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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 9 novembre 1869

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1869-1870)

(Présidence de M. Vander Donckt, doyen d’âgeµ)

Appel nominal

(page 1) MM. de Vrints et Liénart, les deux plus jeunes membres de l’assemblée, remplissent les fonctions de secrétaires provisoires.

M. de Vrintsµ procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

MpVanderDoncktµ. - La Chambre s'est réunie aujourd'hui en vertu de l'article 70 de la Constitution ; la session de 1869-1870 est ouverte.

Pièces adressées à la chambre

« M. Orts, retenu par une indisposition, demande un congé. »

- Accordé.

Vérification des pouvoirs

MpVanderDoncktµ. - M. le ministre de l'intérieur a transmis à la Chambre les procès-verbaux des opérations électorales qui ont eu lieu à Neufchâteau pour l'élection d'un représentant en remplacement de M. de Moor, décédé.

Il va être procédé au tirage au sort d'une commission de sept membres qui sera chargée de vérifier les pouvoirs du nouvel élu.

- Le sort désigne pour faire partie de cette commission : MM. Broustin, Bieswal, de Borchgrave, Lelièvre, Funck, de Maere, Jonet.

MpVandenDoncktµ. - Je propose à la Chambre de suspendre sa séance pour permettre à la commission de procéder à la vérification des pouvoirs de M. Castillon.

Interpellation

M. Dumortierµ. - Je ne m'oppose pas à ce que la commission qui vient d'être tirée au sort vérifie les pouvoirs de l'élu de Neufchâteau, mais je ne pense pas qu'il faille pour cela suspendre la séance, car mon intention est d'adresser une interpellation au gouvernement, et la Chambre pourra s'occuper de la question dont je désire l'entretenir pendant que la commission fera le travail dont elle est chargée.

- Un membre. - Attendez la constitution de. la Chambre.

M. Dumortierµ. - Il est de ces questions qui doivent être discutées avant que la Chambre se soit constituée ; celle dont je veux entretenir l'assemblée est de ce nombre. Je veux demander au gouvernement le motif pour lequel nous n'avons pas de discours du trône cette année. C'est assez dire qu'une réponse à cette question ne comporte pas de retard et ne peut pas être ajournée jusqu'après la formation de la Chambre (Interruption.) L'usage est que, lorsque la session s'ouvre, un discours du trône vient l'inaugurer et il n'y a d'exception à cet usage que lorsqu'il y a désaccord entre la couronne et le cabinet.

Je ne puis donc voir dans la situation actuelle que le signe d'un désaccord entre la couronne et le cabinet. Eh bien, la Chambre, et le pays qu'elle représente, doivent être tenus au courant d'une situation anomale comme celle que j'indique.

Je demande donc au gouvernement de nous dire pourquoi nous n'avons pas, cette année, un discours du trône et pourquoi nous allons reprendre nos travaux sans qu'aucune explication nous soit donnée sur ce qui s'est passé dans l'intervalle des deux sessions et sur les projets du gouvernement.

MfFOµ. - Je ne connais rien qui fasse une règle absolue de l'usage dont vient de parler l'honorable M. Dumortier et qui puisse ainsi justifier son interpellation. Selon l'honorable membre, il devrait y avoir chaque année un discours du trône ; il n'en est rien.

Le gouvernement, c'est-à-dire les ministres, d'accord avec Sa Majesté, ont pensé qu'il n'y avait aucune raison, dans les circonstances actuelles, de faire une ouverture solennelle des Chambres, ce qui aurait provoqué une discussion politique, laquelle viendra d'ailleurs à son heure, quand on voudra, lorsqu'on examinera les budgets, par exemple, et qui n'aurait eu d'autre résultat que de retarder l'expédition des nombreux travaux dont la Chambre est saisie.

Comme la session sera de courte durée, puisque des élections doivent avoir lieu au mois de juin, nous avons pensé qu'il était préférable de (page 2) commencer immédiatement l'examen et la discussion des divers projets de loi dont l'assemblée doit s'occuper.

M. Dumortierµ. - Ce que dit l'honorable ministre des finances est complètement inexact.

L'usage est constant dans tous les gouvernements parlementaires ; en Angleterre, en France, en Allemagne, dans les Pays-Bas, en Belgique, partout, les chambres sont ouvertes par un discours du trône ; et la Chambre examine, à cette occasion, la conduite du ministère.

