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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 11 juin 1869

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1868-1869)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1089) M. Reynaert, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

Il donne ensuite lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dethuin, secrétaireµ, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre :

« Les sieurs Eug. Bernard et F.-G. Jacobs, demeurant à Namur, nés l'un à Oenen, l'autre à Maestricht, demandent la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Les membres du conseil communal de Gerdingen prient la Chambre d'autoriser la construction d'un chemin de fer d'Anvers à Düsseldorf, par Gladbach, sous la condition du maintien du tracé adopté en 1845, sauf, si, une modification était jugée nécessaire, à la faire porter sur la partie du tracé partant de Brée vers la frontière néerlandaise, dans la direction de Brée vers Maeseyck au lieu de Neeritter. »

- Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.


« Le sieur Medard Colman, capitaine de la garde civique de Hamme, déclare qu'il n'est pas l'auteur de la pétition adressée sous son nom à la Chambre et ayant pour objet l'organisation du service actif de sa compagnie. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Humble présente des observations contre le projet de loi qui supprime le dépôt de mendicité de Reckheim. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Le sieur De Breuck, concierge-messager au palais de justice à Bruges, demande une pension de retraite. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Willems prie la Chambre de prendre des mesures pour sauvegarder les droits de la presse, compromis par un arrêt de la cour d'assises de Gand, dans son interprétation de l'article 451 du code pénal. »

« Même demande de journalistes à Bruxelles, à Liège, à Lierre. »

- Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.


« M. le ministre de la justice transmet avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation ordinaire du sieur Ensch (D.-C.). »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Par message en date du 10 juin, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion aux projets de loi :

« 1° Contenant le budget de la dette publique pour 1870 ;

« 2° Qui alloue au département des travaux publics des crédits spéciaux à concurrence de 6,653,000 francs ;

« 3° Contenant le budget du ministère de la justice pour l'exercice 1870 ;

« 4° Qui ouvre au département de la guerre un crédit de 5,987 fr. 19 c. pour le payement d'une créance arriérée ;

« 5° Contenant le budget du ministère des finances pour l'exercice 1870 ;

« 6° Qui alloue au département des affaires étrangères un crédit spécial de 625,000 francs pour la construction d'un steamer ;

« 7° Concernant les indemnités pour les voitures de transport requises pour les troupes en marche et pour diverses prestations militaires.

« 8° Qui alloue des crédits supplémentaires aux budgets du ministère de la justice pour les exercices 1868-1869 ;

« 9° Qui autorise le remboursement des titres de l'emprunt de 30,000,000 à 4 p. c. et qui modifie, le régime relatif à ramollissement des dette à 4 1/2 p. c ;

« 10° Qui autorise : 1° la concession d'un chemin de fer des plateaux de Herve et d'un chemin de fer de Welkenraedt à la frontière de Prusse ; 2° la prorogation des délais pour l'achèvement du chemin de fer Hesbaye-Condroz.

- Pris pour notification.

Proposition de loi sur le domicile de secours

Lecture

MpDµ. - Les sections ont autorisé la lecture de la proposition suivante déposée hier par notre honorable collègue M. Kervyn de Lettenhove.

« Des secours à donner aux indigents en cas de nécessité

« 1° Le secours est donné à l'indigent dans la commune où se produit le cas de nécessité, sauf, s'il y a lieu, le recours de cette commune contre celle du domicile de secours.

« 2° Le recours contre la commune du domicile de secours n'a lieu que lorsque la nécessité du secours résulte de maladies, d'infirmités ou de défaut d'alimentation.

« 3° Le domicile de secours s'établit par une année de résidence continue.

« Dans le cas où l'indigent n'a pas résidé pendant une année continue dans la commune où se produit la nécessité du secours, la charge sera supportée par la dernière commune où il aura résidé pendant une année continue.

« Néanmoins, dans aucun cas, cette charge ne devra être supportée par une commune que l'indigent aurait quittée depuis trois ans révolus.

« Si pendant les trois dernières années l'indigent n'a eu dans aucune commune une résidence continue d'un an, la charge du secours sera supportée, moitié par la commune où le secours est donné, moitié par celle où il a résidé en dernier lieu.

« Si l'on ne peut constater aucune autre résidence de l'indigent que celle dans la commune où le secours est donné, celle-ci en supporte seule la charge.

« 4° Si la nécessité du secours résulte d'accidents indépendants de la volonté de l'indigent, la charge du secours sera supportée en entier par la commune où l'accident aura lieu.

« 5° Si la nécessité du secours résulte du fait d'aliénation mentale, la charge en sera supportée par la province où l'aliéné a son domicile de secours conformément aux règles établies par l'article 3.

« 6° La charge du secours donné à l'indigent étranger non admis à fixer son domicile en Belgique est supportée par l'Etat.

« L'indigent étranger admis à fixer son domicile en Belgique est assimilé au régnicole.

« 7° Les enfants trouvés sont secourus par la commune sur le territoire de laquelle ils ont été abandonnés.

« 8° L'enfant mineur non émancipé a le même domicile de secours que ses parents.

« 9° Sont abrogés les articles 1, 2, 3 (paragraphes 1 et 3), 4, 5, 7, 8, 9, 10, 12, 25 et 26 de la loi du 18 février 1845.

« (Signé :) Kervyn de Lettenhove. »

MpDµ. - Quel jour l'honorable M. Kervyn entend-il développer sa proposition ?

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - Je suis entièrement aux ordres de la Chambre ; je présenterai ces développements soit ce soir, soit demain, soit la semaine prochaine.

- La Chambre décide que M. Kervyn de Lettenhove développera sa proposition mardi prochain.

Pièces adressées à la chambre

MiPµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le sixième rapport triennal sur la situation de l'enseignement supérieur en Belgique.

- Impression et distribution.

Rapport sur des demandes en naturalisation

M. Hymansµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau un rapport sur diverses demandes de naturalisation ordinaire.

Projet de loi sur la milice

Discussion des articles

Chapitre IV. Des exemptions des dispenses d’incorporation et des exclusions

Article 23bis

M. de Haerneµ. - Messieurs, plusieurs orateurs ont traité la question au point de vue des principes généraux. Inutile de répéter les arguments décisifs de MM. Thonissen, Dumortier, Delcour. Je m'attacherai surtout à certains faits.

Disons d'abord qu'on ne voit nulle part les ministres des cultes dans les armées.

L'incompatibilité morale a été comprise partout. Pour les ecclésiastiques catholiques, le droit canon leur défend le service militaire. Il faut respecter au moins ce fait ; car impossible de (page 1090) faire servir celui qui, étant obligé d'attaquer l'ennemi, ne peut pas, en conscience, tirer un coup de fusil. Un tel soldat n'est pas seulement nul ; il est un obstacle. Aussi, dans la dernière guerre, les Américains ont exempté les ministres des cultes et les quakers.

Il n'y a jamais eu, messieurs, une nation sans culte ni sans clergé. Il faut donc que la nation assure d'une manière quelconque l'existence du clergé.

C'est ce qu'a compris le Congrès, et plus tard, on n'a pas marchandé pour rétribuer les divers clergés d'après leurs besoins respectifs.

Ainsi le ministère catholique a confirmé en 1836 les arrêtés de 1816 et 1820 sur la matière. D'après ces instructions, il revient en moyenne à un ministre protestant 3,057 francs, plus du triple de la moyenne attribuée au prêtre catholique. Je ne critique pas ces dispositions ; on a agi d'après les besoins des pasteurs généralement pères de famille. Mais en vertu du même principe, on doit agir selon les besoins du clergé catholique et le dispenser de la milice, comme d'ailleurs les ministres protestants et ceux qui se préparent au ministère protestant en sont exemples. Il y a de plus, pour les enfants de pasteurs protestants, des gratifications qui seraient plus que suffisantes pour couvrir les frais de remplacement, comme je le démontrerai tout à l'heure. Ce sont ces gratifications qui constituent les avantages dont il était question dans le projet de Constitution et qui ont été maintenues par arrêté, quoique supprimées dans le texte de la Constitution.

Cette suppression se rapportait au clergé protestant.

Mais voyons d'abord d'où nous viennent, les dispositions sur la matière. Elles sont générales, comme l'a fait voir l'honorable M. Delcour. La France, entre autres, s'est montrée très large à cet égard.

Ainsi, la loi du 22 mars 1831 sur la garde nationale porte :

« Art. 12. ne sont pas appelés au service de la garde nationale : 1° les ecclésiastiques engagés dans les ordres, les ministres des différents cultes, les élèves des grands séminaires et facultés de théologie. »

Ce dernier terme est général et comprend par conséquent les facultés des ordres réguliers comme celles des protestants et des israélites qui n'ont pas de privilège en France, comme on veut qu'ils en aient en Belgique.

Je rends hommage aux intentions de M. le ministre de l'intérieur, qui ne compte, a-t-il dit, que trois novices réguliers par an qui aient obtenu la dispense de la milice. Mais, à ce titre, il n'y aurait eu, pendant trente-neuf ans, que cent dix-sept réguliers admis à la dispense, et dans ce cas, il ne valait pas la peine de faire un amendement contre eux : c'est tomber dans l'excès contraire à celui où est tombé M. Bricoult. Restons dans le vrai ; mais soyons justes.

Avant 1830, il n'y avait pas de prêtres réguliers en Belgique, dit encore M. Pirmez. J'ai connu alors des augustins, des carmes, des dominicains, des récollets, des capucins à Gand, a Bruges, à Ypres et à Thielt.

M. le ministre n'admet pas l'opinion de M. Delcour sur le recrutement en France.

Je n'ai pas pu vérifier le texte de la loi française, mais d'après le traité de droit canon de l'abbé André, la loi de recrutement de l'armée admet le même principe de dispense que celle sur la garde nationale. Voici comment s'énonce cet auteur d'après les lois de 1818, de 1832 et de 1844 :

« Seront considérés comme ayant satisfait à l'appel, et comptés numériquement, en déduction du contingent à former, les jeunes gens désignés par leur numéro, qui se trouvent dans l'un des cas suivants :

« 6. Les élèves des grands séminaires, régulièrement autorisés à continuer leurs études ecclésiastiques ; les élèves des écoles secondaires ecclésiastiques, désignés par les archevêques et évêques, et qui auront été portés pendant trois ans sur les listes transmises annuellement à cet effet au ministre des cultes (ceci regarde les novices des ordres religieux aussi bien que les élèves de collèges aspirant au sacerdoce) ; les jeunes gens autorisés à continuer leurs études, pour se vouer au ministère dans les autres cultes salariés par l'Etat, sous la condition qu'ils seront assujettis au service militaire pendant tout le temps fixé par l'article 33 ci-après, s'ils cessent de suivre la carrière en vue de laquelle ils auront été comptés numériquement dans le contingent, ou, si, à vingt-six ans, les premiers ne sont pas entrés dans les ordres majeurs, et les seconds n'ont pas reçu la consécration. Ceux qui auront perdu le bénéfice de la dispense prévue par le présent paragraphe ne pourront néanmoins être retenus au service que jusqu'à l'âge de 30 ans révolus. »

On a compris en France que pour rendre la dispense sérieuse, on doit l'étendre aux dernières études préparatoires à la théologie.

Tels sont les précédents dans la matière en France, et il en est de même ailleurs.

Si le gouvernement voulait se charger du remplacement des jeunes gens qui se préparent au ministère catholique, il pourrait le faire au moyen d'une gratification semblable à celle dont jouissent les enfants des pasteurs protestants, et à laquelle je viens de faire allusion.

D'après les arrêtés que j'ai cités tout à l'heure, il est alloué annuellement :

1° A chaque enfant de pasteur protestant 25 florins des Pays-Bas, jusqu'à l’âge de 21 ans. (arrêté royal de 1816, 1er août, Recueil des circulaires, etc., tome premier, p. 589.)

MiPµ. - Où cela donc ?

M. de Haerneµ. - En Belgique, je pourrais vous citer les personnes.

2° En outre, à chaque enfant de pasteur étudiant le latin 25 florins des Pays-Bas pour un terme de 6 ans.

3° Le fonds académique pour chaque élève en théologie protestante est porté à 200 florins, par arrêté du 15 novembre 1820. (Ibid., t. II, p. 262.)

Ces dispositions ont été confirmées en 1836. En ne comptant que la première espèce de gratification, les pensions d'enfants, et en admettant qu'un pasteur, en moyenne, a deux enfants qui atteignent l'âge de 21 ans, on trouve pour chaque pasteur une gratification une fois donnée de plus de 2,000 fr., somme plus que suffisante pour payer un remplaçant, dont du reste il n'a pas besoin, puisque la dispense du service militaire est accordée à ceux qui aspirent au ministère ecclésiastique, soit protestant soit catholique ; mais cela tiendrait lieu des frais de remplacement, si l'exemption était révoquée. C'est un grand avantage.

Messieurs, si la faveur surérogatoire accordée aux enfants des pasteurs protestants, à raison de leurs charges de famille, était étendue à chaque prêtre catholique à raison de la famille spirituelle, par laquelle il doit se perpétuer dans le ministère sacré, ce ne serait que justice. Les séminaristes sont les enfants spirituels des prêtres. Donc, dans tous les cas, l'Etat pour être juste, devrait pourvoir au remplacement des prêtres catholiques, en appliquant à ceux qui se préparent aux études ecclésiastiques la pension dont jouissent les ministres protestants pour leurs enfants.

A ceux qui distinguent, dans cette question, entre le clergé régulier et le clergé séculier, je demanderai si tous les fils de pasteurs protestants qui étudient la théologie entrent dans le ministère ecclésiastique ; je demanderai si tous ceux qui étudient le latin s'y destinent ; et cependant les premiers reçoivent une bourse de 200 fl., les seconds une bourse de 25 fl. ; je demanderai enfin si les filles des pasteurs ne sont pas élevées dans des établissements privés et si la pension qu'on accorde de ce chef aux pasteurs ne pourrait pas être également accordée aux lévites des ordres religieux, en conservant le statu quo pour les pasteurs ? Ainsi, dispense pour les réguliers ou remplacement aux frais du gouvernement.

Ainsi, messieurs, on ne peut pas distinguer, avec M. Pirmez, entre les prêtres réguliers et séculiers, quant à la dispense de la milice. Il arrive, d'ailleurs, souvent que des séminaristes entrent dans l'un ou l'autre ordre religieux et que des novices de ces ordres entrent dans le sacerdoce séculier. Les prêtres séculiers et les réguliers se confondent souvent aussi dans le ministère, comme l'a démontré M. Delcour. C'est entraver les vocations que d'établir des distinctions dans cette matière comme le fait le ministère. C'est violer la liberté des cultes garantie par la Constitution.

Le gouvernement belge l'a compris parfaitement, comme le gouvernement français. Les lois françaises que j'ai citées tout à l'heure le prouvent quant au second. Mais si l'on accorde d'un côté aux deux catégories d'ecclésiastiques la même faveur, on les prive aussi de l'autre sans distinction, les uns et les autres, de certains avantages, tant en France qu'en Belgique.

C'est ce que vous a très bien démontré M. Delcour, quant à la Belgique. Quant à la France, la loi sur l'organisation municipale porte :

« Art. 6. Ne pourront être ni maires ni adjoints.

« 6° Les ministres des cultes. »

C'est dans le même esprit que sont conçues nos lois communale et provinciale, etc. Rien de plus formel que le texte de ces lois. La première statue :

« Art. 49. Ne peuvent être ni bourgmestre ni échevin :

« 3° Les ministres des cultes. »

Et notre loi provinciale porte :

« Art. 97. Ne peuvent être membres des députations permanentes :

« 2° Les ministres des cultes. »

Vous voyez, messieurs, qu'on ne distingue pas entre les clergés régulier et séculier, dans l'exclusion dont il s'agit.

Pour la même raison on n'a pas pu distinguer et l'on ne saurait distinguer sans injustice, quand il s'agit de la faveur de l'exemption.

Je n'ajouterai qu'un mot à ce qu'a si bien dit M. Delcour à ce sujet.

(page 1091) Il y a ici un système de compensation, dont on a parlé a propos des discussions des susdites lois ; et c'est par cette considération qu'on a répondu à ceux qui soutenaient qu'on ne pouvait exclure les prêtres des fonctions dont il s'agit, sans violer la liberté, qui est égale pour tous.

On leur a dit : Si l'on impose une privation d'un côté au clergé, tant régulier que séculier, on lui accorde une faveur, de l'autre, savoir la dispense en matière de milice. Il y a compensation, la justice retrouve ici sa balance.

Il a déjà été dit qu'on avait exempté les quakers en Amérique. Mais les quakers ne rendent certainement pas de services à la société, comme les ordres religieux. Les dispenses chez nous sont fondées sur l'intérêt social, résultant des services rendus.

Ainsi à Bruxelles comme dans bien d'autres localités, la population a presque doublé depuis 1830, et cependant le nombre des paroisses ou est resté le même ou ne s'est certainement pas accru dans la même proportion. Il est prouvé que, dans certaines localités, sans les prêtres réguliers, un cinquième ou un quart de la population ne pourrait pas remplir ses devoirs religieux le dimanche. Dans quelle dépense ne serait-on pas entraîné s'il fallait construire des églises paroissiales et y organiser le service d'après les besoins du culte, sans tenir compte des églises et chapelles des communautés religieuses ?

On a dit avant-hier : Si les paroisses font défaut, on peut en ériger de nouvelles. Ceux qui parlent ainsi ne connaissent pas les difficultés, tant locales que gouvernementales, qui s'opposent généralement à la création de paroisses. Je n'ai réussi que pour une seule, celle de Saint-Louis à Deerlyk, arrondissement de Courtrai ; et un évêque, à qui je racontais mon succès, me répondit : Vous êtes plus heureux que moi, je n'ai jamais obtenu l'érection d'une seule paroisse.

MiPµ. - C'était le lendemain du jour où on l'avait nommé.

M. de Haerneµ. - Pensez-vous que j'avance des faits à la légère ?

Dans tous les cas, je réponds à l'interruption de M. le ministre de l'intérieur en lui disant que l'expérience nous apprend que la constitution de paroisses nouvelles entraîne des lenteurs incroyables, non seulement de la part du gouvernement, mais encore de la part de certaines autorités locales, et par suite des divers intérêts qui sont toujours engagés dans ces questions.

Je le répète, ces affaires traînent toujours pendant un grand nombre d'années et en attendant le service religieux est en souffrance.

M. Ortsµ. - On a considérablement augmenté le nombre des vicaires.

M. de Haerneµ. - Mais pas en proportion des besoins ; les églises paroissiales surtout ne sont pas en rapport, dans beaucoup d'endroits, avec l'augmentation de la population. Beaucoup d'églises sont devenues trop petites.

Il faut donc un clergé régulier pour combler ces lacunes là où elles se présentent et pour répondre ainsi aux besoins religieux des populations. Il est certain que les paroisses nouvelles ne sont pas du tout en rapport avec l'accroissement de la population dans un grand nombre de localités.

Les religieux ont prouvé chez nous plus qu'ailleurs par le fait, qu'ils sont un auxiliaire indispensable du clergé séculier. C'est ainsi qu'ils ont toujours été considérés dans l'Eglise. Ils constituent la réserve de la milice spirituelle ou le corps de réserve prêt à agir au moment donné. Un clergé sans cet auxiliaire serait comme une armée active sans réserve.

