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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 22 avril 1869

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1868-1869)

(Présidence de M. Crombez, deuxième vice-présidentµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 763) M. Dethuin, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart ; il donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moor, secrétaireµ, présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre :

« Des tisserands à Laethem-Sainte-Marie prient la Chambre de rejeter le projet de loi concernant les livrets d'ouvriers. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Des habitants de Noordschoote demandent que le bac servant de passage d'eau sur l'Yser, a l'endroit du Peereboom, soit remplacé par un pont. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.


« M. Reynaert, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.

Projet de loi rendant facultatif le livret d’ouvriers

Rapport de la section centrale

M. Anspachµ. - J’ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif aux livrets d'ouvriers.

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. Hymansµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport sur diverses demandes de naturalisation ordinaire.

- Ces demandes seront portées sur un prochain feuilleton.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l'exercice 1869

Discussion générale

MtpJµ. - Messieurs, en présence de la diversité des questions qui ont été traitées dans les deux dernières séances, je crois que le meilleur moyen, pour moi, d'y répondre est de suivre l'ordre dans lequel ces questions ont été présentées.

L'honorable M. Dethuin, en commençant son discours, a bien voulu me remercier pour avoir donné une solution conforme aux aspirations des exploitants du Couchant de Mons, à plusieurs questions qui les intéressaient vivement ; je veux parler de la construction du chemin de fer de Dour à Quiévrain et du chemin de fer de Saint-Ghislain à Ath.

A plusieurs reprises, messieurs, j'avais offert à la société générale d'exploitation la concession du chemin de fer de Dour à Quiévrain sous la seule réserve que l'administration des chemins de fer de l'Etat resterait en possession exclusive des relations internationales dont le siège est à Quiévrain.

Je fais cette déclaration, messieurs, pour prouver le peu de fondement des accusations que l'on a adressées, à plusieurs reprises, dans cette affaire, au gouvernement, de sacrifier les intérêts des exploitants du Couchant de Mons a un trafic local dont nous étions au contraire disposés à faire le sacrifice.

La société générale d'exploitation m'a écrit hier soir qu'elle refusait de souscrire aux conditions que, d'accord avec les exploitants du Couchant de Mons, j'avais mises a l'octroi de la concession du chemin de fer de Dour a Quiévrain.

Je ne saurais, pour ma part, rien modifier à ces conditions, d'autant plus que les réductions de péages sollicitées par les exploitants du Couchant de Mons, loin d'être excessives, ne rétablissent même pas l'égalité des péages entre les chemins de fer industriels de Saint-Ghislain et du Flénu.

Dans cette situation, il ne me reste qu'un parti à prendre.

J'aurai donc l'honneur, messieurs, de présenter à la Chambre, avant la fin de cette session, soit une demande du crédit nécessaire à la construction de la ligne de Mons à Quiévrain, dont il a été question dans la discussion du budget de l'année dernière, soit l'autorisation de concéder cette ligne.

Je me réserve de rechercher toutefois quels dédommagements il serait possible de donner éventuellement à certains exploitants du Couchant de Mons, qui n'ont d'autres relations que par le chemin de fer du Flénu, en vue des relèvements de péages qu'on cherchera peut-être à établir sur ce réseau.

Reste, messieurs, la question du chemin de fer de Saint-Ghislain a Ath qui, dans ces conditions, sera construit en ligne droite, à la grande satisfaction de certains pétitionnaires, qui n'ont point épargné leurs démarches dans ces derniers temps. Dans cette situation aussi, je donne l'ordre dès maintenant d'étudier le tracé d'une ligne qui, allant d'Ath à Basècles, rattachera au réseau de l'Etat les communes si importantes du canton de Quévaucamps, qui sont restées isolées jusqu'à ce jour.

L'honorable M. Dethuin a insisté sur la question des chemins de fer vicinaux montais : « A la grande bienveillance, dit l'honorable membre, avec laquelle le chef du département des travaux publics avait accueilli ce projet a succédé la plus complète disgrâce. »

Messieurs, l'honorable membre se trompe : mon département a continué à être animé de la plus grande bienveillance à l'égard des chemins de fer vicinaux ; et, pour ma part, je déclare que je suis prêt à seconder de toutes mes forces l'exécution de ces chemins de fer.

Mais il faut s'entendre : je réserve ces sentiments pour les chemins de fer véritablement vicinaux, c'est-à-dire destinés à relier au réseau des grandes voies ferrées des localités importantes restées jusqu'à ce jour à l'écart.

Mais nous repoussons nettement les projets de chemins vicinaux, qui, n'ayant de vicinaux que le nom, comprennent comme accessoires des lignes dont la construction est le véritable but des concessionnaires, but auquel ils cherchent à arriver par des voies détournées.

Une combinaison de ce genre a été tentée, messieurs, à propos du réseau du chemin de fer brabançon ; mais je déclare que je ferai tous mes efforts pour empêcher cette combinaison d'aboutir.

A l'aide de fusions habilement préméditées et de tracés qui n'ont rien de vicinal, on tente de faire d'une ligne accessoire du réseau brabançon, c'est-à-dire de la ligne de la vallée de la Senne, on tente de faire une ligne directe de Bruxelles à Charleroi ; ce qui n'a été certainement ni dans les intentions du gouvernement ni dans celles de la Chambre.

Aussi, si la ligne directe de Bruxelles à Charleroi que nous construisons aujourd'hui n'est pas en exploitation à l'heure où je parle, la cause en est uniquement la préoccupation qu'ont eue de cette concurrence imprévue tous les entrepreneurs qui eussent pu concourir à l'adjudication de 1867 ; adjudication qui est demeurée stérile.

L'auteur du projet des chemins de fer montais y a introduit, en dernier lieu, une ligne de Braine-le-Comte à Mons et de Jurbise à Quiévrain, en concurrence directe avec la ligne de l'Etat de Braine à Mons et de Mons à Quiévrain ; il demande en outre pour construire ce réseau, que l'Etat, qui doit en prendre l'exploitation, lui permette de prélever sur les produits du chemin de fer la somme de 6,000 francs par kilomètre.

Eh bien, je le déclare très nettement, je ne pourrai pas prêter mon concours à de semblables combinaisons ; je suis tout prêt, au contraire, à examiner avec la plus grande bienveillance, un système de chemins de fer vicinaux, soit montais, soit de toute autre localité, ayant réellement le caractère de chemins de fer vicinaux, en même temps qu'une utilité assez incontestable pour que la construction puisse en être faite, sans imposer comme condition sine qua non une garantie d'intérêt directe ou indirecte de la part de l'Etat.

Je dois déclarer, du reste, que c'est dans les conditions que je viens d'indiquer qu'a été conçu le premier projet de chemins de fer vicinaux montais qui a eu l'approbation de toute la députation montoise.

Quant aux lignes de raccourcissement, dont l'honorable M. Dethuin a préconisé l'utilité pour l'arrondissement de Mons, je les considère comme désastreuses pour l'exploitation des chemins de fer de l'Etat, et même pour l'industrie. J'aurai l'occasion de m'expliquer à cet égard dans le cours de la discussion.

Je suis convaincu que si je venais demander à la Chambre les crédits nécessaires pour la construction de ces lignes dites de raccordement, je ne trouverais aucun appui au sein de cette assemblée, et que si je venais demander l'autorisation de les concéder, je rencontrerais une opposition aussi fondée que légitime.

L'honorable M. Jonet s'est occupé du chemin de fer de Bruxelles à Luttre. Commencées en avril 1868, les études définitives du tracé ont été terminées au mois d'octobre. Il n'a donc fallu que six mois pour terminer les études d'une ligne qui compte 10 kilomètres.

Dès le mois de janvier dernier, nous avons procédé à l'adjudication d'une première section entre Bruxelles à Calevoet, et aujourd'hui même (page 764) l'entrepreneur prend toutes ses mesures pour imprimer aux travaux de cette première section une très énergique impulsion.

On met la main au cahier des charges pour l'adjudication de la section de Calevoet à Rhode-Saint-Genèse qui comprendra 6 kilomètres.

Enfin, on aurait adjugé déjà une partie de la section de Luttre à Nivelles si, cédant aux instances de nis honorables collègues de Charleroi, je n'avais chargé M. l'ingénieur Declercq d'étudier un nouveau tracé qui m'est très vivement recommandé.

Ces études terminées et ce point résolu, il n'est pas douteux qu'on puisse adjuger rapidement une partie de la section de Nivelles à Luttre.

Je puis donc dire hardiment que j'ai rempli toutes les promesses que j'ai eu l'honneur de faire à la Chambre l'année dernière à la même époque.

Quant au chemin de fer de Luttre à Châtelineau et au chemin de fer de ceinture de Charleroi, je prendrai un ensemble de mesures qui obligeront le concessionnaire à imprimer aux travaux une impulsion qui leur a complètement manqué jusqu'à ce jour, et je déclare que si les mesures que je prends restent stériles, j'userai envers la compagnie de mesures de rigueur auxquelles j'espère qu'elle ne me forcera point de recourir.

L'honorable M. Jonet a en outre insisté sur trois points : la fixité dans les tarifs de marchandises, la taxe fixe d'un franc pour les petits parcours et le transit des fers vers la Suisse.

J'ai déjà eu l'occasion de prendre l'engagement vis-à-vis de la Chambre de ne pas faire de relèvement de tarif qui puisse jeter une perturbation dans les prévisions des industriels, sans les prévenir au moins trois mois à l'avance.

Je n'ai pas cru toutefois devoir en agir ainsi pour la réduction des tarifs du transport des minerais de la Basse-Sambre et des fers ébauchés dans certaines directions. Mais je pense que personne ne m'en a fait un grief.

Quant au droit fixe, la question de principe n'est plus contestée aujourd'hui par personne. Il n'est pas une compagnie, ni sur le continent, ni en Angleterre, ni ailleurs, qui, sous l'une ou l'autre dénomination : frais de gare, frais fixes, etc., ne prélève une quotité plus ou moins importante du péage.

Il y a donc une discussion possible peut-être sur la quotité du droit fixe établi aujourd'hui ; mais je déclare qu'il est impossible, dans l'état actuel de l'exploitation des chemins de fer, de dégrever par mesure générale la taxe qui pèse aujourd'hui sur les péages comme droit fixe. Tout ce qu'il est possible de faire, c'est de procéder comme je l'ai fait, en abaissant les tarifs de certains transports, comme cela a eu lieu pour les minerais de la Basse-Sambre et pour les transports des fers ébauchés.

Quant au transit des fers vers la Suisse, la compagnie de l'Est n'a pas jugé convenable de faire droit à nos réclamations.

Je n'ai pas besoin de dire à la Chambre que nos relations avec cette compagnie se sont ressenties de l'opposition que nous avons faite à certains projets, opposition que nous commandait à tous égards le soin de notre honneur et de notre dignité.

Selon l'attitude que prendra la compagnie de l'Est, nous aviserons aux mesures qui pourront le mieux servir les intérêts de nos industriels.

J’examinerai avec soin les observations faites par l'honorable M. Jonet sur la comptabilité de l'Etat et je verrai s'il est possible d'y introduite les modifications que l'honorable membre recommande. Je dois toutefois lui faire observer que c'est en suite de lois spéciales que notre comptabilité est organisée. Je partage également l'avis de l'honorable membre sur l'utilité qu'il y aurait de hâter la publication du compte rendu et je puis annoncer que le mois de juillet ne s'écoulera pas sans que le compte rendu des opérations de 1868 ait été publié.

L'honorable membre, enfin, a insisté sur la substitution des traverses métalliques aux billes en bois qui sont actuellement employées dans la construction de nos chemins de fer.

Messieurs, il y a vingt-quatre ans, à peu près, que les premiers essais de traverses métalliques ont été faits sur les lignes de l'Etat. A cette époque, la construction des chemins de fer avait pris en Angleterre un développement immense et la consommation de bois pour les billes fut si forte qu'on ne pouvait plus trouver la quantité de bois sec suffisante.

L'emploi de bois vert, dont la pourriture fut rapide, amena l'idée de construire pour les rails des supports métalliques.