Je maintiens, pour mon compte, que le discours du trône a eu lieu, en Belgique, chaque fois que la couronne a été d'accord avec le gouvernement sur la ligne à suivre, et qu'il n'y a pas eu de discours du trône lorsqu'un désaccord avait lieu entre le cabinet et la couronne sur la ligne de conduite à suivre dans les affaires publiques.

Eh bien, comme c'est là la règle qui a été constamment suivie dans notre pays, je persiste à croire qu'on doit nous faire connaître les motifs pour lesquels il n'y a pas eu cette année de discours du trône.

J'ajouterai qu'en Angleterre, lorsque le souverain est dans l'impossibilité d'ouvrir lui-même la session, l'ouverture a lieu par une délégation ; et un grand personnage ou un membre du cabinet vient lire le discours du trône au nom du souverain. Rien de semblable n'existe en Belgique, lorsque le souverain n'y ouvre pas la session.

Ce n'est pas tout : dans tous les pays constitutionnels, le ministère rend compte de sa conduite au parlement, à l'ouverture des Chambres. Il fait distribuer alors aux membres un livre bleu, rouge ou jaune, n'importe la couleur ; ce livre contient notamment l'exposé de ses actes politiques. Chez nous, rien de semblable. Vous avez un compte rendu pour les chemins de fer, un compte rendu pour les diverses branches de l'enseignement public ; mais vous n'avez pas de compte rendu pour les affaires politiques. (Interruption.)

Oui, en Belgique, dans ce pays qui passe pour être le pays constitutionnel par excellence, le gouvernement laisse la Chambre sans compte rendu pour les affaires politiques. Je dis que par là la prérogative parlementaire est singulièrement atteinte ; je dis qu'il est de la dignité de la Chambre de maintenir cette prérogative dans toute son intégrité, et de délibérer, à l'ouverture de chaque session, sur la gestion du gouvernement.

La dernière session a été close sur des incidents qui ont fait naître beaucoup de contestations et de grandes difficultés dans le pays. Il importe que la Belgique soit renseignée sur tous les détails des négociations qui ont eu lieu à cette époque. Nous avons vu alors M. le ministre des finances, devenu le chef des négociations, en transporter le siège dans un pays voisin.

Le. pays a, évidemment, le droit d'exiger qu'on l'initie à toute cette affaire. Nous, membres de l'opposition, nous avons gardé le silence dans le cours des négociations, uniquement par esprit national et pour ne pas créer des embarras au gouvernement.

Maintenant que les négociations sont terminées, nous avons le droit d'examiner, non seulement les résultats mêmes des négociations, mais encore tout ce qui se rattache à ces négociations. Or, il semble qu'on veuille soustraire tout à l'examen du parlement. En effet, pas de compte rendu de la conduite du ministère à l'intérieur ; et, pour l'extérieur, pas de compte rendu relatif aux négociations.

M. le ministre des finances nous dit : « Vous pouvez, si vous voulez, avoir une discussion politique quand on examinera les budgets. » Or, vous savez, messieurs, que les budgets de 1870 ont été votés, pendant la session dernière, en quelque sorte comme annexes aux budgets de 1869.

II en résulte qu'au fond nous sommes dans l'impossibilité de défendre ici les intérêts du pays. Je demande, pour mon compte, quelle sera la ligne de conduite du ministère ; je dis que si nous n'obtenons pas la satisfaction que l'opinion publique réclame et que nous réclamons avec elle, j'userai de mon droit d'initiative pour que le pays puisse être tiré de cet état de torpeur dans lequel on paraît vouloir le laisser.

MfFOµ. - Il me semble, que l'honorable M. Dumortier veut absolument réformer nos mœurs parlementaires et les traditions du pays.

L'honorable M. Dumortier, par une dérogation aux usages constamment suivis, et qui n'est pas même très constitutionnelle, avant qu'il y ait une Chambre, avant que la Chambre soit constituée, ouvre un débat politique. Car c'est un débat politique que soulève l'honorable membre. Est-ce que la Chambre est disposée à suivre l'honorable membre ?

- Des membres. - Non ! non !

MfFOµ. - Voilà la première innovation.

Il en est une seconde.

