentant pour 40,000 habitants et d'un sénateur pour 80,000 habitants, bien qu'il soit désirable qu'il en soit ainsi, mais la Constitution exige impérieusement que le nombre des sénateurs et des représentants n'excède pas cette proportion.

La population, si je ne me trompe, est, d'après les indications de M. le ministre, puisées dans le dernier recensement, de 4,840,000 habitants ; il y aurait donc 120,000 habitants de moins que le chiffre qui a été pris pour point de départ lors de la dernière répartition.

M. le ministre est entré dans des détails qu'il est impossible d'apprécier à l'instant même et de discuter en ce moment. Je demanderai que la discussion soit ajournée jusqu'à ce que le discours de l'honorable ministre ait été inséré aux Annales parlementaires et que chacun ait pu en prendre connaissance.

Puisque l'honorable ministre semble m'avoir adressé un argument ad hominem, je dirai que la question de l'arrondissement d'Audenarde n'est pas neuve ; cet arrondissement a conservé son troisième député parce qu'il a un excédant assez considérable sur le chiffre nécessaire pour avoir deux représentants.

Il est vrai que l'arrondissement d'Alost a un excédant un peu plus fort au-dessus du chiffre complet pour trois députés, mais c'est en vertu de cet excédant que l’arrondissement d'Alost a un sénateur de plus et jamais les Chambres n'ont accorde à un arrondissement à la fois un sénateur et un représentant de plus pour une fraction de population inférieure au contingent complet.

Du reste, messieurs, si je siégeais ici contrairement à une disposition de la Constitution, sans avoir l’héroïsme d'un Curtius, auquel il a plu à l'honorable ministre de me comparer, je n'en exprimerais pas moins le désir de voir la représentation nationale réduite à ses proportions constitutionnelles.

Je demande, messieurs, par motion d'ordre, que la discussion soit ajournée, afin que l'on puisse prendre connaissance du discours de M. le ministre, car il est impossible d'apprécier ses chiffres à une simple audition.

MpDµ. - Messieurs, l'honorable M. Magherman propose d'ajourner la suite de cette discussion. Je consulte la Chambre sur le point de savoir si elle entend séparer cette question du budget.

M. de Theuxµ. - Ce qui est désirable pour le moment. C'est de hâter l'impression des documents dont M. le ministre de l'intérieur a donné connaissance à la Chambre. Nous pourrons fixer ensuite le jour de la discussion.

MiPµ. - Il n'y a pas de documents. Les renseignements sont dans le discours.

M. de Theuxµ. - S'il y a des documents à l'appui, je demande qu'ils soient imprimés également.

M. Jacobsµ. - Messieurs, lors de la loi qui a augmenté le nombre des membres de la Chambre, on nous a remis un tableau de la population du royaume par arrondissement administratif. C'est évidemment un tableau analogue qui a servi à M. le ministre de l'intérieur à faire des calculs et à nous dire qu'un député serait enlevé à tel arrondissement pour être ajouté à tel autre.

Je demande donc que M. le ministre public un tableau analogue à celui qui a été publié il y a deux ans et que j'ai ici sous la main.

MiPµ. - Je ferai imprimer les chiffres du recensement, avec la réserve que ces chiffres ne sont que provisoires.

Plusieurs d'entre eux ont été demandés et transmis par le télégraphe. On pensait ne fournir le travail qu'à la fin de juin, mais à la suite d'interpellations, j'ai tenu à donner immédiatement les renseignements pour qu'on ne pût m'accuser d'avoir voulu cacher la situation. Il se peut donc que, par suite d'une nouvelle vérification, il y ait quelques rectifications à opérer.

Je ferai imprimer les chiffres avec la répartition par arrondissement, en supposant l'augmentation que je viens d'indiquer du double de l'accroissement de 1866.

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - Nous remercions M. le ministre de l'engagement qu'il vient de prendre, mais je voudrais aussi lui demander si, dans l'intervalle qui s'écoulera d'ici à la discussion, il ne pourrait point s'entourer de renseignements plus précis et les communiquer à la Chambre à mesure qu'ils lui parviendraient.

MiPµ. - Quels renseignements ?

