Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 6 mai 1868

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1867-1868)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1162) M. Reynaert, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et demie et donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

Il présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Les sieurs Wallon et Visart de Bocarmé proposent l'établissement de colonies soit en Océanie, soit en Malaisie. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les sieurs Beau fort, Lambinet et autres membres de la ligne de l'enseignement à Verviers, proposent des modifications au système actuel d'enseignement moyen. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.

Ordre des travaux de la chambre

M. de Theuxµ (pour une motion d’ordre). - Ma motion d'ordre consiste, messieurs, à vous proposer de siéger lundi et à continuer nos séances jusqu'à la conclusion de nos travaux.

Remarquez, messieurs, que la semaine après la semaine prochaine nous aurons la fête de l'Ascension, qui est une fête légale.

Si nous n'avions pas terminé, il faudrait siéger le mardi et le mercredi suivants. C'est là une charge pour les membres qui retournent dans leurs foyers.

Ma motion est complètement désintéressée. Il n'y a pas d'élection dans le Limbourg, mais je crois que les députés soumis à réélection seront satisfaits de pouvoir rentrer chez eux quelques jours plus tôt.

MpDµ. - L'honorable M. de Theux propose à la Chambre de siéger lundi en vue de terminer ses travaux dans le cours de la semaine prochaine.

M. Vleminckxµ. - Nous désirons tous terminer le plus tôt possible. Quant à moi, je suis prêt à siéger lundi et même le soir si on le désire. Mais la question est de savoir si nous serons en nombre et il se pourrait que les plus zélés d'entre nous fussent victimes. Je crains fort que nous ne soyons pas en nombre.

MpDµ. - Permettez-moi d'espérer que si la Chambre décide qu'elle siégea lundi, elle sera en nombre. Je fais du reste appel au zèle de tous mes honorables collègues.

- La proposition de M. de Theux est mise aux voix.

La Chambre décide qu'elle siégera lundi.

Motion d’ordre

M. Ortsµ (pour une motion d’ordre). - Messieurs, ma motion d'ordre consiste tout simplement en une rectification qui m'a été demandée et que je crois devoir en toute loyauté.

A propos d'un des discours que j'ai prononcés dans la discussion relative à l'incident concernant les députations permanentes, j'avais cité, comme un bruit emprunté à la presse de 1866, le fait que systématiquement tous les officiers domiciliés dans l'arrondissement de Gand avaient été biffés de la liste électorale et les ecclésiastiques maintenus.

Un membre de la députation permanente m'a fait l'honneur de m'écrire, en son nom et au nom de ses collègues, pour me faire connaître que le bruit dont j'avais parlé était inexact, il reconnaît que des officiers ont été biffés comme d'autres électeurs pour des raisons de changement de domicile, mais il affirme qu'aucune décision systématique n'a été prise.

Je crois, messieurs, d'après les renseignements que m'a donnés l'honorable signataire de cette lettre, qu'il est dans le vrai et je n'hésite pas à déclarer à la Chambre que si ces explications m'avaient été données antérieurement, je n'aurais pas cru devoir rappeler le bruit auquel j'ai fait allusion.

La réclamation de l'honorable signataire discute ensuite non pas la matérialité d'autres faits dont j'ai parlé mais leur caractère. Sur ce terrain je n'ai rien à retirer de ce que j'ai dit. Mes appréciations sont contraires à celles de mon honorable correspondant et cela n'étonnera sans doute personne.

Je pourrais les discuter et les compléter par l'appréciation de faits nouveaux. Mais, comme la Chambre n'a pas, je pense, l'intention de reprendre cette discussion...

- Plusieurs membres. - Non ! Non.'

M. Ortsµ. - Je crois pouvoir me borner, pour le surplus, à maintenir ce que j'ai dit.

MpDµ. - Les Annales parlementaires contiendront la rectification de l'honorable M. Orts.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1868

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XIV. Poids et mesures

Articles 71 à 73

« Art. 71. Traitement des vérificateurs : fr. 53,800. »

- Adopté.


« Art. 72. Frais de bureau et de tournées et frais de la commission des poids et mesures : fr. 18,000. »

- Adopté.


« Art. 73, Matériel : fr. 2,000. »

- Adopté.

Chapitre XV. Instruction publique. Enseignement supérieur

Article 74

« Art. 74. Dépenses du conseil de perfectionnement de l'enseignement supérieur : fr. 4,000. »

- Adopté.

Article 75

« Art. 75. Traitements des fonctionnaires et employés des deux universités de l'Etat : fr. 746,110. »

M. Vleminckxµ. - Je prends la parole pour signaler à M. le ministre de l'intérieur une lacune qui me semble exister dans l'organisation de nos facultés de médecine, lacune que déjà je m'étais proposé de signaler à la Chambre, l'an dernier, si j'avais pu assister à la discussion du budget de l'intérieur.

Elle consiste dans l'absence de chefs de clinique. Ma longue expérience m'a permis de constater que l'enseignement clinique ne produit pas chez nous tout le bien que nous pourrions en recueillir.

Cet enseignement est confié à des mains très habiles sans doute, je ne veux pas dire à la Chambre en quoi il consiste, c'est inutile, mais à côté de cet enseignement il devrait y avoir des exercices cliniques, sous la direction de chefs de clinique, car les professeurs ne peuvent pas tout faire ; ils sont déjà assez occupés.

Je suis convaincu qu'à l'aide de cette institution on lancerait dans la pratique des praticiens beaucoup plus capables, beaucoup plus ferrés, si je puis me servir de cette expression, que ceux que l'on forme aujourd'hui.

D'un autre côté, j'ai constaté aussi que nos hôpitaux ne fournissent pas à la science tous les matériaux qu'ils pourraient lui livrer, c'est-à-dire qu'on n'y recueille pas les nombreuses et souvent très importantes observations qui s'y présentent. Pourquoi donc pas ? Mais parce que les professeurs n'ont pas le temps de les mettre en ordre.

Les chefs de clinique pourraient être chargés de cette besogne et rendraient ainsi un grand service, à l'art et à l'humanité.

La dépense qui exigerait la création que je sollicite ne serait pas bien grande ; quelques milliers de francs suffiraient pour cela.

Certes ce ne serait pas beaucoup, car, outre les avantages dont je viens de parler, l'institution serait encre un moyen de n'être jamais en défaut de professeurs de clinique. N'est pas bon professeur de clinique qui veut, cette denrée est extrêmement rare, je vous prie d'en être bien assurés.

Lorsqu'on a été chef de clinique, on est tout à fait préparé pour devenir professeur de cette branche d'enseignement.

Voilà l'observation que j'avais à présenter à M. le ministre de l’intérieur ; je le prie de vouloir bien la prendre en sérieuse considération. Il pourrait la soumettre à l'avis de l'Académie de médecine dont presque tous les professeurs de clinique font partie.

(page 1163) L'essentiel, c'est que l'institution pût commencer à fonctionner à partir de l'an prochain.

MiPµ. - La question que vient de soulever l'honorable préopinant est une question toute spéciale ; c'est la première fois que j'en entends parler, il me serait donc difficile de me prononcer. Mais j'examinerai cette question avec tout le respect que mérite l'autorité de l'honorable membre.

- L'article est adopté.

Articles 76 à 80

« Art. 76. Bourses. Matériel des universités : fr. 145,240.

« Charge extraordinaire : fr. 1,500. »

- Adopté.


« Art. 77. Frais de route et de séjour, indemnités de séance des membres des jurys d'examen pour les grades académiques, pour le titre de gradué en lettres et pour le grade de professeur agrégé de l'enseignement moyen de l'un et de l'autre degré, et pour le diplôme de capacité relatif à l'enseignement delà langue flamande, de la langue allemande et de la langue anglaise, et pour le diplôme de capacité à délivrer aux élèves de la première commerciale et industrielle des athénées ; salaire des huissiers des jurys, et matériel : fr. 185,000. »

- Adopté.


« Art. 78. Dépenses du concours universitaire. Frais de publication et d'impression des Annales des universités de Belgique : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Art. 79. Subsides pour encourager la publication des travaux des membres du corps professoral universitaire et pour subvenir aux frais des missions ayant principalement pour objet l'intérêt de cet enseignement : fr. 12,000. »

- Adopté.


« Art. 80. Frais de rédaction du sixième rapport triennal sur l'état de l'enseignement supérieur, fourniture d'exemplaires de ce rapport pour le service de l'administration centrale (article 30 de la loi du 15 juillet 1849, sur l'enseignement supérieur donné aux frais de l'Etat) ; charge extraordinaire : fr. 7,000. »

- Adopté.

Chapitre XVI. Enseignement moyen

Articles 81 à 94

« Art. 81. Dépenses du conseil de perfectionnement de l'enseignement moyen : fr. 5,000. »

- Adopté.


« Art. 82. Inspection des établissements d'instruction moyenne. (Personnel.) : fr. 20,500. »

- Adopté.


« Art. 83. Frais de tournées et autres dépenses de l'inspection des établissements d'instruction moyenne : fr. 9,000. »

- Adopté.


« Art. 84. Frais et bourses de l'enseignement normal pédagogique, destiné à former des professeurs pour les établissements d'instruction moyenne du degré supérieur et du degré inférieur ; subsides pour aider les élèves les plus distingués de l'enseignement normal' du degré supérieur qui ont terminé leurs études, à fréquenter des établissements pédagogiques étrangers ; acquisition, en six années, du local de l'école normale des humanités, cinquième annuité : fr. 86,928.

« Charge extraordinaire : fr. 19,387 80. »

- Adopté.


« Art. 85. Crédits ordinaires et supplémentaires des athénées royaux ; augmentation de traitement aux professeurs de flamand, d'allemand et d'anglais, dans les athénées royaux, par application des arrêtés royaux des 27 et 28 janvier 1863 : fr. 477,478. »

- Adopté.


« Art. 86. Part afférente au personnel des athénées royaux dans le crédit voté par la loi du 8 avril 1857, en faveur des employés de l'Etat dont le traitement est inférieur à 1,600 francs : fr. 2,800. »

- Adopté.


« Art. 87. Crédits ordinaires et supplémentaires des écoles moyennes : fr. 355,500. »

- Adopté.


« Art. 88. Part afférente au personnel des écoles moyennes dans le crédit voté par la loi du 8 avril 1857, en faveur des employés de l'Etat dont le traitement est inférieur à 1,600 francs : fr. 50,000. »

- Adopté.


« Art. 89. Bourses à des élèves des écoles moyennes : fr. 15,000. »

- Adopté.


« Art. 90. Subsides à des établissements communaux ou provinciaux d'instruction moyenne : fr. 190,000. »

- Adopté.


« Art. 91. Frais du concours général entre les établissements d'instruction moyenne : fr. 25,000. »

- Adopté.


« Art. 92. Indemnités aux professeurs de l'enseignement moyen du premier et du deuxième degré qui sont sans emploi, charge extraordinaire : fr. 9,100. »

- Adopté.


« Art. 93. Traitements de disponibilité : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Art. 94. Encouragements pour la publication d'ouvrages classiques ; subsides, souscriptions, achats, etc. : fr. 8,000. »

- Adopté.

Chapitre XVII. Enseignement primaire

(page 1173) M. de Maereµ. - Messieurs, il n'est peut-être pas de disposition législative qui ait donné lieu à plus de discussions dans cette Chambre et à plus de difficultés et de réclamations administratives que l'article 23 de la loi organique de l'instruction primaire de 1842. C'est un fait, à mon sens, inexplicable, car rien ne me paraît plus clair que le texte de cet article tel qu'il est formulé. Le voici :

« A défaut de fondations, de donations ou legs qui assurent un local et un traitement à l'instituteur, le conseil communal y pourvoira au moyen d'une allocation sur son budget.

« L'intervention de la province, à l'aide de subsides, n'est obligatoire que lorsqu'il est constaté que l'allocation de la commune en faveur de l'instruction primaire égale le produit de 2 centimes additionnels au principal des contributions directes, sans toutefois que cette allocation puisse être inférieure au crédit voté pour cet objet au budget communal de 1842.

« L'intervention de l'Etat à l'aide de subsides n'est obligatoire que lorsqu'il est constaté que la commune a satisfait à la disposition précédente et que l'allocation provinciale en faveur de l'enseignement primaire égale le produit de 2 centimes additionnels au principal des contributions directes, sans toutefois que ladite allocation puisse être inférieure au crédit voté pour cet objet au budget provincial de 1842.

« Chaque année il sera annexé à la proposition du budget un état détaillé de l'emploi des fonds alloués pour l'instruction primaire, pendant l'année précédente, tant par l'Etat que par les provinces et les communes. »

Donc, réduisant l'article à une rédaction plus concise, du moment que la commune paye pour l'instruction primaire une somme égale à 2 p. c. du principal des contributions directes dont elle est frappée, ou tout au moins une somme égale au crédit voté par elle en 1842, elle est déchargée de toute obligation de ce chef ; le surplus de la dépense tombe à charge de la province et de l'Etat.

