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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 25 novembre 1869

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1869-1870)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 87) M. Dethuinµ procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart et donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Reynaertµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Dercq se plaint de la manière dont est appliqué l'arrêté royal du 30 mars 1860, qui a pour objet d'encourager la littérature dramatique flamande. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Forton réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir le payement d'un legs qui lui a été fait par testament. »

- Même renvoi.


« Le sieur Koeckelberge réclame l'intervention de la Chambre pour qu'il soit porté un prompt remède à la situation de la caisse des pêcheurs de Blankenberghe. »

M. Visartµ. - Je prie la Chambre d'envoyer cette requête à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« M. Watteeu demande un congé de trois jours pour motif de santé. »

- Ce congé est accordé.

Projet de loi sur la milice

Projet de loi sur la milice

Discussion des articles

Chapitre VIII. Du remplacement et de la permutation

Articles 63 et 64

« Art. 63. Si le remplacé ne remplit pas les obligations stipulées par le contrat, le remplaçant, sans devoir justifier de son indigence, est admis à jouir de la faveur du Pro Deo, pour attraire le remplacé en justice. La cause est instruite et jugée comme urgente.

« En cas de condamnation, le remplacé qui n'a pas exécuté le jugement dans le délai fixé est appelé au service, et le remplaçant est congédié. »

- Adopté.


« Art. 64. Le remplacement effectué au moyen de pièces qui sont reconnues fausses ou qui attestent des faits matériellement faux, est nul.

« Cette nullité est prononcée par la députation permanente de la province où le droit a été exercé.

« En cas d'annulation, le remplacé est tenu de servir en personne ou de fournir un autre homme.

« La somme restée en dépôt à la caisse du corps lui est restituée, déduction faite de ce qui revient à la masse d'habillement et de réparations. »

- Adopté.

Article 64bis (nouveau)

MiPµ. - Messieurs, j'ai annoncé dans une des séances précédentes que le gouvernement était disposé à se prêter à toutes les combinaisons qui pouvaient faciliter le remplacement militaire ; que, s'il n'était pas partisan d'une exonération forcée, il entendait donner tous les avantages de l'exonération en fournissant à ceux qui veulent y recourir, un moyen sûr et pratique de se servir de ce mode de dégrèvement.

Il est évident que le mode le plus simple à cet égard est de permettre au gouvernement de recevoir avant le tirage une somme de ceux qui veulent s'exonérer, pour répartir après le tirage, entre ceux qui ont été désignés par le sort, les sommes qui ont été ainsi payées ; ceux qui ont tiré un mauvais numéro prennent ainsi la part de ceux qui ont eu un bon numéro.

C'est le résultat qu'on veut atteindre par l'exonération obligatoire. Pour réaliser tous les avantages de ce système, il n'est nullement nécessaire de l'imposer comme une condition sine qua non ; il suffit de le permettre.

Je demande que le gouvernement soit autorisé à établir une caisse qui puisse recevoir ces versements avant le tirage pour en faire la répartition après.

Ce serait encore restreindre le rôle de la caisse dont je viens de parler dans des bornes trop étroites que de l'autoriser seulement à recevoir les fonds immédiatement avant le tirage. Il n'est rien qui empêche les parents de faire, dès les premières années de leurs enfants, des versements annuels dans une caisse de l'Etat pour les retirer lors du tirage avec l'accroissement des intérêts et des parts tant de ceux qui sont morts que de ceux qui sont favorisés par le sort.

La combinaison que j'indique a d'incontestables avantages. Avec une somme de 10 ou 12 francs par an, je n'ai pas fait les calculs d'une manière parfaitement exacte, on peut, je crois, obtenir une somme suffisante, pour libérer un enfant du service militaire ; s'il y a deux fils, il suffit probablement d'une somme de 15 ou 18 francs ; l'augmentation, sera moindre encore pour trois fils.

On voit qu'il y a, dans l'idée que je viens d'indiquer, une variété de combinaisons très grande ; cette idée n'est pas nouvelle.

Beaucoup de sociétés de remplacement militaire ont institué des combinaisons du même genre.

Mais ces combinaisons n'ont pas eu de succès parce que généralement on n'a pas eu assez de confiance dans ces sociétés pour leur confier des fonds qu'on ne devait retrouver qu'après un grand nombre d'années. Il en est de cette matière comme de celle de l'épargne ; jusqu'au moment où le gouvernement a établi une caisse d'épargne, les versements ont été très limités et la plupart des sociétés, il n'y a que peu d'exceptions, qui ont voulu établir des caisses d'épargne n'ont pas réussi, précisément parce que ceux qui doivent mettre à la caisse d'épargne, peu confiants dans la solvabilité des sociétés, préfèrent conserver leur argent que de le confier à des tiers qui ne leur semblaient pas donner toute sécurité.

Il y a eu du reste de grandes déceptions en ce qui concerne les assurances sur la vie ; ceux qui ont réussi dans ces opérations n'ont retiré que leur capital avec un intérêt très peu élevé.

- Des membres à gauche. - C'est exact.

MiPµ. - Ainsi donc, quelque féconde que soit la combinaison que je viens d'indiquer, elle ne peut produire d'heureux résultats que si les fonds peuvent être déposés en une main tout à fait sûre, celle de l'Etat.

Je propose donc, par un article additionnel au projet, d'autoriser le gouvernement à organiser une caisse tontinière pour favoriser le remplacement.

Je ferai observer à la Chambre qu'il ne s'agit pas de recevoir des versements dès les premières années de l'enfant pour lui assurer un remplaçant, ce qui exposerait le gouvernement à se lancer dans l'inconnu, mais d'organiser une caisse purement financière. Les versements se feront en argent, et, lors du tirage au sort, c'est en argent que le gouvernement répartira les fonds qu'il aura à distribuer aux coparticipants.

Les particuliers qui auront reçu ces fonds les emploieront comme ils l'entendront pour se procurer des remplaçants. Les jeunes gens pourront aussi marcher et l'argent que leurs parents auront versé pour eux sera conservé par la famille.

Je propose l'amendement suivant :

« Le gouvernement est autorisé à organiser une caisse tontinière pour faciliter le remplacement. »

Si M. le président n'y voit pas d'inconvénient, je demande que cet amendement forme l'article 64bis.

(page 88) MpDµ. - Voici l’amendement de M. le ministre de l'intérieur :

« Art. 64bis. Le gouvernement est autorisé à organiser une caisse tontinière pour faciliter le remplacement. »

M. Coomansµ. - Voici encore une proposition très grave qui nous est soumise à l'impromptu. Il m'est impossible, à moi, de me prononcer à cet égard immédiatement. Je demande le renvoi à la section centrale. J'entrevois déjà quelques observations critiques, je désire les mûrir et je pense que l'intention du gouvernement n'est pas de nous faire voter stante pede une des dispositions les plus importantes de la nouvelle loi.

- Le renvoi à la section centrale est ordonné.

Article 65

« Art. 65. Le département de. la guerre est autorisé à faire des remplacements en dehors des prescriptions énoncées aux articles précédents.

« Un arrêté royal détermine le mode et les conditions de ces remplacements, et organise la caisse dans laquelle les fonds qui en proviendront seront versés.

« Celui qui est remplacé par le département de la guerre, ne peut être recherché d'aucun chef, dès qu'il a payé le prix du remplacement ; son remplaçant, même en ce qui concerne l'exemption des frères, est toujours censé au service. »

MiPµ. - Messieurs, comme je l'ai indiqué hier, celui qui se fait remplacer par le département de la guerre exempte ses frères comme celui qui sert lui-même, sans que l'on ait, dans ce cas, à vérifier si son remplaçant est au service.

La raison en est simple : c'est que le département de la guerre pourvoira aux remplacements par catégories plutôt que par admissions individuelles. Il est donc nécessaire que le fait de s'être fait remplacer par le département de la guerre assure l'exemption du frère. Ce point différencie le remplacement par le département de la guerre du remplacement ordinaire.

Mais, messieurs, la rédaction actuelle aurait cette conséquence que l'on devrait n'accorder d'abord qu'une exemption provisoire parce que l'article se borne a supposer au service le remplaçant de celui qui s'est fait remplacer par le département de la guerre ; il faudrait donc trois exemptions provisoires successives.

Pour que l'on puisse dès le principe prononcer l'exemption définitive je propose de libeller ainsi le dernier paragraphe de l'article 65 ;

« Celui qui est remplacé par le département de la guerre ne peut être recherché d'aucun chef ; dès qu'il a payé le prix du remplacement, il est censé, en ce qui concerne l'exemption des frères, avoir accompli son service. »

- L'article ainsi modifié est adopté.

Article 66 à 67bis

« Art. 66. Après son incorporation définitive, nul ne peut plus se faire remplacer qu'en vertu d'une autorisation du ministre de la guerre et en se conformant aux conditions qui lui seront imposées. »

- Adopté.


« Art. 67. Deux miliciens de la classe courante, appartenant même à des provinces différentes, dont l'un est désigné pour la partie active du contingent, l'autre pour la réserve, peuvent échanger leurs numéros.

« La permutation n'est parfaite que lorsqu'ils sont définitivement admis pour le service. Chacun d'eux est alors censé avoir tiré au sort le numéro que l'échange lui attribue.

« La permutation, reconnue régulière, est constatée administrativement et n'entraîne aucuns frais. Un arrêté royal en détermine le mode, ainsi que les délais dans lesquels elle doit être demandée et opérée. »

- Adopté.


« Art. 67bis. Le ministre de la guerre peut autoriser la permutation entre deux miliciens définitivement incorporés et appartenant à une même levée, dont l'un sert dans la partie active de l'armée, et l'autre dans la réserve. Dans ce cas, les permutants, servant ou ayant servi régulièrement tant avant qu'après l'échange de leurs positions, sont considérés, en ce qui concerne les exemptions de frères, comme ayant respectivement conservé leur numéro de tirage. »

- Adopté.

Chapitre IX. De l'incorporation

M. Julliotµ. - Messieurs, au chapitre de l'incorporation des miliciens, j'ai demandé la parole dans l'espoir de recevoir une solution favorable à une des questions les plus importantes du travail agricole, question dont j'ai pris l'initiative et que je pose pour la troisième fois dans cette Chambre.