M. Kervyn de Lettenhoveµ. M. le ministre vient de nous apprendre que les renseignements dont il a fait usage lui ont été communiqués par télégraphe. J'ai l'honneur de lui demander si, dans l'intervalle qui s'écoulera entre l'impression de son discours et la discussion qui aura lieu au sein de la Chambre, il ne pourra pas s'entourer de renseignements plus complets.

(page 1156) MiPµ. - Si j'ai dit que ces renseignements avaient été demandés par le télégraphe, ce n'est pas que je doute de l'exactitude des chiffres ; j'ai voulu faire comprendre seulement qu'il pourrait y avoir encore des vérifications de calculs à faire par suite de la précipitation de l'envoi.

J'ai produit les chiffres qui me sont parvenus et je publierai le tableau tel qu'il m'a été fourni par les bureaux.

Si l'on veut une vérification complète, il faudra attendre la session prochaine.

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - Il est évident qu'un ajournement n'est pas dans ma pensée. La. Chambre se séparera bientôt, et il importe, pour la sincérité du gouvernement parlementaire, que nous connaissions les bases sur lesquelles se feront les nouvelles élections. Mon but est d'obtenir des renseignements aussi exacts que possible

J'avais mal compris M. le ministre en ce qu'il a dit de la valeur chiffres fournis par le télégraphe, et dès lors je n'insiste pas.

MiPµ. - J'ai fait recueillir dans tous les gouvernements provinciaux et commissariats d'arrondissement les renseignements statistiques. Les chiffres que j'ai indiqués sont ceux qui m'ont été fournis sur des demandes pressantes. Il se peut qu'il y ait quelques modifications à y faire. Je tiens à constater cette circonstance pour qu'en ne puisse pas m'accuser plus tard d'avoir fourni des chiffres inexacts.

Je le répète, j'ai cité des chiffres tels qu'ils m'ont été envoyés par tous les fonctionnaires de l'administration.

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - C'est entendu.

M. Dumortierµ. - Il y a une chose que je ne comprends pas, c'est qu'il faille seize mois pour faire les calculs du recensement. Il me semble que ces calculs se rapportant uniquement aux hommes, aux femmes et aux enfants pourraient être faits en moins de temps dans un petit pays comme le nôtre, surtout en présence de la masse d'administrations qui s'en occupent. Il n'a pas fallu plus de la moitié de ce temps pour les recensements antérieurs.

Le recensement accuse une population de 4,810,000 âmes. Ce doit être un fait acquis ; mais ce chiffre n'est pas d'accord avec celui qu'on a pris pour base de la loi faite il y a deux ans.

Or, on peut, parce que, en mathématiques, on appelle des artifices de calcul, démontrer la vérité de l'opération faite alors (interruption), et ce sont ces artifices de calcul qu'on s'est fait adresser par le télégraphe.

Lorsque je vois sur le chiffre de la population, comparé avec celui qui a servi de base à la loi de 1866, un déficit de 120,000 habitants, qui correspond à une diminution de trois membres de la représentation, je ne suis pas surpris que nous ayons mis seize mois à faire le dépouillement du recensement. On aura cherché pendant ce temps à trouver des moyens, des artifices de calcul pour justifier le vote d'il y a deux ans.

Voici l'explication de cet étrange retard.

J'examinerai les calculs que nous a présentés M. le ministre de l'intérieur ; mais je dois déclarer dès maintenant que, selon moi, ce qu'a dit l'honorable ministre est tout simplement un plaidoyer contre le recensement.

Si sa thèse était vraie, il ne faudrait plus faire de recensement. Quoi ! le recensement ne fournit que des calculs erronés et ce sont les opérations quotidiennes des bureaux des administrations communales qui donnent la base réelle ! Je suis d'un avis contraire.

Je ne méconnais pas que des omissions puissent avoir lieu dans le recensement, mais qui oserait prétendre que dans les tableaux de population formés par les administrations communales, on ne fasse pas d'erreurs ? Si l'on peut dire que dans les grandes villes, le travail se fait avec soin, peut-on en dire autant de toutes les petites communes de la Belgique ?

Il n'y a qu'une seule opération sérieuse ; c'est le recensement ; elle peut bien présenter quelques légères erreurs, mais là du moins, on déduit les absents, les émigrés, ce qui est loin d'être exact dans les tableaux de population.