Ce. fut d'abord un véritable engouement parmi les ingénieurs anglais. Chacun d'eux, pour ainsi dire, avait sa traverse qu'il cherchait à faire prévaloir, et un grand nombre de systèmes furent essayés tour à tour sur une large échelle.

L'infériorité évidente du fer et surtout de la fonte sur le bois les fit abandonner successivement. Mais, ce qui vint les ruiner tous, ce fut la découverte d'un moyen économique de prolonger la durée des billes en bois, par le créosotage. Nous avons, messieurs, placé un grand nombre de traverses métalliques sur les lignes de l'Etat ; de 1843 à 1852, une quantité d'essais ont été faits. En 1857, on retirait les dernières billes métalliques des voies ; et les seules qui soient restées sous les rails sont posées dans l'atelier de peinture de l'arsenal de Malines.

Il y a quelques années, on a tenté de nouveaux essais, en substituant cette fois le fer laminé à la fonte ; mais il y a un point qui présente de très grandes difficultés : c'est le système d'attache du rail ; et à voir le nombre de systèmes qui se produisent chaque jour, on peut dire que là se trouve la véritable difficulté.

J'ai chargé une commission d'ingénieurs d'étudier les applications faites en Belgique et à l'étranger, et leurs conclusions ont été défavorables, comme l'a dit M. Jonet. Pourtant, je n'ai pas eu le courage, dirai-je, de me rallier à ces conclusions et j'ai prescrit de placer 500 traverses métalliques sur la ligne d'Ath à Jurbise, essai qui permettra de juger sainement la valeur et la portée de cette invention, ainsi que l'extension qu'il conviendra de donner à l'emploi de ces traverses.

Ce bon mouvement n'a pas été récompensé ; l'honorable. M. Jonet m'a raillé fort agréablement au sujet de mes 500 traverses., en les comparant aux 160,000 traverses que le vice-roi d'Egypte a commandées.

Messieurs, il n'y a pas d'analogie entre les deux situations. Je crois que le vice-roi d'Egypte a bien fait, comme je crois que j'ai bien l'ait : l'Egypte n'a pas de bois, ce qui rend l'emploi des traverses métalliques presque indispensable dans ce pays.

C'est même la nécessité de créer des chemins de fer, soit en Egypte, soit en Algérie, où le bois fait défaut, qui a fait naître l'idée des traverses métalliques, qui ont trouvé dans l'honorable M. Jonet un si énergique défenseur.

L'honorable membre a appelé l'attention du gouvernement sur une pétition des concessionnaires de la ligne de Braine-le-Comte à Courtrai, tendante à modifier d'une manière presque radicale la partie du tracé de cette concession qui s'étend de Renaix à Enghien.

La section de Renaix à Lessines a été approuvée le 20 avril 1865 et celle de Lessines à Enghien en 1864.

De nouveaux plans viennent de m'être soumis, qui apportent à cette concession des modifications radicales.

J'indiquerai, entre autres, le parcours de Lessines à Enghien, qui est à peu près complètement supprimé.

Ces plans sont soumis à une instruction ; mais je puis dire dès maintenant à l'honorable M. Jouret qu'il faudra des considérations bien sérieuses pour me déterminer à accepter des modifications aussi considérables sur lesquelles, au reste, la Chambre serait appelée à se prononcer.

L'honorable membre a insisté très vivement sur la supériorité du ballast en pierrailles sur le ballast que nous employons généralement.

Sur ce point, l'honorable membre prêchait un converti. Je crois qu'il serait excessivement avantageux pour l'exploitation de pouvoir partout remplacer les cendres et le sable par des pierrailles, tout autant qu'il le serait de pouvoir remplacer, dans les stations et dans les gares de manœuvre, les rails en fer par des rails en acier.

Mais, à chaque jour son progrès. Je désire ardemment celui que recommande l'honorable M. Jouret et j'espère qu'il viendra en son temps.

L'honorable M. de Vrints a appelé, à son tour, l'attention du gouvernement sur le chemin de fer de Bruxelles à Luttre.

J'espère que les explications que je viens de donner à l'honorable M. Jouret satisferont complètement l'honorable membre.

J'ai écoulé, messieurs, avec le plus vif intérêt, les considérations que l'honorable M. Kervyn de Lettenhove a présentées sur la question si importante de l'assainissement de notre littoral.

La Chambre a pu se convaincre que les documents joints au rapport de la section centrale ne constituent que des éléments d'études dont la plus grande partie doivent être faites par le département de l'intérieur.

Toutefois, les questions spéciales que l'honorable M. Kervyn de Lettenhove a traitées sont de mon domaine, et je m'empresse de lui annoncer que dès le mois de novembre dernier, j'avais invité l'ingénieur en chef de la Flandre orientale à me mettre à même de prendre les mesures les plus promptes pour remédier à une situation aussi fâcheuse pour la santé publique que désastreuse pour l'agriculture de ces contrées, dont le sol assaini ne peut manquer de produire les plus riches moissons, au grand profit de la nation entière.

Je ferai examiner avec le plus grand soin les conseils que l'honorable membre a bien voulu me donner pour hâter ce résultat, et je prends (page 765) volontiers l’engagement de ne rien négliger pour arriver à l'atteindre le plus rapidement possible.

L'honorable membre a ensuite appelé l'attention de la Chambre sur une question où je suis avec lui en communauté de sentiment excessivement étroite : l'amélioration du sort des clauses laborieuses qui n'est que sagesse et prudence pour toutes les classes de la société, est un devoir impérieux pour le gouvernement.

Je pense avec l'honorable membre qu'un des moyens les plus efficaces est de moraliser l'ouvrier par le charme des vertus du foyer domestique que si peu de travailleurs ont l'occasion d'apprécier.

L'honorable membre pense que nous atteindrons ce but en organisant des trains permettant à l'ouvrier qui habite la campagne de regagner chaque soir sa demeure en se soustrayant ainsi aux influences malsaines des grands centres de population.

Je suis heureux de pouvoir annoncer à l'honorable membre que la session prochaine ne s'ouvrira pas sans que ces trains soient organisés.

Au reste, un ensemble de dispositions seront prises pour améliorer la situation des voyageurs sur les petits parcours soit par des billets d'aller et retour, soit par des cachets d'abonnement.

Cette mesure sera utile non seulement aux ouvriers, mais aux petits employés dont le séjour à la ville est si difficile, et qui pourront ainsi trouver à la campagne une vie calme et heureuse.

Je ne m'étendrai pas sur ce sujet qui trouvera d'ailleurs mieux sa place lorsque nous discuterons la question de la réforme des tarifs. Cette discussion n'aura de base sérieuse que lorsque j'aurai déposé le rapport sur cette réforme que je serai en situation de présenter bientôt à la Chambre.

M. Liénart a jugé convenable de représenter à la Chambre tous les arguments qu'il avait présentés une première fois dans la séance du 21 mars 1868 contre l'article 15 de la loi du 29 avril.

Je crois que la Chambre me saura gré de ne pas suivre l'honorable membre dans cette voie et de ne pas lui présenter une seconde édition des arguments qui ont déterminé à cette époque la Chambre a voter cet article.

Une seule chose me louche et me touche très profondément, c'est l'accusation très peu fondée que m'a adressée l'honorable membre de n'avoir tenu compte, dans l'application de la loi, d'aucune des déclarations que j'avais faites aà et égard, aussi bien dans cette enceinte qu'au Sénat.

Permettez-moi, messieurs, pour faire justice de ces accusations, de vous lire quelques lignes des instructions adressées aux agents des postes. Voici comment est conçu l'article 99 de ces instructions :

« L'article 15 de la loi désigne les valeurs dont l'insertion dans les correspondances est prohibée. Ce sont, d'une manière générale et absolue : l'or, l'argent, les bijoux et autres matières précieuses, et sauf le cas de déclaration, les valeurs papier payables au porteur.

« Les bureaux d'origine, et à leur défaut, ceux de passe et de destination, sont chargés de signaler les contraventions a cet article ; mais ils doivent procéder en cette matière avec infiniment de prudence et éviter avec soin toutes investigations et toutes questions qui pourraient être taxées d’atteinte au secret des lettres.

« Ainsi, ils ne pourront présumer d'une fraude que lorsqu'elle se manifestera spontanément à la vue ou au toucher. »

Ainsi, messieurs, c'est bien seulement, comme le dit M. Liénart, lorsque la fraude est manifeste que l'agent des postes intervient.

A cet égard encore les recommandations les plus minutieuses sont faites quant à son intervention ; il fait appeler le destinataire et lui demande d'ouvrir la lettre devant lui et sans même prendre la lettre en main. Si le destinataire consent à l'ouverture de la lettre, il vérifie si elle contient des valeurs. Si, ce qui est arrivé chaque fois qu'une lettre a été ouverte, la fraude est constatée, le destinataire fait connaître le nom de l'expéditeur ; procès-verbal est dressé à charge de celui-ci, et la mission de l'agent des postes est terminée.

Si, au contraire, le destinataire refuse de donner le nom de l'expéditeur, la lettre est transmise, sans être ouverte, au parquet. Ces mesures, parfaitement conformes aux déclarations que j'ai eu l'honneur de faire, ont été concertées avec mon collègue de la justice pour qu'on ne pût pas nous accuser de porter atteinte au principe de l'inviolabilité du secret des lettres, dont je suis aussi jaloux que M. Liénart.

L'honorable membre a entretenu la Chambre du désir qu'il a de voir doter son arrondissement de trois stations, celles d'Oekegcm, de Moerbeke et de Smissenhoek.

A l'égard de cette dernière, il a accusé le. gouvernement d'avoir commis vis-à-vis de certaines communes un véritable déni de justice. Je tiens à rétablir exactement les faits.

La commune d'Erwetegem et quelques autres environnantes ont donné à M. Boucqueau, concessionnaire de la ligne de Braine-le-Comte à Gand, une somme de 12,000 fr. pour modifier le profil de sa ligne. La ligne à Smissenhoek formait une rampe et l'on a prié le concessionnaire d'y établir un palier pour rendre possible l'établissement d'une station.

Je déclare que la commune d'Erwetegem et les communes environnantes ont fait en cela un acte fort intelligent. Mais le gouvernement n'a rien reçu de cet argent.

Certainement nous tiendrons grand compte des sacrifices que les communes se sont imposés à cet égard, mais on a mauvaise grâce à venir dire que nous avons commis un déni de justice vis-à-vis de ces communes. Quoi qu'il en soit, j'aurai l'honneur de présenter, avant la fin de la session, une demande de crédit important qui me permettra, je l'espère, d'ouvrir plusieurs stations dont l'exploitation des chemins de fer désire aussi vivement l'établissement que les habitants des localités elles-mêmes.

Messieurs, je suis parfaitement d'accord avec l'honorable M. Liénart sur l'utilité, voire même la nécessité d'abattre les arbres le long des routes, lorsqu'ils sont arrivés à maturité, qu'ils ne profitent à personne et qu'ils peuvent avoir une influence funeste sur les champs voisins.

Mais je ne saurais me rallier au principe que l'honorable membre a fait prévaloir hier et qui tendrait à accorder, à titre d'indemnité, une partie du produit des arbres aux riverains.

(erratum, page 786) La création des routes donne aux propriétés riveraines une plus-value beaucoup plus importante que la servitude causée par les arbres.

L'honorable membre a demandé où en était la question du chemin de fer d'Anvers à Douai.

J'ai été saisi d'une proposition de cession qui aurait certainement assuré l'exécution de quelques tronçons de cette ligne, mais en en modifiant le caractère général, ce que j'ai regardé comme inadmissible.

J'espère que la compagnie trouvera bientôt le moyen de remplir ses engagements d'une autre façon.

Je suis assez embarrassé, messieurs, de répondre à M. de Zerezo. Après avoir reproché au gouvernement son inertie, il a déclaré qu'il connaissait à l'avance la réponse que je lui ferais : que je lui dirais que je n'ai pas d'argent pour exécuter ce travail ; et continuant sur ce thème, l'honorable membre a fait au gouvernement des reproches assez vifs.

