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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 8 mai 1868

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1867-1868)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1189) M Reynaert, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Reynaertµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Saint-Vaast prient la Chambre de donner à la demande qu'ils ont adressée au Roi pour être séparés de la Louvière la même solution que le conseil provincial du Hainaut. »

- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi portant érection de la commune de la Louvière.


« Des conseillers provinciaux, bourgmestres et propriétaires dans la Campine prient la Chambre de voter au budget des travaux publics la somme nécessaire pour l'achèvement du canal de Turnhout à Anvers par Saint-Job in t'Goor. »

MpDµ. - Cette pétition sera déposée sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.

M. Coomansµ. - Nous nous rallions à celle conclusion, mais nous prenons la liberté de recommander cette pétition très intéressante à toute l'attention de M. le ministre des travaux publics, puisqu'il est impossible que la commission des pétitions fasse un rapport en temps utile.

Projet de loi relatif à la vente de l’hôpital militaire de Bruges et à l’ouverture d’un crédit au budget du ministère de la guerre

Rapport de la section centrale

M. de Haerneµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif à la vente de l'hôpital militaire de Bruges, au prix de 307,000 francs et à l'ouverture d'un crédit spécial de pareille somme au département de la guerre.

Projet de loi relatif à l’aliénation de terrains militaires

Rapport de la section centrale

M. Dewandreµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif à l'aliénation des terrains militaires de la place de Charleroi.

Projet de loi accordant des crédits au budget de la dette publique

Rapport de la section centrale

M. Mullerµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi allouant des crédits ordinaires et extraordinaires aux budgets de la dette publique des exercices 1867 et 1868.

Projet de loi dérogeant temporaire à la loi sur le mode d’avancement dans l’armée

Rapport de la section centrale

M. Van Humbeeckµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi portant dérogation temporaire à l'article 7 de la loi du 16 juin 1836 sur le mode d'avancement dans l'armée.

- La Chambre ordonne l’impression et la distribution de ces rapports et met les projets qu'ils concernent à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1868

Discussion générale

MpDµ. - Différents amendements ont été apportés au projet, qui tous, sauf un, ont été acceptés par le gouvernement. Nous ouvrirons donc la discussion sur le projet de la section centrale.

M. Gerritsµ. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.

Parmi les pétitions sur lesquelles la Chambre a ordonné un prompt rapport, il s'en trouve plusieurs tendantes à demander au gouvernement à d'accorder la concession d'un chemin de fer d'Anvers à Breda et à Bois-le Duc. L'honorable ministre des travaux publics, répondant à une interpellation de mon honorable collègue M. Jacobs, a bien voulu nous dire que le gouvernement nous ferait connaître ses intentions à l'égard de ce chemin de fer pendant la discussion du budget des travaux publics. Comme je n'ai pas eu l'occasion de présenter le rapport au nom de la commission des pétitions, rapport dont les conclusions sont tout à fait favorables à la demande de concession, je demande qu'au moins cette pétition soit déposée sur le bureau pendant la discussion qui va s'ouvrir, pour qu'on puisse en prendre connaissance.

- Ce dépôt est ordonné.

M. Moncheurµ. - Je saisis l'occasion que m'offre le budget des travaux publics pour adresser au gouvernement et spécialement à M. le ministre de ce département quelques réclamations.

D'abord, j'espère que, conformément à la promesse que M. le ministre a faite à une députation de Namur qui s'est rendue chez lui et dont j'ai eu l'honneur de faire partie, il mettra, cette année, en adjudication tout au moins une partie très notable des travaux d'achèvement de la canalisation de la Meuse de Namur vers Givet.

Je suis un vétéran, vous le savez, messieurs, parmi ceux qui ont vivement insisté dans cette enceinte pour que le gouvernement belge tirât enfin ce beau fleuve de l'état primitif et sauvage dans lequel tous les gouvernements antérieurs l'ont laissé.

Après bien des retards, on a achevé la canalisation de la partie entre Liège et Namur, moins toutefois plusieurs travaux accessoires qui restent à faire.

Ce travail établit une bonne navigation depuis la Hollande jusque dans le Nord de la France à travers la Belgique, par la Sambre canalisée.

Mais, messieurs, il reste à créer la même navigation jusque dans l'Est de la France et cette navigation est de la plus haute importance pour l'industrie belge ; l'Est de la France a toujours été un débouché très considérable pour les charbons de Belgique, surtout pour ceux du bassin de Liège et pour ceux de la basse Sambre.

Or, en présence de l'abaissement très considérable des péages sur les canaux français, en présence des nouveaux chemins de fer qui se construisent eu France le long de nos frontières, entre les bassins houillers du Pas-de-Calais, du département du Nord et de ceux de l'Est, en présence enfin de la concurrence des charbons de la Sarre, il y a lieu d'aviser sans délai, car ce débouché sera complètement perdu pour nous si au moyen de la canalisation de la Meuse, le prix du fret ne subit pas une forte réduction.

Messieurs, dans l'état actuel de la grande industrie, vu l'excessive concurrence qui existe entre les producteurs et les moyens perfectionnés employés par eux pour ramener le prix de revient au chiffre le plus bas possible, presque toute la question industrielle gît dans la question des frais de transport.

Ne nous laissons donc pas trop devancer sous ce rapport par nos voisins. Nous avons déjà perdu beaucoup trop de temps à cet égard.

C'est pourquoi parmi les travaux publics qui sont décriés par la législature et pour lesquels des fonds sont alloués, le gouvernement doit choisir, pour les exécuter immédiatement, les travaux qui sont productifs par eux-mêmes, c'est-à-dire ceux qui satisfont à un besoin industriel urgent. Donc, s'il doit postposer des travaux décrétés, ce sont ceux qui n'ont nullement ce caractère qui doivent l'être. Mais c'est là ce que le gouvernement ne fait pas ; il fait même souvent le contraire.

Il est évident que s'il y a eu des mécomptes notables quant aux excédants annuels de recettes sur lesquels on comptait lorsque l'on a adopté le projet général de travaux publics, la raison et l'intérêt bien entendu du pays proclament que ce sont les travaux dont dépend la richesse publique qui doivent obtenir la priorité sur les autres

Messieurs, l'une des causes des déficits dont je viens de parler c'est, on le sait, l'abaissement excessif du tarif du chemin de fer de l'Etat pour les voyageurs à longue distance.

J'exprime ici le regret que cette expérience ou cet essai ait été fait, et je regrette surtout de voir le gouvernement y persister.

Il y avait, à mon avis, des améliorations plus utiles à faite aux tarifs des voyageurs ; c'était l'abaissement de ce tarif, mais dans des (page 1190) proportions modérées, pour les courtes et moyennes distances, et la faculté donnée au public de prendre des coupons d'aller de retour.

Le vice du système qui a prévalu est, selon moi, l'assimilation de la question du transport des voyageurs à la question du transport des marchandises.

Ces deux questions sont toutes différentes, et doivent être résolues par des règles et des données puisées dans des ordres d'idées également différents.

Je ne vous citerai qu'un fait qui se passe actuellement et qui ne prouve que trop la vérité de ce que j'avance. Le voici : Par application du tarif du 1er juin 1864, lequel était favorable aux transports de marchandises à longue distance, les charbonnages du Piéton et de la Sambre étaient parvenus à fournir des quantités considérables de charbon à Tournai pour les chaux et aux environs de Lille pour les manufactures ; nos charbonnages soutenaient donc avantageusement la concurrence contre les charbonnages français ; mais, par le nouveau tarif du 12 décembre 1867, le gouvernement a eu la malheureuse idée d'augmenter de 50 centimes le prix de transport entre ces deux points ; eh bien, à cause de ces 50 centimes qui agissent sur un prix de vente excessivement faible, celui de 4 fr. à 4 fr. 50 e. par tonne de charbon menu, il devient à présent impossible de soutenir la concurrence française pour ces qualités de charbon.

Le résultat immédiat de cette mesure intempestive a donc été un ralentissement d'affaires et l'invasion nouvelle des charbons français sur le marché que nous venons de signaler et que nous avions conquis sur eux ; tant il est vrai de dire que pour les transports des marchandises une légère modification des tarifs crée ou supprime tout à fait ces transports.

Donc, à l'égard des marchandises, c'est tout ou rien : ou bien les marchandises peuvent pénétrer largement sur un marché, ou bien elles ne le peuvent pas du tout.

Vous concevez que c'est le contraire pour les voyageurs. Quant à ceux-ci, vous pourrez, il est vrai, par des tarifs excessivement réduits, exciter un plus grand nombre de personnes à franchir de longues distances, mais, en général, celles qui, pour leurs affaires ou pour leur agrément, se décident à faire, en chemin de fer, un long parcours, ne s'en abstiendraient certes pas pour une couple de francs qu'elles auraient à payer de plus.

Cette bagatelle compte pour excessivement peu de chose dans l’ensemble de leurs frais de voyage, tandis qu'elle est importante au point de vue des recettes du chemin de fer et de son bénéfice net.

Or, qu'a fait le gouvernement ? Il a fait l'inverse de ce qu'il devait aire.

Pour les voyageurs, il a maintenu le taux du tarif excessivement bas dont il a fait l'essai pour les longs parcours, et pour les marchandises il a modifié, en les augmentant, les tarifs qu'il avait établis également jour les transports à longue distance.

De sorte qu'il a chassé ainsi de certains marchés des charbonnages qui s'y étaient établis grâce aux tarifs réduits. Eh bien, savez-vous ce qui arrivera ? C'est que, pour avoir voulu augmenter ses recettes sur certains points, l'Etat les verra diminuer de beaucoup.

Avant donc de faire aucun changement au taux du tarif des marchandises, il faut examiner attentivement quels sont les effets que ce changement aura, au point de vue de la concurrence avec l'étranger ; car, ainsi qu'une réduction de péage a pu vaincre cette concurrence, de même une augmentation la fera renaître ; la question des tarifs intérieurs sur les marchandises est donc entièrement liée à celle du commerce international. Il faut, avant de toucher à ces tarifs intérieurs, examiner quels sont les tarifs étrangers quant aux marchandises similaires qui nous font concurrence.

On sent que pour les voyageurs, au contraire, cette connexité et toutes ces considérations n'existent pas.

Je ne puis donc approuver le système du gouvernement qui cherche le plus grand produit du chemin de fer dans le tarif des marchandises, tandis qu'il devrait le chercher dans le tarif des voyageurs.

Messieurs, avant de terminer, je viens appuyer une réclamation très sérieuse qui a été faite au département des travaux publics et dont voici l'objet :

Depuis que la canalisation est exécutée entre Namur et Liège, le gouvernement a interdit le lavage des minerais dans toutes les rivières navigables.

Or, les conséquences de cette interdiction nouvelle sont excessivement graves et nuisibles à l'industrie sidérurgique, déjà si éprouvée aujourd'hui ; elles le sont également au commerce de minerai, surtout dans la province de Namur.

Elle est ‘ une rigueur et d'une prudence excessive et exagérée, car, veuillez remarquer, messieurs, que le motif de cette interdiction n'est point un motif d'hygiène publique, mais qu'il est puisé dans la crainte que l'argile qui se détache du minerai lorsqu'on le lave n'augmente les atterrissements qui, pour le bon entretien du fleuve navigable, devraient être enlevés, un jour, par le dragage. C'est donc purement et simplement une question de frais d'entretien.

Or, on conçoit que dans un canal ordinaire, où l'eau est toujours tranquille et quasi stagnante, puisque ce canal n'est alimenté que par des sources ou de petits ruisseaux, on conçoit, dis-je, que pareille interdiction soit nécessaire ; mais elle ne l'est point pour des rivières canalisées comme la Meuse et la Sambre. Elle ne l'est point tout au moins au même degré, à beaucoup près, que pour les canaux.

Ainsi, non seulement le courant des fleuves ou des rivières canalisées, quoi qu'il soit ralenti, existe encore toujours, mais remarquez, en outre, messieurs, que pendant deux ou trois mois de l'année, le courant est rendu à son état naturel par l'enlèvement des barrages ou par l'ouverture des écluses.

Cela arrive pendant les fortes crues de l'hiver, pendant les débâcles des glaces, après les forts orages et enfin pendant un mois ou six semaines d'été pour les réparations à faite aux berges ou aux écluses.

Or, vous concevez que si cette fine argile qui s'est détachée du minerai et qui a été tenue en suspension pendant quelque temps dans l'eau, a été enfin se déposer en partie sur les bords, en partie sur toute l'étendue du fond de la rivière où elle forme un très légère couche, celle couche est enlevée et transportée vers la mer lorsque le fleuve roule sur elle ses flots impétueux.

Mais supposez que dans certains endroits cette couche de léger sédiment reste au fond de la rivière et même dans la voie des bateaux, de ce qu'on appelle le thalweg, évidemment l'approche ou le frottement de la cale suffira pour remuer cette mince couche et la déplacer.

La navigation n'en sera nullement gênée ; mais enfin supposez même qu'une grande partie de ce sédiment se mêle aux cailloux qui doivent être enlevés par le dragage et que, par conséquent, le lavage des minerais augmente d'autant les frais d'entretien de la rivière, est-ce donc que l'Etat qui n'a eu d'autre mobile en faisant la dépense considérable de la canalisa-lion que de favoriser l'industrie, le commerce et la propriété, est-ce qu'il doit, d'un autre côté, blesser vivement leurs intérêts ? Le doit-il par une mesure d'où il peut, il est vrai, résulter pour lui une petite économie, mais qui pour les industriels, constitue une entrave réelle et donne lieu à des frais considérables.

Le gouvernement, en interdisant le lavage des minerais dans la rivière l'a permis dans des lavoirs que l'on peut construire sur le rivage, avec l'adjonction de bassins dépurateurs, mais, messieurs, les frais de ce mode de lavage pèse sur chaque tonne de minerai à raison d'un franc ou de 75 centimes au moins, selon les diverses positions où l'on se trouve, et comme il faut trois tonnes de minerai environ pour produire une tonne de fonte, le prix de revient de celle-ci subit de ce chef, une aggravation de fr. 2-25 à 3 francs au mille kilog. Or, en tout temps, mais surtout dans une crise comme celle que l'industrie sidérurgique traverse à présent, alors qu'elle est heureuse de réaliser un bénéfice de quatre ou cinq francs au mille kilog., ou même de réaliser ses stocks presque au prix de revient, je vous demande, messieurs, combien cette perte sèche lui est sensible.

C'est pourquoi les industriels et les propriétaires et tous les ouvriers attachés à l'exploitation des minerais demandent au gouvernement d'envisager cette affaire au point de vue où elle doit réellement l'être, c'est-à-dire au point de vue d'une faible augmentation possible, certaine même si l'on veut, des frais ordinaires d'entretien de la rivière canalisée, mais faible augmentation que l'Etat doit supporter.