Quels services ne rendent pas, sans jouir d'aucun traitement, les prêtres réguliers pour les confessions, la prédication, l'administration des sacrements aux malades, qui souvent les réclament ? Dans les missions, à certaines fêtes patronales ou autres, où il y a un grand concours de fidèles, le clergé paroissial est tout à fait insuffisant, tant pour la prédication que pour les confessions.

Vous parlerai-je de la préférence que donnent souvent les parents à certains ordres religieux pour l'éducation de leurs enfants ? A ne considérer ce service qu'au point de vue de l'intérêt matériel du pays, on ne saurait en méconnaître l'importance, lorsqu'on se rappelle que, sous l'ancien gouvernement des Pays-Bas, une foule de jeunes gens étaient envoyés en France, en Suisse, en Angleterre, pour y faire leurs études. Ils faisaient ainsi à l'étranger une dépense, dont le pays profite aujourd'hui, et le patriotisme, y gagne indubitablement aussi.

J'ajouterai, messieurs, que l'intérêt matériel du pays a été pris en considération par le législateur belge dans les arrêtés relatifs à la rétribution des ministres des cultes. C'est ainsi qu'on accorde à huit ministres anglicans, qui sont étrangers, un traitement de 2,350 francs en moyenne pour le service de leurs coreligionnaires, étrangers comme eux ; mais on le fait en considération des avantages matériels qu'ils apportent au pays, surtout par les dépenses qu'ils y font.

Dans le même ordre d'idées, on devrait faire au moins ce qui est raisonnable pour retenir dans le pays les jeunes gens belges qui iraient porter leur argent à l'étranger pour y faire leur éducation, s'ils ne trouvaient chez nous les maîtres que leurs parents préfèrent.

C'est un besoin qu'on ne devrait pas méconnaître, pas plus que celui qui nous fait rétribuer les ministres anglicans, qui toutefois, je me plais à le reconnaître, ne touchent rien pour leurs enfants, parce que ceux-ci reçoivent l'instruction nécessaire dans les établissements, qui leur sont ouverts en Angleterre.

J'ai entendu dire : Les jésuites sont assez riches pour subvenir à cette dépense, en ce qui concerne le remplacement de leurs novices ! Je demanderai si l'Eglise anglicane n'est pas assez riche pour rétribuer ses ministres qui fonctionnent à l'étranger, elle qui en entretient tant et si richement, malgré l'absentéisme, dont souvent en Angleterre ils ne se font pas scrupule.

Cette distinction entre le clergé anglican et le clergé protestant fait voir, messieurs, que. le législateur belge, tout en se montrant généreux, a tenu compte des besoins des divers ministres de cultes. Je ne demande pas qu'on révoque ces faveurs ; mais on doit, pour être conséquent, prendre au moins également en considération les besoins du clergé régulier dans ses rapports avec l'intérêt matériel et même national qui se rattache à l'éducation des enfants du pays.

Disons un mot de l'armée dans ses rapports avec le sacerdoce.

Les prêtres, tant réguliers que séculiers ne sont pas inutiles pour l'état militaire. Ceux qui savent ce qui se passe dans cet état, ne me désavoueront pas. Les ecclésiastiques rendent des services dans les hôpitaux militaires, dans les prisons militaires, dans les ambulances, sur le champ de bataille. Le gouvernement a reconnu ces services en décernant la croix de Léopold à plusieurs d'entre eux.

Un prêtre entre autres a été décoré pour avoir porté les consolations religieuses aux blessés, en affrontant les balles, à Risquons-Tout ; un autre pour avoir fait preuve d'un dévouement extraordinaire à l'hôpital militaire d'Ostende, à l'époque où y sévissait l'épidémie cholérique.

Je pourrais nommer ces ecclésiastiques et d'autres encore qui se sont distingués de la même manière ; mais je blesserais la modestie de ceux qui sont encore en vie ; et ceux qui sont morts ont reçu, nous en avons la confiance, outre les honneurs du gouvernement, une distinction d'un ordre supérieur à tout ordre civil ou militaire, et dont l'idée seule les soutenait dans l'accomplissement de leur noble mission. Si, comme on le disait avant-hier, la place de desservant n'est pas si tentante, pour engager les jeunes gens de famille à entrer dans l'état ecclésiastique, il y a, messieurs, une plus noble perspective, qui les y attire, c'est celle qui conduit nos religieux et nos religieuses au chevet des malades et des moribonds, dans les hôpitaux où l'air infect, qu'on y respire du matin au soir, ne trouve de correctif que dans l'atmosphère religieuse qui y règne. C'est là le vrai mobile qui décide de la vocation d'un religieux ou d'un prêtre digne de ce nom. C'est aussi ce qui engage le clergé à se rendre utile à l'armée ; le clergé, soit régulier, soit séculier, ne veut pas s'isoler de l'armée ; tout au contraire, il cherche à partager les dangers et le dévouement de nos braves soldats, ses chers compatriotes, non pas en portant le fusil dans leurs rangs, ce que lui défend son devoir, mais en se plaçant à côté d'eux dans les combats pour leur prodiguer les secours spirituels et les encouragements religieux, qui redoublent la valeur des combattants ; le clergé aime aussi à se confondre avec les soldats en les moralisant dans les prisons et les hôpitaux, ce qui les rend meilleurs, je le sais par expérience personnelle comme ancien aumônier de l'hôpital militaire de Bruges. C'est là aussi que j'ai constaté, en 1830, que les soins religieux qu'on leur donne les rendent plus propres au service militaire en face de l'ennemi. En temps de guerre, les réguliers qui ne sont pas attachés à une église particulière peuvent suivre les troupes partout, comme l'ont fait nos capucins, entre autres, dans la révolution brabançonne, et plusieurs religieux dans la dernière guerre d'Amérique.

Voilà le rôle du clergé ; c'est à l'hôpital, dans la prison, dans les ambulances, sur le champ de bataille, au milieu des blessés, qu'il doit faire preuve de courage, comme dans l'accomplissement de ses devoirs religieux en général. Pour qu'il puisse suffire à cette tâche, le législateur doit respecter la position qui lui est faite par les lois de l'Eglise, communes aux prêtres séculiers et réguliers, et ne pas les astreindre au service militaire, très honorable sans doute en lui-même, mais incompatible avec le caractère sacerdotal et avec la liberté religieuse garantie par la Constitution.

Messieurs, un dernier mot : lorsque vous avez réglé les traitements des ministres protestants, vous avez voulu les établir loyalement en les mettant en rapport avec les besoins ; vous avez cru que la justice est la compagne (page 1092) nécessaire, la sœur de la liberté. Vous agirez de même envers le clergé de l’immense majorité des Belges, et vous ne permettrez pas qu'on fasse une nouvelle application d'un mot célèbre dans l'histoire parlementaire : Vous voulez être libres et vous ne savez pas être justes !

MpDµ. - La parole est à M. Rogier pour un fait personnel.

M. Rogierµ. - Messieurs, ayant entendu invoquer mon nom et mes opinions dans cette discussion, j'ai cru devoir demander la parole pour un fait personnel ; mais pour être sincère je dirai que je crains de m'étendre un peu au delà des limites du fait personnel ; je réclame donc l'indulgence de la Chambre et de M. le président.

Messieurs, on a fait un appel aux souvenirs et aux principes d'une époque déjà loin de nous, mais qui reste toujours vivante au fond du cœur de ceux qui ont eu l'honneur d'y jouer un rôle. On a dit que le Congrès aurait repoussé les principes qui ont été défendus par quelques-uns de mes honorables amis.

Je ne suis pas tout à fait de cette opinion ; je crois que, si au sein du Congrès on avait agité en principe la question d'une exemption du service militaire, en faveur d'une classe quelconque de citoyens, la majorité du Congrès se serait prononcée pour l'égalité absolue. Pas de privilège pour personne : voilà, je pense, quel était l'esprit du Congrès.

M. de Theuxµ. - Je demande la parole.

M. Rogierµ. - Si je ne me trompe, l'honorable orateur qui vient de se rasseoir et qui a occupé une place marquée dans le Congrès, aurait été de cette opinion.

Pour établir l'opinion contraire on a invoqué un décret du Congrès relatif à la garde civique.

Le 31 décembre 1830, sur ma proposition, le Congrès vota en effet d'urgence ce décret en une séance de nuit. Ce décret, il est vrai, exemple du service de la garde civique les ministres des cultes et les élèves en théologie dans les séminaires ; cette disposition a été adoptée sans discussion. Le service de la garde civique étant déclaré personnel et obligatoire, nul n'a songé alors pas plus qu'aujourd'hui à forcer les ministres d'un culte quelconque à venir figurer dans les rangs de la garde civique.

Le 18 janvier 1831, fut voté un second décret organisant le premier ban de la garde civique, qui maintint cette exemption tout en admettant, cette fois, la faculté du remplacement.

Cela n'empêche pas que si la question de privilège, en matière de charges militaires, avait été posée, en principe, au sein du Congrès, elle aurait été résolue négativement. Tel est mon sentiment.

Nous étions alors, messieurs, à une époque d'épanouissement national, de haute impartialité politique, où les principes étaient à la fois largement posés et compris, et strictement appliqués.

C'était le bon temps. C'était ce temps où l'on voyait des membres éminents du parti catholique, des membres éminents du clergé venir réclamer l'intervention protectrice du Congrès en faveur de je ne sais quel prédicateur d'une religion nouvelle auquel le peuple voulait porter insulte au sein de Bruxelles. C'était l'honorable abbé Andries qui, accompagné de l'honorable M. Vilain XIIII, venait protester au sein du Congrès contre la violence, qu'on tentait d'exercer à l'égard du prédicateur d'un nouveau culte.

M. de Haerneµ. - Il s'agissait de réprimer une émeute.

M. Rogierµ. - Il n'y avait pas d'émeute, et je crois que l'honorable abbé de Haerne se serait joint volontiers alors à l'abbé Andries.

M. de Haerneµ. - C'était mon ami et il l'est encore.

M. Rogierµ. - Je vous en félicite et je désire que tous les ecclésiastiques soient restés animés du même esprit.

M. de Haerneµ. - Je le répète : il s'agissait de réprimer une émeute. On voulait sauver la tête de M. de Potter.

M. Rogierµ. - Il n'y avait pas d'émeute, et d'ailleurs n'auriez-vous pas été disposé à protéger, même s'il n'y avait pas eu d'émeute, la liberté du prédicateur ? Mais laissez-moi croire que vous protégeriez en tous cas la liberté d'un culte quelconque contre les violences. Il ne faut pas renier de pareils antécédents ; ils sont honorables.

Pour en finir avec les décrets du Congrès de 1830 et 1831, sur la garde civique, je remarquerai qu'ils n'exemptent que les élèves en théologie dans les séminaires.

Vient l'année 1833, et c'est ici qu'arrive plus directement le fait personnel.

Le 2 mars 1833, étant ministre de l'intérieur, je vins déposer, revêtu de la signature royale, un projet de loi sur la réforme de la milice, et dans l'exposé des motifs très court qui l'accompagnait, je disais que le projet supprimait toutes les exemptions, tant celles en faveur du clergé que les autres.

Les motifs, je le reconnais, n'étaient pas très développés, tant la chose me paraissait simple. Je disais seulement que des membres du clergé approuvaient cette suppression, et j'avais des motifs de le dire. Si je ne craignais de commettre une indiscrétion, après un grand nombre d'années peut-être les souvenirs ont échappé à ceux dont je citerais les noms, je dirais que je n'aurais pas besoin de sortir de cette Chambre pour citer quelqu'un qui ne siège pas sur les bancs de la gauche, et qui trouvait qu'il était injuste de maintenir un privilège en faveur des ministres des cultes.

Messieurs, je ne le nierai pas, ce projet causa une certaine surprise, une certaine émotion ; il ne fut plus question dans la presse, pendant quelque temps, que des soldats Rogier ; or, il n'était pas question de supprimer le remplacement et d'imposer le service personnel.

Je dois reconnaître que le projet rencontra une assez forte opposition. Ce n'est pas qu'on me supposât des sentiments hostiles au clergé, ou à la religion ; nous étions à une époque de confiance mutuelle, c'était l'union libérale et catholique qui régnait et gouvernait ; le ministère n'était pas attaqué comme ministère antireligieux ; ce n'était pas au nom du libéralisme que la proposition était faite, c’était au nom des principes d'égalité consacrés par la Constitution.

Il y avait si peu d'hostilité dans le cabinet contre le clergé que, quatre mois auparavant, à l'époque de sa formation, il avait voulu s'associer M. Brabant comme ministre des finances ; et M. Brabant avait puisé les motifs de son refus non pas dans une incompatibilité de principes, mais dans une sorte de timidité qui le tenait éloigné de la direction des affaires publiques.

Nous comptions d'ailleurs dans le cabinet M. Félix de Mérode. On ne peut donc pas attribuer au projet de loi une origine anticatholique, anti-prêtre.

Eh bien, messieurs, je dois le dire, les sentiments que je professais alors, je les conserve. Je ne nourris point de petite ou de grande hostilité contre le clergé. Je l'ai combattu dans l'opposition, je lui ai résisté, au pouvoir, lorsque je croyais qu'il sortait de ses attributions ; mais les ministres des cultes dans le cercle de leurs attributions et dans l'exercice de leurs fonctions, je les respecte et je croirais indigne de moi de vouloir susciter à cette classe respectable de citoyens des tracasseries indignes d'un pays libre.

Mais s'agit-il de persécuter le clergé ? Oh ! je le sais, les auteurs des amendements sont signalés comme des ennemis du clergé, comme voulant renverser les temples et anéantir la religion ; c'est une accusation injurieuse autant qu'injuste.

On a dit aussi : C'est une question sociale, c'est une nécessité sociale qui nous force, à quoi ? A demander l'exemption du service militaire en faveur des jeunes gens qui se destinent à l'état ecclésiastique.

Mais s'il y a une nécessité sociale, s'il y a un intérêt suprême à sauvegarder, ne reculez pas devant le sacrifice relativement faible et le moyen facile qui se présente tout naturellement pour atteindre ce but. Personne ne demande que les ecclésiastiques, que les jeunes gens qui se destinent à l'état ecclésiastique soient condamnés et personnellement forcés au service militaire. On oublie une chose, c'est la faculté du remplacement, au moyen de quelques centaines de francs versés avant le tirage.

Que tous ceux que la question intéresse s'entendent pour former un fonds d'exonération, ce sera l'affaire de trente à quarante mille francs par an, et l'on pourra dès lors exempter jusqu'au dernier les miliciens qui se destinent à la carrière ecclésiastique.

C'est, comme on le voit, une simple question d'argent, et l'honorable député de Turnhout, qui fait un signe affirmatif, l'a dit avant moi. Et j'ai à ce sujet encore un souvenir.

Comment se fait-il que cette proposition prétendument irréligieuse de supprimer l'exemption soit sortie, à 36 ans de distance, de l'arrondissement de Turnhout, pays qui ne passe pas pour anticatholique ?

Lorsque je présentai ce projet de loi en 1833, j'avais, en effet, l'honneur d'être représentant de Turnhout, et ma réélection n'en souffrit pas.

Quoi qu'il en soit, le projet ne fut pas discuté, la loi n'était pas urgente. Dans les sessions de 1833 et 1834, nous eûmes à discuter ou à préparer la loi provinciale, la loi communale, la loi des chemins de fer, la loi sur l'instruction publique et la réforme du code pénal.

Le projet de loi en resta là. Je constate qu'il a dormi longtemps d'un très profond sommeil et que personne n'a songé à le réveiller.

Il a fallu, chose bizarre, qu'un de mes successeurs dans l'arrondissement de Turnhout vînt rendre la vie au mort-né.

Messieurs, les principes qui me guidaient alors, je ne les ai nullement reniés ni désavoués ; mais je dois aussi faire un aveu, c'est que moi-même je n'ai pas fait de grands efforts pour remettre le projet sur pied. J'ai présenté ou discuté des projets de réforme pour la garde civique et (page 1093) pour la milice, et je n'ai pas proposé d'établir le système que j'avais présenté en 1833. Je dois ajouter que pas un seul membre de l'une ou de l'autre Chambre n'a jamais songé à le reprendre pour son compte.

Il y a, sous ce rapport, une sorte de prescription trentenaire en faveur du principe de l'exemption et si je me résigne à voter le principe, c'est en regrettant que, du côté de la droite, on ne se soit pas montré plus conciliant sur cette question.

Je reconnais qu'il serait difficile pour le gouvernement, si même il le voulait, de supprimer les exemptions, ayant contre lui la droite tout entière, la droite se manifestant comme nous l'avons entendu par la bouche de ses membres les plus modérés.

Je voudrais, messieurs, qu'au nom de la conciliation, au nom même de l'intérêt du clergé, les membres de la droite vinssent donner la main à ceux de la gauche pour supprimer l'exemption.

A moins, messieurs, qu'on ne veuille soutenir, ce que je ne pense pas, que les ecclésiastiques ont un droit antérieur et supérieur à l'exemption, qu'ils en doivent jouir en vertu d'immunités particulières qui n'appartiennent qu'a eux, qu'est-ce qui empêcherait la droite de déclarer : Renonçons au privilège d'exemption et que chaque culte se charge des moyens de recruter ses ministres avec dignité.

Qu'arrive-t-il sous le système actuel ? C'est que, pour échapper à la charge du service personnel ou du remplacement, il se fait au sein des familles des calculs mauvais.

La perspective d'obtenir une exemption du service préoccupe avant tout. Et ce sont trop souvent les moins aptes, les moins énergiques que l'on met en avant pour l'état ecclésiastique ; la vocation est éteinte sous la spéculation. (Interruption.)

Je crois que si une influence supérieure pouvait choisir ceux qui plus tard auront à remplir les importantes fonctions ecclésiastiques, on ferait disparaître cette mauvaise herbe qui ne porte pas de bons fruits.

Loin de moi la pensée de jeter la pierre aux malheureux, oh non, je fais des vœux et je voudrais pouvoir faire des efforts efficaces pour les relever.

Mais, ne nous le dissimulons pas, le clergé ne gagne pas en dignité ni en influence morale en allant serecruter dans les bas-fonds de la société, en allant chercher ceux qui doivent parler plus tard au nom de Dieu parmi les hommes qui ont reçu l'éducation la plus humble qui n'ont aucune connaissance des choses de ce monde.

Sans rejeter cette classe infime d'où peuvent sortir aussi des hommes distingués, je dis que le clergé gagnerait beaucoup à se recruter davantage dans les classes supérieures, comme il le faisait à d'autres époques.

Je ne sais pas si mon appel sera entendu. (Interruption.) Ce n'est pas à vous que je le fais, M. Hymans, mais je présume que vous ne refuseriez pas de vous y associer.

M. Hymansµ. - Si.

M. Rogierµ. - Eh bien, je crois que si l'on pouvait se mettre d'accord, je crois que la droite ferait un acte de bonne politique et que cet acte la relèverait beaucoup aux yeux du pays. Il y aurait là de sa part, comme un retour à cette belle époque qui a fondé l'indépendance du pays et qui l'a doté de la plus libérale des constitutions.

Voici le problème : Supprimer les exemptions et pourvoir au remplacement des jeunes gens qui, ayant une vocation et une aptitude pour l'état ecclésiastique, ne seraient pas en position de se racheter eux-mêmes.

Eh ! messieurs, que serait la somme à réunir dans ce but ? Relativement insignifiante. Je sais bien que nous ne sommes pas encore entièrement fixés sur ce que le gouvernement fera en matière d'exonération.