Ma réponse, messieurs, ne sera pas celle que l'honorable membre attend ; elle sera infiniment plus simple ; je me borne à lui annoncer que le gouverneur de la province d'Anvers est en possession de toutes les pièces nécessaires à la mise en adjudication de la deuxième section du canal et que ce gouverneur peut fixer le jour de l'adjudication quand il lui plaira.Les terrains sont achetés et rien ne s'oppose à ce que l'on mette rapidement la main à l'œuvre

Quant aux études prescrites à M. l'ingénieur Bernard, elles me sont parvenues depuis quelques jours et l'on s'occupe en ce moment de l'examen des travaux nécessaires pour améliorer les deux Nèthes aux points de vue de la navigation et des irrigations.

L'honorable. M. de Zerezo a indiqué quels étaient les immenses avantages que la Campine devait retirer de l'exécution du chemin de fer d'Anvers à Gladbach.

Nous sommes sur ce point parfaitement d'accord, et je suis d'autant plus satisfait de pouvoir lui annoncer que je suis prêt à signer, pour la construction de ce chemin de fer, une convention avec une des compagnies de chemins de fer les plus honorables et les plus honorées du pays.

Les honorables MM. de Lexhy et de Macar ont présenté chacun à l'assemblée des observations sur la convention que je viens de signer avec la compagnie du chemin de fer de Hesbaye-Condroz.

Comme la convention doit être soumise à l'homologation de la Chambre, je considère toute discussion sur ce point comme prématurée.

Ce que je puis dire, c'est que j'ai la conviction d'avoir mieux servi les intérêts des deux arrondissements de Huy et de Waremme, en acceptant les propositions qui m'étaient faites qu'en les repoussant.

L'honorable M. de Lexhy nous a entretenus ensuite d'un passage à niveau qui, s'il fait la désolation des habitants de Waremme, fait encore plus la désolation de l'exploitation du chemin de fer.

Pour remédier à ces inconvénients, on a proposé de substituer un chemin de ceinture, contournant la station. Je me suis prêté à la réalisation de ce projet ; mais au moment où l'on se dispose à l'exécution, de grandes protestations s'élèvent. On veut bien le chemin de ceinture, mais on veut conserver le passage à niveau. Je regrette de ne pas pouvoir accueillir cette demande.

Tout ce qu'il me sera possible de faire, ce sera de faire étudier, en dehors du chemin de ceinture, un passage pour les piétons.

(page 766) Quant aux recommandations que m'a faites l'honorable membre d'améliorer la station de Fexhe et d'établir une halte à Neerwinden, je tiens bonne note de ces recommandations.

L'honorable M. Hagemans s'est fait l'interprète des plus vives doléances des populations de son arrondissement, justement fatiguées du retard qu'éprouve l'exécution du chemin de fer de Frameries à Chimai.

Cette concession a toujours joué de malheur. Le concessionnaire primitif de 1862 est parti en faisant de nombreuses dupes.

Cédée depuis 1865, la concession, sauf un tronçon de Mons à Poissant, est restée à peu près inerte entre les mains de M. Philippart, administrateur délégué de la compagnie des chemins de fer des Bassins Houillers du Hainaut à laquelle il a été fait apport de cette concession.

Le gouvernement était en droit de compter que le concessionnaire aurait consacré toute son énergie et toutes les ressources dont il pouvait disposer, à l'exécution des engagements qu'il avait pris, non seulement à l'égard du gouvernement, mais encore à l'égard des populations dont il n'avait pas manqué de surexciter les aspirations et les désirs, lorsqu'il s'agissait d'obtenir leur concours pour exercer une pression sur le gouvernement.

Malheureusement il n'en a pas été ainsi. Le concessionnaire a choisi, dans un grand nombre de concessions qu'il avait obtenues, certains tronçons destinés à relier d'une manière plus étroite des lignes fusionnées par la société générale d'exploitation, ou pouvant, au moyen de tracés plus directs, arriver à détourner des transports dont l'Etat était en possession.

Il a mis autant de précipitation à faire construire ces tronçons qui avaient de l'utilité pour lui, qu'il a mis, depuis cette époque, de lenteur dans l'exécution de ses engagements. Une telle situation n'a pas manqué de mécontenter très fortement les populations intéressées, et les nombreuses pétitions déposées sur le bureau se plaignent très vivement de ce retard.

Pour en atténuer les effets, on n'a pas craint de recourir à des pratiques peu loyales. Les agents des concessionnaires n'ont pas craint d'accuser, au sein des populations qui se plaignent si amèrement, le gouvernement d'être l'auteur de tous les retards.

Nous n'avons pas, disaient-ils, l'approbation de nos plans.

Mes honorables collègues de l'arrondissement de Thuin s'empressèrent de me prévenir de l'irritation que ces accusations produisaient contre le département des travaux publics. J'avais en main la preuve de la fausseté de ces assertions, je la leur transmis et ils purent constater que les retards étaient amenés uniquement par la faute de la compagnie.

Il semble, en vérité, qu'on veuille ériger ces pratiques fâcheuses en système ; mais, quant à moi, je suis bien résolu à y mettre un terme. J'ai mis l'administration de la société concessionnaire en demeure pour la dernière fois de reprendre ses travaux d'une manière convenable. Je lui ai prescrit de me donner un rapport sur la situation actuelle et sur les moyens qu'elle comptait employer pour y porter remède ; pour éviter, en outre, de nouveaux mécomptes, je lui ai prescrit d'avoir à m'adresser chaque mois un rapport énonçant et les quantités de terrains qu'elle avait acquis, et le nombre d'ouvriers qu'elle maintenait sur les travaux.

Je déclare nettement à la Chambre que si la Société concessionnaire ne remplit pas ces conditions, je n'hésiterai pas à provoquer sa déchéance, et si je fais aujourd'hui cette déclaration formelle, c'est que je ne veux pas qu'à aucune autre époque on vienne me reprocher ni ma rigueur ni mon silence.

Quant aux deux demandes que m'a adressées l'honorable M. Hagemans relativement à cette question, il va de soi que la déchéance s'applique aussi bien aux parties construites qu'aux parties à construire, et entraîne la nullité des baux d'exploitation et autres conclus par la société concessionnaire.

L'honorable membre a demandé quand les modifications que j'avais annoncé l'année dernière devoir être apportées au système suivi pour le recolement des coupons des voyageurs, seraient mises en vigueur.

Des difficultés de plus d'un genre se sont opposées à ce que ces modifications fussent réalisées plus tôt. A titre d'essai, nous allons appliquer ce système à 70 ou 80 stations, sauf à l'étendre d'une manière générale, si l'essai que nous allons tenter ne révèle pas d'inconvénients trop sérieux.

Quant aux autres recommandations de l'honorable membre, il m'est assez difficile de les accueillir, il m'est impossible, en effet, de donner le même confortable aux voitures de toutes les classes de voyageurs ; car, nous arriverions bientôt à un résultat excessivement fâcheux au point de vue des recettes : c'est de voir déserter les voitures de première classe.

L'honorable membre s'est fort apitoyé sur les souffrances de nos malheureux cantonniers. Je reconnais bien volontiers que leur salaire est peu élevé, je dois dire cependant qu'il est en rapport avec la nature du travail qui leur est confié.

Il n'est pas que les cantonniers qui souffrent, nous avons bien d'autres catégories d'ouvriers et d'agents dont l'existence est fort dure, surtout en temps de disette, mais il n'est malheureusement pas au pouvoir du ministre des travaux publics de mettre un terme à toutes ces souffrances.

M. Thonissenµ. - Dans son remarquable rapport, fait au nom de la section centrale, l'honorable M. Descamps émet le vœu de voir l'honorable ministre des travaux publics présenter, le plus promptement possible, un rapport spécial sur les résultats obtenus au moyen du tarif des voyageurs appliqué sur les chemins de fer de l'Etat, depuis le 1er mai 1866.

Je viens appuyer ce vœu de toutes mes forces ; j'irai même beaucoup plus loin. Je prierai l'honorable ministre des travaux publics de joindre à son rapport un nouveau tarif, parce que je pense que nous avons, dès aujourd'hui, des éléments suffisants pour porter, en parfaite connaissance de cause, un jugement motivé sur la valeur du tarif en vigueur.

Ce tarif a eu le sort de toutes les réformes importantes. Fortement loué par les uns, ardemment critiqué par les autres, il n'a pas cessé de provoquer de vives controverses dans les régions officielles et dans la presse. Quant à moi, j'ai lu attentivement les discours prononcés et les écrits publiés à ce sujet, et, après mûre réflexion, je me suis rangé parmi les adversaires de la réforme de 1866.

Je vais vous indiquer, messieurs, aussi succinctement que possible, les raisons qui ont déterminé ma conviction.

Je commence par préciser exactement la nature et la portée du débat.

Jusqu'au 1er mai 1866, les voyageurs payaient un certain nombre de centimes par kilomètre ; en d'autres termes, la taxe était proportionnelle au parcours. On percevait, pour la première classe, 8 centimes ; pour la seconde classe, 6 centimes ; pour la troisième classe, 4 centimes par kilomètre. Il y avait une surtaxe de 25 p. c. pour les trains exprès, et ceux-ci n'existaient que pour les deux premières classes.

A ce système, qui était, comme on l'a dit, l'égalité, la rigidité kilométrique, on a substitué la réduction des taxes à la distance ; en d'autres termes, au lieu de multiplier la taxe par le nombre de kilomètres à parcourir, on accorde une remise considérable aux parcours dépassant une certaine limite.

L'idéal de ce système, encore incomplètement applique aujourd'hui, se trouve formulé de la manière suivante, dans l'arrêté ministériel du 20 mars 1866 :

1° De 1 à 10 lieues (5 à 50 kilomètres), on compte pour chaque lieue : 50 c. pour la première classe, 20 c. pour la deuxième et 15 c. pour la troisième.

2° De 11 à 20 lieues, on ajoute au prix de la 10ème lieue et pour chaque lieue ; 15 c. pour la première classe, 10 c. pour la deuxième et 7 1/2 c. pour la troisième.

3° Au-delà de 20 lieues, on ajoute au prix de la 20ème lieue et pour chaque lieue ; 10 c. pour la première classe, 7 1/2 c. pour la deuxième et 5 c. pour la troisième.

La surtaxe des trains exprès est réduite de 25 à 20 p. c.

Je viens de dire que ce système, qui est repoussé partout ailleurs qu'en Belgique, ne se trouve pas encore complètement appliqué sur nos chemins de fer. En effet, l'ancien tarif a été provisoirement maintenu jusqu'à la distance de 35 kilomètres. De 35 à 80 kilomètres, il existe des taxes intermédiaires entre l'ancien système et le nouveau. Au delà de 80 kilomètres, le nouveau système a complètement triomphé.

A mon avis, c'est déjà beaucoup trop et, loin de se lancer en avant, je crois que le gouvernement agirait sagement en faisant, sans retard, un pas en arrière.

D'excellentes intentions, je m'empresse de le reconnaître, ont présidé à l'introduction de la réforme, dont j'ai été moi-même grand partisan à son début. On s'est laissé guider par trois considérations principales. Les longs parcours étant relativement peu nombreux, on espérait les multiplier dans une proportion considérable, par le stimulant d'un prix de transport beaucoup moins élevé. On voulait appliquer aux voyageurs la réduction des taxes à la distance, appliquée, disait-on, avec succès au transport des marchandises. On invoquait même un motif d'équité. Les frais diminuant avec les distances, on voyait pour les longs parcours une véritable surtaxe dans le péage par kilomètre.

(page 767) De ces trois considérations, la première présente seule un caractère sérieux. L'assimilation des voyageurs aux marchandises, des personnes aux colis, n'est réellement pas admissible. Quand l'Etat fait rouler un waggon de marchandises de Liège à Ostende, il y met une charge complète ; tandis que, quand il organise un train de voyageurs entre ces deux villes, le train doit partir à heure fixe, quand même les trois quarts des places sont restées inoccupées.