J'ai demandé et je demande a nouveau pourquoi le gouvernement enlève encore à nos campagnes les plus vigoureux travailleurs pour les réunir au camp, juste pendant la période où ils nous sont indispensables.

J'ai demandé pourquoi, quand on a reculé l'appel des miliciens de l'année du 1er mai au 1er octobre, on n'a pas admis, comme conséquence logique, leur réunion au camp en mai et juin, pour ne pas peser inutilement sur le travail agricole après le 1er juillet, puisqu'on a eu six mois pour exercer ces conscrits.

J'avoue que M. le ministre de la guerre, en reculant l'appel des miliciens au 1er octobre, a quelque peu soulagé la situation et je l'en remercie, mais il faut compléter la modification.

Messieurs, j'ai lieu de croire que ce grief campagnard disparaîtra. Je n'attends pas moins de MM. les ministres de l'intérieur et de la guerre actuels ; ils comprennent que le travail agricole depuis le 1er juillet au 1er novembre est plus ardu et plus important que celui des huit mois restants de l'année ; d'autant plus que l'armée n'en vaudra pas moins, et que l'époque que je désigne est la plus clémente de l'année. En adoptant ma proposition, vous conciliez deux grands intérêts : la production alimentaire et la défense du pays Ces intérêts aujourd'hui sont antagonistes, car l'un vit un peu aux dépens de l'autre, et cela inutilement.

Bref, ce que je propose est la protection la plus honnête et la plus efficace que le gouvernement puisse accorder à l'agriculture ; c'est favoriser la production alimentaire de la bonne façon, sans qu'il en coûte rien à personne ; car le million que vous lui accordez et qui passe en agapes, en médailles et en musique n'a pas le même mérite.

J'attends donc mes apaisements à cet égard avant le vote des lois militaires.

MgRµ. - Messieurs, lorsque l'honorable membre a présenté, l'année dernière, la motion qu'il reproduit aujourd'hui, il n'était pas possible d'accéder à son désir.

L'incorporation des miliciens avait lieu au mois d'avril et l'on conçoit qu'il était difficile d'activer l'instruction de manière à permettre, au bout de deux mois, l'envoi des recrues au camp de Beverloo.

Nous étions encore sous l'empire de l'ancienne législation ; la loi d'organisation n'avait pas été mise en pratique ; et il a fallu rester dans les vieux errements.

Cette année, les miliciens sont entres dans les corps au mois d'octobre. Ils seront donc assez instruits au mois de juin prochain pour que la période de campement puisse commencer à cette époque.

Sous ce rapport, les désirs de l'honorable membre seront accomplis.

Au mois de juillet prochain, nous pourrons renvoyer non seulement les deux classes appelées, mais aussi, comme cela s'est déjà pratiqué cette année, un certain nombre de miliciens des deux plus jeunes classes qui appartiennent aux professions agricoles. Ces derniers recevront des congés d'un mois ou de six semaines.

Ainsi donc, au moment de la moisson, presque tous les ouvriers des campagnes seront rendus à leurs occupations.

M. Julliotµ. - Messieurs, cette disposition n'a pas besoin d'être inscrite dans la loi. Cela peut se faire administrativement.

Je prends donc acte de la promesse de M. le ministre de la guerre, et au nom de nos campagnes, je remercie MM. les ministres de l'intérieur et de la guerre de leur bon vouloir et je termine par un dicton flamand : « Die zoekt, vindt ; die aenhoudt, verwint.

Article 68

« Art. 68. Le gouvernement fixe l'époque à laquelle les hommes désignés pour le service sont remis à l'autorité militaire.

« Cette remise se fait au chef-lieu de la province par le gouverneur, qui en dresse l'état en signalant spécialement les miliciens compris dans les contingents antérieurs, dont la dispense ou le détachement sur les contrôles n'a pas été maintenu. Un état séparé indique les inscrits de la levée courante appelés au service et dispensés de l'incorporation. Chacun des intéressés reçoit préalablement, du commissaire d'arrondissement, un ordre de départ.

« Dès que les miliciens quittent leur commune pour être dirigés vers le chef-lieu, ils sont nourris et logés aux frais de l'Etat. »

M. Mullerµ. - Messieurs, la dernière phrase du paragraphe 2 de cet article dit :

« Chacun des intéressés reçoit préalablement, du commissaire d'arrondissement, un ordre de départ. »

Habituellement, messieurs, cet ordre de départ est délivré par le commissaire d'arrondissement qui n'agit naturellement que d'après les instructions du gouverneur.

Mais, on a fait observer que dans les cas d'urgence, le gouverneur doit pouvoir transmettre directement ses ordres à la commune, et que c'est son autorité qu'il convient de consacrer.

Par conséquent, je propose de remplacer, les mots : « du commissaire d'arrondissement » par ceux : « du gouverneur ».

(page 89° Il est fait droit ainsi à une réclamation que j'ai eue sous les yeux et qui émanait de l'un des gouverneurs du pays.

- L'article ainsi amendé est adopté.

Articles 69 à 71

« Art. 69. Au moment de la remise, l'autorité militaire fait examiner par des médecins de l'armée les miliciens et remplaçants. Dans les trente jours suivants, elle renvoie à la députation ceux qui paraissent impropres au service, et, en outre, s'il s'agit de remplaçants, ceux qu'elle considère comme ne remplissant pas l'une des autres conditions requises.

« Toutefois, le renvoi ne peut être appliqué aux hommes qui ont déjà été examinés par ce collège, conformément à l'article 41.

« La députation, assistée comme il est dit à cet article, statue dans les quinze jours du renvoi.

« Sa décision ne peut être soumise à la cour de cassation que par le gouverneur, ou par un tiers intéressé dont elle entraîne l'appel au service. »

- Adopté.


La suppression de l'article 70 du projet du gouvernement, proposée par la section centrale, est prononcée.


« Art. 71. Lorsqu'une décision de la députation annule une désignation pour le service, le canton, sur la réquisition du gouverneur, fournit immédiatement, dans l'ordre des numéros, un autre homme pour parfaire son contingent.

« Il en est de même si un milicien désigné pour le service meurt avant le jour fixé pour la remise du contingent à l'autorité militaire.

« Lorsqu'une exemption est annulée par la députation, le dernier appelé du canton, dans l'ordre des numéros, s'il sert en sus du contingent, est remplacé par celui dont l'exemption n'a pas été maintenue. »

- Adopté.

Article 72

« Art. 72. Aucun appel pour compléter le contingent ne peut avoir lieu, lorsque trois mois se sont écoulés depuis sa remise.

« Il est néanmoins dérogé à cette règle, lorsque des décisions sur des questions d'état, d'âge ou de droits civils, ou des décisions prises en suite d'arrêts de la cour de cassation, modifient l'ordre primitif des appels. »

M. Muller, rapporteurµ. - Le paragraphe premier du projet du gouvernement portait :

« Aucun appel, pour compléter le contingent, ne peut avoir lieu après le 1er août. »

Lorsque la section centrale a examiné le projet, elle ne savait pas encore quelle pouvait être, par suite de la réorganisation militaire, l'époque de l'incorporation que fixerait le gouvernement. Sous l'ancienne loi, c'était au 1er mai ; d'après la déclaration faite par M. le ministre de la guerre, ce sera désormais au 1er juin.

Nous n'avions donc pas pu inscrire une date fixe après laquelle aucun appel de contingent ne pourrait plus être fait. Actuellement, il en est autrement et, le pouvant, il y a un motif pour le faire, le voici : c'est que tout le contingent n'est pas remis au complet le même jour ; il y a toujours des retardataires par des causes quelconques, de sorte que la remise du contingent n'est complétée qu'en plusieurs fois.

Je vous propose donc, messieurs, de substituer la date du 1er septembre à celle du 1er août et de dire :

« Aucun appel, pour compléter le contingent, ne peut avoir lieu après le 1er septembre. »

- L'article 72, ainsi modifié, est adopté.

Chapitre X. Des congés

Article 73

« Art. 73. Les miliciens ou remplaçants qui ont passé au moins vingt-quatre mois sous les drapeaux, d'après le mode déterminé par le ministre de la guerre, peuvent seuls être envoyés en congé illimité, sous la réserve de leur rappel pendant un mois, durant trois années.

« Les miliciens et remplaçants du contingent de réserve ne sont appelés sous les armes que pour quatre mois pendant la première année, et pour un mois pendant chacune des années suivantes.

« Les précédentes dispositions seront toujours appliquées, à moins qu'une disposition contraire ne soit insérée dans la loi budgétaire ou dans celle du contingent.

« Les miliciens et remplaçants peuvent contracter mariage en prouvant, par un certificat de leur chef de corps, qu'ils ont soldé leur dette à la masse, lorsqu'ils ont achevé leur cinquième année dans la partie active du contingent, ou leur quatrième dans la réserve. »

MpDµ. - Ici se présente un amendement de l'honorable M. Couvreur. Cet amendement est ainsi conçu :

« Les miliciens qui, en arrivant à leurs dépôts respectifs, possèdent les connaissances militaires comprises dans l'école de soldat, peuvent être renvoyés immédiatement dans leurs foyers pour un terme de trois mois.

« Le congé sera de six mois si, outre ces connaissances, le milicien possède celles de l'école de compagnie.

« Les autres miliciens ou remplaçants ne peuvent être envoyés en congé illimité qu'après avoir passé au moins vingt-quatre mois sous les drapeaux, d'après le mode déterminé par le ministre de la guerre et sous la réserve de leur rappel pendant un mois durant trois années. »

M. Coomansµ (pour une motion d'ordre). - J'ai également un amendement à déposer ; j'ai l'honneur de l'envoyer dès à présent à M, le président ; il consiste à remplacer dans l'article 73 les mots « peuvent être seuls », par le mot « seront ». Je me réserve de développer cet amendement après avoir eu le plaisir d'entendre l'honorable M. Couvreur.

MpDµ. - La parole est à M. Couvreur pour développer son amendement.

M. Couvreurµ. - L’article 73 détermine le minimum du service effectif que le milicien doit au pays.

Le but de mon amendement est de réduire ce minimum de trois ou de six mois, sans nuire aux intérêts de l'armée, et tout en servant les intérêts civils de la population.

Cette question de la durée du service intéresse au plus haut degré les miliciens, leurs familles, le trésor, la fortune publique du pays, d'une part ; de l'autre, la bonne organisation des forces défensives du pays. Aussi a-t-elle fait l'objet de très longues discussions au sein de la commission militaire, instituée jadis par le gouvernement.

