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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 17 novembre 1869

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1869-1870)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 29) M. Reynaertµ procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Rossiusµ donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Reynaertµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des électeurs de l'arrondissement de Virton demandent que le gouvernement oblige le concessionnaire du chemin de fer de Virton à prendre les mesures nécessaires pour faire commencer l'exécution de. cette ligne. »

M. Bouvierµ. - La pétition dont s'agit a une importance capitale pour l'arrondissement de Virton. Elle tend à réclamer la prompte exécution du chemin de fer qui doit relier cette ville au réseau national ; c'est pour éviter que la Chambre ne soit accablée d'une avalanche de pétitions de même nature, que je réclame de sa bienveillance habituelle un moment d'attention.

Depuis plus d'un an, ce chemin est concédé, et ce qui vaut mieux encore, c'est que les fonds pour le construire en sont souscrits et versés. Il n'y a plus qu'à mettre la main à l'œuvre. Jusqu'à présent tout s'est borné, entre le gouvernement et les concessionnaires, à' se renvoyer réciproquement des projets de tracé, des plans, des profils en long, en large et même en travers, si j'en juge par le chassé-croisé dont nous sommes témoins.

Pour aboutir à un résultat efficace et sérieux, le gouvernement a tout récemment envoyé sur les lieux des hommes compétents pour déterminer définitivement le tracé. Jusqu'à ce moment, la stricte impartialité m'a imposé le devoir de rester neutre. Mais aujourd'hui, que le tracé entre Marbehan par Ethe et ma vallée du Ton a été indiqué par les agents comme répondant mieux à la condition imposée par l'acte de concession, de passer par ou près Virton, je crois devoir déclarer qu'il n'y a plus à hésiter ni à équivoquer. il faut agir promptement, vigoureusement, énergiquement et mettre un terme à toute cette paperasserie.

Je demande, en conséquence que cette pétition soit renvoyée à la commission chargée d'en faire rapport, avec prière de le présenter le plus prompfeme.nl possible. Je saisirai cette occasion, si d'ici là le premier coup de pioche, n'est pas donné, d'interpeller le gouvernement sur son inaction ou sur celle des entrepreneurs.

Je regrette que M. le ministre ne soit pas à son banc pour nous fournir des explications.

- Adopté.


« Le sieur Francq prie la Chambre d'apporter des modifications aux prescriptions de la loi relativement aux ventes effectuées par notaires et aux fonds qu'ils reçoivent en dépôt, et demande que des mesures soient prises pour rendre plus efficace le contrôle auquel sont soumis les notaires. »

- Même, renvoi.


« Le sieur Verheggen prie la Chambre de statuer sur sa demande tendante à être poursuivi pour calomnie s'il a énoncé le contraire de la vérité dans les pétitions ayant pour objet la décoration de l'ordre de Léopold qu'il prétend lui avoir été conférée. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur la demande rappelée par le pétitionnaire.


« M. le ministre de la guerre adresse à la Chambre un exemplaire de la cinquième livraison de la carte topographique de la Belgique à l'échelle de 1/20000. »

- Dépôt à la bibliothèque.


MM. Funck et de Vrints, obligés de s'absenter, demandent un congé.

- Accordé.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l’exercice 1870

Discussion du tableau des crédits (I. Impôts)

Contributions directes, douanes, accises

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, je me propose de vous parler des impôts en général et particulièrement des impôts directs et indirects.

Si je n'ai pas pris la parole dans la discussion générale, c'est qu'elle a été fermée pendant une courte sortie que j'avais été obligé de faire. Je vous prierai donc, messieurs, de m'excuser si quelques-unes de mes remarques ont un caractère de généralité, mais ce sera pour arriver à la discussion des impôts.

Messieurs, le budget des voies et moyens qui nous est présenté s'élève à la somme de 176,525,000 francs. L'honorable ministre des finances, dans sa note préliminaire, se borne à indiquer ces chiffres sans se livrer à aucune réflexion ; c'est pour lui un résultat tout naturel, presque inévitable.

La section centrale reproduit ces chiffres dans le rapport et prouve, par les calculs auxquels elle se livre, que les prévisions seront dépassées d'environ quinze millions et elle s'est montre très heureuse, très satisfaite.

Je ne puis, messieurs, partager la satisfaction de la section centrale, surtout lorsqu'elle prétend que l'élévation du produit des impôts est un signe de l'accroissement de la richesse publique. Je trouve, moi, et j'espère pouvoir vous démontrer que cet accroissement est tout simplement la preuve de la perfection des moyens d'extraire l'impôt de la matière imposable. Ce n'est pas parce que le pays devient plus riche que le produit des impôts augmente ; l'accroissement de la richesse peut, sans doute, contribuer à ce résultat ; mais quand les bases restent les mêmes, si les mesures fiscales sont plus rigoureusement appliquées, il arrive très souvent que l'augmentation n'est que le résultat de cette rigueur dans la perception des impôts.

Lorsque, l'année dernière, je vous ai dit que l'impôt enlevait la presque totalité du revenu net foncier, la Chambre a accueilli cette affirmation avec une espèce de murmure d'incrédulité. Mais cette fois elle sera bien obligée d'y croire puisqu'elle voit, dès les premières lignes du travail de M. le ministre des finances, le chiffre de 176,000,000 de francs comme représentant les revenus publics et quelques lignes plus bas 188,000,000 comme représentant le revenu net foncier du pays ! La section centrale estime que cette année les impôts produiront à peu près 186 millions.

Donc la valeur totale du revenu foncier net du pays se trouve enlevée par l'impôt, on ne le contestera pas.

Messieurs, je ne sais pas si vous comprenez les choses comme moi ; mais je déclare que je trouve cette situation excessivement dangereuse. Je trouve qu'un pays qui dépense le revenu net foncier de la terre à payer son administration, se trouve dans une voie qui ne peut conduire qu'à sa ruine ; et je vais essayer, sans entrer dans de longs détails, de vous en fournir la preuve.

Cette preuve ; je la trouve dans les documents excessivement précieux que M. le ministre des finances a publiés l'année dernière comme préliminaires à son budget des voies et moyens. A ceux qui veulent étudier la situation du pays, je recommande instamment la lecture et l'étude de ces préliminaires. Ils y trouveront des indications qu'ils ne pourraient trouver ailleurs.

Messieurs, pour ne pas entrer dans des développements qui prendraient certainement beaucoup de temps, je vais essayer de condenser la preuve que je vous annonce.

176 millions de francs, pour nous en tenir au budget des voies et moyens de cette année, représentent, pour un million de familles environ qui existent en Belgique, 176 francs en moyenne d'impôt par famille. Il est évident que cette moyenne n'est pas atteinte par tous les contribuables.

(page 30) Il n'y a que 850,000 propriétaires ; il y a donc 150,000 familles non propriétaires. Il est presque certain qu'à peu d'exceptions près, les non-propriétaires ne payent pas autant d'impôts que les propriétaires. Mais si vous examinez les documents fournis l'année dernière par l'honorable ministre des finances, vous trouvez que parmi les contribuables il y en a bien peu qui payent au delà de la moyenne. 2 payent 6,000 francs et au delà.

Il y en a 1 qui paye de 5,000 à 6,000 francs, 5 de 4,000 à 5,000 francs, 15 de 5,000 à 4,000 francs, 98 de 2,000 à 3,000 et 102 de 1,500 à 2,000 francs.

Il est évident, d'après ces chiffres, que si vous reportiez sur ces quelques contribuables ce que payent en dessous de la moyenne de 176 francs les 150,000 contribuables non propriétaires, on arriverait à des résultats impossibles ; il faut donc descendre plus bas pour trouver la solution cherchée.

Poursuivant cette liste, nous trouvons que de 300 à 1,500 francs il n'y a que 6,337 contribuables qui payent cette quotité et il faut descendre entre 30 et 300 francs pour en trouver 125,000 ; or, même répartie sur ces 130,000 contribuables, la différence en dessous de la moyenne des 150,000 familles ne fût-elle que de 76 francs, établirait une charge qui absorberait la totalité de leur revenu foncier.

Eh bien, messieurs, j'appelle votre attention sur ces chiffres que je me borne à indiquer parce que les réflexions qu'ils suggèrent nous conduiraient très loin. Mais d'après les renseignements fournis l'année dernière par l'honorable ministre des finances, il y a plus de la moitié des propriétaires de Belgique dont le revenu foncier ne suffirait pas pour couvrir les impôts et qui, d'après les théories dangereuses qui se font jour dans les masses, pourraient, à un moment donné, se croire complètement désintéressés dans la possession de propriétés qui en fait ne leur rapportent pas de quoi couvrir la charge de l'administration publique.

Eh bien, je dois dire que je ne trouve pas cette situation extrêmement rassurante. D'un autre côté, et ici je crois que je suis d'accord avec l'honorable ministre des finances, puisque je vois reproduire une des théories qu'il a émises dans cette enceinte, l'impôt est une diminution de salaire ; eh bien, si vous prenez la moyenne de 76 francs d'impôt, indiquée plus haut, répartis sur la masse des familles d'ouvriers, il est évident que, comme elles sont obligées de vivre avant tout, elles doivent demander une augmentation de salaire, et tous les industriels, comme tous les agriculteurs du pays, vous diront si les salaires ont une tendance déplorable à s'accroître, déplorable non pas au point de vue de la consommation à l'intérieur, mais au point de vue de la concurrence que l'industrie nationale doit soutenir sur les marchés étrangers.

Vous ne pouvez pas augmenter les salaires dans notre pays sans diminuer, en même temps, les moyens de concourir sur les marchés étrangers ; vous vous créez à vous-mêmes un obstacle ; et si les mêmes besoins continuent à se manifester, il y aura un moment où l'industrie sera obligée de renoncer complètement à la concurrence sur les marchés étrangers.

Mais, messieurs, voyons ce qui se passe chez les grandes nations industrielles. L'Amérique, à la suite de la guerre que vous connaissez, a été obligée de faire des dépenses considérables, et en quatre ans de temps elle s'est créé une dette presque égale à la dette de l'Angleterre. Comme conséquence, elle a été obligée d'imposer tous ses produits, d'établir, sur toutes les manifestations de son activité, des impôts considérables.

Eh bien, pour arriver plus vite à supprimer ces impôts et à rentrer dans ses conditions normales de production, elle continue, depuis quatre ans, à s'imposer des taxes qu'elle ne supporterait pas une minute si elle ne sentait la nécessité de se débarrasser au plus tôt de cette charge.

Ainsi, vous lisez toutes les semaines dans les journaux que le ministre des finances des Etats-Unis rembourse trois millions de dollars environ de la dette et cela uniquement pour se débarrasser plus tôt de cette charge, la seule considérable à laquelle l'Union ait à faire face.

Quand l'Amérique aura payé sa dette, quand ses impôts pourront être réduits aux taux où ils étaient autrefois, je me demande comment le commerce et l'industrie européenne et spécialement ceux des pays qui sont fort chargés d'impôts, pourront lutter avec l'industrie et le commerce de l'Amérique.

Déjà vous entendez à tout moment des plaintes. Beaucoup d'industries souffrent de compétitions qu'elles ne rencontraient pas autrefois, et ces compétitions, croyez-le bien, ne feront que s'accroître.

Voyez, d'autre part, les efforts que fait l'Angleterre pour diminuer ses charges. Depuis Robert Peel jusqu'à Gladstone, la tendance de tous les ministres qui se sont succédé a été de soulager surtout les classes laborieuses et pour cela de réduire considérablement tous les impôts qui frappaient particulièrement ces classes, afin de mettre l'industrie anglaise en mesure de lutter plus convenablement et plus favorablement avec les industries des pays où l'on n'avait pas la même prévoyance.