Voilà le sens simple, clair, j'ose dire, irrécusable que révèle la lettre de la loi.

En chiffres voici ce que cela veut dire. Je prendrai pour exemple une ville qui m'est plus particulièrement connue.

A Gand, le total des contributions directes monte à fr. 1,140,953 ; 2 p. c. de cette somme feraient 22,819 fr. ; mais le crédit voté par la commune en 1842 pour l'instruction primaire étant de 36,173 fr., c'est donc à la somme ronde de 37,000 fr. que devrait se borner la quote-part de la ville de Gand dans les dépenses de l'instruction primaire, si la loi de 1842 était exécutée.

37,000 fr. et rien de plus ; or, elle en dépense 300,848. C'est-à-dire neuf fois plus que la loi ne lui commande de faire.

La dépense permanente totale du service de l'instruction primaire à Gand est de 409,145 fr. ; il en résulte que le subside de l'Etat en défalquant de ce chiffre certaines recettes de diverse nature montant à 31,050 fr. et celui de la province réunis devraient être de 367,950 fr. moins 37,000 fr. soit de 330,000 fr. tout compris, écoles communale, gardienne et d'adultes ; or, ils sont de 67,000 fr.

En résumé donc, la ville de Gand devrait payer 37,000 francs ; elle en payé 300,000 fr., c'est-à-dire neuf fois trop.

La province et l'Etat devraient accorder 330,000 fr., ils n'en donnent que 67,000 ; c'est-à-dire cinq fois trop peu.

Voilà la situation ; la situation en 1867 et j'ai hâte d'ajouter que rien dans le service de l'instruction primaire à Gand n'est exagéré.

Les instituteurs y sont moins payés qu'à Anvers, à Bruxelles et à Liège, et le rapport du collège, constate qu'au mois d'octobre dernier encore, il n'a pas été donné suite à 853 demandes d'admission.

Plus de 800 enfants pauvres ne reçoivent pas l'instruction à laquelle ils ont droit ; ils la réclament vainement, la loi à la main, et cependant la commune de Gand dépense près du décuple de la somme à laquelle elle est tenue. Cet état de chose, peut-il continuer ? Vous allez en juger, messieurs,

En 1842, le nombre des écoles primaires à Gand était de 5.

En 1867, il est de 23.

En 1842, il n'y avait ni écoles gardiennes, ni écoles d'adultes.

En 1867, il y en a respectivement 6 et 10.

En 1842, le nombre d'élèves était de 2,757.

En 1867, il est de 12,823.

En 1842, le nombre des instituteurs était de 56.

En 1867, il est de 233.

En 1842, la dépense montait à 36,173 fr.

En 1867, elle est de 409,145 fr.

Donc, dans l'intervalle des 25 dernières années, alors que la population a augmenté de 100,000 à 126,000 âmes, c'est-à-dire de 26 p. c, et le budget communal de 2 millions à 2 millions 700,000 fr., soit 35 p. c, le nombre d'écoles a augmenté de 460 p. c. ; celui des élèves de 500 p. c ; le nombre des instituteurs de 400 p. c. et la dépense de plus de 1,100 p. c. ; elle était en 1842 de 37 c. par tête d'habitant ; elle est aujourd'hui de 2 fr. 39 c.

Eh bien, je le répète, n'y a-t-il pas lieu d'aviser, et d'aviser énergiquement, alors surtout que l'on constate que, malgré les sacrifices au delà de toute mesure, que la ville de Gand s'est imposés, plusieurs centaines d'enfants restent encore privés, faute de locaux, de toute instruction ; alors que le nombre des instituteurs est insuffisant et que notoirement ils sont moins payés que certains ouvriers de fabrique ?

Messieurs, si je me suis appuyé quelque peu sur les chiffres qui précèdent, et si j'ai cherché à vous donner un aperçu des progrès accomplis chez nous, dans le dernier quart de siècle, ce n'est pas pour le vain plaisir de faire ressortir devant vous le mérite de la ville de Gand, ce mérité n'est pas contesté, mais c'est évidemment pour arriver à une conclusion pratique, car ce qui a lieu à Gand a lieu aussi dans les autres grandes villes de la Belgique, au détriment desquelles la lettre et l'esprit de la loi de 1842 sont manifestement méconnus.

Je dis que la lettre et l'esprit de la loi sont manifestement méconnus ; et en effet, le gouvernement applique l'article 23 en ce sens, que les communes ne peuvent réclamer l'intervention de l'Etat ou de la province, que lorsque ayant affecté elles-mêmes aux dépenses de l'enseignement primaire 2 p. c. du principal de leurs contributions directes, elles justifient de plus l'impossibilité, pour elles, de pourvoir, sur leurs propres ressources à tous les besoins du service. En d'autres termes, il fait de l'obligation maxima prescrite par la loi, une limite minima, à partir de laquelle, il consent à venir au secours des communes ; mais uniquement dans le cas où l'insuffisance de leurs ressources est démontrée.

Cette interprétation du gouvernement est diamétralement contraire au texte même de la loi, je le répète, et pour s'en convaincre il suffit de se rappeler les termes de l'article 23, où il n'est pas dit un seul mot de l'obligation pour les communes de justifier l'insuffisance de leurs ressources ; dont au contraire la rédaction est telle qu'elle permettrait encore au gouvernement d'intervenir à titre facultatif là où les dépenses communales pour le service de l'instruction primaire n'atteindraient pas le minimum fixé.

Je ne veux pas après tant d'autres membres de cette assemblée qui, avant moi ,se sont occupés de cette question, et l'ont traitée avec autorité, recourir aux discussions qui ont eu lieu, à l'époque même de la présentation de la loi.

Je me contenterai de rappeler que ces discussions portaient en grande partie sur une comparaison entre le projet de loi déposé le 13 juillet 1834, par l'honorable M. Rogier, alors ministre de l'intérieur, et le projet nouveau, substitué au premier par le gouvernement.de concert avec la section centrale de 1842. Aux termes du projet de 1834, l'instruction primaire était, avant tout, un intérêt communal, et la commune faisait face par ses propres ressources aux dépenses de son école : elle jouissait en toutes choses d'une liberté complète.

L'Etat n'intervenait dans le régime intérieur des établissements que lorsqu'il accordait des subsides et ceux-ci n'étaient alloués qu'en cas d'insuffisance de ressources locales. Donc pour la commune, dépense obligatoire et liberté entière ; pour l'Etat, subvention facultative et intervention limitée.

La loi de 1842, écarta complètement ces principes ; elle considéra l'instruction primaire comme répondant à un intérêt général non moins qu'à un intérêt local ; et dès lors elle limita et définit les obligations financières de la commune, comme celles de l'Etat.

« Il faut préciser le point, disait dès la séance du 8 août 1842, l'honorable M. Nothomb, l'auteur de la loi, où la province doit intervenir pécuniairement et ou, a défaut de la province, l’Etat doit subventionner. »

Ce point qu'il fallait préciser, cette limite officielle des obligations de la commune, le projet de 1842 les trouvait dans l'allocation d'une somme égale au produit de 2 centimes additionnels sur le principal des contributions directes.

C'était un point fixe, une ligne de démarcation si nettement tracée, que la rédaction primitive du projet de 1842, ayant laissé subsister les mots « insuffisance des revenus communaux et insuffisance des fonds provinciaux », ces expressions disparurent dans le texte amendé de l'article 18, qui (page 1174) est devenu depuis l'article 23 de la loi. « Vous verrez, disait l'honorable ministre que par le système d'intervention que consacre cette disposition, la charge des communes est moindre qu'on ne le suppose.

Néanmoins, plusieurs membres persistaient à regarder les obligations des communes ainsi limitées aux 2 centimes additionnels comme excessives et à la lecture de l'article 23 tel qu'il a passé dans la loi, l'honorable M. Dumortier s'écria : « Vous allez ruiner les communes ! »

L'honorable M. Dumortier a été bon prophète, et la loi de 1842 est en train de ruiner, au moins, les grandes communes du pays. Il est vrai de dire que c'est la mauvaise application de la loi qui est cause des dépenses exagérées que les villes ont dû s'imposer.

« La loi est violée de la manière la plus flagrante, disait l'honorable M. Alphonse Vandenpeereboom, dans la séance du 16 décembre 1852, et il ajoutait aussitôt : « Avec notre système (celui que je défends), l'instruction pourrait coûter beaucoup plus qu'actuellement. Ce n'est pas là une objection, poursuivait-il, car je partage l'opinion de l'honorable M. Lehon, et je dis avec lui, que dans l'enseignement primaire qui est l'enseignement populaire l'Etat doit intervenir largement, parce que c'est là une question sociale. »

Et où cette mauvaise interprétation de la loi, cause des sacrifices considérables que les communes ont dû s'imposer, a-t-elle pris naissance ? Dans une circulaire ministérielle du 25 mars 1845. Il y est dit :

« La répartition des crédits alloués par mon département se fera sur la proposition des gouverneurs, les inspecteurs entendus.

« Pour avoir droit à y participer, les communes devront voter une somme égale au moins au produit de deux centimes additionnels, sans être inférieure à l'allocation de 1842, et de plus, justifier de l'impossibilité où elles se trouvent de pourvoir à tous les besoins au moyen des ressources locales. »

Et plus loin, à la date du 26 mars 1845 : « Le gouvernement a adopté, pour la distribution des subsides de l'espèce, une règle unique et invariable. Il exige des communes riches, indépendamment des deux centimes additionnels, des sacrifices proportionnés à leurs ressources ; aux communes pauvres, il ne demande que strictement le minimum fixé par la loi ; mais toujours et partout ce minimum a dû être intégralement fourni. »

Eh bien, messieurs, c'est cette théorie ministérielle de 1845, manifestement contraire à la volonté du législateur, et qui, de plus, divise les communes du pays en communes pauvres et communes riches ; comme si la limite entre ces deux catégories de communes était facile a établir ; comme si une commune quelque grande qu'elle soit, quel que soit le chiffre de son budget qui doit toutes ses ressources à l'impôt et qui ne parvient qu'avec peine et non encore d'une manière complète à élever ses revenus au niveau de ses besoins réels, pouvait être appelée une commune riche ! C'est cette théorie, dis-je, qui, d'après l'énergique expression de l'honorable M. Alphonse Vandenpeereboom, viole de la manière la plus flagrante la lettre et l'esprit de la loi, qui depuis vingt-trois ans préside aux allocations des subsides de l'Etat.

Et quand je dis qu'une règle quelconque a présidé à la répartition des allocations gouvernementales, je m'exprime inexactement. En ce qui concerne la ville de Gand au moins, il m'a été impossible de découvrir sur quelles bases l'intervention financière de l'Etat a été calculée. C'est ainsi que la subvention, après avoir été fixée à 5,000 fr. en 1842, a été complètement supprimée en 1843, 1844, 1846, 1847, et que, jusqu'à cette dernière époque, les subsides de la province sont restés entièrement distincts de ceux de l'Etat. A partir de 1849, ces subsides sont confondus ; portés d'abord à 10,500 fr. en 1851, ils montent à 15,000 francs en 1853, pour rester stationnaires à ce taux pendant dix ans. En 1864 ils sont de 16,000 francs, pour atteindre 46,000 fr. en 1865 ; enfin 49,000 fr. en 1866 et 1867. Indépendamment de ces allocations ordinaires, des crédits extraordinaires ont été accordés pour construction d'écoles nouvelles, ameublement et création d'écoles gardiennes et d'adultes, principalement depuis l'année 1857.

L'allocation de tous ces subsides, la majoration constante des crédits ordinaires, la fréquence des subsides extraordinaires, surtout dans les dernières années, témoignent certainement du haut intérêt que le gouvernement attachait à la prospérité et au développement de l'instruction primaire dans la ville de Gand, mais elles démontrent aussi qu'aucune règle ne présidait, comme nous venons de le dire, à la répartition de ces secours. Tout restait subordonné à l'appréciation plus ou moins bienveillante, plus ou moins saine, des besoins de la commune de la part de ceux qui avaient à formuler les propositions.

Je suis loin de prétendre, je le dis encore, il y aurait de l'ingratitude à le faire, que le bon vouloir particulièrement des deux derniers chefs du département de l'intérieur ait jamais fait défaut à la ville de Gand ; mais je constate que la fixité, la stabilité dans les rapports financiers dont je m'occupe, si nécessaires pourtant, manquent absolument. Bien souvent les sommes sur lesquelles les communes croyaient pouvoir compter, émargées en prévision à leurs budgets, ne se retrouvent pas aux comptes des receveurs.