Les éléments civils de cette commission s'appliquaient à faire réduire autant que possible la présence des miliciens sous les drapeaux ; les éléments militaires résistaient de leur mieux à ces exigences.

Une proposition fixant à vingt et un mois consécutifs, plus trois mois pendant les années suivantes, le service des miliciens, réunit, dans la commission, les suffrages de MM. Muller, de Naeyer, Vermeire et Van Humbeeck.

Un amendement qui, outre les vingt et un mois de service consécutif, portait à quatre mois le temps des rappels supplémentaires, ajouta à ces suffrages ceux de M. de Tornaco, de. M. Malou, de M. Vilain XIIII, du général Desart et de l'honorable député de Charleroi qui, aujourd'hui, siège sur les bancs du gouvernement comme ministre de l'intérieur.

Vous voyez que la réduction, aussi considérable que possible, du temps de service avait déjà des défenseurs très autorisés au sein de la grande commission militaire.

Les autorités militaires demandaient vingt-sept mois de service consécutif, plus des rappels.

Finalement, par transaction, on limita la durée du service au temps fixé par l'article 73.

Mais dans la discussion, M. le général Renard, aujourd'hui ministre de la guerre, avait fait une déclaration que je signale à toute votre attention. Elle était conçue en ces termes :

« Nous avons proposé vingt-sept mois de service consécutif pour avoir deux classes sous les armes en même temps qu'une classe en instruction. Si, par un moyen quelconque, on parvenait à nous fournir des hommes qui pussent passer à l'école de bataillon en entrant au service, il serait peut-être possible de réduire le temps de service sous les armes. »

Ce moyen, messieurs, de réduire le temps de présence sous les armes en fournissant à l'armée des hommes capables d'entrer immédiatement à l'école de bataillon, ce moyen est bien simple : c'est de donner l'instruction militaire préparatoire, non pas, comme on le fait aujourd'hui, aux adultes, mais aux enfants.

Mon amendement, sans rien préjuger, sans rien imposer au gouvernement quant à l'organisation de cet enseignement, est une prime d'encouragement offerte au milicien peur qu'il acquière les connaissances jugées nécessaires par l'honorable général Renard pour entrer à l'école de bataillon et jouir ainsi d'une réduction de six mois sur son temps de service.

Commencer à apprendre l'exercice, les marches gymnastique», la discipline, à un homme de vingt ans, lourd, gauche, engourdi, rebelle à la discipline parce qu'il a joui des charmes de l'indépendance, soldat malgré lui, n'aimant pas son métier et regrettant celui qu'il a dû abandonner, cela est aussi absurde que si l'on ajournait jusqu'à cet âge l'étude des notions les plus élémentaires de la science.

Que dirions-nous d'un Etat qui, pour se donner des citoyens instruits, intelligents, s'intéressant aux affaires publiques, aptes à les conduire, n'établirait d'écoles que pour les adultes, au moment même où ils doivent (page 90) pourvoir aux besoins de leur vie et de celle de leurs proches ; d'un Etat qui élèverait sa jeunesse dans une inaction intellectuelle absolue ?

Cela n'aurait pas le sens commun. Or, nous n'agissons pas autrement quand nous formons pour le pays des hommes destinés à le défendre.

L'honorable ministre de la guerre ne me démentira pas lorsque je dirai que l'instruction physique de l'homme, son éducation gymnastique est une des bases les plus essentielles de ce qui constitue la force des armées.

La gymnastique ne développe pas seulement les muscles, mais aussi le sentiment de la discipline, de l'ordre, l'habitude de la propreté, qualités si essentielles chez le soldat,

L'obligation de l'enseignement gymnastique figure dans la loi de 1842 sur l'instruction primaire. Mais, en fait, cette instruction est complètement abandonnée dans nos écoles.

Nous négligeons l'éducation physique de nos enfants lorsqu'ils sont le mieux en âge de la recevoir, lorsqu'ils la recevraient avec le plus grand profit pour leur constitution, lorsque cette éducation ne serait pas une corvée, mais une distraction, un plaisir, lorsqu'elle ne coûte rien au travail productif de la société. En revanche, pour inculquer ces connaissances à grands frais, directs et indirects, nous attendons le moment où celui auquel nous les imposons est moins apte a les recevoir et y répugne souvent de toutes ses forces. C'est agir au rebours de la logique.

Le développement de ces idées me mènerait trop loin. Je me borne à les indiquer pour justifier le principe de mon amendement : celui d'une instruction militaire préalable à l'entrée au service.

Dans la discussion générale j'avais suggéré l'idée de faire, de cette éducation militaire préalable, un motif d'exemption.

Le gouvernement a combattu cette manière de voir. Mais il se ralliait en partie au système que j'avais développé.

Voici, en effet, comment s'exprimait, à cette époque, l'honorable ministre de l'intérieur :

« Je suis heureux d'arriver à la partie réellement bonne du système de l'honorable membre ; je crois que c'est une excellente chose de préparer les jeunes gens aux manœuvres militaires par des exercices à domicile.

« Mais la condition que j'ai indiquée hier à ce système, je la lui imposerai encore aujourd'hui : je ne veux pas qu'on diminue le temps de service de ceux qui sont suffisamment instruits en imposant une charge à d'autres miliciens. Sans doute, si un milicien connaît parfaitement l'exercice, je demande qu'on ne le retienne pas sans nécessité à l'armée ; mais ce à quoi je m'oppose de toutes mes forces, c'est que l'éloignement de ce milicien force un autre à prendre sa place.

« Donc, le système est bon, en ce qu'il tend à faire apprendre aux enfants, à l'école primaire, ces exercices gymnastiques qui préparent aux manœuvres militaires, et à diminuer ainsi le temps de service des miliciens qui seraient suffisamment instruits ; mais le système n'est pas admissible lorsqu'il fait, de ces études préalables, une charge nouvelle pour ceux qui n'auront pas eu le loisir de s'y livrer. »

Mon amendement se borne à réaliser la partie de mes idées sur la matière auxquelles le gouvernement a donné, en principe, son assentiment.

Je ne fais pas, des études préalables, une charge nouvelle pour ceux qui n'auront pas eu le loisir de s'y livrer. Je me borne à renvoyer dans leurs foyers, soit pour trois mois ou pour six mois, ceux qui possèdent les connaissances élémentaires qu'on leur enseigne à l'armée pendant ce laps de temps. Je le fais sans charge pour les tiers, sans dommage pour l'armée, au grand avantage du trésor, au plus grand avantage de l'industrie et de l'agriculture, lesquelles trouveront, dans les bras ainsi remis à leur disposition, des ressources qui, aujourd'hui, ne leur font que trop souvent défaut.

La seule objection que j'entrevoie, et ce n'est certes pas le gouvernement qui pourrait la formuler, serait, si j'en juge par l'amendement qui vient d'être déposé par l'honorable député de Turnhout, que je laisse au département de la guerre une trop grande latitude dans la matière ; c'est que l'autorité militaire restera seule juge, sans contrôle, des capacités des miliciens qui se présenteront pour jouir du congé que je réclame en leur faveur.

C'est, en effet, un inconvénient, et j'aurais peut-être songé à y obvier, si je n'avais voulu réduire la mesure à son minimum, de manière à la rendre acceptable par le ministre de la guerre.

Si des inconvénients se présentent, il sera temps encore d'aviser. Tout ce que je demande à M. le ministre de la guerre, et sous ce rapport l'honorable lieutenant général Renard me donne toutes les garanties, c'est qu'il n'y ait pas, dans l'application, deux poids et deux mesures.

Cela acquis, que le département de la guerre soit aussi sévère que le bien public l'exige, je m'en inquiéterai médiocrement. Qu'il demande aux miliciens de connaître l'école de soldat, l'école de peloton, non pas superficiellement, pas à peu près, mais à fond, de façon qu'ils puissent, au besoin, servir d'instructeurs, je n'y trouverai rien à redire.

En définitive, c'est, vu l'état des choses, une faveur qu'on leur accorde ; ils peuvent donc bien se donner quelque peine pour la mériter.

Je me bornerai, pour le moment, à ces considérations.

MpDµ. - La parole est à M. Coomans pour développer son amendement.

M. Coomansµ. - Ainsi que vient de le pressentir l'honorable préopinant, j'ai voulu surtout assurer au public des garanties contre l'inévitable arbitraire de mesures exécutées sans contrôle possible. Je n'admets pas que l'on ajoute de l'arbitraire à l'énorme arbitraire dont le projet est rempli.

D'après cet article 73, le département de la guerre peut retenir pendant plusieurs années sous les armes des citoyens qui auraient montré les capacités ; militaires voulues, mais qui, soit faute de protection, soit faute d'autres raisons que j'indiquerai, seraient retenus sous les armes.

Cette marge donnée à l'arbitraire est beaucoup trop grande. Il suffit d'une simple lecture de l'article 73 pour justifier mon inquiétude et ma réclamation. Cet article porte :

« Les miliciens ou remplaçants qui ont passé au moins vingt-quatre mois sous les drapeaux, d'après le mode déterminé, par le ministre de la guerre, peuvent seuls être envoyés en congé illimité, sous la réserve de leur rappel pendant un mois durant trois années. »

Messieurs, quand les miliciens ont accompli vingt-quatre mois de service d'après le mode déterminé par le ministre de la guerre, ils ont très largement acquitté, selon moi, leur dette militaire ; après ces vingt-quatre mois, ils ont droit à être renvoyés en congé.

Une note que l'honorable ministre vous a transmise naguère prouve qu'un an suffit à presque tous les miliciens pour acquérir toutes les connaissances nécessaires. Un an ! La loi en accorde deux. C'est beaucoup, selon moi, c'est beaucoup trop ; mais je désire qu'au bout de ces deux années, les miliciens non gravement punis soient renvoyés en congé.