En effet, alors que l'Etat a cru nécessaire pour la prospérité publique de dépenser des millions pour faciliter le transport des objets pondéreux et principalement du minerai de fer sur la Meuse et la Sambre, que sont donc les deux ou trois mille francs en plus que lui coûterait le dragage, si on délivrait l'industrie de la mesure coûteuse et vexatoire du lavage au moyen de bassins d'épuration ? Il ne faut pas que l'Etat donne d'une main et retire de l'autre, et puisque la mesure dont on se plaint est la conséquence de la canalisation, il ne faut pas que pour une dépense minime à faire en plus par l'Etat pour l'entretien, les industriels aient à regretter en quelque sorte l'ancien état de choses. Je conclus donc en demandant à M. le ministre des travaux publics (page 1191) de soumettre cette question à un examen nouveau et de faire une épreuve qui n'aurait, certes, rien de compromettant en permettant l'ancien lavage.

Sans doute, MM. les ingénieurs, en conseillant la mesure dont on se plaint, ont agi dans l'intérêt du trésor, je le conçois et je l'admets, nuis pour le gouvernement il y a un autre point de vue auquel il peut et doit même se placer pour envisager cette question, c'est celui de la prospérité de l'industrie.

Or, voulant favoriser l'industrie et le travail national, peut-il raisonnablement les entraver d'une manière sérieuse, pour une économie assez hypothétique, du reste, et qui se résumerait, en tous cas, à une somme annuelle de trois ou quatre mille francs au maximum ? Non, certainement ; aussi je ne doute pas que M. le ministre ne consente à établir une sorte d'enquête sur cet objet, enquête pendant laquelle l'exécution de l'arrêté royal serait suspendue.

Pendant cette période de temps, le gouvernement pourra s'assurer du surcroît de dépense que lui causera le retour à l'ancienne pratique du lavage du minerai sur les bords de la rivière, et il verra si ce surcroît de dépense vaut la peine de rétablir la mesure contre laquelle on réclame à juste titre.

M. Van Hoordeµ. - Messieurs, je puis formuler en peu de mois les demandes que j'ai à faire au gouvernement, car elles ne sont pas neuves, et les considérations qui les justifient ont déjà été produites bien souvent.

L'une d'elles concerne le canton de Fauvillers. Eloigné du chemin de fer, et sans espoir d'être relié jamias à aucune voie ferrée, ce canton réclame une compensation qui, en réalité, ne serait que de stricte justice distributive. Il désire que son chef-lieu obtienne ce que possèdent tous les autres chefs-lieux de canton, à quelques rares exceptions près : un bureau de poste. Ces exceptions s'expliquent par le peu d'étendue des territoires ou par la proximité d'autres bureaux ; mais ici rien de semblable n'existe, et pour la quatrième fois je prie le département des travaux publics d'avoir égard au vœu que le conseil provincial du Luxembourg a chargé sa députation permanente de lui transmettre. Les paroles que le chef de ce département a prononcées au Sénat le 3 avril me donnent l'espoir fondé que cette fois sera la dernière, et qu'il fera bientôt cesser un état de choses plein d'inconvénients.

Je lui rappelle aussi la résolution du même conseil provincial relative à la route qui doit desservir les populations comprises entre la frontière prussienne et le chemin de fer concédé de Spa vers le Grand-Duché ! Elle est du 8 juillet 1865. Jusqu'à présent, on n'a pas paru disposé à y faire droit. Cependant, la création de cette voie de communication n'occasionnerait qu'une dépense minime, son développement n'étant que de sept kilomètres au milieu de terrains où les entreprises ont peu de valeur.

Enfin, l'on attend avec impatience la mise en adjudication des travaux de la route de Herbaimont à Houffalize. Cette impatience est légitime. Voici ce que disait, le 16 février de l'année dernière, l'honorable M. Vanderstichelen :

« Sur le million qui a été attribué à la province de Luxembourg dans le crédit spécial alloué en 1865, pour la construction de routes nouvelles, j'ai pu réserver 300,000 fr., c'est-à-dire, à peu près le tiers du crédit total, au seul arrondissement de Bastogne. Presque toutes les demandes de l'arrondissement de Bastogne ont été, ou pourront être accueillies. »

Or, il est certain que les sommes actuellement dépensées ou engagées n'atteignent pas 300,000 fr., et il est tout à fait indispensable d'affecter, sans tarder, aux travaux que je vinus de signaler une partie des crédits restés disponibles.

C'est dans cette même séance du 16 février 1867 que l'honorable ministre des travaux publics d'alors a fait cette promesse que j'ai exprimé le regret, il y a quelque temps, de voir si complètement démentie par l’événement. » Dans un an, disait-il, la ligne de Bastogne sera mise en exploitation ! »

J'ai recueilli des renseignements positifs qui prouvent combien nous sommes éloignés encore de la réalisation de ce fait, d'une importance vitale pour une partie du pays, combien les conseils communaux de l'arrondissement étaient fondés à se plaindre, à quel point j'étais tenu d'appuyer leurs plaintes, et de quelle injustice était le reproche d'agir par esprit d'opposition et de dénigrement systématique que m'a adressé un honorable collègue, sans remarquer que ce reproche passait par dessus ma tête, et allait atteindre tous les corps constitués dont je m'étais borné à reproduire la pensée, peut être même les expressions. Il résulte de ces renseignements que l'établissement de la voie comporte un travail d'environ huit cent mille mètres cubes de terrassements, et que, il y a deux mois, le chiffre du travail effectué n'atteignait pas deux cent cinquante mille mètres.

La plupart des ouvrages d'art accessoires restaient à faire, et parmi les ouvrages importants six aqueducs et six viaducs. Ajoutez les stations et toutes leurs dépendances : bureaux de recettes, magasins, hangars, bâtiments à eau et à coke, rampes, plates-formes, clôtures et barrières, pavages et empierrements, loges de gardes, enfin la pose des rails, (rien de tout cela n'est même commencé), et vous conclurez que ce qui est achevé ce n'est pas la moitié, mais le quart à peine de l'entreprise totale. Voilà bientôt dix-huit mois que l'on a mis la main à l'œuvre. Par conséquent, pour arriver à l'exploitation en mars 1869, c'est-à-dire deux ans après l'expiration des derniers délais accordés aux concessionnaires, il faut que le nombre des ouvriers employés jusqu'à présent soit quadruplé.

Mais il paraît que l'intention des concessionnaires n'est pas de ne proroger que de deux années seulement, de leur autorité privée, le terme fixé par la loi de 1862. Si je suis bien informé, l'adjudicataire de la fourniture des billes ne devrait en livrer qu'une partie, celle de la section de Bastogne à Morhet, pour le 1er mars 1869. Quant à l'autre partie, son contrat lui donnerait le droit d'en retarder la livraison jusqu'à la fin de l'année prochaine.

Il va sans dire que je serais enchanté d'apprendre que mes informations sur ce point sont inexactes. Chaque jour qui vient s'ajouter aux nombreuses années d'attente déjà écoulées vient augmenter la somme énorme des déceptions et des pertes matérielles qu'a causées une inaction que je suis seul à déplorer ici, mais que tout le monde qualifie sévèrement au dehors de cette enceinte.

Il n'y a qu'une voix sur la manière d'agir des débiteurs de l'arrondissement de Bastogne. Les sympathies politiques elles-mêmes qui font si souvent taire tant de susceptibilités et tant d'intérêts, sont impuissantes à l'étouffer.

Tous répètent cet aveu que contient le numéro du 18 août 1867, de l’Indépendant, journal libéral d'Arlon : « La Compagnie du Luxembourg a manqué à tous ses engagements pour l'embranchement de Bastogne. »

Elle continuera à mériter ce reproche, aussi longtemps. qu'elle ne se sera pas décidée à travailler avec toute l'activité possible. Mais l'honorable M. Jamar l'y obligera, j'ose le croire, et je le remercie d'avance, au nom de mes commettants.

M. Beeckmanµ. - Messieurs, la discussion du budget des travaux publics m'offre l'occasion de présenter au gouvernement certaines réclamations qui intéressent mon arrondissement.

Je voudrais attirer l'attention de l'honorable ministre des travaux publics sur le régime auquel est soumis le Demer. Cette rivière arrose une grande partie de l'arrondissement de Louvain, partout elle est bordée de prairies qui doivent leurs richesses aux inondations périodiques dont elles ont été couvertes pendant des siècles. Jusqu'en 1845 cette fertilisation n'a pas manqué. Grâce en effet aux sinuosités nombreuses de la rivière, le débordement des eaux était fréquent, trop fréquent même, car il se produisait non seulement pendant la période d'hiver, mais aussi pendant la période d'été.

A côté du profit, se trouvait ainsi la perte et ils semblaient inséparables. Bien des fois les récoltes de foin engraissées par les eaux de l'hiver furent détruites par celles de l'été.

Cet excès né de la situation géographique même de la rivière se trouvait augmenté encore par l'application de certain article du règlement en vigueur édicté par Marie-Thérèse, le 22 août 1761. Cet article portait qu'à partir du 1er novembre jusqu'au 15 mars les usiniers pourraient tenir leurs eaux à telle hauteur que bon leur semblerait.

Vous voyez tout de suite, messieurs, que cette accumulation des eaux dans un lit tortueux devait prolonger les inondations au delà du terme utile et causer aux intérêts agricoles un détriment sérieux.

Aussi les intéressés ne tardèrent-ils pas à élever la voix, et, comme il arrive souvent, réclamèrent un remède pire que le mal.

Le mal, c'était l'inondation intempestive se produisant pendant la saison d'été, ce n'était pas l'inondation hivernale, si précieuse. On réclama contre toute inondation, oubliant combien, maintenue dans de justes limites, elle pouvait apporter de richesses, ou persuadé peut-être qu'il était impossible de conserver l'action bienfaisante de la rivière en réprimant son action dévastatrice. Quoiqu'il en soit, en 1843 et 1844 après des instances répétées faites au conseil provincial du Brabant, la gouvernement fit étudier la question.

(page 1192) Mais les ingénieurs tombèrent dans les mêmes errements que les pétitionnaires, et pour empêcher les inondations en été, ils rendirent sinon impossible, du moins très difficile, toute inondation, même en hiver.

En effet, on abrogea d'abord l'article du règlement de 1761 si favorable à la crue des eaux pendant l’hiver et on le remplaça par l'article 18 chapitre II du règlement du 4 mars 1845 qui porte d'une façon absolue, sans distinction de saison :

« En cas de hautes eaux, les usiniers et éclusiers devront lever toutes leurs vannes, écluses, haussettes, etc., de manière à ne laisser aucun obstacle à l'écoulement des eaux ; ces vannes et écluses devront rester ouvertes jusqu'à ce que les taux soient descendues à leur hauteur ordinaire et que l'ordre ait été donné de les fermer par les agents des ponts et chaussées qui seront seuls compétents pour juger de l'opportunité de lever ou de fermer les écluses. »

Ce premier remède ne parut pas encore assez efficace. On compléta son action par une rectification partielle du lit de la rivière. Ainsi furent supprimés du même coup l'obstacle naturel et l'obstacle artificiel qui paralysaient le rapide écoulement des eaux.

Dès ce moment, plus d'inondations hivernales régulières, plus de fertilisation, partant appauvrissement du sol et réduction des récoltes, à telle enseigne que la plupart des plaines riveraines ont perdu depuis quelques années 50 p. c. de leur valeur.

Messieurs, pareils résultats outrepassent certainement le but que se propose le gouvernement depuis 1845.

Il a voulu, il veut encore sauver les récoltes de la submersion intempestive, il veut en même temps sauvegarder leur fertilisation ; il faut donc concilier l'existence de ces deux bienfaits.

A cette fin, on pourrait employer deux moyens qui me semblent très pratiques : d'une part revenir à l'article 12 du règlement de 1761, et, comme lui, permettre aux usiniers pendant la saison d’hiver, c’est-à-dire du 1er novembre au 15 mars, de tenir les eaux à telle hauteur que bon leur semblera.

D'autre part établir des barrages aux endroits les plus favorables de la rivière.

De cette façon, la rectitude du cours d'eau et l'obligation des usiniers de tenir en été leurs vannes ouvertes à chaque apparence de crue d'eau préserveront nos récoltes de la submersion ; en même temps que les barrages et la liberté des usiniers pendant l'hiver conserveront à nos prés leur limon réparateur.

Je n'ai pas besoin d'insister, messieurs, pour que vous voyiez combien il importe à l'agriculture de mon arrondissement d'atteindre au plus tôt le résultat que j'indique.

C'est pour lui une question de vie.

On m'objectera peut-être les intérêts de la navigation. L'objection n'a rien de fondé, car, malgré toutes les rectifications, le Demer est resté difficilement navigable et la facilité des transports par chemin de fer diminue chaque jour l'importance des transports par eau. En fait, l'importance de la navigation sur le Demer est presque nulle.

Cette rivière est destinée de plus en plus à devenir un auxiliaire direct des intérêts agricoles, c'est là sa mission, mission des plus utiles et que je prie l'honorable ministre des travaux publics de bien vouloir lui conserver.

Il me reste à vous dire un mot, messieurs, de deux autres réclamations qui ne sont pas nouvelles.

Depuis longtemps on demande la impression du passage à niveau à l’entrée de la gare de Louvain. Pendant la discussion du budget de 1867, j’en ai encore parlé et je sais que, depuis cette époque, un projet pour remplacer ce passage dangereux a été élaboré.

Je renouvelle donc avec instance cette réclamation qui est des plus fondée, tant au point de vue des facilités de la circulation qu'au point de vue de la sécurité du public.

Les passages à niveau à l'entrée des villes sont du reste jugées. On les évite auprès des plus grands sacrifices dans la construction des nouveaux chemins de fer, et on les supprime là où ils existent. Il y aurait anomalie et injustice à laisser subsister cette entrave et ce danger aux portes d'une ville populeuse comme Louvain, sur une route des plus fréquentées.

La circulation rencontre également un inconvénient sérieux aux environs de la gare de Diest. Cette gare se trouve en dehors de l’enceinte des fortifications, et pour y arriver il faut suivre sur une assez grande distance la route de Diest à Turnhout.

Eh bien, je demande, avec l'administration communale de Diest, que sur cette partie de la route on construise des trottoirs, afin que les voyageurs puissent aborder et quitter la station sans patauger dans la boue.

La dépense nécessitée par ce travail sera bien minime, et j'espère qu'elle ne fera pas reculer l'honorable ministre des travaux publics,

M. Thibautµ. - Messieurs, je suis heureux de me joindre à mon honorable ami M. Moncheur, pour remercier M. le ministre des travaux publics, au nom des grands intérêts qui se rattachent à l'achèvement de la canalisation de la Meuse, des déclarations très satisfaites qu'il a adressées récemment à une députation de leurs organes officiels et qu'il confirmera sans doute devant la Chambre.

L'honorable M. Vanderstichelen aurait pu, avant de passer au département des affaires étrangères, doter la Belgique du complément de cette magnifique voie navigable qui s'étend de nos frontières du Nord à nos frontières du Midi. Il en a laissé le mérite à son successeur, et j'espère que l'honorable M. Jamar se hâtera de le recueillir.