Eh bien, quand il s'agit d'un intérêt aussi considérable, d'un intérêt social, d'un intérêt humain, d'une question qui devrait prendre la première place dans les préoccupations d'une nation civilisée, je dis qu'il est fâcheux qu'il en soit ainsi, et qu'il est temps, largement temps, que le budget de l'instruction primaire, qui, en définitive, devrait être notre premier budget, soit arraché à l'arbitraire qui le gouverne, quelque paternel qu'il soit.

Je m'arrête, messieurs, et me dispense de reproduire les discours de tous les membres de cette Chambre, qui, dès le lendemain de la promulgation de la loi de 1842, ont plaidé la cause des communes ; j'ai hâte d'arriver à la solution que j'ai annoncée en commençant.

Cette solution, si l'on ne devait tenir compte que de la vérité, c'est-à-dire de la lettre et de l'esprit de la loi, serait fort simple, et l'on pourrait se contenter de dire au gouvernement : Exécutez la loi ; exécutez-la ou révisez-la. Malheureusement, il est ici beaucoup d'autres considérations, indépendamment de la question financière si importante déjà, qu'on ne peut perdre de vue et qui sont autant d'obstacles.

Je crois donc faire œuvre utile et pratique, en indiquant pour le moment une solution qui, par cela même qu'elle est moins radicale, aura plus de chance d'être accueillie.

Cette solution, je l'emprunte à un travail d'un membre du collège échevinal de Gand, l'honorable M. Andries, travail communiqué, il y a quelque temps déjà, au département de l'intérieur, et dont conséquemment l'honorable ministre aura pris connaissance, au moins je le suppose.

D'après cette note, pour apprécier d'une manière équitable la valeur des sacrifices qu'une commune doit s'imposer du chef du service de l'instruction primaire, il faut tenir compte de deux choses.

D'abord : de l'importance des charges qui lui incombent de ce chef.

Ensuite : de la grandeur des ressources dont elle dispose.

L'importance des charges résulte en premier lieu du rapport qui existe entre le nombre des enfants pauvres, ayant droit à l'instruction gratuite, et la population totale d'une commune. Soient deux communes de 100,000 âmes, dont l'une donne l'instruction gratuite à 6,000 élèves, et l'autre à 3,000 seulement ; les charges de la première seront évidemment doubles de celles qui incombent à la seconde. La même loi de proportion existe pour des communes de population inégale.

Mais cela n'est pas tout ; plus le rapport entre la population pauvre et la population riche ou aisée d'une commune augmente, plus aussi augmentent les charges inhérentes à tous les établissements charitables. Ecole, hospice, bureau de bienfaisance, police, sûreté, salubrité, tout croît en raison directe de la densité de la population nécessiteuse d'une ville.

D'autre part, le second terme de l'équation, à savoir : la grandeur des ressources diminue dans la même proportion ; évidemment, moins une ville comptée de familles aisées ou riches, moins elle est imposable.

Donc, l'importance des charges varie en raison inverse de la grandeur des ressources ; en d'autres termes, la dépense augmente quand la recette diminue ; cette situation anormale et fâcheuse est propre à toutes les villes où, comme à Gand, l'élément ouvrier a pris un développement considérable et prépondérant.

La conclusion de ceci est facile à tirer : le subside de l'Etat, pour être équitable, ne doit pas être simplement proportionnel à l'allocation annuelle de chaque commune en faveur de l'enseignement primaire ; il doit être progressif, c'est -à-dire croître à mesure que le rapport entre le nombre d'enfants pauvres et la population totale de la commune augmente.

Le subside de l'Etat contiendra donc une partie fixe et une partie variable ; il pourrait se formuler comme suit :

Le montant des subsides de l'Etat sera formé : 1° du 1/10 de l'allocation communale, c'est la partie fixe ; et 2° pour la partie variable, de cinq fois le chiffre des centièmes, qui expriment le rapport entre le nombre d'enfants pauvres et celui de la population totale.

(page 1163) MiPµ. - La question que vient d'indiquer M. de Maere est la plus importante que soulève l'organisation de l'enseignement primaire.

Selon l'honorable membre, l'article 23 de la loi communale ne serait susceptible que d'une seule interprétation. Or, je dois lui faire observer que la portée donnée à cet article depuis l'existence de la loi, par la pratique, est tout à fait contraire à celle que lui attribue l'honorable membre.

La question est de savoir si l'article 23 établit un maximum d'intervention obligatoire pour les communes ou si les deux centimes additionnels dont parle cet article constituent au contraire un minimum.

Si le système préconisé par M. de Maere était admis, il est évident qu'immédiatement les communes cesseraient d'affecter à l'enseignement primaire les sommes considérables qu'elles y consacrent aujourd'hui et cela par le motif qu'elles n'auraient aucune espèce d'intérêt à faire cette dépense, comptant sur le gouvernement pour combler le déficit.

Le gouvernement a toujours pensé qu'il y avait là non un maximum d'obligation, mais un minimum d'intervention, justifiant les demandes de subsides à adresser par les communes à l'Etat.

Vous voyez, messieurs, que cette question est extrêmement importante.

Dans la pratique, elle a donné lieu à de grandes difficultés. En 1856, un projet de loi a été déposé en vue de trancher la question dans le sens de l'interprétation gouvernementale à laquelle j'ai fait allusion plus haut.

Ce projet a été adopté par la section centrale, mais par suite de la retraite du cabinet de 1856 et de la dissolution qui s'en est suivie, le projet de loi est resté sans suite et il n'a pas été représenté depuis.

Je crois, messieurs, qu'il convient d'examiner la question d'une manière approfondie et même qu'il y a lieu de déposer un nouveau projet de loi. Quel sera le système à inaugurer par ce projet ? C'est ce qu'il m'est impossible de préjuger.

Cependant je crois impossible de limiter l'intervention des communes aux deux centimes additionnels dont parle la loi de 1842.

Si l'on veut maintenir à l'enseignement primaire son caractère communal, il est indispensable que les communes continuent à supporter une grande part des charges inhérentes à cet enseignement.

Je crois que ce principe ne peut être contesté.

Le système que M. de Maere a indiqué me paraît très ingénieux à la première vue, mais je demanderai à la Chambre de pouvoir l'examiner et de n'avoir à me prononcer qu'après une étude sérieuse, non pas de la théorie seulement, mais de l'application du système à toutes les communes de la Belgique.

(page 1164) Je suis porté à croire que l'honorable membre s'en est tenu à la théorie, ou tout au moins, n'a appliqué le système qu'à un certain nombre de communes, notamment à quelques villes.

Messieurs, il est extrêmement important de ne pas renoncer, par une nouvelle loi, aux sacrifices que les communes s'imposent déjà. Ainsi, je ne crois pas que le but de l'honorable M. de Maere, en demandant à l'Etat un subside plus considérable pour la ville de Gand, soit de provoquer une réduction des sacrifices que cette ville s'impose aujourd'hui.

M. de Kerchove de Denterghemµ. - Il s'agit, au contraire de faire davantage.

MiPµ. - Je crois, comme vient de le dire l'honorable bourgmestre de Gand, que cette cité si importante veut continuer ses sacrifices et rechercher ailleurs des ressources plus considérables encore dans le but de fortifier l'organisation de l'enseignement primaire.

M. de Maere a calculé que, d'après son système, il n'y aurait pas de diminution à Gand, dans le chiffre de l'intervention communale, qu'il y aurait seulement accroissement de l'intervention gouvernementale ; Mais j'ignore si pour beaucoup d'autres communes le système ne conduirait pas à une conséquence toute différente.

Je ne sais pas non plus si l'honorable membre a calculé la somme qu'il faudrait porter au budget pour réaliser son système d'une manière complète dans la pratique. Or, ce point est aussi très digne d'être examiné, il serait dangereux de s'engager dans une voie qui obligerait le gouvernement à s'imposer des sacrifices excédant ses moyens.

M. de Maereµ. - C'est le petit côté de la question.

MiPµ. - Le gouvernement est très disposé à donner à l'enseignement primaire un très large concours et je le prouverai à la Chambre en proposant aujourd'hui même une nouvelle augmentation de crédit, mais il y a des limites à tout, et vous ne pouvez raisonnablement, par un système théorique, vouloir faire porter au budget des sommes qui peut-être ne seraient pas nécessaires et qui auraient pour conséquence de diminuer la part de sacrifice due à l’intervention communale.

M. de Maere ne soulève qu'une question d'argent ; elle mérite d'être examinée pour l'Etat comme pour les communes.

Pour établir un bon système, il faut tenir compte de tous les éléments ; c'est-à-dire de l'élément rationnel, d'abord, de l'élément de fait ensuite ; il faut considérer, d'une autre part, ce que les communes font aujourd'hui et ce qu'elles auraient à faire si un autre système était admis.

Je crois que les observations que je viens de présenter sont de nature à convaincre la Chambre que la question soulevée est très vaste, qu'elle mérite un sérieux examen. Je suis disposé, je le répète, à procéder à cet examen et à y consacrer tout le travail dont je suis capable. Je tiendrai naturellement compte des renseignements que nous a fournis M. de Maere.

M. de Maereµ. - M. le ministre venant de nous promettre la présentation d'un projet de loi interprétatif pour l'année prochaine, je me déclare satisfait.

M. Thibautµ. - Si M. le ministre de l'intérieur s'engage à déposer dès la session prochaine un projet de loi interprétatif...

MiPµ. - Je n'ai pas dit cela. (Interruption.) J'ai dit que la question soulevée était des plus vastes et des plus compliquées et qu'à mon avis elle devait être traitée législativement. Il est possible qu'à la session prochaine, je présente un projet de loi, mais je ne puis prendre d'engagement formel à cet égard, avant un complet examen de la matière.

M. Thibautµ. - Je reconnais que la question est excessivement importante et peut exiger de longues études. Mais elle est ancienne aussi, je l'ai soulevée il y a déjà quelque vingt ans, comme bourgmestre d'une petite commune rurale. J'ai soutenu à cette époque une polémique avec la députation permanente de la province de Namur, je m'efforçais de faire prévaloir l'interprétation que vient de donner l'honorable M. de Maere, à l'article 23 de la loi de 1842 ; je n'ai pas obtenu gain de cause devant la députation.

J'ai porté ensuite la question devant la Chambre. M. Rogier était alors ministre de l'intérieur, il a soutenu une opinion contraire à la mienne et la Chambre lui a donné raison.

J'ai surtout demandé la parole pour faire une autre observation.

Si plusieurs années doivent se passer avant que la Chambre soit saisie d'un projet interprétatif de l'article 23 de la loi de 1842, je demanderai que M. le ministre de l'intérieur veille à ce que l'interprétation de cet article, telle que le gouvernement la donne, soit, en attendant, appliquée à toutes les provinces du pays indistinctement.

Je crois me rappeler que dans le cours d'une discussion qui eut lieu au Conseil provincial du Brabant, il y a deux ou trois ans, l'un des membres de la députation permanente a déclaré que dans la province de Brabant l'interprétation de l'article 23, telle que l'a développée l'honorable M. de Maere, avait prévalu constamment.

Mais dans les autres provinces, il n'en est pas de même ; il en résulte que la dépense communale pour l'enseignement primaire est infiniment moindre dans le Brabant que dans les autres provinces et l'intervention de l'Etat plus considérable.

Cet état de choses ne peut pas durer, et je désire que M. le ministre de l'intérieur prenne des mesures pour le faire cesser.

MiPµ. - Les observations de M. Thibaut sont fort justes. La députation provinciale du Brabant considère les communes comme ayant rempli leurs obligations quand elles ont consacré à l'enseignement primaire les deux centimes dont parle l'article 23 delà loi de 1842.

Mais, depuis que je suis au département de l'intérieur, j'ai toujours résisté à accorder des subsides plus considérables, à raison de cette circonstance. Je n'ai pas voulu que cette résistance des communes du Brabant et de la députation permanente fût encouragée par l'allocation de subsides plus importants. Je continuerai d'agir de la même manière.

M. Thibautµ. - J'en félicite M. le ministre de l'intérieur.

Articles 65 à 99

« Art. 95. Traitements de l'inspecteur général des écoles normales d'instituteurs et d'institutrices, de l'inspectrice des écoles normales d’institutrices et des inspecteurs provinciaux de l'enseignement primaire : fr. 48,200. »

- Adopté.


« Art. 96. Fraie de bureau de l'inspecteur général des écoles normales et des inspecteurs provinciaux de l'enseignement primaire : fr. 19,000. »

- Adopté.


« Art. 97. Indemnités aux inspecteurs diocésains et aux inspecteurs cantonaux ecclésiastiques des écoles primaires : fr. 54,000. »

- Adopté.


« Art. 98. Personnel des écoles normales de l'Etat et des sections normales primaires établies près des écoles moyennes ; traitements et indemnités : fr. 114,000. »

- Adopté.


« Art. 99. Traitements de disponibilité pour des professeurs des établissements normaux de l'Etat, charge extraordinaire : fr. 5,170. »

- Adopté.