D'un autre côté, pour les voyageurs, la partie fixe des frais d'exploitation ne varie pas suivant les parcours ; tandis que, pour un transport de marchandises à la distance de deux lieues, on doit faire les frais de chargement et de déchargement tout comme pour un parcours de cinquante lieues.

Ces simples réflexions suffisent pour écarter la raison d'équité, qu'on a fort inutilement introduite dans ce débat. Elle suffit aussi pour prouver qu'on ne doit pas invoquer ici les résultats, réels ou apparents, obtenus pour le transport des matières pondéreuses, résultats que je ne veux pas examiner en ce moment. Je me contente aujourd'hui d'examiner les conséquences produites par le nouveau tarif des voyageurs.

Ce tarif a-t-il eu pour résultat d'augmenter le nombre des voyageurs sur les chemins de fer exploités par l'Etat ? Telle est avant tout, pour ne pas dire uniquement, la question à résoudre. En effet, si l'abaissement des péages n'amène pas un accroissement considérable du nombre des voyageurs, la réforme n'est autre chose qu'une innovation désastreuse pour les finances nationales.

Eh bien, messieurs, les faits se sont déjà prononcés, et, à mes yeux, ils démentent complètement les prévisions de l'honorable auteur de la réforme.

Je vais indiquer la progression annuelle du mouvement des voyageurs depuis 1865 jusqu'à 1868. En effet, ce n'est pas le mouvement absolu, mais la progression annuelle du mouvement qu'il importe de prendre en considération.

Depuis la mise en vigueur du nouveau tarif, le nombre des voyageurs s'est naturellement accru, comme il s'est accru, d'année en année, à partir de 1836.

L'accroissement de la population, le développement des affaires industrielles et commerciales, la construction de lignes nouvelles, d'autres causes encore qu'il est inutile d'indiquer, donnent la raison de cette augmentation ; mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit ici. Il est uniquement question de savoir si, par l'introduction du nouveau tarif, la progression annuelle du mouvement des voyageurs est devenue plus rapide, plus forte, et j'espère que, à l'égard de cette base d'appréciation, je serai parfaitement d'accord avec l'honorable ministre des travaux publics.

Or, messieurs, d'après les documents officiels publiés par le département des travaux publics, la progression du nombre des voyageurs a été, d'année en année, à partir de 1862, pour tout le réseau exploité par l'Etat :

En 1863 de 687,267 ; en 1864, de 662,680 ; en 1865, de 1,256,351; en 1866 de 939,454 ; en 1867 de 979,544 ; en 1868 de 207,373.

Si l'on classe ces six années en deux périodes triennales, l'une de 1863 à 1865, l'autre de 1866 à 1868, on trouve, pour la première période, une progression totale de 2,546,278 voyageurs, tandis que, pour la seconde, on ne trouve qu'une progression de 2,146,371 ; c'est-à-dire que, dans la période triennale pendant laquelle le nouveau tarif a été en vigueur, la progression, loin de s'être accrue, a diminué du chiffre important de 399,907. De 1863 à 1865, la progression annuelle moyenne était de 848,759 voyageurs. De 1866 à 1868, cette progression n'est plus que de 715,457 !

Assurément, j'ai hâte de le dire, ce triste résultat n'est pas imputable au nouveau tarif ; il serait absurde de prétendre que l’abaissement des péages a eu pour conséquence de ralentir la progression du nombre des voyageurs. Mais les chiffres que j'ai cités n'en méritent pas moins toute notre attention. Ils prouvent, en effet, deux choses importantes. La première, que les espérances de l'auteur de la réforme ne se sont pas réalisées. La seconde, qu'il ne suffit pas toujours d'abaisser les tarifs pour amener une progression dans le nombre des voyageurs.

Les espérances de l'auteur de la réforme, disons-nous, ne se sont pas réalisées. Au lieu d'une progression plus rapide, il n'a rencontré qu'une progression plus lente. Ce fait, considéré en lui-même, présente déjà une importance impossible à méconnaître. Mais cette importance devient bien plus considérable encore, quand on la rapproche de quelques faits, tous favorables au mouvement des voyageurs, qui se sont passés depuis l'introduction du nouveau tarif. Le réseau exploité par l'Etat s'est agrandi de 41 kilomètres, en 1866, et de 73 kilomètres, en 1867. Les trente-huit gares et haltes nouvelles existant en 1867 ont elles seules fourni, pour cette année, un mouvement de 1,235,000 voyageurs, et la même cause a évidemment agi de la même manière en 1868. Et malgré toutes ces circonstances favorables, la progression sur l'ensemble du réseau exploité par l'Etat s'est notablement ralentie !

C'est que, messieurs, pour provoquer la multiplication des voyages, et surtout celle des voyages à long parcours, il ne suffit pas, comme je l'ai déjà dit, d'abaisser le taux des péages. Quelle que soit la modicité des frais de transport, on atteint bien vite une limite indiquée par la nature des choses. Si, demain, on permettait à tous les membres de cette Chambre de se rendre gratuitement à Ostende, il y en a bien peu qui en profiteraient. Ils n'en profiteraient assurément pas durant l'hiver, et, pendant l'été, beaucoup de ceux qui n'ont pas l'habitude de passer une partie de leurs vacances au bord de la mer, ne s'y rendraient pas plus qu'aujourd'hui. Il en est surtout ainsi quand, au lieu de la gratuité, on n'accorde qu'une diminution de péage. Une dizaine de francs économisés pour un voyage à longue distance sont une économie insignifiante. Ce sont les frais de séjour et cent autres dépenses accessoires qui doivent surtout entrer en ligne de compte.

En général, on ne se déplace pas, on ne quitte pas ses travaux et sa famille pour le seul plaisir de faire un voyage à prix réduit. S'il y avait tous les jours un train de plaisir vers la mer, le gouvernement serait bientôt en perte. Ici encore, les faits ne se passent pas de la même manière pour les personnes et pour les marchandises. Par l'abaissement des tarifs, la consommation des denrées, des vêtements, du chauffage, de toutes les marchandises, en général, peut se développer d'une manière incalculable. Mais il n'en est pas de même, pour les voyageurs. Le résultat négatif de la réforme, quant au mouvement total, l'a bien prouvé. Au lieu d'obtenir une progression plus forte, on a obtenu une progression moindre. Le mouvement s'est ralenti de près de 12 p. c.

Vous savez, messieurs, que c'était surtout l'accroissement du nombre des voyageurs des deux premières classes qu'on avait en vue. Après avoir parlé du mouvement général, il n'est donc pas inutile, peut-être, de jeter un coup d'œil sur la progression du mouvement pour ces deux classes, lesquelles fournissent surtout les voyages à longue distance.

Remarquons d'abord que les deux premières classes, comparées à la troisième, ne représentent pas même un quart du mouvement total. On ne pouvait donc pas, en fait, fonder de grandes espérances sur l'accroissement du nombre des voyageurs de ces deux catégories ; mais enfin, puisque cet espoir a été mis en avant, voyons ce qui en est.

Dans un écrit récent de l'honorable sénateur Malou, on trouve à ce sujet des chiffres d'une éloquence irrécusable. Représentant le nombre total des voyageurs par mille, et traduisant en millièmes la part de mouvement de chaque catégorie, l'honorable sénateur arrive au résultat suivant, pour la première classe :

Période de 1863-1865, moyenne annuelle pour les trains exprès, 31 millièmes ; pour les trains ordinaires, 47 millièmes.

Période de 1866-1868, pour les trains exprès, 27 millièmes ; pour les trains ordinaires, 45 millièmes.

Faisant la même opération pour la seconde classe, on trouve les chiffres ci-après :

Période de 1863-1865, trains exprès, 14 millièmes ; trains ordinaires, 151 millièmes.

Période de 1866-1868, trains exprès, 19 millièmes ; trains ordinaires, 123 millièmes.

Ainsi, même pour les deux premières classes, il y a, dans l'ensemble, ralentissement dans la progression du nombre des voyageurs !

Sous quelque face qu'on envisage le problème, les espérances conçues par l'auteur de la réforme ont été des illusions.

On objectera peut-être que l'année 1866, que j'attribue au nouveau régime, n'était pas une année normale. On fera valoir la guerre, le choléra et la peste bovine. Je me suis fait cette objection à moi-même, et je n'ai pas tardé à voir combien elle était peu sérieuse. Les quatre premiers mois de cette année 1866 ont été exceptionnellement favorables, puisque, comparés à ceux de l'année précédente, ils donnent un accroissement de 422,675 voyageurs, que j'ai portés à l'actif de la réforme, quoique celle-ci n'ait été mise en vigueur qu'à partir du 1er mai. Considérée dans son ensemble, cette année 1866, mise en regard de 1865, a produit un accroissement de 939,454 voyageurs, chiffre qui n'est pas à dédaigner.

D'ailleurs, j'ai procédé par période triennale, et je ne sais pas à quel titre les années 1867 et 1868 pourraient être récusées. Si la guerre et d'autres causes ont amené, en 1866, une diminution du nombre des (page 768) voyageurs de première classe, cette diminution a été plus que compensée, en 1867, par le mouvement exceptionnel occasionné par l'exposition universelle de Paris.

Voyons à présent quelles ont été les conséquences financières de ces innovations.

Ici, je le reconnais, je n'ai pas à ma disposition les éléments nécessaires pour me permettre de porter moi-même un jugement en parfaite connaissance de cause. Je dois donc me borner à invoquer l'autorité d'autrui, et j'ai cru ne pouvoir mieux faire que de m'en référer aux calculs mis en avant, dans une autre enceinte, par un homme dont les capacités et l'expérience financières ne sauraient être contestées. Suivant une démonstration faite naguère au Sénat par l'honorable M. Malou, et qui vient d'être reproduite, complétée et justifiée dans une publication remarquable à tous égards, le produit net acquis au trésor est descendu de 16 millions à 12 millions, tandis que, avec le maintien de l'ancien tarif, ce produit net serait probablement aujourd'hui de 19 à 20 millions.

C'est donc, si ce calcul est exact, une perte sèche de 8 millions, et l'on sait quel a été le résultat de cette perte pour la situation générale de nos finances. Les beaux excédants que l'honorable M. Sabatier, en sa qualité de rapporteur habituel du budget des voies et moyens, se plaisait a célébrer avec tant de chaleur, ont disparu, et, pour peu que cet état de choses se perpétue, tous nos travaux publics s'en ressentiront d'une manière déplorable.

Et qu'on ne dise pas que la perte de 8 à 9 millions se trouve compensée par des avantages plus qu'équivalents procurés au public ! L'Etat n'a pas le droit de favoriser une partie des Belges au détriment des autres. Le principe d'égalité est, dans notre Constitution, un principe absolu. Deux provinces, le Limbourg et le Luxembourg, n'ont pas un seul kilomètre de chemin de fer de l'Etat. Celui-ci n'exploite que 23 kilomètres dans la province de Namur, 26 dans la province d'Anvers, 74 dans la province de Liège. Les quatre autres provinces possèdent seules 737 kilomètres exploités par le gouvernement. Deux provinces sont donc complètement privées d'une part dans les sacrifices que l'Etat s'est spontanément imposés, et trois autres n'en profitent que dans une proportion peu considérable. Le bénéfice à peu près intégral appartiendrait donc à quatre provinces sur neuf. Cela n'est pas admissible !

Bientôt, je le crains, à moins qu'on ne veuille renoncer au complément et à l'extension de tous ces travaux publics qui ont tant contribué à la gloire de la Belgique de 1830, bientôt, dis-je, de nouveaux impôts devront être créés. Quelle sera, dans ce cas, la position de quelques-unes de nos provinces, du Limbourg par exemple ? Sur les chemins de fer concédés, les seuls que nous possédions, nous payerons nos transports suivant l'ancien tarif, et, en même temps, nous devrons, sous forme d'impôt, restituer au gouvernement une partie des avantages qu'il accorde à d'autres provinces, par l'abaissement excessif des tarifs. Comment pourrait-on justifier un tel système ?

