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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 19 novembre 1869

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1869-1870)

(Présidence de M. Moreau, premier vice-présidentµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 53) M. Dethuinµ procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart et donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Reynaertµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des secrétaires communaux demandent qu'il soit pris des mesures pour assurer leur avenir et que leur traitement soit mis en rapport avec l'importance de leur travail et des services qu'ils rendent aux administrations communales, provinciales et générales. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


MpMoreauµ. - M. le ministre de la guerre a déposé sur le bureau le rapport qui lui a été demandé sur la durée du service militaire.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

Projet de loi de naturalisation

M. de Brouckereµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi ayant pour objet d'accorder la grande naturalisation au sieur Olin, dont la demande a été prise en considération par la Chambre et par le Sénat.

- Ce projet sera imprimé et porté à l'ordre du jour.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. Jouretµ dépose plusieurs rapports sur des demandes en obtention de la naturalisation ordinaire.

- Ces rapports seront imprimés et distribués et les demandes qu'ils ont pour objet portées à l'ordre du jour.

Rapports sur des pétitions

M. Bouvier-Evenepoel, rapporteurµ. - Par pétition datée de Beaumont, le 11 novembre 1868, les membres du conseil communal de Beaumont demandent la prompte et complète construction du chemin de fer de Frameries à Chimay, avec embranchement de Beaumont vers Thuin.

Même demande des membres des conseils communaux de Leval-Chaudeville, Leugnies, Momignies, Castillon, Sivry, Hantes-Wihéries, Solre-sur-Sambre, Erquelinnes, Clermont, Strée, Croix-lez-Rouveroy, Frameries, Chimay, Erpion, et d'habitants de Merbes-le-Château, Faurœulx, Froid-Chapelle, Leval-Chaudeville, Boussu-lez-Walcourt, Renlies, Croix-lez-Rouveroy. Strée, Grand-Reng, Rance, Leers-Fosteau, Bailièvre, Leugnies, Erquelinnes, Clermont, Erpion, Montbliairt, Hantes-Wihéries, Chimay, Beaumont, Solre-sur-Sambre, Castillon.

La concession de ce chemin de fer, accordée en vertu de la loi du 26 avril 1862, appartient à l'une des puissantes compagnies du pays, la compagnie des bassins houillers du Hainaut. Aux termes de l'article 14 du cahier des charges, les travaux de construction de la ligne devaient être terminés et le chemin livré à l'exploitation le 21 avril dernier, et pourtant de toute cette ligne une seule section, celle de Frameries à Bonne-Espérance a été construite.

Les pétitionnaires attendent avec la plus vive et la plus légitime impatience la construction des autres sections.

Et, cependant, proclament les pétitionnaires, la compagnie reste dans la plus grande inaction malgré les démarches actives et réitérées faites auprès du gouvernement.

Ces retards paraissent injustifiables aux yeux de votre commission, et elle a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.

M. T’Serstevensµ. - Il y a un an et même plus que le gouvernement nous a fait connaître son intention bien arrêtée d'exiger l'exécution de la loi de concession du chemin de Frameries à Chimay. Depuis lors nous n'avons vu que des ingénieurs, des plans, des projets et des contre-projets.

Aujourd'hui je ne demande plus au gouvernement de nous faire connaître les mesures qu'il a prises ou qu'il compte prendre. Je lui demande une seule chose, c'est de nous faire connaître le jour où nous verrons des ouvriers terrassiers occupés a exécuter la voie ferrée dont il s'agit.

MtpJµ. - Il m'est impossible de dire le jour où les ouvriers terrassiers mettront la main a l'œuvre ; mais je crois que ce jour n'est pas loin. La compagnie a réalisé, dans ces derniers temps, des ressources financières très importantes et dont elle compte faire l'application très prochaine à la ligne, en cherchant à réparer les retards fâcheux que l'exécution de ce chemin de fer a subis jusqu'à ce jour.

- Les conclusions du rapport sont mises aux voix et adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Liège, le 6 novembre 1869, le sieur Alphonse Dieu, ancien soldat détaché à la manufacture d'armes de l'Etat à Liège, en qualité d'ouvrier armurier, réformé à la suite d'un accident qui lui est arrivé sur le chemin de fer de l'Etat, demande une indemnité ou une pension comme ancien militaire, ou du moins un emploi dans une administration à Liège.

La commission croit que le pétitionnaire mérite toute l'attention de la Chambre et du gouvernement ; c'est un malheureux soldat qui a toujours bien rempli ses devoirs, qui a été victime d'un accident qui l'a privé d'un membre et qui ne peut plus aujourd'hui se livrer à aucun travail. Il ne peut par conséquent pourvoir à sa subsistance, et sollicite une indemnité ou une pension du département de la guerre.

M. Lesoinneµ. - Messieurs, je recommande cette pétition à la bienveillance de M. le ministre de la guerre. Par suite de l'accident dont ce malheureux a été victime, il ne peut continuer à exercer son métier d'armurier ; mais comme c'est un homme d'énergie, il serait encore capable de remplir un emploi de concierge ou de portier dans un des établissements de l'Etat. Je le recommande particulièrement à M. le ministre de la guerre.

- Ces conclusions de la commission sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée d'Anvers, le 10 mai 1869, le sieur De Vroe, cultivateur et propriétaire au Kiel, dont la propriété est frappée de servitude militaire depuis la construction des fortifications d'Anvers, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir l'autorisation d'agrandir son écurie et sa grange avec les mêmes matériaux que maintenant et sans dépasser l'alignement actuel, et la prie, si cette autorisation ne peut lui être accordée, de discuter la proposition de loi concernant Iqs servitudes militaires.

Messieurs, votre commission a conclu au dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les servitudes militaires.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Beverloo, le 20 mai 1869, l'administration communale de Beverloo demande la construction d'un chemin de fer de Diest au camp de Beverloo.

Comme tous les chemins de fer ont leur degré d'utilité, votre commission vous prie de faire droit à cette demande et en propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


(page 54) M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Bruxelles, le 24 mai 1869, le sieur Haeck demande qu'il soit nommé une commission chargée d'examiner son procédé pour le dépouillement des éléments nuisibles des boissons alcooliques et l'appareil par lequel il s’applique.

Messieurs, cette pétition est très intéressante, et votre commission ne peut que la recommander d'une manière toute particulière à l'attention bienveillante de M. le ministre.

Non seulement M. Haeck jouit d'une grande considération et possède de grandes connaissances spéciales en cette matière, mais encore notre honorable collègue, M. Vleminckx, a appuyé cette pétition par une brochure qu'il a publiée et dans laquelle il est prouvé que le procédé du sieur Haeck mérite un sérieux examen.

Il en résulterait un grand avantage pour les classes ouvrières qui font la plus grande consommation des eaux-de-vie, et du genièvre, et on se procurerait, au moyen du procédé de M. Haeck des boissons saines et non falsifiées, comme celles qui se trouvent aujourd'hui dans le commerce.

M. Vleminckxµ. - Les conclusions de la commission sont le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances, j'en demande également le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

La question qui y est traitée a une très haute importance. Dans un congrès scientifique tenu récemment à Montpellier, on s'est occupé des faits exposés par M. Haeck et cette assemblée a décidé, à l'unanimité de ses membres, que le préfet de l'Hérault serait prié de nommer une commission composée en partie des membres de l'Académie de Montpellier et eb partie de membres appartenant à la société d'agriculture, du département.

Si mes renseignements sont exacts, mais je ne puis rien affirmer à cet égard, à l'heure qu'il est, le ministre de l'agriculture de France est tout disposé a nommer une commission chargée d'examiner le procédé de M. Haeck spécialement en ce qui concerne une liqueur qui se consomme énormément dans le pays et qui s'appelle absinthe.

Vous connaissez, messieurs, les ravages produits dans toutes les classes de la société par l'abus de l'absinthe.

Quant au fait en lui-même, je puis donner l'assurance à la Chambre que plusieurs membres du conseil supérieur d'hygiène de Belgique ont assisté aux opérations de dépouillement de M. Haeck et qu'ils ont été émerveillés des résultats dont ils ont été témoins.

Ces messieurs, évidemment, n'ont pas conclu, parce qu'en cette matière plus qu'en toute autre il ne faut pas se h$ater de conclure. Une conclusion formelle ne peut être produite que lorsqu'elle peut être appuyée sur des faits nombreux et incontestables.

Je demande donc que MM. les ministres examinent s'ils peuvent nommer la commission d'examen qui est demandée, car je ne suis pas bien certain que semblable nomination entre dans les attributions du gouvernement.

Quant à moi, je suis convaincu de l’utilité qui en résulterait.

Je n'ai pas besoin de rappeler à la Chambre, que, dans plusieurs occasions déjà, nous nous sommes occupés de la terrible question de l'abus des boissons alcooliques.

Un rapport a été présenté sur cette question, et que nous dit ce rapport ? C'est qu'il n'y a absolument rien à faire, qu'il faut tout attendre du temps, de la propagation de l'instruction et des propres de la civilisation.

Messieurs, je, vous l'avoue, j'ai peu de confiance dans l'efficacité de ces moyens.

Ici on en présente un, non pas pour diminuer la consommation des boissons alcooliques, mais pour les rendre beaucoup moins pernicieuses pour la santé de ceux qui en font abus et usage. Il me semble que ce point-là mérite d'attirer l'attention de la Chambre et du gouvernement.

M. Hymansµ. - J'ai écouté avec tout l'intérêt et toute l'attention qu'elles méritent les observations que vient de présenter l'honorable M. Vleminckx.

Je suis persuadé que sa recommandation sera très utile à l'inventeur qui s'adresse à nous, mais il m'est impossible de me rallier aux conclusions de la commission des pétitions. Je crois qu'en entrant dans la voie qu'on nous indique, nous créerons un fâcheux précédent.

En effet, voici un inventeur qui vient proposer à la Chambre de faire examiner par une commission la valeur d'un procédé industriel. L'invention, cette fois, se produit sur un terrain d'intérêt général, mais il y a d'autres inventions de ce genre.