Eh bien, je demande si, en présence de ces deux faits, le pays ne doit pas avoir constamment en vue les moyens de diminuer les charges qui pèsent si lourdement sur les classes travailleuses.

Messieurs, il est une objection qui a été faite si souvent que je serais fort étonné qu'elle ne se produisît pas dans cette circonstance.

On me dira : Oh ! nous sommes tous partisans d'un gouvernement à bon marché, mais il n'y a qu'une difficulté, c'est qu'il est impossible de rien réduire de nos dépenses.

La Chambre sait, messieurs, que je ne suis pas du tout de cet avis. Je n'ai pas l'intention de refaire les discours que j'ai déjà prononcés à ce sujet, mais cependant je suis obligé, pour suivre mon argumentation, de démontrer, par des données fournies par l'honorable ministre des finances lui-même, que cela n'est pas impossible.

Et en effet, dans la situation générale du trésor public au premier janvier 1869, document qui nous est également fourni par l'honorable ministre, je trouve qu'en 1833, par exemple, nous avons dépensé en tout 88 millions, juste la moitié du budget actuel.

M. Coomansµ. - On était cependant alors en état de guerre.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Eh bien, je me demande et je ne puis trouver de réponse à ma question, je me demande comment on peut justifier ce doublement des charges publiques. Le territoire ne s'est pas agrandi, au contraire ; en 1833 nous avions deux demi-provinces en plus ; la population est certainement plus forte, mais elle n'est pas doublée. Cette population a donc à subvenir à des dépenses doubles. Mais, dira-t-on peut-être, les dépenses correspondent à des services doubles ; je cherche en vain les services doubles qui nous sont rendus.

En 1833 nous étions, comme on vient de le dire, quasiment en état de guerre ; nous avions alors un prétexte sérieux d'entretenir des forces militaires pour résister à une attaque toujours probable de la part d'une nation voisine qui se trouvait vivement froissée de la séparation violente que nous avions opérée avec elle.

Mais depuis lors les temps ont bien changé, nos anciens ennemis sont devenus nos amis et le prétexte n'existe plus.

Je cherche donc en vain la raison de cette augmentation considérable qu'ont subie nos dépenses. Quand j'examine les budgets successifs, je vois que jusqu'en 1838 les dépenses restent en dessous de 100 millions. Cependant de 1834 à 1838 on était lancé en pleine voie dans la construction de travaux publics ; en 1839 un saut assez considérable a été fait ; de 98 millions, les dépenses se sont élevées d'un seul coup à 112 millions.

Elles sont restées dans ces mêmes proportions, à peu près pendant huit années, à un ou deux millions près. Mais l'essor a commencé à partir de 1856 et depuis ce moment-là, les budgets ont été constamment en augmentant pour arriver au chiffre que je vous ai cité en commençant ce discours.

Je trouve, messieurs, dans ce tableau la preuve, selon moi du moins, que si la Chambre avait énergiquement défendu la bourse des contribuables, elle aurait réussi, dans une certaine mesure du moins, à maintenir la situation de 1835 à 1839. Et c'est ici que je m'explique l'espèce de satisfaction avec laquelle la section centrale salue le retour des excédants de recettes.

Elle voit dans ce retour le moyen de se livrer plus facilement à des dépenses, très utiles à ses yeux, sans doute, mais qui finissent par créer des charges qui, à la longue, grossissent nos budgets au point que je vous signalais tout à l'heure.

Pour clore cette espèce d'introduction, je dois dire qu'à mon avis, rien n'est plus dangereux pour les contribuables, je ne parle pas des autres citoyens, que ces excédants de recettes.

Aussi longtemps que les budgets se soldent en déficit ou s'équilibrent à peu près, la Chambre y regarde de très près. Mais dès qu'il y a de l'argent en caisse, pour employer une expression vulgaire, les projets surgissent de tous les côtés, de tous les coins ; on ne sait par où commencer.

M. Bouvierµ. - Il faudrait s'en féliciter.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Sans doute si nous n'avions que notre budget annuel de dépenses. Mais quand on a pourvu aux dépenses de toute nature, l'Etat se trouve chargé d'une dette à laquelle il ne peut pourvoir qu'en empruntant. Depuis que j'ai l'honneur de faire partie de cette Chambre, on a déjà emprunté 120 millions pour tenir le trésor à flot.

Si j'ai pris la parole, c'est pour vous exprimer la conviction à laquelle j'arrive, à laquelle je suis arrivé depuis longtemps, mais qui s'affermit chaque jour davantage chez moi : c'est qu'il est absolument temps et plus que temps de nous arrêter dans cette voie ; il est temps, si nous ne voulons (page 31) pas compromettre l'avenir, d'aviser aux moyens de soulager les contribuables en général, et particulièrement les contribuables qui doivent au travail de leurs mains leurs moyens d'existence.

Si nous n'entrons pas dans cette voie, il arrivera, ou bien que le pays ne pourra plus, à un moment donné, supporter ces charges, et qu'alors nous nous trouverons lancés dans une situation que j'appellerai impossible, ou bien que les classes les plus nombreuses qui actuellement cherchent une issue à leur situation, qui suivent des voies fausses, dangereuses, mauvaises, je l'admets, persévéreront dans cette voie, pour conquérir une position meilleure ; je vous dis que si nous continuons à suivre dans nos dépenses la progression que je viens de vous signaler, nous arriverons fatalement à une catastrophe.

Messieurs, quand je suis entré dans cette Chambre, j'ai commencé par vous signaler le mal dans ses manifestations particulières, j'ai essayé de faire comprendre à cette Chambre et au pays qu'il fallait réduire les dépenses avant de toucher aux impôts. Car il est impossible de diminuer les recettes quand vous ne diminuez pas les dépenses. Il faut payer quand on dépense.

C'est pour ce motif que chaque année j'attaque le budget de la guerre que j'ai trouvé trop considérable pour un pays dans la position du nôtre.

J'ai, à deux ou trois reprises, signalé la nécessité de rembourser notre dette. Malheureusement, au commencement de cette année, la Chambre a pris une décision que je crois tout à fait contraire aux principes les plus élémentaires d'une bonne économie. Elle a décidé qu'en temps de prospérité elle ne rembourserait pas ses dettes, qu'elle ne les rembourserait qu'en temps de crise ; c'est précisément la décision contraire que, d'après moi, il aurait fallu prendre.

Je m'étais réservé et je me réserve encore de discuter cette question plus particulièrement. Je ne pense pas que le moment soit propice aujourd'hui.

Je ne fais que signaler les faits.

Il est incontestable, et en parcourant le tableau qui se trouve dans les préliminaires du budget des voies et moyens de l'année dernière et dans les documents qui nous sont envoyés, on peut s'en apercevoir, il est incontestable que si nous avions courageusement adopté le principe de l'exécution de travaux publics par l'Etat, nous ne serions pas à la tète annuellement de 25 ou 26 millions de dettes, pour travaux publics, dont nous sommes obligés de payer les intérêts.

J'ai produit, l'année dernière, des calculs qui prouvent que ces travaux coûtent deux ou trois fois autant qu'ils auraient coûté si l'on avait suivi le système que j'indique, et qui épargnerait à l'Etat des obligations auxquelles il ne peut se soustraire aujourd'hui. L'Etat aujourd'hui est obligé de payer l'intérêt de sa dette. ; il y est obligé par son intérêt autant que par son honneur, même dans le cas où ses finances seraient le plus chargées.

En suivant la voie contraire, il aurait pu arrêter ou avancer les travaux, quand il l'aurait jugé convenable, afin de ne pas surcharger ses finances en temps de crise.

C'est cette voie que cherche à suivre dans ce moment l'Amérique afin d'arriver le plus tôt possible à se débarrasser du fardeau de sa dette.

Voila donc, messieurs, deux des chapitres de dépenses sur lesquels nous pouvons avoir une action directe et, sinon immédiatement, au moins dans un délai assez rapproché, nous pouvons arriver à réduire le montant des charges de ces chapitres.

Messieurs, si nous passions en revue tous les autres chapitres, nous arriverions également à en réduire le chiffre.

Nous avons, messieurs, une administration plus compliquée, un personnel plus considérable et mieux rétribué que celui de Charles-Quint dont l'empire s'étendait sur les deux hémisphères.

Quand il avait besoin de quelques millions de florins pour soutenir sa politique et qu'il venait les demander à nos provinces, on discutait ses demandes et on ne lui livrait que ce qu'on ne pouvait pas s'empêcher de livrer.

Je vais essayer de vous faire en quelque sorte le tableau des conséquences auxquelles on pourrait arriver si la Chambre et le pays entraient dans la voie des économies.

Et pour ne pas être accusé de me lancer dans l'utopie, je vais prendre l'exemple d'un pays assez semblable au nôtre sous tous les rapports, pour vous démontrer que les résultats auxquels nous arriverons ne sont pas chimériques.

La Suisse, qui n'est séparée de nous que par 2 ou trois degrés de latitude, dépense pour son budget fédéral, je l'ai déjà dit dans cette enceinte, 20 millions. Dans ces vingt millions il y en a 8, produits de la poste, qui sortent aussi du trésor fédéral pour être distribués aux cantons et à certaines communes. Restent 12 millions.

Sur ces 12 millions, la douane en produit 8, dont une partie, encore, par suite de certains traités locaux, va dans les caisses de divers cantons.

Toute l'administration que l'Etat doit aux citoyens est payée avec 6 ou 8 millions.

Cependant les Suisses ne sont pas des sauvages ; je dirai même que la population suisse, prise dans son ensemble, reçoit de ses gouvernants, reçoit même de l'Europe tout entière le témoignage qu'on la considère comme tellement avancée, comme tellement sage, qu'on lui a confié toute la défense nationale. En Suisse, tous les hommes pouvant porter les armes sont armés.

Je ne sais pas si tout le monde, dans cette enceinte, serait d'avis qu'on pourrait également donner des armes a tous les hommes valides du pays. En France certainement on n'oserait pas le faire.

Je demande pourquoi il peut en être ainsi en Suisse. Mais parce que l'impôt, dans ce pays, ne prend au citoyen que très peu de chose. Il n'y a pas de pauvres en Suisse. (Interruption.)

M. Bouvierµ. - Il n'y a pas de pauvres en Suisse ? C'est trop fort !

M. Le Hardy de Beaulieuµ - Il s'y trouve sans doute des gens qui ne sont pas riches ; mais il n'y a pas la mendicité que nous rencontrons sur tous nos grands chemins. Vous ne pouvez sortir de cette enceinte, entrer dans la rue de la Loi, sans être accosté par des mendiants.

M. Bouvierµ. - Mais vous les cherchez alors ?

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Il n'est pas nécessaire de les chercher, ils savent fort bien vous trouver. Je dois ajouter que je n'ai jamais entendu qu'il se soit produit en Suisse ces débats fâcheux, ces débats regrettables, mauvais pour tout le monde, entre l'ouvrier et le patron. (Interruption.) Je n'ai jamais entendu, au moins, que ces débats aient pris la gravité qu'ils ont eue chez nous.

Certainement il peut y avoir et il y a des débats particuliers, il en existe partout ; là n'est pas la question ; la question est de savoir si les mêmes débats se sont jamais élevés en Suisse. (Interruption.) Je dis qu'ils ne se sont jamais produits et la raison en est fort simple : c'est que l'impôt n'enlève pas, en Suisse, la plus grande partie du salaire. Les ouvriers suisses peuvent se contenter d'un salaire moindre, ce qui explique la prospérité de l'industrie de ce pays et la faculté qu'elle a, bien qu'elle soit enclavée en quelque sorte au centre de l'Europe, et qu'elle n'ait pas de débouchés directs sur la mer, la faculté qu'elle a d'exporter en concurrence avec l'Angleterre, la France et la Belgique sur tous les marchés lointains.