Quant à moi, je maintiens dans la loi le principe qui a été introduit dans le projet de 1864 ; je suis d'avis que ceux qui sont forcés à servir soient rémunérés, et |e regrette beaucoup qu'on ait proposé de suspendre un des chapitres essentiels de la loi.

Avec la perspective de la rémunération, il y aurait moyen de rendre le service militaire plus attrayant.

Si je ne me trompe, il n'y a par an que 50 élèves en théologie, exemptés en moyenne.

MiPµ. - A peu près 100.

M. Rogierµ. - Non. Si l'on dispense du service, sans rien dire, des élèves des petits séminaires, c'est possible ; mais la moyenne accusée n'est que de 50.

MgRµ. - Tous ne tombent pas au sort.

M. Rogierµ. - Je parle de ceux qui sont désignés pour le service.

MiPµ. - Il y en a une centaine.

M. Rogierµ. - Je vous demande pardon ; d'après le rapport...

MiPµ. - En trois ans, il y a eu une centaine d'exemptions.

M. Rogierµ. - En 1863, il y a eu 61 élèves en théologie exemples ; en 1864, il y en a eu 41 ; en 1865, il y en a eu 58 et en 1866, il y en a eu 49. En tout 209 en 4 ans.

II y a, d'après le rapport si bien étudié de M. Muller, 50 élèves en théologie par an.

Je rencontre ici l'amendement de M. le ministre de l'intérieur en vertu duquel les élèves en théologie ne seront plus exemptés que s'ils font leurs études dans les séminaires épiscopaux.

Il y a diverses écoles où l'on forme des prêtres. Il y a les séminaires épiscopaux ; il y a ce qu'on peut appeler aussi les séminaires libres, dans lesquels on prépare les jeunes gens à devenir prédicateurs, écrivains, missionnaires. (Interruption.)

Je pensais que dans les écoles destinées au clergé régulier, on donnait aux élèves une éducation en rapport avec leur future carrière. Si je ne me trompe, beaucoup de nos missionnaires à l'étranger sortent de ces écoles.

J'inclinerais à maintenir l'exemption pour cette catégorie de prêtres. La carrière courageuse et pénible qu'ils embrassent mériterait bien une pareille faveur.

Ils vont affronter les climats meurtriers, les dangers, les fatigues et la mort pour répandre leur foi et les principes de l'Evangile.

A ceux-là je me plais à rendre hommage, ils vont faire connaître la Belgique, ils vont la faire apprécier ; c'est un acte de dévouement religieux et de patriotisme.

Sous ce rapport, messieurs, je crois que la Belgique ne fait peut être pas assez de sacrifices.

J'ai soutenu de mon vote et de ma parole les jeunes gens qui s'expatriaient pour aller à l'étranger courir les chances de la guerre ; ceux qui s'expatrient pour étudier et pour étendre les relations commerciales et industrielles du pays font encore très bien ; des jeunes gens qui ont parcouru les contrées transatlantiques et qui, après y avoir séjourné pendant plusieurs années, rentrent en Belgique, ont acquis, à mes yeux, une grande valeur. J'estime beaucoup plus un Belge qui a vu beaucoup de pays, qui a cherché des débouchés nouveaux pour la Belgique, qui l'a fait connaître et apprécier, qui a dans ses voyages fortifié son caractère, éclairé son esprit, étendu ses idées ; j'estime beaucoup plus ce Belge-là que celui qui passe nonchalamment sa vie au coin de son foyer en fumant son cigare ; eh bien, je voudrais aussi une exemption pour les jeunes gens qui s'expatrient dans un pareil but. On a eu tort, au point de vue où je viens de me placer, de supprimer l'exemption pour les jeunes gens qui se destinent à la marine.

Messieurs, j'ai un peu abusé de la parole qui m'a été accordée pour un fait personnel (Pas du tout !) ; si j'avais la chance de provoquer sur les bancs de la droite un discours qui réponde aux paroles que je viens de prononcer, je crois que nous aurions atteint un heureux résultat.

Mais si ce résultat n'est pas atteint, je supplie du moins les honorables membres de la droite de ne pas donner à cette affaire d'aussi grandes proportions, et de la considérer comme une question pratique, susceptible d'être résolue pacifiquement ; je les prie surtout de ne pas menacer le gouvernement d'un refus de concours dans la question nationale de l'armée, si, l'amendement proposé par d'honorables amis venait à être adopté. Je pense que cela a été dit dans un mouvement passager d'irritation, et que ceux qui ont parlé ainsi ne réaliseraient pas leur menace.

Une pareille menace ne serait pas patriotique, si elle était exécutée.

Quant à moi, si mon appel n'est pas entendu, je voterai non sans regret l'exemption, qui, depuis tant d'années, n'a plus été remise en question, mais je m'associerais avec un grand empressement à une manifestation de la droite qui viendrait concourir à la solution pratique et vraiment constitutionnelle de la question.

MiPµ. - Messieurs, je demande la parole, non pour rentrer dans le débat, mais pour relever une inexactitude flagrante commise par l'honorable M. de Haerne.

L'honorable membre dit qu'on ne crée pas de nouvelles paroisses en Belgique...

M. de Haerneµ. - J'ai dit pas assez.

MiPµ. - ... de sorte qu'un évêque n'en aurait pas obtenu une seule pour son diocèse en douze ans. Eh bien, voici le nombre des paroisses créées en Belgique depuis 1830.

Il en a été créé 729, ce qui fait une moyenne de 20 par an ; et voilà comment on écrit l'histoire !

(page 1094) M. de Haerneµ. - Bruxelles n'en a pas une seule de plus, et la population est doublée.

M. Thonissenµ. - Je n'ai plus qu'un petit nombre de réflexions a présenter à la Chambre.

Je reconnais bien volontiers que l'honorable ministre de l'intérieur, en proposant son amendement, a été guidé par un sincère esprit de conciliation. Ses intentions sont incontestablement bienveillantes et loyales. Entre son amendement et ceux présentés par nos honorables collègues MM. De Fré et Orts, la distance est considérable. C'est une justice que nous devons lui rendre.

L'honorable ministre nous a prouvé hier que sa proposition, mise en regard du nombre restreint de théologiens étudiant ailleurs que dans les séminaires épiscopaux, n'est pas de nature à entraver le recrutement du clergé régulier. Suivant le tableau qu'il nous a fait distribuer, le nombre des jeunes religieux, exemptés de la milice dans la période de 1867-1869, n'a été, en moyenne, que de trois par an.

Je demanderai au gouvernement si, en présence d'une telle situation, il ne pourrait pas faire un pas de plus. Quelle importance peut-il attacher, en fait, à appeler au service deux ou trois jeunes gens de plus ou de moins sur un contingent annuel de 12,000 hommes ? Ce mince résultat, ce résultat complètement nul, présente-t-il assez de valeur pour blesser les sentiments religieux d'une grande opinion nationale ? En effet, si le résultat est matériellement insignifiant, il n'en est pas de même au point de vue des principes catholiques, en vertu desquels les clercs doivent être dispensés du service militaire.

C'est avec entière sincérité que je prie le gouvernement, pour éteindre une question des plus irritantes, de se rallier au système de la section centrale, qui n'exige d'autre preuve que celle de la qualité d'étudiant en théologie. Il ne saurait trop se rappeler qu'il s'agit ici d'un objet auquel les catholiques ont toujours attaché une grande importance. Si la Chambre était moins fatiguée, je lui donnerais lecture de quelques documents historiques qui prouvent que, déjà sous le gouvernement des Pays-Bas, le prince de Méan, archevêque de Malines, avait appelé l'attention du roi Guillaume Ier sur cette question éminemment religieuse.

Maintenant, messieurs, permettez-moi de dire quelques mois des reproches qui m'ont été adressées par l'honorable M. De Fré.

Au dire de l'honorable député de Bruxelles, j'ai commis une foule d'énormités.

Je demande des privilèges pour le culte auquel j'appartiens ; je veux le rétablissement des castes ; j'oublie les lois de l'Etat pour ne songer qu'aux exigences de l'Eglise ; je suis un moine déguisé en philosophe ; je répudie mon patriotisme et toute la civilisation moderne, si le gouvernement ne m'accorde pas quelques privilèges pour les moines ; en un mot, pour me servir d'un terme employé par l'honorable membre, je prêche des doctrines insensées.

II est, messieurs, des attaques auxquelles on ne répond pas. Je dirai seulement que je demande pour tous les cultes ce que je réclame pour le culte catholique. J'ajouterai que mon patriotisme et mes sentiments religieux sont très faciles à concilier. En avertissant le ministère des conséquences fâcheuses que pourrait entraîner l'adoption du système de l'honorable M. De Fré, je ne me suis nullement rangé parmi les adversaires de noire brave et patriotique armée.. A côté de l'armée qui porte le glaive, qui verse son sang pour défendre l'ordre public ou l'indépendance du sol national, je veux une autre armée qui porte la croix et qui lutte sans cesse, par la parole et par l'exemple, contre les passions mauvaises et les instincts sauvages qui fermentent dans les masses. Je me suis borné à dire : « Ne nous placez pas dans la dure nécessité de voter indirectement contre cette seconde armée, tout aussi nécessaire que la première ; ne nous placez pas entre notre foi et notre patriotisme. »

L'honorable député de Bruxelles est libre de se moquer de ce langage ; il n'en sera pas moins le langage d'un bon citoyen. L'honorable M. De Fré croit-il, par hasard, faire acte de prudence et de patriotisme en excitant la Chambre à voter des mesures incompatibles avec la religion professée par l'immense majorité de nos concitoyens ?

Un dernier mot. L'honorable M. De Fré a la naïveté de nous dire : Fondez des bourses pour racheter les théologiens qu'on appelle au service militaire. En vérité, mes amis et moi, nous avons eu quelque peine à en croire nos oreilles.. Nous irions, nous catholiques, fonder des bourses, M. De Fré ! Vous avez donc oublié ce que vous avez fait des bourses fondées par nos pères catholiques pour la diffusion de l'enseignement exclusivement catholique ?

Nous n'avons, soyons-en persuadé, aucune envie de préparer un nouveau butin à confisquer par ceux que vous appelez les miliciens de l'avenir. Ici, comme partout, un homme averti en vaut deux.

En terminant, je prierai l'honorable ministre de l'intérieur de bien vouloir s'expliquer sur les deux amendements que j'ai eu l'honneur de déposer.

M. Ortsµ. - Messieurs, je viens dire quelques mots de l'amendement dont j'ai pris l'initiative et qui a été critiqué par d'honorables amis et par d'honorables collègues qui m'ont habitué à rencontrer des critiques.

J'ai demandé, messieurs, une chose que j'ai crue très modeste, très simple et surtout très juste.

Après les débats auxquels nous avons assisté, je crois qu'en définitive, de ce qui devait être une très grande querelle, je verrai sortir un traité de paix. L'honorable M. De Fré et moi, ainsi que les autres signataires des amendements, nous en ferons les frais.

La transaction est pour moi évidente sur ces bases.

L'amendement de l'honorable ministre de l'intérieur ne plaît pas beaucoup à droite, mais il déplaît un peu moins que celui de l'honorable M. De Fré et le mien ; cet amendement est le trait d'union. On l'acceptera en rechignant, puis il ne sera plus jamais question de voter contre le budget de la guerre.

Si donc je dis quelque chose en faveur de mon amendement, réellement je parie pour ma justification personnelle.

Voici, messieurs, en définitive, ce que j'ai voulu et pourquoi je persisterai, quand je devrais rester seul à voter mon pauvre petit amendement.

L'amendement que j'ai proposé a pour but de déclarer que quand on rencontre dans nos lois et spécialement dans les lois de milice, depuis la Constitution de 1831, les mots ministres des cultes, ces mots ne comprennent pas, pour le culte catholique, les ordres religieux.

Mon amendement ne va pas plus loin. Il est indépendant de celui de l'honorable M. De Fré, comme de l'amendement du gouvernement, qui s'occupent d'une catégorie de citoyens dont je ne m'occupe pas, c'est-à-dire, des étudiants en théologie. Quel que soit le sort de mon amendement, je voterai contre l'amendement de l'honorable de l'honorable M. De Fré. Quelque soit le sort de mon amendement, je suis déterminé, pour ma part et sans rancune aucune contre M. le ministre de l'intérieur, qui me sacrifiera sans aucun doute, à voter pour l'amendement. Je me montrerai bon prince.

Mon amendement diffère donc de tous les autres amendements. Il est bien compris que je n'entends pas toucher aux ministres appartenant au culte séculier, qu'ils soient actuellement en fonctions ou non, qu'ils aient un salaire ou non.

Ceux qui n'ont pas de fonctions ou qui n'ont pas de salaire sont la pépinière où se recrutent les autres, et je n'y veux pas toucher.

Le but de mon amendement ainsi expliqué, je réponds immédiatement à un reproche qui m'a été fait d'une façon un peu contradictoire selon qu'il m'arrivait de mes amis de la gauche ou de mes adversaires de la droite.

On m'a dit, à droite : Vous soulevez une question religieuse, une question de dogme, une question de croyance, une question capitale.

On m'a dit à gauche et c'est l'honorable M. de Brouckere, et je crois que l'honorable M. Rogier l'a répété un peu tout à l'heure : Vous faites une bien petite discussion. Il s'agit de trois ou quatre moines de plus du moins par an. A quoi bon s'émouvoir ?

Messieurs, les deux reproches s'entredétruisent quelque peu, mais voici ma réponse ; elle servira à la droite et à la gauche à la fois.

Pour moi, il s'agit d'une très grosse question de principe, de la question de savoir si, oui ou non, nous ferons entrer les ordres religieux dans la loi civile.

Voilà la question que mon amendement soulève. Arriverez-vous à faire reconnaître comme une chose ayant une existence civile l'ordre religieux qui est une manifestation purement privée de la liberté d'association, manifestation très respectable, à laquelle je n'entends porter aucune atteinte. Je ne suis pas partisan des couvents, mais s'ils étaient un jour persécutés comme simples associations de citoyens, je serais le premier à les défendre et je suis persuadé que, dans des circonstances inverses, mes collègues de la droite défendraient également les associations libérales.

Prenons-y garde. Lorsqu'on vient vous demander d'inscrire dans notre législation civile l'assimilation des ordres religieux aux ministres des cultes à l'aide des arguments que vous avez entendus et qui ont de la valeur, précisément parce qu'ils ont de la valeur, il faut les réfuter immédiatement ; sinon ils font leur chemin. On vient vous demander cette assimilation parce que, dit-on, l'exemption dont il s'agit aujourd'hui est accordée en vue des services sociaux que le clergé séculier rend, et ces mêmes services sont rendus par les ordres religieux.

L'assimilation nous mène tout droit à cette conséquence qu'un jour parce que le clergé régulier rend des services à la société civile, vu le (page 1095) défaut de sujets dans le clergé séculier, on vous demandera plus tard non plus de partager entre le clergé séculier et le clergé régulier les immunités, mais on vous demandera le droit au traitement. Ce droit est inscrit dans la Constitution pour les ministres des cultes, et tous les ministres des cultes qui rendent des services d'après vos principes doivent être rémunérés. Voilà la conséquence.

Oh ! je sais bien qu'aujourd'hui il s'agit d'une petite chose et d'une petite application d'un grand principe. Mais je sais aussi que quand les abus s'introduisent, c'est toujours par la petite porte. Et, une fois entrés, les abus grossissent, ils grossissent tellement, qu'il n'y a plus moyen de les faire sortir par où ils sont entrés.

Les lois de recrutement d'où sort la nôtre ont été faites, après les changements considérables introduits à la suite des réformes de 1789 dans l'organisation militaire, comme dans toutes les autres parties de l'organisation sociale ; on n'a, en France, songé à exempter du recrutement que le clergé séculier.

Lorsque en 1817, sous le régime des Pays-Bas, on a fait la loi de milice, que nous réformons aujourd'hui on n'a certainement pas pensé davantage à faire une part au clergé régulier.

L'honorable M. Delcour a reconnu que cela était vrai ; il n'a pas contesté que sous l'empire français et sous le gouvernement des Pays-Bas, c'est-à-dire à une époque où les rapports de l'Eglise et de l'Etat étaient réglés par le concordat de 1801 remis en vigueur dans les Pays-Bas en 1827, il ne pouvait pas être question de faire une part quelconque aux ordres religieux qui, d'après ce même concordat, étaient quelque chose d'effacé, de détruit.

Mais, dit l'honorable M. Delcour, à partir de 1830 les choses se modifient.

C'est au nom des principes inaugurés par le Congrès national et par le gouvernement provisoire en matière de liberté d'association, c'est au nom de la Constitution de 1831 que se justifierait l’assimilation du clergé régulier au clergé irrégulier.

Là, je pense, se trouve le vrai nœud de la difficulté, et l'honorable M. Delcour a eu raison de se placer sur ce terrain. Mais il se trompe et s'égare.

M. de Brouckere, me répondant et combattant mon amendement, disait : L'esprit du Congrès est contraire aux restrictions que l'on propose. Si au Congrès national on était venu demander de consacrer l'exemption pour les ordres religieux, le Congrès l'aurait votée. J'ai entendu une première, réponse tout à l'heure et je remercie l'honorable M. Rogier de l'appui qu'il m'a apporté.

M. Rogier était au Congrès, le pays sait la part brillante qu'il a prise à ses travaux ; M. Rogier n'a pas tout à fait les mêmes opinions que M. de Brouckere sur la solution qu'on aurait donnée à la question si elle avait été posée devant notre assemblée constituante.

L'honorable M. Delcour nous dit : « Le Congrès, lorsqu'il a parlé du prêtre, s'est préoccupé exclusivement de son caractère sacerdotal. Il ne s'est point attaché à la fonction. »

Pourquoi alors assurer aux ministres des cultes un traitement. L'idée de traitement et le mot vous montrent parfaitement quelle était la pensée du législateur.

Traitement est le corrélatif de service rendu. En promettant un traitement, la Constitution a voulu rémunérer le clergé pour les services qu'il rendait à la société civile, la seule société dont la Constitution s'occupait.

Ce n'est donc pas parce qu'un prêtre est revêtu d'un caractère sacerdotal qu'il est rémunéré ; vous-mêmes, vous ne tireriez pas une semblable conséquence de votre principe ; vous ne voudriez pas que l'Etat rémunérât un prêtre qui, revêtu du caractère sacerdotal, ne rendrait aucun service à la société civile.

Si le traitement correspond à l'idée de services rendus à la société civile, il en est nécessairement de même des immunités, des exemptions de charges publiques.

L'exemption est l'accessoire du traitement. Si l'on exempte un étudiant en philosophie, croyez-vous que ce soit à raison du caractère religieux qu'il aura peut-être un jour, mais qu'il n'a pas encore ? Pourquoi l'exempte-t-on ? Parce qu'après avoir terminé ses études théologiques, il doit entrer dans les rangs de cette milice sacrée qui rend des services à la société civile.

On veut favoriser le recrutement de cette milice et s'assurer de ses services civils dans l'avenir.

Le Congrès national, d'ailleurs, n'a pas parlé seulement du clergé à propos du traitement des ministres des cultes, de façon à exclure l'idée qu'il y comprenait les ordres monastiques. Le Congrès a eu à s'occuper aussi et très sérieusement et très directement de ces mêmes ordres ; la question des ordres fut vivement discutée, profondément étudiée à des points de vue très divers, par des orateurs partant d'idées complètement différentes.