Un illustre chimiste allemand, le baron Liebig, a trouvé le moyen d'extraire l'essence de la viande et de produire de cette façon un aliment très nutritif et très économique. Il n'y a pas de raison pour qu'un fabricant d'une denrée de ce genre ne vienne demander que, dans l'intérêt des populations, le gouvernement fasse examiner si son procédé n'est pas excellent, et pour que, le lendemain, un concurrent ne vienne en demander autant à son tour.

Je crois qu'il n'est pas prudent d'entrer dans cette voie. Et, d'ailleurs, supposons qu'il soit fait droit à la demande de M. Haeck, je ne sais par quel département, car l'honorable M. Vleminckx ne paraît pas très décidé à cet égard...

M. Vleminckxµ. - Je propose le renvoi à deux départements.

M. Hymansµ. - Pourquoi pas à tous les six ?

Mais, lorsque la commission aura fait son rapport, et lorsqu'elle aura déclaré que le procédé inventé par l'honorable M. Haeck est excellent, qu'est-ce qu'on fera ? Est-ce qu'on obligera tous les Belges à boire la liqueur préparée par M. Haeck ? Empêchera-t-on les Belges de boire des liqueurs qui ne seraient pas purifiées par M. Haeck ? Interdira-l-on à la frontière l'entrée des boissons qui ne seraient pas purifiées de cette façon ?

Vous voyez que vous entrez dans une voie qui n'a pas d'issue ; et réellement si l'objet dont vient de parler l'honorable M. Vleminckx ne se rattachait pas à une question d'humanité, je ne comprendrais pas qu'il vînt appuyer en ce moment les conclusions de la commission. L'honorable M. Vleminckx est président d'un des premiers corps savants du pays, dans les attributions duquel rentre d'une façon toute spéciale l'objet dont il nous eut relient.

Eh bien, l'honorable M. Vleminckx rendra un grand service à la société, au pays, à tout le monde, en faisant examiner par ce corps savant le procédé de M. Haeck. Il peut aussi le faire examiner par le conseil supérieur d'hygiène, dont il est le président. Mais je. crois que la Chambre n'a pas à intervenir.

M. Rogierµ. - Qu'on envoie la demande au conseil supérieur d'hygiène.

M. Hymansµ. - C'est ce que je viens de dire ; cela rentre dans les attributions du conseil supérieur d'hygiène. L'honorable M. Vleminckx, en qualité de président de ce corps, peut lui soumettre la question. Mais la Chambre n'a pas à intervenir, et pour ne pas prononcer l'ordre du jour sur une pétition considérée comme présentant un caractère d'utilité publique, je propose le dépôt de la pétition au bureau des renseignements.

M. Vleminckxµ. - Dans une foule de circonstances, l'honorable ministre de l'intérieur a envoyé au conseil supérieur d'hygiène, pour demande d'avis, des choses bien moins importantes que. celle dont il s'agit dans la pétition de. M. Haeck.

M. Hymansµ. - Vous pouvez le saisir de la question.

M. Vleminckxµ. - Quand le conseil d'hygiène est saisi, de par le ministre de l'intérieur, de l'examen d'une question, celle-ci paraît avoir une bien plus haute importance que si le conseil en est saisi par l'initiative d'un de ses membres.

D'un autre côté, il me semble que les exemples que vient de citer l'honorable M. Hymans ne peuvent être pris en considération dans la circonstance qui nous occupe. Il s'agit d'un grand intérêt humanitaire et social. C'est à ce titre qu'on pourrait peut-être faire une exception à la règle qu'invoque l'honorable M. Hymans.

Du reste, je ne suis pas sûr moi-même, je le répète, que les ministres puissent nommer une commission pour examiner le procédé de M. Haeck. Mais ils examineront l'affaire, et il y aura déjà là une certaine satisfaction donnée à ceux qui demandent que la consommation des boissons alcooliques, si elle ne peut pas être restreinte, soit tout au moins rendue moins dangereuse.

M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Messieurs, je ne comprends pas l'opposition qui est faite au renvoi de cette pétition à M. le ministre des finances. Un rapport a été fait, par l'honorable minière des finances, sur la consommation des boisons distillées ; la question peut donc être considérée comme une question d'hygiène et de salubrité publique.

L'honorable ministre a fait faire des études et en a communiqué le résultat à la Chambre. Eh bien, quand un citoyen croit avoir trouvé le moyen d'améliorer la boisson du peuple dans l'intérêt de la santé publique, en procurant au peuple des boissons plus saines, moins nuisibles que celles qui existent aujourd'hui dans le commerce, je ne comprends pas qu'on veuille mettre sous le boisseau la lumière qui nous est offerte.

Il faudrait au moins s'assurer si ce moyen est bon ou s'il ne l'est pas. Nous ne voulons rien préjuger, mais, au moins, ne repoussons pas par un dédaigneux ordre du jour ou par un dépôt au bureau des renseignements une pétition qui se rapporte à une question vitale pour nos populations ouvrières.

(page 55) Je persiste donc, messieurs, dans les conclusions de la commission, qui sont le renvoi à M. le ministre des finances.

M. de Brouckereµ. - Il s'agit ici d'une question d'hygiène, et ces sortes de questions ressortissent au ministère de l'intérieur. Je demande donc le renvoi de la pétition au ministre de l'intérieur, qui verra quelle suite il doit y donner.

- Un membre. - M. Hymans a proposé le dépôt au bureau des renseignements.

M. Hymansµ. - Je n'insiste pas.

- Le renvoi au ministre de l'intérieur est mis aux voix et adopté.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Zele, le 19 mai 1869, des habitants de Zele, exploitant des prairies situées du côté opposé de la rive de l'Escaut à Termonde, se plaignent qu'on soumette à une rétribution les bacs et les bateaux qui servent à transporter leurs foins vers le rivage de Zele et de Grembergen.

Messieurs, la commission a cru que les plaintes des pétitionnaires sont fondées, car il y a exemption et il y a toujours eu exemption du droit de barrière pour le transport des produits agricoles et des engrais.

Or, il s'agit ici d'un produit agricole ; il s'agit d'exploitants de prairies qui demandent à pouvoir transporter leurs foins de l'autre côté de la rivière sans être obligés de payer les droits de barrière. Les chariots chargés de transporter les produits des récoltes, les engrais, etc., sont exempts du droit de barrière.

Votre commission propose donc le renvoi de cette pétition à MM. les ministres des affaires étrangères et des finances.

M. Vermeireµ. - La question soulevée dans la pétition sur laquelle il vient d'être fait rapport a déjà fait l'objet d'une très longue instruction. Le passage d'eau devrait être gratuit, surtout en ce qui concerne le transport des engrais d'une rive à l'autre, mais malheureusement, il n'en est pas ainsi. Le passage d'eau a été affermé a des conditions qui ne prévoient pas cette exemption, et le fermier a fait dresser des procès-verbaux contre ceux qui effectuent des transports sans acquitter le péage.

Il y a un autre point à examiner. Dans certains endroits, on peut très facilement passer d'une rive à l'autre sans se servir du passage, qui est publiquement affermé.

Or, le droit de passer de cette façon est contesté par le fermier du passage d'eau sous prétexte qu'il a affermé le passage d'eau et qu'on ne peut passer d'une rive à l'autre dans un rayon déterminé sans acquitter le péage.

Des pétitions ont été adressées au gouvernement à ce sujet ; je ne sais quelle suite y a été donnée ; niais il est de fait que, nonobstant les anciens règlements, on oblige a payer ceux qui transportent leur foin d'une rive à l'autre par la raison que le foin récolté devient une marchandise et que dès lors il doit être soumis au péage.

J'appuie donc le renvoi de cette pétition à MM. les ministres des finances et des affaires étrangères et je prierai l'un et l'autre de ces honorables ministres de vouloir apporter, à l'examen de cette pétition, une attention toute spéciale afin qu'elle reçoive une solution dans le plus bref délai.

- Les conclusions de la commission, qui sont le renvoi à MM. les ministres des finances et des affaires étrangères, sont mises aux voix et adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Saint-Laurent, le 1er juin 1869, les membres du conseil communal de Saint-Laurent appellent l'attention de la Chambre sur la nécessité d'avoir une monnaie uniforme pour les Pays-Bas et la Belgique.

Par pétition datée d'Eecloo, le i4mai 1869, le conseil communal d'Eecloo demande l'uniformité de monnaies pour la Belgique et les Pays-Bas.

Vous comprenez, messieurs, que cette question ne peut pas être résolue par le gouvernement seul ; en effet sa solution dépend à la fois de notre gouvernement et du gouvernement des Pays-Bas.

Aussi si nous concluons au renvoi à MM. les ministres des finances et des affaires étrangères, c'est uniquement pour faire instruire l'affaire et examiner s'il ne serait pas possible d'arriver à une uniformité de monnaies.

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - Dans la dernière session, j'ai devancé les vœux des pétitionnaires d'Eecloo et de Saint-Laurent, en engageant le gouvernement à négocier avec le gouvernement des Pays-Bas, afin d'arriver à l'uniformité des monnaies.

Je n'ai pas besoin de dire combien cette question est intéressante, surtout pour les régions limitrophes. Il y a quelques semaines, un congrès de statisticiens s'est réuni à La Haye et cette question a fait l'objet de ses délibérations. Des ministres néerlandais se sont rendus dans ce congrès et, si je suis bien informé, ils ont protesté de leurs bonnes intentions à cet égard. Je serais heureux d'apprendre de M. le ministre des affaires étrangères, si des négociations se poursuivent, et je les recommande à toute sa sollicitude.

- Les conclusions du rapport sont mises aux voix et adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Wereken, le 25 juin 1869, le conseil communal de Wercken demande la prompte exécution des travaux d'amélioration du régime de l'Yser.

Même demande des administrations communales de Handzaeme, Zarren, Beveren, Merckem, Furnes, du collège administratif de la wateringue du nord de Furnes et des membres du conseil communal de Pervyse.

Votre commission, messieurs, ne peut que conclure au renvoi de ces pétitions à M. le ministre des travaux publics.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Wépion, le 21 juin 1869, des habitants de Wépion demandent la construction, par l'Etat, d'une route de grande communication destinée à relier les communes de Saint-Gérard, Lesves et Bois-de-Villers à la ville de Namur, par Wépion et le faubourg de la Plante.