C'est parce que l'ouvrier suisse peut se contenter d'un salaire moindre tout en étant plus riche, tout en pouvant faire des économies, de même que nos ouvriers il y a 30 ou 40 ans pouvaient se contenter d'un salaire bien moins élevé que celui qui leur est nécessaire aujourd'hui par suite de l'élévation considérable des impôts et des conséquences qu'elle entraîne.

Messieurs, on m'a forcé de faire une petite digression, je reprends au point d'où j'étais parti tantôt. Je voulais essayer de faire un programme tel que je le conçois en ma qualité d'utopiste, si vous le voulez. Naturellement, comme je le disais tantôt, je suppose que nous soyons entrés franchement dans la voie des retranchements ; quels sont les impôts qu'il faudrait diminuer ou supprimer ?

L'année dernière, l'honorable ministre des finances, en vous proposant le remboursement de l'emprunt à 4 p. c, nous faisait entrevoir qu'il trouverait facilement l'emploi des économies qu'il comptait réaliser. J'espérais qu'il serait venu nous proposer de supprimer 4 ou 5 millions d'impôts pesant sur le peuple pour donner une première satisfaction au plus grand nombre des contribuables, mais jusqu'à présent le budget qui nous est présenté ne nous indique nullement que nous soyons entrés dans cette voie.

Eh bien, je voudrais d'abord supprimer complètement l'impôt sur le sel, le plus odieux, j'oserais dire le plus sauvage des impôts.

M. Bouvierµ. - Comment le remplacerez-vous ?

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Par des économies.

Voilà une matière nécessaire, indispensable à tous, qu'on fait payer dix-huit fois plus que sa valeur.

On achète le sel sur les lieux de production, à Cadix par exemple, à raison de 80 centimes les cent kilog., 1 franc quand il est cher.

On nous fait payer 18 francs d'accise pour le sel en Belgique.

- Une voix. - Et les frais de transport ?

(page 32) M. Le Hardy de Beaulieuµ. - C'est «ne matière non seulement nécessaire à la sustentation de l'existence, vous ne sauriez préparer d'aliments sans sel, mais nécessaire aussi aux progrès de l'industrie et de l'agriculture.

Dans les pays où l'on a supprimé l'impôt du sel, la consommation a été en doublant, triplant, quadruplant et, par suite, les produits ont été en s'accroissant et s'améliorant dans la même proportion.

Voilà donc un impôt dont je voudrais obtenir au plus tôt l'abolition complète.

Il existe encore, messieurs, d'autres impôts qui frappent directement les moyens de subsistance des classes les plus nombreuses.

Il reste encore, dans notre législation douanière, des impôts qui élèvent considérablement le prix des objets de première nécessité.

Lisez les rapports de toutes les chambres de commerce du pays, vous verrez que l'accord s'établit graduellement entre ces corps pour démontrer que les douanes doivent être complètement supprimées, parce qu'elles constituent de plus en plus un obstacle permanent au développement du commerce et de l'industrie.

On y viendra, messieurs, peut-être, dans très peu de temps. Cela peut nous surprendre.

Nous serons donc forcés de supprimer les douanes si nous voulons conserver notre commerce et sauver notre industrie.

M. Bouvierµ. - Il faudra tout supprimer.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Il faudra certainement supprimer beaucoup de dépenses, je l'ai dit souvent et je le répète.

Parmi les impôts indirects, ce sont presque les seuls, notez-le bien, sur lesquels portent les accroissements que j'ai signalés tantôt l'impôt foncier reste stationnaire, l'impôt personnel s'accroît, l'impôt des patentes s'accroît plus rapidement encore, car il s'adresse à des classes plus nombreuses.

Mais ce sont surtout les taxes de consommation, celles qui frappent la vie même qui prennent partout de l'accroissement.

Eh bien, je dis que c'est sur ces impôts-là particulièrement qu'il faut faire porter la réforme. C'est précisément la voie que nous ont montrée les Robert Peel et ceux qui lui ont succédé. C'est sur les impôts de consommation qu'ils ont fait porter la reforme et ils sont arrivés à ce résultat, qu'ils ne prévoyaient qu'en partie, que la prospérité générale s'est tellement accrue que le produit des impôts restants a fini par égaler et même surpasser les recettes des anciens impôts.

Tout le monde pouvant se procurer les objets de première nécessité à meilleur marché, l'accroissement du bien-être de tous a eu cet effet que le trésor s'est trouvé aussi riche après des suppressions et des diminutions de taxes qui s'élevaient à des centaines de millions, et si l'Angleterre n'avait pas été entraînée depuis vingt ans dans des aventures politiques qui ont coûté beaucoup d'argent, il est bien évident qu'elle se trouverait aujourd'hui allégée d'une grande partie de ses charges.

Eh bien, messieurs, je vous, ai signalé en termes aussi brefs que possible la voie dans laquelle nous devons entrer. Si nous hésitons, si nous tardons à le faire, croyez-moi, le moment pourrait venir où, malgré nous, nous y soyons forcés. Je vous l'ai déjà dit à plus d'une reprise une crise peut arriver, une simple crise alimentaire, par exemple ; je demande comment, en présence d'une mauvaise récolte, vous pourriez soutenir pendant quelque temps un budget de 176 millions.

Et il n'y a pas que des crises alimentaires, il peut se produire aussi des crises politiques. De grands Etats peuvent être lancés dans des entreprises dont nous n'avons pas la clef, mais dont nous aurions à subir les conséquences ; une guerre pourrait fermer les sources du travail et du crédit. Que ferons-nous dans un cas pareil pour soutenir un budget de 176 millions ? Nous devrions emprunter, comme nous l'avons déjà fait, non pas en temps de crise, mais en temps de prospérité ; seulement, en temps de prospérité, nous avons emprunté à 1 1/2 p. c. au pair ou au-dessus du pair, mais en temps de guerre nous emprunterions dans des conditions bien autrement onéreuses. Et puis les emprunts restent. Im est facile d'emprunter et de dépenser le produit des emprunts ; mais le pays doit plus tard payer les intérêts et l'amortissement ; il faut donc quand on emprunte ou maintenir les impôts ou en créer de nouveaux, et au lieu de se décharger, on finit par se charger outre mesure.

Messieurs, je crois m'être expliqué assez longuement et, je l'espère aussi, assez clairement, pour vous faire comprendre ma pensée.

Le but que je poursuis et que je poursuivrai tant que j'aurai l'honneur d'être assis sur ces bancs, c'est la réduction des dépenses ; c'est d'empêcher au moins qu'elles ne s'accroissent ; c'est d'empêcher que les deniers des contribuables ne soient employés inutilement. Mais, pour arriver à ce résultat, je reconnais qu'il faut une certaine dose d'énergie. Les intérêts qui profitent des gros budgets sont nombreux et influents ; il faut résister à ces influences, et il ne faut pas seulement y résister, il faut encore les vaincre. Je conviens que cela n'est pas facile ; mais, enfin, si la Chambre, qui a pour mission principale de veiller aux intérêts des contribuables, et surtout de ces onze douzièmes de contribuables qui ne sont pas représentés ou qui ne sont qu'indirectement représentés dans cette enceinte et dont nous administrons les biens comme des tuteurs administrent les biens de mineurs.

Je demande que la Chambre ne perde jamais de vue ces intérêts ; qu'elle ne considère pas seulement ceux qui profitent des gros budgets, mais surtout les intérêts de ceux qui payent.

M. Bouvierµ. - Voilà au moins la sixième fois que nous entendons le discours de l'honorable membre qui vient de se rasseoir. Il est en quelque sorte stéréotypé dans les Annales parlementaires. En vain l'honorable ministre des finances y répond tous les ans, rien n'y fait, et l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu insiste et persiste et recommence à nouveau.

Aujourd'hui cependant, il y a un cachet d'originalité dans le discours de l'honorable membre ; il est même assaisonné d'un peu plus de sel que de coutume : il vient, en effet, de formuler une théorie des plus étranges et des plus singulières.

Pour lui, il est regrettable, superlativement regrettable qu'il y ait des excédants de recettes dans nos budgets. En voulez-vous connaître la raison ? La voici : Ces excédants donnent lieu à des gaspillages, absolument comme si la Chambre votait des crédits sans savoir pourquoi ; absolument comme si la cour des comptes ne contrôlait pas l'emploi des crédits que la législature vote ; comme si le pays dans les élections n'avait pas un contrôle plus efficace encore à exercer.

Quant à nous, messieurs, nous nous réjouissons sincèrement de ce qu'il y ait sur le budget de 1870 un excédant de recettes de plus de 15 millions. Il est vrai que le trésor a encore des engagements ; mais, messieurs, moi qui ne veux pas suivre l'honorable préopinant dans toutes les théories étranges qu'il vous a débitées, je viens vous demander une chose que le pays réclame et réclame depuis longtemps. Des pétitions nombreuses parvenues à la Chambre sont certainement l'écho fidèle de ces réclamations.

Je viens demander à l'honorable ministre des finances si, en présence de la belle situation du trésor, il ne serait pas possible de réduire la taxe du port des lettres de 15 grammes au taux uniforme de 10 centimes pour tout le pays.

Voilà, messieurs, le grand bienfait, toujours ajourné par suite de la pénurie du trésor public, que le pays réclame, et je désire, savoir si, dans un avenir plus ou moins rapproché, le plus rapproché possible, M. le ministre des finances ne pourra pas soumettre à la Chambré un projet de loi tendant à satisfaire à ce vœu si légitime du pays.

MfFOµ. - Messieurs, l'honorable M. Bouvier vient de rappeler, avec raison, que j'ai déjà répondu plusieurs fois aux théories financières dont l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu vient de faire encore une nouvelle édition dans le discours que vous avez entendu.

Malgré, les efforts que j'ai tentés, l'année dernière, pour le rassurer quelque peu, l'honorable membre continue à se dire très effrayé de notre situation. Je suis convaincu, très convaincu même, qu'il le dit de fort bonne foi.

Je suis persuadé qu'il est très sincère en vous disant qu'il ne voit d'autre terme à la situation qu'il déplore que des catastrophes qui doivent inévitablement tout engloutir, et qu'en persévérant encore un peu seulement dans la voie où nous sommes engagés, nous serons fatalement entraînés dans un abîme.

L'honorable membre fait d'incroyables efforts pour tâcher de nous faire partager ses terreurs : il cherche à justifier ses sinistres prévisions par une série d'arguments erronés, de fictions et de paradoxes qu'il ne cesse de répéter depuis plusieurs années.

Par exemple, il ne voit absolument que des impôts dans le budget des voies et moyens. Le total tout entier de ce budget, qui s'élève à 176 millions, constitue, selon lui, l'ensemble des contributions qui grèvent les malheureux habitants de la Belgique.

Mais, messieurs, ai-je besoin de le dire ? il y a bien autre chose que des impôts dans le budget des voies et moyens ; il y a des capitaux ; il y a les revenus des domaines et des forêts ; il y a surtout des péages, les produits du chemin de fer, ceux des canaux, etc., sont-ce là des impôts ?

Je crois fort inutile, messieurs, de reproduire encore une fois toutes les observations que j'ai déjà présentées si. souvent à ce sujet. Je désespère de convaincre l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, qui ne manquera pas, (page 33) l'année prochaine, de venir nous répéter que nous sommes grevés de 176 millions d'impôts !