Article 100

« Art. 100. Subventions des écoles normales agréées pour la formation d'institutrices : fr. 40,000. »

MiPµ. - Je propose d'augmenter de 5,000 francs le crédit de 40,000 francs, qui figure à cet article. L'augmentation a pour objet de subsidier une école normale que la ville d'Arlon veut ériger, en vue surtout de former des institutrices qui se destinent à donner l'enseignement dans les localités du Luxembourg où l'on parle la langue allemande.

- Le chiffre de 45,000 francs est adopté.

Article 101

« Art. 101. Dépenses variables : Frais d'administration, impressions, registres, etc. ; acquisition d'ouvrages périodiques et autres pour le service spécial de l'administration de l'enseignement primaire ; commission centrale de l'instruction primaire ; frais de voyage de l'inspecteur général des écoles normales et de l'inspectrice des écoles normales d'institutrices, des inspecteurs provinciaux, des inspectrices déléguées, des inspecteurs ecclésiastiques des écoles protestantes et israélites ; indemnités aux inspecteurs cantonaux civils, du chef des conférences et des concours, ainsi que des tournées extraordinaires ; frais des jurys d'examen dans les écoles normales ; matériel des établissements normaux de l'Etat ; frais des conférences horticoles des instituteurs ; subsides aux bibliothèques (page 1165) cantonales des instituteurs ; bourses aux élèves instituteurs et aux élèves institutrices des diverses écoles normales ; bourses de noviciat (article 28, paragraphe 2 de la loi) ; construction de maisons d'école ; service annuel ordinaire, des écoles primaires communales adoptées ; subsides aux communes ; subsides à des établissements spéciaux (salles d'asile et écoles d'adultes) ; récompenses en argent ou en livres aux instituteurs primaires qui font preuve d'un zèle extraordinaire et d'une grande aptitude dans l'exercice de leurs fonctions ; achat de livres, d'images, etc., à distribuer par les inspecteurs aux élèves les plus méritants des écoles primaires ; publications périodiques et autres, intéressant l'instruction primaire ; souscriptions, acquisitions, subsides ; subsides aux caisses de prévoyance des instituteurs ; secours à d'anciens instituteurs et dépenses diverses : fr. 3,664,841. »

MiPµ. - Je propose de porter le crédit demandé à fr. 3,933,769, soit une augmentation de 268,928 fr. Cette somme est destinée à pourvoir aux besoins de l'instruction primaire pendant l'exercice courant.

M. De Lexhyµ. - Le tableau des développements annexé au budget nous montre que dans le crédit actuel qui figure à l'article 101, il y a une somme de 150,000 francs pour construction de nuisons d'école.

Je trouve cette somme tout à fait insuffisante. Je sais que des crédits extraordinaires considérables ont été alloués pour cet objet depuis un certain nombre d'années. Ainsi, pendant la période de 1851 à 1865, il a été alloué des crédits extraordinaires à concurrence d'environ dix millions.

Je ne puis que rendre hommage aux sentiments de sympathie dont l'honorable M. Alphonse Vandenpeereboom a fait preuve pendant son ministère. J'engage son honorable successeur à avoir les mêmes sentiments et les mêmes sympathies pour l'enseignement primaire, dont l'importance sociale est incontestée. Je ne veux pas, pour le moment, proposer d'augmenter l'allocation du budget, car le crédit de 150,000 francs est réellement insuffisant, en présence des besoins considérables auxquels il faut satisfaire.

Il est avéré que les deux tiers du nécessaire pour arriver à une situation convenable sont encore à faire.

C'est à peine si un tiers des communes du royaume a des bâtiments d'école satisfaisants.

J'engage donc vivement le gouvernement à présenter au prochain budget une allocation plus forte, ou à nous proposer un crédit extraordinaire d'un moins un million.

Je ne pense pas qu'on puisse venir invoquer l'insuffisance des ressources du trésor, en présence de la grandeur du besoin auquel il doit être donné satisfaction.

Du reste, quand on veut chercher de l'argent, on sait toujours en trouver.

Récemment encore, nous avons voté plus de 5 millions pour divers services, pour l'amélioration de stations de chemins de fer et tout cela n'a pas le caractère de grande nécessité qui se rattache aux bâtiments d'école. Nous avons même voté 500,000 francs pour l'amélioration du palais du Roi ; je ne suis pas contraire à cette dépense ; mais la Chambre sera de mon avis : c'est que la nécessité d'améliorer les locaux de l'enseignement primaire prime certainement les dépenses de la nature de celle que j'indique.

J'ai confiance dans les sympathies généreuses de M. le ministre de l'intérieur pour l'enseignement primaire, et j'espère qu'au prochain budget il proposera une allocation ordinaire, plus considérable que celle qui figure actuellement au budget, et qu'il proposera même un crédit spécial au moins d'un million.

M. Hymans, rapporteurµ. - Les observations que j'ai à présenter se rapportent à l'article 101 qui concerne les écoles d'adultes. Je ferai remarquer d'abord qu'il y a une faute d'impression dans le chiffre indiqué à cet article du projet de budget imprimé à la suite du rapport de la section centrale. C'est 200,000 fr. et non 30,000 fr. que l'on demande pour les écoles d'adultes.

Maintenant, permettez-moi de dire deux mots relativement à ces écoles. Je n'ai pas l'intention de rouvrir le débat suffisamment long qui s'est terminé la semaine dernière.

Vous savez que la section centrale s'est ralliée à l'interprétation donnée par le le gouvernement à la loi de 1842, en ce qui concerne les écoles d'adultes, mais en s'y ralliant, elle a entendu que les écoles soustraites à la double inspection fussent néanmoins soumises à la surveillance du gouvernement.

Les explications péremptoires données par l'honorable M. Pirmez, dans une séance antérieure, me dispensent d'insister sur ce point.

Mais je serais heureux d'obtenir une réponse de M. le ministre de l'intérieur sur un autre objet.

Nous avons voté, l'année dernière, des modifications aux lois électorales, aux termes desquelles le certificat de fréquentation des cours d'une école moyenne pendant trois ans au moins procurerait aux citoyens le bénéfice de la réduction du cens de moitié pour les élections provinciales et communales.

On a dit à cette époque que le projet présenté par le gouvernement et adopté par les Chambres n'avait qu'une portée très médiocre, en ce sens que les écoles moyennes sont fort peu nombreuses ; on a dit surtout que le nombre en était extrêmement restreint dans les communes rurales, et que dès lors, au point de vue des campagnes, le projet présenté par le gouvernement et voté par nous serait complètement dérisoire.

La section centrale dont j'avais l'honneur d'être rapporteur répondait à l'objection qui avait déjà été faite dans les sections, et qui fut reproduite en séance :

« On a dit que les écoles moyennes sont peu nombreuses et que les enfants des campagnards ne les fréquentent guère. On peut répondre à la première objection qu'une réforme électorale sagement combinée stipule au point de vue de l'avenir, et que le projet du gouvernement renferme l'engagement tacite de multiplier les écoles et de les mettre de plus en plus en harmonie avec les besoins de la nation. »

D'autre part, messieurs, le gouvernement déclarait qu'il considérerait comme écoles moyennes, au point de vue de la loi sur la réforme électorale, toutes les écoles dont la fréquentation exigerait la connaissance préalable de la lecture et de l'écriture.

L'arrêté relatif aux écoles d'adultes, pris par l'honorable M. Vandenpeereboom, a été postérieur de plusieurs mois à la discussion de la loi sur la réforme électorale, et je déclare qu'en le voyant paraître, je l'ai considéré tout d'abord comme l'exécution loyale de la promesse qui avait été faite par le gouvernement, de multiplier, autant que possible, les écoles dont les certificats de fréquentation pourraient servir au citoyen à obtenir le bénéfice de la réduction du cens pour les élections provinciales et communales.

S'il en est ainsi et cela doit être, puisque le programme de la division supérieure, au moins des écoles d'adultes suppose la connaissance préalable de la lecture et de l'écriture, s'il en est ainsi l'organisation des écoles d'adultes est évidemment un pas dans la voie de l'extension du suffrage pour les élections provinciales et communales. Je l'ai compris de la sorte et si le gouvernement pouvait me donner une réponse conforme à cette interprétation, je crois que l'arrêté de M. Vandenpeereboom qui, à part des points de détail, a été l'objet de grands et légitimes éloges, sera accueilli par un regain de popularité et que le pays félicitera l'ancien ministre de l'intérieur d'avoir pris une mesure aussi libérale, aussi conforme à ses vœux et à ses aspirations.

M. De Fréµ. - Je suis parfaitement d'accord avec mon honorable ami, M. de Lexhy sur la nécessité d'augmenter successivement les subsides en faveur de l'enseignement primaire.

Mais je désire appeler l'attention de la Chambre sur un autre point. Il ne suffit pas que les écoles se fassent ; il faut encore que l'enseignement soit fécond. Or, il est certain que l'enseignement primaire, tel qu'il est pratiqué, peut-être à raison de sa méthode, ne produit pas tous les résultats qu'il devrait produire.

Des enfants de 7 à 14 ans sont tenus sur les bancs de l'école depuis 9 heures jusqu'à midi, et depuis 2 heures jusqu'à 4.

Or, à un âge où l'enfant a besoin de mouvement, à un âge où la nature le pousse à crier, à sauter afin que son organisation physique puisse se développer, on tient cet enfant dans une espèce de torture. Messieurs, au bout d'une demi-heure, au bout d'une heure de leçon l'attention de l'enfant est tellement fatiguée qu'il ne suit plus le professeur, parce qu'il ne peut plus le suivre.

Il faudrait donc que l'enseignement fût donné de manière qu'il y eût des intervalles, qu'il fut coupé par des exercices gymnastiques, par de la musique et des chants d'ensemble.

Je vais vous donner un exemple de la vérité du fait que j'ai allégué.

Il y a en Belgique et en Angleterre des fabriques dans lesquelles il y a une école.

(page 1166) Là le travail et l'étude sont alternés. On va de l'atelier à l'école et de l'école à l'atelier. Lorsque les muscles de l'enfant sont fatigués, la tête ne l'est pas et l'élève suit facilement le professeur.

Il est constaté que dans ces fabriques l'enseignement est beaucoup plus avancé que dans les écoles où les enfants sont tenus depuis neuf heures jusqu'à quatre dans un état d'immobilité.

Si vous voulez que votre enseignement soit fécond, faites en sorte qu'il soit en harmonie avec la nature de l’enfant, Or, cette nature n'est pas l'immobilité ; c'est, au contraire, la mobilité et la variété d'exercices.

Je ferai une autre observation.

Je voudrais, s'il était possible, que les enfants de 7 à 10 ans, même les garçons, fussent enseignés par des institutrices. Un élevé de sept ans est un véritable enfant ; il sort des bras de sa mère, et vous le livrez tout à coup à l'instituteur.

Eh bien, l'instituteur n'a pas pour le jeune enfant la patience et la douceur que la mère et, après la mère, l'institutrice possèdent. De là des conflits faciles, des froissements très nuisibles au développement de l'enfant qui doit être entouré d'une affectueuse attention.

Si vous aviez une jeune institutrice douce, n'étant pas encline à la brusquerie comme certains sous-instituteurs, je crois que les résultats de l'enseignement seraient beaucoup plus satisfaisants. Ensuite il y aurait là pour les jeunes filles une carrière et une carrière très honorable. Remarquez qu'en Amérique, la chose se pratique et qu'elle a produit d'heureux fruits.

Je ne veux pas me livrer à des développements sur ces deux points. Je me borne à les indiquer à M. le ministre de l'intérieur et à appeler sur eux sa bienveillante attention.

MiPµ. - Messieurs, l'honorable M. De Lexhy me demande d'augmenter le crédit ordinaire destiné à favoriser la construction de maisons d'école et de présenter en même temps un projet de loi ayant pour objet l'allocation de crédits extraordinaires destinés au même objet.

J'avoue que je ne comprends pas bien la nécessité de recourir à cette double mesure ; il me paraît qu'il suffit de demander un crédit extraordinaire, si la chose est nécessaire, sans augmenter en même temps le crédit ordinaire.

Je ferai observer que déjà depuis quelques années la législature a voté des crédits spéciaux très considérables pour encourager la construction de maisons d'école, et même que le dernier million du crédit voté en dernier lieu est à peine entamé.

Il ne faut pas oublier non plus que la construction de maisons d'école est une affaire d'intérêt communal et que l'Etat ne peut pas en cette matière marcher plus vite que les communes.

Le gouvernement doit sans doute venir en aide aux communes, mais il doit d'abord avoir leur concours pour l'établissement d'édifices communaux.

Je ne saurais assez le répéter, on est trop porté, en général, à demander des sacrifices au gouvernement sans se préoccuper de ce que d'autres corps doivent faire pour assurer la marche des services qui leur sont confiés.