Si l'honorable M. Vanderstichelen n'a pas poursuivi l'entreprise dont je parle, avec assez d'activité au gré de nos désirs, il est juste de reconnaître cependant qu'il en a toujours apprécié la haute utilité et même l'indispensable nécessité. Il faut reconnaître aussi que, sous son impulsion, des fonctionnaires habiles ont fait des études très remarquables et conçu un projet extrêmement ingénieux en même temps que fort économique, pour la canalisation de la Meuse depuis Namur jusqu'à la frontière française.

J'espère que l'honorable ministre, grâce aux nouvelles fonctions qu'il occupe, rendra, dans cette même question, de nouveaux services au pays, en obtenant de la France qu'elle adopte notre système de canalisation, ou, tout au moins, qu'elle apporte à celui qu'elle a appliqué dans le département des Ardennes toutes les améliorations dont il est susceptible.

Messieurs, j'ai vu avec satisfaction, dans le projet de loi déposé hier sur le bureau, la demande d'un crédit pour reconstruire le pont de Dinant sur la Meuse.

Il y a près de trois ans qu'une partie considérable de ce pont s'est écroulée.

Depuis lors la circulation n'a cessé d'être extrêmement difficile et dangereuse ; j'ajouterai que l'aspect de cette ruine est en quelque sorte humiliant pour la ville, pour les autorités qui la représentent, pour le gouvernement lui-même et pour le pays.

Je prie donc instamment M. le ministre des travaux publics de donner ses ordres pour que l'adjudication des travaux de reconstruction ait lieu immédiatement après le vote du projet de loi.

Je saisis cette occasion, messieurs, pour engager M. le ministre à renouer des négociations qui n'ont pas abouti sous son prédécesseur, avec la compagnie du Nord et la province de Namur, pour la construction d'un pont à Hastière.

Enfin, messieurs, permettez-moi de reproduire deux réclamations que j'ai faites l'année dernière et qui se rattachent au service des postes. Je demande de nouveau, dans un intérêt public, la franchise de port entre les chefs des administrations communales et les architectes provinciaux. Il n'en résultera pas une diminution de recettes, puisque la correspondance se fait aujourd'hui par l'intermédiaire des commissaires d'arrondissement ou des bourgmestres des communes où résident MM. les architectes.

L'anuée dernière, j'ai critiqué la résolution étrange par laquelle l'administration des postes a supprimé le service de malle-poste entre Dinant et Rochefort, et doublé le service entre Dinant et Andenne, ou pour être exact, entre Dinant et Sansinue, bureau situé sur la route de Dinant à Rochefort, à distance égale de ces deux villes. Je ne parviens pas à découvrir l'explication de ce changement. Il n'y a, à ma connaissance nulle raison pour le maintenir, mais il y en a d'excellentes pour rétablir l'ancien état de choses.

Je prie donc M. le ministre de doubler le service de Dinant à Sansinue et de rétablir le service de Dinant à Rochefort par Sansinue.

Il n'y a pas un centime à dépenser pour cela, et l'on obtiendra deux résultats également avantageux : d'abord, une plus grande célérité dans la distribution des correspondances entre les communes qui dépendent des bureaux de poste de Ninove et de Sansinue d'une part, et de Rochefort d'autre part ; ensuite un moyen de transport qui fait aujourd'hui défaut, pour les voyageurs entre Rochefort et Dinant. En même temps, j'invite l’honorable ministre à faire examiner la question de l’établissement d'un service de correspondance par malle-poste, entre Rochefort et Beauraing qui pourrait se combiner avec celui de Rochefort à Dinant.

(page 1193) Je n'en dirai pas davantage, messieurs, pour ne pas prendre une part trop considérable du temps fort court qui nous reste.

M. Jouretµ. - Les quelques questions sur lesquelles je veux appeler l'attention de l'honorable ministre des travaux publics étant parfaitement indépendantes les unes des autres, j'aurais pu les traiter lors de la discussion des articles. Mais je me conforme à un usage consacré depuis plusieurs années, en les produisant dans la discussion générale. C'est un moyen, du reste, d'économiser le temps, et le temps est précieux en ce moment, qui touche à la fin de la session.

La première observation qui j'ai à faire concerne la canalisation de la Dendre. Comme vous le savez, la canalisation de la Dendre a été décrétée par la loi du 8 septembre 1859. Dans cette loi il n'était pas question du canal de Blaton à Ath ; cette question est venue se joindre à l'autre, et ayant été adoptée par la Chambre, et à notre grand plaisir, puisqu'elle nous donnait de précieux débouchés vers la France, une convention a été faite avec la société du canal de Blaton à Ath par laquelle la Dendre devait dans tout son parcours être livrée à l'exploitation le 1er janvier 1867.

Eh bien, nous voici arrivés à la mi-mai 1868 et, chose remarquable, le canal de la Dendre n'est pas creusé dans tout son parcours. Vous comprenez, messieurs, combien cet état de choses est regrettable et à quelles dépenses il expose les industriels de la vallée de la Dendre, et plus particulièrement ceux de la ville de Lessines. Sur la foi des engagements pris, sur les promesses faites par la loi et les mesures prises pour son exécution, les industriels de Lessines ont nécessairement contracté des engagements, des marchés d'une grande importance et ont dû faire leurs calculs sur la facilité que leur offrait la canalisation de la Dendre de pouvoir effectuer les transports de leurs produits avec des bateaux d'un mouillage de 1 m. 80, tandis que les bateaux naviguant sur l'ancienne Dendre n'avaient qu'un mouillage extrêmement restreint.

Par suite d'une contestation qui s'est élevée sur l'indemnité à accorder pour certaines usines qui se trouvent dans la ville de Lessines, une portion de terrain appartenant à un propriétaire de cette usine et située précisément sur le parcours du canal a été, je ne sais par quelle circonstance, comprise dans le procès déféré au tribunal de Tournai.

il en est résulté que ce procès qui a été commencé il y a deux ans, et dont on paraît vouloir nous faire attendre la fin à plaisir, a retardé l'envoi en possession de l'Etat dans cette parcelle de terrain, bien que personne ne puisse comprendre quel rapport il peut y avoir entre l'indemnité à accorder pour un morceau de terrain et les indemnités à accorder pour l'usine.

Au moment où nous sommes, le rapport des experts vient seulement d'être déposé. Cette expertise a donc duré le temps énorme de deux années !

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Mais c'est impossible !

M. Jouretµ. - Je vous assure que c'est exact.

La portion de terrain que les intéressés ont, je ne sais si c'est à dessein, laissée engagée dans le procès n'a donc pas été remise à la disposition du gouvernement et, à l'heure qu'il est, bien que tous les travaux soient généralement exécutés sur la Dendre et que l'on touche au moment où l'on va entrer en possession de ce précieux travail, tout est enrayé par cette seule circonstance que, sur le territoire de Lessines.il y a une parcelle de quelques ares dont on n'a pu prendre possession.

On a, il est vrai, pour fiche de consolation une navigation difficile et insuffisante par l'écluse de l'ancienne Dendre, que le gouvernement a dû élargir à grands frais.

Vous comprenez, messieurs, l'effet qu'un pareil état de choses fait sur l'opinion publique. Tout le monde se demande : Est-il possible qu'en Belgique, dans un pays non seulement de liberté, mais surtout d'égalité, de pareils abus puissent se produire ?

On se demande si les lois sont devenues impuissantes chez nous. Les uns s'en prennent à l'administration supérieure qu'ils accusent d'impuissance et de négligence ; les autres s'en prennent à la lenteur des travaux de l'entreprise ; d'autres enfin, - peut-être ceux-là approchent-ils le plus de la vérité, mais j'ai à peine besoin de dire que je n'insinuerai rien à cet égard, - d'autres, dis-je, incriminent l'autorité judiciaire elil-même et vont jusqu'à l'accuser d'une coupable connivence avec les intéressés.

Vous comprenez, messieurs, que, personnellement, je ne me rends pas l'écho de ces accusations, mais il faut convenir qu'il y a quelque chose de vraiment incroyable dans cette situation.

Quoi qu'il en puisse être, messieurs, j'ai cru qu'il était de mon devoir de signaler cet état de choses en séance publique à MM. les ministres, bien que je l'aie fait déjà particulièrement et à différentes reprises, afin qu'ils comprennent qu'il y a nécessité de mettre fin à une situation que je ne puis qualifier que de déplorable.

Je les adjure de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour la faire cesser.

Elle est d'un mauvais exemple et de nature à faire croire que, dans notre pays les lois restent impuissantes et ne reçoivent pas leur exécution.

Le second objet que je me permettrai de signaler à l'attention de M. le ministre des travaux publics, concerne la demande qui lui a été adressée par le conseil communal de Lessines, et qui a plus ou moins de rapports avec ce que je viens de dire. Il s'agit de la concession à la ville de Lessines de quelques excédants d'emprises faites pour la canalisation de la Dendre. Ces excédants, messieurs, n'ont pas une très grande valeur en eux-mêmes ; cependant ils forment un bloc qui, pris dans son ensemble, peut recevoir une destination très utile.

L'administration communale de Lessines a prié le gouvernement de lui faire l'abandon de ces parcelles de terrains, ainsi qu'il l'a fait pour d'autres localités et dans des proportions beaucoup plus considérables, notamment pour les villes d'Ath et de Grammont.

Ces terrains, messieurs, permettraient à la ville de Lessines d'établir tout à la fois un quai d'embarquement et de débarquement et une place publique avec marché, amélioration qui est absolument indispensable vers le bas de la ville, où se sont agglomérées toutes les populations ouvrières, en raison du voisinage des établissements industriels, où ils trouvent leur occupation.

J'espère que le gouvernement, qui a fait la même chose, je le répète, dans des proportions beaucoup plus grandes pour les villes de Grammont et d'Ath, voudra bien le faire aussi pour la ville de Lessines,

Un troisième objet que j'ai l'honneur de signaler à l'honorable ministre des travaux publics, c'est le convoi du soir, parlant de Bruxelles vers la vallée de la Dendre et dont les populations de cette vallée étaient en possession depuis de longues années. J'ai compris, à la rigueur, que ce convoi, en raison des bénéfices modestes qu'il produisait à l'administration des chemins de fer, ait paru pouvoir être supprimé sans inconvénient pendant la saison d'hiver, mais j'espère qu'il sera possible de le rétablir pendant la saison d'été qui commence.

La suppression de ce convoi dans la vallée de la Dendre laisse les villes de Ninove, de Grammont et de Lessines sans communication possible avec la capitale, à dater de cinq heures du soir, à moins de se décider à d'interminables détours et de s'exposer à manquer des trains qui n'ont pas de coïncidence certaine.

J'espère que M. le ministre pensera qu'il est impossible de maintenir un pareil état de choses.

Messieurs, j'arrive à la plus importante des observations que j'avais à soumettre à la Chambre. C'est une question qui est déjà vieille, dont nous avons très souvent entretenu la Chambre : celle du rachat des canaux et embranchements du canal de Charleroi.

Je dis que la question est vieille déjà ; et je suis très convaincu que beaucoup d'entre vous s'étonneront quand ils apprendront que la question n'est pas vidée depuis longtemps.

Messieurs, lorsque l'avant-dernier emprunt a été contracté, des intéressés de ce magnifique centre que nous représentons dans cette enceinte ont été reçus avec nous, par M. le ministre des finances et par l'honorable ministre des travaux publics, à cette époque l'honorable M. Vanderstichelen.

Ces messieurs leur ont fait la promesse formelle que le prix nécessaire au rachat des canaux-embranchements serait compris dans un des premiers emprunts qui seraient contractés. (Interruption.)

C'est tellement vrai que dans une requête, remise à M. le ministre des travaux publics, au nom des industriels du centre, par notre honorable collègue M. Warocqué et signée par tous les directeurs des établissements houillers du centre, ce fait est positivement affirmé, comme je dois l'affirmer moi-même, d'après le souvenir qui m'en est resté.

MaeVSµ. - J'ai dit positivement le contraire.

M. Jouretµ. - Je vous demande pardon. Certainement, il n'est pas intervenu entre ces industriels, et nous qui les accompagnions un (un mot illisible) (page 1194) engagement écrit et signé, mais des promesses formelles à cet égard nous ont été faites. Tel est, je le répète, le souvenir qui m'en est resté.

MaeVSµ. - Je vous demande bien pardon.

M. Jouretµ. - Les intéressés et nous, nous avons donc toujours été dans l'erreur sur ce point. Pour moi, je dois le dire, mes souvenirs sont très exacts ; je me suis retiré de l'audience avec l'impression qu'on avait contracté envers nous un engagement formel sur ce point. (Interruption.)

Nous nous serions donc tous trompés ; mais, je le répète, l'impression qui m'est restée de l'audience, est que cette promesse nous avait été faite.

Messieurs, le rachat des embranchements du canal de Charleroi est d'ailleurs une chose qui n'est pas d'une très grande importance. Les résultats que produit la concession ne sont pas excessivement avantageux ; je crois en outre qu'eu égard au temps qu'a déjà duré et que doit durer encore la concession, il est facile d'arriver à un arrangement ; pour peu qu'on y mette de la bonne volonté.

Messieurs, il ne faut pas se le dissimuler : la situation, depuis la dernière réduction des péages, s'est relativement empirée.

Le péage de 65 cent, par tonneau sur les embranchements du canal de Charleroi aggrave fort l'état où se trouvent déjà aujourd'hui les transports du centre vers Bruxelles et vers d'autres destinations, car ce péage offre un écart de 50 cent, en plus avec ce qui se passe pour les transports de Charleroi vers les mêmes destinations, bien que le centre n'ait que 12 à 13 lieues à parcourir quand Charleroi en a 15.

Messieurs, le canal de Blaton à Ath et le canal de la Dendre que j'ai moi-même proclamés avec une grande insistance comme formant un ensemble qui offrait de grands avantages, non seulement pour la vallée de la Dendre, mais encore pour les charbonnages du couchant de Mons ; ce canal tel qu'il est sorti de l'élaboration de la loi de 1859, il ne faut pas se le dissimuler, a été bien loin d'être quelque chose d'agréable et de favorable au centre.

Au contraire, ce travail d'utilité publique était de nature à établir une concurrence très sérieuse à l'écoulement de ses produits.

En effet, le nouveau canal va élever le fret, de Jemmapes à Alost, de 2 fr. 25 c. à 2 fr. 50, tandis que le coût du transport du centre à la même destination est, en moyenne, de 4 fr.

Le centre a toujours du pourvoir jusqu'à présent à l'immense consommation de charbon qui se fait le long de la Dendre jusqu'à Anvers. Il y a donc encore là une perte de débouchés pour ce centre productif.