Je prie le gouvernement de ne pas persévérer à marcher dans une voie que j'envisage comme dangereuse. S'il ne veut pas revenir purement et simplement à l'ancien tarif, qu'il modifie au moins le tarif existant de manière à faire produire au chemin de fer quatre ou cinq millions de plus. J'espère que cette conclusion ne sera pas vue de mauvais œil par M. le ministre des finances.

M. de Moorµ. - Messieurs, je crois devoir appeler la plus sérieuse attention de M. le ministre des travaux publics sur l'exécution d'une voie de communication réclamée depuis longtemps par les populations des cantons de Bouillon et de Gedinne.

Je veux parler de la route d'Aile par Rochehaut au Menuchenet, route dont la construction permettrait aux produits des ardoisières d'Aile et des forêts des deux cantons de trouver des débouchés faciles et économiques par le chemin de fer à la station de Libramont.

Je prie instamment M. le ministre des travaux publics qui doit avoir dans les carions de son département des études provisoires, de faire étudier d'une manière définitive le tracé de cette route et d'en faire mettre en adjudication les travaux dans le plus bref délai possible. Il rendra ainsi un signalé service à des populations privées jusqu'ici, non seulement d'une voie de communication rapide, mais même d'un affluent au chemin de fer.

Avec infiniment de raison, la section centrale a écrit à M. le ministre des travaux publics au sujet de la position des conducteurs des ponts et chaussées de première et de deuxième classe.

Cette réponse, je dois l'avouer, ne m'a pas plus satisfait que la section centrale. Ces fonctionnaires ont, me paraît-il, des droits à voir leur position mise en rapport avec les connaissances qu'ils possèdent et les services qu'ils rendent. M. le ministre déclare, dans sa réponse à la section centrale, que la position des conducteurs a été améliorée.

Cela est vrai pour les traitements des conducteurs de troisième classe, qui, en sortant de l'école du génie civil, sont nommés au traitement de 1,800 fr. Ces traitements sont suffisants, je le reconnais, mais ils sont hors de proportion avec les traitements touchés par les conducteurs de première et de deuxième classe.

En effet, messieurs, des fonctionnaires du corps des ponts et chaussées, des conducteurs de première classe, ayan 30 années et plus de service, ont un traitement maximum de 2,800 fr., c'est-à-dire une différence relativement peu importante avec le traitement de jeunes fonctionnaires qui viennent de quitter les bancs de l'école. Je le demande, est-il juste de traiter ainsi de bons, anciens et capables fonctionnaires ?

Par l’arrêté organique de 1851 le traitement des conducteurs de première classe était fixé à 2,327 fr. A cette époque, chaque conducteur touchait au minimum 100 fr. d'indemnité pour frais d'instruction de demandes d'alignements.

L'arrêté de 1850 porte le traitement de première classe à 2,400 fr., plus une indemnité fixe de 200 fr., soit 2,600 fr.

Un arrête1 de la même année leur supprime toute indemnité pour l'instruction des affaires d'alignement, en somme une diminution d'au moins 200 fr.

L'arrêté de 1860 augmente ce traitement de 200 fr., c'est-à-dire qu'il le porte à 2,600 fr. plus 200 fr. d'indemnité, et l'on crée 8 conducteurs principaux à 3,000 fr.

Lorsqu'on a augmenté tous les traitements civils, il y a quelques années, on a laissé ceux des conducteurs des ponts et chaussées ce qu'ils étaient antérieurement, sauf qu'on a créé un traitement variable de 2,600 à 2,800 francs pour la première classe ; mais bon nombre de conducteurs sont de première classe depuis 1863 et toujours au traitement de 2,060 francs. Avec la meilleure volonté du monde, je ne puis prendre comme exacte la réponse de M. le ministre à la section centrale lorsqu'il lui écrit : « que la position des conducteurs des ponts et chaussées a été améliorée depuis 1850 et surtout depuis 1860 dans une proportion égale, si pas supérieure, à celle des autres fonctionnaires du département des travaux publics. »

Il me semble, à moi, que l'on a augmenté les traitements dans toutes les branches d'administration, nos ingénieurs ont obtenu des augmentations, et leur avancement est rapide.

Pour les postes, depuis trente ans, à peu d'exceptions près, les traitements sont doublés.

Au chemin de fer, les chefs de.section, dont le titre primitivement était celui de conducteur, jouissent d'avantages considérables sur les conducteurs des ponts et chaussées.

Dans le corps des mines, on a supprimé le grade de conducteur, que l'on a converti en celui de sous-ingénieur.

En un mot, dans toutes les branches de l'administration, les employés inférieurs peuvent, et à juste titre, arriver au grade le plus élevé, tandis que, pour les conducteurs des ponts et chaussées, il n'en est malheureusement pas ainsi.

Permettez-moi de vous citer un exemple ; je pourrais citer des noms.

Deux jeunes gens de même âge, de même mérite, entrent en même temps à l'école du génie civil ; l'un n'est pas favorisé par la fortune, il ne peut rester que deux ans à Gand, et doit, par conséquent, suivre les cours de conducteurs ; l'autre, plus heureusement partagé par dame fortune, suivra pendant cinq ans les cours du génie civil et en sortira en qualité d'ingénieur et environ vingt ans après, il sera appelé au grade d'ingénieur en chef tandis que son ancien compagnon, à qui tous ses professeurs promettaient le plus brillant avenir s'il avait pu pendant cinq ans aussi suivre les mêmes cours, ne sera, lui, conducteur de première classe qu'au bout de vingt ans et avec la perspective de finir sa carrière dans cette modeste position.

Je le demande, ne serait-il pas juste d'avoir égard à cette différence d'avenir, due au hasard de la fortune et d'arriver à ce résultat que chaque conducteur pût, pendant les dix dernières années de sa carrière, occuper une position en rapport avec les services rendus par lui à l'Etat. Pour cela il suffirait de laisser illimité le nombre des conducteurs principaux, de porter leur traitement à 3,500 francs, celui des conducteurs de première classe à 3,000 et celui de deuxième classe à 2,500 ; le traitement de troisième classe étant suffisant, il serait inutile d'y toucher.

M. de Vrièreµ. - Messieurs, je désire présenter quelques observations à M. le ministre des travaux publics, au sujet de certains travaux qui intéressent plus particulièrement l'arrondissement qui m'a envoyé dans cette enceinte, tout en ayant une importance sérieuse au point de vue de l'intérêt général.

Deux pièces ont été adressées à M. le ministre dos travaux publics ; (page 769) l'une est une lettre de la chambre de commerce de Bruges, qui signale à M. le ministre le mauvais état du canal de Bruges à Ostende, à cause de la mauvaise disposition des nombreux ponts qui s'y trouvent, des sinuosités qui y existent, des atterrissements considérables qui s'y sont formés, enfin à cause d'un envasement général.

Dans un entretien que j'ai eu l'honneur d'avoir avec M. le ministre des travaux publics, l'honorable ministre a bien voulu me dire que des travaux de dévasement allaient avoir lieu très prochainement, que déjà même l'adjudication avait été faite. J'espère donc que sous ce rapport il sera donné satisfaction complète aux vœux de la chambre de commerce ; mais je désirerais que M. le ministre voulût bien nous dire également quelles sont ses intentions au sujet du redressement des coudes que réclame la chambre de commerce.

Le dévasement du canal rentre dans la catégorie des travaux d'entretien ordinaire et il me semble qu'il devrait s'opérer annuellement et constamment, de manière à maintenir toujours dans le canal une profondeur normale et de mettre la navigation à l'abri des accidents. J'espère que M. le ministre, qui s'est empressé de remédier au mal dès qu'il lui a été signalé, voudra bien ordonner qu'un service de dragage soit organisé sur ce canal afin que le curage se fasse régulièrement.

Le canal de Bruges à Ostende est la voie navigable la plus importante que nous possédions, c'est une voie maritime, c'est notre plus beau canal, c'est une voie qui dessert les intérêts industriels et commerciaux de trois de nos provinces. Je signale à M. le ministre l'importance des recommandations que j'ai l'honneur de lui faire à cet égard.

Quant au redressement des coudes, c'est une amélioration, mais lorsque tout s'améliore, lorsque nous consacrons chaque année des sommes considérables à 1'amélioralion de toutes nos voies commerciales, il n'est pas déraisonnable, je pense, de solliciter l'amélioration d'un canal aussi important. La dépense, sera, du reste, peu élevée.

Les terrains qui avoisinent le canal appartiennent en partie au gouvernement. Ces terrains sont très bas, de sorte qu'il faudra très peu de déblais pour couper les arêtes vives des sinuosités.

D'un autre côté, pour les parties où le terrain n'appartient pas au gouvernement, il suffira de faire l'acquisition d'une bande étroite qui donnera lieu à des frais d'expropriation très peu considérables.

J'ajoute une considération sur laquelle j'appelle la sérieuse attention de. M. le ministre : c'est que le redressement des courbes du canal est même recommandé par une sage économie.

En effet, si l'on remarque les points où se trouvent les atterrissements les plus considérables, il est facile, de se convaincre que ce sont les courbes abruptes qui les produisent ; de sorte qu'en adoucissant les sinuosités, on empêchera la formation de nouveaux atterrissements. L'entretien du canal deviendra par conséquent plus facile et moins coûteux à la suite de ce travail, et la dépense que l'on aura faite ne sera pas seulement utile au point de vue de la navigation, mais elle constituera une bonne opération financière.

La chambre de commerce signale de nombreux faits qui démontrent combien la navigation souffre aujourd'hui de la situation que j'indique.

Je n'abuserai pas des moments de la Chambre en les reproduisant, je me borne à appeler l'attention de M. le ministre sur ces faits et à le prier de vouloir bien nous dire s'il a l'intention de satisfaire également, sous ce rapport, au vœu que la chambre de commerce lui a exprimé.

Le second objet de mes observations est une pétition adressée à M. le ministre des travaux publics par un grand nombre de propriétaires intéressés aux wateringues de Blankenberghe et de Eyensluys, les deux plus importantes du littoral.

Les pétitionnaires signalent le mauvais état de la côte en certains endroits et indiquent les travaux qui, selon eux, devraient être faits pour nous préserver du fléau d'une inondation.

Je demanderai la permission de lire quelques passages de. cette pétition, qui est très remarquable et qui a été formulée par des hommes qui ont l'habitude des travaux maritimes.

Voici comment ils s'expriment ;

« Les grandes tempêtes de 1862 qui ont été le prélude du cyclone de 1867, en ravageant notre côte, avaient réveillé notre légitime inquiétude ; dès ce moment nos régisseurs ont fait régulièrement une inspection depuis Wenduyne jusqu'à Heyst, et les rapports annuels qu'ils ont lus à nos assemblées générales ont pu nous prouver que, depuis ce moment aussi, le gouvernement avait pris à cœur les intérêts du nord de Bruges, et augmentait d'année en année les travaux de défense de nos côtes. C'est ainsi que nous avons pu constater le rétablissement des jetées déjà existantes, l’établissement de nouveaux épis, la construction de revêtements en fascines, et de portes en moellons entre Heyst et Blankenberghe, et enfin la construction du nouveau et magnifique perré défendant la ville de Blankenberghe. »

Ainsi, les pétitionnaires rendent une parfaite justice à la sollicitude dont a fait preuve le département des travaux publics pour les grands intérêts auxquels ils veillent eux-mêmes journellement, mais ils ajoutent :

Tous ces travaux exécutés avec intelligence, et d'une manière parfaite, par le corps des ponts et chaussées, ne suffisent pas, et nous avons dû malheureusement constater que, d'année en année, l'estran s'affaiblissait et que les dunes perdaient de leur largeur.

En 1862, elles ont perdu, sur tout leur développement, au delà de vingt mètres ; en 1867, de douze à quinze, donc trente mètres en cinq années ! Si cet empiétement progressif continue, il arrivera fatalement, dans un avenir peu éloigné, un jour où nous n'aurons plus pour seule ligne de défense contre l'envahissement de la mer que la digue du comte Jean, fortifiée et rehaussée en 1867 et 1868, mais insuffisante évidemment pour résister seule au choc de la vague.