L'interprétation que l'honorable M. Hymans a donnée à la loi sur la réforme électorale, combinée avec l'institution des écoles d'adultes, me paraît incontestable. Il est évident que la loi électorale, considérant comme établissements d'enseignement moyeu tous ceux dont on ne peut suivre les cours sans posséder les éléments de l'instruction primaire, la section supérieure des écoles d'adultes dont on ne peut suivre les cours sans posséder ces éléments, doit être considérée comme établissements d'enseignement moyen.

M. De Fré a appelé mon attention sur deux points fort importants.

Le premier surtout me paraît digne de la plus sérieuse attention. Depuis très longtemps, pour ma part, j'ai la ferme conviction que la longueur des cours donnés dans les classes est bien loin de faire progresser l'instruction primaire. L'immobilité que l'on impose si longtemps aux enfants les fatigue et les ennuie beaucoup. Ce système tend à donner aux écoliers un dégoût profond pour tout ce qui est instruction. Aussi est-ce un fait bien consisté que l'école est généralement considéré par les enfants comme un lieu de pénitence et je crois que ce serait une des plus grandes améliorations à introduire dans nos écoles, que de tâcher de les rendre agréables : pour les rendre telles messieurs, il faut surtout les mettre en rapport avec la nature de l'enfant, c'est-à-dire avec la mobilité de son esprit. Contez à un enfant de 6 ou 10 ans, l'histoire la plus attrayante pour lui, et vous verrez qu'au bout d'un temps très court son attention sera complètement distraite.

II faut donc être très sobre du temps que l'on consacre à l'entretenir. Ce principe est incontestablement vrai et je me propose d'examiner comment on pourrait l'introduire dans la pratique de nos écoles.

L'honorable M. De Fré a parlé d'un deuxième point qui peut être aussi a son importance et auquel j'avoue que je n'avais jamais réfléchi ; Vaut-il mieux avoir pour les jeunes garçons des institutrices que des instituteurs ? Il est cependant un point préalable à constater, c'est que dans beaucoup de communes il y a insuffisance d'institutrices pour l'éducation des jeunes filles ; or, si les institutrices peuvent être utiles pour les petits garçons, elles sont incontestablement bien utiles pour les filles.

M. Hymans, rapporteurµ. - Je suis vraiment ravi du succès posthume que vient d'obtenir une idée que j'ai émise il y a cinq ou six ans, dans cette enceinte et qui. après avoir été reproduite par M. De Fré, reçut un appui si chaleureux de la part de M. le ministre de l'intérieur

Je veux parler de l'utilité de réduire les heures de classe dans le écoles primaires.

Chaque fois qu'on a indiqué la nécessité de réduire les heures de travail dans les manufactures, je me suis dit qu'il faudrait aussi réduire les heures de travail dans les écoles.

Ce n'est pas seulement pour l'enfant que l'attention soutenue constitue une insupportable fatigue ; il ne nous est pas moins difficile de suivre pendant cinq ou six heures une séance de la Chambre, si intéressante qu'elle soit, et l'on a dit un jour que le juge était abruti quand il avait écouté les avocats pendant plusieurs heures.

Si je prends la parole, ce n'est pas pour le simple plaisir de constater que depuis plusieurs années déjà j'ai émis l'idée que l'honorable M. De Fré vient de reprendre, et qui est, du reste, appliquée avec un remarquable succès en Angleterre et même en Belgique dans un grand nombre d'établissements industriels. Je dois rappeler un fait important. L'honorable M. Vandenpeereboom a bien voulu me promettre de soumettre cette idée à un examen ; il l'a fait et si mes renseignements sont exacts, l'immense majorité des instituteurs primaires, sinon la totalité, a trouvé la réforme absolument impraticable.

Cela se comprend d'ailleurs : le système de la réduction des heures de classe constituera, en réalité, une aggravation de travail pour l'instituteur. Si l'on envoie les enfants à l'école par brigades pendant deux heures par jour au lieu de six heures l'instituteur sera obligé de recommencer trois fois sa leçon. Or cela ne lui convient en aucune manière.

Au surplus je crois que l'enquête quia été faite doit être publiée dans le prochain rapport triennal et je saisis cette occasion pour émettre le vœu que ce rapport triennal soit publié le plus tôt possible. Il est déjà en retard à peu près de deux années.

Je souhaite que M. le ministre de l'intérieur fasse de cette question une étude particulière et je souhaite que ses bonnes intentions soient couronnées de succès.

Cependant si le gouvernement n'était pas absolument disposé à prendre l'initiative d'une mesure dans le sens de celle que j'indique, je ferai observer que les communes, aux termes de l'article 15 de la loi de 1842, ont le droit de la prendre, et j'engage l'honorable M. De Fré, qui est le premier magistrat d'une commune importante et fort intelligente des environs de Bruxelles, à donner l'exemple.

M. De Fréµ. - C'est fait.

M. Hymans, rapporteurµ. - En ce cas, je félicite l'honorable membre d'avoir conformé ses actes à ses paroles et j'espère que l'honorable ministre de l'intérieur en fera autant.

M. Eliasµ. - Messieurs, je me joins à l'honorable membre qui vient de se rasseoir, pour demander qu'on publie plus tôt les rapports triennaux. Ces rapports ne paraissent que six ans après que les faits se sont passés.

Je ferai également remarquer à M. le ministre que ces publications sont très peu pratiques. Les rapports sont imprimés dans un format très grand et difficiles à consulter. Ils contiennent en outre des renseignements de peu d'utilité, alors que certaines données essentielles y manquent.

J'ai ici un rapport sur l'instruction primaire d'un Etat étranger composé dans un format beaucoup plus commode. Il contient aussi des renseignements bien choisis.

Entre autres choses, il y a une note spéciale sur l'état de chaque école. L'instituteur y est également mentionné ; sa valeur est renseignée. Par (page 1167) conséquent, par la publicité, le rapport lui-même sert de sanction à l'inspection.

A propos de l'inspection, je rappellerai à l'honorable ministre une promesse faite dernièrement à M. Hagemans qui lui signalait que l'inspection civile est insuffisante.

Il a promis d'examiner la question, et en vérité, l'état de l'inspection civile est réellement désastreux en Belgique. Il me suffira de rappeler que, dans la province de Liège, il n'y a que 6 inspecteurs pour 600 écoles et que plusieurs d'entre eux doivent visiter 130 a 140 écoles par an.

Il en résulte que l'inspecteur ne fait rien de sérieux, il se contente de passer, d'examiner un instant les classes sans examiner aucun élève, sans se livrer à aucune investigation.

De plus, des six inspecteurs dont je parle, quatre ont de 60 à 66 ans. Vous comprenez qu'il leur est impossible d'exécuter les nombreuses marches qu'ils devraient faire.

De plus leur rémunération n'est pas en rapport avec la besogne qui leur est imposée. J'espère donc que pour l'année prochaine l'honorable ministre voudra bien vous faire une proposition dans le but de faire aux inspecteurs cantonaux une position en rapport avec les devoirs qu'ils ont à remplir.

M. d'Hane-Steenhuyseµ. - Messieurs, je me permettrai de soumettre quelques observations à la Chambre et de faire une recommandation à l'honorable ministre de l'intérieur.

L'article 101 prévoit des subsides à accorder aux caisses de prévoyance des instituteurs.

Dans toutes les circonstances, messieurs, et sur tous les bancs de cette Chambre, on fait un éloge très mérité de l'instituteur communal. Chacun de vous reconnaît les services que rend à la société ce modeste fonctionnaire. Cependant, si on le loue pendant qu'il rend ces services on oublie assez généralement qu'après trente ans de fatigues, il est obligé de prendre un repos si péniblement conquis.

Je viens donc demander à l'honorable ministre de l'intérieur de vouloir bien augmenter la part de subsides accordée par l'Etat aux caisses de prévoyance pour les instituteurs primaires.

Voici ce que dit l'arrêté royal portant règlement général pour l'organisation des caisses de prévoyance en faveur des instituteurs primaires dans son article 9.

Les fonds qui forment la caisse de prévoyance se composent :

1° D'un prélèvement annuel opéré sur le traitement et les émoluments des instituteurs.

2° Des subventions de la province, en conformité de l’article 24 paragraphe 3 de la loi organique du 23 septembre 1842.

3° Des subsides de l'Etat.

4° Des dons et legs particuliers.

En 1848, en 1852 et en 1855, des modifications furent apportées à cet arrêté, tant au point de vue des instituteurs ruraux que des professeurs urbains.

C'est surtout, messieurs, des premiers que je veux parler, c’est-à-dire des instituteurs ruraux.

Pour pouvoir obtenir une pension, il faut que cet instituteur soit âgé de 60 ans et qu'il ait au moins 30 ans de service, ou bien qu'il ne puisse plus travailler par suite d'infirmités, après 12 années de services au moins.

Puis en cas de décès leurs veuves n'ont droit à la pension qu'après 12 années de services de décédés et après un mariage d'au moins 3 ans ou bien lorsqu'il existe un ou plusieurs enfants issus de ce mariage.

D'après la législation sur la matière, les provinces, sont obligées d'intervenir par des subsides en faveur des caisses de prévoyance. Mais nous savons tous que les budgets provinciaux sont très restreints, et que les provinces ne peuvent accorder que des subsides minimes.

D'un autre côté l'Etat, qui fait de grands sacrifices pour l'instruction primaire, se voit aujourd'hui poursuivi, dirai-je, de demandes auxquelles du reste, je m'associe, pour arrivera faire augmenter la somme destinée à l'enseignement primaire.

Je demanderai à M. le ministre de vouloir bien, dans l'augmentation de chiffre qu'il a annoncée tantôt, comprendre une somme en faveur des caisses de prévoyance.

Je termine en faisant remarquer, ce qui est une véritable anomalie, que les sous-officiers de l'armée après un certain nombre d'années de service, reçoivent une pension de 500, 600, 700 fr. et que les instituteurs ruraux qui ont passé 30 ans de leur vie à instruire notre jeunesse sont bien loin d'obtenir des pensions aussi élevées. Je crois que, sous ce rapport, il y a quelque chose à faire et qu'il conviendrait d'assurer aux instituteurs ruraux une position plus digne des services éminents qu'ils ont rendus.

M. De Lexhyµ. - Si j'ai bien compris l'honorable ministre de l'intérieur, lorsqu'il m'a fait l'honneur de me répondre, il a dit que le crédit de cinq millions alloué par la loi du 19 juillet 1855, était à peine entamé.

Or, d'après des renseignements puisés à des sources officielles, il reste à peine disponible une somme de 850,000 fr.

MiPµ. - J'ai dit que le dernier million était à peine entamé.|

M. De Lexhyµ. - Si vous établissez une moyenne pour les dernières années en répartissant ces cinq millions, ajoutés aux crédits ordinaires, vous arrivez à une dépense totale d'environ deux millions par an pour construction et amélioration de locaux d'école Or, la somme de 850,000 fr. ajoutée à celle de 250,000 fr. ne produit qu'un million ; ce n'est donc que la moitié de la somme nécessaire pour faire face aux dépenses ordinaires et qui rentrent dans les prévisions les mieux justifiées.

Je demande donc que M. le ministre de l'intérieur ne repousse pas l'idée que j'ai émise d'augmenter notablement le crédit ordinaire qui figure au budget et même de vous présenter un crédit extraordinaire. M. le ministre de l'intérieur a dit encore que la construction de maisons d'école est un service essentiellement communal. C'est vrai, mais il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit d'un grand intérêt social, et que les ressources des communes sont entièrement insuffisantes pour arriver au but éminemment civilisateur que nous poursuivons. D'ailleurs l'Etat a un devoir direct corrélatif à son droit, en matière d'enseignement, et il ne doit pas chercher à atténuer son devoir : il doit au contraire le remplir largement et généreusement.

Je crois aussi qu'il voudrait mieux augmenter le crédit ordinaire pour la construction de maisons d'école, que de procéder par voie de crédits extraordinaires qu'on jette de temps en temps en pâture aux campagnes au moment même où l'on accorde des crédits considérables aux grandes villes pour l'exécution de travaux d'utilité publique. Ainsi, messieurs, si ma mémoire est fidèle, le crédit de cinq millions alloué en dernier lieu pour la construction de bâtiments d'école faisait partie de la grande loi de travaux publics comportant des crédits à concurrence de soixante millions.

Eh bien, messieurs, en présence de la situation actuelle, en présence de l'immensité des besoins auxquels il s'agit de pourvoir, je crois que nous ferions chose plus sage, plus utile et réellement plus rationnelle en portant à un million le crédit budgétaire pour la construction de maisons d'école.

Quand nous serons arrivés au but désiré, nous pourrons réduire l'allocation ordinaire du budget, mais j'insiste vivement pour qu'au prochain budget le gouvernement nous propose un crédit plus considérable.

