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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 23 novembre 1869

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1869-1870)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 63) M. de Rossius procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Dethuinµ donne lecture du procès-verbal de la séance de. vendredi ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Rossius présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Les chefs diocésains de Belgique présentent des observations sur l’article 23bis du projet de loi relatif à la milice et prient la Chambre de revenir sur les deux innovations qu'il introduit dans la législation en vigueur. »

- Dépôt sur le bureau pendant le vote définitif du projet de loi.


« Le sieur Vankalk prie la Chambre d'apporter des modifications aux dispositions de la loi relatives aux ventes publiques par les notaires et aux fonds reçus par eux en dépôt et demande qu'il soit pris des mesures pour rendre plus efficace le contrôle auquel sont soumis les notaires. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Van Hoorebeke demande le remboursement des retenues faites sur ses appointements lorsqu'il était attaché au bureau des postes à Gand. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des industriels à Liège demandent que le gouvernement autorise, sous (page 64) caution pour les droits, l'importation temporaire des fontes étrangères destinées à être réexportées après avoir été transformées en fil de fer. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« Des habitants de la Roche-à-Frêne demandent que ce hameau de la commune de Harre en soit séparé pour être réuni à celle de Villers-Sainte-Gertrude. »

- Même renvoi.


« Le sieur Provost, secrétaire communal à Astene, prie la Chambre de prendre des mesures pour assurer l'avenir des secrétaires communaux et améliorer leur position. »

« Même demande du sieur Massin, secrétaire communal à Wierde. »

- Même renvoi.


« Le sieur Vande Casteele demande que le gouvernement charge une commission d'examiner son procédé de fabrication des bières. »

M. Hymansµ. - Messieurs, la pétition dont on vient de vous présenter l'analyse se rapporte à un objet d'utilité générale. Je crois donc qu'elle mérite, de la part de la commission des pétitions, un prompt rapport et je prie la Chambre de vouloir bien le lui demander.

- Adopté.


« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, deux demandes de naturalisation. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« L'administration communale de Dison transmet 126 exemplaires de deux pétitions adressées par le conseil communal : l'une à la Chambre, l'autre au conseil provincial, concernant le transfert à Dison du chef-lieu de la justice de paix, et 2 exemplaires du rapport sur la situation administrative de cette commune pour les années 1865, 1866, 1867 et 1868. »

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.


« Il est fait hommage à la Chambre :

« 1° Par M. le ministre des finances, de 135 exemplaires du Tableau du commerce de la Belgique avec les pays étrangers pendant l'année 1868 ;

« 2° Par MM. les bourgmestre et échevins de la ville de Tournai, de deux exemplaires du Rapport sur l'administration des affaires de cette ville au 1er octobre 1869. »

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.


« M. Henri Marichal fait hommage à la Chambre de quelques exemplaires de sa brochure : La société civile et l'armée dans la paix et dans la guerre. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la milice.


« M. de Terbecq, retenu par une indisposition, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.

Projet de loi relatif à la réduction des peines subies au régime de la séparation

Rapport de la commission

M. Lelièvreµ. - J’ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la commission qui a examiné le projet de loi concernant la réduction des peines subies au régime de la séparation.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. Hymansµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre des rapports sur des demandes de naturalisation ordinaire et sur une demande de grande naturalisation du sieur Verdurmen, conseiller provincial dans la Flandre orientale.

-Ces rapports seront imprimés et distribués et mis à la suite de l'ordre du jour.

Ordre des travaux de la chambre

M. Lelièvreµ (pour une motion d’ordre). - Je prie la Chambre de vouloir faire figurer à l'ordre du jour le rapport de M. Thonissen relatif à la proposition que j'ai déposée de concert avec M. Guillery, concernant le droit d'appel en matière fiscale. Cet objet était au nombre des projets dont la Chambre devait s'occuper, lorsqu'elle s'est séparée en juin dernier.

M. Thonissenµ. - Je ne vois aucun inconvénient à ce que ce rapport soit mis à l'ordre du jour.

- La proposition de M. Lelièvre est adoptée.

Projet de loi sur la milice

Discussion des articles

Chapitre VIII. Du remplacement et de la permutation

Article 53

MpDµ. - Messieurs, nous en sommes arrivés à l'article 53 et à l'examen des amendements de MM. Thibaut et Kervyn.

M. Rogierµ. - Messieurs, le chapitre du remplacement a déjà donné lieu à d'assez longues discussions et ce n'est pas sans motifs ; on peut, en effet, le considérer comme un des plus importants de la loi, comme une des bases essentielles de la constitution de l'armée.

Je traiterai donc, avec quelques développements, si la Chambre veut bien me le permettre, la question du remplacement, et je dirai quelques mots des questions qui s'y rattachent.

Messieurs, je n'ai pas besoin de faire une profession de foi en ce qui concerne l'armée. J'ai pris à tâche de la défendre, en toute circonstance, depuis un grand nombre d'années. Je me trouve encore aujourd'hui dans les mêmes dispositions, toujours prêt à concourir à tout ce qui peut la consolider et la perfectionner.

Quand je me dis partisan de l'armée, messieurs, ce n'est pas à dire que je me déclare partisan de la guerre. Je suis ennemi de la guerre internationale autant que de la guerre civile.

Heureusement pour l'armée belge, elle n'a pas à remplir dans le monde le rôle des armées qui appartiennent à d'autres pays ; mais, tel qu'il est, ce rôle est suffisamment honorable et utile pour satisfaire les amours-propres et les ambitions légitimes.

Le rôle d. l'armée belge est purement défensif, mais elle peut, dans cette position, rendre de grands services au pays et mériter sa reconnaissance.

En dépit de certaines déclarations, pour ne pas dire de certaines déclamations contraires, l'armée est une institution populaire en Belgique, et si l'on voulait la désorganiser, si une Chambre avait cette mauvaise pensée, je crois qu'elle ne répondrait nullement au sentiment national. On en pourrait donner de nombreux témoignages : je n'en veux rappeler qu'un très récent. Nous avons tous été témoins, et non sans émotion, de la solennité militaire du mois de septembre dernier, dont nous devons féliciter le gouvernement ainsi que les officiers de tout rang qui l'ont secondé dans l'accomplissement de cette tâche patriotique.

Nous avons vu passer sous nos yeux une brillante armée de 25,000 à 30,000 hommes entourés, escortés, acclamés par 200,000 ou 300,000 de leurs concitoyens. Et certes, un pareil spectacle était bien fait pour convertir les adversaires de l'armée s'il s'en trouvait dans les rangs des spectateurs.

L'armée est donc populaire, et ceux qui soutiennent l'armée n'engagent en aucune manière leur popularité ; en tout cas, si cette popularité devait être compromise, cette perspective ne les empêcherait pas de soutenir résolument ce grand intérêt national.

L'armée, messieurs, qu'on ne le perde pas de vue, est une institution consacrée par la Constitution ; elle y occupe sa place ainsi que la garde civique. Certains réformateurs demandent que l'on fasse une organisation nouvelle, qu'on organise notre force publique comme elle l'est dans d'autres pays ; ils ne voient pas que nous avons ce qu'ils demandent.

Nous avons l'armée permanente et nous avons l'armée de réserve, qui s'appelle la garde civique.

Elles ne sont pas instituées d'après les mêmes principes et ceux qui dominent dans l'organisation de la garde civique devraient satisfaire, semble-t-il, aux vœux des réformateurs.

Dans la garde civique, nous avons en principe le service personnel obligatoire pour tous ; pas de remplacement ; mais au rebours de ce qui se passe dans l'armée, les classes pauvres sont dispensées, au moins en temps de paix, du service qui demeure obligatoire pour les autres.

Enfin, il est un autre principe qui a été mis en avant comme une innovation et qui, après avoir longtemps figuré dans notre législation sur la garde civique, en a disparu et, je le regrette, c'était le principe en vertu duquel les familles qui ne pouvaient pas fournir d'hommes pour le service de la garde civique étaient tenues de payer des indemnités.

Ce principe qui avait été introduit dans notre législation dès 1831, qui a été maintenu pendant un grand nombre d'années, ce principe a disparu dans la réforme adoptée en 1853 sur le rapport de l'honorable M. Coomans, et qui a profondément modifié et énervé l'institution de la garde civique.

Pour l'armée, messieurs, il n'en est pas comme pour la garde civique : tous les Belges, à la vérité, doivent leur concours à l'armée ; tous les Belges sont égaux devant cette obligation ; mais tous les Belges ne sont pas indispensables aux besoins du service et nous aurions une armée beaucoup trop considérable si tous les Belges y étaient incorporés. Il faut bien faire un choix et ce choix a été abandonné au sort.

Le sort est aveugle ; je reconnais qu'il y a beaucoup à dire contre ses décisions, mais enfin, jusqu'à présent, on n'a pas trouvé un moyen plus équitable de choisir, entre tous les Belges, ceux qui sont nécessaires aux besoins de l'armée.

De plus, on à accordé à ceux que le sort désignait, la faculté de se faire remplacer ou substituer : ici encore, il y a égalité de droit entre tous les Belges et si tous n'ont pas, en fait, les moyens d'user de cette faculté, il n'en est pas moins vrai que le principe en est déposé dans notre législation.

C'est le moment de parler du remplacement et ici, je l'avoue, j'éprouve des doutes pénibles.

S'il faut en croire les avis, les observations de la plupart, pour ne pas (page 65) dire de tous nos officiers supérieurs auxquels se joignent même des magistrats de l'ordre civil, le remplacement dans l'armée constitue un danger, c'est une source de désordre, de dissolution, un germe de contagion. J'adoucis encore, car il n'est pas d'outrages qui n'aient été adressés à ces malheureux remplaçants.

Est-ce vrai ; a-t-on assombri le tableau ; ou bien ce tableau est-il la réalité ?

II n'y a pas ici à dissimuler, il s'agit de savoir si les remplaçants dans l'armée sont tels que les représentent les chefs de l'armée. S'il en est ainsi, je n'hésite pas à le dire, il faut supprimer radicalement et le plus tôt possible le remplacement. Car non seulement des éléments pareils constituent par eux-mêmes des non-valeurs pour l'armée, mais ils l'atteignent encore par la contagion. Ces mauvais remplaçants sont une cause de corruption pour les bons miliciens ; de telle manière que si chacun des remplaçants, qui comptent pour un tiers dans l'armée, communique la contagion à un milicien, il ne reste plus qu'un tiers d'hommes irréprochables.

Oui, le mal s'étendrait jusque-là, mais je ne puis croire que ce tableau ne soit pas trop assombri. Si malheureusement il est fidèle, il faut nécessairement chercher le remède : ou supprimer entièrement le remplacement ou faire en sorte que le système actuel soit profondément modifié. Ceci me paraît être un des points les plus importants de la discussion.

Messieurs, à quelle cause attribuer la mauvaise qualité des remplaçants de l'armée qui sont, dit-on, pour la plupart de très mauvais sujets, indignes de porter l'uniforme ?

Un officier général dont je voudrais connaître le nom afin de le signaler à l'attention publique, un officier général, dans une brochure remarquable qui nous a été distribuée, nous dit qu'il faut remonter à l'origine du mal ; que les mauvais remplaçants sont l'ouvrage des mauvais recruteurs ; que là est le mal et qu'il faut couper le mal dans sa racine.

Je suis bien prêt à me ranger à cette opinion, que nous ne guérirons le mal des remplaçants que le jour où l'Etat se chargera de les choisir lui-même.

Nous avons déjà depuis de longues années signalé les inconvénients qui se rattachent au recrutement des remplaçants par la spéculation particulière ; et nous avons obtenu un principe, principe qui a pris place dans une loi spéciale, et en venu duquel le gouvernement est autorisé à fournir des remplaçants aux miliciens qui font entre ses mains le versement d'une somme déterminée.