Le canal de la Campine qui a coûté beaucoup d'argent, qui a coûté trente-cinq millions, et présente trente-deux ou trente-trois lieues de parcours, contribue aussi à mettre le centre dans une situation fort désavantageuse. Sur ce canal, la disproportion est plus grande encore.

Eu effet, les charbons de Liège dirigés sur Anvers y arrivent avec plus d'un franc en moins que ceux du centre, bien que les charbons de Liège aient 32 à 33 lieues à parcourir, quand ceux du centre n'en ont que 20. La cause en est que le» bateaux sont d'un très grand tonnage et ne payent que des droits presque insignifiants. Anvers est un grand centre de consommation et, comme je le disais tout à l'heure, le centre était seul à pourvoir à sa consommation. L'état de choses que je signale a pour effet d'enlever successivement et d'une manière plus considérable d'année en année le monopole que lui avait pour ainsi dire été réservé jusqu'aujourd'hui.

Joignez à cela l'importation des charbons prussiens de la Roër et les charbons anglais qui viennent établir une certaine concurrence dans notre pays aux charbons indigènes et vous verrez que la situation du centre mérite d'être examinée avec une sérieuse attention et qu'il y a lieu de lui accorder ce que lui a été promis, selon moi, depuis très longtemps.

Je sais, messieurs, qu'on m'objectera peut-être que j'ai tort de me plaindre de ce qui est d'accord avec les doctrines économiques du cabinet et avec le système de la liberté commerciale adopté par le gouvernement.

En général je suis fort loin de me plaindre de la ligne de conduite économique que le gouvernement a adoptée dans la question des intérêts matériels du pays ; mais il n'en faut pas moins reconnaître que quand je me mets au point de vue spécial de ce qui arrive pour le centre comme pour les autres bassins houillère, que la réciprocité n'existant pas d'une manière complète, il y a là pour tous une cause de grande difficulté,

Je ne crains pas de dire, messieurs, que si cet état de choses continuait à produire les résultats que je signale pour le centre, et je vais même plus loin, pour le reste des centres producteurs du pays, nous serons, dans un temps très prochain, infiniment embarrassés de savoir ce que nous ferons de nos 90,000 ouvriers houilleurs et des familles nombreuses auxquelles ils donnent du pain.

Messieurs, je n'exagère en aucune espèce de façon dans cette question. Voici quelques chiffres saisissants. Je vous prie de les écouler ; ils ne sont pas nombreux, je ne vous fatiguerai pas.

Voici les importations et les exportations des houilles pour les années 1865, lS66 et 1867. Ces chiffres me sont fournis par des hommes que je crois compétents et en qui j'ai une grande confiance. Ils sont du reste relevés de la situation commerciale du royaume, qui est insérée au Moniteur.

Importation en tonneaux.

En 1865, on a importé 74,000 tonneaux. En 1866, l'importation monte à 180,000 tonneaux. Et en 1867, elle va à 423,000 tonneaux.

MfFOµ. - Les importations ont été plus considérables. Elles ont dépassé 450,000 tonneaux en 1867, à cause du prix très élevé du charbon pendant les premiers mois de l'année.

M. Jouretµ. - Cela fortifie mes assertions.

MfFOµ. - Oui, mais il faut en indiquer les causes.

M. Jouretµ. - Je répète que ces renseignements m'ont été fournis par des hommes spéciaux, les premiers, j'ose le dire, et les extracteurs les plus capables que je connaisse, et que j'ai grande confiance dans les chiffres qu'ils m'ont donnés. M. le ministre des finances m'en fournit d'autres. Je ne sais jusqu'à quel point ils sont vrais et jusqu'à quel point les miens ne le sont pas. Mais, évidemment, ce que vient de dire M. le ministre des finances vient encore en aide à ma démonstration.

Je répète donc que les importations se sont élevées en 1865 à 74,000 tonneaux, en 1866 à 180,000 tonneaux et en 1867 à 423,000 tonneaux.

Il en a été de même pour le coke.

On a importé en 1865, 1,200 tonneaux de coke, en 1866, 5,000 tonneaux, et en 1867, 23,000 tonneaux ; je donne des chiffres ronds. Ainsi, pour ne parler que des houilles, les importations sextuplaient de 1865 à 1867 et elles triplaient presque de 1866 à 1867 en faisant entrer en compte pour ces années le plus grand chiffre d'exportation du coke que je considère comme charbon.

MfFOµ. - Et l'exportation.

M. Jouretµ. - Je vais vous la donner, et vous verrez que l'exportation est telle, que nous ne sommes pas dispensés d'avoir des inquiétudes sérieuses en présence de l'importation que je viens de signaler.

Voici nos exportations également en tonneaux et ces chiffres me sont également fournis par des hommes en qui j'ai grande confiance.

En 1865, nos exportations ont été pour la houille de 3,567,000 tonneaux, les fractions négligées. En 1866, elles ont été de 3,951,000 tonneaux. En 1867, elles ont été de 3,504,000 tonneaux ; donc diminution, même eu égard à 1865.

Voici maintenant pour les cokes : 1865 502,000 tonneaux, 1866,547,000 tonneaux et 1867, 517,000 tonneaux.

Messieurs, je ne sais pas s'il est permis de croire que ces chiffres ne soient pas exacts ; je le répète, ils me sont donnés par des hommes spéciaux qui m'inspirent une entière confiance.

La situation bien considérée, telle qu'elle résulte des chiffres que je viens de produire, est extrêmement grave et donne une importance considérable à la question du rachat des embranchements, ainsi qu'à tout ce qu'on peut faire en faveur de notre grande industrie nationale houillère.

Il y a d'autres raisons encore qui militent en faveur du rachat des embranchements. Vous vous rappelez, messieurs, que le chemin de fer de Luttre à Bruxelles, le chemin de fer direct vers Charleroi a été accordé à Charleroi et ceux qui ont la discussion présente à la mémoire savent qu'il a été accordé au bassin de Charleroi sans que nous en ayons conçu le moindre ombrage, mais il a été accordé à Charleroi comme (page 1195) indemnité, en quelque sorte, des avantages qui avaient été promis antérieurement aux intéressés des charbonnages de Charleroi et du Centre réunis, et vous vous rappelez peut-être qu'en 1865, je me suis élevé avec une grande énergie contre l'oubli dans lequel on laissait des intéressés du centre. J'ai dit qu'il n'était pas juste de faire cette concession à Charleroi en sacrifiant le Centre ; on ne m'a rien répondu et cela est resté parfaitement établi.

Le chemin de fer a jusqu'ici subi des difficultés d'exécution, mais j'ai lu il y a quelques jours le discours de l'honorable M. Lebeau parlant devant l'association libérale de son arrondissement et qui annonce d'une manière formelle que ce chemin de fer va s'exécuter.

« Pour le chemin de fer de Luttre, a dit l'honorable M. Lebeau, un premier crédit a été accordé, auquel le gouvernement doit ajouter d'autres ressources et il nous a été assuré qu'avant trois ou quatre semaines, on mettra la main à l'œuvre pour doter notre arrondissement de cette nouvelle voie de communication qui abrégera la distance entre Charleroi et Bruxelles. »

Vous voyez, messieurs, que ce n'est pas sans raison que nous, représentants du Centre, nous prenons l'éveil et que nous demandons l'exécution de promesses que je persiste à croire loyalement avoir été faites.

Il y a quelques autres circonstances encore que je ferai remarquer à la Chambre pour faire comprendre combien il y a de raisons d'accorder ce rachat des embranchements. La partie occidentale du centre, le centre proprement dit, ce que j'appellerais volontiers le centre du centre, avait compté sur le chemin de fer de Houdeng à Jurbise et à Soignies pour arriver avec plus d'économie vers Tournai, les Flandres et les départements du Nord de la France et, en même temps on promettait un chemin de fer de Piéton à Manage vers l'extrémité de la partie orientale du centre.

Eh bien, messieurs, par une fatalité vraiment extraordinaire pour le centre proprement dit, en faveur duquel il est de mon devoir d'élever la voix, le chemin de fer de Piéton à Manage est achevé et les industries qu'il dessert profitent des avantages qu'il leur procure. Je m'en félicite. Mais d'un autre côté, le chemin de fer de Houdeng à Jurbise et Soignies est tombé par suite de la chute d'une maison de banque de Bruxelles, lors de la dernière crise financière. Le gouvernement n'en peut mai, je le reconnais volontiers, mais l'inexécution de ce chemin de fer n'en est pas moins une chose très fâcheuse pour le Centre.

Pour en revenir au canal de la Dendre, ce canal a été demandé, dans la loi de 1859, à titre d'amélioration au régime des eaux de cette rivière, mais il n'était point question dans cette loi du canal de Blaton à Ath ;il faut comprendre que bien que je fusse le représentant du canton de Lessines et du Centre, cet arrondissement est disposé de telle manière que je représente des localités séparées par une distance de treize à quatorze lieues. J'ai donc eu dans cette occasion la chance assez étrange, en obtenant un succès pour le canton de Lessines, de faire une chose dont avaient à se plaindre les habitants de l'autre extrémité de l'arrondissement. Ils étaient contrariés de me voir demander la canalisation de la Dendre, qui devait donner aux charbonnages de Mons des communications faciles avec les Flandres et le bas Escaut.

C'est encore là, messieurs, une considération qui n'est pas sans valeur, et j'engage, vivement MM. les ministres des travaux publics et des finances à la peser dans leur impartialité pour les décider à faire le plus promptement possible le rachat des embranchements du canal de Charleroi.

Voici, messieurs, une dernière considération qui est essentielle dans cette question.

Personne de vous n'a perdu de vue et ne perd de vue, je pense, que le centre alimente en définitive la consommation de la capitale.

Je ne puis croire, quand je me vois entouré de collègues qui sont l'un bourgmestre, d'autres échevins, d'autres conseillers communaux de cette grande et belle ville, qu'ils laissent ma voix isolée dans cette occasion, et je ne doute point qu'ils ne viennent appuyer énergiquement la thèse que je viens de soutenir, c'est-à dire le rachat aussi prompt que possible des embranchements du canal de Charleroi.

Je pense aussi que mes honorables collègues ne me trouveront pas trop impatient. Cette question a été signalée à leur attention par les nombreuses pétitions qui ont été récemment déposées sur le bureau, et je crois qu'il était parfaitement inutile que je la leur rappelasse pour les décider à s'en occuper.

A quelque point de vue qu'on se mette, il faut convenir que cette question des canaux embranchements du canal de Charleroi est une question mûre. Il est indispensable de faire ce rachat. Ne pas le faire, ce serait pour le gouvernement se mettre en contradiction avec toutes les doctrines économiques qui ont dicté sa conduite en cette matière depuis qu'il gère les affaires du pays. En effet, la liberté commerciale doit avoir pour corollaire l'abaissement de tous les péages ; le but à atteindre doit être de laisser chaque sorte de producteurs à ses moyens propres de développement et de progrès.

Je suis convaincu que c'est bien là le lut que veulent atteindre les hommes éclairés qui président au gouvernement du pays, et c'est ce qui fait que j'attends avec confiance la résolution qu'ils prendront à l'égard de la question que je viens de traiter.

Messieurs, mon intention était de signaler à l'attention du gouvernement la question que nous appelons de la pierre blanche, c’est-à-dire l'abus qui est fait de l'emploi de la pierre blanche étrangère dans la construction de nos monuments publics au détriment de nos exploitations de pierres indigènes, de pierres l'eues, qui sont aujourd'hui dans un véritable état de souffrance.

Pour ménager nos moments qui sont comptés, je n'insisterai pas sur cet objet ; je sais que mon honorable ami M. de Macar traitera cette question à fond et je me bornerai en terminant à engager M. le ministre des travaux publics et ses collègues à prendre en très sérieuse considération les observations que mon honorable ami lui présentera à ce sujet.

M. le Hardy de Beaulieuµ. - Je demande à la Chambre la permission de reproduire quelques observations qui ont déjà fart l'objet des débats de cette assemblée, dans les sessions antérieures. Je le fais parce que j'ai l'espoir que le nouveau ministre des travaux publics parviendra à les résoudre d'une manière plus heureuse et plus prompte que ses prédécesseurs.

La première de ces questions, c'est celle relative à l'établissement d'une station réclamée par plusieurs communes de mon arrondissement et de celui de Louvain, à Florival, près d'Archennes.

Ces communes sont traversées par la ligne de Charleroi à Louvain, elles ont été morcelées par ce chemin de fer et les habitants sont obligés, dans l'état actuel des choses, de parcourir de très grandes distances pour pouvoir se servir du chemin de fer.

A l'origine de l'exploitation, on avait établi une halte à cet endroit. Cette halte, je ne sais pour quel motif, a été supprimée.

Les communes intéressées réclament avec instance le rétablissement de ce moyen de communication qui leur est indispensable, surtout dans la mauvaise saison, à une époque où, par la nature du terrain, les chemins sont très difficiles dans ces localités.

Il ne faut pas oublier, messieurs, que les chemins de fer sont des établissements d'utilité publique ; que l'utilité publique, pour laquelle des propriétaires ont été expropriés, les communes ont été morcelées, ne se comprend que pour autant que les voies de communication servent au plus grand nombre possible de personnes. Si on éloigne la station, si on la met hors de portée des communes, l'utilité publique ne se justifie plus du tout, car, loin d'être utiles, les chemins de fer ne sont plus qu'une véritable nuisance.

Une deuxième question sur laquelle j'appelle l'attention de l'honorable ministre des travaux publics, c'est celle que son prédécesseur a appelée h question de Wavre. Celle question est très ancienne ; déjà l'honorable ministre des finances, lorsqu'il était ministre des travaux publics, avait déclaré dans cette Chambre que les droits de la ville de Wavre étaient indiscutables. Il y a bientôt vingt ans que ces paroles ont été prononcées et jusqu'à présent les droits de la ville de Wavre continuent toujours à être méconnus.

Vous savez, messieurs, que le chemin de Luxembourg devait passer par Wavre ; la loi de concession, les contrats avenus entre le gouvernement et les concessionnaires, les arrêtés royaux qui accordent la concession, font tous mention de la ville de Wavre, comme d'un des points obligés du parcours de cette ligne.

Cependant, au lieu de suivre le tracé qui était indiqué tant aux plans que dans les actes de concession, la compagnie concessionnaire s'en est écartée et a laissé la ville de Wavre à plus d'une lieue de distance.

Au lieu de chercher à compenser pour cette ville, dont le commerce est très important, le sort qu'elle éprouvait, la compagnie du Luxembourg n'a fait jusqu'ici aucun effort, aucune concession ; elle a maintenu ses tarifs exactement comme elle n'avait aucune obligation à remplir (page 1196) envers la ville de Wavre ; les habitants doivent payer des ports à deux chemins de fer lorsqu'ils envoie ni des marchandises soit vers Bruxelles, soit vers Namur.