MiPµ. - L'honorable membre ne me paraît pas envisager la situation telle qu'elle est en réalité. La Chambre a mis à la disposition du gouvernement une somme considérable pour faciliter la construction de maisons d'école, mais les communes ne suivent pas toujours le gouvernement et c'est pour cela que les crédits qui ont été alloués par l'Etat ne sont pas complètement dépensés.

On ne cesse, messieurs, d'exhorter le gouvernement à distribuer des subsides. Il y a quelques jours on voulait mettre à la charge de l'Etat l'entretien des chemins vicinaux ; aujourd'hui, il s'agit de l'instruction primaire et, à ce propos, on voudrait à peu près dégrever les communes des charges que la loi leur impose. Je ne saurais, messieurs, me décider à entrer dans cette voie.

Veuillez-le remarquer, le budget actuel, comparé à celui du précédent exercice, comporte une augmentation de 900,000 fr., dans laquelle l'instruction primaire figure pour environ 500,000 francs. Il me paraît que c'est là une augmentation très considérable.

J'ai été très surpris d'entendre l'honorable membre nous dire qu'on donne en pâture aux communes rurales, ce sont ses expressions, quelques faibles crédits pour l'instruction primaire, tandis qu'on accorde des crédits considérables aux villes pour l'exécution de grands travaux d'utilité publique. Mais, messieurs, je demanderai de mon côté si les villes seules profitent des travaux d'utilité publique ?

Pour moi, qui appartiens à un arrondissement où les villes sont en grande minorité, je puis affirmer que les habitants de cet arrondissement (page 1168) se félicitent toujours de la création de canaux et de chemins de fer.

Il faut donc faire la part de chacun et ne pas prétendre que les communes rurales sont complètement déshéritées dans la distribution des fonds du budget.

L'honorable M. De Lexhy réfléchira, j'en ai la conviction, avant d'user de son droit d'initiative pour proposer une augmentation des crédits affectés à la construction de maisons d'école. Le gouvernement, messieurs, a fait tout ce qu'il devait en faveur du développement de l'instruction primaire et j'ajouterai qu'il est bien résolu à ne pas s'arrêter dans cette voie, pourvu, bien entendu, que les communes s'imposent les charges qui leur incombent.

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - L'honorable rapporteur, si je l'ai bien compris, a rappelé tout à l'heure la position difficile et désavantageuse qui est faite aux populations rurales en ce qui touche le bénéfice de la dernière loi sur la réduction du cens provincial et communal .

Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il n'y aurait pas moyen de rattacher aux écoles primaires ou tout au moins à certaines d'entre elles une section d'enseignement moyen. Dès que l'instruction constitue un droit exceptionnel vis-à-vis du scrutin, il est évident qu'il est équitable que cette instruction soit autant que possible rendue accessible à tous.

MiPµ. - La création des écoles d'adultes a, en réalité, au point de vue de la loi, le caractère d'une création d'écoles moyennes.

Je crois donner, toute satisfaction à l'honorable M. Kervyn, en lui faisant observer que dans chaque commune où il y aura une école d'adultes avec une section supérieure, il existera de fait une école moyenne, au moins relativement à l'application de la loi électorale. En effet, l'enseignement qui se donnera, dans cette section supérieure, suffira pour faire jouir les intéressés du bénéfice de la réduction du cens de moitié.

Répondant à une observation de l'honorable M. d'Hane, je dois dire que l'augmentation de crédit que j'ai demandée ne concerne pas les caisses de prévoyance, quoiqu'elle puisse s'y appliquer légalement. Cette augmentation a uniquement pour but de satisfaire aux besoins constatés du service de l'enseignement primaire.

J'examinerai, d'ailleurs, si le règlement dont parle M. d'Hane ne doit pas subir des modifications.

M. Coomansµ. - Messieurs, parmi les observations qui nous ont été soumises, il en est plusieurs que je trouve justes ; je me propose d'en présenter à mon tour quelques-unes à la Chambre.

M. le ministre de l'intérieur vient, non pas de nous apprendre, mais de nous redire qu'il manque des instituteurs et surtout dés institutrices pour la première enfance. Cela est vrai et très fâcheux. Il me semble qu'une des causes de ce phénomène, de ce mal, est l'extrême complication du programme. Je crois qu'on exige trop de connaissances, ou plutôt des connaissances trop approfondies des candidats.

Mon observation s'applique aux deux sexes. Leur diplôme leur coûte trop cher, leur coûte trop de temps. Quelle utilité trouve-t-on à exiger tant de choses d'instituteurs qui n'auront jamais à les communiquer à leur auditoire ?

Il y a là plusieurs inconvénients dans ce que je considère comme un abus.

D'abord, on diminue le nombre des candidats, partant celui des instituteurs disponibles. Ensuite, on s'enlève à soi-même le moyen d'adopter comme instituteurs des hommes parfaitement honorables, qui conviendraient principalement sous le rapport de l'honnêteté ; on s'enlève le moyen de les adopter comme instituteurs, parce qu'on trouve qu'ils ne sont pas assez savants.

Messieurs, je crois qu'on abuse de la science dans les écoles primaires. Il est des instituteurs qui, soit parce qu'ils s'ennuient aux choses élémentaires, soit qu'ils veulent poser un peu, même devant ce petit auditoire, se livrent à des digressions complètement inutiles.

Un jour, j'ai interrogé un de ces instituteurs pour connaître le pourquoi ; il m'a répondu que c'était pour s'amuser, lui qui avait appris, par l'ordre de l'Etat, une foule de choses en dehors des principes élémentaires de la grammaire et des premières règles de 1 arithmétique.

Autre inconvénient : l'instituteur savant, trop savant selon moi, se dégoûte peu à peu de son état. Le plus savant n'est pas toujours le meilleur, et je doute qu'il soit bon, s'il est très savant.

De même qu'un artiste musicien très distingué est généralement un mauvais professeur et qu'un grand écrivain serait un pédagogue insuffisant, très souvent du moins, de même je crois que l'instituteur, presque digne de devenir académicien, sera un mauvais maître d'école primaire.

J'ai vu, lors de l'introduction de nos diplômes officiels, quelque chose de très regrettable D'anciens instituteurs, recommandables sous tous les rapports, ont été jugés indignes de professer, au nom de l'Etat, parce qu'ils n'avaient pas atteint au minimum des connaissances exigées dans le programme officiel ; entre autres ce qui m'a fait beaucoup de peine, c'est de voir qualifier d'indigne par le gouvernement mon premier maître d'école à moi, qui pouvait au moins se prévaloir d'un fait dont beaucoup de maîtres d'école ne pourraient pas se vanter, car lui, maître d'école dans une petite localité de Belgique, avait formé trois membres de cette Chambre. (Interruption.)

Eh bien, ce petit maître d'école n'a pas été admis.

Messieurs, je voudrais voir diminuer un peu les exigences du gouvernement quant au programmé des instituteurs et des institutrices. Il se ménagera de cette façon le moyen de faire prévaloir de temps à autre des considérations d'aptitude pratique et même de morale.

On exige trop, je le répète, de nos instituteurs et j'insiste sur ce point : à quoi bon exiger d'eux des connaissances qu'ils n'auront jamais l'occasion de transmettre à leurs élèves ? Quant aux mathématiques, par exemple, le programme est assez compliqué ; je voudrais qu'on en rabattît quelque chose et qu'on exigeât de nos instituteurs un peu de connaissances agricoles.

Comme il est désirable qu'ils aient tous un jardin pour plusieurs motifs, ils pourraient initier notre première jeunesse aux notions de l'agriculture même scientifique.

Ceci soit dit, parfois, dans l'intérêt de l'instituteur lui-même et de sa dignité.

Je ne cite que des faits que je puis garantir personnellement, surtout quand ils ont parfois l'air d'être incroyables ; en voici un encore : j'ai vu un instituteur venir d'une grande ville s'établir dans un village et exprimer dès le premier jour sa surprise de ce que les habitants de ce lieu aimaient tant le pourpier. Et lorsqu'on lui demandait à quel signe il s'était aperçu de cette préférence gastronomique, il répondait : « Je ne vois partout que du pourpier. » C'était du trèfle ! (Interruption.) L'anecdote n'est pas plus incroyable que celle que l'honorable ministre de l'intérieur nous garantissait l'autre jour lorsqu'il nous a raconté l'histoire du taureau qui n'en était pas un.

Ces mots prononcés par cet instituteur ont rendu sa présence impossible dans le village.

Il a baissé énormément dans l'estime des petits gamins qui distinguent le pourpier du trèfle et de bien d'autres choses.

Encore une observation, messieurs, que je soumets à votre attention particulière.

Je voudrais qu'on laissât un peu plus de liberté à nos instituteurs primaires pour l'application des méthodes d'enseignement qui leur sont recommandées, je puis dire imposées.

Il n'est pas vraisemblable que l'Etat ait atteint un degré de perfectibilité dans la rédaction de ses programmes. Pourquoi alors ne pas laisser un peu de liberté aux professeurs ? Pourquoi ne pas permettre à un professeur de modifier çà et là les méthodes ?

J'ai vu un professeur réprimandé, sévèrement réprimandé, pour avoir, selon moi, amélioré son enseignement, mais parce qu'il avait, selon l'inspection, dénaturé l'enseignement ordonné par l'Etat.

Remarquons que cette prétention de faire sortir du même moule toutes les méthodes, toutes les cervelles, est exorbitante et est peut-être cause de l'abaissement du niveau scientifique dans l'Europe entière. Le manque de liberté dans l'enseignement est un mal, est une sorte de fléau. Là aussi il faut admettre dans une certaine mesure la libre concurrence qui crée l'émulation salutaire.

Pourquoi avions-nous tant d'hommes distingués dans les siècles précédents, c'est-à-dire tant d'hommes qui s'élevaient de beaucoup au-dessus du niveau du commun des mortels ? Selon moi, la raison principale, peut-être unique, est qu'il y avait une grande liberté d'enseignement, en ce sens que chaque école était libre d'enseigner selon sa méthode, et les méthodes variaient beaucoup. Chaque université avait sa méthode différente.

Vous avez vu sortir de ces écoles les hommes les plus distingués. Je doute qu'il en sorte autant aujourd'hui de nos établissements. La masse est plus instruite, nos populations sout plus instruites ; la masse de nos savants (nous avons une masse de savants, ce qui est peut-être malheureux) est plus instruite que les petits savants d'un autre âge. Mais l'élévation des esprits supérieurs est moins grande.

(page 1169) J'avoue que je regrette beaucoup que la sévérité avec laquelle l’Etat fait exécuter son programme empêche les écoles libres de donner un essor libéral à leur enseignement. Chaque fois qu'il m'arrive de critiquer l'enseignement d'une école libre, et souvent cet enseignement est très critiquable sans distinction de partis, on me répond : Mais c'est la faute du gouvernement, force nous est d'accepter comme règle sévère les méthodes imposées par le gouvernement. Sinon, nos élèves n'obtiendraient pas leur diplôme et la prospérité de nos écoles serait compromise.

D'où il ressort qu'une école, fût-elle excellente, qui se permettrait aujourd'hui de faire des savants, dans une certaine mesure en dehors du programme de l'Etat, serait une école désertée parce que les élèves n'obtiendraient pas de diplôme.

Je crois ne pas déplaire à une assemblée qui aime et qui doit aimer la liberté, en demandant un peu plus de liberté dans l'enseignement, non seulement dans l'enseignement primaire, mais surtout dans l'enseignement moyen et dans l'enseignement supérieur.

MiPµ. - L'honorable M. Coomans réclame une grande simplification dans les matières de l'examen que doivent subir les instituteurs primaires.

Mais il n'indique pas les matières qu'il voudrait voir supprimer ; il demande qu'on retranche quelques-unes de ces matières, et qu'on les remplace par des notions d'agriculture et d'horticulture. Mais, messieurs, on met aujourd'hui déjà le plus grand soin à ce que des notions agricoles et horticoles soient données aux instituteurs, et ces notions sont même devenues une partie importante de l'enseignement pédagogique.

Je ne puis admettre, d'une autre part, qu'il soit désirable de diminuer la somme des connaissances que les instituteurs communaux doivent posséder. Je reconnais que, pour donner l'enseignement aux petits enfants, il ne faut pas savoir tout ce qu'on enseigne dans les écoles normales.

Mais, messieurs, nous devons tendre, et d'après moi c'est même un des buts que nous devons poursuivre avec le plus d'énergie, nous devons, dis-je, tendre à avoir des instituteurs qui puissent donner dans l'école primaire un cours d'adultes, répondant au désir manifesté tout à l'heure par l'honorable M. Kervyn, de voir fonder ainsi dans chaque commune une sorte d'école moyenne.