Je me borne à de simples observations ; elles prouvent à l'évidence combien il est nécessaire de ne pas rejeter trop loin le recensement, car s'il est vrai qu'il y a dans cette enceinte trois députés de plus que la Constitution ne le permet, ce serait une nouvelle violation de la Constitution à ajouter à toutes les autres.

J'insiste donc pour l'impression, et si la discussion ne doit avoir lieu que dans quelques jours, je demande que, indépendamment de l'impression au Moniteur du discours de M. le ministre de l'intérieur et des tableaux qui s'y rapportent, ces documents soient encore imprimés comme documents parlementaires.

MiPµ. - Je dois protester contre les accusations que l'honorable M. Dumortier vient de se permettre. M. Dumortier peut parfaitement discuter ce que j'ai dit ; mais il ne peut pas venir prétendre que si nous ne produisons pas des documents définitifs aujourd'hui, c'est parce qu'il y a là-dessous quelque machination tendante encore une fois à une violation de la Constitution.

M. Dumortierµ. - Ne me faites donc pas dire ce que je n'ai pas dit ; je n'ai point parlé de machination.

MiPµ. - Vous avez prétendu que si l'on avait tardé seize mois pour faire connaître les résultats du recensement, c'est parce qu'on ne voulait pas les livrer plus tôt à la publicité.

Je dis que cette accusation est sans aucun fondement. Personne ne connaît encore exactement les chiffres du recensement.

M. Hymansµ. - Pas même la commission de statistique.

MiPµ ; - Avant de soulever ici la question, l'honorable M. Magherman s'était rendu dans les bureaux du département de l'intérieur (interruption) ; on y connaissait seulement les chiffres statistiques concernant la ville' de Bruxelles, mais comme l'honorable M. Magherman demandait le chiffre pour tout l'arrondissement de Bruxelles, on a eu l'obligeance de se rendre au commissariat d'arrondissement pour y chercher ce renseignement et le fournir à l'honorable membre.

Voilà ce qui s'est passé et je suis heureux de pouvoir invoquer ici le témoignage de M. Magherman ; sans cela M. Dumortier ne manquerait probablement pas de prétendre encore que j'imagine un argument pour les besoins de la cause.

Je le répète, messieurs, quand la demande s'est produite ici pour la première fois, j'ai fait toutes les diligences possibles pour être en mesure de fournir immédiatement les renseignements à la Chambre.

Le travail que j'ai communiqué est nécessairement incomplet et, dans ces conditions, je dois faire toutes mes réserves quant aux erreurs qui ont pu être commises.

Je prie toutefois l'honorable M. Dumortier de ne pas se méprendre encore une fois sur le sens de ces réserves. J'admets parfaitement qu'on discute mes chiffres, car je crois qu'ils ne seront pas sensiblement modifiés. Mais il peut s'y être glissé quelques erreurs sans grande importance et c'est en vue de ces erreurs que je fais mes réserves.

Mais, me dit l'honorable M. Dumortier, si vous n'avez donc aucune confiance dans le recensement, pourquoi y faire procéder encore à l'avenir ?

L'honorable membre n'aura probablement pas compris mes arguments. Il professe, je crois, un profond mépris pour les chiffres et c'est probablement ce qui l'aura empêché de m'écouter. Je n'ai fait autre chose, en somme, que de me baser sur les recensements. J'ai pris ceux de 1846, de 1856 et de 1866 ; mais de ce que je ne place pas ce dernier au dessus de tous les autres, il ne s'ensuit pas que je conteste son utilité et que je ne le considère pas comme intéressant au même titre que ceux qui ont été faits sous l'administration de MM. de Theux et de Decker.

Maintenant, je me sers des actes de l'état civil ; mais qu'on établisse le mouvement de la population ou qu'on fasse un relevé d'actes authentiques, n'est-ce pas toujours un recensement ? Seulement, ce dernier est plus certain et personne ne peut y soupçonner aucune erreur.