Et non seulement il en résulte pour eux de plus grands frais, mais il s'y ajoute de grandes pertes de temps, et ils doivent encore payer d'après la distance réelle au lieu de ne payer que pour la distance qui aurait existé si la ligne avait été directe. de telle façon qu'aujourd'hui il existe à Wavre plus d'entreprises de messageries qu'avant l’établissement du chemin de fer. Il y a notamment une diligence qui fait tous les jours le service vers Bruxelles. On peut donc dire avec raison que la ville de Wavre n'a profité jusqu'à présent que dans une faible mesure de l'établissement des chemins de fer.

Je demande donc à M. le minière des travaux publics d'user des moyens que la loi et les conventions passées avec la compagnie du Luxembourg lui confèrent pour contraindre cette compagnie à remplir toutes ses obligations.

Quant à ligne de Bruxelles à Luttre par Nivelles, je n'en dirai qu'un mot.

J'aurais très mauvaise grâce à ne pas remercier M. le ministre des travaux publics des assurances formelles qu'il nous a données dans une séance antérieure sur l'exécution de ce chemin de fer. Cependant je dois l'avertir que les populations intéressées n'ont pas dans ses paroles la même confiance que moi. Quant à elles, elles ne se rendront qu'à l'évidence la plus positive, c'est-à-dire à des mesures matérielles d'exécution.

Elles soutiennent, à bon droit, je dois le dire, que depuis trois ans que la législature a donné au gouvernement le pouvoir de construire ce chemin de fer, il n'a pris jusqu'ici aucune mesure directe vers l'exécution de travaux. Il est vrai que, dans ce moment, des ingénieurs travaillent sérieusement sur le terrain pour arriver à l'exécution ; mais nous espérons et nous sommes eu droit d'espérer que ces travaux préliminaires seront immédiatement de l’exécution de la ligne de Luttre par Nivelles.

M. Van Renyngheµ. - Messieurs, j'ai vu avec une grande satisfaction que le gouvernement s'est décidé, enfin, à mettre en exécution tous les travaux indispensables pour obvier, autant que possible, aux grandes inondations qui désolent bien souvent la vallée de l'Yser et pour rendre, eu même temps, à une navigation non interrompue la partie de cette rivière située entre Rousbrugghe et la Fintelle.

Vous n'ignorez pas que la vallée de l'Yser est une des plus riches du royaume. Malheureusement les inondations d'été la font souffrir fréquemment d'une manière ruineuse.

Depuis longtemps en France les affluents de l'Yser ont été redressés ; on les a considérablement élargis et approfondis ; par conséquent les eaux arrivent de ce pays en Belgique avec une force et une violence dont antérieurement nous n'avions pas eu d'exemple. Il était donc très urgent de donner à ces eux un écoulement suffisant, afin de faire cesser les perturbations continuelles auxquelles cette rivière est actuellement assujettie.

Les inondations de cette vallée embrassent une étendue considérable. Chaque inondation d'été fait subir des pertes tellement importantes qu'il serait très difficile de les calculer.

Mais ce qui est surtout très désastreux, c'est que les foins gâtés par suite de ces inondations, devant servir de nourriture aux bestiaux des cultivateurs peu aisés, occasionnant bien souvent des épizooties. Ce motif seul suffirait pour faire prendre des mesures promptes et efficaces à l'effet d'obvier à ces débordements, vu que l'Etat s'impose, et avec raison, de très grands sacrifices pour faire disparaître des maladies pestilentielles qui ravagent le bétail.

Cette vallée, isolée à l'extrémité de la Belgique, a été longtemps oubliée, et cependant les travaux à y exécuter étaient des plus urgents et méritaient de fixer, sous tous les rapports et d'une manière toute spéciale, la plus sérieuse attention de la part du gouvernement.

Depuis de longues années, d'honorables collègues d’Ypres, de Furnes, de Dixmude et moi, nous avons insisté, à différentes reprises, sur la nécessité de l'amélioration de l'Yser.

L'on a, en partie, fait droit à ms justes réclamations : et en dernier lieu, pour parvenir à l'achèvement de travaux depuis longtemps décrétés, on a procédé à l'adjudication publique de l'entreprise des travaux ayant pour objet le recreusement, l'élargissement et l'endiguement de la section du canal de Loo, comprise entre l'Yser et le Slopgat, ainsi que la construction d'un canal de dérivation pour le Saint-Machuits’beck

Le canal de Loo relie l'Yser à celui de Dunkerque à Nieuport. Les eaux de l'Yser y seront déversées pour être conduites vers cette dernière ville par l'écluse de la Fintelle. Mais avant de pouvoir décharger ces eaux dans ce canal, il y a lieu de l'isoler complètement des autres courants d'eau qui s'y déversent, afin de ne pas inonder le Furnes-Ambacht. C'est pour ces motifs que ces courants d'eau seront conduits au moyen de siphons sous le canal de Loo vers le canal de dérivation prémentionné, de manière que les eaux du haut Yser se dirigeront directement et sans obstacle de Furnes à Nieuport.

Voilà donc le grand projet, décrété par la loi du 8 mars 1858, en voie d'être mis entièrement en exécution.

Restaient les travaux d'amélioration projetés sur le haut Yser et qui ne faisaient point partie de ceux décrétés par la loi précitée du 8 mars 1858, et par conséquent, dont la dépense à en résulter devait nécessairement faire l'objet d'un nouveau crédit. C'est à cette fin que le gouvernement vient vous proposer un premier crédit de 30,000 francs, à l'article 37 du budget en discussion.

Ce crédit a pour but un commencement d'exécution de travaux de dragage dans les parties les moins profondes de l'Yser, entre Rousbrugghe et l'endroit dit : Te Knocke, situé à l'aval de l'écluse de la Fintelle, établie au point où le canal de Loo s'embranche sur l'Yser.

Ces travaux, réclamés depuis de longues années avec une grande insistance, sont indispensables et très urgents, afin d'améliorer la navigation de l'Yser qui, entre Rousbrugghe et l'endroit précité, ne présente régulièrement en été qu'un ruisseau. Toute navigation, même avec une barquette un peu chargée, y devient alors impossible. Cet état de choses est naturellement très préjudiciable à l'agriculture, au commerce et à l'industrie.

Il était plus que temps que l'on mît la main à l'œuvre pour l'exécution des travaux à effectuer à cette partie de l'Yser, non seulement afin de prévenir les pertes que l'on y essuie par suite des débordements des eaux pendant l'été, mais encore à l'effet de faciliter la navigation qui doit procurer, dans cette contrée, des engrais à l'agriculture, les matières premières aux usines et un débouché aux produits du sol.

J'espère donc que des mesures énergiques seront prises pour que les travaux à effectuer au haut Yser soient exécutés dans le plus bref délai possible.

Je saisis cette occasion pour remercier le gouvernement de l'initiative qu'il a prise pour l’exécution de ce nouveau projet, en demandant un premier crédit que la Chambre, j'en ai la conviction intime, accueillera par un vote approbatif.

M. Woutersµ. - Lorsque, il y a quelques semaines, j'attirai l'attention du gouvernement sur la nécessité d'agrandir la station de Louvain, l'honorable ministre des travaux publics voulut bien convenir de l'utilité de certains travaux, et notamment d'une gare couverte,

Il nous fit savoir de plus que par suite d'une convention conclue entre la compagnie du Grand-Central belge et l’Etat, la construction de cette gare était décidée en principe, et recevrait son exécution aussitôt que les ressources du trésor le permettraient.

L'honorable ministre n'a pas même attendu jusque-là pour réaliser en partie ses bonnes internions. Frappé des inconvénients que présentait la disposition intérieure des bâtiments de recettes, il vient d'ordonner des mesures pour en modifier l'aménagement de manière à satisfaire à quelques-unes de nos réclamations.

Qu'il me permette de lui en adresser tous nos remerciements, et cependant je ne sais en réalité si nous devons nous féliciter de ce travail ou si nous devons regretter qu'il ait été ordonné ; en d'autres termes, si ces changements n'ont d'autre effet que d'améliorer, tout en la prolongeant, une situation provisoire dont l'insuffisance est surabondamment établie, nous ne nous en plaindrons pas ; mais s'ils sont le dernier mot de la bienveillance du gouvernement à notre égard, je n'étonnerai personne en disant qu'ils ne sauraient aucunement nous satisfaire.

De l'avis de tous les hommes compétents, le seul plan qui puisse remédier aux vices de la situation, et créer un état de choses en rapport avec l'importance du but que l'on veut atteindre, consiste à démolir le bâtiment actuel et à le reporter en arrière, sur l'emplacement du jardin. C'était là le plan primitif de M. Cabry, inspecteur général des chemins de fer, et si l'adoption de ce plan pouvait soulever quelques objections à l'époque où il a été présenté, il n'est personne aujourd'hui qui, en présence de l'accroissement considérable du trafic dû à l'exploitation des lignes nouvelles et des exigences beaucoup plus grandes du (page 1197) service ne soit disposé à lui donner la préférence sur tous autres projets.

Car si le gouvernement maintient le bâtiment actuel de la station, il ne fera rien que de défectueux et d'incomplet ; il n'aura nul moyen d'élargir le trottoir intérieur, si resserré, si étroit, qui sert de refuge et de stationnement aux voyageurs, à l'arrivée et au départ des trains.

Il y a plus, il faudra que dans l'avenir, comme par le passé, les trains locaux soient organisés à l'écart, à plus de cent mètres des salles d'attente. Et pour le dire en passant, les voyageurs sont obligés, aujourd'hui, de traverser cet espace à découvert, car à Louvain, non seulement il n'y a pas de gare couverte, mais il n'y a même pas un simple auvent sous lequel on puisse s'abriter. La ville que nous avons l'honneur de représenter, est, à cet égard, plus misérablement dotée que les localités les moins importantes du pays.

Mais, me dira-t-on, la nécessité d'une gare couverte n'est pas niée ; cette gare est en projet ; le gouvernement et le Grand Central se sont mis d'accord pour l'élever à frais communs. Messieurs, j'ai voulu m'éclairer sur la nature de cette convention, sur les obligations qu'elle impose aux parties, sur le plus ou moins de soin qu'elles ont mis à les remplir, et voici les renseignements que j'ai recueillis.

Par convention intervenue le 6 janvier 1862 entre le département des travaux publics et les sociétés de l'Est-Belge et du Nord de la Belgique, le chemin de fer de l'Etat s'est chargé de l'exécution des travaux d'agrandissement de la station de Louvain conformément à un plan joint à cette convention.

L'Etat et l'Est-Belge ont fait apport de leurs gares existantes, sauf pour l’Est-Belge de la gare aux marchandises et des voies comprises entre la route de Louvain à Diest et le canal ; de plus, les sociétés de l'Est-Belge et du Nord de la Belgique devaient payer une somme fixée à forfait à 160,000 fr. pour leur participation dans les dépenses de premier établissement.

Cette somme a été intégralement payée depuis longtemps ; et l'on ne sait vraiment de quoi le plus s'étonner : de l'empressement si louable de la compagnie à s'acquitter de ses obligations, ou de la lenteur de l'Etat à remplir les siennes.

Les travaux prévus au plan ont été exécutés sauf la construction d'une gare couverte pour les voyageurs.

Par lettre du 11 décembre 1866, le Grand Central Belge a réclamé la construction de la gare couverte.

Par dépêche du 29 novembre 1867, M le ministre des travaux publics ayant soumis au Grand Central Belge un projet de modifications à apporter à la distribution intérieure du bâtiment des recettes, l'administration du Grand Central Belge a répondu le 5 décembre 1867 en déclarant à M. le ministre qu'elle était décidée à n'intervenir dans aucun nouveau travail aussi longtemps que la gare couverte ne serait pas faite.

Le 17 décembre, M. le ministre répondit : » Bien que mon département ne puisse en ce moment, à raison de la situation des ressources dont il dispose, exécuter la gare couverte prévue par la convention du 6 janvier I862 et comprise dans les ouvrages pour lesquels vous avez versé 160,000 fr., l’engagement pris à cet égard par l'Etat n'en subsiste pas moins et sera mis à entière exécution dès que les fonds nécessaires auront été mis à la disposition de l'administration. »

Le 13 février 1868, la direction du Grand Central répondit à M. le ministre :

« Tout en appréciant les motifs que vous alléguez pour justifier la non-exécution de la gare couverte de la station de Louvain, nous devons cependant vous déclarer que nous ne pouvons en reconnaître le bien fondé, car si la société de l'Est-Belge n'avait consulté, de son côté, que l'étendue de ses ressources, elle n'aurait pas satisfait d'une manière complète à ses engagements, en versant l'entièreté de la somme qui lui incombait. D'ailleurs, la situation que vous invoquez dans votre dépêche du 17 décembre dernier ne peut plus être invoquée aujourd'hui, puisque des sommes importantes vont être mises à la disposition du gouvernement pour l'achèvement des travaux commencés et même pour entamer de nouveaux travaux.

« Cette circonstance nous fait insister plus que jamais pour la construction de la gare couverte ; il ne s'agit pas seulement ici d'un travail prévu et décidé, mais bien d'un travail que nous avons payé pour notre quote-part, l'achèvement complet des travaux prévus par la convention du 6 janvier 1862 est donc une véritable dette que l'Etat a contractée envers notre administration. »

A cette lettre, messieurs, le gouvernement n'a pas encore répondu.

Vous le voyez donc, ce ne sont pas seulement les députés de Louvain qui viennent recommander au gouvernement l'exécution d'un travail qui est reconnu indispensable, mais c'est encore. la société du Grand-Central qui vient, en vertu de son contrat, lui demander de vouloir remplir ses engagements.

Oh ! je le sais, messieurs, depuis quelque temps le gouvernement semble vouloir sortir de son indifférence à notre égard.

Il est, comme je l'ai dit tantôt, décidé a apporter quelques changements à l'économie intérieure des bâtiments de la station, en élargissant les couloirs, en donnant plus d'espace aux salles d'attente, en transportant à l'étage le bureau du télégraphe et en déplaçant l'habitation du chef de station.

Il se propose même, paraît-il, messieurs, dans un avenir assez rapproché, de construire la gare couverte pour laquelle le Grand-Central a déjà payé la moitié de la dépense.

Mais ces améliorations ne sauraient suffire, surtout si l'on réfléchit que cette gare, tout en couvrant l'espace compris devant le bâtiment de la station, devra s'étendre d'une manière irrégulière sur les côtés de la voie où se forment les trains locaux, et se prolonger ainsi sur un long parcours. Mieux vaut donc je pense en revenir au plan primitif de M. Cabry, qui fera disparaître les inconvénients que j'ai signalés.

M'objectera-t-on l'augmentation de la dépense ?

D'abord cette augmentation ne sera pas aussi considérable qu'on pourrait le croire, car il est à remarquer que les terrains sur lesquels devra s'élever la nouvelle construction appartienne ni aujourd'hui à l'Etat et sont sans emploi. De ce chef donc aucune acquisition nouvelle à faire. Puis, je le demande, ne vaut-il pas mieux dépenser, 100,000 et même 200,000 fr. de plus, pour une œuvre durable, que d'aboutir, par une économie mal entendue, à un travail inachevé, qui ne satisfera personne, et contre lequel viendront toujours s'élever les justes critiques de l'opinion. Poser la question, c'est, me semble-t-il, la résoudre.