Même demande des conseils communaux de Wépion, Bois-de-Villers et d'habitants de Namur et de Bois-de-Villers.

Comme toute voie de communication a un caractère d'utilité publique, votre commission conclut au renvoi de ces pétitions à M. le ministre des travaux publics.

M. Moncheurµ. - Messieurs, je recommande très instamment cette pétition à la bienveillante attention de M. le ministre des travaux publics.

Les communes importantes de Saint-Gérard et de Bois-de-Villers manquent complètement de bonnes communications avec le chef-lieu de la province, c'est-à-dire avec la ville de Namur.

Placées sur un plateau élevé entre les vallées de la Sambre et de la Meuse, elles ont été jusqu'à présent déshéritées dans le partage des fonds considérables dépensés par l'Etat et la province pour la construction de voies de communication.

Elles demandent que cet oubli ou plutôt cette injustice dont elles sont victimes soient enfin réparés, et elles ont le droit de le demander.

J'appelle aussi l'attention de M. le ministre sur les nombreux motifs qu'il y a à donner, pour la construction de cette route, la préférence à la direction par la commune de Wépion, c'est-à-dire par la vallée de la Meuse plutôt que par la vallée de la Sambre.

- Les conclusions du rapport sont mises aux voix et adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée de Ligne, le 2 juin 1869, l'administration communale de Ligne réclame l'intervention de la Chambre pour que le train partant de Tournai sur Bruxelles, à 8 heures 7 minutes du matin fasse arrêt à Ligne.

Même demande des administrations communales de Blicquy, Houtaing, Villers-Saint-Amand, des membres du conseil communal et d'habitants de Moulbaix.

Sans rien préjuger, la commission vous propose le renvoi de ces pétitions à M. le ministre des travaux publics.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Le sieur Collée prie la Chambre de prendre des mesures pour sauvegarder les droits de la presse compromis par un arrêt de la cour d'assises de Gand dans son interprétation de l'article 454 du code pénal.

Même demande d'imprimeurs-éditeurs à Gand, Audenarde, de journalistes à à Courtrai, Maeseyck, Anvers, Bruges, Charleroi, Soignies, Dixmude, Saint-Nicolas, Nivelles, Dinant, Courtrai, Arlon, Thourout, Bruges, Turnhout, Mons, Hasselt, Bruxelles, Liège, Lierre, des sieurs Van Moen, Bonhomme, de Brauwer-Stock, Ceysens, Willems, Neut, de Condé et d'habitants de Herenthals.

Votre commission, messieurs, en examinant cette pétition, s'est rappelé que déjà il y a eu de longues discussions à ce sujet dans cette Chambre. Elle a conclu purement et simplement au renvoi à M. le ministre de la justice.

M. Coomansµ. - Messieurs, un grand nombre de journalistes et d'imprimeurs se plaignent itérativement d'atteintes portées aux droits constitutionnels de la presse, et ils vous prient de prendre les mesures pour en empêcher le retour.

J'appuie, naturellement, les conclusions formulées par l'honorable M. Vander Donckt, c'est-à-dire le renvoi à M. le ministre de la justice, mais, à ce propos, je prierai le gouvernement de vouloir bien me dire s'il ferait opposition à la demande que je ferais moi-même à la Chambre de (page 56) mettre à l'ordre du jour enfin la proposition de loi relative à la presse, que nous avons déposée, quelques collègues et moi, et qui tend à sanctionner mieux désormais les prérogatives constitutionnelles de la presse.

- Des membres. - Le ministère ne vous répond pas.

M. Coomansµ. - Messieurs, je redemande la parole. J'interprète le silence du ministère comme un assentiment, et je prie la Chambre d'ordonner la mise à l’ordre du jour du rapport de l'honorable M. Thonissen, concernant le projet de loi qui était déjà urgent quand nous l'avons présenté, et qui est au moins aussi urgent aujourd'hui.

MjBµ. - Je dois dire qu'un pourvoi en cassation a été dirigé contre l'arrêt de la Cour de Gand, dont a parlé M. Coomans.

M. Coomansµ. - Je n'en ai pas parlé.

MjBµ. - Un pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt de la cour de Gand, et si l'honorable M. Coomans n'a pas parlé de cet arrêt contre lequel la presse a formulé des plaintes, je ne sais pas de quoi il a parlé, et si un pourvoi a été lancé, il faut attendre que la Cour de cassation ait décidé.

C'est une singulière thèse que celle que soutient la presse catholique en ce moment ; elle se plaint de décisions judiciaires ; avant même qu'on ait épuisé les juridictions, on voudrait que le gouvernement présentât une loi.

M. Coomansµ. - Je n'ai jamais demandé cela.

MjBµ. - C'est ce que demande la pétition. Je dis qu'il faut laisser son libre cours à la justice, qu'il faut attendre que la Cour de cassation se soit prononcée, que la jurisprudence soit formée, il y aura seulement lieu alors pour le gouvernement d'examiner.

M. Coomansµ. - Messieurs, je prends toute la Chambre à témoin que je n'ai pas dit un mot de tout ce que vient de me reprocher l'honorable ministre de la justice.

Je n'ai pas parlé de la cour d'assises. Je n'ai pas demandé au gouvernement, je m'en garderai bien, de déposer un projet de loi sur la presse. Tout cela est d'invention de M. le ministre.

J'ai dit deux choses. Que des journalistes et des imprimeurs se sont plaints souvent d'atteintes portées, selon eux, aux droits constitutionnels de la presse et que je verrais avec plaisir le gouvernement consentir à la mise à l'ordre du jour de notre proposition de loi.

Il y a là un abus que j'ai caractérisé.

Quant à cette pétition-ci, je me suis borné à dire que j'approuvais le renvoi à M. le ministre de la justice et je n'ai pas parlé d'autre chose. Ainsi donc, je reproduis ma question.

Le gouvernement consent-il à la mise à l'ordre du jour de notre proposition ?

M. Bouvierµ. - Cela dépend de la Chambre.

M. Coomansµ. - Je sais bien que cela dépend de la Chambre, mais comme je sais que cela dépend encore plus du gouvernement, je prends mes précautions.

Dans tous les cas, puisqu'on paraît disposé, à gauche, à accueillir cette proposition de la mise à l'ordre du jour du rapport de l'honorable M. Thonissen, je puis maintenant me passer de la réponse du gouvernement, d'autant plus que j'ai bien vu qu'il n'était pas d'avis de m'en donner une.

- Les conclusions du rapport sont adoptées.

MpMoreauµ. - M. Coomans propose de.mettre à l'ordre du jour le projet de loi relatif à la presse, sur lequel M. Thonissen a fait un rapport.

- Il est procédé au vote par assis et levé. La proposition est adoptée.

En conséquence le projet de loi sera mis à la suite de l'ordre du jour.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée d'Anvers, le 29 juillet 1869, le conseil provincial d'Anvers demande que la concession d'un chemin de fer d'Anvers à Tilbourg, avec un embranchement vers Breda, soit accordée aux sieurs Bennert et Chauchet.

Même demande de l'administration communale de Schooten.

Votre commission, messieurs, conclut au renvoi à M. le ministre des travaux publics.

M. Jacobsµ. - Messieurs, je ne prends pas la parole pour faire opposition aux conclusions de la commission, mais, au contraire, pour prier l'honorable ministre des travaux publics d'examiner cette affaire avec tout le soin qu'elle mérite et avec le désir d'aboutir.

Nous avons vu jusqu'aujourd'hui de nombreuses pétitions individuelles appuyer cette demande de concession ; voici le conseil provincial d'Anvers qui y donne son adhésion unanime.

Il n’y a d'autre objection à faire à cette demande de concession que la concurrence que ferait cette ligne au Grand Central, section d'Anvers vers Rotterdam.

Le gouvernement, qui y attachait de l'importance, me paraît être entré dans une autre voie lorsqu'il a décrété, à la fin de la session dernière, un chemin de fer parallèle au canal d'Ath à Blaton.

On ne craint plus la concurrence que deux entreprises parallèles peuvent se faire l'une à l'autre.

Dans l'espèce, il n'y a pas parallélisme, les lignes font un angle, elles suivent des directions divergentes en desservant des localités différentes.

Je demande donc que le département des travaux publics examine à nouveau cette affaire et que cet examen aboutisse à une concession si instamment, si universellement demandée.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteurµ. - Par pétition datée d'Overpelt, le 1er juillet 1869, des habitants d'Overpelt demandent que le tracé direct soit préféré pour la ligne à construire d'Anvers à Gladbach.

Même demande d'habitants de Lichtaert, Postel, Rethy, Poederlé, Lille-Saint-Pierre, Casterlé, Thielen, Desschel, Lille-Saint-Hubert.

Par pétition datée d'Overpelt, le 17 juin 1869, des délégués des communes de Rethy, Desschel, Lommel, Overpelt, Neerpelt, Lille-Saint-Hubert et Caulille prient la Chambre d'adopter le tracé le plus court et le plus direct pour le chemin de fer projeté d'Anvers à Düsseldorf.

Par pétition datée de Lommel, du 11 juin 1869, le conseil communal de Lommel demande que le concessionnaire d'un chemin de fer d'Anvers à Gladbach soit obligé de faire passer cette ligne près du centre de la commune de Lommel.

Par pétition datée d'Achel, le 14 juin 1869, le conseil communal d'Achel demande que le chemin de fer projeté d'Anvers à Gladbach passe par Lommel, Achel, etc.

Par pétition datée d'Heppen, le 12 juin 1869, les membres du conseil communal d'Heppen prient la Chambre d'autoriser la construction d'un chemin de fer d'Anvers à Düsseldorf, par Gladbach, sous la condition du maintien du tracé adopté en 1845, sauf, si une modification était jugée nécessaire, à la faire porter sur la partie du tracé partant de Brée vers la frontière néerlandaise, dans la direction de Brée vers Maeseyck au lieu de Neeritter.

Même demande des membres du conseil communal de Quaedmechelen, Ellicom, Wyshagen, Gruitrode, Gerdingen, Bourg-Léopold, Olmen, Brée, Beverloo, Beeck, Wychmael, Petit-Brogel, Exel, Meuwen, Grand-Brogel, Hechtel, Houthalen. Reppel, Opitter, Tongerloo, Neerglabbeek, Oostham et de l'administration communale de Pecr.