Eh bien, il faut le constater avec regret, ce rôle du gouvernement n'est pas rempli, ou il n'est rempli que d'une manière tout à fait insuffisante. Ce n'est pas que les prix que le gouvernement demande aux miliciens qui veulent être remplacés soient trop élevés, puisque les demandes dépassent de beaucoup les livraisons que M. le ministre de la guerre peut faire ; sur la totalité des demandes qui lui sont faites, le gouvernement ne peut en admettre que le tiers, de manière que. les deux tiers ne peuvent obtenir les remplacements qu'ils demandent à l'Etat.

Or, le remplacement, avec l'intervention du gouvernement, c'est là un principe des plus tutélaires, qu'il faut à tout prix maintenir et chercher à étendre : l'armée ne se compose pas des premiers venus ; les soldats sont des fonctionnaires publics, petits si vous voulez, mais ce sont des fonctionnaires de l'Etat, tout aussi bien que les douaniers, les gardes de bois, les gardes-trains, les gardiens des prisons, etc. N'est-il pas logique, dès lors, que l'Etat recrute lui-même ces fonctionnaires-là, et s'assure de leur aptitude et de leur moralité ?

Si, au contraire, l'Etat, sous prétexte qu'il n'a pas d'hommes à fournir, renvoie la plupart des hommes qui viennent demander à remplacer, il les livre nécessairement aux avidités de la spéculation particulière.

Et ici, messieurs, on ne peut blâmer l'action de la spéculation particulière, puisque, le gouvernement ne pouvant fournir assez de remplaçants, il faut bien que les gens qui veulent se faire remplacer aillent ailleurs chercher des remplaçants.

Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas un nombre suffisant de remplaçants à fournir à ceux qui viennent en demander ? II est vrai qu'il doit choisir ses remplaçants parmi les anciens militaires, ou plutôt parmi les militaires sortant du service ; car je ne sais pas s'il va chercher des remplaçants dans les anciennes classes libérées.

Eh bien, le gouvernement ne trouve pas à rengager ses propres soldats, et ces mêmes soldats vont se faire rengager par les recruteurs particuliers.

Les recruteurs particuliers, sociétés ou individus, trouvent moyen d'enlever au gouvernement ses éléments propres dont il pourrait faire des remplaçants ; ils trouvent moyen d'enlever les soldats à l'armée, et cela au su et au vu du gouvernement.

Ce fait est dénoncé, messieurs, dans les termes les plus énergiques dans cette même brochure à laquelle j'ai fait allusion tout à l'heure.

On y indique de quelles manœuvres on se sert pour soustraire, pour escroquer en quelque sorte les soldats qui sont à la veille de quitter le service. Les casernes sont environnées d'individus qui s'emparent de ces hommes. Ils ont mille moyens de les attirer et de les retenir, moyens plus ou moins honnêtes, sommes d'argent immédiatement dépensées en orgies, signatures surprises dans l'ivresse, etc., mais enfin ces hommes sont enlevés au gouvernement par une concurrence peu scrupuleuse.

Eh bien, l'honneur du gouvernement exige qu'on porte remède à un pareil état de choses.

Quand nous serons, messieurs, arrivés à l'article 65, je me permettrai peut-être de soumettre quelques idées à ce sujet. Je crois qu'il importe que le gouvernement puisse chercher ses remplaçants non pas seulement dans l'armée, mais en dehors de l'armée, en s'entourant de toutes les garanties voulues.

Ce sera aussi le moment de dire quelques mots de la proposition de l'honorable membre qui veut que chaque citoyen puisse, en versant une certaine somme avant ou après le tirage, s'exonérer de tout service.

Messieurs, quand j'attaque le recrutement fait par la spéculation particulière, je n'entends pas incriminer, en général, les sociétés ou les individus qui s'occupent de ce genre de négoce. Ils font leurs affaires avant tout ; ils ne s'occupent pas des intérêts de l'armée ; ils cherchent à vendre le plus cher possible la marchandise qu'ils ont achetée au plus bas taux possible. Tout cela est dans leurs convenances ; tout cela est dans leurs intérêts ; ils exercent leur industrie.

Nous avons même vu, à certaine époque, une grande société, composée d'hommes marquants, prendre à elle le soin de fournir des remplaçants. Elle voulait même se garer un peu contre le reproche de faire une spéculation purement financière et mercantile, et, dans ses statuts, on vit apparaître en projet un hôtel des invalides pour les vieux serviteurs de l'Etat. Oui, cette stipulation fut, à la face et je dirai un peu à la confusion du gouvernement, insérée dans les statuts de la société. Donc, elle devait fonder, comme Louis XIV, un hôtel des invalides pour les vieux serviteurs du pays.

Où chercher cet hôtel des invalides ? Où est-il ? Que sont devenues ces belles, ces patriotiques promesses ? Elles ont été rejoindre tant d'autres promesses brillantes qui vont s'enfouir chaque jour dans certaines catacombes où elles reposent profondément, au grand ébahissement des actionnaires déconfits.

Ceci, messieurs, est un sujet que je ne veux pas approfondir. Mais s'il est un point sur lequel je repousse l'initiative privée, la spéculation privée, c'est le point qui nous occupe. Je dis qu'il n'appartient pas à la spéculation privée de se charger du soin de ce grand intérêt national, que ce soin de recruter l'armée, les remplaçants comme les miliciens, doit rester daris les mains de l'Etat.

Cela ne m'empêche pas de rendre hommage aux sociétés et aux individus dont l'énergie, l'intelligence, la loyauté peuvent, en faisant leurs affaires, concourir à la richesse du pays, peuvent entreprendre des choses grandes et utiles. Et ce n'est pas pour nous le moment de jeter la pierre sans distinction à toutes les grandes entreprises qui peuvent se faire par l'association loyale des capitaux et des efforts particuliers, ce n'est pas le moment, devant le spectacle grandiose, sublime, dirai-je, qui s'offre aujourd'hui dans les deux mondes, c'est par l'initiative privée, par la réunion des énergies, des intelligences et des capitaux privés, secondés, il est vrai, par le gouvernement, que nous avons en ce moment sous les yeux ce grand fait de l'union directe de la Méditerranée et de la mer des Indes, de l'Europe avec les contrées asiatiques.

C'est aussi par les mêmes efforts que nous voyons l'immense et glorieux continent américain traversé par un chemin de fer gigantesque qui réunit l'océan Atlantique à l'océan Pacifique.

Je rends hommage à de pareilles entreprises et je ne les confonds pas avec celles que vous connaissez mieux que moi.

Messieurs, en signalant les inconvénients qui sont attachés au mode de remplacement, en indiquant à M. le ministre de la guerre des remèdes qui, selon moi, seraient propres à diminuer autant que possible le mal, je ne crois pas avoir accompli suffisamment ma tâche. Je voudrais prendre les choses à un point de vue plus élevé ; je voudrais que, par des moyens indirects, mais puissants, on parvînt en quelque sorte à détruire dans son germe ou a réduire considérablement l'habitude du remplacement. Ces moyens, messieurs, consistent à attirer dans l'armée les serviteurs volontaires et à les retenir.

(page 66) Il y a déjà, messieurs, en fait, dans la carrière militaire, beaucoup d'avantages, et il devrait y avoir beaucoup d'attrait ; et à ceux qui passent leur temps à dire aux classes populaires que l'armée est pour elles et leur famille une source de désagréments, de déboires et de ruine, il serait bon que l'on répondit par toutes les voies de la publicité, pour combattre et détruire leurs erreurs et les préventions dont ils entourent le service militaire.

Est-il vrai que dans l'armée belge, qui n'a pas d'aventures périlleuses à courir au dehors du pays, qui n'a pas de luttes extérieures sanglantes à affronter, le sort du soldat est plus enviable que celui de la plupart des travailleurs ?

Est-il vrai que l'homme du peuple ne trouve pas, en général, dans la vie civile les avantages qu'il rencontre dans la vie militaire ?

Où trouve-t-il dans une mesure, dans des conditions aussi bonnes, le logement, le vêtement, la nourriture, les soins hygiéniques, l'instruction de tous genres, avec moins de fatigue et de travail que dans la plupart de nos établissements industriels ?

Cela n'est pas niable.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Il y a tant d'avantages.

M. Rogierµ. - Je réponds dans ce moment à ceux qui déclarent au peuple, peu patriotiquement, selon moi, que l'armée est une source de souffrances et de sacrifices pour les classes laborieuses.

Au point de vue de l'instruction, on enlève, dit-on, une masse d'ouvriers à leur profession, et ils viennent oublier, sous les drapeaux, l'instruction qu'ils ont acquise dans les ateliers.

Mais, messieurs, est-il un seul état qui ne trouve dans l'armée une application utile ?

L'ouvrier y trouve presque toujours non seulement à travailler mais à se perfectionner.

Un grand nombre de travailleurs, armuriers, selliers, cordonniers, tailleurs, maréchaux, charrons, mécaniciens, palefreniers, sont occupés dans l'armée et en sortent souvent perfectionnés dans leur métier.

Le régiment du génie forme à lui seul une excellente école d'application. Il n'y a qu'un inconvénient pour l'armée, c'est que les hommes qui en font partie deviennent généralement si habiles, qu'ils sont enlevés par l'industrie aussitôt qu'ils ont fini leur temps.

Les soldats sont-ils peut-être maltraités par les officiers ?

Les officiers qui sont des gens bien élevés, dont le plus grand nombre sont parvenus, ce qui les honore, mais qui se souviennent de ce qu'ils ont été, soumettent-ils nos soldats à un traitement brutal ?

Qui oserait le soutenir ?

A entendre certaines plaintes, on croirait que les soldats, pour rejoindre leurs foyers, sont obligés de parcourir des distances infranchissables.

Or, ils sont tous à portée de leur famille et en 24 heures au plus, grâce au chemin de fer, ils peuvent rentrer chez eux, au premier signal d'une crise quelconque, ils obtiennent facilement des congés. M. le ministre de la guerre cède presque toujours aux demandes qui lui sont adressés, soit directement par des particuliers, soit par des représentants de la nation.

On peut donc dire que le service militaire est incomparablement plus doux et plus favorable en Belgique que dans d'autres pays et qu'il ne donne lieu à aucun des inconvénients que l'on a énumérés.

Ce n'est pas assez.

J'ai parlé de l'enseignement industriel ; le soldat belge reçoit de plus directement l'enseignement intellectuel ; il le reçoit, je veux le constater, obligatoirement. Il me semble avoir vu cela dans un règlement.

MgRµ. - La loi prévoit cela.

M. Rogierµ. - En tous cas, je crois que le gouvernement a raison d'introduire l'instruction obligatoire dans l'armée, en attendant que la loi civile l'introduise dans toutes nos écoles. (Interruption.)

Le soldat, messieurs, jouit déjà de beaucoup d'avantages ; eh bien, il y a lieu de les accroître encore par la rémunération du service.

Il y en a de deux sortes, il y a la rémunération que j'appellerai morale et la rémunération matérielle.

Au point de vue de la rémunération morale, je n'hésite pas à le dire, je trouve que le soldat qui a fait son temps de service avec honneur, qui rentre chez lui plus instruit, qui s'est mis en rapport avec les hommes et les choses de tout le pays, qui a commencé dans cette forte école à comprendre, sous le drapeau national, ce que c'est qu'un citoyen, ce que c'est que la patrie belge, je dis que celui-là plus que beaucoup d'autres est digne d'obtenir le droit de suffrage dans sa commune et dans sa province.