« La mer, qui depuis le commencement de ce siècle s'était renfermée dans ses limites, semble aujourd'hui, par des assauts répétés, vouloir briser sa barrière, et rouvrir la liste lugubre des inondations. Quelle qu'en soit la cause, dépression du fond ou perturbation dans la direction des courants océaniques, nous demeurons convaincus qu'un changement notable s'est produit, même depuis l'institution de la commission de 1860. »

Pour lutter avantageusement contre cette situation nouvelle et inquiétante, les pétitionnaires indiquent différents moyens sur lesquels j'appelle l'attention de l'honorable ministre des travaux publics.

L'un de ces moyens, c'est d'opérer des sondages périodiques de la côte afin de constater quels sont les points où l'action de la mer est le plus active.

Le second moyen, c'est de renforcer les jetées ; « il conviendrait, disent les pétitionnaires, de munir d'une rangée de forts piquets ou pilotis de chêne, peu espacée, et couverts de moellons de Vilvorde, pour empêcher leur soulèvement total ou partiel. »

« Enfin, disent les pétitionnaires, la dune ou plutôt le reste de dune que nous possédons encore devrait être protégé par un revêtement en pierre, autrement dit perré cimenté, tel que ceux que l'on a construit devant Blankenberghe et Heyst.

« L'épreuve décisive que le premier de ces perrés a subie pendant les orages de 1867 a définitivement fixé le système le plus efficace de défense. »

Ainsi, messieurs, les pétitionnaires recommandent entre autres travaux la construction d'un perré sur toute l'étendue de dunes qui sépare Blankenberghe de Heyst. Ce serait là un travail considérable et qui ne pourrait évidemment se faire que dans un temps assez long, mais l'opération des sondages que préconisent les pétitionnaires remédie à cet inconvénient.

En effet s'ils recommandent les sondages périodiques, c'est afin de constater les points où l'action de la mer se manifeste avec le plus d'intensité. Eh bien, le bon sens indique que c'est sur ces points que la vigilance de l'administration des ponts et chaussées devrait se concentrer, c'est sur ces points qu'on devrait construire une certaine étendue de perré.

Nous voyons, dans la note préliminaire du budget, que le gouvernement a l’intention d'établir un perré sur une autre partie de la côte, à Mariakerke, où la situation présente également des dangers.

Il faudrait en agir de même entre Blankenberghe et Heyst, c'est-à-dire construire de certaines étendues de perrés là où la nécessité s'en fait le plus sentir. De cette manière, on pourrait attendre en sécurité le temps où la côte entière pourrait être revêtue de cette cuirasse, la seule capable de résister.

Je prie l'honorable ministre de vouloir bien prendre ces observations en sérieuse considération et de donner à la Chambre l'assurance qu'il dispose des crédits nécessaires pour pourvoir à toute éventualité.

Une troisième demande que j'ai l'honneur de faire à M. le ministre des travaux publie/, c'est l'agrandissement de la station de Bloemendael.

Une pétition a été adressée à la Chambre par les bourgmestre et échevins de cette commune, pour réclamer cet agrandissement. J'ignore pourquoi ces honorables magistrats n'ont pas adressé leur demande à M. le ministre des travaux publics, dont ils ne pouvaient suspecter la bienveillance.

L'agrandissement de cette station a été reconnue comme urgente par tous les agents de l’administration des chemins de fer, et par le gouvernement (page 770) lui-même, et la preuve, c'est que depuis plusieurs années le gouvernement a acquis les terrains nécessaires à cet agrandissement.

Il suffit, du reste, de savoir que depuis moins de quinze ans les recettes de cette station ont plus que triplé pour comprendre que le même espace ne pouvait plus suffire au service.

Aujourd'hui il ne s'agit plus que d'un travail peu important et peu coûteux ; en effet, il suffit de remblayer les terrains acquis et de les paver pour avoir une station excellente.

Messieurs, j'aurais voulu aussi ne pas laisser passer la discussion du budget des travaux publics sans présenter quelques observations au sujet des travaux de la station de Bruges, mais mon honorable collègue, M. Visart, m'ayant communiqué son intention de prendre la parole sur cet objet, je m'en abstiendrai.

Il me reste une dernière observation.

Tout à l'heure, vous avez, messieurs, entendu l'honorable ministre des travaux publics, répondant à M. Jouret qui avait réclamé l'emploi des pierres concassées comme ballast, déclarer qu'il était parfaitement converti sur ce point : que ce ballast lui paraissait être un progrès réel, seulement qu'il fallait, comme tous les progrès, que celui-ci fit son temps.

Je partage parfaitement l'avis de mon honorable collègue sur ce point et je joins ma recommandation à la sienne à cet égard.

Mais la section centrale, de son côté, avait préconisé un autre système de ballast.

Voici ce que je lis dans son rapport :

« Il est une autre espèce de ballast très économique qui a été employée avec succès en France, notamment au chemin de fer de Lyon, et qui pourrait recevoir en Belgique des applications d'autant plus nombreuses qu'il est formé d'une matière sans valeur, encombrante pour nos usines à fer, et qu'on se procurerait par conséquent à des prix très bas ; nous voulons parler du ballast en laitier de hauts fourneaux granulé par le procédé de M. Minary. »

Eh bien, messieurs, pour ma part, je prie M. le ministre de ne. pas employer du tout cet abominable ballast recommandé par la section centrale.

L'un des plus grands inconvénients de nos chemins de fer, c'est la poussière, et nous voyons sur la ligne des Flandres, par exemple, qu'on ne peut voyager deux heures sans être couvert d'une poussière blanche, produite par le sable fin qui couvre la plate-forme du chemin de fer.

Cela est fort désagréable ; mais ce qui est bien plus désagréable encore, c'est la poussière noire que produisent le laitier de fer et les cendres de certaines usines.

J'ai parcouru des lignes ballastées de cette manière et je puis attester qu'en été, le voyage y était un véritable supplice.

Par contre j'ai voyage sur le chemin de fer de l'Allemagne ou le ballast en pierres concassées est employé, et je puis dire que je sortais de la voiture aussi propre que j'y étais entré.

Aujourd'hui que dans tous les pays on cherche les moyens de rendre les déplacements de plus en plus faciles et commodes, nous devons, à mon avis, proscrire l'emploi de matériaux qui produisent beaucoup de poussière.

D'ailleurs, l'emploi de ces matières constitue une fausse économie. Il est reconnu que le laitier, de même que le sable, en s'introduisant dans les organes des machines, contribue dans une forte mesure a une rapide usure du matériel. Mon avis est qu'il vaut mieux payer un peu plus cher un ballast qui dure, qui n'est pas emporté par le vent, au grand désagrément des voyageurs, et qui ne détériore pas les locomotives, qu'un ballast à bon marché qui présente tous ces inconvénients et qui, en définitive, est le plus cher.

M. Moutonµ. - Messieurs, je profite, à mon tour, de la discussion du budget des travaux publics pour signaler à l'attention de l'honorable ministre l'état dans lequel se trouve la station du Haut-Pré.

Cette station est complètement insuffisante pour les besoins du public.

Le bâtiment de recette consiste dans une simple construction en planches avec une salle d'attente où vingt personnes peuvent à peine se trouver à l'aise, de sorte qu'en cas de mauvais temps, la plupart des voyageurs n'ont aucune espèce d'abri.

Et remarquez que cette station est très importante. C'est la que descendent tous les voyageurs qui arrivent des nombreuses communes de la Hesbaye pour leurs affaires.

C'est là que pour le retour ils prennent leurs coupons de même que les habitants de la commune d'Ans et Glain et de tout un quartier populeux de la ville.

Voici, du reste, pour cette station, quel a été le mouvement des voyageurs et des marchandises pour l'année 1867.

J'extrais ces chiffres du compte rendu qui nous a été distribué :

Mouvement des voyageurs, 88,646. Recette, fr. 80,527 89. Marchandises : recette fr. 250,190 77. De sorte que la recette totale s'élève au chiffre de fr. 350,718 60.

Je crois pouvoir affirmer que, de toutes les stations de la ligne, c'est celle qui est dans le plus mauvais état, malgré son importance, et il y a véritablement urgence à y créer un bâtiment de recettes avec une salle d'attente convenable.

Je recommanderai également à M. le ministre des travaux publics la station de Chênée, qui produit aussi des recettes très fortes pour l'exercice 1867 (203,520 fr. 87 c.) et qui est dépourvue des appropriations indispensables.

Il est d'autant plus nécessaire de procéder à son agrandissement qu'elle est destinée à prendre prochainement une grande extension par suite de la construction du chemin de fer de Herve qui vient aboutir à Chênée.

En terminant, je dirai un mot d'une route en construction qui mérite d'être promptement achevée, et cela non seulement dans l'intérêt des populations qui doivent s'en servir, mais aussi dans l'intérêt de l'Etat, je veux parler de la route d'Aywaille a Comblain-au-Pont. Cette route, pour la construction de laquelle le conseil communal d'Aywaille a voté un subside de 15,000 fr., ne sera réellement utile que lorsqu'elle sera achevée. Elle doit mettre en communication une partie de la province de Luxembourg avec la province de Liège ; elle aboutit au chemin de fer de l'Ourthe, auquel elle doit apporter, avec un surcroît de voyageurs, les produits de nombreuses usines, carrières et exploitations de minerais de fer.

L'Etat a un grand intérêt à son achèvement, car vous savez qu'il a garanti un minimum d'intérêt pour l'exécution du chemin de fer de l'Ourthe ; or, il a payé de ce chef 72,811 fr. 17 en 1865, 347,259 fr. 95 et 477,854 fr. 51 en 1867.

Tout ce qui peut amener des transports à la ligne garantie est donc utile à l'Etat, et je suis convaincu que l'achèvement complet de la route, dont je parle permettrait de réduire sensiblement la somme énorme qu'il doit payer chaque année pour l'exploitation de cette ligne.

J'espère que M. le ministre des travaux publics trouvera, dans cette considération d'intérêt général, un motif assez puissant pour hâter l'achèvement de cette route.

M. Preud’hommeµ. - Messieurs, mes honorables collègues, MM. de Lexhy et de Macar, ont traité hier la question du chemin de fer Hesbaye-Condroz, et ont approuvé tous deux la convention nouvelle intervenue entre les concessionnaires et le gouvernement. Je dois déclarer que je donne aussi une approbation complète à cette convention, parce qu'elle crée de nouvelles garanties d'exécution d'une voie ferrée qui intéresse à un haut degré le commerce et l'industrie de l'arrondissement de Huy. En effet, cette nouvelle convention fait naître un engagement moral pour la société concessionnaire de créer le railway dans les nouveaux délais lui assignés ; temporiser davantage serait, pour la société, reconnaître son impuissance, ce qui justifierait complètement les mesures de rigueur (telles que déchéance, confiscation du cautionnement) qui pourraient être prises à son égard.

D'un autre côté, M. le ministre a eu la sage précaution de faire insérer dans la nouvelle convention une clause qui assure l'exécution du chemin de fer et qui dénonce l'intention de l'honorable ministre de donner une impulsion rapide aux travaux ; cette clause consiste en ce que le nombre des ouvriers qui devra se trouver sur les travaux sera fixé par l'ingénieur du gouvernement.

Je convie fortement M. le ministre à tenir la main à l'observation de cette clause qui constitue le seul engagement nouveau pris par la société en échange des concessions et des facilités de détail qui leur ont été octroyées ; aussi peut-on assurer que si le chemin de fer Hesbaye-Condroz ne se réalise pas, ce ne sera pas la faute du gouvernement, qui a fait preuve, dans cette affaire, d'une extrême bienveillance.

A mon sens, messieurs, la nouvelle convention n'abroge nullement la convention primitive, qui a servi de base à la loi de concession.

Or, l'article 3 de cette convention du 15 janvier 1865 exige que les concessionnaires justifient de la réalisation du capital nécessaire à l'établissement et à la mise en exploitation du railway jusqu'à concurrence de quatre millions. De même que M. de Lexhy, j'insiste vivement pour que M. le ministre (page 771) exige que la compagnie réalise cette condition, qui me paraît essentielle, car il ne suffit pas que le gouvernement détermine le nombre d'ouvriers qui se trouveront sur les travaux, il faut aussi payer ces ouvriers et assurer l'achèvement complet de la voie ferrée. Je dois ajouter que si le prédécesseur de l'honorable ministre avait exigé la justification de la réalisation du capital nécessaire, endéans les six mois, les deux arrondissements de Huy et de Waremme jouiraient actuellement d'une ligne qui doit favoriser le développement de leur commerce.