Les pétitions dont je viens de donner lecture sont toutes relatives au même objet. Les unes demandent à se rapprocher ou à s'éloigner de telle ou telle localité intermédiaire, et votre commission, ne possédant pas les éléments d'appréciation nécessaires pour juger en connaissance de cause, a conclu sur toutes ces pétitions au renvoi à M. le ministre des travaux publics, qui est plus à même d'examiner ce qu'il convient de faire dans l'intérêt de l'utilité générale.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Jacobsµ (pour une motion d’ordre). - Messieurs, j'ai laissé passer tout à l'heure une décision prise par la Chambre sur le second des prompts rapports qui conclut au dépôt de la pétition sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les servitudes militaires.

Je me suis réservé d'adresser au gouvernement une interpellation à l'égard de ce projet de loi. La proposition déposée par plusieurs de mes collègues et moi relative aux servitudes militaires a été renvoyée, il y a plusieurs années, aux sections, puis à une section centrale qui a demandé un assez grand nombre de renseignements au gouvernement.

Depuis plusieurs années, l'honorable. M. Crombez, qui présidait cette section centrale, a, à différentes reprises, prié le gouvernement de presser cet examen.

Dans le cours de la session dernière, je me suis adressé moi-même à M. le ministre des finances, qui m'a fait espérer que la session ne serait pas close sans que les renseignements qu'il avait au complet, me disait-il, fussent fournis à la section centrale.

Je demande aujourd'hui au gouvernement s'il est à même de fournir ces renseignements et dans tous les cas je le prie de le faire le plus tôt possible pour que la section centrale, constituée il y a trois ou quatre ans, puisse poursuivre et terminer ses travaux.

(page 57) MfFOµ. Messieurs, le gouvernement a pensé que la Chambre serait mieux éclairée sur les questions qu'on pouvait soulever à l'occasion de ces projets de loi, dont l'un émane du gouvernement et l'autre de l'initiative parlementaire, si l'on pouvait lui fournir des éléments assez complets pour lui permettre d'apprécier la véritable situation des propriétés foncières frappées de servitude, pour la prétendue dépréciation desquelles on demande des indemnités.

On a recueilli dans ce but un certain nombre de faits, que j'ai déjà d'ailleurs indiqués sommairement à la Chambre, et qui établissent que le prétendu préjudice que l'on veut réparer n'existe pas en réalité.

La recherche de documents réclamés par la section centrale a aussi demandé quelque temps, et explique le retard apporté dans la remise de ces renseignements. Ils sont maintenant préparés, et je ne tarderai pas à pouvoir les communiquer à la section centrale qui est chargée du rapport sur le projet de loi dont il s'agit.

- L'incident est clos.

Projet de loi sur le temporel des cultes

Motion d’ordre

M. De Fréµ (pour une motion d’ordre). - Messieurs, l'année dernière, pendant la moitié de la session, a figuré à notre ordre du jour un projet de loi important. Il s'agit du temporel des cultes.

,1c demande que la Chambre veuille rétablir, pour la session actuelle, cet objet à son ordre du jour.

Tout le monde sait que ce projet de loi a été annoncé dans le discours de la couronne il y a plusieurs années.

J'ai, en conséquence, l'honneur de demander à la Chambre de porter à son ordre du jour le projet de loi sur le temporel des cultes.

M. Dumortierµ. - Je crois que la situation du pays et j'ajouterai la situation de l'Europe n'exigent pas du tout qu'on s'occupe de pareilles questions. Lors de l'ouverture de la session, j'avais demandé si l'on voulait faire des lois qui auraient froissé l'opinion de l'un ou l'autre côté de la Chambre. M. le ministre des finances m'a répondu que la Chambre était maîtresse de régler ses travaux et qu'elle verrait ce qu'il y avait à faire. Mais d'ordinaire les motions de ce genre, bien qu'elles parlent d'un membre de la Chambre, sont toujours plus ou moins soumises à une action ministérielle. Je désire savoir tout d'abord si c'est le gouvernement qui demande, par l'organe de l'honorable M. De Fré, la mise à l'ordre du jour de cette loi.

En second lieu, je ne vois aucune espèce de nécessité de mettre une pareille loi à l'ordre du jour.

La discussion de la loi sur le temporel des cultes aura pour résultat, vous n'en doutez pas, d'amener une immense perturbation dans le pays. (Interruption.)

M. Bouvierµ. - C'est une loi de contrôle.

M. Dumortierµ. - C'est une loi de contrôle, dit l'honorable M. Bouvier. Il y a effectivement dans le projet un titre relatif au contrôle. Mais la loi n'est pas seulement une loi de contrôle, c'est une loi d'organisation avant tout. Il y a de tout dans cette loi : il y a du contrôle, il y a de l'organisation, il y a de la propriété. Eh bien, je demande si dans la situation où se trouve le pays, dans la situation où se trouve l'Europe, il y a lieu de mettre à l'ordre du jour une loi pareille.

Messieurs, ce que le pays réclame, ce ne sont pas de ces campagnes, c'est la pacification des opinions, et ce n'est pas en mettant à l'ordre du jour des lois dont le résultat infaillible est de mécontenter et d'exaspérer la moitié du pays, que vous arriverez à pacifier la nation.

Je pense donc qu'il n’y a pas lieu de mettre à l'ordre du jour le projet de loi dont parle l'honorable M. De Fré.

M. De Fréµ. - Messieurs, lorsque la couronne a annoncé ce projet de loi, la majorité de la Chambre en a pris acte et a considéré ce projet de loi comme un bienfait.

En effet, messieurs, les fabriques d'église, et ce point est capital et important, sont les seules administrations publiques qui ne soient pas contrôlées. Il n'y a pas une administration communale dans le pays qui ne regrette cette absence de contrôle. Eh bien, il s'agit de faire cesser un privilège en cette matière, et le caractère politique de cette loi n'est que dans l'imagination de quelques membres de la droite.

Ce contrôle que nous réclamons, des évêques l'ont demandé. Des membres du haut clergé ont reconnu la nécessité d'établir ce contrôle, et je suis étonné qu'une loi de simple administration, une loi de contrôle, soit convertie, par l'honorable M. Dumortier, en loi politique,

Quant à la situation de l'Europe, si la Chambre doit à chaque instant regarder quel est l'horizon européen afin de savoir si l'on peut voter telle ou telle loi, je dis qu'alors la Belgique ne jouit plus de son indépendance, ni de ses prérogatives de peuple libre.

Je comprends que, sur les questions de politique extérieure, il y ait pour la Belgique, petite nation, à user, dans certaines circonstance, de prudence et de modération. Mais en quoi l'établissement d'un contrôle sur les affaires d'administration publique pourrait-elle troubler la paix de l'Europe ?

Messieurs, je trouve que cela n'est pas sérieux, et l'honorable M. Dumortier n'y a pas songé. Depuis que j'ai l'honneur de faire partie de cette assemblée, je remarque que chaque fois qu'on veut écarter la discussion d'un projet de loi, quelque membre de la droite invoque la situation de l'Europe.

La Chambre a accueilli le projet de loi comme un bienfait ; il a été mis à l'ordre du jour à une immense majorité et à moins de déclarer que nous nous sommes trompés, nous devons maintenir cette décision.

Maintenant, je sais très bien que ce projet de loi contient beaucoup de dispositions, beaucoup de chapitres, qu'il est très étendu ; mais les dispositions les plus importantes sont évidemment celles qui se rapportent à l'administration, au contrôle ; et on ne s'imagine pas combien ce contrôle est nécessaire, combien les administrations communales le demandent. Comment ! les communes sont obligées de pourvoir aux besoins du cuite, et on leur refuserait le droit de contrôler l'administration des biens affectés au culte ! Je ne comprends pas qu'il puisse y avoir une politique assez aveugle, assez insensée, pour refuser un semblable contrôle, demandé par toutes les administrations communales.

M. Dumortierµ. - Quant à moi, messieurs, je ne conçois pas qu'il puisse y avoir une politique assez aveugle, assez insensée, comme le dit l'honorable, membre, pour mettre toujours en avant dans cette Chambre, tous ces projets de lois dont le but évident, réel, sérieux n'est rien autre chose que de diviser le pays en deux camps ennemis.

Ce que le pays réclame de nous avant tout, c'est l'abandon de ces luttes de partis, luttes qui ne servent qu'à deux choses : satisfaire les mauvaises passions et diviser le pays jusque dans ses fondements.

Mais, dit l'honorable membre, il y a ici absence de contrôle, et c'est un privilège. Où l'honorable membre a-t-il trouvé qu'il y a absence de contrôle ? Chacun sait que les fabriques d'église sont aujourd'hui soumises à un contrôle.

- Un membre. - Quel contrôle ?

M. Dumortierµ. - Le contrôle de l'évêché. (Interruption.) Je. voudrais bien demander à l'honorable membre à quel contrôle sont soumis les comptes des loges de francs-maçons ?

- Un membre. - Les communes ne pourvoient pas à l'insuffisance des ressources des loges.

M. Dumortierµ. - Si ce n'est que cela, la question est bien simple.. Supprimez la disposition qui oblige les communes à intervenir.

L'honorable M. De Fré est bourgmestre d'Uccle, je respecte ses opinions, mais enfin il comprendra que, dans cette position, ce n'est pas à lui d'être sacristain de la paroisse d'Uccle.

Eh bien, voilà cependant quel est le projet de loi. Ce que vous voulez, en effet, c'est une division profonde. Si vous continuez de la vouloir, nous combattrons ; mais, faites-y bien attention, le dernier mot ne sera pas dit quand vous aurez fait votre loi.

M. Bouvierµ. - Des menaces !

M. Dumortierµ. - Vous aurez ce que toutes les lois injustes amènent : d'immenses résistances dans le pays, et ces résistances tourneront-elles au profit de l'union de tous les citoyens ?

Messieurs, on oublie beaucoup trop, à notre époque, le but essentiel de la révolution de 1830.