Ce fut à propos de la liberté d'association ; les uns la vantaient, les autres la combattaient. Il fallut s'expliquer sur le caractère des associations religieuses, sur la position que les ordres religieux, se présentant comme associations, occuperait dans la nouvelle organisation sociale de la Belgique.

Et comment la majorité du Congrès a-t-ellc caractérisé la position que les ordres religieux auraient dans la société belge organisée d'après la Constitution de 1831 ?

Un discours prononcé alors au Congrès est considéré par tout le monde comme l'expression exacte de la pensée de la majorité tolérante, modérée de cette assemblée ; majorité également éloignée, dans cette question, de l'extrême catholique et de l'extrême ultra-philosophique.

Ce discours est celui de l'honorable M. Van Snick. Donnant la définition du moine, d'après les principes consacrés par la Constitution, il disait :

« La liberté individuelle du capucin sera garantie, non comme capucin, mais comme citoyen. La loi ne voit et ne doit voir que cette qualité.

« ... La loi ne connaît pas les moines : le moine est la personne religieuse. »

Est-ce à titre de simple citoyen que vous demandez qu'un moine soit exempté du service militaire ? Pour justifier l'exemption, il vous faut lui donner une qualité autre.

D'après le Congrès, un moine, comme moine, était une personnalité inconnue dans la nouvelle organisation constitutionnelle de la Belgique.

Veut-on une preuve plus directe encore des sentiments du Congrès ? Un autre acte va la fournir.

Sans doute le Congrès national, dans le décret du 31 décembre 1830, a voté sur la proposition de l'honorable M. Rogier, le Congrès a consacré l'exemption des ministres des cultes sans plus et consacré également l'exemption des étudiants en théologie se trouvant dans les séminaires.

Mais a-t-il accordé aux ministres des cultes cette exemption au nom de leur caractère sacerdotal, comme le prétend l'honorable M. Delcour, ou bien, comme je le prétends, leur a-t-il accordé cette exemption, en raison des services qu'ils étaient appelés à rendre à la société civile ? Si la question est résolue pour la seconde des deux alternatives que je viens de poser, avouez que vous serez bien en peine de prouver que l'esprit du Congrès, en matière de ministres des cultes, a été d'assimiler les ordres religieux au clergé séculier.

Eh bien, et je signale ici à l'attention particulière de l'honorable M. de equi prétendait que la question aurait été résolue dans son sens par le Congrès national si on l'avait posée, la justification de l'exemption de la garde civique accordée par le Congrès aux ministres des cultes sans la moindre discussion dans la Chambre, comme l'a rappelé l'honorable M. Rogier, nous est donnée dans le rapport de la section centrale signé par l'honorable M. Charles de Brouckere.

Pourquoi a-t-il proposé au Congrès, qui a accepté la proposition sans protestation ni discussion, de dispenser les ministres des cultes du service de la garde civique ? Parce que, dit le rapport, « ces exemptions ne comprennent que ceux (la phrase est restrictive) dont le ministère sacré est de tous les instants. »

L'appel que peuvent faire les fidèles au service des ordres religieux est-il un appel de tous les instants ? Admettez-vous qu'au 31 décembre 1830, quand il n'y avait pas un seul ordre religieux en Belgique, l'honorable M. Ch. De Brouckere ait voulu assimiler les capucins et les carmes à ces ministres des cultes dont on peut requérir à chaque instant l'assistance et le concours ? Evidemment l'honorable M. de Brouckere ne voulait, comme le prouve la forme restrictive de sa phrase, comprendre dans l'exemption que ces curés et ces vicaires dont les secours spirituels peuvent être réclamés à chaque heure du jour et de la nuit par les paroissiens.

Où nous conduirait d'ailleurs cette idée que les immunités accordées par la loi civile aux prêtres sont accordées en raison du caractère sacerdotal uniquement et en dehors de toute fonction utile que peut remplir, dans la société civile, celui qui en est revêtu ? Prenons garde. Par la théorie que les immunités comme le traitement sont la rémunération des services rendus à la société civile, nous arrivons au moins à ne faire jouir des traitements et des immunités que ceux qui réellement les méritent. Mais avec le système contraire, comment un ministre de la justice pourrait-il (page 1096) refuser ou traitement ou immunités au premier citoyen venu s'affirmant prêtre d'un culte dont il sera peut-être lui-même et le seul ministre et le seul paroissien ? Si le caractère sacerdotal à lui seul donne droit aux immunités et aux avantages, du moment qu'un homme affirme qu'il a un caractère sacerdotal, constitutionnellement l'Etat doit s'incliner.

L'Etat n'a pas le droit de juger de la bonté, de la valeur intrinsèque des croyances ; il n'a pas même le droit, à un homme qui affirme de nouvelles croyances, qui dit : Je suis ministre d'un tel culte ; j'appartiens à telle secte religieuse ; il n'a pas le droit de répondre : Vous mentez. Le droit de l'Etat se borne à constater l'utilité civile, la réalité des services que le culte rend à la nation.

Aussi, lorsque des idées de ce genre se sont fait jour dans les moments de trouble moral qui suivent souvent les troubles politiques, il s'est trouvé de suite des spéculateurs en exemptions, basant leur spéculation sur la théorie que plaidait si bien, dans la séance d'hier, l'honorable M. Delcour.

On est venu dire : Je suis ministre d'un culte, ergo je ne dois pas monter la garde, ni supporter la charge du recrutement. En France, sous la loi de 1831, organisant la garde nationale après juillet, loi dont parlait l'honorable M. Delcour et qui proclame l'immunité pour les ministres des cultes, les chefs saint-simoniens, le lendemain même de la proclamation de leur culte, sont venus dire : Nous sommes prêtres et grands-prêtres ; je suis moi spécialement le père Bazard, pape de ma religion et je demande à ne pas monter la garde.

Le conseil de discipline de Paris répondit au père Bazard que comme son culte ne rendait aucun service à la société, il ne pouvait pas être dispensé de faire partie de la garde nationale et il le condamna à trois jours de prison, tout pape qu'il était. Les saint-simoniens allèrent jusqu'en cassation. La cour de cassation, après un très savant réquisitoire de M. Dupin, qui était l'homme de France le plus ferré sur la question des rapports entre l'Etat et l'Eglise, la cour de cassation répondit ce qu'avait répondu le conseil de discipline de Paris. Les ministres du culte saint-simonien se résignèrent et montèrent la garde.

Eh bien, du moment que vous attachez l'immunité à la simple possession du caractère sacerdotal, vous êtes amenés à dispenser les saint-simoniens de monter la garde et de tirer au sort.

D'autre part, on rattache les objections faites contre mon amendement à des scrupules religieux. On dit : « L'Eglise catholique ne permet pas à ses ministres de s'enrôler sous l'uniforme militaire ; il n'est pas de plus mauvais soldat que celui auquel sa conscience défend de tirer un seul coup de fusil. »

Messieurs, il ne s'agit pas du tout, à l'aide de mon amendement, de transformer un capucin, un jésuite ou un carme en un très mauvais soldat. Il s'agit tout simplement d'une question d'argent ou d'une question de temps. Question d'argent ? Le milicien pressé d'entrer dans les ordres se fera remplacer. Mais il n'y a pas même cela : il n'y a, je le répète, qu'une question de temps.

Que les évêques, chez nous, qui en définitive sont des citoyens et qui prêtent la main à l'exécution des lois lorsque leur conscience ne le leur interdit pas, que les évêques veuillent bien ne pas ordonner prêtres ceux qui se destinent à entrer dans les ordres religieux, avant l'âge où les novices auront satisfait aux lois sur la milice, et tout est dit.

En sera-t-on bien malheureux ? Les pauvres laïques, lorsqu'ils veulent se marier, doivent attendre qu'ils aient satisfait aux lois sur la milice.

Du reste, en supposant, par impossible, qu'une loi pareille à celle que je demande ne fût pas obéie, il ne faudrait pas encore, pour forcer à l'obéissance refusée, faire entrer le récalcitrant dans les rangs de l'armée, où il serait un très mauvais soldat et un grand scandale.

Non. La loi pourrait être exécutée par d'autres moyens. Il y a d'autres voies coercitives à employer, sans aboutir nécessairement à ce scandale, à ce ridicule de pousser les capucins dans les rangs de l'armée.

Ces moyens ne seraient pas difficiles à trouver et c'est parce qu'ils sont dans l'esprit de tout le monde que je suis convaincu que l'exécution de la loi, votée avec l'amendement que j'ai l'honneur de proposer, ne présenterait aucune espèce de difficulté d'application.

On objecte : le remplacement serait une charge excessivement onéreuse pour ceux qui se destinent aux ordres.

Mais on oublie que pour entrer dans les ordres, au moins pour beaucoup d'entre eux, il faut verser une dot.

S'il en est ainsi, la dot par la nécessité du remplacement sera un peu plus élevée. Et remarquez qu'il dépend du clergé d'en abaisser le chiffre. Je m'en console après tout, puisqu'il y a une dot à payer pour entrer en religion, si je l'augmente, ce n'est pas sur ceux qui n'ont rien que retombera mon amendement.

S'il fallait s'arrêter à cette idée que, d'une manière absolue, la puissance publique doit s'abstenir de commander là où des scrupules de conscience ne permettent pas au citoyen d'obéir, scrupules dont l'Etat n'a pas même le droit de vérifier le fondement, je demande pourquoi l'immunité du service militaire ne s'appliquerait qu'à celui qui se destine à la vie ecclésiastique ?

Pourquoi agiriez-vous autrement envers le simple fidèle d'une religion qui n'admet pas qu'on puisse, même à la guerre, tirer des coups de fusil sur son prochain.

M. Coomansµ. - Vous avez raison.

M. Ortsµ. - L'honorable M. Coomans me donne son assentiment ; je l'estime d'autant plus qu'il est plus rare.

M. Coomansµ. - Cela s'est vu quelquefois.

M. Ortsµ. - Je répète que j'en fais d'autant plus de cas, qu'il est plus rare.

M. Coomansµ. - Je vous remercie.

M. Ortsµ. - Vous ne pouvez avoir un droit pour ceux qui sont revêtus du caractère sacerdotal et un autre droit pour ceux qui ont la même opinion religieuse, sans être ministres.

Ce n'est pas tout.

Mettons de côté le service militaire. La société civile a besoin d'être défendue ; elle a besoin aussi d'être administrée, d'être gouvernée ; il lui faut pour cela de l'argent.

Qu'une secte religieuse quelconque vienne et dise : Ma conscience me défend de payer l'impôt.

M. Coomansµ. - Vous ne souffririez pas ce culte-là.

M. Ortsµ. - Et vous l'admettriez, vous ?

M. Coomansµ. - Certainement non !

M. Ortsµ. - Mais si vous admettez qu'il faille tenir compte des scrupules d'un ordre ou d'une secte qui vous dit : Ma conscience me défend de porter le fusil, pourquoi voulez-vous le forcer à payer quand il vous dit que sa conscience lui défend de le faire ?

Vous avez donc deux poids et deux mesures, et je suis bien prêt à vous retirer le compliment que je vous adressais tout à l'heure d'être logique.

M. Coomansµ. - Je n'ai parlé que des cultes reconnus ou subsidiés par l'Etat.

M. Ortsµ. - Au point de vue purement religieux, l'Etat n'a pas le droit de distinguer entre les cultes subsidiés ou non subsidiés. Et de fait il ne distingue pas. (Interruption.) Oh ! ne croyez pas que l'hypothèse que je présente soit une hypothèse d'imagination pure ; c'est, au contraire, un souvenir historique, une réalité. Elle s'est présentée dans notre pays.

L'exemple est peut-être ancien de date, mais enfin, comme il s'agit des choses et des hommes de l'Eglise et que l'Eglise ne change pas, ce qui était vrai, il y a deux cents ans, doit encore être vrai pour elle aujourd'hui.

Nous sommes en 1672, un très gros procès s'élève en Belgique ; il est porté devant le grand conseil de Malines. Des religieux, à la tête desquels se trouvait le père provincial du Mont-Carmel, il s'appelait le père François de Bonne-Espérance, protestent que tout ce qui est ou carme ou carmélite ne peut pas payer l'impôt, sans encourir la damnation éternelle. (Interruption.) Leur conscience le leur défend.

Et savez-vous pourquoi ? « Les biens des religieux et des ordres, disaient les carmes et les carmélites, ne peuvent être frappés d'impôt que quand le gouvernement est dans l'impuissance complète de se procurer tout ce qu'il doit obtenir en faisant payer les laïques. Or, comme les laïques ne sont pas complètement ruinés dans les Pays-Bas, les carmes ne payeront pas. Tel est la loi de l'Eglise. »

Le grand conseil de Malines, à cette époque, était bon catholique ; cependant, il a condamné la requête du père provincial des carmes a être brûlée par la main du bourreau.

Vous le voyez, ces gens qui prétendent, en conscience, ne pouvoir payer l'impôt sont possibles. Qu'en ferez-vous ?

M. Coomansµ. - On ne les écoutera pas.

M. Ortsµ. - Quoi ? Vous admettez qu'on prétende ne pas pouvoir rendre le service militaire qui est, d'après vous, un impôt et vous reculez lorsqu'il s'agit de l'impôt en argent ! Vous n'êtes plus logique.

Est-ce maintenant réellement une chose hostile à l'idée catholique, hostile au culte, hostile à son maintien ou à son développement en Belgique de vouloir faire en matière d'immunités la part moins large aux ordres religieux qu'au clergé séculier ?

Précisons. Les ordres religieux sont-ils, je pose la question à M. de Haerne, qui est surtout compétent pour y répondre, les ordres religieux sont-ils, au point de vue catholique, une chose essentielle ?

(page 1097) M. de Haerneµ. - Ils sont un auxiliaire nécessaire.

M. Ortsµ. - Je demande s'ils sont une chose essentielle, sine qua non ?

M. de Haerneµ. - Ils sont un auxiliaire indispensable.

M. Ortsµ. - Un Etat qui interdirait chez lui les ordres religieux serait-il un Etat anticatholique ? Voila la question.

L'honorable M. de Haerne ne répondra pas oui, car le pape a répondu non en 1801, quand il a signé le concordat. Vous ne pouvez pas répondre autrement que le pape.

M. de Haerneµ. - Il est un auxiliaire indispensable pour le culte.

M. Ortsµ. - En France, en 1801, il était bien entendu que les ordres religieux restaient supprimés quoique le culte fût restauré. La religion catholique pouvait par conséquent vivre et prospérer sans eux.

M. de Haerneµ. - Légalement oui, mais religieusement non.

M. Ortsµ - Voici, messieurs, ce que disait Portalis à cet égard, en présentant au conseil d'Etat le concordat et les lois organiques.

« Toutes les institutions monastiques ont disparu. Elles avaient été minées par le temps. Il n'est pas nécessaire à la religion qu'il existe des institutions pareilles.

« La politique, d'accord, avec la piété, a donc sagement fait de ne s'occuper que de la régénération des clercs séculiers, c'est-à-dire de ceux qui sont vraiment préposés par leur origine et par leur caractère, à l'exercice du culte. »

Religieusement, on peut donc se passer des ordres, quoique M. de Haerne nous dise qu'ils sont des auxiliaires indispensables pour le clergé séculier.

Est-ce au moins vrai, en fait ?

On nous cite de nombreux exemples pour l'établir.

L'honorable M. Delcour nous a montré, diocèse par diocèse, les prémontrés, les jésuites remplissant les fonctions que devraient remplir des vicaires, dont l'insuffisance en nombre est patente.

Messieurs, croyez-vous que cela prouve quelque chose en faveur de la thèse que vous défendez et que je combats ?

Loin de là. Pourquoi s'offre-t-il de jour en jour moins de lévites pour entrer dans le clergé séculier ?

Pourquoi moins de jeunes gens, attirés même par l'exemption du service militaire, consentent-ils à se dévouer à l'humble, à la modeste carrière de vicaire ou de curé ?

Le remède que vous indiquez à la situation est précisément la cause du mal.

Croyez-vous que le développement des ordres religieux n'a pas pour première conséquence d'attirer vers ces ordres la plus grande partie des vocations religieuses ?

Il n'est pas un écrivain ecclésiastique qui l'ait jamais contesté.

La carrière des ordres religieux a plus d'attrait que l'humble carrière de vicaire et de curé. Le fait n'est pas discutable. Si les ordres monastiques ne jouissaient pas de certains avantages dans notre pays, les vocations religieuses se tourneraient vers la carrière utile du clergé séculier. En supprimant l'immunité, vous aurez fait disparaître le principe du mal ; cela vaut mieux encore que de le guérir.

Maintenant, messieurs, la chose ramenée à sa simplicité réelle, mon amendement peut-il soulever les grandes appréhensions qu'on paraissait en avoir au début de la discussion ?

Je ne parlerai plus de ces avertissements, de ces conseils qu'on nous donnait, la semaine dernière, en nous présentant la perspective effrayante d'une nouvelle opposition au budget de l'armée, comme conséquence du refus de continuer à quelques séminaristes, non destinés au sacerdoce séculier, le privilège dont ils jouissent actuellement.

La paix est faite, je l'ai dit au début, et faite un peu à mes dépens.

Je me permets simplement d'avertir à mon tour.

Messieurs, ne liez pas imprudemment l'idée catholique au sort des ordres monastiques. Il y aurait là un bien autre péril pour la religion catholique que le péril qu'entraînerait, pour l'Etat, le rejet du budget de la guerre.

Il ne faut passe le dissimuler : dans notre catholique Belgique, les ordres religieux n'ont jamais été confondus par le sentiment populaire dans l'affection qu'elle porte au clergé séculier. A toutes les époques de notre histoire, le peuple a parfaitement distingué. Je ne dois pas remonter bien haut pour en trouver la preuve.

A toutes les époques, il s'est rencontré en Belgique des princes qui, comme dans toute la chrétienté, ont arrêté le développement excessif des ordres religieux, qui ont empêché d'en avoir de nouveaux, qui en ont supprimé.

La catholique Marie-Thérèse a supprimé les jésuites. Le peuple n'a pas manifesté le moindre sentiment d'hostilité ; aucune réaction populaire ne s'est élevée contre cette réforme ; et remarquez que si Marie-Thérèse supprimait l'ordre, elle s'emparait également de ses biens.

Lorsque Joseph II a supprimé ce qu'il appelait les ordres inutiles, personne n'a protesté chez nous, hormis peut-être les couvents conservés.

Lorsque la République française a fait cesser l'existence des corporations religieuses et réuni leurs biens au domaine, personne n'a protesté, davantage. Mais quand la République, imprévoyante autant qu'injuste, a touché au clergé séculier, les populations se sont soulevées ; lorsque au lieu de fermer le couvent on a fermé l'église, dépendu les cloches et déporté les curés, les populations belges, indifférentes jusque-là, ont pris le fusil pour défendre leur croyance. Le sentiment populaire en Belgique a toujours compris que le clergé séculier est la chose essentielle de la religion catholique, et que le clergé régulier en est la chose utile, si l'on veut, mais dont on se peut priver.

M. Guilleryµ. - C'est du luxe !

M. Ortsµ. - C'est la chose qui, bonne à certaines époques, peut devenir nuisible à certaines autres.

Messieurs, le développement exagéré des ordres religieux est une chose bien dangereuse pour qui le favorise.

Nous ne devons pas remonter bien haut dans nos souvenirs pour nous rappeler que ce qui a perdu la France, le premier essai de liberté constitutionnelle, le premier essai du régime parlementaire, le gouvernement de la Restauration, ce qui a perdu Charles X, c'est, en grande partie, la répulsion du sentiment national contre les ordres religieux et les immunités conséquence de leur existence dans l'Etat.