Faisant de cette idée bizarre le point fondamental de son argumentation, l'honorable membre fait une répartition de ce gros chiffre de 176 millions ; il dit que nous avons en Belgique un million de familles dont chacune paye ainsi une part moyenne de 176 francs dans les impôts, ce qui constitue une charge excessive. Puis, estimant le revenu général des biens-fonds du pays, par je ne sais quel calcul tout à fait imaginaire, il trouve que le revenu de la terre ne suffit qu'à peine pour payer les impôts dont le pays est frappé.

Il va même jusqu'à prétendre que la moitié des propriétaires en Belgique ne peuvent pas payer les impôts à l'aide des revenus de leurs propriétés, qui leur sont ainsi plus onéreuses que profitables. (Interruption.) Je réponds à l'honorable membre en le priant de vouloir bien faire en sorte que cette moitié des propriétaires de la Belgique consentent à me céder leurs terres ; je me chargerai très volontiers de payer l'impôt. (Interruption.)

Non content de s'être fait l'éditeur de ces erreurs que je viens d'indiquer, l'honorable membre en commet d'autres, qui ne sont pas moins singulières de la part d'une personne qui a eu sous les yeux tous les documents financiers qui auraient pu l'éclairer sur la véritable situation. D'après lui, les impôts ont été considérablement augmentés. Il justifie cette assertion à sa manière, en comparant le budget de 1833, qui s'élevait à 88 millions, au budget actuel, et il s'écrie que nous avons doublé les impôts.

Or, nous avons soumis à la Chambre, et par conséquent à l'honorable membre, des statistiques fort exactes, fort complètes, qui établissent d'une façon claire et incontestable que, balance faite des augmentations et des diminutions d'impôts depuis 1830 jusqu'à ce jour, il y a eu réduction des impôts. Nous les avons successivement réduits dans leur ensemble et, en résumé, la somme des impôts, loin d'être augmentée, a été diminuée.

Autre erreur encore de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu. Lorsqu'il établit, pour diverses époques, des comparaisons sur le total des budgets des dépenses, il oublie de se demander, par exemple, ce qu'était le budget des travaux publics en 1833 et ce qu'est devenu ce budget dans ces derniers temps.

S'il avait voulu remarquer que le seul budget des travaux publics, qui était nul ou à peu près en 1833, représente aujourd'hui une quarantaine de millions, il aurait compris parfaitement que la différence dont il se fait une arme, avait une justification péremptoire, qu'elle correspondait à un revenu, et que le budget des travaux publics pouvait être considéré comme représentant une application de fonds, à gros intérêts. (Interruption.)

L'honorable membre s'est peut-être imaginé qu'il nous embarrasserait beaucoup en nous opposant l'exemple des Etats-Unis, qu'il cite à tout propos, et l'exemple de l'Angleterre. Il compare la situation de ces pays à la nôtre et, selon lui, le jour, qui n'est cependant pas très prochain, où les Etats-Unis auront éteint leur dette, pour laquelle ils supportent des impôts énormes, ils se trouveront dans des conditions tellement favorables, que les vieux pays d'Europe ne pourront plus concourir avec eux dans la grande lutte pacifique de l'industrie et du commerce.

Eh bien, messieurs, je puis dire à l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu que le jour où les Etats-Unis auront réussi à éteindre leur énorme dette, le jour où ils se retrouveront dans l'état normal qui existait avant la sécession, les Belges, après comme avant cette époque, seront toujours grevés de beaucoup moins d'impôts que les Américains, comme ils sont aujourd'hui grevés de beaucoup moins d'impôts que les Anglais. Sur ce point encore, nous avons fourni, il y a quelque temps, une statistique établissant une comparaison entre les impôts payés dans les divers pays, et il résultait de cette comparaison, qui n'est pas discutable, qui n'est pas contestable, que les impôts en Belgique sont beaucoup moins élevés que presque partout ailleurs.

Si nous avons des revenus plus considérables, indépendamment des causes que j'ai indiquées, qui sont celles, par exemple, résultant de l'exploitation du chemin de fer, ils ne sont pas assurément la conséquence de l'accroissement des impôts ; ils sont dus exclusivement au développement successif de la richesse publique.

Le produit de l'impôt s'est accru, quoique la quotité n'ait pas été élevée, et bien qu'elle ait été abaissée pour un grand nombre de taxes ; c'est l'expansion même de notre état de civilisation, c'est l'amélioration qui s'est manifestée dans le pays, qui a produit ces résultats satisfaisants. Or, vous vous plaignez absolument comme si les Chambres avaient surchargé les contribuables d'impôts onéreux, tandis que ces contribuables ont été dégrevés et que le produit plus considérable est dû à une amélioration même de leur condition.

Au milieu de toutes ces assertions insoutenables produites par l'honorable membre, il a formulé une opinion assurément fort nouvelle et extrêmement surprenante en matière financière : il a dit qu'il n'y avait rien de plus dangereux que d'avoir des excédants de revenus !

M. Coomansµ. - Oui, oui.

M. Bouvierµ. - Allons donc !

MfFOµ. - D'après lui, c'est se trouver dans une bonne situation financière que d'avoir des déficits.

M. Coomansµ. - Certainement ; on ne fait pas de folies alors.

MfFOµ. - Nous avons des institutions organisées précisément pour empêcher de faire des folies. Notre régime de contrôle, notre régime d'élection, qui permet aux contribuables de désigner eux-mêmes les mandataires auxquels ils entendent confier le soin de gérer leurs propres affaires, a précisément pour but et pour effet d'empêcher qu'on ne dilapide les fonds publics, qu'on ne grève inutilement le pays de charges trop lourdes, et qu'on ne fasse de l'argent des contribuables que l'emploi le plus fructueux possible dans l'intérêt de tous.

Eh bien, la Chambre et le gouvernement institués dans ce but, ont-ils fait jusqu'à présent un emploi déplorable des ressources qui ont été mises à leur disposition par la nation ? Personne ne le prétendra.

Je ne pense donc pas que l'on ait trop à se plaindre du retour des excédants de recettes, et je crois qu'à l'exception de MM. Le Hardy et Coomans, personne dans cette Chambre ne désire que nous ayons un déficit. (Interruption.)

Bien loin de trouver que les excédants de ressources que nous avons sont trop considérables, je les trouve insuffisants. Je voudrais que nous pussions arriver à avoir des excédants s'élevant au moins jusqu'à 25 millions par an ; et le jour où nous aurions cette situation, nous pourrions réaliser au moins l'un des vœux formulés par l'honorable M. Le Hardy ; nous n'aurions plus à emprunter ; nous réserverions pour des circonstances tout à fait graves et exceptionnelles le recours à l'emprunt ; nous appliquerions ces 25 millions d'excédants à l'exécution de travaux publics, à doter le pays du meilleur outillage possible, afin de le placer dans des conditions telles, qu'il pût soutenir avantageusement la concurrence industrielle et commerciale avec les nations étrangères. Je crois que le pays ferait ainsi un emploi très fructueux de ses ressources.

On pourrait aussi, si nous possédions des excédants de cette importance, avoir le moyen de remanier, de transformer nos impôts, en réalisant ainsi des améliorations qui sont certainement désirables, mais que l'on ne peut pas même tenter lorsqu'on s'expose à compromettre, en y touchant, les divers services publics.

Nous aurions en outre, à un autre point de vue non moins important, une situation très satisfaisante et très désirable ; elle nous donnerait la possibilité de parer en tout temps aux éventualités dangereuses que peut nous réserver l'avenir. Nous avons constitué la défense nationale sur des bases aussi larges et aussi solides qu'on l'a cru possible. Mais l'aliment indispensable de cette défense nationale, ce sont les ressources du trésor. Si, dans un moment critique, le trésor était vide, s'il n'était pas en mesure de fournir aux besoins de la défense nationale, en vain aurait-on fait des sacrifices qui ont été reconnus nécessaires. Tous ces efforts pourraient être paralysés.

C'est là, messieurs, ce qui m'a toujours fait attacher tant d'importance à conserver des excédants de ressources, afin d'avoir un encaisse considérable, quoique je reconnaisse que, d'une manière absolue, cela a quelque chose d'onéreux ; mais d'un autre côté, on peut pourvoir ainsi à des nécessités de premier ordre auxquelles ne peuvent rester indifférents ni le gouvernement ni les Chambres.

L'honorable M. Le Hardy, continuant ses comparaisons, vous a dit qu'il fallait arriver à des réductions de dépenses, sans préciser celles qu'il faudrait réduire et indiquant d'une manière générale l'administration. Il vous a dit que Charles-Quint, qui a eu un empire immense dans les deux mondes, avait une administration moins nombreuse et mieux rétribuée que l'administration de la petite Belgique.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Et moins rétribuée.

MfFOµ. - Et moins rétribuée, soit !

Messieurs, je voudrais bien que l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu mît sous les yeux de la Chambre le budget de Charles-Quint. (Interruption.)

Je serais très heureux de pouvoir l'examiner et le comparer au budget belge. Il me permettra, jusque-là, de douter de l'exactitude de ses assertions, tout aussi bien que de celles qu'il a émises relativement à la Suisse.

L'honorable membre compare le budget fédéral au budget belge : (page 34) première erreur manifeste. L'organisation de la Suisse diffère essentiellement de l'organisation de la Belgique. La souveraineté cantonale a des charges qui chez nous forment des charges du budget général ; d'autre part, les communes suisses ont des charges que n'ont pas les communes belges. On ne pourrait faire une pareille comparaison qu'en résumant toutes les charges fédérales, cantonales et communales de la Suisse, pour les comparer aux charges générales, provinciales et communales de la Belgique. La comparaison entre le budget fédéral et le budget de l'Etat en Belgique est donc une comparaison essentiellement fausse. Elle n'est faite par l'honorable membre que pour en induire que si nous avons des pauvres et des grèves, c'est grâce aux impôts que nous payons.

Pour l'honorable membre, en effet, en Suisse il n'y a pas de mendiants, il n'y a pas de pauvres. Je suppose que l'honorable membre n'a jamais visité la Suisse ; il a peut-être vu quelque part une pareille assertion ; mais s'il avait visité la Suisse et s'il avait pris la peine, même sans se rendre dans ce pays, de vérifier, dans les documents que l'on y publie, ce qui s'y fait en faveur des pauvres, soit par les communes, soit par les cantons, soit même par le budget fédéral, il aurait appris que la Suisse n'est pas plus exemple qu'aucun autre pays de cette calamité d'avoir des pauvres à côté des fichés.

En Suisse, dit-il encore, il n'y a pas de grèves ; en Suisse, la lutte entre les patrons et les ouvriers n'existe pas ! L'honorable membre ne s'est donc pas rappelé que, dans le cours même de cette année, des grèves considérables ont éclaté, que des luttes très vives se sont établies sur des questions de salaires ? Il y a eu, à Genève, à Bâle, des luttes plus considérables, plus opiniâtres, plus passionnées que celles que l'on a pu voir en Belgique. L'honorable membre se trompe donc du tout au tout, en affirmant devant la Chambre que la Suisse est, par une sorte de faveur spéciale et exceptionnelle, à l'abri de semblables crises.

L'honorable membre a dit, en terminant, conformément a ce qu'il avait énoncé au commencement de son discours, que dans la situation où nous sommes, il nous serait impossible de résister à une crise alimentaire moins encore à une crise politique ; la Belgique y périrait.

II paraît donc que jusqu'à présent la Belgique n'a pas subi de crise alimentaire, qu'elle n'a pas connu non plus de crise politique. La Belgique n'a pas traversé ce petit événement qui s'appelle la révolution de 1848 ! Et cependant, je ne sache pas que la Belgique, après avoir traversé une crise alimentaire ou une crise politique, se soit retrouvée dans de plus mauvaises conditions que la plupart des autres pays. Je me permettrai même de penser que la Belgique a traversé plus heureusement que tout autre pays la crise redoutable à laquelle je viens de faire allusion.