Je le répète donc, messieurs, il ne faut pas s'attacher à un seul recensement pour constater les modifications qu'il peut amener dans la situation politique ; il faut autre chose que les présomptions résultant d'un seul recensement pour trancher une pareille question ; il faut comparer entre eux les divers recensements qui ont été faits.

Vous voulez repousser du débat certains éléments qui vous gênent ; moi, je les prends tous ; je me place dans toutes les hypothèses, et je dis que, dans toutes, il faut maintenir la représentation actuelle.

L'honorable M. Dumortier nous dit : Il n'y a que dans les grandes villes que le recensement se fait bien.

M. Dumortierµ. - Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit.

MiPµ. - Supposons que les opérations de la statistique générale se fassent dans toutes les autres communes exactement de la même manière qu'à Bruxelles ; or, je vous ai prouvé par un chiffre positif qu'à Bruxelles on avait constaté une omission de 3,300 habitants, et cela en une seule aunée ; j'ai prouvé que (page 1157) ce chiffre constituait pour la Belgique 1 sur 50, c'est-à-dire 2 p. c, et que l'omission suffisait et au delà pour attribuer à la Belgique une population de 5 millions d'habitants.

Maintenant qu'on discute les explications que j'ai données ; qu'on discute les chiffres que j'ai produits, rien de mieux ; mais ce que je ne puis pas admettre, ce sont les insinuations de mauvaise intention qu'on dirige contre moi.

M. de Theuxµ. - Messieurs, pour apprécier sainement ce que vient de dire M. le ministre de l'intérieur relativement au recensement, il serait important de savoir à quelle époque ce résultat a été reconnu après le recensement de 1846 et après le second recensement, celui de 1856.

Une seconde observation. M. le ministre de l'intérieur nous a parlé des omissions qui pourraient exister dans le chiffre comparativement au registre de population.

Mais l'assertion ne repose, que sur les inscriptions au registre de population ; mais il faudrait savoir s'il n'y a pas une compensation par la sortie. Je voudrais connaître l'avis de la commission centrale de statistique sur le point de savoir quelle influence les sorties non annotées au registre de population ont pu opérer sur la situation réelle. Il faudra pouvoir comparer, d'un côté, les omissions dans les entrées, de l'autre, les omissions dans les sorties. Il y aurait une double comparaison.

Un troisième point, c'est que M. le ministre de l'intérieur veuille bien demander, par la voie administrative, les renseignements qu'il a demandés par le télégraphe. L'honorable ministre pourrait réclamer ce renseignement et l'obtenir encore pendant la discussion du budget ; nous ne serions pas obligés de nous en rapporter au télégraphe.

MiPµ. - Messieurs, je ferai rechercher les renseignements que demande l'honorable M. de Theux relativement au recensement de 1846 et à celui de 1856.

L'honorable membre demande encore que les chiffres que j'ai obtenus par le télégraphe soient confirmés par la voie administrative ordinaire. Quant à moi, je n'ai pas de doute sur l'exactitude de ces chiffres ; je suppose même que, depuis, ils ont été déjà confirmés par des dépêches ; mais ces chiffres ne sont que provisoires. C'est la seule réserve que j'ai faite. Du reste, je ne m'oppose pas à ce que vous les regardiez comme certains pour la discussion.

Enfin, l'honorable comte de Theux me demande si on peut avoir le chiffre exact des entrées et des sorties.

Pour la période de 1856 à 1866, il n'y avait, dans les formules de renseignements que deux colonnes de population :

Première colonne : naissances et décès.

Deuxième colonne : entrées et sorties.

Mais par la force même des choses, ces deux colonnes contenaient la rectification des omissions. Ainsi, quand un individu se faisait inscrire dans une commune sans pouvoir déclarer de quelle autre commune il venait, cela n'empêchait pas qu'il figurât dans la première commune sans qu'on pût faire une radiation correspondante.

Il y avait donc, de fait, réparation d'une omission.

Il est impossible, d'après les documents que je possède, de séparer, pour cette période, les deux éléments qu'on indique.

Je n'ai apprécié leur importance respective que par des comparaisons avec ce qui a toujours été fait.

J'ai déclaré d'un autre côté que dans les éléments d'entrée et de sortie il peut y avoir erreur et j'ai été jusqu'à dire que dans ma conviction il arrivait bien souvent qu'on indiquait plus d'entrées qu'il n'y avait de sorties.