Notre édifice constitutionnel repose sur une même pensée, le respect des droits des autres, et par votre projet vous ne faites que fouler aux pieds les droits des catholiques.

M. Bouvierµ. - Jamais.

M. Dumortierµ. - Voilà le cachet de votre époque. Vous avez perdu tout à fait le respect des droits d'autrui.

Vous êtes francs-maçons ; je respecte vos droits ; mais je suis catholique, respectez a ssi les miens.

Vous voulez vous mêler des affaires intérieures de mon église. En quoi cela vous regarde-t-il, vous, franc-maçon ?

Laissez-moi dans mon église et restez dans la vôtre.

La demande de l'honorable membre ne peut amener qu'un seul résultat : de semer les germes d'une division profonde dans le pays, et la sagesse de la Chambre doit lui interdire de mettre à l'ordre du jour un pareil projet. : Voyez les maximes socialistes, les maximes de destruction, d'anarchie (page 58) qui se prêchent à vos portes, et c'est dans un pareil moment que l'on voudrait faire la guerre aux sentiments religieux !

Je dis que c'est une chose incroyable, inouïe et je finis par le mot de mon honorable contradicteur en déclarant que c'est un acte insensé que de venir aujourd'hui demande à la Chambre de diviser le pays par de pareilles lois.

MfFOµ. - Messieurs, l'honorable M. Dumortier se laisse entraîner dans son exagération habituelle. Il qualifie, et je dois protester contre cette qualification, il qualifie le projet de loi comme étant une menace contre une partie du pays, comme étant dirigé contre les catholiques. Ce projet, dit-il, menace le bien d'autrui ! Et il nous rappelle au respect de la propriété.

Mais l'honorable M. Dumortier ignore-t-il donc qu'à l'heure présente, et depuis fort longtemps, la matière dont s'occupe le projet de loi, le temporel du culte, est réglé par la législation ? Ignore-t-il qu'il existe un décret de 1809 qui organise les fabriques d'église et que ce décret soumet à certaines formalités le budget de ces établissements publics, formalités qui obligent notamment les fabriques à rendre compte de leur gestion, non seulement aux évêques, mais d'envoyer une copie du compte annuel à l'autorité civile.

Si l'honorable M. Dumortier ne connaît pas ces choses, je ne sais pas pourquoi il en parle ; et s'il les connaît, comment ne se demande-t-il pas pour quel motif il serait interdit de faire, en l'an de grâce 1869, ce qui a été fait soixante ans auparavant par le décret de 1809 ? Comment ne se demande-t-il pas pour quels motifs, pour quelle raison quelconque le législateur de 1869 n'aurait pas le droit de modifier ce qui a été institué par le décret de 1809 !

M. Dumortierµ. - Pourquoi avons-nous fait la révolution de 1830 ?

MfFOµ. - Je ne sais quels principes nouveaux la révolution de 1830 aurait pu introduire sous ce rapport. Irez-vous jusqu'à prétendre qu'en vertu de la révolution la législation de 1809 se trouve supprimée ?

Est-ce là ce que vous prétendez ? Mais vous aurez tout d'abord contre votre thèse insoutenable l'application constante de ce décret depuis 1830 jusqu'aujourd'hui. Vous ne pouvez pas non plus contester le droit des pouvoirs publics de faire, dans l'intérêt de la chose publique, ce qu'ils croient le plus utile. Car c'est là toute la question ; il n'y en a pas d'autre !

Depuis un grand nombre d'années, eos vices étaient signalés dans la législation qui régit le temporel des cultes, et l'on a demande qu'il y fût porté remède ; nous avons déclaré plusieurs fois que la seule et unique chose que nous eussions recherchée, la seule d'ailleurs que demande le pays, c'est l'organisation d'une meilleure administration, d'un meilleur contrôle, d'une meilleure comptabilité des fabriques d'église, et cela dans un intérêt général.

L'objection que l'honorable M. Dumortier adresse au projet de loi pourrait être appliquée, dans son système, à tous les projets qui, pour un motif ou l'autre, n'obtiennent pas son assentiment.

El, en effet, il ne se produit pas un seul projet émanant, soit du gouvernement, soit de l'initiative d'un membre de la Chambre, et qui contrarie quelque prétention de l'opposition, sans que l'on crie immédiatement à l'abomination et à la persécution.

Je ne sais vraiment commun on pourrait justifier les craintes que l'on manifeste ; mais il semblerait, à entendre l'honorable M. Dumortier et ses amis, que l'on veuille porter atteinte à un droit quelconque par les dispositions que nous proposons ; ils y voient une sorte d'empiétement du pouvoir législatif dans le domaine de la liberté, absolument comme s'il ne s'agissait pas de corps publics, d'établissements dont l'organisation et la surveillance ne sauraient être soustraites aux pouvoirs publics.

Il n'y a dans cette matière que deux systèmes possibles : le système de la liberté et celui du privilège.

Ainsi, il y a des églises qui existent en vertu de la liberté ; les pouvoirs publics ne s'en occupent aucune façon. Nous avons, par exemple, dans la capitale, l'église Saint-Joseph, l'église des Carmes et bien d'autres ; il y en a également et beaucoup en province ; le projet de loi s'en occupe-t-il ? quelqu'un élève-t-il la prétention de s'ingérer dans leurs affaires particulières ? Nullement. Elles existent en pleine liberté.

Mais les établissements publics institués par la loi, jouissant du privilège de la personnification civile, ayant des droits de par l'Etat, et imposant des charges à l'Etat, aux provinces et aux communes, ne peuvent évidemment jouir de la même liberté ; ces établissements doivent être organisés et régis par la loi, soumis à un contrôle sérieux et réel, et c'est à l'unique objet du projet de loi.

Ce projet a donc un caractère exclusivement administratif et peut être examiné dans un esprit modéré, au simple point de vue de l'administration publique et sans aucune espèce de préoccupation d'esprit de parti.

Quel intérêt aurait-on à soulever des passions à l'occasion de ce projet de loi ? Est-ce qu'on entend s'ingérer dans les affaires du culte ? Mais les propositions qui vous sont soumises déclarent tout le contraire : elles décident que, pour ce qui concerne le culte, c'est l'évêque qui statuera. On s'occupera d'affaires d'administration, d'affaires civiles, qui intéressent les communes, les provinces et l'Etat.

L'honorable M. Dumortier a demandé si la proposition de mise à l'ordre du jour avait été suggérée par le cabinet. Un peu avant, on avait, à propos d'une motion d'ordre, insinué qu'il fallait avoir la sanction du cabinet pour qu'elle pût réussir. Notre silence a fait justice du reproche.

Eh bien, messieurs, le cabinet n'a chargé personne de demander la mise à l'ordre du jour du projet de loi sur le temporel des cultes. Mais le cabinet accepte parfaitement la mise à l'ordre du jour proposée. C'est à la Chambre à fixer son ordre du jour, et nous ne reculerons pas devant la discussion lorsque ce projet sera soumis aux délibérations de rassemblée.

M. Carlierµ. - Je me joins à la demande de mon honorable ami, M. De Fré.

Deux raisons principales motivent l'appui que je donne à sa motion. D'abord, outrant la portée politique du projet de loi sur le temporel des cultes, et l'accusant bien à tort de porter atteinte au culte et aux consciences, l'un des partis qui se partagent la Chambre semble depuis trop longtemps nous mettre au défi d'en aborder la discussion.

Ce motif devrait suffire pour engager la gauche à mettre cet objet à son ordre du jour. Mais il en existe un autre, qui touchera de toutes parts la conscience publique et qui devrait amener la droite elle-même à accepter la motion : c'est qu'à l'heure qu'il est, il est impossible de contraindre une fabrique d'église à payer ses dettes. Cela est complètement impossible, et cette situation blesse la conscience et viole les règles les plus essentielles du droit et de la justice.

En discutant la loi sur la gestion des biens des fabriques, nous apporterons un remède à cette situation intolérable. C'est pour cela que je vous demande d'accueillir la motion qui vous est soumise.

M. de Theuxµ. - Il est évident qu'il y a dans le projet de loi dont il s'agit deux ordres de dispositions différents. Les unes ont pour objet des questions de contrôle et de comptabilité, et je ne pense pas que personne songe à se soustraire à un contrôle raisonnable et non tracassier. Mais le projet de loi contient une autre catégorie de dispositions ; entre autres dispositions, il modifie profondément la situation actuelle en ce que le conseil de fabrique serait nommé en majorité par l’autorité laïque, administrative.

MfFOµ. - Pas en majorité ; en nombre égal.

M. de Theuxµ. - Soit, en nombre égal ; mais le président devant avoir voix prépondérante en cas de partage, cela revient tout à fait au même.

J'ai donc raison de dire que c'est là une disposition des plus importantes.

Quel est, messieurs, l'intérêt majeur qui est ici en cause ? C'est évidemment l'intérêt religieux ; c'est la célébration du culte. Et c'est ce que l'empereur Napoléon avait parfaitement compris lorsqu'il a rendu le décret de 1809.

Cette disposition du décret de 1809 n'a été modifiée ni en France, ni dans le royaume des Pays-Bas, ni en Allemagne ; an contraire, loin de restreindre l'organisation des conseils de fabrique, on l'a renforcée notablement dans le sens religieux.

Pourquoi donc agirait-on dans un sens contraire en Belgique ? Je n'y vois aucun motif raisonnable. Que l’on contrôle des dépenses qui ne tiennent pas essentiellement à la célébration du culte, cela est raisonnable ; que l'on exige la production des comptes, cela est encore raisonnable. Mais, messieurs, qu'on ne prétende pas qu'il n'existe aucun contrôle aujourd'hui ; un contrôle est exercé par l'évêque, et l'évêque qui ne l'exercerait pas manquerait à son devoir.

Je comprends donc, parfaitement qu'on ait pu citer un évêque qui a demandé lui-même que les comptes fussent fournis.

MfFOµ. - A l'autorité civile.

M. de Theuxµ. - Soit, pourvu que le contrôle ne soit pas tracassier. Mais si vous mettez en discussion le projet tout entier, vous provoquerez des discussions passionnées, violentes et qui jetteront l'inquiétude et l'agitation dans le pays.

J'en viens aux articles relatifs à la comptabilité.