D'ailleurs l'Etat n'aurait-il pas quelque peu mauvaise grâce à se montrer en cette occurrence si parcimonieux de ses deniers, alors qu'il vient d'obtenir du vote de la législature des crédits s'élevant à la somme de 5,350,000 francs pour les travaux d'utilité publique alors qu'il se propose de solliciter de la Chambre une allocation de 500,000 francs pour différents ouvrages d'appropriation aux terrains militaires de la place de Charleroi ; alors qu'il vient de déposer sur le bureau de la Chambre de nouvelles demandes de crédits spéciaux à concurrence de 5,900,655 francs au département des travaux publics.

Veuillez-le remarquer, messieurs, je suis bien loin de contester l'utilité de ces crédits, et je suis tout disposé à leur donner ma pleine approbation. Seulement si l'Etat refusait plus longtemps de faire droit à nos réclamations, s'il persistait à ajourner l'échéance de ses obligations envers le Grand-Central, ne serions-nous pas autorisés à croire que sa bienveillance se retire quelque peu de nous ?

Or, c'est là une pensée à laquelle je ne veux pas un instant m'arrêter, car j'ai pleine et entière confiance dans les intentions si loyales et si équitables de l'honorable ministre des travaux publics . Ce que je lui demande, c'est d'examiner cette question par lui-même, avec tout le soin qu'elle comporte et je ne doute pas que dans la solution qu'il jugera convenable de lui donner, il ne tienne compte des considérations que j'ai l'honneur de lui présenter.

Messieurs, puisque j'ai la parole, j'en profiterai pour rappeler quelques observations qui ont déjà été présentées dans cette enceinte, par mon honorable collègue et ami M. Delcour, sur l'utilité qu'il y aurait d'annexer un bureau télégraphique au bureau des postes de l'intérieur de la ville. Tout au moins conviendrait il qu'il y eût à ce bureau un ou plusieurs individus chargés de transmettre immédiatement les télégrammes à la station.

Il serait également à désirer qu'il y eût à la station même un bureau postal. Je crois que le bureau actuel du télégraphe, par défaut d'emploi, pourrait remplir utilement cet office.

Enfin, messieurs, il est un établissement dont notre population apprécierait tous les avantages et qui faciliterait beaucoup les relations commerciales, c'est une gare de marchandises au centre de la ville.

Les frais qu'entraînerait cet établissement seraient compensés par les bénéfices que l'Etat en retirerait. Car il est à remarquer qu'à part la différence dans les prix de tarif, c'est à cause de leur situation au cœur des villes, que les messageries Van Gend luttent avec tant d'avantage contre l'administration des chemins de fer de l'Etat.

Ces objets n'ont pas échappé à l'attention éclairée des membres de la chambre de commerce de Louvain, mieux à même que personne de (page 1198) connaître les vrais intérêts de la localité. Ils les ont signalés d'une manière toute particulière dans leur dernier rapport annuel.

Je les recommande donc de nouveau à la bienveillance de l'honorable ministre des travaux publics, espérant qu'il ne nous refusera pas d'y donner satisfaction.

M. Jonetµ. - Je viens, messieurs, appuyer les paroles que l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu a prononcées en faveur de la prompte exécution du chemin de fer de Luttre.

Il y a plus de treize ans que la concession d'un chemin de fer direct de Charleroi à Bruxelles par Gosselies et Genappe fut demandée et que des plans à l'appui furent dressés. Par ce tracé, le parcours entre Charleroi et Bruxelles n'était que de cinquante-deux kilomètres, tandis que par Braine-le-Comte, il est de soixante-douze kilomètres

Un embranchement pariant de Châtelineau devait rejoindre la ligne principale à Gosselies.

Tous nos centres industriels se trouvaient ainsi considérablement rapprochés de la capitale, ce qui constituait pour eux un immense avantage.

De nombreuses démarches furent faites auprès du gouvernement pour obtenir de lui l'approbation de cette direction.

M. le ministre des travaux publics crut ne pas pouvoir l'accepter et proposa en 1865, pour le remplacer, la construction d'un chemin de fer de Châtelineau à Luttre par Gosselies et de Luttre à Bruxelles.

Le gouvernement, en prenant Luttre vers Bruxelles, était mû par cette double considération : que tout en diminuant les frais de premier établissement de la ligne, il attirait à elle les nombreux transports provenant de Charleroi, Marchienne, Roux, etc., en leur évitant le détour par Braine-le-Comte.

Bien que ce nouveau tracé augmentât, eu égard au projet primitif, la longueur du parcours de Charleroi à Bruxelles de vingt kilomètres, l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter accueillit la proposition du département des travaux publics, espérant qu'une exécution prompte le dédommagerait en partie du parcours plus long qu'on lui imposait pour se relier à la capitale.

Une loi du 8 juillet 1865 décréta l'établissement d'un chemin de fer de Luttre à Bruxelles et de Luttre à Châtelineau, et mit à la disposition de M. le ministre des travaux publics un crédit de 5 millions afin d'en commencer la construction. cette loi fut modifiée.

Cette modification porte :

Par dérogation à l'article 2 de la loi du 8 juillet 1865, le gouvernement est autorisé à concéder la section de Luttre à Châtelineau à la compagnie des bassins houillers du Hainaut, aux clauses et conditions à déterminer par le gouvernement.

Par l'arrêté du..., la société des bassins houillers a été déclarée concessionnaire de la section de Luttre à Châtelineau.

Ainsi à partir de cette date le gouvernement avait à sa disposition une somme de 5 millions pour commencer la construction du chemin de fer de Luttre à Bruxelles seulement, les bassins houillers s'étant engagés à exécuter celui de Luttre à Châtelineau.

Le gouvernement a-t-il mis toute l'activité désirable à l'exécution du chemin décrété le 8 juillet 1865 et pour lequel 5 millions avaient été votés ? Sans méconnaître certaines difficultés qui se sont présentées, nous avions le droit d'espérer que les travaux seraient, à l'heure qu'il est, en pleine voie d'exécution, tandis qu'ils ne sont pas encore commencés.

Si le gouvernement ne trouve pas de concessionnaire, il doit lui-même se mettre à l'œuvre sans hésiter. C'est ce qu'il va faire, d'après les renseignements qui m'ont été donnés. Je l'en féliciterai, car tous ces retards lèsent profondément les intérêts de nombreuses populations industrielles.

En ce qui concerne la ligne de Luttre à Châtelineau, je désirerais savoir de M. le ministre des travaux publics, si la société des bassins houillers va bientôt entamer ses travaux. D'après l'acte de concession, ils auraient dû être commencés depuis longtemps, et jusqu'à présent nous n'avons encore vu que des plans. Nos populations nombreuses souffrent beaucoup de cet état de choses et en ne comptant que Châtelineau, Ransart, Lodelinsart, Jumet et Gosselies, les populations se montent à 55,000 habitants.

Si vous ajoutez les communes voisines et celles que le chemin de fer doit traverser, au delà de Gosselies, vous reconnaîtrez que des intérêts considérables se plaignent vivement de la non-exécution des travaux concédés.

Je rappellerai aussi à M. le ministre que la société des bassins houillers, outre le chemin de fer de Luttre à Châtelineau, a aussi obtenu la concession du chemin de fer de ceinture de Charleroi pour relier les établissements industriels à ses voies ferrées.

Cette concession lui a été accordée le 21 juillet 1866. Des plans ont été présentés par les ingénieurs de la société, mais les travaux de terrassement n'ont pas encore été commencés. Je prie M. le ministre de vouloir bien apporter la plus grande activité pour que la société des bassins puisse exécuter ses engagements.

Le 22 février de cette année, j'ai eu l'honneur de remettre à M. le ministre des travaux publics quelques notes relatives au chemin de fer de Dampremy la Planche à Marchienne, que la société du Grand Central doit construire d'après son cahier des charges. La chambre de commerce de Charleroi ainsi que le conseil provincial du Hainaut ont émis le vœu que ce chemin soit reconnu d'utilité publique. J'espère que M. le ministre voudra bien intervenir auprès de la société du Grand Central, afin qu'elle exécute immédiatement ce travail, pour lequel elle a pris un engagement depuis longtemps.

Lors de la discussion du budget 1867, l'honorable M. Descamps, rapporteur de la section centrale qui s'occupe avec tant de zèle de toutes les questions qui intéressent l'amélioration de notre railway national, a recommandé l'emploi de traverses métalliques pour remplacer, sur nos voies ferrées, les billes en bois.

M. Vanderstichelen, désirant connaître le résultat des essais faits à l'étranger, a nommé une commission de trois employés supérieurs de son département, chargée d'aller étudier en France et en Hollande l'emploi de ces traverses en fer.

Cette commission, instituée au commencement de l'année dernière, a présenté son rapport le 13 septembre 1867. Il résulte de ce rapport, que, dès l'année 1864, des essais sérieux avaient été faits en France et qu'à l'exception du mode d'attache, qui laissait à désirer, les traverses en fer remplissaient les conditions nécessaires.

La commission proposait au gouvernement quelques modifications à apporter au mode d'attache et l'engageait à commander, à titre d'essai :

1,200 traverses système Wauthier, 1,200 système Couillet et 1,200 système Legrand et Salkin.

Je serais charmé d'apprendre que M. le ministre se fût rallié aux conclusions de la commission et eût ordonné les essais. Toutefois, je ferai remarquer que ces essais, pour être vraiment utiles, eussent dû être faits sur une plus grande échelle. Les quantités proposées par la commission ne me paraissent pas suffisantes pour permettre d'espérer que les expériences donneraient un résultat complet et décisif.

Le rapport de la commission nous apprend que la société des chemins de fer de Paris à Lyon, qui fait depuis plusieurs années des expériences, a pris récemment la résolution d'étendre ses essais sur une quantité de vingt mille traverses avec une nouvelle disposition du mode d'attache.

Il me semble, par conséquent, que le gouvernement pourrait aussi majorer les chiffres proposés et opérer ses essais sur une plus grande échelle sans courir beaucoup de chances de pertes, d'autant plus que les traverses métalliques, en tenant compte de la valeur qu'elles conservent lors de la mise au rebut, coûtent moins que les billes en bois. J'engage donc l'honorable ministre à donner à ces expériences une grande impulsion.

Je suis persuadé que le succès couronnera ses efforts et que la Belgique, qui a peu de bois et beaucoup de fer, trouvera dans l'emploi des traverses métalliques une source de prospérité pour son industrie sidérurgique en même temps qu'une véritable amélioration pour ses voies ferrées.

Je suis favorable au principe qui a guidé M. Vanderstichelen dans la formation du tarif du 1er mai 1866 appliqué aux voyageurs, c'est-à-dire au tarif à réductions progressives.

Mais pour cela, il faut que ce principe soit appliqué d'une manière rationnelle.

Le tarif des voyageurs qui nous régit en ce moment remplit-il les conditions désirables ? Je ne le pense pas, et je vais chercher à vous le démontrer.

Tout d'abord, je vous dirai que les taxes appliquées actuellement ne sont pas celles du tarif du 1er mai 1866, mais de 3 tarifs, c'est-à-dire, un de 1 à 7 lieues, pour lequel on calcule d'après l'ancien tarif, l'autre de 8 à 15, on calcule d'après un tarif transitoire ; enfin, ce n'est qu'à partir de 15 lieues que le tarif définitif de M. Vanderstichelen ou le tarif du 1er mai 1866 est appliqué.

(page 1199) Il en résulte que l'on paye pour un parcours de 5 lieues en première classe 2 francs, et que pour 50 lieues l'on ne paye que 7 fr. 50 c. Les voyageurs qui circulent dans un rayon de 5 lieues payent donc 62 1/2 p. c. de plus que ceux qui circulent dans le rayon de 50 lieues. Ce tarif est-il réellement un tarif à réductions progressives ? Non, je l'appellerai tarif à réductions excessives. En effet, la remise que les administrations accordent pour des billets de retour est généralement de 25 p. c. et je suis convaincu qu'aucune d'elles ne voudrait accorder 62 1/2 p. c. Il faut donc changer notre tarification, qui profite surtout ici aux étrangers traversant le pays.

Je verrais avec plaisir que le principe inauguré par M. Vanderstichelen, c'est-à-dire à réductions successives fût continué ; mais, comme je l'ai dit précédemment, il ne faut pas que ces réductions atteignent des proportions exagérées.

M. Van Iseghemµ. - Je m'étais proposé, messieurs, d'entretenir la Chambre des dangers que présente en ce moment la grande digue de mer à Ostende, dangers tant pour la ville, que pour son arrondissement, mais le gouvernement ayant déposé hier un projet de loi qui contient un crédit pour ces travaux, j'ajournerai à la discussion de ce projet les observations de détail que je crois devoir présenter.

En attendant, je remercie M. le ministre d'avoir présenté cette demande de crédit.

Mais j'ai plusieurs autres objets à recommander à la vive sollicitude de l'honorable ministre des travaux publics.

Les communes de Leffinghe, Wilskerke et Slype ont demandé au gouvernement la construction, aux frais de l'Etat, d'un pavé allant du hameau Raversyde passant par Wilskerke jusqu'à Slype.

Ces communes sont prêtes à intervenir pour un tiers dans la dépense et je crois que la province est disposée à intervenir également pour la même somme.

Cette route partirait de la route d'Ostende à Nieuport et aboutirait au canal de Nieuport. La route dont il s'agit est de la plus grande importance ; mais les communes ne sont pas en état de se charger de cette construction à cause de toutes sortes de difficultés qu'elles rencontrent ordinairement dans l'exécution des travaux. La commune de Wilskerke n'a aucune espèce de communication, et j'espère que cette route, si nécessaire pour l'agriculture, sera décrétée par le gouvernement.

Il y a également un embranchement de pavé à construire depuis le pont de Plasschendaele jusqu'au village de Breedene, situé sur le pavé d'Ostende à Bruges. Cette demande est en instruction depuis plus de trois ans ; le pont de Plasschendaele appartient au gouvernement et la route d'Ostende à Bruges également, d 'manière que la lacune doit également être construite par l'Etat.

A Plasschendaele il y a une station de chemin de fer de l'Etat et il faut absolument mettre les communes de Breedene et Clemskerke en communication avec cette station.

Les communes, wateringues et la province sont également disposées à intervenir dans la dépense.

La commune d'Ichteghem qui est très importante, mais qui n'a pas de grandes ressources, demande un subside d'un quart pour faire un pavé du hameau appelé l'Ange à la station du chemin de fer. Le gouvernement accorde souvent des subsides de ce genre et j'espère que la commune d'Ichteghem obtiendra ce qu'elle demande, d'autant plus qu'une autre commune importante, celle de Couckelaere, y est également intéressée.