Je demanderai à l'honorable ministre si son intention est, dans l'application arbitraire de cet article, de maintenir sous les drapeaux, après 24 mois d'honorables et suffisants services, les miliciens qui n'ont pas acquitté leur dette à la masse. Aujourd'hui on les relient sous les drapeaux pour crime de pauvreté... (Interruption.) Il n'y a pas d'autre raison que la pauvreté. Vous savez bien que le milicien qui a envie de partir fera tout ce qui est en son pouvoir pour apurer son compte à la masse, mais il est beaucoup de miliciens dont la famille a épuisé pour lui toutes ses ressources, et qui sont dans l'impossibilité absolue d'apurer les 30, 40 ou 50 francs qu'ils doivent à la masse. Contre ces miliciens, on exerce une double contrainte par corps ; la première contrainte par corps, c'est de les incorporer parce qu'ils n'ont pas pu se procurer un remplaçant ; la deuxième contrainte par corps, c'est de les retenir parce qu'ils ont été dans la nécessité de contracter des dettes.

Les autorités militaires et l'honorable général Renard savent mieux que personne que ces dettes sont inévitables, que le soldat est dans l'impossibilité de ne pas faire de dettes. Tous nos miliciens seraient endettés s'ils ne recevaient pas de secours de leur famille, si le gouvernement ne profitait pas de l'impôt moral, immoral veux-je dire, que la conscription arrache aux familles.

Il doit donc être entendu qu'une dette a la masse ne suffira pas pour faire maintenir un milicien sous les drapeaux.

II me semble, messieurs, que je fais la partie belle à M. le ministre de la guerre, lorsque je consens, ne pouvant faire autrement, au maintien des miliciens sous les drapeaux pendant vingt-quatre mois, et j'espèce que l'on reconnaîtra, après avoir reconnu que douze mois suffisent, qu'il serait injuste et inexplicable de les maintenir plus longtemps sous les drapeaux.

A ce propos, voici la remarque essentielle par laquelle je finis et qui, j'espère, sera l'objet d'une explication de l'honorable ministre.

L'article 73 porte qu'au bout de vingt-quatre mois, les miliciens pourront être renvoyés en congé et je demande qu'on s'explique franchement sur ce point-ci.

A-t-on la prétention de maintenir sous les armes pendant quatre et cinq ans, comme on le fait aujourd'hui, des miliciens dont tout le crime est de valoir mieux que les autres ? (Interruption.)

Je fais allusion aux miliciens incorporés dans les armes spéciales. Que met-on dans l'infanterie ? On y met ce qu'il y a de moins bon dans le contingent. Ce sont les officiers supérieurs qui l'affirment.

(page 91) On y met les hommes les plus petits, les moins instruits et les plus crétins.

Des officiers supérieurs (supérieurs dans tout le sens du mot) ont affirmé qu'on est toujours assez bon pour être fantassin.

Mais, qui met on dans les armes spéciales, dans la cavalerie, le génie et l'artillerie ?

La fleur du contingent, le dessus du panier, c'est-à-dire des jeunes gens qui ont le bonheur d'être nés beaux garçons et qui ont eu l'esprit d'acquérir des connaissances.

Ces jeunes gens ont travaillé dans leur jeunesse. Il en est, j'en connais, qui ont acquis une certaine instruction, qui sont des quasi-mathématiciens. Où les met-on ceux-là ? Dans le génie ; c'est-à-dire que vous punissez la vertu, le talent.

Ces hommes, vous les retenez quatre et cinq ans sous les drapeaux. J'ai dû arracher au département de la guerre, cela peut se démontrer par ses paperasses, un cavalier qui n'avait jamais été puni, qui n'avait pas un sou de dette à sa masse et qui était retenu dans son régiment de cavalerie depuis cinq ans, malgré toutes ses réclamations.

D'abord, à ma première réclamation, on a refusé d'élargir cet homme, sous le prétexte que l'intérêt du service s'y opposait.

Ma seconde réclamation, plus ferme et qui finissait par la menace de saisir la Chambre de la question, eut un plein succès.

Le lendemain, mon homme a été relâché.

Je vous le demande, est-il juste d'empirer encore votre inique système de la loterie, c'est-à-dire d'ajouter l'iniquité à l'iniquité et de punir arbitrairement des hommes qui n'ont pas commis de faute, qui ont eu le malheur de tirer un mauvais numéro, mais un numéro quelquefois supérieur à celui du fantassin, c'est-à-dire qu'ils ont, d'après votre belle règle de la loterie militaire, plus de droits que les fantassins d'être mieux traités. Ceux-là, au contraire, vous les traitez plus mal, je le répète, uniquement parce qu'ils valent mieux que les autres.

Un paresseux qui ne sait ni lire ni écrire, qui s'est crétinisé physiquement et moralement, celui-là, vous l'avantagez, vous le mettez dans l'infanterie et vous lui donnez volontiers des congés. Mais l'autre, qui aura bien travaillé, qui aura acquis des titres à l'estime publique, vous le punirez, vous le fourrerez pour cinq ans, pour quatre ans au moins dans ce que vous appelez les régiments d'élite ou armes spéciales. Mais, messieurs, c'est une iniquité révoltante et je suis affligé de voir l'honorable ministre de la guerre rire devant une pareille affirmation...

MgRµ. - Je fais la remarque que le discours que vous prononcez est la reproduction exacte de celui que vous avez prononcé au mois de mars dernier.

M. Coomansµ. - Si je reviens sur des observations que j'ai déjà faites, c'est qu'on n'y a pas eu égard.

MgRµ. - La Chambre a fait droit en votant...

M. Coomansµ. - La Chambre ne fait pas toujours droit ; elle fait souvent gauche, à gauche. Dans tous les cas, un sourire n'est pas une réponse.

Je vous prie donc de me montrer d'où vous vient le droit même légal, ce qui est très peu dire, d'appliquer cinq ans de détention militaire... (Interruption). C'est mon opinion. Vous vous récriez contre le mot « détention » ; ouvrez donc vos casernes comme vous avez laissé ouvrir la prison d'Arlon, vous verrez.

M. Bouvierµ. - On ne l'a pas ouverte ; on l'a laissée ouverte.

M. Coomansµ. - Cela prouve que les portiers étaient bien maladroits.

Eh bien, je voudrais bien qu'on me montrât même le droit légal de conserver dans les casernes par la force, pendant quatre ans, cinq ans, des hommes qui ont les mêmes droits que ceux que vous n'y maintenez que pendant deux ans. C'est l'une des grandes iniquités de votre système de milice, et je constate avec fierté, avec orgueil, qu'on n'a jamais répondu à mes réclamations que par des sourires.

- L'amendement de M. Coomans est appuyé ; il fait partie de la discussion.

MgRµ. - Ainsi que je l'ai déjà dit incidemment à la Chambre, l'honorable M. Coomans vient de reproduire, à peu près dans les mêmes termes, un discours qu'il a prononcé au mois de mars de l'année dernière.

M. Coomansµ. - Je l'ai prononcé plus de dix fois.

MgRµ. - La proposition de M. Coomans a donné lieu à de longues discussions ; des votes ont été émis par la législature, et ces votes ont condamné le système que l’honorable membre nous rappelle aujourd'hui.

Le but de l'amendement de l'honorable M. Coomans est de faire décider que le gouvernement sera obligé de renvoyer tous les miliciens ayant vingt-quatre mois de service, ceux mêmes qui servent dans la cavalerie et dans les armes spéciales.

Au bout de vingt-quatre mois, donc, le soldat aurait terminé son terme, sauf les trois rappels. Cet amendement conduit à la désorganisation complète de la cavalerie et de nos armes spéciales.

M. Coomans demande en vertu de quel droit nous conservons les miliciens d'une certaine catégorie plus longtemps sous les armes que ceux dont l'incorporation était faite dans d'autres conditions.

Ce droit, nous le puisons dans la disposition légale qui fixe à huit ans la durée du service des miliciens en temps de paix ; la rigueur de ce droit est tempérée par la loi du budget qui réduit, en pratique, la durée du service, tout en maintenant, entre les différentes armes, la disproportion dont se plaint l'honorable membre.

Maintenant, messieurs, reviendrai-je sur la nécessité de conserver plus longtemps les hommes dans la cavalerie ? Ce serait abuser de votre patience ; mes discours de l'année dernière y répondent longuement.

J'ai dit alors que si l'instruction du fantassin n'exigeait que deux années tandis qu'il en faut quatre pour former un cavalier, je ne voyais pas pourquoi on conserverait le premier sous les armes une fois plus de temps qu'il n'est nécessaire. Mais la plupart des soldats d'infanterie, d'après l'honorable membre, sont des crétins.

M. Coomansµ. - Je n'ai pas dit cela.

MgR. - Vous avez dit qu'on mettait les crétins dans l'infanterie.

M. Coomansµ. - Oui !

MgRµ. - Eh bien, si vous aviez assisté à la revue militaire du mois de septembre dernier, vous auriez pu vous convaincre que nos fantassins sont de bons, d'excellents, de braves soldats, qui sauraient énergiquement faire leur devoir, le cas échéant. Ils sont dignes du respect de tous et vous n'ayez pas le droit de les insulter.

M. Coomansµ. - Je demande la parole.

MgRµ. - L'amendement de l'honorable M. Coomans mettrait le gouvernement dans une position très fausse. J'ai dit et répété que, d'après l'organisation nouvelle, le soldat d'infanterie, après vingt-six mois de service consécutif, y compris deux mois de congé, serait renvoyé dans ses foyers, et la loi du budget est basée sur ce temps de service. Mais si vous donniez au soldat d'infanterie le droit absolu de partir à l'expiration de ces vingt-six mois, qu'arriverait-il si les circonstances du moment nous obligeaient de les conserver quinze jours, un mois de plus au service ?

Quelle serait, je vous demande, la position du gouvernement dans une pareille circonstance ?

Que ferait-il, si le soldat, invoquant le texte de la loi, déposait son sac, son fusil et son équipement, le lendemain de l'expiration de ses vingt-six mois de service et vous souhaitait le bon jour ?

M. Coomansµ. - Il aurait parfaitement raison.

MgRµ. - Eh bien, je dis moi que mieux vaudrait n'avoir pas d'armée que d'en avoir une dont l'organisation serait basée sur de tels principes.

Je passe à l'amendement de M. Couvreur.

L'honorable membre demande que l'homme qui, en arrivant au corps, prouvera qu'il possède l'école du soldat d'une manière complète, de manière à pouvoir même au besoin servir d'instructeur, sera renvoyé pendant trois mois dans ses foyers.

M. Couvreurµ. - Pourra...

MgRµ. - En effet, c'est une faculté, et il en sera de même pour le soldat qui connaîtra l'école de peloton. Voilà l'amendement.