M. Coomansµ. - Messieurs, je ne recule jamais devant la défense publique des idées que je crois justes et vraies, et comme plusieurs d'entre nous ont paru s'étonner outre mesure de l'assentiment que j'ai donné aux paroles de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, je tiens à m'expliquer et je le ferai très brièvement, car je n'étais pas préparé à prendre la parole sur la question financière.

Quoi ! s'écrie-t-on, il y a deux membres dans cette Chambre disposés à croire et assez audacieux pour dire que les excédants budgétaires peuvent avoir de graves inconvénients et que les déficits sont quelquefois salutaires.

Je doute fort qu'il n'y ait que deux membres de cet avis. Dans tous les cas je suis l'un des deux et l'honorable M. Frère ne devrait pas tant s'étonner de ne trouver que deux hommes attachés à une idée alors qu'il a été lui seul de son avis dans certaine grave question.

Messieurs, ceci me paraît une vérité de sens commun applicable aux gouvernements comme aux familles, qu'on ne se réforme, qu'on ne s'amende que dans les situations difficiles.

J'ai la conviction profonde que si nous n'avions pas eu tant d'excédants, en d'autres termes : si nous n'avions pas fait produire par l'impôt tout ce qu'il peut produire, en d'autres termes encore : si nous avions eu presque chaque année des budgets en déficit, nous n'aurions pas fait plusieurs des grandes folies que nous avons accomplies.

C'est le luxe qui permet les folies et c'est la nécessité qui très souvent inspire et raffermit la raison.

C'est pourquoi nous avons eu de gros budgets facilement formés par de lourds impôts que nous avons fait beaucoup de dépenses, selon moi, injustifiables.

En 1848, notre situation financière était mauvaise. C'est alors que la Chambre et le ministère lui-même ont fait un retour vers une bonne politique et ont diminué les budgets des dépenses.

C'est en 1848 que nous avons supprimé une partie des dépenses inutiles que nous prodiguons à la diplomatie, que nous avons diminué certains appointements, que nous avons réduit considérablement le budget de ta guerre.

C'est en 1848 que ce bienheureux déficit a converti l'honorable M. Frère lui-même. C'est vers 1850, en pleine crise européenne, que l'honorable M. Frère a proposé une armée de vingt-cinq millions de francs au maximum.

MfFOµ. - Je n'ai jamais proposé cela.

M. Coomansµ. - Heureux les déficits quand ils opèrent de pareils retours !

Oui, c'est en 1848 que nous avons opéré des économies et alors je n'étais certes pas seul de mon avis. Tout le monde en était, le pays surtout, car c'est sous la pression continue, ardente de l'opinion publique que les Chambres et le gouvernement ont pris les mesures auxquelles je fais allusion.

Mais, prétend-on (c'est la thèse de l'honorable ministre des finances), les trésors publics ne peuvent jamais être assez pleins. Plus ils le sont, mieux c'est pour tout le monde.

Je m'inscris en faux contre cette thèse, qui est éminemment rétrograde. C'est la thèse de tous les despotes anciens et modernes. Bien souvent dans l'histoire vous voyez les trésors impériaux, royaux et même républicains, remplis à l'heure des catastrophes et ce sont ces gros trésors qui précipitent ces heures et qui engagent fatalement les gouvernants dans des entreprises souvent folles.

Oui, messieurs, la nécessité est mère non seulement d'industrie, mais mère de prudence.

Quant à moi, je mettrais notre budget en déficit dès demain si j'étais le maître, parce que nous serions bien forcés après-demain de réaliser d'utiles réformes financières.

L'honorable ministre doit reconnaître lui-même que des réformes sont possibles ; il daigne en convenir, en théorie seulement, par malheur ; mais, cela saute aux yeux.

L'honorable M. Le Hardy de Beaulieu vient de prouver combien il était' inique d'augmenter de 18 ou 20 fois la valeur d'une marchandise par l'impôt. Et de quelle marchandise ? De la plus nécessaire de toutes, car si vous imposiez l'air que nous respirons (la lumière, vous l'imposez déjà par l'impôt des portes et fenêtres, vous, les grands partisans des lumières),, si vous imposiez l'air que nous respirons, vous ne commenciez pas un acte plus philosophiquement et humainement absurde qu'en imposant le sel.

On parle de progrès industriels. N’est-il pas évident que le travail belge sous maintes formes se perfectionnerait et se développerait considérablement si demain l'impôt du sel était supprimé ? N'est-il pas clair que vous doubleriez, que vous quadrupleriez peut-être la production des bières en Belgique, si vous supprimiez aussi l'impôt dont elles sont frappées ?

Je pourrais multiplier de pareils exemples, mais, je le reconnais avec vous tous, la question n'est pas là ; elle est dans la suppression des dépenses. .

Aussi longtemps que vous affirmerez qu'il n'y a rien à supprimer dans les dépenses que vous faites chaque année, je reconnais qu'il est impossible de supprimer les recettes à moins de vous mettre en état de banqueroute.

Mais, dit M. le ministre des finances, les excédants semblables à ceux que nous avons eus et que nous aurons peut-être en 1870 sont indispensables, au point de vue de la défense nationale. Nous avons une magnifique armée, mais nous n'avons pas les moyens de la faire marcher c'est M. le ministre qui l'avoue.

Nous avons dit mainte fois qu'en cas de catastrophe votre imprudence est telle que vous ne pourriez pas faire usage des bons éléments militaires que vous avez crées. Vous serez acculés ou devant l'emprunt forcé, ou devant la banqueroute. Donc, vous le reconnaissez, il vous faut indispensablement de l'argent pour les éventualités redoutables dont vous nous parlez de temps à autre pour les nier en d'autres temps. Il vous faut de l'argent et vous n'en avez pas ; car enfin qu'avez-vous en caisse aujourd'hui ? Zéro, quand vous défalquez le montant de vos engagements. Si une grande crise se présente demain, l'objection que nous avons faite souvent se réalisera.

Or. si vous avez besoin d'argent pour cette éventualité, c » n'est pas sur des excédants problématiques que vous devez compter ; il faut vous créer d'avance des ressources et comme ceci deviendrait plus absurde que tout ce que vous avez fait jusqu'ici, vous ne faites rien.

Pour ne pas prendre deux fois la parole aujourd'hui, je placerai ici nue ou deux remarques que j'avais à présenter sur ce chapitre.

Je parle, entre autres, du droit de débit des boissons alcooliques.

(page 35) Nous avons maintes fois et avec l'assentiment de beaucoup de membres de cette assemblée, protesté non seulement contre le droit de débit en soi-même, mais contre l'indigne usage que l'on en fait. Pour ma part, je ne laisserai échapper aucune occasion de protester contre la transformation d'un impôt indirect en un impôt direct et contre la falsification de notre régime électoral, falsification qui est la conséquence de ce système.

Il me suffit, pour le moment, d'insister sur ce point en termes sommaires. J'y reviendrai volontiers si l'on désire le discuter plus à fond. Je prierai seulement l'honorable M. Sabatier qui est chargé, je pense, du rapport sur la question du genièvre politique... (Interruption)... de vouloir bien m'apprendre où en est son travail et quelles seront vraisemblablement les conclusions qu'il sera chargé de nous soumettre.

M. Sabatierµ. - L'honorable M. Coomans me demande deux choses : d'abord, où en est le travail de la section centrale chargée d'examiner le projet de loi de l'honorable M. Delcour ; ensuite quelles seront les conclusions de ce travail. Voici la réponse que j'ai à faire a l'honorable M. Coomans. Dans le courant de la dernière session, la section centrale s'est réunie bien des fois pour examiner la proposition de l'honorable M. Delcour, et cet honorable membre dira sans doute avec moi qu'une bonne solution est assez difficile à trouver pour qu'on puisse s'expliquer qu'à l'heure actuelle nous n'ayons pas encor, pris une résolution définitive.

Nous avons dû tout d'abord demander au gouvernement un certain nombre de renseignements qui se rapportaient exclusivement à la proposition de l'honorable M. Delcour. Ces renseignements nous sont parvenus en février dernier et lorsque nous nous sommes livrés à l'étude de la question qui nous était soumise, une opinion a été émise au sein de la section centrale ; c'est qu'il serait peut-être utile de rattacher à la proposition de l'honorable membre certaine réforme électorale. Partant de cette idée, je me suis adressé à M. le ministre des finances pour obtenir de nouveaux renseignements, afin d'élucider complètement les différents moyens de résoudre la question dite des cabaretiers et de permettre aux membres de la section centrale d'asseoir leur jugement pour la préférence à donner à l'un ou à l'autre de ces moyens.

L'honorable ministre ne m'a pas caché, quand je lui ai demandé de nouveaux documents, que ceux-ci seraient très longs à réunir ; mais la section centrale, voulant faire une étude consciencieuse de la question, ne s'est pas arrêtée devant la perspective d'un délai plus ou moins long. Certains des renseignements demandés nous sont déjà parvenus ; d'autres ne tarderont pas à nous être transmis ; dès que la section centrale les possédera, elle se réunira de nouveau et elle pourra s'occuper sans retard de la rédaction de son rapport.

Quant à la solution qui interviendra, il me serait absolument impossible de la faire connaître. La section centrale n'a pas encore eu à se prononcer d'une manière assez formelle puisqu'elle n'a pas encore reçu tous les documents qui lui sont nécessaires pour asseoir son jugement.

- La discussion est close.

Personnel (suite)

« Dix centimes additionnels extraordinaires : fr. 1,068,000. »

- Adopté.

« Frais d'expertise : fr. 51,000. »

- Adopté.

Patentes

« Patentes. Principal : fr. 4,000,000. »

- Adopté.

« Dix centimes additionnels extraordinaires : fr. 400,000. »

- Adopté.

Droit de débit de boissons alcooliques

« Droit de débit de boissons alcooliques : fr. 1,500,000. »

- Adopté.

Droits de débit de tabacs

« Droit de débit de tabacs : fr. 245,000. »

- Adopté.

Redevances sur les mines

« Redevances sur les mines. Principal : fr. 507,000. »

- Adopté.

« Dix centimes additionnels ordinaires pour non-valeurs. 51,000

- Adopté.

« Trois centimes extraordinaires sur la redevance proportionnelle pour frais de confection d'une carte générale des mines : fr. 15,000. »

- Adopté.

« Cinq centimes sur les trois sommes précédentes pour frais de perception : fr. 27,000. »

- Adopté.

Douanes

« Douanes. Droits d'entrée : fr. 15,500,000. »

- Adopté.

« Droits de tonnage : fr. 15,000. »

- Adopté.

Accises

« Sel : fr. 5,850,000. »

- Adopté.

« Vins étrangers : fr. 2,300,000. »

- Adopté.

« Eaux-de-vie indigènes : fr. 8,500,000. »

- Adopté.

« Bières et vinaigres : fr. 8,950,000. »

- Adopté.


« Sucres de canne et de betterave : fr. 5,770,000. »

- Adopté.

« Glucoses et autres sucres non cristallisables : fr. 50,000. »

- Adopté.

Garantie

« Garantie. Frais d'essai des matières d'or et d'argent : fr. 100,000. »

- Adopté.

Recettes diverses

« Recettes divers. Recettes extraordinaires et accidentelles, loyers des bâtiments, droits de magasin des entrepôts de l'Etat, et rétributions du chef des extraits du cadastre, etc. : fr. 60,000. »

- Adopté.

Enregistrement et domaines

Droits, additionnels et amendes

« Enregistrement (principal et 30 centimes additionnels) : fr. 17,500,000. »

- Adopté.

« Greffe (principal et 30 centimes additionnels) : fr. 340,000. »

- Adopté.