Maintenant, messieurs, pour compléter mon explication je dirai que, dans les formules de renseignements on a établi une troisième colonne depuis 1867 seulement ; il existe un arrêté royal qui est antérieur encore à cette discussion et qui prescrit cette mesure. L'article 17 de l'arrêté royal du 31 octobre 1866 porte : « L'administration communale recherche également les habitants qui ne seraient pas inscrits au registre de population, soit pour avoir été omis au recensement, soit pour n'avoir point déclaré leur changement de résidence.

« Elle fait opérer l'inscription de ces habitants, après avoir provoqué la rédaction du certificat n°2 et de l'avis n°4, ou constaté qu'ils ne sont pas inscrits dans une autre commune. »

Et en traduisant cela en fait, on a, dans les nouvelles formules, établi une troisième colonne destinée aux omissions.

Ce n'est donc que depuis 1866 qu'on peut apprécier le rôle de ces omissions.

J'ai pu vérifier ainsi ce fait, que dans la ville de Bruxelles on a constaté sur un recensement un nombre d'omissions équivalent à 4 p. c. (Interruption.)

Je dit qu'il y a incontestablement dans les registres de la population un élément rectificatif dont je ne puis fixer l'importance. Seulement pour vous donner une idée de cette importance, je vous indique les faits que je connais.

Or, je connais le fait que je viens de vous citer concernant la ville de Bruxelles, je connais d'une autre part l'appréciation faite par la commission de statistique sous l'administration de M. de Theux.

Voilà les faits que j'ai signalés. Ils m'autorisent, me semble-t-il, à dire qu'il y a dans les registres de population de nos communes un élément rectificatif et l'on peut apprécier si cet élément est plus ou moins fort que le terme de comparaison que. nous possédons.

M. Dumortierµ. - Je répondrai seulement à l'attaque peu bienveillante que l'honorable M. Pirmez a dirigée contre moi.

L'honorable ministre apporte toujours, dans cette enceinte, des habitudes d'avocat, contraires à toutes les convenances parlementaires, et qui consistent toujours à faire dire à ses adversaires le contraire de ce qu'ils ont dit. Ainsi j'ai parlé du déficit qui s'était produit dans la tenue des tableaux de population de petites communes, et l'honorable ministre me fait dire qu'il y a des erreurs dans le recensement des petites communes.

Voilà comment on discute dans cette Chambre ! Si c'est là une manière particulière au barreau, elle ne convient nullement à la dignité de la Chambre.

Il faut discuter les arguments tels qu'ils sont présentés et ne pas leur donner un sens qu'ils n'ont pas.

Je soutiens, messieurs, qu'il est inexplicable qu'il ait fallu seize mois pour établir le recensement de la population et n'avoir encore que des, chiffres approximatifs.

Comment, il faut seize mois pour obtenir le recensement de la population ! Si ma mémoire n'est pas infidèle, nous avons eu le recensement de la population, chaque fois qu'il a été fait, après huit ou dix mois.

Vous me direz peut-être : Il y a un travail d'épuration nécessaire et c'est ce travail qui nous prend beaucoup de temps.

Et, messieurs, c'est précisément ce travail d'épuration que vous ne faites pas, et que vous ne pouvez pas faire dans les tableaux de population que vous invoquez, mais auquel vous ne pouvez arriver que par le recensement général du pays.

C'est là la cause de toutes vos erreurs. Quant à ce que vous me dites qu'il y a 3,389 habitants retrouvés à Bruxelles, je voudrais savoir comment on est parvenu à les retrouver et si ce ne sont pas là aussi des personnes qui ont deux domiciles, un domicile d'hiver à Bruxelles, et un domicile d'été à leur résidence réelle et qu'on porté sur les registres de la ville de Bruxelles, car chacun sait que l'hiver la capitale s'augmente momentanément de personnes qui viennent y résider temporairement sans appartenir à sa population.

Eh puis je dois le dire, en supposant que les faits soient vrais dans la capitale, faut-il en conclure que pareille chose se passe dans toute la Belgique et qu'il faille accroître la population à cause des erreurs qui auraient été commises dans une localité ?