Je ne suis pas éloigné d'admettre la première partie de cet amendement, sauf à réduire la durée du congé. Je conçois, en effet, qu'on permette à une recrue, possédant à fond l'école de soldat, de retourner pendant deux mois dans ses foyers. Mais il n'en est pas de même en ce qui concerne l'école de compagnie.

D'après nos nouveaux règlements, l'école de compagnie rentre en quelque sorte dans l'école de bataillon. Le soldat ne peut apprendre individuellement l'école de compagnie ; il doit être mêlé avec ses camarades ; et ce n'est que par l'union, par la cohésion des éléments qu'on peut arriver à former une véritable école de compagnie.

Autre considération : le soldat ne doit pas seulement savoir l'exercice ; il doit connaître tout ce qui se rattache aux soins de propreté, à (page 92) l’entretien des armes et de ses effets ; de plus, il faut qu'il concoure au service de garnison. Après trois mois, il monte la garde. Si donc on renvoyait tous les soldats instruits, il en résulterait que tout le fardeau des gardes, toutes les fatigues du service tomberaient sur leurs camarades. Cela n'en pas admissible en équité et est impraticable en fait.

De plus, messieurs, il n'y a guère que les habitants des villes qui pourront acquérir les connaissances voulues avant l'incorporation ; nos pauvres villageois éprouveront des difficultés très grandes pour réunir les éléments de cette instruction préparatoire. Par conséquent, ce seraient les miliciens de nos campagnes qui porteraient tout le fardeau du service militaire pendant l'absence de leurs camarades des villes plus instruits.

Ainsi, je suis d'avis qu'il y a moyen de faire droit au désir de M. Couvreur, mais seulement en ce qui concerne une partie du temps consacré à l'école du soldat ; toutefois, il n'y a pas lieu d'inscrire dans la loi la disposition proposée par l'honorable membre ; cela présenterait un danger.

C'est une question à régler par voie administrative, et je pense que la Chambre ferait bien d'adopter le premier paragraphe de l'article 73 tel qu'il est rédigé.

- Un membre. - M. Couvreur ne demande qu'une faculté.

MiPµ. - Je prie mon honorable collègue de me permettre de dire un mot.

MgRµ. - Volontiers.

MiPµ. - Messieurs, l'honorable M. Couvreur propose d'inscrire dans la loi une faculté pour le gouvernement : mais cette faculté est déjà inscrite dans la loi. En effet, l'article 73 porte que les miliciens qui ont passé au moins vingt-quatre mois sous les drapeaux peuvent être envoyés en congé illimité. Il est évident que le gouvernement continuera, comme il le fait maintenant, d'user de la faculté de donner des congés illimités aux miliciens.

MpDµ. - La parole est continuée à M. le ministre de la guerre.

MgRµ. - Ainsi que vient de le faire observer mon honorable collègue, le département de la guerre accorde des congés temporaires quand il le croit nécessaire. Je ne vois donc pas pourquoi le ministre ne pourrait pas, dans une instruction spéciale, recommander aux chefs de corps de renvoyer dans leurs foyers les miliciens connaissant parfaitement l'école de soldat. (Interruption.)

La loi parle des hommes qui auront été sous les drapeaux ; mais elle ne dit pas qui auront été constamment sous les armes. (Interruption.) Oui, les congés temporaires donnés par ordre du département de la guerre comptent dans les vingt-quatre mois.

M. Muller, rapporteurµ. - Ainsi les mots « sous les drapeaux » ne sont pas l'équivalent des mots : « de présence sous les armes ».

MgRµ. - Entendons-nous. Je suppose qu'à un moment donné le gouvernement, dans un intérêt financier, ou pour tout autre motif, juge convenable d'envoyer temporairement en congé une partie des classes qui sont sous les armes ; il est évident que ces sortes de congés compteront dans les vingt-quatre mois.

Je me résume en priant de nouveau la Chambre d'adopter l'article 73, tel qu'il est rédigé. La Chambre a déjà voté cette disposition, à une majorité considérable, au mois de mars de l'année dernière.

M. Coomansµ. - L'honorable ministre de la guerre commet une erreur très grave lorsqu'il me fait dire qu'il n'y a dans l'infanterie que des crétins ; c'est une invention de M. le ministre. Je dis positivement que cela n'est pas vrai. J'ai connu beaucoup de fantassins, officiers et soldait, qui n'étaient pas des crétins ; au contraire, ils valaient, pour l'intelligence et pour le moral, des hommes de six pieds de haut et qui avaient passé par toutes les écoles.

Ce que j'ai dit, d'après les déclarations des autorités militaires, et d'après celles de l'honorable ministre de la guerre, c'est que l'on met dans l'infanterie ce qu'il y a de moins bon dans le contingent. Voilà ce que j'ai dit et c'est vrai, c'est unanimement reconnu.

- Des membres. - C'est très vrai !

M. Coomansµ. - Tant pour les qualités physiques qu'intellectuelles, on met dans l'infanterie ce qu'il y a de moins bon dans le contingent.

Mais en voulez-vous une preuve ? C'est que le remplaçant pour les armes spéciales coûte beaucoup plus cher que pour l'infanterie et, à ce point de vue, je dois faire remarquer que M. le ministre ne m'a point répondu le moins du monde. Je lui ai demandé de m'expliquer comme quoi il trouve juste et équitable cette disposition légale qui lui permet de maintenir sous les armes pendant quatre ou cinq ans les mêmes hommes du même contingent, ayant les mêmes droits politiques et civiques que ceux à qui il accorde la faveur de servir deux ans et moins dans l'infanterie.

J'ai signalé une grande iniquité, mais M. le ministre se borne à me dire ce qu'on m'a répondu dix fois : Nous gardons ces hommes quatre ou cinq ans parce qu'il nous faut des soldats aguerris.

C'est la fameuse raison de Bilboquet : « Cette malle doit être à nous. »

J'ai parlé au point de vue de la justice la plus élémentaire et vous vous obstinez à ne pas vous y placer, même pour les familles qui remplacent leurs enfants ; l'injustice que je signale est forte. A une famille vous faites payer 1,200 francs, quelquefois moins. A l'autre famille, dont le fils a été incorporé ou désigné pour un régiment d'élite, vous faites payer 1,500, 1,600 et même 1,800 francs, c'est-à-dire qu'il y a là encore une grande diversité d'impôt, et tout cela pourquoi ?

Est-ce la loterie qui décide ? Est-ce ce grand Deus ou Dea ex machina ? Non, c'est vous qui empirez les choses, c'est vous qui créez l'inégalité.

Ah ! si vous consentiez à rémunérer convenablement vos victimes, alors je ne parlerais guère de ces iniquités.

Si vous les payiez d'après le temps de service, d'après les sacrifices de temps et d'argent et de liberté que vous leur avez imposés, dans cette hypothèse je garderais peut-être le silence. Mais aujourd'hui que vous faites des miliciens les seuls fonctionnaires belges qui ne soient pas payés et presque les seuls qui travaillent, l'iniquité est trop forte.

On parle de l'égalité des Belges devant la loi.

Mais, messieurs, nulle part ce principe n'existe moins que dans la matière que nous discutons si péniblement depuis quelques jours. L'égalité des Belges est une fiction ; mais ce qui est vrai, c'est l'inégalité des Belges, non seulement au point de vue de la loterie, mais au point de vue encore de l'application des absurdes décrets de la loterie.

L'honorable ministre se récrie à la pensée que le milicien pourrait invoquer un texte de loi pour lui dire : Monsieur le ministre, je vous salue ; je m'en vais.

Mais, messieurs, sommes-nous dégénérés au point de ne pas reconnaître que tout Belge a le droit d'invoquer la loi ?

Où serait le scandale si un milicien invoquait un texte formel de loi pour s'en aller quand son temps de service serait écoulé ?

Mais il n'y aurait pas de scandale dans la revendication de ce droit. Ce qui serait scandaleux, ce serait son silence ; ce serait de le voir courber sous le joug.

Comment ! pendant des siècles les Belges ont fait ce que je viens de dire, ils ont cessé de servir, quand ils croyaient avoir droit de ne plus servir. Ils servaient pendant quarante jours, et ces quarante jours écoulés, ils disaient non seulement au ministre de la guère, mais à Monseigneur le duc de Bourgogne et à S. M. l'empereur d'Allemagne : Nous en avons assez et nous vous plantons là. Et ils avaient parfaitement raison. C'est ce qu'ils ont fait, entre autres, au fameux siège de Calais en 1436, je pense.

Il résulte des explications que viennent de donner MM. Renard et Pirmez, que l'arbitraire ira beaucoup plus loin que je ne supposais ; c'est-à-dire que le département de la guerre se réserve le droit d'envoyer en congé, à sa guise, des hommes qui n'auraient pas été vingt-quatre heures sous les drapeaux. Mais, messieurs, vous ouvrez à deux battants la porte au favoritisme et à l'arbitraire.

Quoi ! M. le ministre pourra renvoyer un homme au bout de deux mois, au bout d'un mois, peut-être au bout de quinze jours, peut-être au bout de huit jours, comme je l'ai vu... (Interruption) ; peut-être au bout de 24 heures, comme je l'ai vu... (Interruption) ; d'une heure, comme je l'ai vu... (Interruption.) Je puis invoquer des faits officiels. Il y a longtemps de cela. Cela ne regarde pas M. le ministre de la guerre qui siège aujourd'hui. Mais quand on pourra renvoyer au bout d'une heure dans ses foyers un milicien régulièrement incorporé, je vous demande où s'arrêtera la course aux faveurs. Il est déjà très fâcheux qu'aujourd'hui on n'accorde pour ainsi dire des congés qu'à des membres des deux Chambres.

Tous les miliciens n'ont pas l'heur de nous connaître, et ceux qui n'ont pas de bonnes connaissances restent sous les drapeaux.

Cet arbitraire doit être supprimé. Et remarquez qu'il l'était par la loi de 1817. D'après la loi de 1817 sur la milice, qui est encore aujourd'hui en vigueur, les congés sont tirés au sort, parmi ceux qui les méritent, bien entendu. Pourquoi ? Pour empêcher les tristes conséquences du favoritisme et de l'arbitraire.