Depuis quatre ou cinq ans, le gouvernement demande des crédits de 15,000 à 20,000 francs par an, pour faire le chemin de halage en gravier sur le canal de Plasschendaele, depuis le pont de Snaeskerke jusqu'à la commune d'Oudenbourg. Je crois que cette première section sera achevée, dans le courant de cette année, dans le cas contraire le gouvernement devra la continuer jusqu'à Oudenbourg.

Il est nécessaire maintenant de continuer ce chemin de halage depuis le pont de Leffinghe jusqu'à Nieuport. Le canal de Plasschendaele est un canal de grande communication. Il a été approfondi il y a 5 à 6 ans par l'Etat qui, comme conséquence, doit établir un bon chemin de halage ; c'est par ce canal aussi qu'on expédie le charbon de Mons à Dunkerque.

La chambre de commerce de Mons, si mes souvenirs sont exacts, a demandé plusieurs fois ce travail très utile. (erratum, page 1215) La navigation est intéressée à avoir un chemin de halage facile, aujourd'hui, il y a de la boue, les chevaux n'avancent pas, ce qui est très coûteux et pénible à voir. Pour les riverains, les communications sont aussi très difficiles.

J'espère donc que l'honorable ministre des travaux publics continuera à porter annuellement à son budget une somme d'environ 20,000 francs jusqu'au complet achèvement du chemin de halage depuis le pont de Leffinghe jusqu'à Nieuport.

La ville de Nieuport est très intéressée dans ce travail, car ses communications avec quelques communes limitrophes sont très difficiles

Je dirai maintenant un seul mot sur le chemin de fer.

Les trains express qui partent d'Ostende pour Bruxelles le matin vont par Alost, mais l'après-midi ils retournent par Malines. Ce convoi doit donc faire un détour, ce qui est très désagréable pour les voyageurs de Bruxelles en destination des Flandres.

Je prie donc l'honorable ministre d'examiner si les retours ne peuvent pas se faire également par Alost.

Je recommande cet objet à sa vive sollicitude.

M. Tackµ. - Messieurs, il importe que le budget des travaux publics soit voté promptement ; il n'a déjà éprouvé que trop de retards. Il ne faut l'imputer à personne ; c'est le fait des circonstances qui se sont manifestées au début de la session, mais je forme, pour ma part, le vœu qu'à l'avenir ce budget soit présenté, discuté et adopte avant la nouvelle année, qu'on s'en occupe aussitôt après la rentrée. Sans cela, il y a toujours perte de toute une campagne pour les travaux projetés.

L'urgence qu'il y a de mettre à la disposition de M. le ministre des travaux publics les fonds dont il a besoin nous commande à tous d'être sobres de paroles.

Aussi, je me bornerai, messieurs, à présenter quelques courtes observations dont je prie l'honorable ministre des travaux publics de vouloir bien prendre bonne vote.

J'ai signalé à diverses reprises, dans cette enceinte, les inconvénients des inondations qui depuis 3 à 4 ans se répètent fréquemment dans la bassin de la haute Lys et qui ont pour conséquence d'interrompre la navigation et d'occasionner un préjudice notable au commerce et à l'industrie. Nous avons, messieurs, voté à grands renforts de millions la construction d'un canal que nous appelons le canal de dérivation de la Lys, ou canal de Deynze par Schipdonck à la mer. Ce canal prend son origine dans la Lys, à proximité de Deynze.

En aval de Deynze et du canal de Schipdonck, c'est-à-dire entre Deynze et Gand, il a été construit une écluse avec barrage connue sous le nom d'écluse d'Astene.

D'autre part, en amont de Deynze, sur le parcours qui sépare cette localité de la frontière française, il existe 4 écluses ou barrages établis à Comines, Menin, Haerlebeke et Vive-Saint-Eloi.

Quand le barrage d'Astene est fermé, que celui du canal et les écluses en amont sont ouverts, les eaux de la Lys sont évacuées directement vers la mer et ne passent point par Gand ; le contraire arrive quand le barrage d'Astene est ouvert et celui du canal fermé.

Puisqu'on a fait une dépense si considérable pour creuser le canal de dérivation, il faut bien, lorsqu'on en a le moyen, le faire répondre à sa destination. Or c'est tout à fait l'inverse qui arrive. On s'est imaginé de faire de ce canal de dérivation un canal d'irrigation au détriment de tous les riverains de la haute Lys. Là est la cause de tout le mal.

Vous allez le comprendre par ce qui s'est passé depuis deux ou trois ans, et tout récemment encore, au mois de décembre dernier. Vers le 15 de ce mois, des pluies très abondantes étaient tombées dans le Pas-de-Calais et dans le Nord. Il devenait dès lors certain pour le premier venu, que nous étions menacés d'inondation. Le débordement de la Lys était une chose imminente. On croirait qu'en pareille circonstance on va s'empresser de faire le vide dans le bassin de la Lys, d'ouvrir les écluses d'Astene, afin d'évacuer les eaux sur Gand et sur Anvers, et au besoin de faire usage du canal de dérivation. Eh bien, non, on a fait le contraire.

On a ouvert les écluses en amont de Deynze jusqu'à la frontière de France, et, au lieu d'ouvrir en même temps les écluses en aval de Deynze et, au besoin, le barrage du canal, on a tenu celui-ci soigneusement fermé, et, bien plus, on a ajouté des poutrelles au barrage d'Astene pour élever le niveau des eaux et produire ainsi un gonflement artificiel en vue de pouvoir irriguer quelques prairies situées le long du. canal. C'est ainsi qu'on provoque les inondations périodiques qui désolent la vallée de la haute Lys.

MaeVSµ. - C'est à la demande des propriétaires.

M. Tackµ. - Oui, mais je trouve que l'intérêt de quelques propriétaires qui ont leurs prairies situées le long du nouveau canal de Deynze à Schipdonck devrait être subordonné à des intérêts bien autrement importants, les intérêts de tous les riverains de la haute Lys, les intérêts de la navigation, les intérêts du commerce et de l'industrie, et finalement les intérêts du gouvernement lui-même.

(page 1200) Pour produire un bien relativement insignifiant, on n'est jamais autorisé à occasionner un préjudice considérable au plus grand nombre.

Je l'affirme, les fausses manœuvres faites à l'écluse d'Astene ont occasionné encore une fois cette année une interruption de navigation qui s'est prolongée pendant environ quinze jours. Depuis le 15 décembre jusqu'au 1er janvier, il a été impossible de naviguer sur la haute Lys. J'ai été témoin du fait ; j'ai entendu les plaintes qui ont surgi de toute part.

L'inondation sera inévitable chaque fois qu'au moment même de la crue, au lieu d'évacuer les eaux vers Gand et de débarrasser le plus vite possible tout le bassin de la Lys entre Courtrai et Gand, on opérera une retenue au barrage d'Astene, tout en laissant le barrage du canal fermé. Chaque fois il y aura perturbation sur tout le bassin de la haute Lys et l'on entravera ainsi, non seulement la navigation sur la Lys, mais on empêchera la navigation sur le canal de Bossuyt, pour lequel le gouvernement paye un minimum d'intérêt très élevé.

Je ne viens pas ici accuser les fonctionnaires préposés à la surveillance de l’écluse d'Astene ; ils ne font qu'exécuter les ordres qu'on leur donne. Ce sont ces ordres qui devraient être modifiés. Je crois également qu'il y a un défaut d'unité dans la direction ; ce n'est toutefois là qu'une supposition que je suis amené à faire par la raison que le service de la Lys est dans les attributions de fonctionnaires résidant dans deux provinces distinctes. Il importe évidemment que les fonctionnaires de la Flandre orientale et ceux de la Flandre occidentale soient toujours d'accord quant à la manœuvre des écluses et des barrages situés dans leur ressort respectif. C'est une chose des plus essentielles. Une faut pas que des faits pareils à ceux que je signale se reproduisent désormais. Il n'est pas permis, je tiens à renouveler ma déclaration, d'empêcher le cours naturel des eaux, comme on le fait, dans l'intérêt de quelques propriétaires. Ce qu'un particulier ne peut faire à peine de dommages-intérêts, l'Etat ne peut le faire non plus.

Je demande donc qu'à l'avenir l'on ne détourne plus le canal de Schipdonck de sa destination.

Aux considérations que je viens de présenter, j'ajouterai cette autre, c'est qu'en manœuvrant à Astene, comme on le fait, on se place dans l'obligation, à un moment donné, de se servir du canal de Deynze à Schipdonck.

Cela se comprend : par suite de la fermeture intempestive des barrages, le volume d'eau accumulée devient tel, qu'on ne peut plus faire autrement que de mettre à contribution les deux voies d'évacuation. Si, en temps utile, on ouvrait le barrage d'Astene, on pourrait évacuer les eaux sur Anvers, ce qui serait fort utile en vue d'éviter les atterrissements qui se produisent dans le bas Escaut au delà d'Anvers.

Cette accumulation d'eau devant l'écluse d'Astene donne aussi lieu à un autre inconvénient.

Comme les berges du canal de Schipdonck ne sont pas encore consolidées, on les endommage lorsque l'on doit évacuer brusquement un trop grand volume d'eau. Il en résulte, par conséquent, des dépenses frustratoires pour le trésor.

Ainsi l'Etat lui-même, au point de vue du minimum d'intérêt à payer pour le canal de Bossuyt, au point de vue de la conservation du canal de Schipdonck, aussi bien que la navigation, le commerce et l'industrie, est intéressé à ce que les manœuvres des écluses et des barrages se fassent régulièrement dans le bassin de la haute Lys. J'appelle sur ces points toute la sollicitude de M. le ministre des travaux publics, et je me plais à croire que mes observations ne seront point perdues de vue.

A propos de la navigation dans le bassin de la Lys, j'ai une seconde observation à soumettre à M. le ministre des travaux publics.

On a fait de très utiles travaux sur la Lys, entre Courtrai et Gand ; la canalisation de la rivière est en quelque sorte achevée entre les deux villes ; pour aboutir à ce résultat, on a construit des barrages et des écluses ; il ne reste plus qu'à parfaire la canalisation entre Courtrai et la frontière française.

Cela doit avoir lieu incessamment ; les crédits sont votés pour la construction de l'écluse de Comines et ceux pour les travaux à faire à Menin ne tarderont pas à l'être.

Mus on conçoit à peine que lorsqu'on fait des dépenses aussi considérables on néglige d'autres travaux urgents de moindre importance, je veux parler de travaux que réclament les chemins de halage.

Croirait-on que le long de la Lys, la traction des bateaux s'opère encore à bras d'hommes et ne peut pas se faire à l'aide de chevaux ? On pourrait cependant remédier à cette fâcheuse situation en construisant quelques tronçons d'aqueducs pour permettre le passage sur les cinq fossés qui traversent les prairies de la Lys.

C'est, à part les lenteurs et les frais qui sont la conséquence de ce mode primitif de halage, Un spectacle navrant, dans la saison rigoureuse, et triste en tout temps, que de voir la traction des bateaux se faire par des hommes et souvent même par des femmes.

Je demande que l'honorable ministre des travaux publics veuille prendre des mesures pour que, sur le crédit ordinaire, si pas extraordinaire, il soit disposé d'une certaine somme pour faire cette amélioration que je me permets de réclamer avec instance.

M. de Zerezo de Tejadaµ. - Lorsque naguère, à l'occasion des crédits spéciaux demandés pour l'exécution de divers travaux d'utilité publique, j'ai adressé une interpellation à M. le ministre des travaux publics, relativement au canal d'Anvers à Turnhout, M. le ministre a eu la bonté de me répondre par de bienveillantes paroles ; je l'en remercie et j'espère qu'aujourd'hui il voudra bien faire quelque chose de plus et qu'il sera en mesure de nous dire à quelle époque le gouvernement compte faire procéder à l'exécution du canal dont il s'agit.

M. le ministre nous a dit qu'il serait enchanté lorsqu'il pourrait ordonner la reprise des travaux. Je l'engage à s'accorder le plus tôt possible cette satisfaction, que partageront avec lui les nombreuses communes de la province d'Anvers, si directement intéressées à la construction d'une voie navigable qui leur rendrait de si importants services.

S'il est un principe avéré et hors de discussion, c'est que si l'on veut tirer une contrée relativement isolée et stérile de sa situation fâcheuse, si l'on veut y développer largement le bien-être, la faire entrer dans une voie prospère, en un mot y substituer l'abondance et la richesse à la pénurie et à la pauvreté, la première chose à faire, c'est de lui ouvrir des voies de communication et de la relier par des canaux, des chemins de fer ou des routes, à des centres commerciaux.

Ce bienfait, je le réclame pour l'arrondissement de Turnhout, qui a été, il faut le dire, bien longtemps abandonné par le gouvernement et peu favorablement traité dans la répartition des faveurs budgétaires.

Cependant cet arrondissement ne mérite pas ce manque de sollicitude de la part de l'administration centrale. Livrés sous beaucoup de rapports à leur propre initiative, ses habitants ont déployé une remarquable énergie non seulement dans leur lutte contre un sol ingrat, mais dans leurs efforts pour établir chez eux des industries et se créer des relations commerciales. Depuis 1830, les nombreuses bruyères qui couvraient leur sol, et qui en constituent encore aujourd'hui une grande partie, se sont considérablement rétrécies et ont été transformées en terres arables, en prairies irriguées et en bois de sapins. Si la persévérance et l'intelligence des Campinois ont produit des résultats pareils, quel n'aurait pas été le succès de l'œuvre de défrichement, si l'Etat avait usé davantage en leur faveur du puissant levier dont il dispose ?

Remarquez, messieurs, que je ne plaide pas seulement, ici, la cause de mon arrondissement, mais une cause beaucoup plus large, car l'insuffisance de notre production alimentaire, souvent officiellement constatée au sein de cette Chambre, élève les questions que je traite à la hauteur d'un intérêt national. Oui, messieurs, et cette considération agrandit le débat.

L'avantage matériel du pays tout entier est ici en cause. Il importe à la Belgique, qui ne parvient pas à nourrir tous ses enfants, que les landes de la Campine ne restent pas constamment en friche et cessent d'être arides et improductives ; il importe à la Belgique que, de stériles qu'elles sont, elles deviennent fertiles et livrent à la consommation de nombreuses denrées.

Et si l'on doute de la possibilité d'une transformation pareille, que l'on veuille bien se rappeler que beaucoup de terres aujourd'hui fertiles étaient, comme beaucoup des nôtres, des bruyères stériles il y a quelques siècles. Le prodigieux résultat obtenu dans le pays de Waes peut se renouveler au moins partiellement en Campine.

Les sacrifices que le pays devrait s'imposer pour arriver à ce résultat ne seront d'ailleurs que temporaires.

Ils constituent des avances qui seront largement remboursées dans un avenir peu éloigné par les profits que le trésor retirera de la mise en culture des terrés, et du développement de l'industrie qui ne demande qu'à être un peu encouragée pour prendre un puissant essor.