Et quand la loi de réforme électorale qui gît, je crois, depuis deux ou trois ans au Sénat, reviendra à la Chambre, je me propose d'y introduire un amendement dans ce sens et j'espère qu'en cela je ne serai pas combattu par M. le ministre de la guerre.

Cette récompense du service, je la qualifie de rémunération civique. Vient ensuite la rémunération civile qui réserverait aux soldats des places dans les carrières civiles. En fait, cela a lieu ; mais ne pourrait-on consacrer le fait en principe par la loi ? Enfin vient la rémunération dont le projet de loi contient le principe ; j'ai vu avec plaisir que le gouvernement, revenant sur une résolution première, a déclaré maintenir dans la loi le principe qui avait été énoncé dans l'exposé des motifs dans les termes suivants :

« Ce qui fait surtout un devoir au gouvernement de s'occuper de cette révision des lois sur la milice, c'est la nécessité reconnue d'améliorer le sort des miliciens et d'assurer une juste compensation à ceux qui ont consacré au service de la patrie quelques-unes de leurs plus belles années. »

C'est donc une disposition parfaitement motivée et je vois avec plaisir qu'elle a été maintenue dans la loi. On pourra discuter sur le meilleur mode à choisir pour appliquer ce principe ; je tiens provisoirement que celui qui est déposé dans le projet de loi de 1864 renferme beaucoup d'avantages. Le moment n'est pas venu de discuter les questions d'application ; mais je suis porté à croire que la Chambre trouvera difficilement un mode de rémunération plus avantageux que celui qui est proposé. Les jeunes Belges, au sortir de l'armée, sont en quelque sorte transformés, sont meilleurs sous divers rapports que lorsqu'ils y sont entrés. Sous le rapport physique, sous le rapport intellectuel, sous le rapport moral, sous le rapport politique et patriotique, l'amélioration est incontestable. Eh bien, à toutes ces qualités, le principe de la rémunération, tel qu'il est proposé, viendrait, s'il est adopté, en ajouter une autre, celle de la prévoyance.

La pension bien que modique qui leur est promise quand ils seront arrivés à un certain âge, une pareille perspective dans la vie d'un homme du peuple, c'est une consolation, un grand soulagement, au milieu des privations matérielles. Cet espoir que plus tard il sera dans une meilleure position entrelient de bonnes dispositions dans son cœur.

Le candidat rentier, fût-ce d'une rente modique mais proportionnée à sa position, devient ce qu'on appelle un conservateur. Il fera de petites épargnes afin d'augmenter par là même sa pension éventuelle et de s'assurer un revenu qui lui garantisse une vieillesse à l'abri du besoin. D'un autre côté, son exemple se répand autour de lui et la caisse générale des pensions voit s'accroître chaque jour le nombre de ses participants et l'étendue des services qu'elle peut rendre.

Quant à la manière dont sera formé le fonds de la caisse c'est une question à examiner ; mais je dis que, dût la caisse être alimentée exclusivement au moyen des ressources du Trésor public, ce ne serait pas un motif pour ne pas l'établir le plus tôt possible.

Et, messieurs, quand je préconise l'extension de l'esprit de prévoyance et d'épargne particulièrement au sein des classes populaires, j'ai cependant besoin de faire une réserve, bien qu'elle ne touche pas à la question qui nous occupe.

Je vais peut-être étonner un certain nombre de philanthropes, mais quand je parle du sentiment de l'épargne, je dois dire que je n'admire nullement ce qui se pratique depuis quelque temps dans quelques écoles primaires. Je n'aime pas, je le déclare, à voir stimuler, dès le plus bas âge, ce sentiment prématuré de prévoyance, et ce besoin d'épargne, qui répugne à la nature des enfants. J'aime mieux voir une petite fille distribuer les quelques liards qu'elle possède à d'autres plus pauvres que de la voir recueillant chaque jour avec avidité un centime à droite, un centime à gauche en vue de grossir le compte qui lui est ouvert à la caisse d'épargne.

Messieurs, je finis par une dernière observation.

Quand je considère l'armée, telle qu'elle est aujourd'hui constituée, quand je la considère fortifiée, perfectionnée, encouragée par les nouvelles améliorations qui peuvent y être introduites, quand je vois l'ensemble des avantages qu'elle offre à ceux qui en font partie, je me demande : Est-il bien vrai que cette armée renferme des germes de dissolution et d'injustice sociale ; que ceux qui la composent aient beaucoup à souffrir et à se plaindre ?

Je voudrais que l'on me citât un autre groupe quelconque de 50,000 Belges qui, au point de vue du logement, de la nourriture, du vêtement, des soins médicaux, de l'instruction, des sentiments qui les animent, de la sécurité dont ils jouissent, du peu de fatigue qui les accable ; je voudrais qu'on me citât un autre groupe de 50,000 Belges qui présente une réunion d'aussi grands avantages ; je n'en connais pas ; et si Belgique était divisée en 100 groupes de 50,000 individus jouissant des mêmes (page 67) avantages que l'armée, je demande si la Belgique ne serait pas un pays modèle.

Chaque fois que je compare l'armée à l'organisation de n'importe quel groupe civil, je donne de beaucoup la préférence à l'armée.

Mais, dit-on, le soldat, malgré ces avantages, se hâte, quand il peut, de quitter l'armée et de reprendre sa liberté.

Mais, messieurs, dans quelle situation jouit-on d'une complète liberté ? Qui de nous est complètement libre ? Chacun a ses obligations, ses devoirs à remplir ; chacun a son lien, sa tâche et je ne vois pas que le lien qui attache le soldat à son drapeau soit plus dur que celui auquel sont assujettis les travailleurs de toutes les catégories, depuis les simples ouvriers jusqu'aux patrons, jusqu'aux fonctionnaires les plus élevés.

J'espère que dans l'avenir, par la position qui sera assurée au soldat, par les efforts que fera le gouvernement, nous n'aurons pas à craindre de voir le nombre de remplaçants augmenter ; je crois que nous pourrons arriver à avoir un grand nombre de miliciens non remplacés et de volontaires.

Voilà ce que nous devons avant tout désirer ; quant aux remplaçants, s'il faut en subir, je demande que le gouvernement se charge de ce soin.

Voilà ce que j'avais à dire sur le chapitre en discussion. Je demande pardon à la Chambre de l'avoir occupée si longtemps.

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - Je remercie l'honorable préopinant de l'appui qu'il a bien voulu prêter à la plupart des idées que j'ai exprimées dans cette enceinte. Avec sa haute et longue expérience, avec les sentiments généreux qui l'ont toujours animé, il a signalé le mal et le remède. Le mal gît dans les remplaçants ; le remède, ce serait la présence dans l'armée d'un plus grand nombre d'éléments pénétrés par la discipline, guidés par le patriotisme.

Comme l'honorable M. Rogier, je suis persuadé que le remplacement crée aujourd'hui des non-valeurs au point de vue militaire et, d'autre part, une redoutable contagion pour les jeunes gens qui entrent dans l'armée. Je suis convaincu, comme lui, qu'il n'est pas juste, qu'il n'est pas conforme à nos idées modernes, qu'un homme traitant avec un autre homme ou avec une compagnie, fasse de sa vie et de sa liberté l'objet d'un marché et qu'il devienne lui-même une marchandise.

L'honorable M. Rogier, vivement préoccupé de la nécessité de rendre au service que chacun doit à son pays toute sa dignité et, lorsque ce service est acquitté, de rémunérer équitablement, généreusement ce que l'homme a fait pour son pays, l'honorable M. Rogier, dis-je, après avoir signalé les inconvénients du remplacement, a insisté pour qu'on y mît un terme et pour qu'à l'avenir ce fût le gouvernement lui-même qui cherchât à combler les lacunes qui existent dans l'armée.

Je me rallie complètement à ces observations, qui confirment celles que j'ai déjà eu l'honneur de présenter à la Chambre. Vous ne sauriez oublier, messieurs, que si, comme il y a tout lieu de le croire, la rémunération est inscrite dans la loi que nous discutons en ce moment, et si on y maintient le remplacement, vous vous trouverez devant des difficultés si considérables que je ne sais comment vous parviendrez à les écarter.

A coup sûr, vous n'accorderez pas la rémunération à ceux qui, d'avance, auront reçu le prix des services rendus ; et par cela même, dans votre force militaire, vous aurez deux catégories complètement distinctes : l'une dont le service méritera la rémunération nationale qu'on y attache, l'autre qui s'en trouvera complètement exclue, parce qu'en vertu d'un marché passé, elle aura déjà reçu non pas la rémunération nationale, mais le salaire d'un marché individuel.

Voilà, messieurs, un classement tel que, je n'hésite pas à le dire, il est impossible qu'une armée conserve sa dignité et le sentiment de la discipline, tant qu'on y trouvera à la fois des hommes que la patrie récompense, et d'autres dont elle ne daigne pas rémunérer les services.

Messieurs, tout le monde, je pense, est d'accord pour comprendre le mal, mais c'est lorsqu'on cherche le remède, que les difficultés sont nombreuses.

Il est évident que lorsque le gouvernement choisira lui-même les remplaçants, il aura le. droit d'être plus sévère et que le prix du remplacement s'élèvera successivement fort haut si, en même temps, on n'attache pas à la profession militaire certains avantages sur lesquels j'ai déjà vivement insisté.

Je remercie l'honorable M. Rogier de s'être joint à moi pour demander qu'à la sortie du service militaire un grand nombre d'emplois civils fussent assurés à ceux qui ont rempli honorablement leur devoir.

Mais, messieurs, pour que le service militaire soit convenablement organisé, il faut que ceux qu'on y appelle prennent l'engagement d'y rester pendant longtemps pour accomplir un service sérieux et pour apporter à l'armée ce sentiment de la discipline et de l'honneur militaire, qui en forme l'élément le plus indispensable.

Depuis que j'ai eu l'honneur de prendre la parole dans cette enceinte, M. le ministre de la guerre a fait distribuer un travail sur le temps nécessaire pour acquérir l'instruction militaire et je ne saurais assez en invoquer les termes.

M. le ministre de la guerre insiste énergiquement sur la nécessité que le soldat soit rompu à toutes les manœuvres, à toutes les marches, à toutes les fatigues, qu'il soit pénétré de ce sentiment de discipline sans lequel, dit-il, il n'y a point d'armée possible.

M. le ministre de la guerre fait remarquer que les cadres ne se composent pas seulement de sous-officiers et de caporaux, mais qu'il faut aussi y comprendre le nombre le plus élevé possible de soldats ; et il pense que si l'on veut réduire le service militaire, il est absolument nécessaire qu'à côté d'un milicien inexpérimenté on place un soldat qui soit déjà pénétré des devoirs et des traditions du service.

A ce point de vue, nous sommes, je le pense, complètement d'accord M. le ministre de la guerre et moi.

Il est évident que si vous voulez arriver, comme c'est notre vœu à tous, à réduire le service des miliciens, ce ne sera jamais qu'à une condition : c'est qu'il y ait dans l'armée un élément sérieux qui forme des cadres dans lesquels, au jour du danger, on fera entrer les miliciens qui ont déjà acquis une certaine instruction.

J'insiste donc, comme l'a fait l'honorable M. Rogier, pour que le service des miliciens soit convenablement rémunéré et pour qu'on engage, par tous les moyens possibles, un certain nombre de jeunes gens à entrer spontanément dans l'armée, afin que, par cela même, la somme du service obligatoire soit réduite le plus possible.