Mon amendement est très rigoureux encore... mais il est une concession énorme faite à vos exigences.

En vertu de cet amendement, quiconque aura passé réellement 24 mois sous les drapeaux aura droit à son congé illimité. Je ne fais allusion, (page 93) vous le sentez bien, qu'à ceux qui n'ont pas contracté des obligations délictueuses vis-à-vis du gouvernement, la masse mise à part.

Eh bien, messieurs, je dis qu'à ces citoyens qui ont honnêtement, qui ont gratuitement rempli leurs devoirs, vous leur devez leur congé.

Il est temps que nous sachions s'il y aura quelque indemnité pour ces malheureux que vous êtes bien décidés, je ne l'ignore pas, à conserver sous les drapeaux, uniquement parce que vous avez besoin d'eux, à peu près comme le pacha d'Egypte fait creuser gratuitement, ou peu s'en faut, son canal par les fellahs. Là aussi ce sont les nécessités du service qui font son excuse, mais cela ne suffît pas.

Si vous pouviez consacrer une rémunération réelle quelque peu raisonnable des corvées d’un autre âge que vous imposez à nos concitoyens, eh bien, messieurs, je passerais condamnation sur beaucoup de dispositions de votre loi ; mais il ne suffit pas d'inscrire dans la loi le principe de l'indemnité ; les citoyens ne vivent pas de principes, surtout de ceux que nous proclamons ; il leur faut une rémunération réelle, et si vous ne faites pas cela, vous rendrez votre loi tellement odieuse, qu'elle sera insupportable.

M. de Theuxµ. - Il est certain, messieurs, que dans la rémunération il faut tenir compte de la prolongation du service pour les armes spéciales. Je comprends que cette prolongation est indispensable, mais lorsque dans ces armes on dépasse le temps de service normal, il faut que les années supplémentaires deviennent l'objet d'une rémunération exceptionnelle. Ainsi, un fantassin a droit à une rémunération après deux années de service ; un cavalier qui a servi six ans n'a pas seulement droit à une rémunération pour ces six années ; il a droit, en outre, à une rémunération supplémentaire pour les quatre années qu'il a servi en plus.

Je crois que cette mesure ferait droit aux observations de l'honorable M. Coomans.

MgRµ. - Il est entendu qu'il faudra rémunérer celui qui sert longtemps mieux que celui qui sert peu. Le gouvernement n'a certes pas perdu de vue ce principe, et l'honorable comte de Theux en trouvera l'application dans le projet de loi qui sera présenté au sujet de la rémunération à accorder aux miliciens.

Je répondrai quelques mots à l'honorable M. Coomans, à propos de son cavalier qu'il fait passer périodiquement sous les yeux de la Chambre.

Nous sommes dans l'obligation de faire servir le cavalier plus longtemps que le fantassin ; il en est de même de l'artilleur ; c'est une injustice criante, dit l'honorable M. Coomans ; ce n'est pas l'égalité ! Pour être logique, l'honorable M. Coomans devrait demander que tout le monde servît quatre ans. (Interruption.) Mais c'est évident ; il faut quatre ans pour former les cavaliers ; nous devons donc les garder. S'il nous fallait quatre années pour former les fantassins, nous les garderions également quatre ans ; mais alors que l'instruction de ces derniers est complète en deux ans, devons-nous, par respect pour l'égalité, les retenir plus longtemps sous les armes, et n'est-il pas raisonnable, dans l'intérêt des miliciens comme dans l'intérêt du trésor, de les renvoyer dans leurs foyers ? C'est une infamie ! dites-vous ; tout le monde doit être traité de la même manière.

Eh bien alors, je répète que cela conduit à garder tout le monde quatre ans. (Interruption.) Les volontaires servent huit ans parce qu'ils s'y sont engagés ; mais nous parlons ici des miliciens. Or, sauf le cas de circonstances exceptionnelles, il n'est ni raisonnable ni économique de les retenir au delà du temps nécessaire à leur instruction.

Ce n'est pas de gaieté de cœur qu'on fait servir les cavaliers, les artilleurs, les soldats du génie plus longtemps que les fantassins. C'est la nécessité qui le commande et le gouvernement ne pourrait se soustraire à cette nécessité sans méconnaître ses devoirs.

M. Couvreurµ. - L'honorable ministre de la guerre fait, à ma proposition, quelques objections qu'il me sera facile de rencontrer.

L'éducation du soldat, dit-il, ne consiste pas seulement dans les exercices militaires ; il faut encore qu'il apprenne la discipline, sans laquelle il n'y a point d'armée ; les soins de propreté, l'entretien de ses armes et de ses effets ; tout ce qui constitue enfin le bon soldat.

Le nouveau règlement ne lui permettrait pas, non plus, d'accorder la dispense de six mois pour le cas où le milicien serait en état d'entrer immédiatement à l'école de bataillon.

L'honorable ministre de la guerre me permettra de lui rappeler que cette concession il l'avait faite cependant, dans la grande commission militaire, et que, dans la discussion de la session dernière, il répétait « qu'on pourrait accorder des congés aux hommes qui, avant leur arrivée sous les drapeaux, auraient acquis un degré suffisant d'instruction. »

MgRµ. - C'est parce qu'il n'y avait pas d'écoles de compagnie alors.

M. Couvreurµ. - C'est une nouvelle organisation que je ne connaissais pas ; j'étais donc parfaitement fondé à faire ma proposition dans les termes où je l'ai libellée.

Je ferai observer qu'en inscrivant la disposition dans la loi, nous accorderions une prime d'encouragement, précisément pour que le milicien apprenne, étant à l'école, tout ce que le gouvernement lui enseigne aujourd'hui à son arrivée au régiment ; en un mot, l'enseignement que le gouvernement lui donne sous les drapeaux.

Si le gouvernement se borne à prendre ces mesures par voie réglementaire, s'il les fait dépendre de son bon plaisir, je crains que cet encouragement ne vienne à faire défaut et que le but que j'ai en vue ne soit pas atteint.

Si l'on veut que le pays fournisse à l'armée des miliciens plus intelligents, plus propres, plus disciplinés, plus aptes, enfin, à recevoir les derniers enseignements de leur nouvelle carrière, il faut que des garanties sérieuses leur soient données qu'ils ne passeront pas en vain leur temps a s'y préparer. Ces garanties, la loi les assure mieux que des arrêtés ministériels.

M. le ministre me fait l'objection que ce serait aggraver les charges de ceux qui seraient désignés pour le service ; ces miliciens n'auraient qu'à s'en prendre à eux-mêmes de ce surcroît d'occupation. Au surplus, ma proposition n'est pas impérative. C'est une faculté que j'entends accorder au gouvernement et dont il ne disposera que dans les cas où il pourra le faire sans de trop graves inconvénients, soit pour lui-même, soit pour les miliciens.

Enfin, et ceci est l'observation la plus sérieuse, je favoriserais, par mon amendement, les miliciens des villes au détriment, des miliciens fournis par les campagnes.

Je ne crois pas l'objection bien fondée.

Notons, d'abord, que l'effet de la disposition ne se fera sentir que lentement, à mesure que les populations en apprécieront les avantages. Les campagnes n'auront-elles pas tout le temps voulu pour se mettre en état d'en profiter ?

Est-ce que dans les campagnes on ne trouvera pas d'instructeurs ? Est-ce que l'ordre, la discipline, les exercices, les marches, l'instituteur ne peut pas enseigner tout cela à ses élèves, à condition qu'on le forme lui-même et qu'on décharge un peu ses leçons de tout le fatras pédant dont on l'accable aujourd'hui ? Un peu moins de rhétorique dans nos écoles primaires et un peu plus de gymnastique, ce serait là un véritable progrès !

Mais, à défaut de l'instituteur rural pour enseigner les éléments de l'école du soldat, n'avons-nous pas le garde champêtre ? (Interruption.)

Je sais bien que ces agents sont, aujourd'hui, surchargés de besogne. Pourquoi ? Parce qu'ils ne sont que trop souvent les domestiques des bourgmestres.

Mais rien ne nous empêche, lors de la discussion du prochain budget de l'intérieur, de traiter cette matière et de réorganiser, s'il est nécessaire, l'institution des gardes champêtres de façon à en faire une véritable force de police rurale. Dans ce cas, on pourrait exiger, de ces modestes fonctionnaires, des connaissances propres à en faire des instructeurs militaires.

Enfin, à défaut des instituteurs et des gardes champêtres, ne trouverions-nous pas, dans les campagnes, de vieux soldats qui, moyennant une indemnité, consentiraient à donner l'instruction militaire élémentaire aux jeunes miliciens qui voudraient, avant leur entrée au service, réclamer le bénéfice de mon amendement ?

Je donne un privilège aux villes, dit M. le ministre de la guerre. En admettant que cela soit, où serait le mal ? Ce serait un privilège naturel, découlant de la force des choses. Les villes en ont beaucoup de cette nature. Les campagnes ont leurs compensations. La loi ne s'arrête pas devant ces objections.

Est-ce que, parce que la population est plus agglomérée dans les villes et que les enfants ont moins de chemin à parcourir, il faut y créer moins d'écoles que dans les campagnes ? Faut-il décupler dans les campagnes le nombre des églises pour les mettre à la portée des fidèles autant qu'elles le sont dans les villes ?

Mais je n'admets pas que ma proposition implique un privilège. Les difficultés d'organiser l’enseignement de la gymnastique dans les campagnes seront peut-être un peu plus grandes, mais elles ne sont certes pas insurmontables.

J'ai dit pourquoi je préférais inscrire la disposition dans la loi. L'encouragement donné à ces exercices militaires de l'enfance ne sera sérieux qu'à cette condition. Il faut que nous puissions en contrôler l'observation et que les populations elles-mêmes puissent invoquer la loi si le gouvernement (page 94) néglige de l'appliquer. Sinon, il dépendra du plus ou moins de bonne volonté d'un ministre de la guerre, du plus ou moins d'importance qu'il attachera à ces exercices préalables, que le bénéfice de la dispense soit un encouragement réel ou une lettre morte.

J'avais une autre raison de vouloir introduire la disposition dans la loi, au moins sous forme facultative. C'est que l'article 73, tel qu'il est rédigé, fait, de la présence du milicien sous les drapeaux pendant 24 mois au moins, une disposition impérative.