Si nous pouvions atteindre ce but, je crois que nous aurions réalisé un grand progrès. Mais pour l'atteindre, il faut avant tout que l'instituteur soit capable d'enseigner autre chose que de simples notions de lecture, d'écriture et de calcul.

L'honorable M. Coomans croit que nous aurions un plus grand nombre d'instituteurs si nous abaissions le niveau des connaissances que nous exigeons d'eux. Mais des candidats-instituteurs ignorants, nous en possédons en grand nombre ; ce qui nous manque, ce sont des instituteurs ayant les conditions requises aujourd'hui ; quand vous aurez abaissé les conditions d'admission, le nombre des instituteurs capables n'en sera pas augmenté. C'est, je crois, M. Coomans qui nous a fait un jour remarquer que si nous abaissions d'une dizaine de centimètres la taille requise des miliciens qui doivent entrer dans l'armée, nous aurions plus de miliciens admissibles, mais nous n'aurions pas augmenté par là la taille des Belges. (Interruption.)

De même vous n'aurez pas augmenté le nombre d'instituteurs capables quand vous aurez abaissé la barrière de l'examen. S'il y a insuffisance d'instituteurs diplômés, nous recourrons à ceux qui n'ont pas de diplômes, et ceux-ci seront tout aussi aptes à donner l'enseignement qu'ils le seraient dans le système de l'examen amoindri. Le seul résultat de ce système serait d'enlever des garanties qui intéressent au plus haut degté l'avenir de l'instruction dans les communes rurales.

Quant aux méthodes, je suis partisan d'une grande liberté dans l'enseignement supérieur, d'une liberté un peu moindre dans l'enseignement moyen, mais je crois qu'il n'est point à propos de rappeler les hommes de génie des siècles passés, lorsqu'il s'agit simplement d'apprendre à lire, à écrire et à calculer ; ce qui importe c'est de ne pas laisser subsister dans les campagnes des méthodes que l'expérience a condamnées irrévocablement.

En matière d'enseignement primaire, l'initiative de l'instituteur est peu de chose ; l'expérience a indiqué certaines méthodes comme étant les meilleures, l'on est arrivé incontestablement à constater, pour apprendre à lire, l'existence de méthodes meilleures que celle qu'on employait il y a trente ou quarante ans. Or, ces méthodes étant meilleures, il faut les maintenir.

L'honorable M. Coomans dit qu'il y a des instituteurs qui s'ennuient dans l'accomplissement de leurs fonctions et qui aiment mieux se donner des airs de savants que de mettre leur enseignement à la portée de leurs élèves. Mais ce sont-là de très mauvais instituteurs.et d'ailleurs vous n'éviterez pas d'avoir des hommes peu dévoués à leurs devoirs en choisissant les instituteurs parmi les personnes qui ne possèdent que peu de connaissances. (Interruption.)

L'honorable M. Coomans nous répète qu'en faisant des instituteurs très instruits, nous en arriverons à avoir des gens qui dédaigneront les matières de l'enseignement primaire.

Le remède serait donc de les empêcher de connaître quelque chose et de leur faire passer un examen négatif !

Je sais que tel n'est pas le but de l'honorable membre, mais telle est la conséquence qui découle de ses observations et je dois bien la signaler.

M. Coomans révèle un abus qu'ont pu commettre certains instituteurs. Il n'y a pas d'autre remède à cet abus que de rappeler à leur devoir ceux qui le commettent et de les censurer, s'ils ne veulent pas se résigner à remplir consciencieusement leurs modestes fonctions.

- L'article est adopté.

Chapitre XVIII. Lettres et sciences

Article 102

« Art. 102. Subsides et encouragements ; souscriptions, acquisition d'ouvrages destinés aux bibliothèques populaires ; voyages et missions littéraires, scientifiques ou archéologiques ; fouilles et travaux dans l'intérêt de l'archéologie nationale ; sociétés littéraires et scientifiques ; acquisition de publications littéraires ou scientifiques pour le service spécial de l'administration des lettres et des sciences ; dépenses diverses ; secours à des littérateurs ou savants qui sont dans le besoin ou aux familles de littérateurs ou savants décédés ; subsides aux veuves et aux orphelins délaissés par les littérateurs Van Ryswyck, Vankerckhove, Gaucet, Denis Sotiau et H. Van Peene ; prix quinquennaux fondés par les arrêtés royaux du 1er décembre 1845 et du 6 juillet 1851 ; encouragements à la littérature et à l'art dramatique (littéraire et musical) ; publication des Chroniques belges inédites ; rédaction et publication de la table chronologique des chartes, diplômes, lettres patentes et autres actes imprimés, concernant l'histoire de la Belgique ; bureau de paléographie, publication de documents rapportés d'Espagne ; exécution d'une description géographique et historique du royaume de Belgique ; continuation de la publication des actes des anciens états généraux, charge ordinaire : fr. 108,000.

« Charge extraordinaire : fr. 27,500. »

M. Julliotµ. - Messieurs, jusqu'à présent tous les orateurs se sont levés pour faire augmenter le budget, le gouvernement doit combattre ces appétits et je constate que les rôles sont intervertis.

Je me lève donc pour demander la réduction de ce budget et je reste conséquent.

En 1857, M. le ministre de l'intérieur avait inscrit, à son budget, une somme de 6,000 francs, destinée à payer une description géographique et historique de la Belgique, dont le libellé existe encore au présent budget.

Ce travail devait être fait en dix ans et le coût total en était évalué à 60,000 francs.

D'après la convention, l'ouvrage se composerait de 120 livraisons, dont douze seraient fournies chaque année.

Or, six ans après, en 1863, un de nos honorables collègues, n'ayant pas plus de foi que moi dans une foule d'interventions gouvernementales, eut la curiosité bien légitime de rechercher où en était cette affaire.

Or, à la séance du 24 février 1863, cet honorable membre vint rendre compte de ses investigations à la Chambre, et les voici :

Il nous disait, il y a six ans, que cette description a été commencée ; elle devait donner douze livraisons par an, et cela fait un total de 72 livraisons, qui devaient coûter 36,000 francs ; or, les 36,000 francs ont été payés, mais au lieu de 72 livraisons on en a fourni trois, s'occupant de deux cantons de Nivelles.

(page 1170) Or, comme il y a 200 cantons en Belgique, on était, au bout de six ans, au centième du travail à fournir, et, dans cet ordre démarche, cette publication pourra durer 600 ans à raison de 6,000 fr. par an, donnant une addition de 3,600,000 francs.

Ce député a exposé cette misère, pour montrer, une fois de plus, ce qu'on peut attendre de toutes ces interventions pécuniaires.

Je demanderai, à mon tour, où cette affaire en est, et si, depuis 1863, nous avons une seule livraison de plus ?

Sinon, je proposerai de supprimer dans le libellé, les mots : « Exécution d'une description géographique et historique du royaume de Belgique », car en laissant figurer cette rédaction, c'est un appât à quelque nouveau spéculateur qui pourra embarrasser le gouvernement par une proposition. Je propose donc de rayer ce libellé et de réduire le chiffre global de cet article de la partie destinée à cette publication avortée, car cela paraît trop rationnel pour être repoussé par la Chambre et le gouvernement.

MiPµ. - Le crédit dont il s'agit est supprimé de fait. Depuis l'époque dont on a parlé, mon honorable prédécesseur a fait une nouvelle convention avec les auteurs de la description géographique du pays.

Ceux-ci, d'après la convention, ne seront plus payés qu'au fur et à mesure de la publication d'une description de canton, et recevront chaque fois, de ce chef, une somme de 2,000 fr. Il ne s'agit donc plus, dans l'avenir de rémunérer un travail futur et éventuel, mais un travail terminé, fourni.

En outre, une partie de la somme antérieurement payée devra venir en compte sur le travail à venir. J'ajouterai cependant que depuis l'époque de cette convention aucune nouvelle livraison n'a été publiée. La somme qui figurait au budget pour le travail dont il s'agit était de 6,000 fr. J'ai demandé le transfert de 4,000 fr. au fonds de l'Académie, en laissant subsister une somme de 2,000 fr. pour le cas où l'on fournirait cette année la description d'un nouveau canton, mais je suis à peu près certain aujourd'hui que cela n'aura pas lieu.

M. de Zerezo de Tejadaµ. - Messieurs, je ne viens pas m'élever contre les nombreux subsides que le département de l'intérieur, dans sa munificence, accorde annuellement aux sociétés artistiques, musicales, dramatiques et autres spécifiées aux articles 102 et 116 du budget. Mais une fois ce système admis, pourquoi le gouvernement refuserait-il d'encourager de même des sociétés instituées dans le but de vulgariser parmi les campagnards les connaissances utiles ? Ce but est très noble, et l'on ne peut qu'y applaudir.

La populeuse commune de Meerhout, située dans le canton de Moll, possède une société de cette espèce, portant le nom de Weetlust, qui compte une vingtaine de membres, dont les deux tiers sont des artisans.

Avec le produit d'une rétribution de 50 centimes par mois, versée par chacun d'eux, on est parvenu à mettre à la disposition des sociétaires une salle de lecture et une bibliothèque.

De plus, souvent on procède devant eux à des démonstrations et à des expériences de physique, de chimie, de minéralogie, de botanique et autres.

Grâce à la lecture des livres de la bibliothèque et aux fréquentes leçons qui leur sont données, beaucoup de sociétaires sont parvenus à acquérir des connaissances variées et précises dans les sciences naturelles.

Un pareil résultat n'est-il pas digne d'éloges et n'est-il pas à souhaiter que l'exemple donné par la société Weetlust se propage et soit suivi dans d'autres communes ?

Je trouve, pour ma part, que toutes les réunions qui ont pour mobile et pour but l'instruction doivent être encouragées, alors même qu'elles seraient très modestes et qu'elles seraient établies dans des communes rurales. Aussi, j'espère que M. le ministre voudra bien porter, à l'article 102 ou 116 du budget, un subside en faveur de la société dont j'ai eu l'honneur de vous entretenir.

L'année dernière, les membres de la Weetlust avaient demandé au gouvernement une somme de 300 francs, pour les aider à se procurer des instruments de démonstration scientifique tels que pile de Bunzen, pompe pneumatique, globe terrestre ; on les a lestement éconduits sous prétexte qu'il n'y avait pas de crédit disponible.

J'ose espérer que si, comme il est probable, cette année, pareille demande est reproduite, elle recevra un meilleur accueil et que, dans cette circonstance, M. le ministre de l'intérieur, en, leur accordant le subside de 300 francs qui leur serait si utile, tiendra à leur prouver qu'il a autant à cœur l'instruction des campagnards que celle des habitants des villes.

MiPµ. - J'examinerai avec bienveillance la demande de l'honorable membre, et s'il y a un article au budget qui permette l'imputation, je tâcherai d'y faire droit ; mais si cet article n'existe pas, je serai bien forcé de répondre, comme l'a fait mon honorable prédécesseur, car je ne suis pas d'avis d'ajouter de nouveaux cas d'intervention à ceux qui existent aujourd'hui.

Remarquez, messieurs, qu'il n'y a pas qu'une société en Belgique, et que si nous donnons 300 fr. à l'une, il surgira des demandes de subsides de tous les côtés du pays.

M. de Zerezo de Tejadaµ. - A quel titre les sociétés littéraires figurent-elles au budget ?

MiPµ. - Il m'est impossible de me prononcer sur le caractère de la société dont nous a entretenus l'honorable membre.

M. de Zerezo de Tejadaµ. - Prenez des renseignements.

MiPµ. - Je vous le répète encore, je me place dans l'alternative suivante : si la société en question rentre dans un article du budget et peut ainsi recevoir un subside, je suis disposé à le lui accorder, si les circonstances le justifient ; si, a contraire, elle ne rentre pas dans un article du budget, je ne pourrai rien faire.

M. Hymans, rapporteurµ. - e désire présenter une simple observation à propos de la Description des communes belges. M. le ministre de l'intérieur a dit tout à l'heure qu'il ne payerait plus à l'avenir que le travail nouveau qui serait fourni à son département. Je crois qu'il doit y avoir beaucoup de travail à fournir en déduction de ce qui a été payé déjà. En effet, il résulte des renseignements qui m'ont été fournis à la cour des comptes que les auteurs de l'ouvrage ont touché 43,000 fr. pour les trois livraisons publiées.

- Un membre. - C'est du gaspillage.

M. Hymansµ. - C'est assez cher pour que l'on puisse encore leur demander un peu de besogne sans être obligé de la payer.

- La proposition de M. Julliot est appuyée ; elle fait partie de la discussion.

MpDµ. - M. le ministre se rallie-t-il à cette proposition ?

MiPµ. - Oui, M. le président.

- L'article amendé par M. Julliot est mis aux voix et adopté.