Je me suis déjà placé à ce point de vue, lorsque, la première fois, j'ai traité la question de l'exonération dans cette enceinte. Je disais, le 13 mai dernier :

« Je m'appuie sur ce principe, que la charge de la défense du pays étant une charge personnelle qui frappe l'homme au moment où il atteint la force nécessaire pour s'acquitter de ce devoir, il est juste que tous y prennent part ; et après avoir réclamé des classes aisées, au nom de l'intérêt général, une part contributive proportionnée aux intérêts qu'elles ont à défendre, je viens demander à tous les miliciens sans distinction, au nom de là prescription de la charge personnelle, un prix de rachat qui ne sera inaccessible, à aucune catégorie de travailleurs utiles.

« Le nombre d'exonérations est-il considérable ? La caisse d'exonération, plus riche, rémunère plus généreusement.

« La valeur de ce système repose tout entière dans ces termes corrélatifs :

« Plus l'exonération sera abondante, plus le service volontaire sera encouragé, plus le service obligatoire sera rémunéré ; et, en même temps, à mesure que les charges diminueront pour la population, la valeur de l'armée s'accroîtra. »

En effet, messieurs, ma proposition tend à placer en regard comme se compensant et se prêtant un appui réciproque ces deux idées parallèles : dès qu'il y a un grand nombre d'exonérations, leur produit, est assez élevé pour qu'elles cessent, car la carrière militaire, dès ce moment, devient une carrière mieux rétribuée peut-être que toute autre. L'application du système porte en elle-même son remède : c'est ce qui le justifie.

Quand, dans la dernière séance, je faisais remarquer qu'en France de nombreuses attaques s'élevaient en ce moment contre l'armée, j'étais loin de m'y'associer. J'éprouve, un sentiment complètement opposé à la pensée qui les a dictées, mais je souhaiterais pour notre armée que l'on ne pût jamais élever contre elle ce reproche, qu'elle épuise les ressources du pays et qu'elle ralentit le mouvement de. la prospérité publique.

Lorsque j'ai parlé des Pays-Bas, le terrain me paraissait bien meilleur parce que là il y a des traditions qui nous sont en quelque sorte communes. Vous savez que la loi fondamentale et la première loi de milice avaient admis la plupart des idées que je reproduis aujourd'hui. Dans les Pays-Bas, l'on y est resté fidèle. L'expérience a confirmé les efforts auxquels on s'est livré, et je regrette de devoir ajouter que les anciennes idées étaient les plus libérales et que des deux voies que l'on a suivies, dans les Pays-Bas pour s'en rapprocher, ici, en s'en éloignant, ce n'est pas celle que nous avons adoptée, ce n'est pas la nôtre qui répond aux idées économiques les plus justes et les plus éclairées.

Messieurs, j'ai cherché pour ma part à maintenir le débat dans les régions les plus élevées, dans les régions des principes, et la Chambre m'est témoin que j'ai fait bon marché des faits isolés et des questions de détail où j'aurais pu m'égarer. Je regrette vivement que M. le ministre de (page 68) l’intérieur, laissant complètement de côté ces grands principes, ait préféré s'attacher à des questions d'application toujours aisées à résoudre quand les principes sont admis.

Il y a, messieurs, dans cette question, un axiome qui me semble tout dominer. Un écrivain de nos jours a dit que la mission des hommes d'Ftat était de faire de la politique avec le moins de guerre possible et que la mission des généraux était de gagner des batailles avec le moins de force passible. Il me semble qu'on pourrait ajouter pour cette question, que le but que nous avons à rechercher, que nous devons poursuivre, est d’arriver à acquérir le maximum de force dans l'armée en y associant le minimum de sacrifices dans la population. Car il faut, messieurs, concilier deux principes différents : l'un de force pour l'élément qui protège le pays, l'autre de fécondité pour l'élément qui le nourrit, qui l'enrichit, qui le rend prospère.

C'est à ce point de vue, messieurs, que je me suis placé ; je regrette de devoir le quitter, mais je m'y vois forcé, et ce qui diminue un peu mon regret, c'est que M. le ministre de l'intérieur a bien voulu me faire cette concession : que le système que j'ai proposé lui ouvrait un ciel d'azur et que ce serait un système excellent si je parvenais à en écarter les difficultés financières.

M. le ministre de l'intérieur a fait un grand usage de statistiques relatives à la répartition de la richesse et de l'aisance dans le pays. La question est intéressante, et j'éprouve le besoin de protester tout d'abord contre ces statistiques et de les repousser. Le tableau dont M. le ministre a fait usage et qui est joint au premier travail sur la loi de milice, ce tableau, messieurs, constate des résultats vraiment extraordinaires.

Il y aurait dans la population belge non pas 80 p. c, comme le dit M. le ministre de l'intérieur, mais 87 p. c. de gêne et d'indigence. Il existe une autre statistique faite en 1857, réimprimée récemment dans un ouvrage étranger, d'après laquelle il y a en Belgique 9 riches, 42 individus qui ont à peine de quoi vivre et 49 individus qui se trouvent dans une gêne complète. On ajoute qu'il y a 88,000 citoyens qui n'ont d'autre profession que la mendicité publique. Les chiffres de l'une et de l'autre statistique sont, messieurs, complètement inexacts aujourd'hui ; je crois même qu'ils l’étaient à l'époque où les statistiques ont été faites.

.En effet, un relevé dressé par le département des finances constate que dès 1850 il y avait en Belgique 953,000 propriétaires, parmi lesquels il s'm trouvait 75,000 possédant un revenu de plus de 400 francs.

Voyez, messieurs, où conduisent les statistiques de 1864 invoquées par M. le ministre de l'intérieur ; il en résulte que ceux qui se trouvent dans une grande aisance ne représentent que 5 p. c. de la population, qu'il y a 8 p. c. d'aisance, 27 p. c. de gêne et 60 p. c. d'indigence, de sorte que 87 p. c. de la population de la Belgique se trouvent placés ou dans un état de gêne constante ou dans un état de gêne momentanée.

Et ceci présente encore ce rapprochement bizarre, étrange, impossible, que, d'après le même tableau, la grande fortune emploie moins de remplaçants que la complète indigence, et que l'aisance, qui répond à la situation moyenne du pays, paie moins de remplacements que la gêne. Je veux bien admettre que beaucoup d'ouvriers, au prix de leurs sueurs, cherchent à former un pécule pour le remplacement de leurs enfants ; mais à coup sûr les classes aisées, par le nombre d'individus qui les composent aussi bien que par leurs ressources, doivent représenter la plupart des remplacements.

J'ajouterai, messieurs, que des statistiques toutes différentes établissent les erreurs de chiffres que j'ai eu l'honneur de signaler. Ainsi, la dernière statistique du gouvernement établit qu'il y a non pas 86 p. c. de gêne et d'indigence, mais seulement 13 p. c. d'indigents secourus : ce qui renverse précisément les chiffres. Tout récemment, à propos d'un concours ouvert par l'Académie, on a fait une enquête dans une commune de la Flandre, qui n'est pas riche, qui est même une des plus stériles : on a constaté que l'indigence y est aujourd'hui réduite à moins de 9 p. c.

Je tiens à faire remarquer à la Chambre qu'il n'y a pas un pays en Europe où le travail soit plus productif qu'en Belgique, où l'agriculture et l’industrie, associant leurs efforts, augmentent chaque jour davantage la richesse publique.

H est bon de le dire bien haut : la richesse publique est plus développée en Belgique que partout ailleurs. On a remarqué notamment que pour la population, elle est double en Belgique de ce qu'elle est en France, que le produit du sol est aussi presque double de celui de la France et qu’il dépasse d'un tiers celui de l'Angleterre, Incontestablement l'industrie se développe aussi rapidement que l'agriculture.

Constatons donc que ces renseignements statistiques, d'après lesquels la Belgique serait livrée pour quatre cinquièmes à la gêne et à l'indigence, n'offrent aujourd'hui aucune valeur sérieuse.

II y a en Belgique un revenu de deux à trois milliards, et, à coup sûr, la part que chaque citoyen apporterait à l'exonération du service militaire serait plus considérable que dans tous les autres pays de l'Europe.

J'ai ici un des tableaux officiels de l'exonération en France : elle produisait annuellement de 50 à 60 millions, et, veuillez-le remarquer, M. Vast-Vimeux affirme que les pères de famille ne s'en plaignaient pas.

Et cependant le taux en était beaucoup trop élevé et vous savez qu'en 1865 la commission du corps législatif avait manifesté le vœu que l'exonération fût mise à la portée de toutes les classes aisées. J'ai eu à cette époque des relations assez fréquentes avec l'honorable rapporteur de cette commission, et il a bien voulu m'assurer que mes observations n'avaient pas été étrangères au vœu consigné dans son rapport.

Si en France l'exonération produisait 50 à 60 millions à une époque où elle n'était guère accessible qu'aux fortunes assez considérables, que produirait-elle si elle était à la portée de toutes les classes de la société ? Il est assez connu que l'impôt, pour être productif, ne doit pas s'arrêter à des exceptions, mais qu'il doit frapper la généralité des citoyens.

Et, ici encore, messieurs, nous avons des chiffres qui ont leurs enseignements.

Lorsqu'en France l'exonération était à 2,500 francs, il y avait 20 p. c. d'exonérés.

Lorsqu'elle fut réduite à 2,300 francs, il y en avait 23 p. c.

Lorsqu'elle descendit à 2,000 francs, il y en eut près de 28 p. c, de sorte que chaque fois que l'on réduisait le taux de l'exonération, on voyait les exonérés affluer en plus grand nombre et en même temps la caisse d'exonération recevoir davantage.

J'ai consulté à ce sujet les économistes les plus distingués et ils m'ont assuré que si, en France, l'exonération avait produit 50 à 60 millions dans les conditions que je viens d'énoncer, le produit eût été décuple si l'on eût mis l'exonération à la portée de toutes les classes aisées.

Cela serait vrai surtout pour la Belgique. Il y aurait un produit énorme si l'exonération était à la portée de tous les degrés de l'aisance.

Je tiens à entrer dans quelques détails à cet égard. Et puisque M. le ministre de l'intérieur a déclaré que c'était une question essentiellement arithmétique, il est bon, je pense, que je fasse connaître, en quelques mots, les chiffres sur lesquels je me suis basé.

Il y a, messieurs, un moyen très habile de détruire toutes les idées, de renverser toutes les théories, fussent-elles les meilleures et les plus rationnelles : c'est d'exagérer leurs conséquences. M. le ministre de l'intérieur nous disait, il y a quelques jours : « La Belgique a un contingent de 12,000 hommes. Pas un ne marchera, tous s'exonéreront. Il faudra que l'Etat trouve 12,000 exonérants. Il paiera au moins 1,200 francs pour chacun d'eux : ce qui amènera une dépense de quinze millions. »

Mais, messieurs, ce raisonnement est-il logique et ces conséquences sont-elles rationnelles ?

Quand a-t-on pu prévoir que l'exonération comprendrait tous les inscrits ? Le gouvernement, je pense, s'est déjà livré à quelques recherches à cet égard et j'ai vu, pour ma part, un travail qui a été publié et qui émane du général Guillaume, travail qui a été rédigé d'après les archives du département de la guerre et où l'on établit que, d'après les prévisions les mieux établies, l'exonération ne s'étendra pas au delà de 50 p. c.

Mais, messieurs, si l'on se place d'une manière toute spéciale au point de vue que j'ai embrassé, on voudra bien reconnaître, je pense, que les avantages que je veux accorder à l'engagement volontaire multiplieront les enrôlements spontanés ; on voudra bien admettre aussi le vieil axiome que la force d'une armée se compose du chiffre des hommes qui servent, multiplié par la durée du service, et comme, en rémunérant largement l’engagement volontaire, j'entends lui imposer un service prolongé, il en résultera qu'un homme qui servira longtemps prendra la place de deux ou trois hommes.