M. Dumortierµ. - C'est antihistorique.

M. Ortsµ. - Comment ! antihistorique ? Les jésuites et les missionnaires n'ont pas entraîné Charles X dans leur chute ?

Le nier, c'est à faire croire que vous n'avez pas vécu avant 1830.

Cette impopularité, messieurs, existe à l'heure où je parle et dans notre pays.

Les classes de la société les plus nombreuses, celles avec lesquelles il faut compter, répugnent aux couvents, à part une grande, une honorable, une digne exception, les corporations hospitalières et enseignantes de femmes.

Prenez les classes inférieures ; l'ouvrier mal logé, mal nourri, malgré son labeur, envie aux ordres religieux jusqu'aux demeures qu'ils occupent. Si les ordres d'hommes ne travaillent pas, le peuple leur reproche l'oisiveté ; s'ils travaillent, le peuple leur reproche la concurrence faite au travail des laïques. La classe moyenne, en voyant les ordres religieux se développer, regrette de les voir absorber successivement les enfants et le patrimoine des familles. (Interruption.)

Messieurs, je ne veux pas aller jusqu'aux accusations blessantes de captation. Mais vous ne disconviendrez pas que tout homme qui entre avec son patrimoine dans le domaine religieux y reste de sa personne durant sa vie, et sa fortune y reste après lui.

M. Van Wambekeµ. - C'est sa volonté.

M. Ortsµ. - Vous ne pouvez contester le fait.

M. Dumortierµ. - C'est complètement inexact.

M. Ortsµ. - Comment ! est-ce que dans les ordres religieux on rend aux familles la succession du moine décédé ?

M. Dumortierµ. - Vous ne les connaissez pas.

M. Ortsµ. - Mon Dieu ! monsieur Dumortier, les esprits prudents de votre opinion sont les premiers à regretter le développement excessif que les ordres religieux contemplatifs ont pris en Belgique. Je me souviens, et votre interruption m'y ramène, qu'un homme qui a été longtemps votre ami et votre collègue, un homme profondément religieux, un homme de talent et de caractère, un homme tellement dévoué aux idées religieuses, que lorsqu'il était assis au banc des ministres, il s'est proclamé dans cette Chambre le fils soumis de l'Eglise ; que l'honorable M. de Decker a déclaré ici, en 1847, regretter, pour les ordres religieux mêmes, l'énorme, l'excessif développement qu'ils prenaient dans notre pays.

Eh bien, à cette impopularité toujours croissante, qui les menace, et qui peut devenir dangereuse pour la religion, si vous associez à leur sort l'idée catholique, n'ajoutez pas l'immunité injuste du service militaire. Les populations ne vous comprendront pas ; ce serait mettre la goutte d'eau dans le vase qui va déborder.

Projet de loi ouvrant un crédit au budget du ministère des travaux publics

Dépôt

(page 1098) MtpJµ. - J'ai l'honneur de déposer un projet de loi qui ouvre au département des travaux publics un crédit de 1,500,000 francs pour la construction d'un chemin de fer d'Ath à Blaton.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi qui sera imprimé et distribué.

M. Lelièvreµ. - Je propose le renvoi de ce projet de loi à l'examen d'une commission.

MpDµ. - Ne pourrait-oh constituer en commission la section centrale qui a examiné le budget des travaux publics ? (Oui ! oui !)

S'il n'y a pas d'opposition, il en sera ainsi. Le projet lui est renvoyé.

Projet de loi sur la milice

M. Schollaertµ. - (Nous donnerons son discours.) (Note du webmaster : Ce discours n’a pas été retrouvé.)

(page 1098) M. Dumortierµ. - Je comprends que la Chambre désire terminer ce débat solennel et je ne prendrai pas beaucoup de temps. Je ne pourrais pas d'ailleurs, car mes forces me trahiraient.

Messieurs, il s'agit aujourd'hui de la discussion la plus grave à laquelle j'aie assisté depuis 1830. (Interruption.)

En 1828 et en 1829, je siégeais aux états provinciaux. En 1830, j'ai combattu pour la patrie par la parole, par la plume et par l'épée, tandis que vous, si vous étiez de ce monde, vous étiez dans les rangs des orangistes que nous combattions.

Je dis donc, messieurs, que. je ne me rappelle pas avoir assisté, depuis 1830, à une discussion soulevant une question d'une gravité comparable à celle-ci parce qu'il s'agit ici d'un attentat à la liberté des cultes. Or, quel a été le grand principe de 1830 ? L'émancipation des cultes. Les cultes ont été persécutés pendant seize ans par le gouvernement hollandais ; la révolution a émancipé les cultes, et c'est contre cette émancipation des cultes, c'est contre la liberté des cultes que vous vous levez aujourd'hui !

J'ai entendu dire à plusieurs reprises que la Belgique était malade, j'ai entendu dire qu'il y avait des points noirs à l'horizon du côté de l'étranger. Eh bien, moi je vous le dis, les points noirs les plus sérieux, les plus dangereux sont ceux qu'on soulève dans cette enceinte contre les grands principes de 1830. (Interruption.) J'ai le droit de vous dire. : Vous êtes patriotes et, sans le savoir, vous soulevez les dangers les plus graves.

Le plus grand danger que le pays puisse rencontrer n'est point à l'étranger, si la Belgique était unie, si elle était unie comme un seul homme comme en 1830, il n'est pas de force étrangère qui pût la dompter. Ce qui peut compromettre le pays, ce sont vos maximes impies, vos maximes antinationales. Ce qui fait la faiblesse de la Belgique, c'est que, lorsque la révolution de 1830 a été faite pour vaincre les maximes orangistes, ce sont ces maximes orangistes que, depuis dix ans, depuis quinze ans, vous avez relevées.

Vous voulez faire de la Belgique actuelle l'antithèse de la Belgique de 1830. Et, en agissant de la sorte, savez-vous ce que vous faites ? Vous affaiblissez, sans le vouloir, le sentiment national, car il n'y a de sentiment national dans un peuple que quand chacun peut se dire : Je suis tellement heureux dans mon pays que je ne saurais être plus heureux sous aucun autre régime.

Eh bien, est-ce là ce que vous faites quand vous nous persécutez ? (Interruption.)

J'arrive, messieurs, au projet de loi en lui-même. Que demande la droite ? Demande-t-elle quelque, chose de neuf ? Demande-t-elle, comme on l'a dit, des privilèges ? Demande-t-elle des exemptions pour les capucins et pour les ordres religieux ?

Par le moins du monde. Elle demande simplement le maintien de ce qui a existé depuis 1830.

Ce que vous voulez, c'est changer le régime actuel.

Le premier amendement demande que les élèves en théologie doivent entrer au service militaire. Un second demande que les prêtres qui ne font pas te service d'une paroisse doivent être militaires.

L'honorable ministre de l'intérieur vient vous dire, avec une parfaite modération, comme les brigands de la Calabre, de la Sicile, des Marches et des Légations qui prennent un fils de famille et, au lieu de lui couper la tête, se bornent à lui couper les oreilles et les envoient à son père pour obtenir une bonne rançon.

Je demande s'il est possible de se jouer des mots comme l'a fait M. le ministre de l'intérieur ? Qu'est-ce qui est en jeu ? C'est la liberté des cultes, car, je le demande, la liberté des cultes existe-t-elle quand le sacerdoce ne peut pas se recruter librement ?

Tous vos amendements ne tendent qu'à un seul but : empêcher par tous les moyens possibles que le sacerdoce ne se recrute.

Je vous le signale : ce sont autant d'attentats à la liberté des cultes.

Encore une fois, il n'existe pas de liberté des cultes sans un sacerdoce, et un sacerdoce qui ne peut pas se recruter ne jouit pas de la liberté des cultes.

On a beaucoup demandé pourquoi le Congrès, dans la loi sur la garde civique, avait exempté du service militaire tous les ministres des cultes, tous les étudiants en théologie.

On a développé à cet égard bien des théories, et on s'est mis à côté de la véritable : c'est que l'exemption des ministres des cultes, des étudiants en théologie était la conséquence naturelle, logique, inévitable de la liberté des cultes.

Le Congrès, en agissant de la sorte, n'a fait que rendre hommage au principe de la liberté des cultes. Et croyez-le bien, on ne s'est pas occupé de savoir si les ministres des cultes qu'on exemptait étaient ou non salariés par l'Etat.

La loi de 1831 que j'ai sous la main n'établit aucune distinction ; l'article 5 est formel :

« Sont exemptés temporairement du service aussi longtemps que la même cause existe : « 1° ...

« 2° ...

« 3° ...

« 4° Les étudiants en théologie dans les séminaires. » (Interruption.)

Oh ! je sais bien que le culte, n'a pour vous aucune espèce d'intérêt. (Interruption.)

Je le répète, messieurs, le Congrès, en agissant de la sorte, ne fait que rendre hommage à la liberté des cultes ; toutes les autres considérations qu'on a mises en avant sont étrangères à sa pensée, et cela est tellement vrai qu'il n'a établi aucune espèce de distinction entre les ministres des cultes, il a mis tous les ministres des cultes sur la même ligne.

Vous le savez, dans tous les pays du monde, dans tous les cultes possibles il y a antinomie entre le sacerdoce et l'état militaire. L'état militaire et le sacerdoce sont deux choses qui se repoussent ; il n'existe aucune société humaine dans laquelle le prêtre, à quelque religion qu'il appartienne, soit obligé de participer au service militaire. (Interruption.)

Vous seriez bien avancés si vous aviez le bonheur de voir, dans vos réunions de la garde civique, deux ou trois capucins. (Interruption.) Vous auriez fait là une belle conquête ! Savez-vous ce que vous auriez fait ? Vous vous seriez rendus ridicules et odieux dans toute la Belgique.

Messieurs, je demande à dire encore deux mots.

Je suis profondément frappé d'une chose : c'est de la marche des faits dans notre pauvre Belgique depuis un certain nombre d'années.

Il ne se passe pas de jour où vous n'arrivez ici avec des actes oppressifs contre notre liberté de conscience.

Vous n'avez fait que cela.

Vous avez commencé par la liberté de la charité. La liberté de la charité que nous avions, vous nous l'avez enlevée. Vous nous avez enlevé les fondations pieuses ; vous nous avez ravi ensuite les bourses d'étude fondées par des catholiques dans un but catholique. Vous avez été plus loin, vous avez confisqué les écoles que les prêtres avaient fondées dans un but catholique ; ces écoles, vous nous les avez ravies.

Vous ne vous êtes pas bornés là ! Vous avez adopté le système de mettre le prêtre hors de l'enseignement ; de mettre l'instruction religieuse autant que possible hors de l'enseignement et vous vous êtes opposés par tous les moyens possibles, dans la loi de l'enseignement primaire, aux termes qui étaient admis dans l'adoption des écoles libres.

Ces écoles, vous les avez fait annuler presque partout. Vous avez chassé l'instruction religieuse des écoles d'adultes, vous avez fait des écoles publiques sans Dieu, c'est-à-dire des écoles qui sont le monopole de l'athéisme.

Vous avez voulu nous ravir et vous cherchez tous les jours à nous ravir nos cimetières à nous, en violant la loi sur les cimetières. (Interruption.)

Vous nous avez ravi la liberté de la chaire et aujourd'hui vous arrivez à vouloir nous ravir le recrutement du sacerdoce.

Voilà la série de vos maximes et des actes que vous avez posés.

Avez-vous fait quelque chose de constitutionnel ? Non, vous avez posé des actes antipatriotiques, anticonstitutionnels.

Savez-vous ce que vous avez fait ? Vous avez recommencé la persécution de 1825 contre les catholiques ; vous avez refait les maximes orangistes, dont nous n'avons pas voulu en 1830.

Et si vous vous imaginez qu'en agissant de la sorte, vous rendrez à la nation cette virilité, cette vigueur dont elle a besoin, je dis que vous êtes les démolisseurs de la société et que, quand un jour on écrira l'histoire de la Belgique, on dira : Les catholiques en 1830 ont constitué l'œuvre de la (page 1099) liberté par leurs actes contre les catholiques, les libéraux en 1869 l'ont anéantie.

- Voix nombreuses. - La clôture ! la clôture !

MpDµ. - La clôture est-elle demandée par dix membres ?

- La discussion continue.

MiPµ. - Je vais répondre en très peu de mots aux deux discours que vous venez d'entendre.

A en croire les honorables orateurs qui les ont prononcés, nous aurions soulevé ici une question... (Interruption.)

MpDµ. - Vous aviez peine à parler tout à l'heure, M. Dumortier. Taisez-vous maintenant, je vous prie, dans votre intérêt.

M. Dumortierµ. - Pourquoi le gouvernement change t-il son projet de loi ?

MiPµ. - Si M. Dumortier voulait continuer quelques instants encore, je lui céderais la parole.

M. Dumortierµ. - Oui, très volontiers.

MpDµ. - Vous n'avez pas la parole, M. Dumortier ; veuillez vous asseoir.

Je donne de nouveau la parole à M. le ministre de l'intérieur.

MiPµ. - Mes honorables collègues, dans les discours que vous venez d'entendre, déplorent amèrement la situation du pays ; ils regrettent surtout que nous soyons a chaque instant divisés par ce qu'ils appellent les questions religieuses.

Ils n'ont qu'un désir, c'est d'aplanir les difficultés qui se rencontrent dans cette matière.

Et voici cependant la situation dans laquelle ils se placent.

L'honorable M. Schollaert a commencé son discours par dire : « Je ne demande qu'une chose : la loi de 1817 ; maintenez-la, je suis satisfait. »

Eh bien, j'offre exactement à l'honorable M. Schollaert la loi de 1817. L'honorable M. Schollaert n'en veut pas.

L'honorable M. Schollaert nous dit : « Donnez-nous au moins les principes du Congrès, ces principes de liberté large réalisant ces idées généreuses qui avaient constitué le système de cette assemblée. »

L'honorable membre ne fait pas allusion sans doute au système du Congrès qu'a exposé l'honorable M. Rogier. Comme il y a controversé sur les sentiments du Congrès qui n'ont pas été formulés, nous ne pouvons que nous en tenir au texte de la loi votée par le Congrès ; j'offre à l'honorable M. Schollaert le texte même de la loi du Congrès ; c'est-à-dire l'exemption des ministres des cultes et des élèves en théologie qui sont dans les séminaires ; et l'honorable M. Schollaert n’en veut pas.

Enfin l’honorable M. Schollaert nous dit : Donnez-nous l’exemption des personnes qui sont revêtues d’un caractère sacerdotal ; je ne demande pas l'exemption des religieux, parce qu'ils sont religieux ; je demande l'exemption des religieux, quoique religieux, parce qu'ils sont prêtres.

Je donne à l'honorable M. Schollaert l'exemption des prêtres, même religieux, et il ne veut pas de la loi.

Ce que vous voulez aujourd'hui, ce n'est pas la loi de 1817, ce n'est pas la loi du Congrès ; ce n'est pas même la loi religieuse s'appliquant aux prêtres religieux ou non.

Vous voulez l'exemption des religieux qui né sont pas prêtres, qui ne sont rien, par cela seul qu'ils ont l'intention de le devenir.

J'ai récapitulé les trois demandes que l'honorable M. Schollaert nous a faites ; nous lui offrons d'y faire droit et l’honorable M. Schollaert n’accepte pas. (Interruption.)

L'honorable M. Coomans qui m'interrompt sait très bien d'où vient le projet.

M. Coomansµ. - C'est de l'enfantillage.

MiPµ. - Il nous a provoqués pendant deux ou trois ans. Il nous a montré que nous ne pouvions pas raisonnablement exempter les membres des ordres religieux. Nous avons accepté l'observation. Voila cause des amendements ; c’est vous qui en êtes la cause première ; et si vous ne votez pas mon amendement, vous reniez votre enfants. (Interruption.)

Je ne veux pas prolonger la discussion sur le point de savoir ce qu'a fait l'honorable M. Coomans. L'honorable membre a annoncé qu'il voterait la proposition faite aujourd'hui. Qui l’a provoquée ? Le moment est arrivé. Que fait-il ? Beaucoup de poussière autour de lui pour qu’on ne l'aperçoive pas au moment où il devrait faire le tour de force qu'il a annoncé. (Interruption.)

Ainsi, messieurs, je pose bien la question. L'amendement que je présente consiste simplement en ceci ; Nous maintenons l'exemption des ministres des cultes comme la législation actuelle. Nous n’entendons pas à cet égard nous prononcer sur le point de savoir s'il faut interpréter ces termes « ministres des cultes » dans le sens qu'a indiqué l'honorable M. Orts. Il appartiendra aux tribunaux de le décider. Nous maintenons l'exemption telle qu'elle existe pour les ministres des cultes.

Quant à l'exemption des élèves en théologie, nous nous trouvons en présence d'une controverse. Nous avons une partie des députations permanentes qui exemptent les élèves en théologie dans quelque lieu qu'ils étudient. Nous avons au contraire des députations qui décident qu'il faut étudier dans les séminaires reconnus par la loi. Voilà la situation. Nous consacrons dans notre loi ce dernier système. L'amendement se borne tout simplement à trancher une controverse.

Je vous ai montré combien peu d'importance présentait la question dans les faits ; vous reconnaissez qu'elle ne présente qu’une minime importance pécuniaire. Mais vous n'oseriez pas dire qu'il y a un principe engagé. Je comprendrais que si nous faisions marcher ceux qui sont revêtus du caractère sacerdotal, vous pourriez soutenir qu'il y a un principe engagé. Mais je demande quel est le principe engagé quand il s'agit de faire marcher des étudiants en théologie qui île sont pas plus prêtres que nous ?

L'honorable M. Schollaert a cependant deux objections à mon système, objections réellement étranges.

La première, il l’a répétée à satiété : c'est que l'amendement créé une illégalité entre les différents cultes ; qu'il établit un privilège en faveur des protestants, des juifs, à l'exclusion des catholiques. Mais mon amendement ne fait pas de distinction, ne mentionne aucun culte : ce qu'il demande, c'est qu'on étudie dans les établissements reconnus par l'Etat, s'il en existe.

Trouvez-vous la position des autres cultes meilleure, que la position du culte catholique, parce qu'ils n'ont pas d'établissements ? Maïs il lui serait extrêmement facile de se mettre dans la même position que les autres cultes : qu'il renonce à ses établissements ; il n'aura plus à se plaindre. (Interruption.)

- Des membres. - C'est évident.

M. Dumortierµ. - Elle est belle, celle-là ! Vous voulez fermer les séminaires et nous ramener au. collège philosophique.

MiPµ. - Je n'ai pas la moindre intention de faire fermer les séminaires. Je trouve que si l'épiscopat prenait une pareille mesure, il ferait une faute déplorable.

Mais quand on vient invoquer l'existence des séminaires comme une cause d'infériorité pour le culte catholique, il m'est bien permis de vous dire : Si ce sont ces établissements qui gênent, qu'on y renonce et l'on sera dans la position des autres.

La seconde objection-, c'est que mon système est impraticable.

Messieurs, voyons en quoi il est impraticable.

Impraticable, parce que l’on constatera le lieu où étudient les élèves ? Non, dit-on, c'est la chose la plus facile du monde ; il est impraticable parce que l'élève devra déclarer' qu'il se voué au ministère ecclésiastique.