L'agriculture, de son côté, y ferait de grands progrès et provoquerait des améliorations d'autant plus rapides qu'elle dispose aujourd'hui de procédés qui étaient complètement inconnus de nos ancêtres.

(page 1201) Parmi les travaux d'utilité publique destinés à exercer une action décisive sur l'avenir de la Campine, je crois que le canal de Turnhout à Anvers doit être cité en premier lieu.

L'embranchement qui seul existe aujourd'hui ne forme actuellement qu'une impasse et il est douteux que son utilité réponde à l'argent qui a été dépensé pour le construire. Il en serait tout autrement si la seconde section du canal était construite, et si ce dernier, au lieu de s'arrêter sur les limites d'un village ignoré, allait aboutir à Anvers.

La création de cette grande artère relierait la ville de Turnhout à notre métropole commerciale. Elle réduirait notablement le prix du transport des produits des nombreuses manufactures de coutils et de papiers de fantaisie connus dans le monde entier.

D'un autre côté, les briqueteries et les tuileries, ainsi que les riches exploitations forestières des communes de Gierle, Vosselaer, Beersse, Merxplats, Vlimmeren, Ryckevorsel et autres ne pourront sérieusement lutter sur le marché d'Anvers que lorsque l'achèvement du canal aura réduit le prix du transport.

Messieurs, l'importance d'une voie navigable destinée à mettre Anvers, qui s'agrandit tous les jours, en communication directe avec un centre de production de matériaux à bâtir et de fabricats dont la majeure partie est destinée à l'exportation transatlantique, ne se discute pas ; elle saute aux yeux ; et, pour peu qu'on y réfléchisse, on comprendra aisément que l'agriculture et la grande entreprise nationale de défrichement des landes campinoises prendront un nouvel et puissant essor, lorsque, empruntant cette nouvelle voie navigable, les produits agricoles et forestiers, ainsi que les engrais, se transporteront à des prix relativement peu élevés.

Tous les corps délibérants des diverses localités intéressées n'ont cessé de demander avec les plus vives instances l'achèvement du canal. L'administration communale d'Anvers, celle de Turnhout, celles des nombreuses communes rurales de la province, le comice agricole, la chambre de commerce, le conseil provincial d'Anvers ont tour à tour plaidé éloquemment cette cause.

Et qu'on ne vienne pas dire, comme on l'a souvent soutenu, que la section du canal pourra être avantageusement remplacée par un chemin de fer.

Cela ne serait pas exact du tout. Certes un chemin de fer rend de très grands services à la contrée qu'il traverse. C'est pour ce motif que je désirerais voir plusieurs des demandes qui ont été faites à cet égard par les cantons de mon arrondissement, accueillies et exaucées ; mais le chemin de fer ne doit pas plus exclure le canal que le canal ne doit exclure le chemin de fer ; l'un et l'autre sont appelés à rendre de très grands services ; seulement il n'est pas permis d'ignorer que les transports par eau présentent de grands avantages sur ceux qui s'effectuent par chemin de fer, lorsqu'il s'agit de matières pondéreuses, encombrantes et friables, telles que le bois, les briques, la chaux, le foin, les engrais qui font l'objet d'un commerce important en Campine.

L'absence presque complète des frais d'exploitation consacre au profit du batelage le bon marché du fret. Le mode de transport par eau permet de débarquer les marchandises sur tous les points du parcours moyennant une permission qu'on ne refuse jamais que pour des motifs graves et exceptionnels. Il permet d'aborder directement les magasins et les entrepôts qui se construisent généralement aux bords des canaux sur les points où les besoins locaux le requièrent. De cette manière, on supprime les frais de déchargement et les charrois intermédiaires. D'un autre côté, le mode de transport par eau empêche l'émiettement et le tamisage des matières friables et empêche ainsi leur moins-value. En un mot les canaux conviennent spécialement aux marchandises pour le transport desquelles on requiert plutôt le bon marché que la célérité.

J'aurais voulu, en plaidant l'utilité des canaux, citer, à l'appui de ma thèse, quelques passages d'un excellent livre publié par MM. Joigneaux et Delobel, et qui est intitulé : « L'Agriculture en Campine. » Comme nous n'avons pas de temps à perdre, je me contenterai de les faire insérer dans les Annales parlementaires, si la Chambre y consent. (Oui.) (ces extraits, insérés à cet endroit des Annales parlementaires, ne sont pas repris dans la présente version numérisée.)

J'espère donc que, relativement au canal de Turnhout à Anvers, M. le ministre des travaux publics voudra bien me faire une réponse favorable ; qu'il fixera l'époque à laquelle le gouvernement fera continuer le canal et qu'il ne se bornera pas à dire qu'il entreprendra cet important ouvrage, lorsqu'il trouvera qu'il peut sans inconvénient disposer du crédit disponible.

En effet, quel inconvénient y aurait-il à utiliser les emprises qui ont été faites depuis Saint-Job in 't Goor jusqu'à Anvers dans le but de parfaire le canal ; à donner dans une année de quasi-disette du travail à un grand nombre de bras sans emploi ; à distribuer beaucoup de salaires à de pauvres gens qui n'ont pas de quoi vivre ? En un mot, quel inconvénient y aurait-il à satisfaire les légitimes réclamations de deux villes et do. nombreuses communes de la province d'Anvers et de développer la richesse publique de toute une contrée.

Si, contre mon attente, un inconvénient à toutes ces choses-là existe, il y aurait lieu de le signaler, pour qu'on pût l'apprécier en pleine connaissance de cause.

Pour ma part, je ne doute pas des bonnes intentions du gouvernement ; il y a plus : j'ai de sérieux motifs de croire qu'il compte prendre nos intérêts à cœur.

Cependant, je ne puis pas m'empêcher de faire observer que si, au lieu d'ordonner, dans un certain temps, l'exécution des travaux, on se borne à nous faire de vagues promesses dont on remet l'accomplissement d'année en année, notre génération aurait le temps de passer, et de disparaître, avant que les travaux d'utilité publique, projetés pour la Campine et qui sont indispensables à son développement, soient exécutés, autrement que sur le papier.

Veuillez remarquer, messieurs, que comme l'honorable M Dumortier l'a signalé naguère et comme l'a fait observer dans cette séance l'honorable M. Wouters, on va dépenser 18 millions pour édifier dans certaines villes six stations de chemins de fer. Au lieu de bâtiments simplement destinés aux besoins du service, on aura des monuments, voire même des palais.

(page 1202) Mais, lorsque d'un côté on regarde, si peu à la dépense, peut-on admettre que d'un antre côté on recule devant l'emploi d'un million disponible en faveur de la continuation d'un canal qui intéresse hautement l'agriculture, ce premier de nos intérêts nationaux, puisqu'il nous donne le pain et la viande qui nous nourrissent et les vêtements qui nous couvrent ?

Il me semble, messieurs, que le gouvernement ne peut pas adopter un système pareil, système qui consisterait à tout faire pour les uns et rien pour les autres, tout pour les intérêts industriels et rien pour les intérêts agricoles.

J'espère donc, messieurs, que le gouvernement que je considère, pour ma part, comme trop éclairé et comme animé d'intentions trop bienveillantes pour entrer dans une voie semblable, voudra bien, par l'organe de M. le ministre des travaux publics, me donner aujourd'hui une déclaration officielle qui soit de nature à fournir les apaisements désirables aux intéressés relativement à l'achèvement du canal.

Maintenant, messieurs, j'ai des observations à faire concernant la grande Nèthe. Si la Chambre est fatiguée et si elle désire lever la séance je remettrai cette partie de mon discours à demain. (Continuez !) Mais, messieurs, je ne puis pas me dispenser de parler de la Grande-Nèthe, parce que c'est là une question dont je me suis occupé depuis longtemps et dont jusqu'ici la solution n'est pas obtenue.

Bien que la Grande-Nèthe, déclarée flottable et navigable par un décret de Marie-Thérèse, constituât à ce titre une dépendance du domaine public, le gouvernement hollandais, par un autre décret du 19 décembre 1819, en fit une voie provinciale. Par cette décision arbitraire, la province d'Anvers eut à sa charge un cours d'eau dont le régime était essentiellement mauvais et dont l'entretien était au-dessus de ses forces. Le gouvernement belge, plus équitable, reprit la Grande Nèthe pour le compte de l'Etat par l'article 42 de la loi budgétaire du 1er janvier 1854.

Seulement introduisant à cette occasion un principe nouveau, le gouvernement stipula que la province, les communes riveraines et les propriétaires intéressés interviendraient dans la dépense que nécessiteraient les améliorations à faire à la Grande-Nèthe, tant sous le rapport de la navigation que de l'écoulement des eaux. Quoiqu'une charge aussi exceptionnelle n'eût jamais été imposée en vue des travaux à effectuer à d'autres rivières navigables, le conseil provincial d'Anvers préféra se soumettre aux exigences de la loi budgétaire, tout onéreuses qu'elles fussent, plutôt que de condamner la vallée de la Grande-Nèthe à des inondations éternelles et de compromettre par un refus une œuvre d'amélioration devenue indispensable.

En conséquence, le conseil proposa au gouvernement une somme de 222,500 francs, tant au nom de la province qu'au nom des communes riveraines et des propriétaires intéressés, comme quote-part dans la répartition de la dépense qu'entraînerait l'exécution des travaux destinés à bonifier le régime de la Grande-Nèthe.

Cette offre fut acceptée par l'article premier de la loi du 8 mars 1858, et dès ce moment, il survint entre îl province d'Anvers et le gouvernement un contrat formel, en vertu duquel celui-ci s'est engagé, moyennant ce subside provincial une fois payé, à prendre complètement à sa charge tous les travaux nécessaires pour améliorer la Grande-Nèthe tant au point de vue des inondations à prévenir que de la navigabilité à développer.

Ce fut là un marché à forfait dont l'Etat ne peut plus se dédire, sous peine de manquer de bonne foi, comme l'honorable gouverneur de la province d'Anvers, M. Teichman, l'a hautement reconnu, en 1861, dans les séances du conseil. Cependant une seule des deux conditions du marché a été accomplie d'une manière satisfaisante, c'est celle qui est relative à l'écoulement des eaux.

Sous ce rapport, je ne crois pas que des plaintes aient surgi depuis longtemps de la part des intéressés, au moins depuis Lierre jusqu'à Oosterloo, car à partir d'Oosterloo, la Grande-Nèthe donne encore lieu annuellement à des débordements qui sont très ruineux pour les propriétaires de Gheel et ceux d'autres communes. De ce côté donc, cette rivière devrait être élargie, approfondie et endiguée. Mais comme, à partir d'Oosterloo, la Grande-Nèthe devient une voie provinciale, c'est évidemment à la province d'Anvers à prendre l'initiative des mesures destinées à porter remède au mauvais régime de ce cours d'eau. Seulement si le conseil provincial d'Anvers juge opportun de faire effectuer ce travail, j'espère que l'Etat lui prêtera son concours. Ainsi je le répète, au point de vue de l’écoulement des eaux, le gouvernement a rempli la clause de son contrat, mais il n'en est pas de même en ce qui concerne la navigation, qui au lieu d'être devenue meilleure, s'est au contraire considérablement détériorée par suite de la suppression des gués et des ensablements qui existaient dans le lit de la rivière, et qui, en retenant les eaux, constituaient en quelque sorte des barrages naturels.

Aujourd'hui, c'est tout au plus si de simples barquettes peuvent, pendant deux ou trois mois de l'année, naviguer sur la Grande-Nèthe, car pour des bateaux, il ne faut pas y songer. Leur tirant d'eau est trop considérable pour qu'ils puissent flotter sur une eau aussi peu profonde.

Déjà en 1861, le conseil provincial d'Anvers, à l'unanimité de ses membres, a envoyé à M. le ministre des travaux publics une adresse dont je fus le rédacteur, pour réclamer l'exécution du contrat et pour demander aussi que les travaux convenus relativement à la Grande-Nèthe en amont de Lierre fussent effectués. Cette adresse, à ce que je pense, est restée sans réponse. Du moins les communes riveraines attendent toujours l'exécution de ce grand ouvrage qui doit sauvegarder et améliorer la navigation, qui leur a été promis et sur lequel ils ont d'autant plus droit de compter que, pour l'obtenir, ils ont fait de grands sacrifices pécuniaires.

Cependant je ne veux pas, de ce chef accuser le gouvernement plus que de raison. L'honorable prédécesseur de M. le ministre des travaux publics actuel, M. Vanderstichelen, avait très bien compris que le maintien et le développement de la navigation de la Grande-Nèthe constituaient pour les intéressés un droit acquis. D'après ses ordres, M. l'ingénieur en chef Bernard avait fait un avant-projet, en vue d'une canalisation de la Grande-Nèthe avec écluses à sas. Cet avant-projet comprenait la construction de 14 barrages et devait donner lieu à l'établissement de 15 écluses à sas. La dépense était évaluée à 2,225,000 francs.

Le comité des travaux publics a trouvé que cette dépense était par trop considérable. Il a cru, que sous le double rapport de la navigation et des irrigations, il suffirait d'établir un nombre restreint de barrages qui permettraient une navigation intermittente par bonds d'eau.

Ces barrages, d'après elle, devaient être construits autant que possible en des endroits où ils seraient substitués à des ponts existants en plus ou moins mauvais état et pour la reconstruction desquels le gouvernement pourrait être conduit à donner des subsides. Le comité des travaux publics a donc demandé, à la fin du mois de décembre dernier, à M. l'ingénieur en chef Bernard un travail remanié à ce nouveau point de vue et calculé sur une dépense qui ne devait pas excéder 740,000 fr. Le comité a aussi exprimé l'avis que les barrages dont l'établissement était admis en principe, ne seraient exécutés que pour autant que les associations de wateringues garantiraient en quelque sorte leur utile emploi au point de vue des irrigations de la vallée.

Sous ce rapport, je pense que la réponse des wateringues ne saurait être négative. En effet, si d'une part en prévenant les inondations de la Grande-Nèthe, on a mis fin à de grands désastres, on ne doit pas d'autre part se dissimuler que les prairies de la vallée qui avaient jadis à souffrir des eaux qui venaient les submerger, aujourd'hui que ces eaux demeurent dans leur lit, ont souvent à pâtir, en revanche, de la trop grande sécheresse et cela d'autant plus qu'elles se composent généralement d'un sol ferrugineux sur lequel l'herbe se flétrit et brûle promptement.

Ce serait donc un très grand bienfait que le gouvernement accorderait à tous les propriétaires intéressés si le système qu'il compte appliquer pour faciliter la navigation de la Grand-Nèthe, permettait en même temps de faire des irrigations dans la vallée.

Je prie donc l'honorable ministre des travaux publics de vouloir bien demander à M. l'ingénieur Bernard d'achever son plan le plus tôt possible, afin que le gouvernement, s'il le trouve convenable, puisse, dans la session prochaine, proposer à la législature un crédit pour cet utile travail.

- La séance est levée à cinq heures et quart.