Eh bien, si, au prix de tous ces sacrifices, de tous ces encouragements, j'arrive seulement à 3,000 volontaires, ces 3,000 hommes me représenteront 6,000 hommes marchant aujourd'hui avec un service de 24 à 27 mois.

On voudra bien admettre encore que dans tout contingent il y aura 10 p. c. d'hommes qui n'auront pas la faculté de s'exonérer.

A côté de ceux-ci, si la caserne est plus agréable, si le tableau que nous en a tracé M. Rogier devient plus vrai, si l'éducation du soldat est plus complètement organisée, si en sortant de la carrière militaire l'homme se sont relevé par la conscience de sa dignité et de son devoir, eh bien, (page 69) dans ce cas ne verrait-on pas aussi 1/10 du contingent, loin de s'exonérer, accepter et préférer à toute autre la carrière militaire ?

Dans ces conditions, je me trouve seulement devant un besoin de trois mille volontaires et de quatre mille exonérants ; cela entraîne, à raison de 1,200 francs pour 7,000 hommes, une dépense totale de 8,400,000 francs. Voilà le besoin financier auquel je dois faire face.

Sans revenir au projet que j'ai eu l'honneur de présenter, je rappelle qu'il repose sur cette base : que chaque père de famille inscrit au rôle de l'impôt personnel paye une somme triple de ce que représente sa quotité dans cet impôt en le divisant par le nombre d'enfants.

Messieurs, on a calculé que la charge du service personnel se représente tous les 15 ans pour chaque famille ; il faut donc prendre chaque année le 1/15 de tout l'impôt personnel, soif 700,000 francs ; mais on objectera peut-être que cette somme doit être divisée par le nombre d'enfants et qu'elle sera bien réduite. Cette objection n'est pas sérieuse. J'affirme que, dans le cours des études auxquelles je me suis livré, j'ai consulté un grand nombre d'hommes distingués par leur science en économie politique et en statistique, et si je n'ai pas mis sous les yeux de la Chambre tous les renseignements que j'ai recueillis, c'est que j'ai craint d'abuser de sa patience.

Le résultat de ces observations a été celui-ci : c'est que plus on monte haut dans l'échelle, de l'aisance et surtout de la richesse, plus le nombre des enfants diminue, et, au lieu de réduire ce chiffre de 700,000 francs, il y a lieu de le tripler tout au moins. Comme c'est surtout la richesse et la grande aisance où il y a le moins d'enfants, qui s'exonéreront, il est incontestable que le produit de l'exonération s'élèvera chaque année au moins à 2,100,000 francs.

Si vous voulez bien encore tenir compte de cette règle, résultant de mon système, qui oblige chaque famille exonérée à verser 300 francs, vous remarquerez aussitôt que 300 francs, multipliés par 6,000 exonérés, nous donnent 1,800,000 francs. 1,800,000 francs et 2,100,000 francs me conduisent aux 4,000,000 de francs que je veux demander aux exonérés.

J'ai toujours entendu que l'Etat ajouterait dans la caisse de l'exonération une somme pareille à celle qui serait versée par les exonérés ; car si, d'une part, il y a obligation de s'associer aux charges de la patrie, quand on arrive à l'âge du service militaire, d'autre part, il y a également, pour les personnes qui restent étrangères à cette charge, pour les vieillards, pour les femmes, pour les enfants, des intérêts à défendre et à sauvegarder et par suite une part à prendre dans les sacrifices à subir. Quatre millions et quatre millions forment précisément les huit millions dont j'ai besoin pour constituer mon fonds d'exonération.

Mais je tiens à faire remarquer que la part de l'Etat ne dépasse pas ici quatre millions, et si l'on veut y ajouter deux millions pour encouragements à payer aux miliciens, à raison de 5, 7 ou 10 francs de service réel par mois, vous aurez une dépense totale de six millions ; et, à coup sûr, ce n'est pas être bien téméraire, car, si je suis bien informé, le projet sur l'exonération préparé par M. le général Greindl, quand il était ministre de la guerre, était accompagné de tableaux qui établissaient que. la part contributive de l'Etat devait être de six millions, soit précisément le chiffre dans lequel je me renferme.

Je tiens, messieurs, à ne pas prolonger ce débat. Il y a cependant deux objections qui m'ont été faites par M. le ministre de l'intérieur et auxquelles je me trouve dans la nécessité de répondre un mot. M. le ministre de l'intérieur a plaisanté fort agréablement sur un des derniers articles de ma proposition d'où il résulte que si le nombre des exonérés est supérieur à celui des exonérants, on dispense de l'exonération non pas les plus pauvres, mais les plus riches.

Je ne sais, messieurs, si je me suis expliqué d'une manière assez claire à cet égard ; mais il me paraît bien évident qu'il ne pouvait pas en être autrement. Si j'avais dit à l'ouvrier qui avait apporté ses 300 francs : « J'ai plus d'exonérés que d'exonérants, garde tes 300 francs et marche ; c'est le riche, qui restera chez lui », il y aurait eu là une inégalité profonde, une véritable injustice. C'est pourquoi j'ai annulé l'exonération du plus riche, mais en lui disant que, à raison même de la faculté qu'il avait eue de s'exonérer, il devait laisser à la caisse la moitié de la somme qu'il avait versée.

Je donne au riche la faculté de se faire remplacer, mais à la condition expresse, sine qua non, de choisir un homme qui a déjà servi, et avec honneur, dans l'armée.

L'ouvrier reste à son travail ; le prix de l'exonération sera quelque peu accru pour le riche, et, cette fois, le remplaçant ne sera qu'un rengagé de plus.

Ce n'est donc pas un privilège que je constitue pour la richesse ; au contraire, je maintiens l'exonération au profit du travailleur, au profit de l'ouvrier ; et si j'impose au ricin» la charge la plus lourde, c'est qu'il devait en être ainsi.

Il est un autre point sur lequel je tiens à m'expliquer. Si j'ai bien compris M. le ministre de l'intérieur, il a voulu soutenir que, même en abaissant le chiffre de l'exonération jusqu'à 300 francs au profit des classes les moins aisées, je priverais de la faculté de l'exonération un grand nombre de citoyens. Je ne pense pas, messieurs, qu'il en soit ainsi.

L'honorable M. Rogier développait tout à l'heure des idées de prévoyance et d'économie auxquelles je m'associe complètement et je n'hésite pas à croire que, lorsqu'on saura d'avance que le prix de l'exonération est réduit à 300 francs, il n'est pas un honnête ouvrier qui ne cherche à réunir cette modique somme pour exempter son fils du service militaire. Je vais plus loin : en supposant même que ce milicien soit orphelin, sans famille, sans appui, j'affirme que, si c'est un honnête travailleur, il n'est pas un chef d'atelier, pas un fermier, qui ne lui avance volontiers ces 300 fr. pour le conserver près de lui.

J'affirme donc que mon système, si la Chambre se prononce en sa faveur, aura cet important avantage, qu'il n'y aura pas en Belgique un honnête travailleur qui ne puisse en recueillir les bienfaits.

Je désire ne pas abuser plus longtemps de l'attention de la Chambre ; mais avant de terminer, je désire adresser deux questions à M. le ministre de l'intérieur.

Lorsqu'il a déclaré à la Chambre en 1866 qu'il fallait, dans l'intérêt du maintien de l'armée, apporter dans son organisation des modifications profondes, de grandes réformes, quelles devaient-elles être dans son opinion, et juge-t-il que ces réformes utiles, nécessaires, se trouvent dans le projet de loi que nous discutons ?

Je demanderai ensuite à l'honorable ministre quelle était sa pensée quand, au sein de la commission mixte de 1867, il se ralliait à l'exonération, en en étendant le principe non seulement à l'armée active, mais aussi à l'armée de réserve ? Si l'honorable M. Pirmez, au sein de la commission mixte, a cru, comme l'honorable M. de Brouckere, comme l'honorable M. de Naeyer, comme tant d'autres de nos honorables collègues, que 1'exonération était une mesure bonne et utile, je désirerais savoir quels sont les motifs qui ont dicté son opinion à cette époque et quels sont ceux qui aujourd'hui l'y ont fait renoncer.

MiPµ. - L'honorable M. Rogier a appelé l'attention du gouvernement sur le mode actuellement suivi pour le remplacement dans l'armée. D'après lui, le système que le département de la guerre applique en vertu de la loi, est tout à fait insuffisant, en ce sens que ce département ne peut fournir un nombre de remplaçants correspondant aux demandes des miliciens.

Je ferai remarquer à l'honorable membre que le projet de loi, dans un de ses articles, prévoit un système beaucoup plus large que celui qui se pratique aujourd'hui, et que dorénavant le département de la guerre pourra fournir des remplaçants aux miliciens, aux mêmes conditions que les sociétés de remplacement, c'est-à-dire en prenant tous les hommes réunissant les conditions convenables, qu'ils aient ou non antérieurement appartenu à l'armée.

Celle observation fait droit, me semble-t-il, à la réclamation de M. Rogier.

Cependant, je ne sais si l'honorable préopinant ne veut pas aller plus loin, c'est-à-dire si, dans sa pensée, il n'y aurait pas lieu d'interdire complètement le remplacement fait en dehors de l'intervention du gouvernement...

M. Rogierµ. - J'y incline beaucoup.

MiPµ. - Puisqu'il en est ainsi, j'ajouterai quelques observations ayant pour but de prévenir qu'on ne cède à une inclination que je considère comme dangereuse.

Je ne vois pas pourquoi, tout en donnant au département de la guerre les moyens de fournir aux miliciens qui en font la demande autant de remplaçants convenables qu'il peut en trouver, on empêcherait le remplacement fait par les sociétés particulières.

Entre-t-il dans les intentions de l'honorable membre d'empêcher un frère de remplacer son frère ? Non ! me répond-il. Voilà donc déjà un mode de remplacement que l'honorable M. Rogier autorise. S'opposerait-il à ce qu'un milicien changeât de numéro avec un autre milicien, de la même classe ou d'une classe précédente ? Non, me répond-il encore ; mais veuillez remarquer que si vous admettez que l'on peut faire un échange de numéros, vous admettrez par cela même le remplacement, qui n'est pas autre chose que cela ; c'est-à-dire l'échange d'une position contre une autre.

Si vous autorisez l'échange de numéros entre miliciens appartenant a des classes de milice différentes, je ne vois pas pourquoi vous ne permettriez pas en thèse générale, qu'un homme, prît la place d'un autre dans l'armée. (page 70) Remplacement on substitution peu importe : la substitution que vous admettez offre les mêmes inconvénients que le remplacement proprement dit, car il a été constaté que les substituants sont aussi mauvais que les remplaçants. Il n'y a, à cet égard, aucune différence. Vous voyez donc qu'il est impossible d'interdire les contrats ayant pour but d'assurer les mutations que je viens d'indiquer. Or, par cela seul que vous reconnaissez la légitimité de ces contrats, vous autorisez le remplacement d'une manière générale.

N'est-il pas incontestable, en effet, que si l'on autorise des particuliers à faire les contrats que j'ai indiqués, on ne pourra empêcher les tiers d'agir comme intermédiaires entre les parties qui sont disposées à contracter ?

II n'y a donc pas, à cet égard, de mesures prohibitives à prendre. Le remède n'est pas dans la création d'un monopole, il est ailleurs. Ce qu'il convient de faire, c'est d'exiger des conditions plus sévères pour l'admission des remplaçants dans l'armée. Or, c'est précisément ce que veut le projet de loi et en examinant les articles du chapitre relatif au remplacement, l'honorable membre pourra se convaincre qu'on y a introduit toutes les mesures propres à empêcher les abus qu'on a signalés jusqu'à présent de se reproduire à l'avenir.