« Hypothèques (principal et 25 centimes additionnels) : fr. 3,000,000. »

- Adopté.

« Successions (principal et 30 centimes additionnels) : fr. 11,500,000. »

- Adopté.

« Droit de mutation en ligne directe (principal et 30 centimes additionnels) : fr. 1,800,000. »

- Adopté.

« Droit dû par les époux survivants (principal et 30 centimes additionnels) : fr. 200,000. »

- Adopté.


« Timbre : fr. 4,200,000. »

M. Thonissenµ. - Messieurs, des pétitions adressées à la Chambre ont appelé l'attention de l'assemblée sur les plaintes auxquelles donne lieu, depuis quelque temps, l'emploi du timbre spécial prescrit pour les lettres de voiture.

Quand on expédie des marchandises par un chemin de fer concédé, les agents du gouvernement se montrent très rigoureux pour l'emploi du timbre spécial. Ils se montrent particulièrement sévères sur quelques lignes exploitées par le Grand Central ; c'est à tel point que, pour le chemin de fer de Hasselt à Anvers, on dit qu'il y a dans cette dernière ville un employé en permanence pour s'assurer si le timbre spécial se trouve sur les lettres de voiture.

C'est sévère, mais c'est légal, je l'avoue, et à ce point de vue, on ne peut pas se plaindre.

Mais voici où les plaintes deviennent légitimes : c'est que, lorsqu'on expédie des marchandises par le chemin de fer de l'Etat, on est de fait dispensé de l'emploi du timbre pour les lettres de voiture ; en d'autres termes, l'Etat permet d'expédier sur ses lignes des marchandises accompagnées de lettres de voiture sur papier libre.

On arrive ainsi, messieurs, à un véritable privilège en matière d'impôts. Les industriels qui ont des établissements le long des lignes des chemins de fer de l'Etat, n'ont pas besoin d'apposer leur timbre sur les lettres de voiture, tandis que les industriels dont les établissements sont situés le long des chemins de fer concédés sont soumis, au contraire, à la formalité plus ou moins onéreuse du timbre.

Il me semble, messieurs, qu'en matière d'impôts il ne faut pas de privilège, d'autant plus qu'en Belgique ce principe fondamental se trouve consacré par un article de la Constitution. On devrait rendre l'emploi du timbre obligatoire pour tous ou pour personne.

(page 36° J’espère qu'on voudra bien me donner quelques mots d'explication, parce que, hier encore, une pétition est arrivée au bureau de la Chambre pour se plaindre de ce qui constitue, à mes yeux, une inégalité réelle.

MfFOµ. - Je ne pourrais donner en ce moment aucune explication péremptoire à l'honorable membre. Il faut d'abord que les faits soient examinés, et jusqu'à présent ils ne m'ont pas été signalés.

L'administration s'occupera de l'observation présentée par l'honorable M. Thonissen ; mais je dois protester contre une parole qui a échappé à l'honorable membre : il pense que c'est par une espèce de partialité que l'on s'appliquerait à faire observer plus sévèrement la loi sur certaines lignes de chemins de fer concédés que sur d'autres lignes.

Evidemment, il n'en est rien. La même règle est appliquée partout et l'on n'use pas de plus de rigueur à l'égard des lignes du Grand-Central qu'à l'égard de toutes les autres lignes.

M. Thonissenµ. - L'honorable ministre ne m'a pas bien compris

Je n'ai pas voulu insinuer que le gouvernement se montrait plus sévère pour certaines compagnies de chemins de fer que pour d'autres. J'ai voulu dire seulement qu'à certains endroits les employés se montraient plus sévères, notamment dans les environs d'Anvers, que dans d'autres localités.

MfFOµ. - Mon département examinera cette affaire.

- Le chiffre est adopté.


« Naturalisations : fr. 5,000. »

- Adopté.

« Amendes en matière d'impôts : fr. 250,000. »

- Adopté.

« Amendes de condamnations en matières diverses : fr. 400,000. »

- Adopté.

Discussion du tableau des recettes (II. Péages)

Domaines

« Rivières et canaux : fr. 1,800,000. »

- Adopté.


« Routes appartenant à l'Etat : fr. 10,000. »

- Adopté.

Travaux publics

Postes

« Taxe des correspondances en général : fr. 3,982,500. »

- Adopté.

« Droits sur les articles d'argent : fr. 70,800. »

- Adopté.

« Emoluments perçus en vertu de la loi du 19 juin 1842 : fr. 76,700. »

- Adopté.

Marine

« Produit du service des bateaux à vapeur entre Ostende et Douvres : fr. 460 000. »

- Adopté.

Discussion du tableau des recettes (III. Capitaux et revenus)

Travaux publics

M. de Theuxµ. - Messieurs, à ce chapitre se rattache une question que je dois faire. On n'ignore pas qu'il y a d'énormes inégalités entre les diverses parties du pays.

Ainsi, dans le Limbourg on se plaint énormément de la taxe élevée sur les voyageurs et surtout sur le transport des marchandises.

Je demanderai si M. le ministre des travaux publics s'occupe sérieusement des moyens d'arriver à l'uniformité des taxes tant pour les voyageurs que pour le transport des marchandises, mais principalement pour les marchandises.

C'est une question excessivement importante pour l'industrie d'un grand nombre de localités.

Je demande donc que M. le ministre des travaux publics nous présente le plus tôt possible les moyens d'arriver à une sorte d'égalité, autant que la chose est possible. Car si les transports par les chemins de fer de l'Etat sont faits au plus bas prix possible et qu'ailleurs les transports des personnes et des marchandises coûtent beaucoup plus cher, il y a une position d'infériorité pour les uns, une position de supériorité pour les autres, qui ne peut pas ère toujours tolérée.

Il faut qu'on arrive à un remède, à une situation normale, par exemple, en élevant un peu les tarifs de l'Etat, d'une part, et en abaissant un peu les tarifs des compagnies, d'autre part.

Je sais que les concessions ont été faites sous certaines conditions, qu'il ne dépend pas de la volonté exclusive du gouvernement de modifier. Mais au moyen d'arrangements à prendre avec les compagnies, on pourrait arriver à cette situation d'égalité qui est éminemment désirable.

M. Gerritsµ. - Messieurs, à propos de l'article des chemins de fer, je crois devoir appeler l'attention de la Chambre sur la convention qui a été conclue entre l'Etat belge et une société anglaise qui s'appelle le Great Eastern.

Cette convention constitue un acte de favoritisme qu'il serait difficile, je pense, de justifier. Elle établit, en matière de politique commerciale, des principes fort dangereux.

Voici comment on a procédé :

Vous savez, messieurs, que pour l'application des tarifs, les marchandises voiturées sur les chemins de fer de l'Etat ont été rangées, selon leur nature, en différentes catégories. Les prix de transport diffèrent pour chaque classe. Il a donc suffi de faire, en faveur de la société anglaise, une classification spéciale pour lui assurer une réduction sur les prix de transport, qui va jusqu'à 20, jusqu'à 30 et même jusqu'au delà de 40 p. c.

Le Great Eastern exploite une ligne de bateaux à vapeur entre Harwich et Anvers. Harwich, comme vous le savez tous, est un avant-port de Londres, de manière qu'on a placé les sociétés qui font le service direct entre Londres et Anvers dans des conditions tellement désavantageuses que la lutte est devenue pour ainsi dire impossible, car la société du Great Eastern profite, pour la partie maritime de son exploitation, de toutes les réductions qu'on lui accorde sur les chemins de fer de notre pays. Ce qui est fort étrange, c'est que, parmi les sociétés qui depuis longtemps desservent la ligne de Londres, se trouve une société belge, la seule qui, depuis trente-cinq ans environ qu'elle existe, a fait naviguer ses navires sous pavillon belge.

Voilà donc le gouvernement de notre pays qui se ligue avec une société étrangère pour faire la concurrence à une entreprise belge et qui fait cette concurrence d'une manière déloyale, en ce sens que ce sont les revenus de l'Etat, la propriété de tout le monde, dont on se sert pour intervenir dans une lutte entre particuliers. Voilà le gouvernement de notre pays qui emploie les ressources de nos chemins de fer pour amoindrir la marine nationale qui, hélas ! n'est pas déjà trop forte.

Il est probable que l'on a fait accroire à M. le ministre de travaux publics qu'en réduisant les frais de transport, il augmenterait le trafic sur le chemin de fer de l'Etat. M. le ministre aura perdu de vue que ce qu'il pouvait gagner d'un côté il devait le perdre de l'autre.

En effet, il n'y a aucun avantage à faire affluer les marchandises vers la ligne de Harwich, alors qu'on les détourne de la ligne de Londres. Il n'y a pour nous aucun profit à ce qu'elles arrivent plutôt par Harwich que par Londres.

Du reste, si la réduction des frais de transport pouvait contribuer au développement des affaires, pourquoi faire de cette réduction l'objet d'une faveur exceptionnelle, pourquoi ne pas la rendre générale ?

Jusqu'ici, les anciennes sociétés ont lutté au prix de grands sacrifices, mais je suppose qu'à la longue elles se reconnaissent vaincues et se retirent devant la force supérieure de l'Etat belge qui est intervenu ; M. le ministre n'aura-t-il pas plutôt diminué qu'augmenté le mouvement commercial ? La réponse n'est pas douteuse.

Le privilège ne fait que déplacer le mouvement. Le monopole ne peut créer qu'une prospérité factice dont on n'aura pas longtemps à se louer.

Ce que fait le département des travaux publics dans cette question, c'est bel et bien de la protection et de la protection la plus mauvaise.

Il se peut qu'il y ait dans cette enceinte des partisans de la protection franche, ouverte, en faveur de l'industrie ou de la marine ; mais personne, selon moi, ne peut approuver un système par lequel on favorise un seul individu au détriment de tous ses concurrents.

Or, que la protection se fasse au moyen de droits de douanes perçus par l'Etat ou qu'elle se fasse au moyen de réductions de frais de transport perçus par le même Etat, le résultat est absolument le même. C'est la protection et rien que la protection.

Vous comprenez, messieurs, que ce système a soulevé des réclamations et suscité aussi des convoitises. Les uns ont demandé, qu'on rétablisse le système d'égalité, les autres ont sollicité de nouvelles conventions pour pouvoir, à leur tour, exploiter d'autres ports.

Comme toujours, l'élément politique est venu se mêler à l'élément commercial et menace de le dominer.

Je ne prétends pas que M. le ministre des travaux publics ait personnellement fait de l'octroi de ces faveurs un moyen de corruption ; mais je puis lui donner cette assurance que s'il n'y prend garde, s'il n'est prudent, (page 37) la meilleure partie des transports maritimes se trouvera bientôt entre les mains des solliciteurs les plus éhontés et les plus intrigants.

Ce danger, messieurs, est d'autant plus grand qu'au département des travaux publics on semble ne pas bien se rendre compte de ce qui convient au commerce. On y soutient les prétentions les plus singulières. C'est ainsi que M. le ministre refuse de traiter même avec les propriétaires de bateaux à vapeur, s'ils ne sont représentés, s'ils ne sont couverts par des propriétaires de chemins de fer.

Pour faire ressortir les inconvénients de ce système, je vais avoir l'honneur de vous citer un ou deux exemples.

Vous avez des marchandises à expédier de Londres en Belgique. Vous vous imaginez que le moyen le plus simple, le plus avantageux, est d'embarquer ces marchandises à Londres même pour le port de destination.

Non, messieurs, pour jouir des faveurs qu'accorde l'Etat belge, il faut, à Londres, que les marchandises soient chargées sur les waggons du Great-Eastern, que de Londres les marchandises soient transportées par chemin de fer à Harwich, et c'est seulement là que vous pouvez embarquer les marchandises pour Anvers.