Je ne pouvais pas supposer qu'il dépendît d'un arrêté ministériel de réduire encore ce temps réglementaire.

La loi qui fixe le temps de service étant impérative, la dispense pour le renvoi des miliciens capables dans leurs foyers pendant les deux ou trois premiers mois de leur entrée au régiment devait être également fixée par la loi.

Des explications fournies par M. le ministre de la guerre, il ressort qu'il n'en peut être ainsi. Les congés que le département de la guerre promet de donner aux miliciens, du chef de leurs connaissances spéciales, de leur instruction, de leur intelligence compteront dans ces vingt-quatre mois.

Dans ces conditions, ma proposition n'aura pas été inutile et, pour ne pas perdre le bénéfice de la concession qui vient de m'être faite, je retire mon amendement. Mais je prends acte des déclarations et des promesses de l'honorable ministre de la guerre, avec l'espoir qu'il en fera la plus large application possible.

M. Bouvierµ. - J'avais demandé la parole lorsque M. Coomans a parlé de l'inégalité de la durée du service dans les diverses armes de nos forces militaires.

Il y a dans ces observations quelque chose de juste et de fondé.

Les miliciens qui entrent dans l'infanterie sont généralement tenus de ne servir que pendant une période de vingt-quatre mois, tandis que le conscrit appelé dans les armes spéciales est astreint à un service beaucoup plus long, quatre ans, je pense.

MgRµ. - Trois ans dans l'artillerie, et quatre ans dans la cavalerie...

M. Bouvierµ. - Soit. Il y a là une inégalité qui me paraît choquante ; il faudrait tenir compte au milicien de cette inégalité.

MiPµ. - Cela sera...

M. Bouvierµ. - Du moment que le gouvernement a cette intention, je n'insiste pas et je prends acte de cette déclaration qui me semble répondre à de justes réclamations.

MpDµ. - La parole est à M. de Brouckere.

M. de Brouckereµ. - J'y renonce, M. le président.

MpDµ. - La parole est alors à M. Coomans.

M. Coomansµ. - J'ai demandé la parole, non pas une troisième fois sur cet article, mais une première sur l'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer.

L'honorable ministre de la guerre n'a pas daigné répondre à un point essentiel de mon discours, à savoir la masse.

Je lui ai demandé s'il continuerait à refuser des congés au milicien dont le seul tort serait d'avoir une dette à la masse.

Pendant de longues années, c'est ce que l'on a fait ; plusieurs ministres de la guerre nous ont déclaré qu'ils devaient continuer ces errements-là, attendu que si l'on accordait des congés à des miliciens endettés, même sans leur faute, il y aurait des non-valeurs trop fortes au budget de la guerre.

Mais, messieurs, le paragraphe final me paraît contenir une disposition beaucoup plus grave encore. Ce paragraphe final exige, de la part du milicien qui demande à contracter mariage, la preuve qu'il n'a pas de dette à sa masse. Je prie M. le président de vouloir bien lire l'amendement que je propose à ce paragraphe.

MpDµ. - Voici la proposition de M. Coomans :

« Supprimer du paragraphe final les mots « par un certificat de leur chef de corps constatant qu'ils ont soldé leur dette à la masse »

M. Coomansµ. - Messieurs, c'est déjà une grande injustice que d'empêcher des citoyens belges de se marier, d'user du premier des droits naturels et civils, et cela sans indemnité aucune et dans un intérêt d'une valeur très équivoque, selon moi.

Mais défendre à des citoyens qui ont servi gratuitement et honnêtement l'Etat pendant cinq ans, leur défendre de contracter mariage au bout de ces cinq ans, c'est les traiter en ilotes, en parias, en esclaves tels que je n'en rencontre pas, sous ce point de vue, dans l'antiquité. Ces hommes-là mériteraient une récompense ; au lieu de cela, vous leur dites : Vous ne vous marierez pas parce que vous me devra 30, 40 ou 50 francs. Ceci est tout à fait injustifiable, même au point de vue du prétendu intérêt militaire qu'on invoque sans cesse. Il n'y a plus ici qu'une question d'argent ; et il serait vraiment inouï que l'on privât du droit, du devoir même qu'ont souvent les miliciens de contracter mariage pour leur arracher un supplément de sacrifice financier.

Maintenant déjà, bien des familles se mettent dans la gêne pour payer les 40 ou 50 francs dont je parle ; et ce payement est d'autant plus pénible qu'il a lieu lors de l'établissement du ménage. Mais il est des miliciens, la société de Saint-François-Régis le sait mieux que nous, et je la loue des peines infinies qu'elle se donne ; il est, dis-je, des miliciens qui, après cinq ans de service, sont trop pauvres pour acquitter leur dette à la masse, dette, nous l'avons démontré cent fois, dette forcément, inévitablement contractée envers l'Etat. Or, vous empêchez le mariage au risque souvent de perpétuer des situations qui sont un véritable scandale, au mépris d'un des premiers droits naturels et civils ; et tout cela pour quelques milliers de francs que vous craignez de perdre chaque année.

J'ai connu de jeunes ménages qui se sont imposé des sacrifices douloureux pour arriver à payer une somme d'une cinquantaine de francs au gouvernement.

C'est encore là une variété de l'odieuse contrainte par corps que vous ne parvenez à supprimer qu'en pure théorie.

- L'amendement de M. Coomans est appuyé.

MgRµ. - Messieurs, depuis plusieurs années le sort du soldat a été beaucoup amélioré.

Lorsque l'homme devait payer la viande au moyen de sa solde, il arrivait, par suite des fluctuations de prix, que le prêt devenait insuffisant et que le soldat n'avait plus de deniers de poche.

Afin de lui laisser quelques centimes, on prélevait le déficit sur l'argent versé à la masse et il en résultait que les masses individuelles s'obéraient.

Aujourd'hui que l'Etat fournit la viande moyennant une retenue de 20 centimes sur la solde, les masses n'ont plus d'avances à faire et elles se trouvent dans une situation bien meilleure ; de sorte qu'il est probable que le soldat soigneux pourra payer facilement l'habillement qu'on lui livre.

J'admets, comme l'honorable membre, que le gouvernement doit fournir aux hommes les moyens de se libérer, sous ce rapport, envers l'Etat.

Mon attention s'est portée sur les masses et sur la solde. Il nous serait difficile d'augmenter la masse du soldat ; mais on peut arriver indirectement à ce résultat en diminuant, par d'heureuses simplifications, les dépenses d'équipement, et c'est ce dont je m'occupe.

Je rappellerai, du reste, à la Chambre, que depuis un certain nombre d'années, on a amélioré la masse du soldat, en portant de 10 à 36 francs l'indemnité de premier équipement.

J'espère donc qu'il arrivera un moment où la masse sera dans une aussi bonne situation que la solde même. (Interruption.)

On me parle de la réserve. Je pense qu'il y a quelque chose à faire, et je ne suis pas éloigné de retoucher, en ce qui la concerne, les passages de l'article 73 contre lesquels l'honorable M. Coomans s'est élevé.

Je prie du reste la Chambre de remarquer qu'il y a une distinction à faire au sujet des dettes à la masse. Vous avez des soldats qui ont des dettes uniquement par leur faute ; les uns par négligence et par inconduite, les autres parce qu'ils ont détérioré volontairement ou même vendu leurs effets ; d'autres encore parce qu'on a sollicité pour eux de longs congés de faveur ; n'ayant touché aucune solde pendant leur absence, ils n'ont pu, par conséquent, alimenter leur masse et payer leurs dettes. Pour ceux-là, il est évident que le gouvernement a raison d'exiger qu'ils payent leurs dettes avant de contracter mariage.

Je comprends néanmoins que lorsqu'il s'agit d'un milicien qui a fait son devoir, il ne faut pas empêcher son mariage parce qu'il devra involontairement quelques francs à sa masse.

Je consens donc à ce qu'on rédige l'article en délibération de manière à exonérer le milicien honnête qui se trouvera dans l'impossibilité de payer une dette involontaire à la masse au moment de son mariage ; mais je tiens à ce que la condition de payement soit maintenue pour le militaire négligent ou coupable qui aura contracté des délies par sa propre faille.

MiPµ. - Messieurs, on pourrait réserver cette partie de l'art. 73 jusqu'à demain ; on pourrait d'ici à demain présenter une rédaction dans le sens des observations que M. le ministre de la guerre vient de présenter.

J'ai, de mon côté, à faire une proposition au deuxième alinéa du même article.

Il y a dans le premier paragraphe une omission qui change complètement le sens de l'article : « Les miliciens et remplaçants du contingent (page 95) de réserve ne sont appelés sous les armes que pour quatre mois pendant la première année, et pour un mois pendant chacune des années suivantes. »

Il faut dire : « pendant chacune des trois années suivantes.3

Le second paragraphe de l'article est évidemment inutile ; il n'y a aucune raison d'insérer cette disposition plutôt dans cet article que dans les autres articles du projet de loi.

Je propose donc la suppression de ce paragraphe.

Enfin, messieurs, je crois qu'il y a une restriction à faire au droit du gouvernement de donner des congés aux remplaçants.

L'observation en a été faite par M. Notelteirs pendant la session dernière.

Voici en quoi elle consiste :

Il s'agit encore de l'exemption des frères.

L'exemption n'est acquise au second frère, que lorsque le service du premier a duré pendant un certain temps qui est déterminé par l'article 21ter.

Or, comme on admet que le service du remplaçant doit être le même, que celui du remplacé pour produire l'exemption, il faut que le gouvernement ne puisse pas le réduire à rien en accordant au remplaçant des congés qui détruiraient l'exemption pour le second frère.

Pour donner à cet égard les garanties nécessaires, je propose, d'insérer un troisième paragraphe qui remplacerait le troisième paragraphe supprimé et qui serait ainsi conçu :

« Le service des remplaçants ne peut être réduit au-dessous de la limite fixée par l'article 21ter. »

Le quatrième alinéa, que je propose de réserver, formerait un article séparé.

M. de Theuxµ. - Je voudrais présenter une observation relative au dernier paragraphe. Mais comme la discussion de ce paragraphe a été ajournée, j'ajournerai également mes observations.

En attendant je dirai que j'approuve, complètement la suppression du dernier paragraphe.

M. Muller, rapporteurµ. - Je dois demander au gouvernement une explication sur la portée qu'il attribue au dernier paragraphe de l'article 73.