J'ai dit que ces dispositions ne pouvaient être mises en discussion par la Chambre sans le consentement du cabinet, et c'est au cabinet à examiner (page 59) quels sont les articles qu'il soumettra à la discussion de la Chambre, Il n'a peut-être pas eu le temps d'examiner ces questions, mais qu'il choisisse le moment qui lui permettra de les étudier à loisir.

Je soumets ces idées à la Chambre, et je demande l'ajournement de la motion de l'honorable M. De Fré.

MfFOµ. - Messieurs, je suis très heureux d'avoir entendu l'honorable comte de Theux. Il me semble que la question a fait un pas, par suite des paroles qu'il vient de prononcer. L'honorable comte de Theux dit : « Qu'il y ait un contrôle, rien de mieux ; cela est légitime, et personne ne peut raisonnablement s'y refuser ; mais le projet de loi ne contient pas seulement des dispositions relatives an contrôle. Il en est d'autres qui soulèvent des appréhensions et des critiques. »

L'honorable membre trouve qu'elles sont fondées.

« Entre autres dispositions, dit-il, il y a ce point essentiel, capital : le mode de composition des conseils de fabrique. On change le mode déterminé par le décret de 1809 ; on donne, par le projet de loi, la prépondérance à l'élément civil. »

Eh bien, messieurs, nous sommes très disposés, mes amis aussi bien que moi, j'en suis convaincu, à faire cesser très facilement les appréhensions à ce sujet.

Nous ne pouvons pas considérer comme ayant une importance capitale le point de savoir si la première composition du conseil de fabrique se fera en nombre égal par le pouvoir civil et par le chef ecclésiastique. Que l'on maintienne même la disposition qui existe dans le décret de 1809, j'avoue franchement que je n'y verrais pas la moindre calamité. Ce n'est pas la le principal objet du projet de loi. Tout est dans le contrôle, nous n'avons d'autre but que. d'assurer le contrôle, de le rendre sérieux et efficace.

Quand j'entends l'honorable comte de Theux signaler comme un grief de la droite contre le projet de loi, ce point si secondaire de la constitution des conseils de fabrique, je me demande comment...

M. Thonissenµ. - Il n'est pas si secondaire ce point-la.

MfFOµ. - C'est évidemment un point secondaire, puisque ces corps se renouvellent par eux-mêmes. Ce point, je le répète, n'a qu'une minime importance, et si ma mémoire est fidèle, la différence entre le projet de loi et la législation actuelle consiste uniquement dans l'attribution d'une voix de plus à l'élément laïque.

Il n'y a que cela.

Cette objection n'a donc aucune valeur, et, une fois écartée, rien ne serait plus facile, après une discussion loyale, sans esprit de parti, en dehors de tout préjugé hostile, que d'arriver à formuler une loi contenant des dispositions de nature à satisfaire tout esprit raisonnable et qui réglerait de la manière la plus équitable tous les points essentiels que comporte la matière.

M. de Theuxµ. - Messieurs, je ne puis que confirmer ce que j'ai eu l'honneur de dire tout à l'heure relativement à la composition des conseils de fabrique.

Les arguments que j'ai fait valoir sont tellement vrais, que, dans mon opinion personnelle, ils transforment l'essence des choses. On veut instituer des administrations laïques qui administreraient des biens qu'on transformerait en biens purement laïques, tandis que si le conseil de fabrique demeure composé d'après les principes consacrés par le décret de 1809, ces biens conserveront leur nature spéciale de biens affectés au service divin.

Je ne serais jamais opposé à un contrôle raisonnable et je crois qu'il serait convenable de modifier dans ce sens le projet de loi qui est présenté.

Du reste, j'ai entendu avec plaisir l'honorable ministre des finances admettre en quelque sorte le maintien des conseils actuels, mais j'ajoute qu'il est encore d'autres dispositions du projet de loi qui devraient être modifiées.

Si l'on voulait extraire du projet de loi certains articles qui n'ont qu'un caractère de comptabilité, je crois qu'on pourrait arriver à un résultat.

Je ne pense pas que le gouvernement ait grand intérêt à faire autre chose ; il suffit que les communes ne soient pas obligées à des interventions pécuniaires qui ne seraient pas bien justifiées.

Ce sont là des questions qui sont de comptabilité, nous pourrions laisser de côté toutes les autres et tomber d'accord.

MpMoreauµ. - Personne ne demande plus la parole, je vais mettre aux voix la proposition d'ajournement de M. de Theux ; seulement, pour rester dans les termes du règlement, je prierai M. de Theux de compléter sa proposition et de déterminer le temps pendant lequel l'ajournement aura lieu.

En effet, l'article 21 du règlement est ainsi conçu :

« Les réclamations d'ordre du jour, de priorité et de rappel au règlement ont la préférence sur la question principale et en suspendent toujours la discussion.

« La question préalable, c'est-à-dire celle qu'il n'y a pas lieu de délibérer, la question d'ajournement, c'est-à-dire celle qu'il y a lieu de suspendre la délibération ou le vote pendant un temps déterminé et les amendements sont mis aux voix avant la proposition principale, les sous-amendements avant les amendements.

« Si dix membres demandent la clôture d'une discussion, le président la met aux voix ; il est permis de prendre la parole pour ou contre une demande de clôture. »

Par conséquent, M. de Theux ayant fait une proposition de suspendre la délibération sur la proposition de M. De Fré, il doit déterminer le temps pendant lequel cet ajournement doit avoir lieu.

M. de Theuxµ. - Messieurs, je demande que cet ajournement ait lieu au moins jusqu'après les vacances de Noël.

Le gouvernement pourra examiner, d'ici là, s'il y a lieu de maintenir à l'ordre du jour le projet de loi dont il s'agit.

Voilà ce que je demande.

M. De Fréµ. - Remarquez bien, messieurs, qu'il y a une décision de la Chambre qui a mis à l'ordre du jour le projet de loi sur le temporel des cultes.

Eh bien, je demande que, par suite de cette décision, prise pendant la dernière session et qui a eu son exécution, cet objet figure de nouveau à l'ordre du jour.

L'honorable M. de Theux demande d'ajourner la question de savoir s'il y a lieu de maintenir ce projet de loi à l'ordre du jour, oui ou non.

Je demande qu'en exécution d'une décision prise par la Chambre l'année dernière, cet objet figure pendant cette session à l'ordre du jour, comme il y a figuré l'année dernière et je demande que la Chambre veuille voter sur ma proposition.

M. Dumortierµ. - Messieurs, il n'est pas dans les habitudes de la Chambre de mettre à l'ordre du jour, sans fixer une date, des projets de loi d'une grande portée, et il serait impossible de mettre purement et simplement à la suite de l'ordre du jour le projet de loi sur le temporel du culte.

D'abord je vous ai dit que je m'opposais, quant à moi, a ce qu'on le mît à l'ordre du jour ; mais, supposez que vous vouliez le mettre à l'ordre du jour, ce que vous devez faire de toute nécessité, c'est fixer une date pour la discussion.

MfFOµ. - On avisera ultérieurement.

M. Dumortierµ. - J'entends M. le ministre des finances dire : On avisera ultérieurement. Mais quand un projet est porté à l'ordre du jour, le jour où cet ordre du jour en appelle la discussion, il vient en discussion, et le projet pourrait arriver en discussion dans trois jours, car qu'avez-vous à votre ordre, du jour ? Vous avez la loi sur la milice, des feuilletons de pétitions, le budget de la guerre, le code de commerce. Vous ne pouvez mettre un pareil projet à l'ordre du jour sans donner au moins le temps de relire les pièces. (Interruption.)

J'entends qu'on dit : Le 15 janvier. C'est une date. Je n'approuve pas la mise de ce projet à l'ordre du jour. Mais je conçois une proposition faite dans ces termes. Cela n'empêche pas que je rejetterai la mise à l'ordre du jour.

Je reconnais bien volontiers que la concession qu'a faite tout à l'heure M. le ministre des finances, est quelque chose de très sérieux, mais il n'en est pas moins vrai que la discussion de cette loi doit jeter une grande perturbation dans le pays et pour mon compte, je préfère qu'on ne la mette pas à l'ordre du jour.

M. de Theuxµ. - On fait remarquer que les choses ne sont plus entières, que le projet de loi sur le temporel du culte a été porté à l'ordre du jour dans la session dernière. Mais la situation n'est plus la même ; il s'agit de se borner à discuter les dispositions relatives au contrôle et il faut que ce point soit résolu. Car si l'on met simplement le projet à l'ordre du jour, nous croirons naturellement et le pays croira avec nous que l'on veut discuter la loi dans son entier et nous devrons nous préparer à la discussion complète du projet. Si, au contraire, il ne s'agit que des articles relatifs à la comptabilité, la situation sera toute différente.

C'est pourquoi je demande qu'on ne prononce pas aujourd'hui la mise à l'ordre du jour et qu'on laisse la question intacte jusqu'à ce que le gouvernement ou un membre appuyé de son consentement ait le temps de (page 60) proposer les articles que l’on voudrait mettre en discussion ; alors nous saurons sur quoi doit porter la discussion et nous nous préparerons. Mais, dans l'état actuel, mettre le projet à l’ordre du jour, c'est nous laisser dans le vague et c'est laisser le pays dans l'incertitude. Je ne vois à cela aucun avantage. Il vaut mieux prendre votre temps et vos mesures comme il convient.

MfFOµ. - Je ne pense pas qu'on puisse admettre la proposition de l'honorable M. de Theux.

L'honorable membre dit : Ajournons jusqu'à ce que le gouvernement ait pu prendre un parti sur une idée qui vient d'être émise : celle de détacher quelques dispositions du projet pour en faire une loi spéciale. Je ne pense pas que l'on puisse procéder ainsi.

La Chambre est saisie d'un projet de loi sur l'ensemble duquel les sections ont porté leur examen et qui a fait l'objet d'un rapport de la section centrale. La Chambre doit discuter ce projet tel qu'il lui a été présenté, et lors de la discussion, on pourra faire telle proposition que l'on voudra quant à sa division. Mais si nous détachons, dès à présent, quelques dispositions et que nous en maintenions d'autres, les dispositions détachées seront considérées par les uns comme un épouvantail que l'on tiendrait en réserve, et par d'autres comme l'abandon de principes essentiels. Cela n'est pas acceptable. Maintenons le projet tel qu'il est ; lors de la discussion, nous verrons, je le répète, quelles sont les mesures à prendre.