Article 103 à 106

« Art. 103. Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique ; subsides extraordinaires à l'Académie royale de Belgique, afin de la mettre à même d'augmenter le chiffre des prix pour les principales questions portées aux programmes de ses concours ; publication des anciens monuments de la littérature flamande et d'une collection des grands écrivains du pays ; publication d'une biographie nationale ; publication d'un texte explicatif de la carte géologique de la Belgique, charge ordinaire : fr. 50,500.

« Charge extraordinaire : fr. 26,000. »

- Adopté.


« Art. 104. Observatoire royal ; personnel : fr. 18,540. »

- Adopté.


« Art. 105. Observatoire royal ; matériel et acquisitions : fr. 8,060. »

- Adopté.


« Art. 106. Bibliothèque royale ; personnel. Frais de la fusion des trois fonds de la bibliothèque royale et frais de la rédaction du catalogue général : fr. 44,500. »

- Adopté.

Article 107

« Art. 107. Bibliothèque royale ; matériel et acquisitions : fr. 38,320. »

M. Thonissenµ. - Notre bibliothèque royale tend à devenir l'un des dépôts les plus riches et les plus intéressants de l'Europe. Ses collections en livres, en gravures, en médailles, augmentent sans cesse et ont acquis déjà une valeur énorme. Malheureusement, ce dépôt si riche, si précieux, est exposé à un péril permanent ; je veux parler du péril de l'incendie.

Depuis quelques années, beaucoup de gouvernements ont pris des précautions spéciales pour la préservation de leurs bibliothèques. L'Angleterre a pris les devants, et aujourd'hui, à la bibliothèque du (page 1171) Muséum de Londres, le bois a complètement disparu, on y a enlevé les planchers pour les remplacer par des dalles, et on y a substitué des rayons en fer étamé aux rayons en bois. Des mesures analogues ont été prises à Berlin, de même qu'à Paris, dans la partie récemment reconstruite de la Bibliothèque impériale.

A Saint-Pétersbourg, on n'a pas seulement remplacé le bois par le fer, dans la bibliothèque impériale, et dans celle de l'état-major général ; on a même divisé ces édifices en plusieurs compartiments séparés par des portes en fer ; de telle sorte que, si même un incendie venait à éclater dans l'un de ces compartiments, il ne pourrait pas s'étendre aux autres.

En Belgique on n'a rien fait de semblable. Non seulement on a conservé à la Bibliothèque royale des rayons en bois, mais on y a employé le bois de sapin, c'est-à-dire le plus inflammable de tous.

Il y a donc ici une réforme urgente à introduire, et je la recommande à l'attention la plus sérieuse de M. le ministre de l'intérieur. Cette réforme est devenue plus urgente encore, depuis qu'on nous a appris qu'on se propose d'établir sous les locaux de la Bibliothèque royale un laboratoire de chimie. Si nous perdions nos précieuses collections, nous serions dans l'impossibilité de les remplacer ; on y trouve une foule de livres rares qu'on chercherait vainement ailleurs.

Je regarde ces mesures comme tellement nécessaires qu'au besoin je consentirais, malgré mes sympathies bien connues pour le développement des études, à restreindre momentanément les achats de livres, pour consacrer les sommes qu'on y destine au remplacement des rayons en bois par des rayons en fer. Ce travail une fois fait, nous n'aurions plus à redouter de grand désastre ; car, les livres étant serrés les uns contre les autres, l'élément destructeur peut difficilement se propager avec rapidité.

J'espère que M. le ministre de l'intérieur voudra bien porter son attention sur cette question importante et digne certainement de toute sa sollicitude.

MiPµ. - Je dois faire remarquer à l'honorable M. Thonissen que la bibliothèque royale de Bruxelles se trouve dans des conditions de sécurité tout exceptionnelles par suite de la distribution d'eau que nous possédons. La plupart des villes dont il a parlé sont dépourvues de ce puissant moyen de combattre les incendies, et l'on s'explique qu'on doive y prendre de plus grandes précautions.

M. Thonissenµ. - A Londres et à Berlin il y a des réservoirs d'eau dans les greniers des bibliothèques.

MiPµ. - Oui, mais je ne crois pas qu'ils seraient aussi efficaces que les moyens dont notre distribution d'eau permet de faire usage.

Afin de n'avoir pas à y revenir tout à l'heure, je dirai que je propose dès maintenant à l'article 107 de porter ce crédit à 73,320 francs, soit une augmentation de 35,000 francs destinée à compléter le matériel de la bibliothèque dans la nouvelle partie du Musée.

M. Ortsµ. - A propos de la bibliothèque royale, je désire appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur deux questions que je l'engage à examiner d'ici à la discussion de son prochain budget. L'une est une question de budget, l'autre une question d'organisation intérieure.

Je voudrais, en premier lieu, que l'on s'occupât d'une manière un peu active de la confection du catalogue général de la bibliothèque. Les dépôts de la bibliothèque ont une importance à laquelle l'honorable M. Thonissen vient de rendre un juste hommage ; mais ils resteront dépourvus d'une grande partie de leur utilité aussi longtemps qu'il n'en sera pas fait un catalogue mis à la disposition du public.

Une bibliothèque sans catalogue imprimé, c'est exactement un appartement où manque le jour et que l'on refuse d'éclairer. Chacun s'y perd.

Je demande donc que l'on active sérieusement la confection de ce catalogue qui, si je suis bien informé, est déjà eu très grande partie achevé en manuscrit.

Aujourd'hui, pour les personnes qui ont des recherches historiques ou scientifiques à faire à Bruxelles, nous constatons ce singulier résultat : que ce qui est généralement moins connu du public ailleurs, est le mieux connu du public en Belgique, je veux parler des archives de l'Etat et des manuscrits de la bibliothèque de Bourgogne dont il existe des catalogues imprimés.

La seconde question que j'ai annoncée à la Chambre est une question d'organisation intérieure.

Parmi les accroissements les plus importants de la Bibliothèque de Bruxelles, se trouvent les ouvrages déposés par des auteurs étrangers en exécution des conventions internationales relatives à la propriété littéraire.

Ces ouvrages ne sont pas, comme les autres. à la disposition du public qui fréquente la Bibliothèque de Bruxelles.

Je comprends la raison qui semble empêcher de mettre ces ouvrages modernes, récents, à la disposition du public, comme acquisitions proprement dites de la bibliothèque. Cette raison la voici : il faut constater que les exemplaires dont le dépôt est exigé par les traités internationaux pour assurer la propriété littéraire en Belgique, ont été réellement déposés.

Pour atteindre ce but, au lieu de conserver ces ouvrages comme des reliques dont nul profane ne peut approcher, on pourrait se contenter, en vue de s'assurer de l'exécution des conventions internationales, d'un certificat délivré par le conservateur en chef, constatant que les ouvrages ont été déposés, et décrivant ,en outre, d'une manière certaine, tous les caractères extérieurs de l'ouvrage et de son édition.

Le public pourrait ensuite obtenir communication des livres modernes qui sont, je le répète, les plus importants à vulgariser.

Je signale ces deux points à l'attention de M. le ministre de l'intérieur, persuadé qu'il en fera l'objet d'un examen bienveillant.

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - Messieurs, j'ai l'honneur de faire partie du conseil d'administration de la Bibliothèque royale et je désire donner à l'honorable M. Orts un mot d'explication sur les retards qu'éprouve l'impression du catalogue....

M. Ortsµ. - Ce n'est pas la faute de la Bibliothèque.

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - Comme M. le ministre de l’intérieur ne l'ignore point, il y a en ce moment un si grand encombrement de livres jusque dans les greniers de la Bibliothèque royale que le classement ne peut pas régulièrement s'effectuer. Mais grâce aux mesures prises par M. le ministre de l'intérieur, une nouvelle salle de lecture sera mise à la disposition du public dans un délai assez rapproché, et on pourra ranger également les volumes dans d'autres salles. J'espère dès lors que le classement ne tardera pas à être complétement achevé et que l'impression pourra être entreprise immédiatement après.

La Chambre me permettra, pour ne pas prolonger cette discussion, et pour que je n'aie pas à demander deux fois la parole, d'ajouter aux observations de l'honorable M. Thonissen que, s'il y a un danger d'incendie pour nos collections scientifiques du musée, ce danger est surtout considérable pour nos archives, qui n'ont pas moins de valeur que la Bibliothèque royale et même que la bibliothèque de Bourgogne.

L'honorable ministre de l'intérieur apprécie trop nos collections scientifiques pour que je doive insister sur ce point. Il sait parfaitement que dans le voisinage des bâtiments où sont déposées nos archives se trouvent des établissements dangereux, des boulangeries, des cabarets, il y a là un péril permanent d'incendie pour nos archives qui conservent tant de vénérables titres de notre histoire nationale.

Je recommande ces considérations,, que je me borne à rappeler ici. à toute l'attention de l'honorable ministre de l'intérieur et à sa plus vive sollicitude.

M. Coomansµ. - Messieurs, j'ai deux remarques à faire à l'appui des deux propositions qui nous ont été soumises par l'honorable M. Orts.

D'abord d'après moi, l'impression du catalogue est surtout désirable en faveur des lecteurs non Bruxellois. Aujourd'hui le catalogue est à peu près fait, mais il est manuscrit et pour le consulter il faut se déplacer ; de manière que les érudits de nos provinces ignorent les richesses enfouies, je dis enfouies quant à eux, dans notre Bibliothèque royale.

L'impression de ce catalogue, messieurs, décuplera peut-être l'utilité de la bibliothèque. Ceci est une remarque que je fais à l'appui de la juste observation qu'a formulée l'honorable M. Orts.

L'honorable membre s'étonne, et je partage son étonnement, qu'on ne donne pas en lecture des livres déposés par les auteurs et les éditeurs, et il croit en avoir trouvé une raison plus ou moins plausible dans la crainte que ces livres ne se détériorassent et que le moyen de confronter les éditions marronnes avec l'édition princeps ne vienne à manquer. Je dois faire observer que telle ne peut pas être la raison de ce petit abus, attendu que l'auteur ou l'éditeur dépose trois exemplaires pour chaque ouvrage.

M, Ortsµ. - On n'en dépose que deux.

M. Coomansµ. - L'autorité m'en a demandé trois en ce qui me concerne, je la remercie de la préférence qu'elle a bien voulu m'accorder.

(page 1172) La justification de cet abus n'est donc pas dans les dépôts des exemplaires puisque chaque auteur ou éditeur en dépose deux. Par conséquent il n'y aurait aucun inconvénient à ce que l’un d'eux se détériorât.

J'insiste donc sur les réclamations, très justes selon moi, formulées par l'honorable député de Bruxelles.

- L'article est adopté.

Articles 108 à 115

« Art. 108. Musée royal d'histoire naturelle ; personnel : fr. 11,495. »

- Adopté.


« Art. 109. Musée royal d'histoire naturelle ; matériel et acquisitions : fr. 7,000. »

- Adopté.


« Art. 110. Subside à l'association des Bollandistes pour la publication des Acta Sanctorum, charge extraordinaire : fr. 6,000. »

- Adopté.


« Art. 111. Archives du royaume ; personnel, charge ordinaire : fr. 45,325.

« Charge extraordinaire : fr. 1,800. »

- Adopté.


« Art. 112. Archives du royaume. Matériel ; atelier de reliure pour la restauration des documents, charge ordinaire : fr. 4,700.

« Charge extraordinaire : fr. 3,500. »

- Adopté.


« Art. 113. Archives de l'Etat dans les provinces ; personnel : fr. 33,500. »

- Adopté.


« Art. 114. Frais de publication des Inventaires des archives ; frais de recouvrement de documents provenant des archives, tombés dans des mains privées ; frais d'acquisition ou de copie de documents concernant l'histoire nationale ; dépenses de matériel des dépôts d'archives dans les provinces ; subsides pour le classement et pour la publication des inventaires des archives appartenant aux provinces, aux communes, aux établissements publics ; dépenses diverses relatives aux archives. Recouvrement d'archives restées au pouvoir du gouvernement autrichien ; frais de classement, de copie et de transport ; agrandissement du local qui sert de dépôt aux archives de l'Etat à Bruges. (Part contributive de l'Etat), charge ordinaire : fr. 6,800.

« Charge extraordinaire : fr. 29,471 89. »

- Adopté.


« Art. 115. Location de la maison servant de succursale au dépôt des archives de l'Etat, charge extraordinaire : fr. 3,000. »

- Adopté.

- Des membres. - A demain !

- D'autres membres. - Non ! non ! continuons.

- La Chambre consultée décide que la discussion continue.

Chapitre XIX. Beaux-arts

M. Hagemansµ commence un discours qu'il continuera demain. (Nous donnerons son discours en entier dans la séance de demain.)


MpD fait connaître que la commission chargée d'examiner le projet de loi qui augmente le nombre des notaires à Bruxelles, se compose de MM. Crombez, Orts, Thonissen, Hymans, Tack, Guillery et Carlier.

-La séance est levée à 5 heures.