Je ferai d'abord remarquer que la section centrale n'a modifié aucun des trois premiers paragraphes de cet article, parce qu'ils ont été complètement et littéralement empruntés à la loi votée en avril 1868, trop récente encore pour que la section centrale ait voulu prendre l'initiative de la modifier en un point des plus importants.

Dans la pratique il paraît que l'honorable ministre de la guerre n'a pas interprété, comme la section centrale, la portée du premier paragraphe.

Je vais vous exposer la question.

Il est dit à l'article 73 :

« Les miliciens ou remplaçants qui ont passé au moins vingt-quatre mois sous les drapeaux, d'après le mode déterminé par le ministre de la guerre, peuvent seuls être envoyés en congé illimité, sous la réserve de leur rappel pendant un mois, durant trois années. »

Le second paragraphe, s'occupant de la réserve, dit :

« Les miliciens et remplaçants du contingent de réserve ne sont appelés sous les armes que pour quatre mois pendant la première année, et pour un mois pendant chacune des trois années suivantes. »

Lorsque j'ai voté cet article comme membre de la Chambre, j'ai toujours cru qu'en dehors des cas de péril ou de menaces pour le pays, il ne conférait au gouvernement le droit de rappeler les miliciens envoyés en congé illimité et qui appartiennent à l'armée active, que pendant les trois années suivantes, ce qui concorde parfaitement avec le second paragraphe, qui n'autorise également à rappeler sous les armes pendant un mois les miliciens de la réserve, que pendant chacune des trois années qui suivent le congé illimité.

La section centrale a entendu dans ce sens la disposition du paragraphe premier de l'article 73.

Or, il résulte, entre autres, d'une circulaire que j'ai eue sous les yeux, qui a été imprimée dans le journal officiel militaire, que le département de la guerre s'attribue le droit de faire subir les mois de rappel en temps de paix, aux miliciens de l'armée active, non pas dans la 3ème, la 4ème et la 5ème année, mais dans la 4ème, la 6ème et la 8ème.

,1e désire obtenir des renseignements positifs à cet égard. J'avais déjà signalé, l'an dernier, ce désaccord entre la section centrale et M. le ministre de la guerre. Aujourd'hui, j'ai cru de mon devoir de rappeler la question à la Chambre, parce qu'en définitive nous ne devons pas voter un article important sous le coup d'une équivoque. Il faut qu'on décide nettement si le département de la guerre a le droit de rappeler, en temps normal, pendant un mois, les miliciens sous les drapeaux dans l'une ou l'autre des trois dernières années.

M. Rogierµ. - Les miliciens sont à la disposition du gouvernement pendant huit ans.

M. Muller, rapporteurµ. - L'honorable M. Rogier me fait une observation à laquelle il me sera facile de répondre. Il est évident qu'en cas de danger ou de menace de danger, on peut rappeler toutes les classes pendant huit ans et même plus. Mais il s'agit d'un service ordinaire, d'un rappel normal en temps de paix. Il faut savoir ce que la législature a entendu autoriser, et si elle se range à l'opinion de M. le ministre de la guerre, il en résultera d'assez grandes difficultés d'exécution, en ce qui concerne les hommes mariés, comme on le verra plus tard.

M. de Theuxµ. - Je demanderai le renvoi de tout l’article à la section centrale.

MgRµ. - Je regrette que l'honorable rapporteur de la section centrale ne m'ait pas prévenu de l'interpellation qu'il allait me faire.

J'aurais pu lui fournir la preuve que je n'ai pas voulu surprendre la bonne foi de la Chambre.

J'ai énoncé plusieurs fois dans cette enceinte l'intention du département de la guerre de rappeler les hommes de deux ans en deux ans.

Aux termes de la loi, messieurs, les hommes peuvent être appelés à servir huit ans en temps de paix et pendant deux autres années ils sont à la disposition du gouvernement.

En fait, autrefois on les gardait deux ans et demi sous les armes et on ne les rappelait plus que dans des circonstances très exceptionnelles. Cette pratique était certainement avantageuse pour les miliciens, mais elle était très regrettable au point de vue des intérêts de l'armée et du pays. Les hommes ainsi renvoyés ne se considéraient plus comme soldait ; ils se croyaient quittes et libres et ne conservaient pas les effets qu'ils avaient emportés.

Quant aux effets laissés en magasin, ils finissaient par se détériorer, faute d'emploi, à tel point que si l'on avait dû rappeler les classes il y aurait eu beaucoup de mécomptes.

Sous d'autres rapports, l'expérience a démontré que. l'armement, les manœuvres peuvent changer. Il est indispensable que les classes soient tenues au courant des innovations pour être toujours prêtes à entrer en campagne et il est bien préférable de rappeler les 4ème, 6ème et 8ème classes pendant un mois que de les rappeler pendant les trois années qui suivent le temps passé sous les drapeaux.

En ce qui concerne le mariage, je ferai observer qu'on ne rappelle pas les hommes mariés de la 8ème classe ; on rappelle, il est vrai, les hommes mariés de la 6ème classe.

Mais cela ne présente pas de grands inconvénients, parce qu'ils sont peu nombreux et n'ont pas encore de famille.

Je le répète, messieurs, il faut maintenir le rappel des 4ème, 6ème et 8ème classes ; je crois l'avoir précédemment déclaré dans cette enceinte. Je ferai des recherches à ce sujet et je démontrerai que la Chambre peut voter l'article sans crainte d'équivoque.

M. Muller, rapporteurµ. - Il n'a jamais été dans ma pensée de supposer que M. le ministre de la guerre eût pu tendre une sorte de piège, à la Chambre ; je ne révoque pas en doute qu'il ait parlé dans cette enceinte du rappel des diverses classes, de deux en deux ans, mais le texte de l'article n'est pas conforme à une semblable déclaration ; je dis donc que si la Chambre adopte à cet égard l'opinion du département de la guerre, il faut absolument que l'article soit changé ; sans cela, vous ne pourriez pas rappeler la réserve dans les mêmes conditions ; car là il n'y a pas de doute possible.

MiPµ. - Demain la section centrale se réunit pour examiner les dispositions qui lui ont été renvoyées ; je crois qu'il faudrait tenir tout l'article en suspens ; le gouvernement se mettra d'accord avec la section centrale pour modifier la rédaction.

Je crois qu'elle peut être notablement améliorée.

MpDµ. - M. le ministre de l'intérieur propose de renvoyer l'article et les amendements à la section centrale.

- Le renvoi est décidé. Les amendements seront imprimés et distribués.

Proposition de loi relative au domicile de secours

Motion d’ordre

M. Wasseigeµ (pour une motion d’ordre). - Messieurs, les sections se sont occupées, aujourd'hui, d'un projet de loi dû à l'initiative d'un de nos honorables collègues. Ce projet a pour objet des changements à apporter à la législation sur le domicile de secours. Il a une très grande importance et nous ne saurions être entourés de trop de lumières dans notre examen.

(page 96) Or, il paraît que les chambres hollandaises sont saisies d'un projet de loi sur la matière et que l'exposé des motifs a été distribué.

D'après ce que nous dit l'honorable M. Kervyn, auteur du projet dont nous nous occupons, cet exposé des motifs contient les considérations les plus importantes et les plus remarquables sur le sujet qui est actuellement soumis aux délibérations des sections.

L'honorable M. Kervyn est prêt a mettre à la disposition de la Chambre l'exemplaire officiel qu'il s'est procuré de cet exposé des motifs. Je demanderai à l'assemblée si elle verrait de l'inconvénient à ordonner la traduction, l'impression et la distribution de ce document. Ce serait de la plus grande utilité pour que chacun de nous fût à même d'étudier convenablement cette matière si importante, et il faudrait que cela pût se faire avant l'examen en sections.

C'est pourquoi je demande que la Chambre veuille bien ordonner la traduction, l'impression et la distribution de ce document.

MjBµ. - Messieurs, le gouvernement a préparé un projet de loi sur le domicile de secours, qui sera déposé d'ici à quelque temps.

La Chambre a naturellement le droit de continuer l'examen du projet de loi déposé par l'honorable M. Kervyn ; mais, dans l'intérêt des travaux de l'assemblée, je dois lui annoncer l'intention du gouvernement,

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - Je n'ai déposé cette proposition qu'après avoir engagé, pendant plusieurs sessions, le gouvernement à nous saisir d'un projet de loi sur la matière.

Je pense que maintenant que les sections ont déjà examiné ce projet, il serait regrettable de suspendre la solution ou tout au moins la discussion d'une loi réclamée depuis si longtemps et d'une manière si urgente. J'espère donc que l'honorable ministre de la justice hâtera autant que possible l'achèvement du travail auquel il s'est livré et qu'il voudra bien le communiquer à la section centrale.

Quant à la proposition de l'honorable M. Wasseige qui ne consiste qu'à mettre sous les yeux de la Chambre un document se rapportant à cette question, je pense qu'elle ne rencontrera aucune opposition.

MjBµ. - Je n'ai nullement entendu gêner la Chambre dans l'exercice de son droit d'examen, mais j'ai tenu à lui faire connaître que le gouvernement la saisirait prochainement d'un projet de loi sur le domicile de secours.

Je dois déclarer cependant que les idées de l'honorable M. Kervyn ne sont nullement celles du gouvernement.

Et quant au dépôt du document dont il est question, je n'y vois aucune espèce d'inconvénient. Toutefois, j'ai lieu de croire qu'il a déjà été traduit à mon département. Si la Chambre y consent, je ferai examiner la chose.

Je crois qu'il vaut mieux, dans tous les cas, que la pièce soit traduite au département de la justice et communiquée par le gouvernement.

M. Wasseigeµ. - Je ne vois aucun inconvénient à ce que le travail soit fait par le département de la justice. Je demande seulement qu'il soit fait le plus tôt possible.

M. de Naeyerµ. - Il est bien entendu que l'on imprimera en même temps le texte hollandais.

MpDµ. - Il est convenu que M. le ministre de la justice fera traduire le document dont il s'agit et qu'il le communiquera à la Chambre.

- Plusieurs voix. - A demain !

MpDµ. - La Chambre entend-elle commencer demain par les rapports de pétitions ?

- La Chambre décide qu'elle s'occupera, en premier lieu, des rapports de pétitions.

- La séance est levée à quatre heures trois quarts.