Si, à Londres, vous embarquez directement, à bord d'un bateau belge faisant le service, sur Anvers, c'est le tarif le plus rigoureux qui vous sera appliqué en Belgique.

Ceci, messieurs, me paraît passablement ridicule ; mais, quand on est entré, dans une voie fausse, on arrive fatalement à l'absurde et c'est ce que va vous prouver mon second exemple.

Il y a quelques années, une société a offert au gouvernement d'établir une ligne de bateaux à vapeur entre Anvers et l'Amérique du Nord. A titre d'encouragement, elle demandait une réduction sur le prix des transports par chemin de fer. Cette réduction lui a été refusée. Je puis admettre ce refus, mais ce qu'il y a de curieux c'est que, d'après le système du gouvernement, la réduction serait aujourd'hui accordée.

Seulement, au lieu d'envoyer les marchandises directement à Anvers de New-York ou de Boston, il faudrait d'abord les envoyer à Liverpool, puis les mettre sur le chemin de fer anglais, les diriger sur Hull, Goole ou Grimsby et là seulement les embarquer sur Anvers.

Il ne suffirait pas même de faire prendre les marchandises par un bateau à vapeur à Liverpool, car dans ce cas il n'y aurait pas d'intervention de chemin de fer anglais.

Ne pensez pas, messieurs, que j'imagine des exemples à plaisir pour les besoins de ma thèse.

Le premier exemple est celui de la convention en vigueur, celui de Londres à Harwich. Il y a quelques jours circulait à Anvers en bourse le bruit que le. gouvernement allait conclure une nouvelle convention pour Grimsby et Goole et ce serait la réalisation du second exemple.

Ne pensez pas non plus que j'imagine des opérations commerciales impossibles. Je vous assure que chaque jour il arrive à Anvers de fortes parties de marchandises expédiées de l'Amérique qui prennent précisément la route que je viens d'indiquer, via Liverpool, chemin de fer anglais Goole, Hull ou Grimsby.

Cependant, messieurs, je n'ai pas besoin de le dire, s'il y a une vérité économique généralement reconnue, c'est que le commerce par le pays de provenance est préférable au commerce par intermédiaire.

Contrairement à ce principe, le gouvernement ici encourage la navigation du petit cabotage, car ce n'est pas même la navigation du grand cabotage, au détriment de la navigation du long cours.

M. Coomansµ. - La navigation de tripotage.

M. Bouvierµ. - Attendez la réponse au moins.

M. Gerritsµ. - Une autre conséquence, messieurs, du système adopté par le gouvernement, est celle-ci :

Il est au pouvoir de certains armateurs d'accaparer presque tout le mouvement maritime entre la Belgique et l'un ou l'autre des ports étrangers.

Puisque l'intervention d'une société de chemin de fer est nécessaire, indispensable, les propriétaires de chemins de fer n'ont qu'à refuser leur concours à tous nouveaux venus pour éviter la concurrence aux entreprises dans lesquelles ces sociétés ont pris un intérêt.

Ce que fait le gouvernement belge, c'est d'établir des monopoles, c'est d'anéantir la concurrence et ce ne peut être là ce que se sont proposé des ministres qui croient appartenir à l'école de la liberté commerciale.

J'engage donc aussi fortement que possible l'honorable ministre des travaux publics à ne plus contracter de nouvelles conventions et à dénoncer aussitôt que possible celle qui existe.

Pas de privilèges, pas de monopoles, l'égalité pour tous, je crois que c'est ce qui convient au commerce.

MtpJµ. - Je suis aussi partisan que l'honorable comte de Theux de l'uniformité des tarifs pour le transport des personnes et des choses sur toutes les lignes de chemin de fer ; rien ne serait plus désirable, à mon sens, mais l'honorable M. de Theux a pris soin lui-même, en terminant son discours, d'indiquer quels sont les obstacles presque insurmontables qui s'opposent à cette uniformité. En effet, chaque concession de chemin de fer est accordée en vertu d'une convention, d'un cahier des charges soumis à l'approbation de la législature.

Ce cahier des charges, qui est la charte de la concession, indique des maxima de tarifs qui ne peuvent être dépassés. Mais, dans la limite de ces maxima, la liberté des compagnies est entière.

On ne pourrait donc arriver à l'uniformité qu'au moyen de conventions de service mixte à conclure avec ces compagnies, et c'est à quoi nous nous employons le mieux possible.

Dans le courant de la semaine prochaine, j'aurai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport sur les résultats de la réforme introduite en 1866. J'espère que les résultats qui seront mis en lumière détermineront les compagnies concessionnaires à entrer, à leur tour, dans la voie où nous nous sommes engagés et que nous pourrons atteindre plus tôt à la situation que préconise l'honorable comte de Theux et qui est désirable, sous tous les rapports.

J'arrive, messieurs, au réquisitoire que M. Gerrits a fait contre une convention conclue par mon honorable prédécesseur, en 1867, avec la compagnie du Great Eastern.

Rien n'est plus simple que cette affaire qui, à en juger par les indications données à M. Gerrits, serait cependant l'abomination de la désolation.

Mon honorable prédécesseur, en concluant cette convention, a rendu un véritable service à l'industrie et au commerce du pays et notamment au commerce anversois.

Aussi si des plaintes s'élèvent, elles viennent uniquement des intermédiaires, qui sont en grand nombre sur la place d'Anvers.

Ces intermédiaires, je me hâte de le dire, sont des hommes fort honorables, qui ont rendu au commerce d'Anvers des services signalés, mais qui voient avec regret la convention que l'on critique si vivement rendre leur office inutile.

Voilà le véritable grief à articuler contre cette convention. Nous avons eu une première édition de ces plaintes lorsque des arrangements pour des tarifs directs ont été conclus avec les grandes compagnies de chemins de fer des pays voisins.

Lorsque nous avons conclu le tarif franco-belge-rhénan et d'autres encore, nous avons entendu aussi des récriminations de la part des commissionnaires en douane dont l'office était supprimé.

Aujourd'hui quelle est la règle ?

Un négociant peut, sans passer par aucun intermédiaire, expédier directement ses marchandises pour Londres ou pour celles des grandes villes de l'Angleterre qui sont mises en relation avec les chemins de fer de notre pays. Les transports à effectuer en sens inverse s'effectuent avec la même facilité.

Je n'ai pas besoin de dire quelle économie il en résulte.

Nous avons fait pour le service direct entre l'Angleterre et la Belgique ce que nous avions fait pour le service direct entre la France, l'Allemagne ou la Russie et la Belgique ; nous avons fait un déclassement pour le trafic international. Si M. Gerrits avait été plus familier avec ces questions, il aurait bien vite reconnu qu'il n'y avait, dans la convention conclue avec le Great Eastern, pas autre chose que l'application à nos relations avec l'Angleterre, de ce qui s'est fait depuis longtemps, au grand avantage du commerce et de l'industrie, avec la France, l'Allemagne et la Russie.

M. Gerritsµ. - Je commence par constater que M. le ministre des travaux publics n'a répondu à aucun des arguments que j'ai eu l'honneur de produire. Il me semble qu'il aurait dû prouver que les inconvénients que j'ai signalés n'existeraient pas. Au lieu de faire cette démonstration, il vient vous dire : Le département des travaux publics a rendu un service signalé au commerce en supprimant les intermédiaires. Eh bien, je suis au regret de devoir dire à M. le ministre qu'il est dans une erreur complète.

Il me semble que le bon sens seul suffit pour faire comprendre que plus on multiplie les places de transbordement, plus le nombre des intermédiaires doit être grand. Les intermédiaires que M. le ministre croit avoir supprimés à Anvers, il les a tout simplement déplacés ; il les a fait surgir en Angleterre et je ne sache pas que MM. les Anglais aient l'habitude de travailler pour rien. Seulement, il sont payés au moyen des ressources de la Belgique ; ils sont payés par la société du Great Eastern, qui, elle, jouit des avantages accordés sur les prix de transport que devrait recevoir l'Etat (page 38) belge, c'est-à-dire que les intermédiaires anglais sont payés aux dépens de notre pays.

Ce qui plus est, je dois dire à M. le ministre des travaux publics, qui s'imagine avoir supprimé les intermédiaires à Anvers, qu'il n'a pas même réussi dans cette partie de son programme. En effet, il y a bel et bien un intermédiaire actuellement encore à Anvers ; mais il est seul, parce qu'on lui a accordé un monopole ; ceci je le prouve par le texte même de la convention.

Il y a dans la convention un article qui dit que les déclarations en douane seront faites par un agent du Great Eastern, et que cet agent recevra de ce chef 30 centimes pour chaque partie de marchandise. Or, il n'y a pas un seul expéditeur à Anvers qui ne veuille faire l'entreprise dans les mêmes conditions.

II y a plus que cela : on a garanti le monopole,du camionnage des marchandises à cet agent, et on lui paye, de ce chef, de par la convention, 30 centimes par 100 kilos ; c'est-à-dire le double de ce que cela coûte en réalité.

Ainsi, M. le ministre, qui croit avoir rendu un immense service au commerce, n'a fait, en définitive, qu'assurer un monopole à un intermédiaire, qui reçoit le double de ce qu'on payerait ailleurs.

Quant à l'autre partie du discours de M. le ministre qui vient nous dire qu'il y a également des conventions avec des sociétés de France, de Prusse, de Hollande, je le comprends jusqu'à un certain point, parce que les chemins de fer français, prussiens et hollandais touchent au nôtre. Mais quelle analogie, y a-t-il entre la position de ces compagnies et celle des compagnies anglaises qui ne peuvent correspondre avec notre pays qu'au moyen de navires ? Pourquoi faut-il absolument que des marchandises expédiées de Londres, par exemple, passent par un chemin de fer et ne peuvent être expédiées directement à Anvers ? Pourquoi les propriétaires de navires ne sont-ils admis au département des travaux publics, si ce n'est sous le patronage de propriétaires de chemins de fer ? A tout cela M. le ministre n'a pas répondu un mot.

J'ai fait justice du prétexte de la suppression des intermédiaires ; M. le ministre n'a indiqué aucun autre motif à l'appui du système adopté par lui. J'attendrai qu'il produise d'autres motifs et qu'il les justifie, pour y répondre.

M. Jacobsµ. - Je me permettrai d'ajouter quelques mots aux observations si judicieuses de mon collègue d'Anvers.

Si le gouvernement, dans les conventions dont il s'agit, s'était borné à supprimer un intermédiaire ou à organiser des services internationaux à prix réduits, nous n'aurions élevé aucune critique ; ce que nous critiquons, c'est que pour ce service international, desservi par plusieurs exploitants, on accorde à l'un d'eux des privilèges qu'on refuse aux autres, et qu'on y joigne une sorte de monopole au profit de ces exploitants.

La Chambre se rappelle peut-être que, lorsqu'il s'est agi de l'incident franco-belge, M. le ministre des finances a déclaré qu'il insisterait pour que les tarifs directs de Bâle sur Anvers et de Bâle sur Rotterdam fussent combinés de manière à ne pas créer un désavantage pour le port d'Anvers et les chemins de fer belges.

Ce qui a déterminé M. le ministre des finances dans cette circonstance, ce qui l'a déterminé à s'opposer à un privilège pour les chemins de fer néerlandais au détriment des chemins de fer belges ; nous demandons que ce même principe soit appliqué aux transports entre Anvers et Londres et serve à juger la convention actuelle.

Entre Anvers et Londres, il y a différentes voies de communication ; deux lignes de bateaux a vapeur, une belge et une anglaise, font le trajet complet par eau ; il y a, en outre, différents services, moitié par bateaux à vapeur et moitié par chemins de fer.