Comment voulez-vous, dit M. Schollaert, que. ces jeunes gens prennent l’engagement d’entrer dans le ministère ecclésiastique ? Quelle tracasserie ! Vous allez préjuger le chemin qu'ils feront dans la vie !

Mais on trouve qu'ils peuvent très bien prendre l'engagement d'entrer dans les ordres et ils ne pourraient pas dire s'ils se destinent au ministère ecclésiastique proprement dit, chose relativement si peu en présence de l’acceptation du sacerdoce qui s'attache à l'existence tout entière !

Impraticable, dites-vous ! Vous ignorez donc que ce que je proposé se pratique depuis 1830 en vertu d’une formule arrêtée par M. Nothomb ? Voici une de ces formules remplie en faveur d’un élève de Tronchiennes :

« Nous, Henri-François Bracq, par la miséricorde divine et la grâce du saint-siège apostolique, évêque de Gand,

« Certifions par ces présentes que le sieur X..., né à..., le..., est réellement élève en théologie â Tronchiennes, diocèse de Gand, avec intention de se vouer à l'état ecclésiastique.

« Donné à Gand, sous notre sceau, le seing de notre vicaire générai et le contreseing de notre secrétaire, le 16 mars 1869. »

Ne voulez-vous pas croire un simple évêque, je vous produirai la même formule signée par l'archevêque.

Ainsi la formule que j'ai insérée dans la loi, est faite par M. Nothomb et les évêques la signent depuis 25 ans sans réclamation, et nous devons entendre dire que ce qui s'est fait, pendant 25 ans, par l'épiscopat entier, sans que personne soupçonnât une difficulté, est impraticable ?

M. Wasseigeµ. - Est-ce que ce certificat relatif à Tronchiennes fera (page 1100) encore obtenir l'exemption à celui qui l'aura obtenu ? Veuillez nous dire oui ou non ?

MiPµ. - D'après mon amendement, il faut étudier dans un séminaire reconnu.

M. Wasseigeµ. - Voilà le changement, l'aggravation, cela devient évident par votre réponse.

MiPµ. - Messieurs, je ne laisserai pas mes adversaires égarer mon argumentation.

J'ai mis M. Schollaert en flagrant délit et il y restera. M. Schollaert a dit que mon système est impraticable et je prouve par un certificat (qu'il soit de Tronchiennes, de Namur ou de Malines, peu importe) que ce système est appliqué aujourd'hui ; et, si mes propositions sont admises, il continuera à l'être.

Seulement, pour qu'il y ait lieu à exemption, le certificat, au lieu de porter : « Tronchiennes ou Herenthals, » devra porter : « Séminaire de Namur, de Gand ou de Malines. » (Interruption.)

Je le répète, vous êtes en flagrant délit et vous y resterez.

Je vais vous prouver que vous ne discutez pas ici sérieusement : il s'agit de savoir si mon système est praticable ou impraticable. Voilà la question que je traite ; il ne s'agit pas d'autre chose.

M. Wasseigeµ. - Vous vous échappez par la tangente.

MiPµ. - Je concevrais l'objection si j'avais déclaré que je veux maintenir ce qui existe.

Mais il n'en est pas ainsi, vous le savez, je m'en suis expliqué dix fois.

L'honorable M. Schollaert a soutenu, je le répète, que mon système est impraticable, et je lui montre qu'il est pratiqué depuis 25 ans.

Je me suis explique de la manière la plus claire et vous ne voulez pas me comprendre.

M. Ortsµ. - C'est précisément parce qu'ils comprennent trop bien qu'ils font semblant de ne pas comprendre.

MiPµ. - M. Schollaert, vous venez de le voir, méconnaît les faits les plus patents.

L'honorable M. de Haerne nous a parlé longuement de la loi française, mais en nous déclarant qu'il n'avait pas eu le temps de la lire et qu'il se bornait sur ce point à des appréciations générales.

Mais quelle lumière peut-on jeter dans un débat quand on discute sur une chose que l'on n'a pas lue ?

L'honorable M. Dumortier, qui a besoin d'un gros grief, nous traite de brigands.

Nous agissons, d'après lui, comme ces brigands qui coupent les oreilles d'un fils de famille et les envoient à son père pour avoir une rançon.

Il est vrai qu'il y a dans son accusation une circonstance atténuante. Nous ressemblons a des brigands des Etats du Pape ! (Interruption.)

Notre crime est d'empêcher le recrutement du clergé ! Cela fait bon effet.

On dira : Voyez ces brigands de libéraux (c'est la qualification de M. Dumortier) qui veulent qu'il n'y ait plus de prêtres en Belgique, qui veulent empêcher qu'il y ait des séminaristes et en arriver à faire fermer les églises.

M. Schollaertµ. - Je n'ai rien dit de pareil.

M. Dumortierµ. - Je ne l'ai pas dit, mais je ne serais nullement étonné de vous voir arriver à ce résultat.

MiPµ. - Telle est donc, selon vous, la conséquence à laquelle je veux arriver en présentant un système qui permet le recrutement de tous les prêtres du clergé séculier comme aujourd'hui et qui se bornera, dans la pratique, à ne pas donner l'exemption à quelques novices des corporations religieuses.

Voilà la mesure violente dont nous demandons l'adoption ! et c'est quand nous faisons des propositions aussi modérées, quand nous admettons le maintien de 90 pour cent des exemptions accordées, que l'on vient nous traiter de vouloir empêcher le recrutement du clergé et que l'on nous compare à des brigands !

Bel exemple de modération !

Nous présentons une mesure raisonnable ; on nous accuse de dissimuler et d'avoir en vue des résultats contraires à ceux que nous prétendons poursuivre.

Toutes ces accusations s'appuient sur les plus fausses idées constitutionnelles.

Vous attentez à la liberté des cultes, nous dit M. Dumortier. En quoi ? Je m'adresse à un novice qui n'est pas prêtre, qui n'a que la simple intention de le devenir ; il veut être exempté. Je lui dis : Vous ne le pouvez pas ; vous devez remplir votre devoir vis-à-vis du pays.

Et il y aurait là, d'après M. Dumortier, un attentat à la liberté des cultes !

Mais quand je fais marcher un élève en droit ou en médecine, est-ce que je commets aussi un attentat contre le barreau ou la faculté ? (Interruption.)

Il n'y a pas de différence.

Je comprends encore que l'on exempte à raison d'un service public ; mais il n'y a aucun motif d'accorder la dispense à des personnes qui ne remplissent pas un service de cette nature.

Si M. Schollaert avait raison, nous en arriverions à cette étrange conséquence que l'Etat doit consacrer dans ses lois tout ce qui est dans les prescriptions d'un culte.

A cet égard, il faut, pour rester dans le vrai, bien distinguer. S'il s'agit du domaine de la conscience, je suis de l'avis de M. Schollaert, je crois que l'Etat ne peut pas forcer un individu à poser un acte quelconque qui soit contraire à sa conscience.

M. Coomansµ. - Ah !

MiPµ. - Ne vous récriez pas trop vite !

Voici un élève qui veut étudier la théologie, mais qui a un devoir vis-à-vis de l'Etat ; or, n'est-il pas évident que si cet élève pose un acte qui l'empêche de remplir ce devoir, c'est lui qui viole la loi qu'il prétend régir sa conscience.

Voyez, M. Schollaert, où aboutirait votre système.

Vous dites : C'est à l'Eglise à déterminer sa hiérarchie.

Mais si l'Eglise voulait doubler le nombre de ses évêques, l'Etat serait-il obligé de les rémunérer ? Evidemment, non. (Interruption.) On me fait remarquer que l'archevêque a nommé un coadjuteur. Cela est parfaitement légitime. Mais on ne pourrait faire reconnaître ce nouvel évêque

MjBµ. - L'archevêque ne l'a pas demandé.

MiPµ. - Il en est de même des ordres religieux. On ne peut prétendre que l'Etat doive reconnaître un nombre indéfini de personnes qui voudraient se faire prêtres.

Pourquoi a-t-on supprimé l'exemption en Italie ? Parce qu'il y existait assez de prêtres ; il y en a 95,000, c'est-à-dire quatre fois autant que chez nous par rapport à la population.

Je veux signaler encore une conséquence assez remarquable du système que l'on nous présente.

Il est certain qu'il y a dans les ordres religieux beaucoup de personnes qui se livrent à l'enseignement.

Je n'ai à cela aucune espèce d'objection à faire. Mais il est évident qu'à l'aide de l'exemption vous formeriez des professeurs de l'enseignement privé.

Cela serait-il juste, alors que nous n'introduisons pas même l'exemption pour les professeurs de l'enseignement moyen de nos athénées ? Je vous le demande, serait-il bien raisonnable que nous fissions plus pour l'enseignement privé, dans certains cas, que nous ne faisons pour l'enseignement officiel ?

Messieurs, on trouve mauvais que nous voulions faire étudier la théologie dans des séminaires reconnus.

Permettez-moi de vous lire un passage de la bulle du pape en vertu de laquelle certains séminaires ont été constitués en Belgique. Cette bulle accompagnait le concordat de 1826 :

« Les archevêques, aussi bien que les évêques, porteront principalement leurs soins sur les séminaires. C'est là où tous les jeunes gens qui sont appelés à l'état ecclésiastique doivent, comme des plantes nouvelles, dès leur plus tendre jeunesse, être formés dans le temps le plus opportun à la piété, à la pureté des mœurs et à l'éducation et instruction ecclésiastique : car les bons ouvriers de la vigne du Seigneur, les ouvriers vaillants ne le sont pas en naissant, mais le deviennent, et c'est au soin des évêques à les former. Ainsi donc, en exécution de l'article 2 de la nouvelle convention conclue avec le sérénissime roi Guillaume, le séminaire de chaque diocèse sera établi, administré et régi d'après les principes suivants : d'abord tel nombre de jeunes gens y sera admis, nourri, logé et élevé, qui soit suffisant et dans une juste proportion avec les besoins du diocèse, et la bonne assistance spirituelle due au peuple : et ce nombre sera convenablement déterminé par l'évêque. »

Voilà, messieurs, comment il était parlé des séminaires dans la bulle qui, je le répète, a institué plusieurs des séminaires belges.

Je demande si en exigeant que pour obtenir l'exemption, il faille étudier la théologie dans un séminaire reconnu...

M. de Haerneµ. - Et le petit séminaire ?

(page 1101) MiPµ. - Est-ce qu'on étudie la théologie dans les petits séminaires ?

M. de Haerneµ. - Oui.

MiPµ. - Ce sont des grands séminaires alors.

M. de Haerneµ. - On y donne les éléments de la théologie dans le cours supérieur.

MiPµ. - Il y a entre le grand séminaire et le petit séminaire une grande différence.

Celui-ci est à celui-là ce que l'athénée est à l'université.

Maintenant, messieurs, je dois donner en terminant un mot de réponse à l'honorable M. Orts, au sujet de certains points qu'il a exposés dans son brillant discours.

Je ne diffère avec M. Orts que sur les moyens d'application des principes, de réalisation des idées. Nous devons reconnaître tous les deux que la fraude sera excessivement difficile et sans bien grande importance, eu égard au petit nombre de personnes auxquelles s'appliquerait la loi.

Il est évident qu'un ordre religieux ne renoncera pas à un novice pendant 3 ou 4 ans que durent les études théologiques pour la modique somme qu'il aurait à dépenser.

Je réponds à l'honorable M. Orts.

M. Orts, pour empêcher les exemptions, procède a posteriori, tandis que je procède a priori.

Il n'accorde pas l'exemption définitive aux ministres des cultes religieux, en laissant la liberté d'étudier partout ; au contraire, je ne distingue pas, quant aux ministres des cultes, mais en refusant l'exemption provisoire, j'aime à ne jamais avoir à prononcer sur ce cas ; il n'y aura plus en fait de ministres des cultes religieux exemptés.

M. Ortsµ. - On vous trompera.

MiPµ. - Vous allez voir que mon système offre plus de garanties que le vôtre.

M. Ortsµ. - Je les prends tous deux : je voterai le vôtre après le mien.

MiPµ. - Il me suffit alors de démontrer que le vôtre n'ajoute aucune garantie au mien.

Quand un élève en théologie aura passé quatre ans dans un séminaire séculier, c'est qu'il se destine au clergé séculier ; il n'y a aucun doute. Sans doute, il peut arriver que plus tard il entre dans les ordres religieux ; ce cas est très rare ; relativement au petit nombre d'exemptés, il est complètement insignifiant.

Mais quelle différence l'amendement de M. Orts apporte-t-il à cet égard ? C'est que l'entrée dans l'ordre pourra avoir lieu, la veille de l'ordination, et que chez lui elle ne pourra avoir lieu que le lendemain. Il n'y a là aucune garantie ; la seule qui soit sérieuse est le séjour au séminaire.

Mais l'amendement de M. Orts me paraît avoir l'inconvénient de prêter aux accusations qu'on dirige contre nous de vouloir faire saisir les prêtres religieux pour les incorporer, leur faire faire l'exercice.

Mon amendement, en s'appliquant au début de la carrière, empêchera que l'exemption ne doive être prononcée sans qu'on puisse nous reprocher de chercher à recourir à cette mesure.

Je crois qu'en maintenant les principes de l'honorable membre, cet amendement assure la réalisation du but.

- La clôture est demandée.

M. Jacobsµ (contre la clôture). - Messieurs, mon tour d'inscription arrive immédiatement après M. le ministre de l'intérieur ; il est contraire à tous les usages qu'une discussion importante soit close à la suite du discours d'un ministre ; un ministre ne parle jamais le dernier : je demande donc que l'on se conforme aux précédents et que la parole me soit accordée.

M. de Theuxµ (contre la clôture). - Messieurs, l'honorable M. de Brouckere, en exposant la pensée du Congrès, a fait un appel aux souvenirs des anciens membres de cette assemblée. Je demande donc à pouvoir dire quelques mots. Je serai très court.

- Des membres. - Parlez, M. de Theux.

- D'autres membres. - Oui, laissons parler M. de Theux.

MpDµ. - M. Jacobs, cédez-vous votre tour de parole à M. de Theux ?

M. Jacobsµ. - Non, M. le président.

MpDµ. - Dans ce cas, je dois consulter la Chambre sur la clôture.

- La clôture est mise aux voix et n'est pas prononcée.

M. Jacobsµ. - Messieurs, je ne sais réellement quel ton prendre dans cette discussion pour plaire à la majorité. (Interruption.) Lorsqu'on s'anime, comme les honorables messieurs Delcour et Dumortier, on nous accuse de provocation ; on nous reproche de ne pas accepter la main conciliatrice que nous tend le gouvernement. Quand, au contraire, on s'exprime d'une façon modérée, nous trouvons des membres, comme l'honorable M. Orts, qui nous narguent et disent : C'est donc là cette grosse affaire ! une mesquine question d'argent, qui ne vaut pas la peine de s'animer.

Pour moi, en dépit des reproches et des railleries qu'on nous adresse, je resterai modéré ; je tâcherai de m'établir sur le terrain de la conciliation d'une façon tellement ferme, qu'il sera impossible de m'en déraciner.

Je prends au mot M. le ministre de l'intérieur. Voulez-vous la loi de 1817, nous dit-il ? J'accepte la loi de 1817. Telle est ma réponse.

La loi de 1817 exempte d'une façon générale, sans distinction, tous les ministres des cultes et tous les étudiants en théologie. Tels sont ses termes. Et puisqu'on a insisté sur les termes de la loi française, malgré une pratique contraire uniforme, il me sera bien permis d'insister sur les termes de la loi de 1817, malgré une pratique contraire dans deux provinces sur neuf.

La loi de 1817, nous objecte-t-on, n'a pu songer qu'à ce qui existait ; elle n'a pu se préoccuper que de la situation d'alors ; mais, en présence d'une dispense générale, est-on fondé à faire un commentaire pareil ? Et si l'on disait que le Congrès, en décrétant la liberté des cultes, n'a pu avoir en vue que les cultes existants, cet argument aurait-il quelque valeur ?

La loi s'exprime en termes généraux. Il ne s'agit pas de savoir ce qu'elle a pu prévoir ; il s'agit de savoir ce qu'elle a fait. Eh bien, cette loi générale, reproduite par la section centrale, nous, sommes prêts à la voter encore.

Cette loi de 1817 a donné lieu à quelques divergences d'opinions. Les circulaires ministérielles sont dans notre sens et sept provinces sur neuf l'appliquent conformément à ces circulaires.

Il peut y avoir quelque utilité à faire cesser les divergences d'opinion et à établir l'unité de jurisprudence. Mais y avait-il ici une nécessité tellement absolue, y avait-il quelque chose de bien urgent à trancher ces questions ?

Ce qui prouve le contraire, ce sont les propres paroles de M. le ministre de l'intérieur qui déclare ne pas trancher la question pour les ministres des cultes. D'après lui, l'honorable M. Orts pourra continuer à soutenir son système devant les tribunaux, si cela lui fait plaisir.

Je n'en crois rien, car la dispense que nous voterons est générale et absolue ; mais s'il n'est pas indispensable de trancher la question pour les ministres des cultes, quelle nécessité peut-il y avoir à la trancher pour, les étudiants en théologie ?

Il s'agit de trois élèves par an, quelle misère ! nous dit M. le ministre de l'intérieur.

Que la question présente, pour vous comme pour nous, quelque chose de mesquin au point de vue matériel, je le reconnais. Mais il y a entre nous cette différence, qui doit vous engager à nous faire cette concession minime, c'est que pour les catholiques, à côté de la petite question matérielle, il y a une question de conscience, et que vous n'en avez pas. (Interruption.)

L'honorable M. Pirmez ne peut avoir d'autre but que de faire la concession inverse à quelques membres de son parti pour tâcher d'y maintenir l'unité ; cette concession ne peut avoir pour lui une importance capitale. Ce n'est pas sa conscience qui la lui arrache, et, si c'était l'esprit de conciliation qui le guidait, en présence du scrupule de conscience qui arrête les catholiques, il devrait leur accorder dix fois cette petite concession qui se chiffrera par quelques milliers de francs.

Je sais bien que M. Pirmez trouve qu'il n'y a pas de question de conscience pour les catholiques ; mais, comme il n'est pas leur directeur spirituel, il leur permettra de ne pas s'en rapporter à lui à cet égard.

Je crois, messieurs, que ce qu'il y aurait de mieux à faire aujourd'hui, ce serait de laisser cette question entière, aussi bien pour les étudiants en théologie que pour les ministres des cultes. On peut le faire sans inconvénient puisqu'elle a une si minime importance. Si, du reste, elle devait être tranchée, je vais démontrer en quelques mots qu'elle ne devrait pas l'être contre les religieux.

On le reconnaît pour les ministres des cultes ; on les dispense tous aujourd'hui qu'il y a des moines ministres du culte. Il est bien certain qu'on exemple tous les moines prêtres.

Il importe, messieurs, de se faire nue idée exacte de la valeur des mots « ministres des cultes » qui paraissent donner lieu à trois ou quatre interprétations différentes.

(page 1102) M. Orts. — Je n'ai jamais dit cela.

M. Jacobsµ. - En invoquant le traitement inscrit dans l'article 117 de la Constitution, en le mettant en rapport avec les mots « ministres des cultes », qui se trouvent en regard dans le même article, vous en avez tiré argument pour conclure que les prêtres qui ne reçoivent pas de traitement ne doivent pas être considérés comme ministres des cultes. Si vous n'en déduisez pas celle conséquence, il n'y a plus rien à en déduire.