J'appelle maintenant l'attention de la Chambre sur une autre considération et je réponds, en même temps, à l'une des questions que l'honorable M. Kervyn m'a adressées. Au sein de la commission militaire dont j'ai fait partie, je me serais déclaré partisan de l'exonération.

Il y a exonération et exonération ; je crois n'en avoir voté aucune, et je sais que je n'ai, ni de près ni de loin, approuvé rien de semblable à ce qui se discute ici.

De quoi s'agissait-il alors ? Il s'agissait de rechercher les moyens d'empêcher les mauvais remplaçants d'envahir l'armée, de trouver un remède à la fâcheuse situation qui était signalée par l'autorité militaire. L'avant-projet, formulé dans ce but, avait simplement pour effet de remettre le remplacement entre les mains de cette autorité.

Mais aujourd'hui, messieurs, le département de la guerre déclarant que le nouveau projet est parfaitement acceptable et reconnaissant que les conditions qui y sont inscrites suffisent pour que l'armée n'ait plus à craindre ce fléau de mauvais remplaçants, je ne vois pas pourquoi je ne me prononcerais pas pour la création du monopole du remplacement entre les mains de l'Etat.

J'admets que le ministère de la guerre puisse fournir des remplaçants, mais je tiens à conserver la faculté, pour les particuliers, de se faire remplacer sans passer par son intermédiaire.

Le département de la guerre se déclare satisfait ; dès lors je le suis également. Agir autrement, ce serait être plus catholique que le pape.

M. Kervyn comprendra, je l'espère, maintenant pourquoi je me contente d'une garantie moins absolue et que je ne veuille pas priver l'autorité civile et les députations provinciales du droit de déclarer si, oui ou non, tel homme peut être introduit dans l'armée comme remplaçant.

L'honorable M. Rogier a parlé des avantages qu'il convient d'assurer aux miliciens à leur sortie du service.

Parmi ces avantages (et M. Kervyn a également insisté sur ce point), le plus important serait la collation d'un certain nombre de fonctions civiles aux miliciens qui ont fait leur terme.

M. Mullerµ. - Un des plus importants.

MiPµ. - Evidemment, il en est d'autres aussi importants que celui-là, tels par exemple que. le droit de vote, dont je ne m'occupe pas pour le moment, attendu qu'il n'est pas question ici de la loi électorale, et la rémunération dont il s'agit dans un autre chapitre du projet, dont l'examen viendra en son temps.

J'en reviens donc à la collation d'un certain nombre d'emplois civils que M. Rogier voudrait voir accorder aux miliciens qui sortent du service. Mais, messieurs, je crois qu'aujourd'hui déjà dans tous les départements ministériels on choisit de préférence pour ces emplois, à mérite égal, les hommes qui ont servi dans l'armée. Tout ce qu'il est possible de faire à cet égard est donc déjà fait.

Mais ce serait une illusion de croire que les emplois publics que l'on peut conférer à certains individus, uniquement parce qu'ils ont servi dans l'armée, sont si nombreux. Il suffit de passer en revue les différentes fonctions de cette nature pour s'assurer que la plupart d'entre elles ne sauraient être convenablement remplies par des hommes qui n'ont d'autre titre que d'avoir été soldats.

On donne déjà la préférence à ceux-ci, comme je viens de le dire, pour les emplois qu'ils sont aptes à remplir, tels que certains emplois dans la douane et autres semblables ; aller plus loin, c'est-à-dire imposer au gouvernement l'obligation d'attribuer une certaine part de fonctions à des miliciens, ce serait l'obliger à prendre parfois des hommes moins propres que d'autres à remplir ces fonctions. Je crois qu'il y aurait dans l'introduction de ce système une exagération qui n'entre pas dans les intentions de l'honorable M. Rogier.

Messieurs, j'arrive aux observations que vient de présenter l'honorable M. Kervyn.

L'honorable membre aime beaucoup à se maintenir dans les hauteurs. Il me reproche de descendre aux détails.

J'ai, pour ma part, des idées toutes contraires aux siennes. Je n'aime pas à me tenir dans les nuages, à me complaire dans des généralités dont il est impossible de rien faire sortir. J'aime, au contraire, à discuter les lois par leurs côtés pratiques. Or, les deux détails dont je me suis occupé sont ceux-ci :

J'ai dit à l'honorable M. Kervyn : Vous n'avez pas d'argent pour constituer votre système d'exonération et vous n'avez pas d'hommes. Si l'honorable, membre trouve que c'est abaisser le débat que de discuter ces questions, je ne sais plus ce qu'il faut discuter dans une loi d'exonération. C'est bien là le véritable nœud de la question, et tout ce qu'on peut dire sur le sort des miliciens, sur les avantages d'une exonération facile, ne fait pas avancer le débat d'un pas.

La question est celle-ci, il faut l'aborder de front : Avez-vous de l'argent ? avez-vous des hommes ?

Avez-vous de l'argent ?

Pour démontrer la négative, je vous ai fait un calcul bien simple.

Vous me répondez que vous avez consulté des hommes extrêmement compétents. Mais tous les hommes, quelque compétents qu'ils soient, ne renverseront pas les chiffres que j'ai indiqués. L'impôt personnel produit en Belgique une somme de 10 millions et il y a 5 millions d'habitants. 10 millions divisé par 5 millions donnent 2. La moyenne de l'impôt personnel est de 2 francs par habitant. Voilà un calcul arithmétique que l'on ne peut contredire.

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - Il n'y a pas autant de cotes personnelles. La cote personnelle, en moyenne, est de 25 francs.

MiPµ. - Je vous fais juges, messieurs, de l'exactitude de cette observation et des erreurs que commet l'honorable M. Kervyn lorsqu'il daigne descendre dans les détails de chiffres.

Pour établir la moyenne des cotes, on ne tient pas compte des individus qui ne payent rien. Or, sur les 900,000 maisons qui existent en Belgique, il y en a 500,000 qui ne payent pas l'impôt personnel. La moyenne de la cote n'a donc rien de commun avec la moyenne de l'impôt par famille. Premier point : remarquez d'une autre part, qu'une cote représente un assez grand nombre d'individus, c'est-à-dire, toute une famille. D'après le système de l'honorable M. Kervyn, il faut reporter la cote entre tous les membres de la famille. Et en effet, si on ne le faisait pas, on commettrait une injustice, car on ferait payer par les miliciens dont les familles sont nombreuses la même somme que par les autres. La proposition de diviser la cote entre tous les membres de la famille est donc juste et équitable. Mais à quoi conduit-elle ? A ce que chaque milicien représente exactement la moyenne de l'impôt personnel.

Or, comme je vous l'ai indiqué, et comme le reconnaîtront tous les hommes compétents, 10,000,000 divisés par 5,000,000 donnent 2 ; donc, la moyenne de l'impôt personnel est de 2 francs, et trois années d'impôt personnel représentent, exactement 6 francs.

L'honorable M. Kervyn, pour échapper à ces détails, tombe dans une contradiction étonnante.

Il dit : « Je compte sur les exemptions de la partie aisée de la population, et par conséquent le chiffre de l'exonération s'élèvera. » C'est vrai ; mais quand je lui réponds : « Vous voulez donc faire une loi d'exonération au profit des riches et au préjudice des pauvres ? » Non ! Dieu me garde, s'écrie-t-il, d'une pareille pensée, seulement comme je réduis le taux de l'exonération à 300 francs, tout le monde pourra s'exonérer ; il n'y a pas d'industriel ni de fermier qui ne fasse à son ouvrier l'avance de 300 francs dont il aura besoin !

Mettez-vous, je vous prie, d'accord avec vous-même.

Voulez-vous exonérer tout le monde, oui ou non ?

Si vous ne voulez exonérer que les classes supérieures, vous faites une loi antidémocratique, vous faites une loi de privilèges pour ceux qui peuvent payer.

Mais si, comme je le suppose, vous voulez exonérer tout le monde, j'en reviens à mon calcul et vous oppose mes 6 francs de contribution personnelle, soit 12 francs en admettant que, sur deux individus, il n'y en a (page 71) qu'un qui soit appelé à servir dans l'armée. Or, cette somme de 12 francs n'est-elle pas d'une manifeste insignifiance ?

Certainement si avec 300 francs vous pouviez fournir à l'armée le nombre d'hommes nécessaire, je le répète, vous auriez atteint à un magnifique résultat, mais où trouverez-vous des hommes à ce prix ? Là est le vrai point du débat.

L'honorable M. Kervyn me fait un autre reproche : « M. le ministre de l'intérieur, dit-il, prétend qu'il faut 12,000 exonérants, tandis qu'il n'en faut, en réalité, que 7,000 » ; et les quinze millions se réduisent donc de moitié...

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - Ce sont les plus riches qui se feront exonérer.

MiPµ. - Votre loi n'est donc pas démocratique ; elle est donc faite pour les classes aisées.

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - Elle sera à la portée de tout le monde, mais les riches surtout en profiteront et ceux qui n'ont pas de carrière embrasseront la carrière militaire.

MiPµ. - Je le répète encore, pour avoir des hommes, il faut les payer. Voilà à quoi se résume toute la question. Eh bien, je le demande encore à l'honorable M. Kervyn : comment peut-il espérer qu'en faisant passer l'argent d'une main dans une autre, par l'intermédiaire d'une caisse mystérieuse, il lui sera possible d'obtenir des hommes au prix de 300 francs ? (Interruption.) L'honorable membre pourra distribuer des éloges aux citoyens qui embrassent la noble carrière des armes, mais il peut le faire aujourd'hui déjà ; nous sommes tout disposés à parler de cette noble carrière, des défenseurs du pays, des protecteurs du territoire et de l'indépendance nationale ; mais cela existe aujourd'hui et vous ne réaliserez absolument rien de plus par votre système, loin de là.

Vous espérez beaucoup d'hommes et vous annoncez que vous les garderez longtemps sous les armes...

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - Ils auront des emplois civils.

MiPµ. - Mais quels emplois civils ?

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - Voyez la Hollande.

MiPµ. - Dites-moi les emplois civils que vous voulez leur donner !

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - Les douanes, les accises, les chemins de fer.

MiPµ. - Ce sera vraiment bien encourageant que de dire à un homme ayant servi six ou huit ans dans l'armée : Vous serez piocheur ou garde-convoi.

Croyez-vous que vous aurez beaucoup de miliciens pour ces emplois ? Je suis sûr que mon honorable collègue des travaux publics sera tout disposé à les admettre.

M. Mullerµ. - Il n'en aura pas tous les ans.

MiPµ - Pour que le système de l'honorable M. Kervyn soit réalisable, j'en reviens toujours là, il faut que l'on ait des remplaçants au prix de 300 francs. Mais, si la chose était possible, nous pourrions en avoir à ce taux avec le système actuel, nous pourrions même les avoir mieux avec ce système, grâce aux efforts individuels et à la concurrence.

Or, on ne les obtient pas actuellement à ce prix ; il faudra donc, pour obtenir des hommes, d'après le système proposé par M. Kervyn, augmenter la somme qu'il indique. Or, augmenter cette somme, c'est augmenter la contribution des exonérés.

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - Aujourd'hui on ne leur donne presque rien et il y en a un grand nombre.

MiPµ. - Si l'on pouvait doubler le nombre des volontaires, nous réduirions le chiffre du contingent, afin de faire profiter tout le monde de cette situation.

Ce qu'il faut donc, messieurs, c'est obtenir des hommes qui consentent à marcher à certain prix. Or, si le prix doit être augmenté, il est évident que vous devriez l'augmenter dans tous les systèmes, dans le système de l'exonération comme dans celui du remplacement qui se pratique aujourd'hui.