Comment se fait-il que le gouvernement belge accorde, à l'une des voies concurrentes, un privilège qu'il refuse aux autres ?

Comment se fait-il que le gouvernement belge accorde à ce concurrent privilégié le monopole des transports confiés a l'administration des chemins de fer belges ? Car le gouvernement belge prend un double engagement dans la convention : il prend d'abord celui d'accorder au Great-Eastern une réduction sur les chemins de fer belges ; il prend ensuite celui de lui confier tous les transports dont l'administration des chemins de fer a la conduite ; tous les transports qui lui sont confiés et dont il peut charger qui il veut.

Par le fait de la convention, le gouvernement belge accorde une réduction sur les chemins de fer au Great-Eastern. (Interruption.) A condition, me dit M. le ministre des affaires étrangères qu'on obtienne en retour une réduction de prix en Angleterre ; je le veux bien, mais les lignes de bateaux à vapeur concurrentes entre Anvers et Londres vous feront la même réduction de prix ; vous n'avez pas négocié avec elles le transport aux mêmes conditions que le Great-Eastern entre Anvers et Londres ; et cependant vous leur refusez l'avantage dont vous faites jouir le Great-Eastern. Le moins que le gouvernement belge puisse faire, c'est d'accorder la réduction de prix à toutes les lignes de transport entre Anvers et Londres et qui veulent passer par les mêmes conditions que le Great-Eastern ; il ne peut continuer à leur refuser, dans ces conditions, le bénéfice de la réduction des prix de transport sur les chemins de fer belges.

Je demande donc que le gouvernement veuille bien traiter avec les autres exploitants de lignes de transport entre Anvers et Londres et leur accorder ce qu'il accorde au Great-Eastern, lorsqu'ils se trouvent dans les mêmes conditions. Nous ne demandons pas autre chose.

MtpJµ. - Messieurs, j'ai quelques mots à ajouter.

Lorsque mon honorable prédécesseur, comprenant les avantages considérables que le commerce et l'industrie devaient retirer de l'établissement des tarifs directs pour nos relations avec l'Angleterre, a fait des démarches auprès de certaines compagnies, il a rencontré des obstacles sans nombre, parmi lesquels je citerai la difficulté de s'entendre sur le mode de taxation des expéditions : une même marchandise, que la navigation maritime taxe au volume, était taxée au poids réel par le chemin de fer, et réciproquement,

Chaque société de bateaux à vapeur avait son procédé à elle pour cuber les transports. Une foule de questions surgissaient dès qu'on voulait fixer la classification et souder entre eux des tarifs reposant sur des bases divergentes, pour déterminer le prix direct entre le lieu de départ de la marchandise et son lieu d'arrivée.

Après bien des démarches infructueuses, on avait fini par établir, en 1866, un service direct comprenant seulement les relations de Londres avec le continent ; mon honorable prédécesseur ne sut pas se contenter de ce service incomplet ; grâce à la persévérance de ses efforts, le Great Eastern nous offrit des tarifs directs, non plus pour Londres exclusivement, mais en outre pour dix ou douze autres localités fort importantes de l'Angleterre.

C'était à l'aide d'un accord entre des compagnies de chemins de fer et la ligne des bateaux à vapeur que le service ainsi étendu pouvait s'établir.

Les plus vives critiques ont accueilli tout d'abord la convention, parce que, disait-on, elle constituait un monopole au détriment d'autres lignes de bateaux à vapeur.

Des réclamations se sont produites à mon département et je n'ai pas hésité à répondre aux propriétaires de lignes de bateaux à vapeur que s'ils pouvaient nous assurer des avantages plus considérables que ceux que le Great Eastern nous avait garantis ou plutôt avait garantis à l'industrie et au commerce du pays, je n'hésiterais pas, quant à moi, à dénoncer la convention avec le Great Eastern pour faire jouir le commerce et l'industrie de ces avantages plus grands qu'on leur aurait procurés.

D'autres lignes belges, qui ne desservaient pas le port de Londres, se sont adressées à moi pour obtenir des tarifs directs et je leur ai offert les mêmes conditions qu'au Great Eastern ; je n'ai point hésité à leur dire : Entendez-vous avec des lignes de chemin de fer qui puissent permettre aux marchandises d'arriver directement du lieu de départ au lieu de destination et je suis tout disposé a conclure une convention avec vous.

Il n'y a donc, dans la manière de traiter du département des travaux publics, rien qui ressemble à la pensée de donner un monopole à une compagnie anglaise au détriment de compagnies belges.

M. Gerritsµ. - Je viens d'apprendre que l'honorable prédécesseur de M. Jamar a fait des démarches auprès de certaines sociétés pour leur faire des offres qui n'ont pas été acceptées par elles. Je crois, par mon expérience personnelle, pouvoir déclarer que cette démarche n'a pas été faite auprès de la société belge qui exploite la ligne d'Anvers à Londres.

Ceci, messieurs, me paraît fort singulier.

MtpJµ. - M. Gerrits m'a mal compris. J'ai dit qu'antérieurement à la convention conclue, en 1867, avec la compagnie anglaise, des démarches avaient été faites auprès de certaines compagnies de bateaux à vapeur pour arriver à établir des relations directes analogues à celles qui ont été obtenues.

Je ne sais pas à quelles compagnies ces offres ont été faites ; j'ai trouvé seulement la trace des pourparlers dans le dossier de cette affaire.

M. Gerritsµ. - Il n'y avait sur la ligne de Londres à Anvers que deux sociétés ; l'une, la société anglaise The general steam navigation Company, l'autre, la Société anversoise des bateaux à vapeur.

Je crois pouvoir dire que jamais aucune démarche, de la nature indiquée par M. le ministre, n'a été faite auprès de la société belge.

(page 39) Maintenant, l'honorable ministre des travaux publics vient nous dire : Je suis tout prêt à faire aux sociétés belges les mêmes conditions que j'ai faites à la nouvelle compagnie anglaise The Great Eastern. Mais M. le ministre pose des conditions impossibles ; il veut que les compagnies de chemins de fer interviennent.

MtpJµ. - Mais pas du tout.

M. Gerritµ. - C’est une condition que vous avez imposée dans une de vos lettres que j’ai eue entre les mains. C’est la première des conditions que vous avez posées. Si vous avez changé d’avis, j’en suis fort heureux, et ne voulant pas abuser de la permission que la Chambre vient de m’accorder, de parler une troisième fois sur la même question, pour le moment je n’insiste pas davantage.

MtpJµ. - Messieurs, ce n'est pas la une argumentation sérieuse. J'ai dit que j'étais prêt à traiter avec toutes les compagnies qui seraient en situation de nous donner des relations directes, comme le Great Eastern nous en donne.

Si la compagnie à laquelle l'honorable membre fait allusion veut m'apporter des relations analogues, a des conditions plus favorables ou aussi favorables que celles que consacre notre convention avec le Great Eastern, je n'hésiterai pas à traiter avec elle.

Ce. qu'il faut, ce sont des relations directes ; qu'elles soient établies avec ou sans l'intervention d'une compagnie de chemin de fer, je ne m'en occupe point. La Chambre comprend que ce qu'il y a d'important dans ces sortes de conventions, c'est l'établissement d'un tarif direct avec des prix faits entre le point de départ et le point d'arrivée, qui permette à l'industriel et au commerçant de n'éprouver aucun mécompte dans les frais de transport qui viendront grever les envois qu'il aura a effectuer.

M. Jacobsµ. - Il est essentiel de nous entendre.

M. le ministre des travaux publics déclare qu'il est prêt à accorder les mêmes conditions à toute compagnie qui pourra lui accorder les mêmes avantages que le Great Eastern relativement aux transports directs.

Le Great Eastern a traité pour toutes les stations de sa ligne.

MtpJµ. - Et au delà.

M. Jacobsµ. - Mais je prends pour le moment les stations de cette ligne. (Interruption.)

M. Bouvierµ. - Ajoutez : et au delà.

M. Jacobsµ. - Je vais vous montrer que la concurrence n'est pas possible pour les stations de cette ligne ; il est donc inutile d'aller au delà.

Le Great Eastern dispose à lui seul de ses stations. Aucune autre société ne peut y aboutir, à part la station de Londres, qui est commune à diverses lignes.

Que vous fassiez une convention spéciale avec le Great Eastern pour ses stations exclusives, soit ; ce n'est qu'avec lui que vous pouvez la conclure, mais que pour Londres, station centrale, qui n'appartient spécialement à aucun chemin de fer, vous fassiez une position privilégiée à l'une des lignes qui y aboutissent, je dis qu'il y a là un privilège au détriment de toutes les autres et du public. Je comprends que vous traitiez avec une compagnie de chemin de fer pour tous les transports directs vers les petites stations auxquelles seule elle peut aboutir. Mais, pour la station de Londres, pour la capitale où aboutissent six ou sept chemins de fer et un grand nombre de lignes de bateaux à vapeur, permettez à toutes les compagnies de chemin de fer ou de navigation qui ont accès direct à Londres, de jouir des mêmes avantages.

Déclarez qu'on n'accordera les avantages du contrat qu'à ceux qui pourront traiter dans les mêmes conditions que le Great Eastern, c'est dire : je ne veux accorder ces avantages à personne autre, parce que personne autre que le Great Eastern ne peut disposer des stations de cette ligne.

MtpJµ. - Je dirai, à mon tour, comme l'honorable M. Jacobs : Entendons-nous.

S'agit-il ici de sauvegarder les intérêts d'une compagnie de bateaux à vapeur d'Anvers sur Londres, ou s'agit-il de sauvegarder les intérêts généraux du commerce et de l'industrie belges ?

M. Jacobsµ. - Il s'agit de la navigation entre Anvers et Londres.

MtpJµ. - Mais non. Il s'agit beaucoup plus, selon moi, des intérêts généraux du commerce et de l'industrie du pays. Voilà la question.

Nous nous trouvons dans cette situation : Nous sommes en face d'une compagnie de bateaux à vapeur entre Anvers et Londres, qui trouve dans l'honorable M. Gerrits et dans l'honorable M. Jacobs de très éloquents avocats. Mais, moi, je me préoccupe d'assurer les relations non seulement entre Anvers et Londres, mais entre Anvers, Londres et dix des localités les plus importantes de l'Angleterre, et je crois que je sers ainsi bien mieux les intérêts du pays qu'en m'occupant seulement de sauvegarder les intérêts d'une compagnie de navigation entre Anvers et Londres.

J'ajoute que tout n'est pas dit, parce que l'on a fait une convention quant aux localités desservies par le Great Eastern. Il y a encore une foule de localités en Angleterre pour lesquelles je cherche à établir des tarifs directs, et si je puis arriver à conclure des arrangements analogues avec d'autres compagnies, je croirai, comme mon honorable prédécesseur, avoir rendu un véritable service au commerce belge.

M. Jacobsµ. - Je ne tiens qu'à faire une rectification. Entendons-nous, dirai-je encore une fois. Lorsque j'invoque l'intérêt de la navigation entre Anvers et Londres, il ne s'agit pas des lignes de bateaux à vapeur qui font la navette entre ces deux places ; il s'agit de tout cet immense courant d'affaires et de transports qui se produit entre ces deux localités importantes. Je dis que ce courant, abstraction faite du vaisseau qui transporte la marchandise, a le plus grand intérêt à voir disparaître le monopole existant et à voir accorder à toutes les entreprises de transport les mêmes conditions, de façon à profiter de la concurrence et à n'être pas victimes du monopole.

- La discussion est close.

« Chemin de fer : fr. 40,000,000. »

- Adopté.


« Télégraphes électriques : fr. 1,350,000. »

- Adopté.

- La séance est levée à cinq heures.