Remarquez d'ailleurs, messieurs, que l'on ne saurait en réalité arriver au résultat désiré par M. de Theux, en suivant le mode qu'il indique. Supposons que l'on décide d'écarter tel et tel chapitre du projet ; est-ce que cela empêcherait les amendements ? Serait-il interdit aux honorables membres de la Chambre qui en auraient la volonté, de reproduire l'une ou l'autre des dispositions écartées, qu'il serait nécessairement facile de rattacher au projet mis en discussion ?

Si la Chambre décide que le projet sera mis à l'ordre du jour, nous devons le discuter dans son ensemble, sauf à aviser lorsque l'on aura été éclairé par la discussion même.

M. Jacobsµ. Il vient de se produire dans la séance d'aujourd'hui une sorte de tentative de conciliation au sujet de la réglementation du temporel des cultes ; ne laissons pas cet espoir d'un instant s'évanouir l'instant d'après.

Vous constaterez avec moi, messieurs, que le seul moyen d'arriver à un arrangement, c'est précisément de détacher du projet de loi les articles relatifs au contrôle. (Interruption.)

Lorsqu'il s'agit de déterminer la nature des biens des fabriques, nous sommes en désaccord complet ; lorsqu'il est question de la nécessité d'un contrôle, nous sommes tous d'accord.

S'agit-il de décider si ces biens sont laïques ou s'ils ont un caractère religieux, jamais nous n'aboutirons à nous entendre ; c'est là un des principes qui divisent les partis dans cette Chambre. Si donc nous voulons un arrangement, renonçons à discuter le principe de la loi, et toutes les conséquences de ce principe qui nous sépare.

Le gouvernement a dit tantôt : « Le contrôle c'est toute la loi. » Nous sommes d'accord pour juger un contrôle nécessaire, bornons-nous à cela et nous pouvons aboutir.

J'insiste sur ce point parce que, comme je le disais en commençant, le seul moyen de nous entendre c'est de ne pas mettre en discussion les principes qui nous divisent, c'est de trancher exclusivement ces questions de contrôle, ces questions de surveillance sur lesquelles nous sommes d'accord et que nous pouvons résoudre sans que les convictions d'aucun de nous en soient blessées.

MfFOµ. - Je ne sache pas, et il faudrait que ma mémoire me fît singulièrement défaut pour me tromper sur ce point, que le projet de loi décide quelle est la nature des biens qui sont soumis à l'administration des fabriques d'église.

M. Thonissenµ. - La question est abordée et résolue dans l'exposé des motifs.

MfFOµ. - Voici ce qui a donné lieu à une discussion sur cette question.

Un membre de cette Chambre a dit un jour : Les biens des fabriques sont laïques. (Interruption.)

M. Dolezµ. - Cela a été dit dans une adresse en réponse au discours du Trône.

MfFOµ. - De là la discussion. Vous pouvez soutenir que ces biens sont ecclésiastiques, qu'ils ont une origine tout à fait spéciale, qu'ils différent des biens terrestres, qu'ils sont d'origine divine ; mais la loi n'a pas assurément pour objet de statuer sur ces controverses.

M. Thonissenµ. - Le rapport de la section centrale résout la question contrairement à l'opinion des catholiques.

MfFOµ. - Il est vrai également qu'en dehors de cette enceinte, on a soutenu que le pouvoir civil n'avait pas le droit de discuter, de légiférer à l'égard de ces biens ; à cette thèse, on a répondu dans l'exposé des motifs peut-être, mais certainement dans le rapport de la section centrale. On a combattu ce que l'on considérait comme une hérésie en droit ; mais c'était là une discussion à côté du projet de loi.

Qu'importe que ces biens aient telle ou telle essence, telle ou telle origine. La question est uniquement de savoir comment ils seront administrés. Or, le projet de loi statue, à cet égard-là, exactement de la même manière que la loi actuellement en vigueur.

On peut discuter ce mode d'organisation, examiner si les principes en sont bons, mauvais, défectueux ; s'ils sont renfermés dans de justes bornes.

Là seulement est le véritable terrain du débat, et dans ces termes on peut aborder l'ensemble du projet de loi sans rencontrer aucun des inconvénients que l'on paraît redouter.

On a reconnu, dans les explications qui viennent d'être échangées, un point important. On a reconnu le droit du législateur d'établir un contrôle sur les biens des fabriques d'église. (Interruption.) Mais cela a été contesté au dehors.

- Une voix à droite. - Allons donc !

MfFOµ. - Cela a été contesté.

M. Thonissenµ. - C'est une erreur.

MfFOµ. - Tant mieux. Je ne vous en fais du reste pas un grief.

Eh bien, si l'on nous dit : Nous admettons le contrôle, je réponds : Discutons la loi ; examinons-la dans l'esprit que je viens d'indiquer, en vue d'arriver à une bonne organisation de l'administration des biens des cultes dans l'intérêt public, puisqu'il y a des charges publiques qui dérivent de l'administration de ces biens.

Si vous voulez faire disparaître ces charges et placer les fabriques sous le régime de la liberté, afin de les soustraire au contrôle que les pouvoirs publics ne peuvent se dispenser d'exercer sur des établissements publics organisés par la loi, vous pourrez faire une proposition dans ce sens.

MpMoreauµ. - Je mets aux voix la proposition de l'honorable M. De Fré.

- Il est procédé à l'appel nominal.

76 membres y prennent part.

47 membres répondent oui.

29 membres répondent non.

En conséquence la Chambre met à l'ordre du jour le projet de loi sur le temporel des cultes.

Ont répondu oui : MM. Jacquemyns, Jamar, Jonet, Jouret, Lambert, Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Lippens, Muller, N'élis, Orban, Pirmez, Rogier, Sabatier, Tesch, T'Serstevens, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Merris, Vleminckx, Allard, Bara, Beke, Bouvier-Evenepoel, Bricoult, Carlier, Castilhon, Couvreur, de Baillet-Latour, de Brouckere, De Fré, de Kerchove de Denterghem, De Lexhy, de Macar, Dethuin, Dewandre, Dolez, Elias, Frère-Orban, Guillery, Hagemans, Hymans et Moreau.

Ont répondu non : MM. Julliot, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Lefebvre, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Vander Donckt, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Wouters, Coomans, de Clercq, de Haerne, E. de Kerckhove, de Naeyer, de Terbecq, de Theux, de Zerezo de Tejada, Dumortier, Hayez et Jacobs.

Projet de loi sur la milice

Discussion des articles

Chapitre VIII. Du remplacement et de la permutation

Article 53

MpMoreauµ. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi sur la milice. La parole est à M. Rogier.

- Des voix. - A demain !

M. Rogierµ. - M. Thibaut m'a exprimé le désir de répondre aujourd'hui à M. le ministre de l'intérieur ; je suis d'autant plus disposé à accéder au désir de l'honorable membre que j'en aurai au moins pour une heure.

Je demande donc à pouvoir lui céder mon tour de parole.

MpMoreauµ. - La parole est donc à M. Thibaut.

M. Thibautµ. - Je remercie l'honorable M. Rogier et je vais répondre, en ce qui me concerne, au discours prononcé hier par M. le ministre de (page 61) l'intérieur. J'étais loin de soupçonner, en rédigeant l'amendement dont j'ai entretenu la Chambre, que je formais un tissu d'horreurs digne de toute l'indignation de l'honorable M. Pirmez. Aujourd'hui encore, plutôt que de m'avouer coupable, je croirais que l'honorable M. Pirmez appartient un peu à l'école de ce personnage célèbre qui disait : Donnez-moi quelques lignes écrites par un honnête homme, et je me fais fort d'y trouver de quoi le faire pendre.

Laissons de côté, messieurs, aussi bien les réticences que les exagérations. Ne plaidons pas ; ne dissimulons rien ; exposons simplement et exactement les systèmes tels qu'ils sont ; n'ayons d'autre souci que de faire une loi juste, équitable et favorable aux intérêts du pays.

Quel est le système du gouvernement ? Il consiste à faire désigner chaque année par le sort, entre les jeunes gens en âge de milice, ceux qui seront contraints à servir soit en personne, soit par remplaçant. Il n'y a pas de distinction entre les riches et les indigents ; la charge est la même pour tous.

J'ai appelé ce système barbare, inhumain et souverainement injuste.

Il est barbare, parce qu'il viole la liberté de l'homme. L'inscrit, désigné par le sort, est contraint de servir s'il ne trouve pas un remplaçant, et il ne suffit pas qu'il offre de se racheter à prix d'argent, il faut encore qu'un autre consente à prendre sa place.

Il est inhumain, parce qu'il met les familles pauvres dans l'alternative ou de livrer à l'armée leurs fils qui sont souvent toute leur fortune, ou d'emprunter de grosses sommes et de se ruiner pour acheter des remplaçants.

Il est souverainement injuste, parce qu'il exige le même sacrifice de l'inscrit indigent que de l'inscrit millionnaire.

Toutes les subtilités auxquelles M. Pirmez aime à recourir, toutes les finesses de son esprit ne parviendront pas à détruire ces caractères de la loi qui nous occupe, et dont l'évidence ne sera pas contestée par les hommes de bonne foi.

Mais il me semble, messieurs, que l'honorable ministre de l'intérieur se fait illusion sur l'importance du sacrifice en argent que la loi impose au milicien désigné pour le service et qui veut se faire remplacer.

Je ne veux pas invoquer les considérations de l'ordre moral qui se pressent en foule pour combattre le système de la loi, au point de vue de la famille ; je me demande seulement quelle est la somme qu'elle doit dépenser pour affranchir l'un de ses membres du service militaire ?

On ne peut la fixer à moins de 1,200 francs. Voici mes raisons : De 1861 à 1867, le département de la guerre n'a pas fourni un remplaçant pour une somme moindre de 1,200 francs. Il en a fourni pour 1,300 et 1,400 francs.