On a essayé en France du système de l'exonération et à quoi cela a-t-il abouti ? A ce que l'on a dû successivement élever le prix de l'exonération jusqu'à 2,800 francs.

Vous voyez donc que le mode d'exonération n'est pas un mode qui donne des remplaçants à bon compte.

Ce système a été abandonné en France.

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - Il a eu, il est vrai, des inconvénients.

MiPµ. - Pourquoi le proposer alors ?

Je vois, messieurs, que l'honorable M. Thibaut n'est pas ici. Je n'aurais qu'un seul mol à lui répondre.

On emploie une manière de discuter la question, qui ne consiste qu'à faire miroiter les avantages de l'exonération par des parallèles inexacts avec ce qui existe.

Tout le discours de l'honorable M. Thibaut repose sur ceci.

On paye, dit-il, aujourd'hui 1,200 francs pour un remplaçant. Dans mon système, les plus pauvres ne payeront que 300 francs

Mais le système de l'honorable membre consiste à faire payer 500 francs avant le tirage, tandis que le chiffre élevé qu'il suppose gratuitement être celui du système actuel se paye après !

On offre aujourd'hui, pour Bruxelles, des remplaçants avant le tirage au taux de 450 francs. Or, vous savez à quelle contribution l'honorable M. Thibaut arrive pour annoncer qu'il fournirait à 300 francs, dans les mêmes conditions, des exonérants. Il n'y a qu'une différence de 150 francs au lieu de 900 francs vantés par l'honorable membre.

Comment discuter quand on veut comparer les prix antérieurs et les prix postérieurs au tirage ?

M. Kervyn m'a demandé quelles réformes la loi réalise.

Ces réformes, messieurs, ont été indiquées dans le rapport de la section centrale. Je ne crois pas que j'aie à énumérer les différentes améliorations que renferme le projet. Je me bornerai à celles qui sont contenues dans le titre que nous discutons.

Le projet de loi aura pour conséquence de donner au remplacement toutes les facilités, c'est-à-dire que l'on pourra, non seulement prendre les remplaçants qui peuvent remplacer aujourd'hui, mais encore ceux qui peuvent substituer.

Le second avantage, est que tous ceux qui seront admis au remplacement exonéreront complètement la famille de la charge militaire. On sera dans la même position qu'aujourd'hui avec la substitution. On ne verra plus des jeunes gens, après avoir payé un remplaçant, être exposés à marcher eux-mêmes ou à payer deux ou trois fois un remplaçant.

Je crois que c'est là une très notable amélioration et que toutes les combinaisons de M. Kervyn ne la valent pas.

- Des voix. - A demain !

MgRµ. - Je ne désire présenter que quelques observations.

Les réponses que j'avais à faire aux différents discours prononcés dans cette enceinte ont déjà été émises par moi collègue de l'intérieur et dans une forme telle, que ma tâche en est fort abrégée. Je me bornerai simplement à appeler l'attention de la Chambre sur quelques points de détail.

M. Kervyn nous présente toujours la Hollande comme un exemple à suivre ; c'est, selon lui, le type qu'il faut prendre pour modèle. Adoptez le système hollandais, nous dit-il, et nous serons satisfaits.

Messieurs, les officiers hollandais si distingués qui ont assisté à notre dernier camp, et qui ont pu apprécier l'armée belge, ne partagent pas, j'en suis certain, les illusions de l'honorable M. Kervyn.

Tout le monde sait que, d'après la loi fondamentale des Pays-Bas, l'armée ne devrait être composée que de volontaires, les levées de miliciens ne s'opéraient que dans le cas où le chiffre des engagés se trouvait insuffisant et encore entre certaines limites bien déterminées.

On a formé dans l'origine des bataillons de volontaires et, à côté de ceux-ci des bataillons de milice ; mais bientôt les volontaires faisant défaut, on a été obligé de fondre ensemble ces unités tactiques et de réunir dans les mêmes bataillons les volontaires et les miliciens. Le nombre de volontaires décroissant dans une progression continue, on fut obligé d'augmenter le contingent de miliciens, si bien que les premiers ne figurent plus que pour un tiers dans l'effectif des régiments.

D'après les lois de l'époque, les miliciens devaient servir 5 ans ; mais le roi pouvait ne les maintenir qu'un an sous les armes, sauf à les rappeler un mois tous les ans.

C'est qu'alors aussi l'armée possédait un chiffre suffisant de volontaires ; chaque recrue en entrant au service était entourée de vieux soldats sur lesquels il se modelait rapidement. Dans ces conditions, on comprend que (page 72) l'on puisse se départir de certaines exigences dans la durée du temps de service et que l'on pourrait parfaitement n'exiger du milicien qu'une présence d'une année sous les armes. (Interruption.)

Oui, messieurs, si dans notre armée nous pouvions avoir 30,000 volontaires servant huit ans, je consentirais très volontiers à ne laisser le milicien qu'un an sous les armes, sauf le mois de rappel pour les manœuvres annuelles.

Le système hollandais est très beau en théorie ; mais l'honorable M. Kervyn ne vous dit pas ce qu'il devient dans la pratique. En réalité, le contingent des miliciens augmente annuellement et dans une proportion directe avec le chiffre décroissant des volontaires.

Voici, en effet, ce que disait, dans la session de 1868, le ministre de la guerre hollandais :

« La section centrale reproche au gouvernement de n'avoir pas pris les mesures nécessaires pour remédier à l'insuffisance du chiffre des volontaires. La section perd de vue que tous les efforts que l'on a faits pour favoriser le recrutement des volontaires sont restés, jusqu'à ce jour, pour ainsi dire sans résultat, et cependant on a augmenté la prime d'engagement, diminué le temps de présence sous les armes, accordé une augmentation de solde après 6 et 12 ans de service.

« La conviction du ministre est que toutes les mesures prises pour attirer les volontaires dans les rangs de l'armée ne produiront aucun résultat tant que le bien-être continuera à régner dans le pays. Les nombreuses occasions qui s'offrent à l'homme actif et industrieux pour pourvoir à ses besoins et à ceux de la famille éteindront probablement d'une manière complète le peu de goût qui pourrait encore subsister dans le peuple pour le service volontaire.

« Le ministre n'est pas seul de cet avis ; on lit dans le rapport du général Knoop : « Le manque de volontaires doit être attribué en grande partie au bien-être général qui règne dans notre pays ; c'est là une cause salutaire que l'on ne peut songer à faire disparaître ; on doit donc se résoudre, dans les circonstances actuelles, à voir l'armée composée presque en totalité de miliciens, du moins en ce qui regarde l'infanterie. » On ne pourra trouver les volontaires qu'en portant la solde à un taux plus élevé que le prix de la journée actuelle de l'ouvrier et de l'artisan.

« Le ministre ne croit pas que la Chambre soit disposée à se prêter à une augmentation aussi considérable du budget de la guerre ; il est d'avis que l'aggravation de dépense qui en résulterait ne serait pas en rapport avec les avantages qui pourraient résulter de l'entretien au grand complet du nombre de volontaires prescrit par l'organisation de l'armée. »

Et voyez cependant les fruits de leur système. Le nombre de volontaires diminua dans une proportion telle, qu'en 1865, on dut livrer 5,800 miliciens destinés à remplacer autant de volontaires qui manquaient pour compléter le chiffre organique déterminé par la loi du 19 août 1861. Aujourd'hui ce chiffre s'élève à 7,100.

Ce qui se passe en Hollande se reproduit aussi dans notre pays.

Nous ne demanderions pas mieux, messieurs, que d'avoir des volontaires en nombre suffisant ; mais nous ne parvenons pas à les enrôler. En Hollande, messieurs, le système des volontaires a occasionné des augmentations de dépenses que vous ne sanctionneriez peut- être pas. L'organisation hollandaise comporte 60,000 hommes sur pied de guerre et le budget s'élève, pour une population de 3 1/2 millions d'habitants, à 30 millions de francs, ce qui représente, pour la Belgique, un budget de 43 millions de francs.

M. Coomansµ. La marine comprise.

MgRµ. - Non, l'armée de terre seulement.

M. Jacobsµ. - Et des Indes.

MgRµ. - Du tout ; il ne s'agit que de l'armée de terre proprement dite. Eh bien, la levée annuelle est de 11,000 hommes, sur 3 1/2 millions d'habitants, ce qui équivaudrait chez nous à un contingent de milice de 16,000 hommes. Je ne sais pas, messieurs, si, en présence d'une telle situation et de la pénurie de volontaires que l'on constate en Hollande, on peut sérieusement nous proposer d'en revenir à des errements que nos voisins ont dû abandonner en fait.

Les systèmes des honorables MM. Kervyn et Thibaut ont pour conséquence de former une armée composée exclusivement de volontaires. En effet, tout homme donnant 300 francs serait exonéré et c'est le gouvernement qui aurait à pourvoir à son remplacement. Mais ce n'est pas quinze millions qu'il faudrait pour lever tous les ans un contingent suffisant de volontaires. On a calculé que le remplacement annuel, qui fournit 3,100 remplaçants ou substituants, coûte en moyenne 1,200 francs par individu ; mais si, au lieu de 3,100 remplaçants, il en fallait 12,000, ce n'est pas 1,200 francs qui suffiraient ; on arriverait probablement, comme en France, à 2,000 et 2,800 francs dans les époques de crise, c'est-à-dire qu'il faudrait augmenter le budget actuel de 30 à 35 millions.

Ce n'est pas tout, messieurs, nous n'avons aujourd'hui que 8,000 à 9,000 volontaires ; désormais nous devrions en avoir, non pas 12,000,mais bien 100,000, l'effectif de notre armée. Où les trouverez-vous ?

L'armée anglaise compte non pas 92,000 volontaires, mais 184,000.

Eh bien, il résulte des rapports adressés à la reine et dont j'ai déjà donné connaissance à la Chambre, que l'Angleterre éprouve les plus grandes difficultés pour maintenir ce chiffre de 184,000 hommes. Et cependant, on sait de quels avantages considérables jouit le soldat anglais. Visitez ce que l'on appelle leurs barracks, et comparez-les à nos casernes, vous y trouverez des salles de billards et de jeux de toutes sortes, des bibliothèques, des cabinets de lecture.

Mais aussi le soldat anglais coûte au minimum à l'Etat 90 liv. (2,250 fr.) ; calculez à quel taux s'élèverait votre budget si vous vouliez accorder à nos soldats les faveurs dont jouissent en Angleterre les hommes qui s'enrôlent pour défendre la patrie ; il vous faudrait voter 90 à 100 millions de francs chaque année.

La disproportion est encore plus grande en Amérique : l'armée se compose de 45,000 volontaires en temps de paix ; mais le soldat américain coûte 6,000 francs par an. Si l'on consent à payer le soldat belge comme son camarade d'Amérique, alors j'avoue que sans aucun doute on trouvera chez nous un nombre suffisant de volontaires.

Messieurs, tous ces systèmes qu'on préconise auraient pour conséquence inévitable l'impossibilité absolue d'avoir une armée en Belgique. Aussi, ce serait conduire à la ruine de nos forces militaires que d'adopter pour notre pays le régime anglais ou le régime américain... (Interruption.)

On me demande quel est le prix de l'enrôlement en Angleterre ; je croîs que dans les temps de grande crise il a pu monter jusqu'à 100 ou 150 livres mais en temps ordinaire on peut évaluer les frais de recrutement à 20 livres par homme ; mais ce n'est pas la prime d'engagement qui forme le plus grand attrait, c'est le confort dont le soldat est journellement entouré et qui fait qu'il est une lourde charge pour le pays.

Il est bien payé ; l'état militaire constitue pour lui une véritable carrière.