Je prie donc M. le ministre de vouloir nous dire si la société concessionnaire justifie du capital nécessaire pour terminer les travaux.

Le second point que je me propose d'examiner concerne la halte d’Ampsin.

L'extension du mouvement des affaires, le développement du commerce et de l'industrie exigent que cette halte soit desservie par un plus grand nombre de trains, soit pourvue d'une salle d'attente convenable et d'un bureau pour les dépêches télégraphiques.

Ampsin compte une population de 1,700 âmes et c'est là que les habitants d'un grand nombre de communes environnantes viennent prendre les trains.

Mais les arrêts des trains sont tellement rares, que le plus souvent les voyageurs sont obligés de descendre ou d'aller prendre les trains, soit à Huy, soit à Amay ; ce qui les force à faire inutilement un parcours de trois quarts de lieue.

Cependant, la gare d'Ampsin a une importance réelle, au point de vue des relations à desservir.

Il résulte, en effet, des renseignements pris par l'administration communale que, par mois, 600,000 kilogrammes sont expédiés d'Ampsin et que 120,000 kilogrammes y arrivent, ce qui porte le chiffre des recettes à 500 ou 600 francs par mois.

Le nombre des voyageurs, par mois, est de 2,100 au moins, par conséquent 70 environ par jour.

Néanmoins, la gare d'Ampsin ne possède qu'une salle d'attente où huit personnes à peine peuvent s'asseoir (8 mètres carrés en superficie), et certains jours, il est impossible même à un quart des voyageurs d'y trouver place ; les autres doivent attendre sur la voie ferrée, exposés aux intempéries de l'air et aux accidents.

Le département des travaux publics ainsi que la compagnie du Nord reconnaissent l'insuffisance du bâtiment de la station pour les besoins actuels, et cette dernière promet de le faire agrandir ultérieurement.

Mais cet état de choses est intolérable, et il y a urgence de mettre la main à l'œuvre le plus tôt possible. Du moment que l'on reconnaît la nécessité d'un agrandissement, il importe de l'effectuer immédiatement afin d'éviter tous les inconvénients que présente l'état de choses actuel.

Au surplus, ce n'est pas la première fois que. des plaintes se produisent dans cette enceinte relativement au mauvais état dans lequel se trouvent les salles d'attente de la compagnie du Nord. Il serait temps que celle-ci fît cesser ces plaintes en procédant successivement, et dans un certain ordre, à l'établissement de salles d'attente convenables.

Quant au bureau télégraphique réclamé par la commune d'Ampsin, il nécessiterait une dépense peu considérable, puisque les fils télégraphiques sont établis. Le bureau le plus rapproché est celui d'Amay, distant d'environ trois kilomètres. Les dépêches qui arrivent par ce bureau coûtent davantage, ne peuvent guère être reçues qu'une heure après l'arrivée et des inconvénients analogues se produisent lorsqu'il s'agit d'adresser des dépêches ; de sorte que les industriels d'Ampsin ne peuvent guère profiter de ce mode rapide de transmission.

Le conseil communal d'Ampsin a réclamé à plusieurs reprises de la compagnie du Nord les améliorations que je viens de retracer ; mais cette société, je dois bien le dire, plus soucieuse de ses intérêts que de l'intérêt général, n'a pas accueilli favorablement ces réclamations et a répondu qu'elle examinerait ultérieurement. Cette réponse est un véritable renvoi aux calendes grecques.

C'est pourquoi je prie M. le ministre d'inviter la compagnie du Nord à agrandir suffisamment la salle d'attente d'Ampsin, à y établir un bureau pour les dépêches télégraphiques et autant d'arrêts qu'aux stations d'Amay et d'Engis, qui sont de la même importance que celle d'Ampsin.

M. le ministre, en engageant la compagnie du Nord à effectuer ces améliorations, se bornera à mettre à exécution l'article 9 du cahier des charges, ainsi conçu :

« Le nombre et l'étendue des stations ainsi que leur distribution et la disposition de leurs abords devront en tout temps être en rapport avec les besoins du commerce et de l'industrie et le mouvement des voyageurs. Elles seront pourvues des gares et bâtiments avec le matériel et les accessoires de toute nature que réclame une exploitation active et régulière. »

En terminant, je prie M. le ministre de vouloir faire achever, dans un bref délai, l'élargissement et le nivellement du faubourg de Statlt. C'est là une amélioration excellente, mais elle ne peut être utile et profitable que pour autant qu'elle soit complète. .

M. Bricoultµ. - Messieurs, depuis un grand nombre d'années, plusieurs communes des cantons de Chièvres et de Quevaucamps se plaignent vivement de l'inexécution du chemin de fer de Saint-Ghislain à Ath. Elles ont adressé à la Chambre de nombreuses pétitions, elles ont envoyé auprès de l'honorable M. Vanderstichelen et même auprès de l'honorable M. Jamar députations sur députations dans l'espoir de voir enfin mettre la main à l'œuvre. Les ministres ont toujours fait, selon leur habitude, le meilleur accueil à toutes les doléances, à toutes les démarches. Ils ont promis de faire tous leurs efforts pour donner satisfaction à des intérêts depuis longtemps lésés ; cependant rien ne se fait et à l'heure qu'il est, bien qu'un nouveau tracé de cette ligne soit définitivement arrêté, l'honorable ministre vient assurer que la société des Bassins Houillers, qui est depuis longtemps disposée à construire une ligne de Blaton à Ath, ne construira pas la ligne des Herbières dont a parlé l'honorable M. Dethuin dans une précédente séance.

Le mécontentement est très grand dans les localités que cette ligne doit traverser ; déjà bon nombre de magistrats communaux viennent de donner leur démission ; ces démissions ont le caractère d'une protestation contre l'titude du gouvernement à l'égard des compagnies auxquelles la concession de la ligne dont il s'agit a été successivement accordée.

Je viens de dire que la société des Bassins Houillers est disposée à exécuter la ligne de Blaton à Ath. Pour ma part, messieurs, je n'ai jamais compris les raisons que les industriels du Couchant de Mous font valoir contre l'exécution de cette ligne. Ils prétendent que, par l'établissement d'un chemin de fer de Valenciennes ou d'Anzin à Péruwelz, les charbons français vont arriver directement dans la vallée de la Dendre.

D'autre part les communes de mon arrondissement ont la conviction que c'est parce que la compagnie concessionnaire du chemin de fer de Braine-le-Comte à Gand a intérêt à conserver le trafic des charbons du Borinage que la ligne de Blaton à Ath ne s'exécutera pas.

Il est bien difficile d'admettre la prétention des industriels du Couchant de Mons lorsque l'on compare les distances à parcourir par les lignes qui existent actuellement à celles qui devraient être parcourues par la ligne de Blaton à Ath. Celle-ci compterait une longueur de 21 kilomètres. Or, de Blaton à Ath par Leuze il n'y a que 19 kilomètres ; la différence pour Gand et Tournai est encore plus grande.

En ce qui concerne les localités à traverser, le chemin de fer de Blaton à Ath desservirait les communes les plus importantes et les plus industrielles du canton de Quevaucamps.

Ce fait a aussi son importance, car l'on ne construit pas un chemin de fer exclusivement en vue d'un point de départ et d'un point d'arrivée, l'on doit aussi tenir compte des ressources et des nécessités des localités que la ligne doit traverser. Quoi qu'il en soit, si l'honorable ministre peut faire exécuter la ligne de Saint-Ghislain à Ath et une autre ligne de Basècles à Ath, tout le monde sera satisfait. L'essentiel, c'est que l'on mette la main à l'œuvre sans tarder.

Je remercie l'honorable M. Jamar de sa déclaration nette et catégorique, elle calmera le mécontentement qui existe dans les cantons de Chièvres et de Quevaucamps.

Puisque j'ai la parole, messieurs, j'appuierai les considérations que l'honorable M. Beke a présentées hier en faveur d'une augmentation du crédit qui figure au budget pour la construction des routes de grande vicinalité, destinées à mettre les communes importantes en communication avec les stations de chemin de fer. Le crédit de 800,000 francs reste invariable depuis bon nombre d'années, malgré l'accroissement des besoins. La part que prend le département des travaux publics dans la dépense de ces routes s'élève presque toujours à 1/6 de la dépense totale, déduction faite des frais de projet, et il faut des circonstances bien graves pour qu'il se décide à faire une généreuse exception. Il me semble que cette part d'intervention ne devrait pas être déterminée, qu'elle devrait au contraire être basée sur l'utilité que présente la route à construire et sur les ressources des communes appelées à intervenir dans les frais de construction. Il arrive souvent que des communes pauvres sont obligées de supporter de grands sacrifices pour l'exécution de travaux d'art, pour expropriations de terrain, en un mot pour différents travaux exécutés en vue de l'intérêt général et nullement en vue de l'intérêt local.

(page 772) Ce serait bien là le cas de faire une exécution en leur faveur ; eh bien, le département des travaux publics ou plutôt l'ingénieur en chef de la province, appelé à donner son avis sur les demandes de crédits supplémentaires, a ordinairement une réponse toute prête pour toutes les communes.

Cette réponse, qui se fait parfois attendre plusieurs mois, indique qu'il n'y a pas lieu de prendre la demande en considération.

Il est arrivé que M. l'ingénieur en chef de la province de Hainaut, chargé de l'instruction d'une demande de crédit supplémentaire, ne s'est même pas donné la peine de parler des considérations que la commune faisait valoir pour justifier sa demande. Il n'a pas non plus tenu compte du rapport favorable fait par l'ingénieur qui s'était rendu sur les lieux ; il s'est tout simplement décidé, au bout de quelques mois, à faire connaître qu'il n'y avait pas lieu d'augmenter le subside accordé.

Ce n'est pas là, tant s'en faut, de la sollicitude pour l'industrie, et l'agriculture, et lorsque je vois traiter des intérêts bien dignes de la bienveillance du gouvernement avec aussi peu de soins, je suis tout disposé à me joindre à l'honorable M. de Macar et à l'honorable M. de Zerezo de Tejada, pour déclarer que les campagnes sont traitées moins favorablement que les villes.

Le gouvernement doit démontrer par des actes, et non par des paroles, qu'il veut propager le progrès dans les campagnes, il doit le vouloir par la construction de maisons d'école et par l'amélioration de la voirie vicinale.

J'engage vivement l'honorable ministre à proposer à la Chambre, dans la session prochaine, l'augmentation du chiffre de 800,000 fr., dont l'insuffisance est bien démontrée.

M. de Clercqµ. - Messieurs, les chemins de fer qui constituent, dans le budget en discussion, l'objet le plus important, attirent naturellement l'attention générale des membres de la législature. Les arrondissements que nous avons l'honneur de représenter sont tous, à divers degrés, intéressés à voir le service de ce mode principal de transport organisé, développé et exploité dans les conditions les plus favorables. A ce titre, l'arrondissement de Bruges, au nom de la justice distributive, peut faire valoir des réclamations ; j'aurai l'honneur, à mon tour, de présenter quelques considérations qui, par leur bien fondé, trouveront, j'aime à le croire, un accueil favorable près de l'honorable chef du département ministériel.

Le chemin de fer de l'Etat traverse par le milieu l'arrondissement de Bruges ; quatre stations s'y trouvent échelonnées, Bloemendael est la première.

Cette station a, depuis ces derniers temps, pris un développement très rapide. Si je reviens sur ce point, c'est qu'il est bon, je pense, d'insister avec mon honorable collègue de la gauche, et cet accord ne pourra ne pas avoir une influence sur la décision impartiale de l'honorable ministre. Je le répète donc, les recettes de la station de Bloemendael qui, en 1853, ne s'élevaient pas à 20,500 fr., ont donné pour l'année 1867 plus de 68,000 fr. Dans ce laps de temps, elles ont, par conséquent, plus que triplé.