Dans une note préliminaire qui accompagne le tableau indiquant les prix des remplaçants et des substituants, tableau remis à la commission instituée en 1866, le département de la guerre reconnaît que les remplaçants fournis par les agents d'affaires coûtent aux familles 1,400, 1,500 et même plus de 1,800 francs.

Les substituants eux-mêmes coûtent parfois 1,500 francs.

En moyenne donc, on ne peut porter à moins de 1,200 francs le sacrifice qu'une famille doit s'imposer pour libérer un milicien du service.

La perte de ce capital n'est rien pour les familles riches ; mais c'est une ruine pour les familles pauvres, et telle est cependant la force du sentiment qui engage les familles à racheter leurs fils, que, sur 100 miliciens remplacés, il y en a près de 7 qui sont indigents et plus de 30 qui sont dans la gêne.

Savez-vous, messieurs, à quel chiffre monte la somme dépensée chaque année en prix de remplaçants et substituants ? Elle n'est pas moindre de 3,525,000 francs.

Et il faut bien l'avouer, la plus grande partie de cette somme, qui est considérable, qui pour plus du tiers est fournie par un millier de familles gênées ou indigentes, est dépensée dans la débauche et l'orgie.

Et quel est le résultat que l'on obtient pour l'armée ? Nul de vous n'ignore, messieurs, comment les officiers supérieurs apprécient les remplaçants et les substituants.

Ce sont des soldats de la pire espèce, dit le lieutenant général Sapin.

Ces hommes constituent la lèpre de l'armée qu'ils déconsidèrent, ajoute le lieutenant général Desart.

Ils compromettent l'existence même du pays, d'après le général Jambers.

Ce sont des éléments impurs qui discréditent la carrière des armes, selon le lieutenant général Arendt.

Quant aux miliciens qui servent en personne, on a voulu prétendre qu'ils n'avaient qu'à se féliciter de la contrainte qui leur était imposée. Et quand même cela serait vrai, ce que je n'admets pas, n'est-il pas vrai aussi que les familles souffrent autant de la perte de leurs membres les plus utiles pendant deux, trois et quelquefois quatre années, que si elles avaient fourni des remplaçants à leurs fils ?

Tels sont, messieurs, quelques-uns des effets de la loi qui régit la milice.

Le projet que nous discutons n'apporte au mal que des remèdes insignifiants ou, tout au moins, peu efficaces.

C'est parce que j'ai cette conviction que j'ai cherché à formuler un autre système.

M. le ministre prétend que j'ai fait preuve, à l'égard des classes indigentes, d'une rigueur inexorable, que mon système est plus dur que celui dont je me plains et qu'il a pour résultat d'obliger les plus malheureux à servir pour ceux qui ont le moyen de se faire exonérer.

Ces reproches me touchent profondément ; je ne me suis proposé qu'un seul but : c'est d'alléger le fardeau de la milice pour les classes pauvres, en augmentant la part de charges supportée aujourd'hui par les classes aisées.

Je me serais donc trompé complètement, selon l'honorable ministre.

Eh bien, cela n'est pas possible, et vous en serez convaincus, messieurs, si vous voulez remarquer que tel riche, l'honorable M. Pirmez, par exemple, s'il avait un fils, qui d'après le système de la loi, procurerait l'exemption du service à son héritier, pour une. somme de 1,200 francs, devrait, selon mon amendement, payer 5,000 francs ; et que tel homme peu aisé, par exemple un domestique qui ne peut racheter aujourd'hui son enfant qu'au moyen d'un sacrifice de 1,200 francs, le libérerait, selon mon amendement, au moyen de 300 francs.

Je ne puis pas m'être trompé aussi grossièrement, que le soutient M. le ministre, si l'on remarque qu'aujourd'hui le milicien qui a servi de sa personne rentre dans sa famille, qu'il n'a pu secourir pendant deux et trois années, y rentre, dis-je, les mains vides et souvent après qu'elle a dû épuiser ses dernières ressources pour solder la dette du milicien à la masse d'habillements ; tandis que dans mon système, le milicien après avoir accompli son temps de service, rapporte à ses parents un capital de plus de 600 francs.

Mais, messieurs, puisqu'on m'a adressé des critiques de détail, vous me permettrez d'aborder plus directement quelques points spéciaux.

Un système d'exonération qui permet à tous les hommes de la classe de se libérer du service, doit fournir les sommes nécessaires pour se procurer des exonérants. Supposons 12,000 hommes à 1,200 francs, la somme nécessaire est un chiffre rond de 15 millions.

Le tableau joint à mon amendement indique, dans le cas où tous les hommes de la classe useraient de l'exonération, une recette de 20 millions. cette recette se réduirait à 15 millions parce que j'admets, comme le fait remarquer M. le ministre, 2/10 à 3/10 d'exemptions.

Mais je commets ici une erreur grave selon M, le ministre : la proportion véritable des exemptions approche plus de 60 p. c. que de 30 p. c. Dès lors 12 millions disparaissent et il n'en reste que 8.

Je sais, messieurs, que dans le système de la loi, on est obligé d'admettre un grand nombre d'exemptions.

Pendant la période de 1851 à 1860, il y a eu 415,242 inscrits, et les exemptions soit définitives, soit provisoires, devenues définitives, ont été au nombre de 155,201, soit 36.80 p. c.

Mais dans mon système, un grand nombre d'exemptions disparaîtraient. Sur cette même période de 1831 à 1800, j'ai compté 69,025 exemptions définitives ou provisoires que j'effacerais de la loi ; il en resterait 84,178, soit 20 p. c.

Le chiffre que j'ai produit est donc justifié et l'objection disparaît. Mais, selon M. le ministre, je prélève 10 millions sur les individus qui sont dans la gêne ou la misère et qui forment 80 p. c. de la classe de milice.

Dix millions demandés à des individus qui sont dans la gêne ou la misère, c'est énorme ; cependant répartis entre 35,000 familles, cela ne fait que 300 francs par famille. Payer 300 francs pour se décharger du fardeau de la milice, est-ce trop, même pour une famille qui n'est pas dans l'aisance ?

Aujourd'hui, ces familles ne peuvent racheter leurs fils que moyennant 1,200 francs et quelquefois plus. Peut-on contester sérieusement que je leur offre un avantage considérable ?

Selon M. le ministre, la plupart de ces familles ne pourraient user du moyen que je leur présente de libérer leurs enfants. Par conséquent tout le fardeau de la milice retomberait sur elles.

Je nie d'abord qu'une famille d'honnêtes gens ne puisse se procurer cette petite somme de 300 francs. Les bureaux de bienfaisance eux-mêmes (page 62) seraient intéressés à la leur fournir pour éviter de leur donner, pendant l'absence de leurs fils, des secours plus considérables.

Le taux d'exonération que je propose est, selon moi, à la portée de toutes les familles honnêtes. Il représente le prix, à un taux très modéré, de quatre à cinq mois de travail.

Je nie ensuite que tout le fardeau de la milice puisse tomber sur les familles pauvres ou riches qui n'auront pas usé de l'exonération. Et, en effet, la rémunération assurée aux volontaires doit inévitablement en accroître le nombre ; beaucoup d'inscrits contracteront ces engagements volontaires et compteront en diminution du contingent.

Sans doute, il faudra, dans le cas où le nombre de volontaires n'atteindra pas le chiffre du contingent, procéder à un tirage au sort entre les inscrits qui ne se sont pas exonérés, et peut-être même épuiser les listes. Mais peut-on, comme M. le ministre, conclure de là que les plus malheureux de la société partiront pour ceux qui sont exonérés ? Nullement. Ces inscrits pouvaient aussi s'exonérer pour la modique somme de 300 francs. S'ils ne l'ont pas fait, ce n'est pas faute de pouvoir le faire, mais parce qu'ils ne l'ont pas voulu.

Ils partiront, dit M. le ministre, uniquement parce qu'ils sont misérables. C'est là de la déclamation, c'est une contre-vérité manifeste.

Parce qu'ils sont misérables, ils pourront éviter le service militaire, au moyen de 300 francs, tandis qu'aujourd'hui vous les forcez à dépenser 1,200 francs si le sort leur est funeste. Voilà la vérité.

Ainsi il n'est pas vrai que la loi ira prendre ces malheureux et les mettra à la caserne au lieu et place de ceux qui ont eu le moyen de se faire exonérer.

Je proteste contre la manière de discuter employée par M. le ministre de l'intérieur. Non, une répartition proportionnelle des charges de la milice ne mérite pas ces injustes reproches.

Permettez-moi, messieurs, de terminer en vous lisant les dernières phrases du discours que. j'ai prononcé le 15 juin dernier :

« En résumé, disais-je, d'après le système que je présente, les jeunes gens d'une classe de milice se diviseront naturellement et librement en trois groupes : le premier comprendra ceux qui rachèteront toutes les éventualités du service, toutes les chances de faire partie du contingent, en payant l'exonération au taux moyen de 450 francs ; le second, ceux qui contracteront un engagement volontaire et qui seront comptés dans le contingent ; le troisième, ceux qui accepteront éventuellement les chances du tirage au sort :

« Le sort désignera, parmi ces derniers, ceux qui seront appelés au service pour compléter le contingent à défaut de volontaires ; les autres payeront l'impôt de classe Tous ceux qui serviront recevront une rémunération de 20 francs par mois au minimum.

« Il en résulte que le tirage au sort n'aura plus lieu qu'entre jeunes gens qui n'auront ni une vocation décidée pour le service, ni une antipathie prononcée contre lui ; ou plutôt qui hésiteront à choisir entre le service personnel et le sacrifice d'une somme minime, et en tous cas proportionnée à leur fortune.

« Tous les numéros offriront ainsi des chances de gain et des chances de perte ; le gain et la perte se trouveront en proportion égale pour chaque numéro. »

Voilà, messieurs, le sens de l'amendement.

Je persiste à croire qu'il respecte tous les principes de justice et d'égalité, que le projet de loi méconnaît. Je ne le donne pas comme une œuvre parfaite, loin de moi cette pensée, mais comme un progrès et comme un thème, digne, d'être, médité par les hommes dévoués aux intérêts de la patrie.

- La séance est levée à 4 1/2 heures.