L'honorable M. Dumortier pose un nouvel axiome politique. Chaque fois que la couronne est d'accord avec ses ministres, il y a un discours du trône : mais chaque fois que la couronne n'est pas d'accord avec les ministres, il n'y a pas de discours du trône ! Je demande si c'est sérieux. Il suffit de se reporter aux diverses époques auxquelles des discours du trône ont été ou n'ont pas été prononcés, pour bien se convaincre que l'harmonie existait entre la couronne et les ministres dans l'un et dans l'autre cas.

II est une troisième innovation que voudrait introduire l'honorable M. Dumortier. Il nous fait un grief, je ne sais vraiment pourquoi, de ce que nous n'avons pas de livre bleu, de livre jaune, de livre rouge, comme dans d'autres pays ; mais à quelle époque avons-nous en un livre bleu, jaune ou rouge ?

M. Dumortierµ. - En 1830, en 1831, en 1832, en 1833, en 1834, nous avons eu des rapports et des rapports constants, sur les négociations. L'honorable comte de Theux en a fait, l'honorable M. Lebeau en a fait.

MfFOµ. - Certainement il y a eu des rapports ; vous en avez eu à ces époques et à d'autres encore. Nous vous avons fait aussi des rapports et nous en faisons toutes les fois que la Chambre le demande. Mais ici, à la différence de ce qui existe dans d'autres pays, on n'a pas introduit l'usage, récent d'ailleurs sur le continent, quoique ancien en Angleterre, de la publication de documents diplomatiques comme ceux qui se rencontrent dans les blue-books et dans les livres jaunes. Et pourquoi cet usage ne s'est-il pas introduit dans les petits pays ? Parce que, en fait, on n'y a rien à publier, tandis que dans les grands pays, qui ont une politique extérieure considérable, il y a lieu de faire des publications de cette nature ; et c'est dans ces livres bleus, jaunes ou rouges qu'on trouve les documents diplomatiques qu'il est intéressant que le pays connaisse. Mais comme nous n'en sommes pas précisément, en Belgique, à avoir de grandes affaires diplomatiques, il n'y a pas lieu de publier de pareils livres.

L'honorable M. Dumortier croit qu'il résulte de là que la Chambre est privée d'un droit. Mais l'honorable M. Dumortier se trompe ; il a parfaitement le droit de parler ; il a le droit d'interpeller les ministres, et ceux-ci ont pour devoir de répondre. Jamais ils ne s'y sont refusés, dès qu'ils étaient régulièrement interpellés.

L'honorable M. Dumortier dit : Mais nous ne pouvons plus interpeller les ministres qu'à l'occasion des budgets ; or les budgets sont votés. Je nie d'abord qu'il soit nécessaire que ce soit à l'occasion des budgets qu'on interpelle le gouvernement. Mais j'apprendrai à l'honorable M. Dumortier que les budgets ne sont pas votés. Le budget essentiel, le budget des voies et moyens, reste à discuter. L'honorable M. Dumortier pourra donc, à l'occasion de ce budget, s'il le trouve bon, et même sans l'occasion du budget, lorsqu'il voudra interpeller le cabinet, nous adresser des questions ; dès que la Chambre sera constituée, nous nous empresserons de nous mettre à sa disposition.

M. Dumortierµ. - Comme on soulève une fin de non-recevoir de ce que la Chambre n'est pas constituée, je consens à suspendre la motion que j'ai faite. Mais je me réserve de la reprendre dès que la Chambre sera constituée, et l'on ne perdra rien pour avoir attendu.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Neufchâteau

M. Lelièvreµ, au nom de la commission de vérification des pouvoirs, fait rapport sur l'élection de M. Castillon par l'arrondissement de Neufchàteau, et conclut à l'admission.

- Ces conclusions sont adoptées.

En conséquence M. Castillon est proclamé membre de la Chambre.

M. Castillon prête serment.

Ordre des travaux de la chambre

MpVanderDoncktµ. - Je propose à la Chambre de mettre à l'ordre du jour de demain la nomination du bureau et des commissions permanentes.

M. Coomansµ. - Pour gagner du temps, ne pourrions-nous pas procéder immédiatement à la nomination du bureau ? Au moins de cette manière nous ne perdrions pas le temps qu'on prétend nous avoir fait gagner.

MpVanderDoncktµ. - Je ferai observer à M. Coomans que la nomination du bureau n'est pas à l'ordre du jour. Il a toujours été dans les habitudes de la Chambre de fixer son ordre du jour vingt-quatre heures d'avance.

- La proposition de M. le président est adoptée.

La séance est levée à deux heures.