C'est là une progression très remarquable ; elle s'explique par l'importance du mouvement commercial dont Bloemendael est devenu un véritable centre.

Des routes relient à cette station des communes d'une grande importance : Beernem, Oedelem, Wynghene, Saint-Georges, Knesselaere, Swevezeele et Ruddervoorde comptent ensemble une population d'environ 33,000 âmes ; ces localités sont agricoles et en partie sylvicoles ; leurs produits, tels que bétail, grain, beurre et bois, s'écoulent en notable proportion par la voie ferrée.

Par elle aussi y arrivent toutes les houilles quand la voie navigable se trouve interrompue ; le combustible y est amené encore partiellement en tout temps par chemin de fer, ainsi que les matériaux de construction que les besoins, grandissant avec le développement de la population, exigent.

On pourrait par comparaison dire, des agglomérations citées, qu'elles forment entre elles comme les divers quartiers d'une seule et même ville dont le point central du mouvement commercial serait Bloemendael. Eh bien, un centre de cette importance mériterait certes qu'on lui accordât toute facilité pour opérer le transport de ses produits et des denrées de l'échange dans les meilleures conditions possibles.

C'est l'objet d'importantes pétitions émanées des localités mentionnées tout à l'heure ; le dépôt sur le bureau de la Chambre, pendant cette discussion, en a été ordonné.

En somme, que réclame-t-on, messieurs ? Rien de bien extraordinaire, de bien frayeux, un agrandissement de la station dans des conditions très modestes, trop modestes à mon avis. Les terrains existent, le gouvernement les possède, il s'agit uniquement d'un simple remblai à effectuer sur les fossés, et le sable se trouve à cet effet pour ainsi dire à pied-d'œuvre.

Donc, un peu plus d'espace d'abord ; permettre d'arriver avec les produits divers, dont le bénéfice du transport doit vous échoir ; donner, en d'autres termes, le moyen d'augmenter vos bonnes recettes ; j'ajouterai : procurer un accès plus commode au magasin des marchandises ; quelques mètres de pavés pour avoir un chemin carrossable tout autour de ce bâtiment, enfin une clôture plus convenable, voilà tout ce que l'on demande. Convenons-en, messieurs, c'est être très raisonnable dans ses prétentions, et je ne doute pas que l'honorable ministre ne voudra pas l'être moins que les pétitionnaires.

La seconde station, Oostcamp, de création plus récente, voit aussi augmenter journellement son importance, et on l'a bien compris, en faisant droit à une demande d'une voie de garage pour les waggons de marchandises. Maintenant cette station se trouve dans des conditions de prospérité pouvant, d'ici à peu de temps, nécessiter la construction d'un magasin de dépôt. J'en dirai autant de la station de Jabbeke, à l'autre extrémité de l'arrondissement.

Bruges aurait plus raison de se plaindre ; là tout s'est fait lentement jusqu'à présent. Quand il s'est agi de travaux à exécuter par le département, on aurait presque dit qu'on n'y faisait travailler qu'à regret. Les terrains de l'agrandissement de la station étaient, il est vrai, en état, mais quant à mettre la main résolument à l'œuvre, on n'y songeait pas.

Aujourd'hui, je le reconnais, il règne plus d'activité ; mais qu'on prenne garde de faire les choses à demi et mal. Ainsi, plus de voie droite ; afin de ne pas toucher aux bâtiments de la station, on est forcé d'établir les voies en courbes. Les deux voies directes de Gand à Ostende traversant notre station s'enchevêtrent dans trois courbes successives, des excentriques et des plates-formes, les entrecoupent ; les manœuvres des trains devront s'effectuer en contre-pointe, c'est là une cause d'accidents et de déraillement plus multipliée.

Ainsi encore il est question de de placer le magasin des marchandises, mais le magasin existant à 1µ mètres entre les murs, le nouveau n'en aurait plus, paraît-il, que 11. Commencera-t-on bientôt cette construction ? Le magasin encombre la station actuelle, oblige à des manœuvres de trains continuelles, augmente les inconvénients, je dirai les dangers de toute heure que l'on court aux abords d'une station d'une situation aussi défectueuse. L'emplacement nouveau n'offre-t-il pas d'inconvénients, n'aurait-il pas mieux valu l'établir plus vers la gauche, sur les terrains des blanchisseries ? Les passages des trains avec entre voies de convenable largeur évitant les courbes dangereuses, nécessiteraient également le déplacement de la gare des voyageurs ; eh bien, au lieu de le faire, on a agrandi le vestibule, en le prenant sur le logement du chef de station.

Ce fonctionnaire, dont la présence, aussi permanente que raisonnablement on peut l'exiger, au centre de ses occupations, semble rationnelle, s'en trouve forcément éloigné ; l'administration a dû lui louer une habitation en ville : voilà ce que l'on a fait. Les bâtiments des bureaux et des salles d'attente, dont le déplacement a été résolu, vont-ils maintenant rester en leur place gênante et insuffisante, ou bien est-il question de faire occuper par les bâtiments de la gare la place se trouvant actuellement devant cette construction ?

Dans ce cas, on aurait renoncé au plan primitif, et il y a lieu de le supposer, puisque les magasins de marchandises vont, dit-on, être établis sur l'emplacement destiné aux bureaux et aux salles d'attente. Pourquoi ces changements ? L'administration locale a-t-elle été entendue, est-elle intervenue, est-ce sur ses instances ?

Bruges serait désireux de le savoir et, surtout si le changement au projet primitif est favorable, de le voir exécuter immédiatement, non l'ajourner indéfiniment. Bruges, ville de 30,000 âmes, ne pourrait-elle aspirer légitimement à une gare couverte, quand on voit des villes de bien moindre importance en posséder ? Toute la province, par diverses voies ferrées, vient y aboutir ; cinq voies, avec leurs ramifications respectives, mettent les diverses localités en communication directe et rapide avec le chef-lieu ; c'est un centre de plus d'un demi-million d'habitants et on le négligerait encore, on le laisserait végéter, réclamer en vain, on satisferait à demi, on payerait toujours en promesses ! Dès l'année 1865, on soumettait des plans à l'administration locale, il lui fut donné de les admirer sur papier ; depuis, tout semble remis en question : plus de déplacement des bâtiments. Bruges resterait-il dans le provisoire ? L'argent manque, dira-t-on, mais comment ? S'il manque, c'est d'abord par l'application d'un tarif très libéral, je le veux bien, mais de l'avis d'hommes aussi très compétents, il aurait fallu commencer par l'appliquer aux petites distances.

Le petit commerce, les gens de la campagne ne voyagent ni bien loin ni en touristes ; ils auraient, dans cet abaissement des prix, trouvé un (page 773) avantage ; il faut les favoriser d'abord, du moment que raisonnablement on ne peut demander l'application de l'un et l'autre barème. D'ailleurs, pour une dépense insignifiante en plus, on n'en viendra pas moins visiter notre joli pays. J

En outre, les trains dits de plaisir pourraient continuer à donner toute satisfaction à cet égard, en restant soumis à un tarif spécial. Si l'argent manque encore, c'est parce que le bénéfice réel que procurent à l'Etat ses chemins de fer sert partiellement à solder d'autres dépenses d'une utilité très contestée, dépenses que les budgets de la guerre, entre autres, exigent.

A qui s'en prendre ? Certes, la faute n'en rejaillit pas spécialement sur le département des travaux publics ; il ne demanderait pas mieux, je l'espère, que de pouvoir utiliser des ressources en améliorations profitables au public et aux chemins de fer eux-mêmes, par conséquent ; mais le budget des voies et moyens établit une solidarité de boni, de mali, entre tous les départements ministériels, le gouvernement n'a qu'une caisse, on y verse, on y puise ; si la création d'une caisse spéciale, dite des chemins de fer, était possible, elle serait très opportune et augmenterait dans une large mesure la prospérité de cette source de richesses pour le pays.

J'ai également l'honneur d'appeler l'attention de l'honorable chef du département sur la situation qui est faite aux télégraphistes ; ces employés ont des examens plus difficiles à passer, leurs connaissances doivent être plus étendues que celles d'autres employés.

Cependant, ils restent condamnés à l'immobilité avec un traitement de 1,200 francs, du moment que le personnel des commis de deuxième classe est au complet. Peut-être y aurait-il là quelque chose à faire, en tenant compte de l'axiome : A chacun selon sa capacité, à chaque capacité selon ses œuvres, de manière à maintenir, dans les différentes catégories d'employées, l'émulation dans le devoir par le stimulant d'un avancement mérité, ou une augmentation de traitement justifiée par les services.

J'ai l'honneur de demander à l'honorable ministre s'il ne pourrait pas mettre toutes les stations sur la même ligne par l'établissement des bureaux télégraphiques. Tronchiennes, station voisine de Gand, importante par le mouvement des voyageurs, en est encore privée jusqu'aujourd'hui.

Ne conviendrait-il pas de créer des perceptions télégraphiques, maintenant que, par l'abaissement de la taxe des dépêches, les correspondances sont devenues si nombreuses, dans certaines localités ?

Puisque j'ai la parole, j'aurais encore à signaler à l'honorable ministre l'état déplorable du canal de Gand à Bruges ; les travaux malencontreux de l'approfondissement de cette voie navigable l'ont en partie gâtés. Approfondie sans élargissement correspondant, des atterrissements ne cessent de se former dans son lit. Un crédit est porté au budget, sera-t-il suffisant ? Il importe. Je crains qu'il ne soit nécessaire d'y pourvoir dans l'avenir. On aurait dû se contenter de dévaser le canal. Gand, relié à la mer par Terneuzen, n'a que faire du canal d'Ostende pour amener à ses quais les navires en destination de son port ; le canal de Bruges ne doit servir qu'à la navigation des bateaux de l'intérieur ; et, dans le fait, il s'opère ainsi un trafic des plus considérables, intéressant à juste titre les riverains et digne de la sollicitude entière du gouvernement. Mais, ce qui eût été, à mon humble sentiment, plus profitable, non seulement à l'arrondissement, mais au pays entier, c'était la création d'un plus vaste port à Blankenberghe, relié à Bruges par un canal dont le creusement était d'autant plus facile, qu'on pouvait utiliser une voie navigable déjà existante. Il suffisait de l'élargir et d'en baisser le plafond convenablement pour permettre l'arrivée à Bruges des navires d'un fort tirant d'eau.

Notre pays n'est pas si riche en côtes qu'il faille négliger un point, d'ailleurs exceptionnellement favorable, pour l'établissement d'un port sûr par tous les temps et dont l'ensablement ne serait pas à craindre.

Alors les capitaux pouvant dorénavant prendre une autre direction, on aurait, non pas rendu à Bruges ses privilèges d'autrefois, mais on lui aurait procuré uniquement des moyens que sa situation admirable indique et les fruits auraient amplement compensé l'argent dépensé, à mon avis, très utilement.

Ne désespérons pas de l'avenir.

Mais ce qui ne peut être laissé à l'avenir, et c'est par là que je termine, ce sont les travaux de défense des côtes. Dernièrement l'honorable M. de Vrière vient de le dire, il est inutile de s'étendre davantage à ce sujet, la régie d'une wateringue, dans une lettre à l'honorable ministre, signalait les dangers du sursis ; il n'est pas à ma connaissance qu'une réponse ait été faite à cette missive. Je ne pense pas que le gouvernement puisse avoir l'intention de ralentir des travaux aussi impérieusement commandés par la nature des choses. A cet égard, il y aurait vrai péril en la demeure ; plus grande sera l'activité imprimée à l'exécution complète, plus aussi ce travail exécuté se trouvera-t-il dans des conditions de durée plus réelle et indispensable à la conservation de l'un des sols les plus fertiles de la province et même du pays.

J'appelle la bienveillante attention de l'honorable ministre sur les différents points dont j'ai entretenu la Chambre. J'ose croire qu'il pourra y faire droit dans un bref délai.

- La séance est levée à cinq heures.