Il cherche à rester sous les drapeaux jusqu'au moment où il a le nombre d'années voulues pour obtenir sa retraite ; alors il émarge encore le budget de l'Etat, car le chiffre des dotations des militaires pensionnés est considérable.

L'honorable M. Kervyn nous a parlé de la situation de l'armée française, relativement au nombre de volontaires qu'elle possède ; il nous a dit, qu'en 1864 il y avait 58,000 officiers et vétérans, 20,000 engagés volontaires, 125,000 engagés et rengagés, 38,000 remplaçants administratifs et qu'il y avait seulement 160,000 miliciens qui servaient pour leur compte.

L'honorable membre, comparant sous ce rapport l'armée belge à l'armée française, dit : « Voyez l'immense avantage de l'armée française sur la nôtre : on sert beaucoup moins en France qu'en Belgique. »

Mais pourquoi l'honorable membre est-il arrivé à cette conclusion ? C'est parce qu'il a fait son calcul sur les 100,000 hommes qui étaient effectivement sous les drapeaux, c'est-à-dire sur le pied de paix restreint.

Il serait arrivé à une conclusion tout autre, si, comme cela doit être, il avait basé son calcul sur les 700,000 hommes qui composaient l'effectif de l'armée française en 1864 et dont 500,000 environ étaient dans leurs foyers. Il faudrait, pour être exact, pouvoir comparer les deux systèmes dans leur ensemble. Ainsi, en Belgique, pour un effectif général de 100,000 hommes, nous avons 8,224 volontaires et 25,426 substituants et remplaçants (correspondant aux engagés et rengagés français) ; dans l'effectif de paix, nous n'avons que 14,728 individus servant pour leur compte...

M. Coomansµ. - Pour le compte des autres.

MgRµ. - Servant comme miliciens.

Donc la proportion que veut établir l'honorable M. Kervyn est favorable à la Belgique, loin de l'être à la France.

Messieurs, comme militaire je ne suis pas partisan des remplaçants. Il est certain que j'aimerais mieux voir l'armée composée uniquement de miliciens.

(page 73) Si le remplacement est devenu, je dirai odieux en Belgique, c'est par les mêmes causes que celles qui l'avaient rendu odieux en France lorsqu'on a établi le système de l'exonération.

Ce sont les sociétés qui, profitant de la facilité que la législation actuelle leur laisse, de faire entrer dans l'armée des hommes tarés qu'elles payaient misérablement, ont peu à peu amené dans les rangs des hommes qui sont indignes d'y figurer.

Il est résulté de là que les jeunes gens honnêtes, désireux d'entrer au service moyennant une certaine somme qu'ils pourraient donner à leur famille, n'ont plus voulu être remplaçants parce qu'ils couraient le risque de se voir confondus avec des hommes qui déshonorent l'institution.

Les choses en sont à ce point, messieurs, que nos députations provinciales qui, je crois, sont portées à moraliser l'armée plutôt qu'à la démoraliser, laissent entrer dans l'armée, tout en observant la loi cependant, des remplaçants très peu dignes d'y servir.

Je vais vous donner un échantillon de ces hommes.

On a incorporé, il y a quelques mois, dans un régiment d'artillerie, un remplaçant qui avait servi antérieurement et avait subi trois ou quatre condamnations prononcées par des conseils de guerre. ; l'une d'elles est même de deux ans. Quant aux jours de cachot, je ne les compte pas.

A peine au régiment, il subit en trois semaines une punition de cachot et deux punitions de prison militaire.

Voilà, messieurs, des hommes qui rentrent dans l'armée comme remplaçants.

M. Muller, rapporteurµ. - Leur avait-on donné un certificat ?

M. Coomansµ. - J'aime mieux les voir dans l'armée que dans la société.

MgRµ. - En fait, la question se réduit à ceci : il ne faut prendre comme remplaçants que des gens qui sont dignes de figurer dans les rangs de l'armée.

La législation antérieure est insuffisante sous ce rapport ; mais la loi proposée introduit des conditions telles, qu'à moins d'y mettre de la mauvaise volonté, tous les individus admis comme remplaçants seront des gens dignes de faire partie de l'armée.

Il y a encore dans la loi nouvelle une amélioration qu'il ne faut pas omettre : c'est la faculté pour le département de la guerre de prendre des remplaçants administratifs, soit dans l'armée, soit en dehors de l'armée. Ceux qui seront admis en cette qualité, je ne les appellerai point remplaçants, mais volontaires avec primes et j'accorderai à ces individus, s'ils se conduisent bien, les mêmes avantages qu'aux volontaires proprement dits. Il faut changer le nom, afin que la répugnance qu'on éprouvait autrefois disparaisse.

Croyez-vous que je ne trouverai pas de bons sujets quand je pourrai dire à un cavalier qui a fini son terme. : Entrez dans la gendarmerie ; si le cautionnement fait défaut, une prime de 600 francs pourra le remplacer ; à l'âge de 55 ans, vous jouirez d'une pension de 700 francs. Croyez-vous que je ne trouverai pas des remplaçants administratifs excellents quand je pourrai dire à d'autres jeunes gens, à des garçons de ferme par exemple : Il vous faut un petit pécule pour vous établir : servez huit ans ; en entrant au régiment je vous donne 600 francs que vous pourrez envoyer à votre famille ; vous toucherez une haute solde de 10 centimes par jour et quand vous partirez en congé, vous trouverez une somme ronde de 1,000 francs !

Vous voyez, messieurs, que la loi projetée assure des avantages que n'offre pas la loi actuelle, et par ce moyen nous aiderons au remplacement en introduisant dans les rangs un élément qui aujourd'hui fait complètement défaut.

Nous aurons le moyen de corriger le remplacement et peu à peu disparaîtront de l'armée ces éléments malsains qui ne servent qu'à dégrader les braves militaires qui accomplissent avec zèle et loyauté les devoirs que le pays leur impose.

J'aborde la question de l'exonération.

Le système préconisé par les honorables MM. Kervyn et Thibaut ne ressemble en aucune façon à celui qui a été étudié dans la grande commission mixte. Il ne ressemble point non plus à l'exonération française.

Voici quel était le système en France : Ceux qui voulaient se faire remplacer déposaient une certaine somme. Le département de la guerre cherchait des remplaçants, soit dans l'armée, soit en dehors de l'armée. Les premiers étaient les rengagés, les seconds les remplaçants administratifs ; et il donnait à ces gens une forte prime. Pour pratiquer ce système, le gouvernement français n'avait pas pu porter l'exonération à un prix fixe. il faisait varier le taux de l'exonération en raison de la difficulté des remplacements ; il disait aux exonérés : Si je ne trouve des engagements qu'a raison de 3,000 francs, vous payerez 3,000 francs ; s'ils ne me coûtent que 2,000 francs, vous ne payerez que 2,000 francs.

L'honorable M. Kervyn nous a dit : Les demandes d'exonération ont augmenté avec la diminution du prix de l'exonération ; cela se conçoit. Mais on n'a pas diminué le prix de l'exonération pour avoir plus d'exonérés. On n'a demandé que 2,000 francs, quand on a pu avoir des remplaçants pour 2,000 francs ; on en a demandé 2,800, quand on devait en payer 2,800, et s'il avait fallu payer 3,500 francs, on aurait demandé 3,500 francs.

A l'époque du tirage, le gouvernement français savait combien d'hommes sollicitaient l'exonération, il savait à peu près combien il trouvait de remplaçants dans l'armée ou en dehors de l'armée et il établissait le taux en conséquence.

Mais aucun gouvernement, voulant une armée forte et complète, ne suivra le conseil que l'honorable M. Kervyn nous donne d'exonérer à un prix fixe, 300 ou 500 francs par exemple. Car s'il ne trouve pas d'hommes à ce prix, il lui sera impossible de recruter l'armée. Cela est tellement vrai que l'honorable membre est obligé lui-même d'en revenir à la conscription. En effet, dans le système de M. Kervyn, il y a l'exonération au centre, le sort en bas et le remplacement en haut. Ceux qui seront riches se feront remplacer, ceux qui auront quelque argent pourront se faire exonérer ; les pauvres devront servir.

Messieurs, le système de recrutement de l'armée belge est le système de toutes les puissances. Il n'y a que deux armées normalement formées de volontaires : c'est l'armée anglaise et l'armée américaine, et vous savez à quel prix. Partout ailleurs vous rencontrez le tirage au sort, qui a, du reste, été maintenu par vous-mêmes, parce que vous avez reconnu l'impossibilité de former une armée de volontaires. Je crois donc que la législature fera bien de sanctionner le système qui existe actuellement en y introduisant les grandes améliorations que renferme le projet de loi.

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - Je demande la parole pour un fait personnel.

J'ai entendu, avec autant de surprise que de regret, M. le ministre de la guerre déclarer que ceux qui entretenaient la Chambre de théories semblables à celles de mon amendement, voulaient la ruine de l'armée. Je tiens à protester immédiatement contre ce grief. Certes, lorsque j'ai insisté pour que la situation de l'armée fût meilleure, pour que l'engagement volontaire fût encouragé, pour que le service militaire fût rémunéré, pour qu'un grand nombre d'emplois civils fussent réservés à d'anciens soldats, je n'ai pas été l'adversaire de l'armée ; je crois en avoir été le défenseur.

Et lorsque j'ai comparé la situation de l'armée dans les Pays-Bas et la situation de l'armée en Belgique, je n'ai pas entendu, un seul instant, déprécier la valeur de l'armée belge. Sous bien des rapports, je la juge excellente et je crois que M. le ministre de la guerre contribuera de plus en plus à la rendre meilleure. Mais je me suis placé à un second point de vue, qui m'a préoccupé aussi vivement ou plus vivement encore : au point de vue des populations ; et lorsque, dans un pays voisin, sous le régime de la loi fondamentale qui n'est pas purement hollandaise, car elle a longtemps été aussi la nôtre, je vois les volontaires, auxquels on donne seulement 30 florins, mais qui sont préférés pour les grades et les emplois civils, atteindre le nombre de 28,000 dans l'armée des Indes et de 13,000 dans l'armée de la mère-patrie, j'en conclus que là même où l'activité commerciale est la plus considérable, on parvient par de sérieux efforts à constituer des cadres qui permettent d'alléger le service obligatoire. Si l'on est arrivé ainsi à ce résultat, qu'en Hollande ce dernier service est infiniment moins rude que chez nous, il y a là une expérience dont nous devrions tirer profit.

Je n'ai eu, messieurs, qu'une seule préoccupation : ce n'est pas, comme M. le ministre me le reproche, de chercher la ruine de l'armée, c'est au contraire de l'affermir et de la consolider en la rendant aussi nationale que possible par le patriotisme des éléments qu'elle attirerait à elle et par l'appui que lui donneraient les populations.

MgRµ. - L'honorable M. Kervyn doit bien penser que ce n'est pas à lui personnellement que j'ai adressé ces reproches ; c'est au système qu'il préconise. Je dis qu'un pareil système, présenté avec les meilleures intentions du monde, et je connais trop l'honorable membre pour douter un moment de ses excellentes intentions, qu'un pareil système, dis-je, amènerait la ruine de (page 74) l'armée, parce qu’il entraînerait à des dépenses tellement considérables que le pays ne voudrait pas les supporter.

MpDµ. - Si personne ne demande plus la parole, je déclarerai la discussion close.

M. Wasseigeµ. - L'honorable M. Thibaut n'est pas ici ; ne pourrait-on pas laisser la discussion ouverte ?

MpDµ. - M. Thibaut a parlé deux fois, et il n'a pas manifesté l'intention de demander une troisième fois la parole. Du reste, je consulterai la Chambre.

- La Chambre décide que la discussion est close.

La séance est levée à cinq heures.