Il est donc reconnu que le traitement n'est pas le critérium de la qualité de ministre d'un culte dans le sens légal de ce mot. Mous verrons tout à l'heure si ce critérium est la qualité de séculier.

On ne peut considérer l'exemption de la milice comme un supplément de traitement, attendu qu'il est une foule de ministres des cultes qui ne recevront jamais de traitement, et qui jouissent de l'exemption.

Ne sont donc pas exclusivement ministres des cultes ceux qui ont un traitement. J'ajoute : ne sont pas ministres des cultes uniquement les prêtres séculiers. Vous n'ignorez pas qu'il existe dans nos lois, pour les ministres des cultes, une sorte de compensation d'avantages et d'inconvénients.

Viendra-t-il à l'idée du quelqu'un de soutenir que le religieux peut être bourgmestre, qu'il n'est pas exempté du jury, qu'il peut être gouverneur, que devant la cour d'assises les circonstances aggravantes que les articles 376 et 381 du code pénal font résulter de la qualité de ministre des cultes ne s'appliquent pas au religieux, que lorsque le religieux, en chaire critique les actes de l'autorité civile, il ne peut être puni ?

Evidemment personne ne le soutiendra, car il est pour nous, pour la loi, pour tout le monde, un ministre du culte catholique.

L'honorable M. Orts, dans une autre partie de son discours, nous objectait que si, en dehors du traitement, il faut reconnaître des ministres des cultes, le premier venu pourra se dire ministre d'un culte sans que personne ait le droit de lui répondre : Ce que vous dites n'est pas vrai.

Détrompez-vous : on lui fera cette réponse et, lorsque devant la cour d'assises il revendiquera la qualité de ministre d'un culte, avant de le condamner plus sévèrement qu'un autre on examinera, on ne le croira pas sur parole.

L'un n’est ministre d'un culte, aux yeux de. la loi, que lorsque l'on est institué comme tel par les autorités d'un culte reconnu par la loi.

il ne suffirait pas qu'un saint-simonien vînt dire : « Je suis ministre du culte. » La justice ne s'inclinerait pas devant cette affirmation ; elle est en droit de la contrôler

L'exemption des ministres du culte en matière de milice sera interprétée par les tribunaux, comme le sont toutes nos dispositions légales qui s'occupent de ces ministres.

Dans le système de M. le ministre de l'intérieur, les prêtres, les diacres et les sous-diacres, ceux qui sont revêtus des ordres majeurs, sont exemptés, fussent-ils moines ; ceux, au contraire, qui appartiennent aux ordres mineurs ne sont exemptés que s'ils font partie du clergé séculier.

Pourquoi cette distinction quand il s'agit de tonsurés seulement ? Les tonsurés d'aujourd'hui seront les sous-diacres de demain.

L'un est la fleur, l'autre le fruit. L'un est le développement de l'autre.

Je voudrais bien qu'on m'expliquât comment la nécessité, l'utilité sociale naît, pour les uns dans tel degré et, pour les autres dans tel autre degré, pour les uns à la tonsure, pour les autres au sous-diaconat.

Je. parlais tout à l'heure des cultes reconnus ; d'après l'amendement de l'honorable ministre de l'intérieur, nous allons établir trois catégories de cultes dans la législation belge :

Les cultes non reconnus.

Les cultes reconnus à séminaires.

Les cuites reconnus sans séminaires.

Le régime légal sera différent, selon que l'on appartiendra à l'une de ces trois catégories !

Quelques mots pour démontrer à M. le ministre de l'intérieur, par rapport aux étudiants en théologie, que son amendement n'atteint ni son but apparent, ni son but réel.

Le but avoué est celui d'assurer le ministère paroissial, de permettre à toutes les paroisses de Belgique d'avoir des curés et des vicaires.

On a répondu déjà qu'il y a nombre d'étudiants en théologie dans les séminaires qui se vouent aux missions, à l'étude, à la science, à l'enseignement, à la prédication, qui deviennent chapelains, etc.

Votre amendement n'est donc pas en rapport avec son but avoué.

D'une part, tous les élèves des séminaires n'embrassent pas le ministère paroissial ; en revanche, les membres de certains ordres religieux s'y destinent.

Chacun de vous sait que l'ordre des prémontrés, notamment, a précisément ce but et, quand l'honorable M. Orts vous montrait les populations préférant toujours le clergé séculier aux ordres religieux, il oubliait, pour ne citer qu'un exemple, que le relâchement du clergé séculier fit appeler d'une voix unanime à Anvers saint Norbert, le fondateur des prémontrés.

Il créa dans l'abbaye de Saint-Michel la première maison belge de l'ordre, le premier séminaire régulier (c'est le titre de ces maisons), et depuis lors les campagnes de la Campine puisent leurs pasteurs dans les abbayes de Tongerloo, d'Averbode, de Grimbergen, de Parck, filles de l'abbaye de Saint-Michel.

Vous n'avez pas en vue le ministère paroissial, sinon vous traiteriez les séminaires réguliers des prémontrés comme les séminaires séculiers diocésains.

Je m'étonne vraiment que le gouvernement prétende réglementer l'organisation du culte catholique et soutienne que les séminaires séculiers valent mieux que les séminaires réguliers, que les une doivent être protégés au détriment des autres, que les uns doivent obtenir l'exemption et les autres pas.

Tel n'est pas son rôle ; telle ne devrait pas être sa conduite.

Après le but avoué, j'arrive au but véritable, qui se traduit davantage dans l'amendement.

Il ne s'agit pas de favoriser le ministère paroissial ; il s'agit d'écarter les ordres religieux, de prendre une mesure spéciale dirigée contre eux, de façon à les empêcher de profiter de l'exemption accordée au clergé séculier. S'il en est ainsi, l'amendement de M. le ministre de l'intérieur ne répond pas davantage au but qu'il se propose.

Il nous a distribué la liste imprimée des étudiants en théologie exemptés dans ces dernières années ; vous y avez vu des aspirants au clergé séculier qui étudient à Rome ; il s'y trouve en effet un collège belge, organisé par l'épiscopat pour l'étude de la théologie ; vous y avez remarqué des aspirants au ministère ecclésiastique qui étudient à la faculté théologique de l'université de Louvain ; ceux-là, ceux encore qui étudient chez eux ne seront pas exemptés quoiqu'ils se destinent au clergé séculier.

L'une des critiques adressées par M. le ministre de l'intérieur au discours de M. Schollaert présente un certain fondement au point de vue du texte même de son amendement. M. Schollaert combat cette affirmation de M. le ministre de l'intérieur, que l'on demanderait aux élèves en théologie une déclaration d'après laquelle ils se destinent au clergé séculier et non au clergé régulier ; c'est à ce propos que M. Schollaert disait : Cela est impraticable. Les élèves ne peuvent déclarer quatre ans d'avance la branche du clergé à laquelle ils appartiendront.

M. le ministre de l'intérieur ne reproduit plus cette idée, et se contente de cette simple déclaration, que l'élève étudie dans un séminaire diocésain, sans plus tenir aucun compte de la carrière ecclésiastique à laquelle il se destine. (Interruption.)

Lorsqu'on est dans l'état religieux, on est dans l'état ecclésiastique. C'est évident.

M. le ministre de l'intérieur se contente donc d'une déclaration d'après laquelle l'élève étudie dans un séminaire diocésain.

Eh bien, cela n'est pas en rapport avec le but qu'il a en vue, puisqu'il y a des jeunes gens qui ne sont pas dans des séminaires et qui se destinent à l'état ecclésiastique séculier, tandis que d'autres jeunes gens peuvent étudier dans les séminaires sans se destiner au clergé séculier.

Par exemple, je suppose un noviciat établi à Malines ; il arrivera vraisemblablement que ces novices suivront les cours du grand séminaire, parce qu'on jugera fort inutile de créer une seconde chaire de théologie, une seconde chaire de droit canon dans une ville où il en existe déjà une.

Il n'y a donc aucun rapport entre votre but et votre résultat.

Du reste, messieurs, prendre des mesures spéciales contre les ordres religieux, c'est entrer dans une mauvaise voie.

MjBµ. - Il faudrait prendre des mesures en leur faveur...

M. Jacobsµ. - Ni l'un, ni l'autre ; on n'en peut tenir compte. M. Orts vous disait : Nous ne pouvons reconnaître les ordres religieux. C'est ce que je vous demande ; faites-en abstraction et accordez l'exemption non pas aux moines, mais aux prêtres, à tous les prêtres, fussent-ils moines, accordez-la aux étudiants en théologie, à tous ces étudiants, fussent-ils moines. Car enfin il faut bien déterminer quel est le critérium de l'exemption. Ce n'est pas le traitement ; que voulez-vous donc que ce soit si ce n'est le sacerdoce ?

C'est le caractère ecclésiastique, non pas en vertu d'une immunité, que (page 1103) les catholiques seuls peuvent reconnaître, mais en vertu d'un intérêt social, auquel je vous défie de donner une autre ligne de démarcation.

Cherchez, vous n'en trouverez pas. Dès qu'il est reconnu que c'est le caractère sacerdotal qui est cette ligne de démarcation, accorder la dispense à tous ceux qui sont prêtres ou veulent le devenir, fussent-ils moines.

Vous avez cité les paroles de M. Van Snick : « Le moine usera de la liberté d'association en Belgique non comme moine, mais comme citoyen. »

Je répète : « le moine sera exempté de la milice, non pas comme moine, mais comme prêtre, mais comme étudiant en théologie. » La loi ne connaît pas les moines, elle connaît que les ministres des cultes, que les aspirant ministres des cultes.

Dès qu'elle reconnaît cette qualité, elle accorde la dispense du service militaire, car ce service est en opposition avec l'état ecclésiastique.

Laissez-moi vous dire en finissant, quelle idée me venait en entendant l'honorable M. Orts afficher la prétention de servir les intérêts du clergé séculier, de le protéger contre la concurrence écrasante du clergé régulier. Aujourd'hui, disait-il, par suite de l'égalité d'exemption, de cet équilibre des deux catégories de prêtres, il n'y a guère que les pauvres diables qui entrent dans le clergé séculier ; les jeunes gens de famille s'affilient aux ordres religieux.

Je me faisais cette réflexion : allons-nous renouveler aujourd'hui à propos des deux branches du clergé la lutte de la betterave et de la canne à sucre, protéger le clergé séculier au détriment des ordres réguliers ?

Nous n'avons pas à peser dans la balance pour la faire pencher en faveur de l'un de ces deux éléments du clergé !

Ce régime de protection ne vaut rien ; rapportez-vous en, comme eux,àa la liberté, cela vaudra beaucoup mieux.

- Voix nombreuses. - La clôture !

(page 1108) - Voix nombreuses. - La clôture !

M. de Theuxµ. - L'honorable M. de Brouckere a fait appel aux souvenirs des anciens membres du Congrès national.

Pour moi, j'ai l'intime conviction qu'il n'est jamais entré dans la pensée du Congrès de faire une distinction entre les ministres des cultes appartenant à des ordres réguliers et ceux appartenant à des ordres séculiers.

La seule distinction qui existe entre ces deux éléments, c'est que pour l'un il y a traitement, tandis que pour l'autre il n'y en a pas, à moins qu'il ne remplisse des fonctions paroissiales.

Messieurs, j'ai signe une circulaire relative à cet objet, comme ministre de l'intérieur.

L'honorable M. J. :B. Nothomb en a signé une également, et, de plus, tous les ministres qui ont occupé le pouvoir, soit pendant le Congrès, soit depuis le Congrès, ont, sans exception, pratiqué notre manière de. voir. Sept députations permanentes sur neuf ont également adopté cette manière de voir. Deux ne l'ont pas admise.

Voilà la situation.

On nous oppose la loi de 1817, mais la loi de 1817, pratiquée comme elle l'a été depuis le Congrès, est tout ce que nous demandons. Nous ne voulons pas innover. L'amendement de M. le ministre, est une innovation. Je l'entends encore ainsi au point de. vue de la liberté des études. Lorsqu'il s'est agi de la question de savoir si des étudiants, jouissant des bourses d'étude fondées en faveur de l'Université de Louvain, étaient astreints à suivre exclusivement les cours de cette université, j'ai résolu la question dans le sens de la liberté.

Vous le voyez, ce double principe a été appliqué par moi de la manière la plus large, et je conjure la Chambre de ne pas réagir.

Soyons bien pénétrés de cette idée que rien n'est plus dangereux que de réagir contre les principes libéraux du Congrès national, soit en matière politique, soit en matière religieuse.

En ce qui concerne la matière religieuse, j'ai toujours eu soin, pendant mon administration, d'appliquer les principes du Congrès. Quand l'honorable M. Lebeau a proposé de salarier le culte israélite, culte qui n'était pas salarié sous le gouvernement des Pays-Bas, comme ministre de l'intérieur j'ai adhéré à la proposition. J'ai pris l'initiative pour faire salarier le culte anglican.

A l'égard du culte protestant, j'ai maintenu tous les avantages dont il jouissait sous le royaume des Pays-Bas.

Jamais je n'ai proposé une mesure quelconque, qui fût contraire aux principes du Congrès, aux principes de la liberté et de l'égalité des cultes devant la loi ; aucune proposition de ce genre n'a été faite par moi, soit comme ministre, soit comme représentant.

J'ai donc le droit de prier la Chambre de ne pas dévier des précédents posés pendant le Congrès ou depuis le Congrès sans aucune interruption. II est vrai que l'honorable M. Rogier, en 1833, avait cru pouvoir proposer la suppression de l'exemption pour les étudiants en théologie, mais l'honorable membre a compris aujourd'hui avec beaucoup de sagesse qu'après 36 ans de possession, il y avait prescription acquise en faveur du principe de liberté.

Je pourrais ajouter que le projet de 1833 n'a jamais été discuté parce que quelque temps après la Chambre fut dissoute et le projet est tombé ; mais il est certain aussi qu'à cette époque la grande majorité des représentants était encore composée de membres de l'ancien Congrès, et que ce projet avait rencontré une forte opposition ; cela a déterminé le gouvernement à agir avec sagesse et il n'a pas reproduit cette proposition. Voilà les antécédents que l'homme véritablement pénétré des idées de liberté ne peut méconnaître.

La loi de 1817, c'est là ce que nous voulons ; nous ne demandons rien de plus.

Maintenant, bien que la loi fût muette à cet égard, jamais on n'a songé à faire servir, ni dans la milice, ni dans la garde civique, aucun prêtre appartenant aux ordres monastiques.

Le congrès a proclamé la liberté des ordres religieux ; il n'ignorait pas qu'il dût y avoir des novices dans les ordres religieux, comme il y avait des étudiants en théologie destinés au ministère sacré.

Est-ce un mal que la concurrence dans l'enseignement théologique des ordres monastiques ? Je ne crois pas. Il y a eu des discussions théologiques dans le clergé séculier et dans le clergé régulier et de ces discussions est résultée la vérité.

Maintenant, les ordres religieux sont-ils réellement impopulaires même au point de vue du libéralisme ?

Je ne le pense pas ; il est incontestable qu'un grand nombre d'hommes qui n'avaient pas pratiqué le culte, et qui sont revenus plus tard aux principes de leur jeunesse, ont rencontré dans les ordres religieux des hommes qui les ont accueillis avec la plus grande bienveillance et qui les ont aidés à terminer tranquillement leur carrière.

Messieurs, je me rappelle encore une ville où il existait des rédemptoristes. Eh bien, lorsque ces religieux se sont retirés, ceux qui les ont le plus regrettés, c'étaient précisément les libéraux. Et c'est tout simple : ce sont des hommes qui s'occupent exclusivement de la prédication et de l'administration des sacrements, et il n'est pas étonnant que l'on ait quelquefois pour eux une préférence.

On a parlé de l'impopularité des ordres religieux. Je nie cette impopularité. Qu'il y ait eu convoitise des richesses acquises par les ordres religieux, soit par leurs travaux, soit par des donations, je n'en disconviens pas. Mais il ne s'agit pas ici de cela. Il s'agit des services rendus gratuitement et sans le concours ni du gouvernement, ni des fondations, puisque les fondations sont défendues par la loi.

L'honorable. M. Rogier nous disait qu'il était intéressant pour le pays et pour le culte lui-même que le clergé ne se recrutât pas dans les conditions infimes de la société et surtout qu'il ne s'y recrutât pas exclusivement.

Eh bien, l'amendement de la section centrale qui n'exempte pas en cas de l'aisance des familles, va directement à l’encontre de l'opinion émise par l'honorable M. Rogier. C'est ce que j'ai objecté à l'honorable rapporteur et l'on est convenu qu'il y avait quelque chose à faire pour rassurer les familles.

Que résulterait-il de l'application de cette disposition ? Le père de famille qui doit consacrer une grande partie de sa fortune à faire faire de longues études à son fils avant qu'il parvienne à la classe de théologie, reculera devant cette incertitude de savoir s'il sera encore obligé de mettre un remplaçant ou si son fils perdra le fruit de toutes les éludes qu'il a faites en vue de parvenir à l'état ecclésiastique. Cette seule considération peut détourner un grand nombre de pères de famille de laisser étudier leurs fils en vue de l'état ecclésiastique.

Cette considération est importante. Je crois que M. le ministre de l'intérieur n'y a pas suffisamment réfléchi. Ce sera un grand obstacle à la fréquentation des séminaires.

Le père de famille, qui consacre ses capitaux à laisser faire des études aussi longues à son fils, doit tenir compte de la position de ses autres enfants, et ceux qui sont dans le cas de faire faire ces études à l'un de leurs fils et de lui donner un remplaçant, sans nuire à la position de leurs autres enfants, est très petit.

Tout dépendra donc de la manière dont la loi sera appliquée, et il y a là un arbitraire qui n'est pas du tout rassurant.

Ceux qui veulent sincèrement le recrutement du clergé, quand même ce ne serait que du clergé séculier exclusivement, doivent voter la proposition de l'honorable M. Thonissen et repousser cette disposition de la section centrale qui ne se trouvait pas dans le projet primitif.

Je dois encore faire remarquer que, d'après le nouveau système, l'étudiant en théologie ne doit plus être remplacé par un autre milicien ; c'est un point important.

J'espère que la Chambre adoptera l'amendement de l'honorable M. Thonissen, et loin de s'exposer à des reproches, elle acquerra ainsi une véritable et légitime popularité.

(page 1103) MpDµ. - Il me parvient deux demandes de congé de MM. d’Hane-Steenhuyse et Van Merris.

- Ces congés sont accordés.

La discussion est close.


MpDµ. - Voici l'ordre dans lequel je crois qu'il convient de voter :

D'abord, la proposition de M. Coomans, qui fait disparaître l'article 23bis tout entier et une partie de l'article 23, déjà votée.

Puis la proposition de M. Orts.

Ensuite la proposition de M. De Fré.

Et enfin la proposition de M. le ministre de l'intérieur.

L'amendement de M. Coomans est ainsi conçu :

« Seront dispensés définitivement, tous les miliciens appelés qui auront versé au trésor public, endéans les huit jours après le tirage, le dixième de leur revenu ou de celui de leur famille.

« Toute dispense non motivée par l'état physique du milicien est abolie. »

- Cet amendement est mis aux voix ; il n'est pas adopté.


MpDµ. - L'amendement de M. Orts est ainsi conçu :

« Ajouter aux mots : « définitivement les ministres des cultes », le paragraphe suivant :

« Ne sont pas compris sous la qualification de ministres des cultes, les membres des ordres religieux qui ne sont pas revêtus de fonctions spirituelles rétribuées par l'Etat. »

- Plusieurs membres. - L'appel nominal !