Si c'est là votre manière de raisonner, je dis qu'elle n'est pas logique.

Au reste, nous reviendrons à tout cela lorsque nous discuterons la question. Mais comme elle doit être discutée sérieusement, je renouvelle ma demande, que le discours de M. le ministre, avec les pièces à l'appui, soit imprimé comme document de la Chambre.

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - M. le ministre de l'intérieur a parlé à plusieurs reprises d'un déficit constaté dans la population de la ville de Bruxelles. Je désirerais que M. le ministre de l'intérieur, à l'aide des renseignements statistiques qui sont à sa disposition, voulût bien rechercher si, au contraire, on ne compte pas, dans la population de la capitale, un élément qui ne lui appartient pas légitimement. Je veux parler d'un grand nombre de naissances qui ont lieu dans la capitale, naissances appartenant à certaines catégories spéciales ; et en ce cas, peu de semaines après, les enfants retournent à la campagne, tandis qu'ils continuent à figurer, en vertu d'un acte de l'état civil, dans la population de la capitale, ce qui ne devrait pas être.

Sans entrer dans le fond de la question, puisque la Chambre en a résolu l'ajournement, je crois devoir, dès aujourd'hui, m'élever contre le système de M. le ministre de l'intérieur.

Tandis que dans la loi de 1856, se lit une règle formelle qui porte que le recensement général opéré tous les dix ans servira seul de base (page 1158) à la répartition des membres des Chambres législatives, nous avons entendu aujourd'hui M. le ministre de l'intérieur défendre un système tout différent et tout nouveau, système d'appréciation qu'il a formulé même dans ces termes assez vagues : « Le résultat doit être ou le résultat devrait être », et dès lors on ne rencontre plus qu'une répartition fondée sur des chiffres douteux, qui, d'après les uns seront plus élevés, qui, d'après les autres, seront inférieurs, et qui, dans tous les cas, excluent toute certitude.

Eh bien, messieurs, je crois devoir insister sur cette considération que lorsqu'il s'agit de la sincérité du gouvernement parlementaire, il faut que les bases de la représentation nationale soient incontestables et qu'elles soient reconnues par tout le monde. C'est à ce point de vue que la législation de 1856 avait fixé des bases certaines, auxquelles nous devrions nous attacher encore aujourd'hui, et je regretterais vivement que la Chambre entrât dans une voie où, sous l'influence de tel ou tel système soutenu par le gouvernement et proclamé par la majorité des membres de cette assemblée, on verrait des assertions douteuses et de simples appréciations prendre la place de la certitude attachée au travail du recensement officiel, qui seule était dans le vœu du législateur de 1856.

MiPµ. - Je dois faire remarquer que le gouvernement ne propose d'entrer dans aucune espèce de voie. Il ne propose ni ne demande rien.

Seulement, comme on a annoncé l'intention de proposer des changements a ce qui est, il y a lieu d'examiner s'il faut réellement faire ces changements et recourir à tous les éléments du débat.

J'ai pris pour base les recensements dont il s'agit, nécessairement en les discutant et en les appréciant, pour établir la réalité de cette base.

MfFOµ. - Le recensement n'a jamais servi de base.

- L'ajournement de cette discussion est prononcé.

MpDµ. - Nous pouvons voter les chiffres du chapitre III.

Articles 9 à 11

« Art. 9 Frais de bureau et jetons de présence de la commission centrale de statistique. Frais de bureau des commissions provinciales. Vérification des registres de population : fr. 9,000. »

- Adopté.


« Art. 10. Frais de rédaction et de publication des travaux du bureau de statistique générale, de la commission centrale et des commissions provinciales : fr. 10,000. »

- Adopté.

Chapitre XII. Chapitre XII. Voirie vicinale et hygiène publique

Article 63

« Art. 63. Encouragements divers pour l'amélioration de la voirie vicinale et pour les améliorations qui intéressent l'hygiène publique ; inspection des chemins vicinaux, des cours d'eau et de l'agriculture ; indemnités aux commissaires voyers : fr. 1,165,550. »

- Adopté.