- L'amendement de M. Orts est mis aux voix par appel nominal.

97 membres sont présents.

45 adoptent.

54 rejettent.

En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.

Ont voté l'adoption : MM. Ernest Vandenpeereboom, Vander Maesen, Van Iseghem, Van Merris, Vleminckx, Warocqué, Watteeu, Allard, Anspach, Bara, Bieswal, Braconier, Bricoult, Broustin, Carlier, Couvreur, de Baillet-Latour, De Fré, de Kerchove de Denterghem, De Lexhy, d'Elhoungne, de Maere, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrints, Dewandre, Dupont, Elias, Funck, Guillery, Hagemans, Hymans, Jacquemyns, Jonet, Lebeau, Lesoinne, Lippens, Mascart, Orban, Orts, Preud'homme et Rogier.

Ont voté le rejet :

MM. Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Overloop, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Visart, Wasseige, Wouters, Coomans, de Borchgrave, de Brouckere, de Clercq, de Coninck, de Haerne, Eugène de Kerckhove, Delaet, Delcour, de Liedekerke, de Montblanc, de Naeyer, de Terbecq, de Theux, de Zerezo de Tejada, Dumortier, Frère-Orban, Hayez, Jacobs, Janssens, Jouret, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Lefebvre, Lelièvre, Liénart, Magherman, Moncheur, Moreau, Mulle de Terschueren, Nélis, Notelteirs, Nothomb, Pirmez, Reynaert, Royer de Behr, Schmitz, Schollaert, Tack, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut et Dolez.


MpDµ. - Nous avons à nous occuper, en premier lieu, de l'amendement des honorables MM. De Fré et consorts. Cet amendement consiste à supprimer les n°1, 2 et 3 de l'article 23bis.

- Plusieurs membres. - La division !

MpDµ. - La division est de droit.

M. d’Elhoungneµ. - Du moment que l'on vote par division, il me semble que c'est l'amendement de M. le ministre de l'intérieur qui doit être voté le premier.

La proposition de MM. De Fré et consorts consiste dans le rejet d'une partie de l'article.

M. Coomansµ. - Il me semble que l'ordre de votation indiqué par notre honorable président est le meilleur.

Il faut mettre d'abord aux voix la proposition qui s'écarte le plus de l'article en discussion, et cette proposition est celle de l'honorable M. de Fré. Je propose donc de maintenir le mode indiqué par notre honorable président.

M. Lelièvreµ. - Il me semble évident que c'est la proposition de l'honorable M. De Fré qui doit être soumise la première au vote. En effet, cette proposition est la plus radicale et s'éloigne le plus du projet du gouvernement. Elle tend à la suppression complète de l'exemption, tandis que les autres amendements supposent en principe l'existence de la dispense du service.

M. d’Elhoungneµ. - Les honorables MM. De Fré et collègues proposent le rejet d'une partie de l'article présenté par le gouvernement et la section centrale.

Au contraire, l'honorable ministre de l'intérieur présente un amendement à cet article.

Il faut donc voter d'abord l'amendement. Le rejet de l'article aura lieu par l'adoption de l'amendement.

M. Guilleryµ. - J'étais d'abord séduit par la proposition de M. d'Elhoungne, parce qu'en effet l'amendement de M. De. Fré consiste dans le rejet d'une partie de l'article ; mais l'observation de M. Coomans me paraît irréfutable.

La Chambre doit voter d'abord sur la proposition qui s'éloigne le plus du projet du gouvernement.

Pourquoi le règlement l'a-t-il voulu ainsi ? Parce que ceux qui auront voté pour l'amendement de M. De Fré, dans le cas où cet amendement ne réussirait pas, voteront ensuite pour l'amendement de M. le ministre de l'intérieur.

Si l'on n'observait pas le règlement, on placerait les membres qui ont signé l'amendement de M. De Fré dans une singulière position ; doivent-ils ou ne doivent-ils pas voter l'amendement de M. le ministre de l'intérieur ?

La logique nous indique donc la marche tracée par le règlement.

Je sais bien que l'amendement de M. De Fré consiste dans le vote sur le texte de l'article, mais cela est indifférent. II n'en est pas moins vrai que la proposition de M. De Fré est plus radicale et s'éloigne plus du projet que l'amendement de M. le ministre de l'intérieur.

MfFOµ. - Si l'on suit le mode qui vient d'être indiqué par M. Guillery, et si la proposition de M. De Fré e de ses amis est rejetée, il s'ensuivra que le projet primitif sera adopté ;

- Des voix. - Pas du tout !

MfFOµ. - Vous en proposez le rejet ; si le rejet n'est pas admis, il s'ensuit que le projet est adopté.

Des voix. - Mais non !

MfFOµ. - Et si la préposition est admise, alors on ne pourra plus amender. Donc, il faut procéder d'abord par l'amendement de M. le ministre de l'intérieur. Cela est de toute évidence (interruption) ; une proposition de rejet n'est pas un amendement.

L'amendement du gouvernement doit être mis aux voix ; lorsqu'il aura été admis ou rejeté, on mettra aux voix l'ensemble de la proposition dont M. De Fré demande le rejet, et ainsi l'on se prononcera sur la motion de l'honorable membre et de ses amis.

M. Coomansµ. - Je n'ai qu'une observation à faire pour repousser celle qui a été présentée par M. le ministre des finances. C'est celle-ci : Si l'amendement du gouvernement est mis en premier lieu aux voix et s'il est adopté, la Chambre est privée de l'avantage de voter sur l'amendement (page 1104) de M. De Fré, et l'on confisque la prérogative parlementaire. Il est loyal, il est juste, il est constitutionnel que toutes les propositions acceptables soient mises aux voix. Or, ce que veut le gouvernement, c'est confisquer le vote sur l'amendement de M. De Fré ; c'est le rendre impossible dans l'éventualité de l'adoption de l'amendement du ministère.

Il faut donc procéder par gradation et revenir du plus ou moins ; le plus c'est l'amendement de M. De Fré ; je voterai contre, mais n'importe ; la justice avant tout, et comme la Chambre a eu la loyauté de se prononcer sur mon amendement qui lui déplaisait, je désire que les auteurs de l'amendement de M. De Fré jouissent du droit de consulter la Chambre à leur tour.

On ne peut pas confisquer le droit parlementaire. Je crois que la proposition du gouvernement n'a pas d'autre but que d'éviter un vote sur la proposition de M. De Fré.

MfFOµ. - Je ne sais pas quel intérêt le gouvernement ou un membre quelconque de cette Chambre aurait à ne pas laisser voter sur l'amendement de M. De Fré. Pour moi, je déclare qu'il n'y a aucun intérêt à cela. Je ne puis en découvrir aucun.

Je vais expliquer à l'honorable membre qu'on votera sur l'amendement de M. De Fré. On va mettre aux voix l'amendement du gouvernement ; il sera admis ou rejeté ; il faudra ensuite voter sur l'ensemble de l'article.

Or, que proposent M. De Fré et ses collègues ? Ils proposent le rejet de l'article. On votera donc sur la motion de M. De Fré. Mais on ne peut pas la mettre aux voix d'abord, parce qu'une proposition de supprimer un article ne constitue pas un amendement.

M. Guilleryµ. - Tout le monde est d'accord sur les termes du règlement qui veulent qu'on vote d'abord sur la proposition qui s'éloigne le plus du projet de loi.

La seule difficulté provient, selon l'honorable préopinant, de ce qu'on voterait sur le rejet du projet de loi en votant sur l'amendement de M. De Fré.

Il est évident que ce n'est pas dans ce sens que le vote de la Chambre doit être interprété.

Après avoir voté sur l'amendement de M. De Fré, il restera, d'après le règlement, a voter sur l'amendement de M. le ministre de l'intérieur et sur l'ensemble de l'article.

Si l'amendement de M. le ministre de l'intérieur était accepté, l'article ne serait plus entier et nous n'aurions pas de vote sur l'article.

Je demande donc simplement l'exécution du règlement, c'est-à-dire le vote sur l'amendement qui s'éloigne le plus du texte du projet de loi.

Si nous ne le faisons pas, nous mettrons les partisans de l'amendement de M. De Fré dans l'alternative ou de voter contre l'amendement de M. le ministre de l'intérieur qu'ils auraient adopté dans un ordre subsidiaire, ou de voter pour cet amendement et d'étrangler ainsi l'amendement de M. De Fré.

MpDµ. - Je demande à la Chambre la permission de lui présenter quelques observations.

Je regarde, quant à moi, l'adoption de l'amendement de l'honorable ministre de l'intérieur comme impliquant le rejet de la proposition de M. De Fré ; cela me paraît évident. Quand la Chambre aura décidé : « Que provisoirement, à moins qu'ils n'appartiennent à une famille qui soit dans l'aisance, ceux qui, après leurs études moyennes, se destinent au ministère ecclésiastique et sont élèves en théologie dans un établissement reconnu par l'Etat », il me semble impossible que je lui demande si elle rejette la proposition primitive.

Je crois donc que la proposition de M. De Fré doit être mise aux voix avant l'amendement de M. le ministre ; c'est celle qui s'éloigne le plus du projet de loi, puisqu'elle propose d'en écarter trois numéros.

La Chambre paraît d'accord sur ce point, je vais donc mettre aux voix l'amendement de M. De. Fré

- Des membres. - La division !

MpDµ. - La division est de droit ; aux termes du règlement, elle est de droit.

Je mets donc aux voix la première, partie de l'amendement qui consiste à supprimer le n° 1°, lequel est ainsi conçu : « Ceux qui, après leurs études moyennes, se destinent au saint ministère dans l'un des cultes professés en Belgique, qui prouvent qu'ils sont élèves en théologie. Sont assimilés à ces derniers, les étudiants en philosophie qui se vouent à l'état ecclésiastique tant qu'ils n'ont pas accompli leur 20ème année. »

- Il est procédé au vote par appel nominal.

On demande l'appel nominal sur la première partie de l'amendement.

En voici le résultat.

97 membres ont répondu à l'appel nominal.

29 répondent oui.

68 répondent non.

En conséquence, la Chambre n'adopte pas.

Ont répondu oui :

MM. Vander Maesen, Van Merris, Vleminckx, Warocqué, Watteeu, Allard, Anspach, Bieswal, Bricoult, Carlier, Couvreur, De. Fré, de Kerchove de Denterghem, de Lexhy, de Maere, de Rossius, Dethuin, Dewandre, Dupont, Elias, Funck, Guillery, Hagemans, Jacquemyns, Jouet, Lebeau, Lesoinne, Lippens et Preud'homme.

Ont répondu non :

MM. Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Overloop, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Visart, Wasseige, Wouters, Bara, Braconier, Broustin, Coomans, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Brouckere, de. Clercq, de Coninck, de Haerne, Eugène de Kerckhove, Delaet, Delcour, d'Elhoungne, de Liedekerke, de Montblanc, de Naeyer, Descamps, de Terbecq, de Theux, de Vrints, de Zerezo de Tejada, Dumortier, Frère-Orban, Hayez, Hymans, Jacobs, Janssens, Jouret, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Lefebvre, Lelièvre, Liénart, Magherman, Mascart, Moncheur, Moreau, Mulle de Terschueren, Nélis, Notelteirs, Nothomb, Orban, Orts, Pirmez, Reynaert, Rogier, Royer de Behr, Schmitz, Schollaert, Tack, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut et Dolez.

M. De Fréµ. - Messieurs, l'amendement que j'avais présenté avec d'honorables amis politiques, comprenait un système complet ; nous mettions sur la même ligne les élèves en théologie et les normalistes ; la Chambre vient de rejeter l'abrogation du privilège qui existait dans le projet de loi en faveur des élèves en théologie ; par conséquent nous retirons le n°2 qui avait pour objet d'abroger le privilège en faveur des normalistes.


MpDµ. - Le n°2° de l'amendement de MM. De Fré et consorts étant retiré, il ne reste plus que l'amendement de M. le ministre de l'intérieur, avec les deux amendements de M. Thonissen.

« (Amendement proposé par M. le ministre de l'intérieur) Provisoirement, à moins qu'ils n'appartiennent à une famille qui soit dans l'aisance :

« 1° Ceux qui, après leurs études moyennes, se destinent au ministère ecclésiastique et sont élèves en théologie, dans un établissement reconnu par la loi, s'il en existe pour leur culte. Sont assimilés aux élèves en théologie, les étudiants, etc. »

« (Amendements proposés par M. Thonissen) :

« 1°Je propose de remplacer, au n°1 de l'article 23bls, les mots : « vingtième année », par ceux-ci : « vingt et unième année ».

« 2°Je propose de supprimer, à l'article 23bis, les mots suivants : et sous la réserve apportée à l'application du n°3 de l'article précédent. »

M. Schollaertµ. - Je voudrais savoir si le deuxième amendement de M. Thonissen implique la suppression des mots : « étudié dans un établissement salarié par l'Etat. »

MpDµ. - Non ; le deuxième amendement indique les mots qui sont supprimés.

M. Thonissenµ. - Il est évident que je n'ai jamais accepté les mots : « dans un établissement reconnu par la loi ». Cela est incontestable.

J'ai voulu retrancher la condition de l'aisance des parents ; j'ai voulu remplacer les mots « vingtième année » par les mots « vingt et unième année ». Mais, je le répète, je n'ai jamais voulu accepter la restriction de l'établissement reconnu par la loi.

En conséquence, je demande le vote par division sur ces trois questions.

MpDµ. - Nous allons voter par division. Je mets d'abord aux voix ces mots de l'amendement de M. le ministre de l'intérieur :

« Provisoirement, à moins qu'ils n'appartiennent à une famille qui est dans l'aisance. »

- Cette disposition est adoptée.

MiPµ. - Je ne mets pas d'obstacle à ce qu'on mette « vingt et unième année » au lieu de « vingtième année ». Voici la question, il s'agit de savoir à quel âge on peut être étudiant en philosophie. Or, l'âge moyen de la rhétorique dans nos établissements est la vingtième année. On n'arrive donc guère aux études philosophiques avant la vingt et unième année.

MpDµ. - Nous arrivons à la disposition suivante de l'amendement de M. le ministre de l'intérieur ; « 1° Ceux qui, après leurs études moyennes, se destinent au ministère. (page 1110) ecclésiastique et sont élèves en théologie dans un établissement reconnu par la loi, s'il en existe pour leur culte. »

M. Thonissen demande la suppression de ces mots : « Dans un établissement reconnu par la loi, s'il en existe pour leur culte. »

Je mets cette suppression aux voix.

- La suppression n'est pas adoptée.

MpDµ. - Je mets donc aux voix la première partie du paragraphe telle qu'elle a été proposée par M. le ministre de l'intérieur.

M. de Theuxµ. - Je demande si en cas de rejet de la proposition de M. le ministre de l'intérieur, la proposition de la section centrale subsiste.

- Plusieurs membres. - C'est évident.

MpDµ. - Par cela même que la proposition de M. le ministre est un amendement, si vous la rejetez, il faudra voter sur la proposition de la section centrale.

- La première partie du paragraphe est mise aux voix et adoptée.

« Sont assimilés aux élèves en théologie, les étudiants en philosophie qui se vouent à l'état ecclésiastique, tant qu'ils n'ont pas accompli leur vingt et unième année, »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble de l'article.

96 membres y prennent part.

45 répondent oui.

44 répondent non.

3 s'abstiennent.

En conséquence la Chambre adopte.

Ont voté pour :

MM. Ernest Vandenpeereboom, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Merris, Vleminckx, Warocqué, Watteeu, Allard, Bara, Bieswal, Braconier, Bricoult, Broustin, Carlier, de Baillet-Latour, de Brouckere, De Fré, de Kerchove de Denterghem, De Lexhy, d'Elhoungne, de Maere, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrints, Dewandre, Dupont, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hagemans, Hymans, Jacquemyns, Jouet, Jouret, Lebeau, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Nélis, Orban, Pirmez, Preud'homme, Rogier, Schmitz et Dolez.

Ont voté contre :

MM. Vander Donckt, Van Overloop, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Visart, Wasseige, Wouters, Coomans, de Borchgrave, de Clercq, de Coninck, de Haerne, Eugène de Kerckhove, Delaet, Delcour, de Liedekerke, de Montblanc, de Naeyer, de Terbecq, de Theux, de Zerezo (page 1111) de Tejada, Dumortier, Hayez, Jacobs, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Lefebvre, Liénart, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Reynaert, Royer de Behr, Schollaert, Tack, Thibaut, Thienpont, Thonissen et Van Cromphaut.

Se sont abstenus :

MM. Anspach, Lelièvre et Orts.

MpDµ. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Anspach. — Je n'ai pas voté l'article parce qu'il contient des exemptions qu'il m'est impossible d'admettre.

D'un autre côté, comme l'article est un progrès sur la législation actuelle, je n'ai pas voulu empêcher ce progrès de se réaliser.

M. Ortsµ. - Je ne pouvais voter contre l'exemption accordée au clergé séculier et aux instituteurs primaires. Je ne pouvais voter d'autre part pour un article qui accorde l'exemption aux capucins et aux autres ordres religieux.

M. Lelièvreµ - Je me suis abstenu, parce que si je suis partisan du système d'exemption énoncé en l'amendement, je ne puis admettre la restriction que cet amendement renferme.


MpDµ. - Nous avons à nous prononcer maintenant sur les autres paragraphes de l'article 23bis.

« 2° Ceux qui se préparent à l’enseignement primaire ou moyen du degré inférieur, dans les écoles normales de l'Etat, ou à l'enseignement primaire, dans les établissements agréés par le gouvernement ; »

- Adopté.

« 3° Les élèves sortis de ces institutions munis d'un diplôme de capacité, lorsqu'ils sont attachés à un établissement public soumis à la direction ou à l'inspection de l'Etat. A partir de la délivrance du diplôme, un délai de deux ans est accordé pour remplir cette condition. »

- Adopté.

« Les dispenses provisoires sont annuelles. Les conseils de milice les prolongent, s'il y a lieu, jusqu'à ce que ceux qui les ont obtenues aient eu 27 ans accomplis dans le cours de l'année précédente. Si la dispense est retirée, celui qui en avait joui est, dès lors, assujetti au service militaire pour un terme de milice, sans que son incorporation ait pour effet de réduire le chiffre du contingent. »

- Adopté.

« Lorsque celui qui a droit à la dispense peut également faire valoir une cause d'exemption fondée sur la composition de la famille ou sur une inaptitude physique dont la constatation n'exige pas de visite corporelle, l'exemption sera prononcée, même d'office, en même temps que la dispense. Celui qui les aura obtenues ne sera, en aucun cas, compté en déduction du contingent. »

- Adopté.

Ordre des travaux de la chambre

- Des voix. - A demain !

MpDµ. - La Chambré paraît disposée à lever la séance ; à quelle heure entend-elle se réunir demain ?

- Des voix. - A une heure.

MpDµ. - Je crois qu'il serait fort difficile, de nous réunir à une heure ; nous avons un devoir à remplir envers un de nos collègues. Je propose à la Chambre de se réunir demain à deux heures.

- De toutes parts : Oui, oui.

MpDµ. - La Chambre entend-elle maintenir à son ordre du jour de demain, la loi sur la milice ?

- Voix nombreuses. - Oui, oui.

MpDµ. - Il en sera ainsi.

- La séance est levée à onze heures.