Chapitre XIII. Industrie

Article 64

« Art. 64. Frais du conseil supérieur de l'industrie et du commerce ; traitement de l'inspecteur pour les affaires d'industrie et du secrétaire du conseil : fr. 12,500. »

- Adopté.

Article 65

« Art. 65. Enseignement professionnel : Ecoles industrielles, ateliers d'apprentissage : fr. 208,300. »

MiPµ. - Messieurs, je propose d'introduire une modification dans le libellé de l'article 65, et de dire :

« Enseignement professionnel, écoles industrielles, ateliers d'apprentissage, installation de l'école industrielle à Bruxelles. »

Messieurs, il y a dans le chiffre de 208,500 fr. une somme qui peut être consacrée à l'installation de l'école industrielle de Belgique, et il est nécessaire que le libellé soit modifié afin que le gouvernement puisse pourvoir à cette installation.

Depuis longtemps on s'est occupé de l'institution d'une école industrielle en remplacement du musée de l'industrie ; j'ai pu négocier cette affaire avec la ville de Bruxelles et je pense être parvenu à une solution qui permettra, dans un bref délai, de réaliser ce dessein. Le changement de libellé et l'augmentation de crédit que je propose à l'article 70 ont pour but de remplacer le musée actuel de l'industrie par une école industrielle.

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - Je n'ai pas parfaitement compris les paroles que vient de prononcer M. le ministre de l'intérieur. Je lui demanderai si le laboratoire de chimie qu'il s'agit d'établir ne présente aucun danger d'incendie pour les précieuses collections scientifiques qui se trouvent dans les bâtiments du Musée.

MiPµ. - Le plan qu'il s'agit de réaliser a été adopté par le gouvernement d’accord avec l’Académie, laquelle a pensé que dans ce que nous voulions faire, il n’y a rien de contraire à ses vues, et il me paraît que l’établissement d’un simple laboratoire au rez-de-chaussée ne peut présenter aucun danger d’incendie.

Je le répète : l'Académie approuve tout accommodement, et ses représentants ont adhéré complètement à ce qui a été projeté.

M Kervyn de Lettenhoveµ. - J'avais l'honneur d'être au nombre des représentants de l'Académie qui se sont rendus auprès de M. le ministre de l'intérieur et je suis heureux de saisir cette occasion de le remercier de tout ce qu'il a bien voulu leur promettre de faire. Aussi ma question ne portait que sur un seul point, c'était le danger qu'avant les explications de M. le ministre je croyais voir, pour nos bibliothèques et nos musées, dans l'établissement du laboratoire de chimie.

- L'article 65 est mis aux voix et adopté avec la modification proposée par M. le ministre de l'intérieur.

Articles 66 à 70

« Art. 66. Encouragements, pour des ouvrages utiles, traitant de questions de technologie, de droit ou d'économie industrielle ; voyages et missions ; frais relatifs aux caisses de prévoyance et aux sociétés de secours mutuels, et dépenses de la commission permanente instituée pour faciliter l'examen des affaires qui se rattachent à ces institutions ; frais résultant de la collation des décorations industrielles ; dépensés diverses ; traitement du secrétaire de la commission permanente pour les sociétés de secours mutuels : fr. 17,450. »

- Adopté.


« Art. 67. Indemnités des greffiers des conseils de prud'hommes : fr. 16,500. »

- Adopté.


« Art. 68. Frais de publication du Recueil officiel des brevets d'invention ; traitement du rédacteur du recueil : fr. 7,000. »

-Adopté.


« Art. 69. Musée de l'industrie. Traitement du personnel : fr. 20,650. »

- Adopté.


« Art. 70. Musée de l’industrie. Matériel et frais divers : fr. 16,450. »

MiPµ. - Il faut porter 40,000 francs aux charges extraordinaires pour réaliser l'installation de l'école industrielle.

- Ces chiffres sont adoptés.

Projet de loi augmentant le nombre de notaires de la capitale

Dépôt

MjBµ. - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi portant à 37 le nombre des notaires de la capitale.

- Il est donné acte à M. le ministre du dépôt de ce projet de loi.

M. Lelièvreµ. - Je propose que ce projet soit examiné par une commission spéciale à nommer par le bureau.

- Cette proposition est adoptée.

La séance est levée à 5 heures.